L'application de la loi dite foncière dans la résolution des conflits fonciers en territoire de Lubero en RDC( Télécharger le fichier original )par Jackson MUMBERE KINANGA Université oficielle de Ruwenzori - Graduat en droit privé 2012 |
2.2.4. PREDOMINANCE DES PRATIQUES EN MARGE DE LA LOISans doute, la loi dite foncière de 1973, inspirée par la loi Bakajika qui fût élaborée pour répondre aux besoins réels du peuple de la République démocratique du Congo, édicté des normes précises qui réglementent le domaine d'achat, de vente et de location des terres et ou des concessions. Relativement à la mise de parcelle sur le marché, l'article 63 de ladite loi dispose que pour les localités érigées en circonscriptions urbaines, le président de la République ou son délégué fait dresser un plan parcellaire des terrains à concéder. Dans les Provinces, les Gouverneurs sont délégués pour établir les plans parcellaires. Un terrain qui ne fait pas partie d'un plan parcellaire ne peut être mis sur le marché et concédé que par un arrêté spécial du Gouverneur de province (art5, ordonnance du 02 juillet 1974) Cependant, ces dispositions officielles sont souvent ignorées tant des administrations foncières que des autorités territoriales locales (Maires, Bourgmestres, Administrateurs de Territoire, Chefs de Chefferie, de Secteur, de Groupement, de Localité), lesquelles, selon le cas, « régularisent » des situations contraires à la loi ou tout simplement attribuent sans en avoir la compétence des droits sur des parcelles et délivrent des « titres » : les fiches parcellaires61(*). Ces pratiques sont tellement répandues à travers le pays qu'elles ont fini par avoir une certaine légitimité, mieux une efficacité symbolique. Les attributions de terrain par les autorités locales sur les sites non lotis et non aménagés et les morcellements multiples des parcelles détenues en vertu des fiches parcellaires sont responsables des constructions anarchiques et de nombreux conflits fonciers. Bref, les pratiques administratives et populaires mettent plus ou moins en échec la loi du 20 juillet 1973 portant notamment régime foncier et immobilier. Ces pratiques posent particulièrement un problème en ce qui concerne d'une part la valeur juridique. C'est-à-dire les effets juridiques liés à ces « titres » qui sont abusivement délivrés aux populations par des autorités incompétentes, d'autre part l'application des sanctions. Les titres fonciers délivrés par les autorités territoriales sont, en effet juridiquement des actes nuls. Ils ne peuvent ni fonder ni attester, à titre probatoire, l'existence d'un droit sur le sol. Un fait s'impose à l'observation : les pratiques foncières en marge de la loi prédominent en milieu urbain et elles ne sont point sanctionnées. L'article 65 de la loi dite foncière dispose par ailleurs que les terrains sont concédés sous réserve des droits des tiers. Un problème se pose à cet égard en cas d'extension des villes et de création de nouvelles cités. Ces situations s'accompagnent généralement des contestations, car elles portent atteinte aux droits coutumiers des populations locales. La question est ici de savoir si des droits coutumiers peuvent être exercés sur des terres devenues urbaines. D'autre part, lors de la création d'un marché foncier, en l'absence d'une procédure d'expropriation préalable pour l'utilité publique. Les droits coutumiers restent-ils intacts sur les différents lots faisant partie du plan parcellaire ? Les opérations foncières consécutives au changement du statut administratif des zones rurales ne semblent assez souvent obéir à aucune logique juridique. * 61 La fiche parcellaire était à l'origine d'un document d'identification des personnes résident sur une parcelle. Avec le temps, les autorités locales l'ont convertie en document établissant la propriété d'une maison. La délivrance de la fiche parcellaire est à ce jour inscrite au titre de recette dans le budget des entités décentralisées. |
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