2.2.2 Déni de grossesse : recherche d'un
consensus
Le terme de déni de grossesse a fait son apparition en
1976 dans la littérature médicale. Par convention, il incarne
aujourd'hui le fait pour une femme enceinte de ne pas avoir conscience de son
état gravidique. Selon Catherine Bonnet, pédopsychiatre,
l'existence d'un déni de grossesse est envisageable si cette non-prise
de conscience persiste au-delà de la fin du premier trimestre [41],
notion reprise par les autres spécialistes.
Dans la littérature actuelle, on différencie
volontiers déni « partiel » et déni
« total ».
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 27/89
Le déni partiel est par définition levé
avant l'accouchement. La prise de conscience de la grossesse se ferait plus
fréquemment au 2e trimestre, et laisserait supposer d'un
degré d'intensité moindre du déni, puisque la femme a
été en mesure de - ou a été conduite à -
lever ce mécanisme de défense. Certains spécialistes
considèrent les demandes d'IVG tardives ou à délai
dépassé comme une éventuelle forme partielle de
déni de grossesse, et qui devraient donc bénéficier d'une
analyse voire d'une approche thérapeutique allant dans ce sens [11] [23]
[25].
Le déni total, ou déni massif, désigne le
déni s'étendant jusqu'à l'accouchement et parfois
au-delà dans le post-partum [28]. Il est potentiellement d'une
gravité accrue, car hormis le fait qu'il implique un mécanisme de
défense psychique suffisamment puissant pour recouvrir toute une
grossesse, il entraîne des situations à risque élevé
pour la mère et l'enfant : pathologies gravidiques non suivies,
prématurité, accouchement inopiné à domicile ou sur
le lieu de travail, souffrances psychiques et physiques, décès du
nouveau-né, hémorragies maternelles...
Les notions de déni total et de déni partiel
seraient nées d'une volonté de simplification des journalistes et
sont aujourd'hui remises en cause par certains spécialistes car bien
trop caricaturales [23].
Aujourd'hui encore, le déni de grossesse ne dispose
d'aucune définition précise dans les dictionnaires de
psychiatrie, psychologie et de gynécologie-obstétrique, ce
malgré l'intérêt croissant qu'il suscite. Une proposition
avait été faite d'inclure le déni de grossesse dans le DSM
ou « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
», manuel de référence classifiant et catégorisant
des critères diagnostiques et recherches statistiques de troubles
mentaux spécifiques. Cette demande a été refusée,
mais elle n'avait par ailleurs pas fait l'unanimité des
spécialistes, qui craignaient une stigmatisation du déni de
grossesse comme pathologie psychiatrique. Or pour beaucoup d'auteurs, le
déni de grossesse n'est pas une pathologie à part entière,
mais bien un « symptôme psychique » : il ne fait pas le
diagnostic d'une pathologie mentale particulière, mais recouvre un
ensemble de situations psychiques. [11]
Une approche de définition avait été
émise par Jacques Dayan dans son abrégé de
psychopathologie de la périnatalité paru en 1999 : «
l'expression de déni de grossesse regroupe toutes les formes de
négation de grossesse à participation
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 28/89
principalement inconsciente, conduisant la femme souvent
tardivement et brutalement à la reconnaissance pleine et entière
de son état, généralement lors du travail, voire seulement
de la naissance. »
Par le terme général de négation de
grossesse, il rassemblait les trois situations affectant la reconnaissance par
la femme de son état gravidique : la dissimulation, la
dénégation, et le déni.
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