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L'application de la loi dite foncière dans la résolution des conflits fonciers en territoire de Lubero en RDC

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par Jackson MUMBERE KINANGA
Université oficielle de Ruwenzori - Graduat en droit privé 2012
  

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CHAPITRE DEUXIEME : LA LOI FONCIERE ET LA RESOLUTION DES CONFLITS FONCIERS EN TERRITOIRE DE LUBERO

Le conflit doit être résolu afin de diminuer les tensions qu'il crée dans la société. Généralement, la résolution des conflits ou litiges revient, dans plusieurs pays à l'heure actuelle, aux Cours et Tribunaux39(*). La loi organise des cours et tribunaux pour trancher les litiges civiles de diverses natures qui naissent entre les citoyens.

Dans le présent chapitre, il est question d'étudier les litiges fonciers régis par la loi foncière (section I) et les obstacles de l'application de la loi foncière en territoire de Lubero (section II).

2.1. LES LITIGES FONCIERS REGIS PAR LA LOI FONCIERE

Il n'existe pas des règles judiciaires spéciales de résolution des conflits fonciers. Les conflits fonciers régis par la loi tout comme par les coutumes, obéissent aux mêmes règles de la procédure judiciaire. Ce point traite des tribunaux compétents pour connaître les litiges fonciers (§1)

2.1.1 : LES TRIBUNAUX COMPETENTS

Les tribunaux compétents en matière foncière sont ceux de droit commun et qui obéissent aux mêmes règles des compétences. Cependant, ce qui nous intéresse sont les compétences de ces tribunaux en matière foncière. Ainsi nous analyserons les compétences civiles et les compétences répressives.

A. les Tribunaux Civils

Les compétences en matières civiles sont essentiellement reparties entre le Tribunal de Paix et le Tribunal de Grande Instance ; la Cour d'Appel et la Cour Suprême de Justice ne connaissent que les affaires sur recours.

A1. Le Tribunal de Paix

Aux termes de l'ordonnance,-loi N°82-020 du 1er mars 1982 portant code d'organisation et des compétences judiciaires à son article 110 alinéa 2, les Tribunaux de Paix connaissent de toutes les autres contestations susceptibles d'évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas cinq mille Zaïres (le montant était ramené à 500 millions des francs congolais par la conférence Nationale souveraine40(*) mais qui est malheureusement resté lettre morte car jusqu'à présent aucune ordonnance n'a modifié celle de 1982)

L'analyse de cette disposition élargit les compétences du tribunal sans citer nommément les types des conflits que celui-ci doit connaître. Contrairement à l'alinéa premier du même article qui limite les compétences du Tribunal seulement aux contestations qui portent sur les droits de la famille, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume ; l'alinéa 2 étend sa compétence aux litiges dont la valeur en argent ne dépasse pas 5 milles Zaïres. Cet alinéa exclut du champ d'application des compétences du tribunal de paix, les conflits fonciers régis par le droit écrit, on cite par là les concessions perpétuelles et ordinaires prévues par la loi dite foncière de 1973 mais aussi les terres du domaine public de l'Etat.

A2. Le Tribunal de Grande Instance

Le Tribunal de Grande Instance est compétent pour connaître des toutes les contestations ne relèvant pas du Tribunal de Paix41(*). Cette disposition incluts toutes les contestations qui ne relèvent pas du Tribunal de Paix, c'est-à-dire toutes les dispositions dont la valeur excède 5000 Francs congolais.

D'emblée toutes les contestations foncières relèvent du tribunal de Grande Instance. En outre, aux termes de la loi dite « foncière », les décisions du Conservateur peuvent être attaquées par un recours devant le Tribunal de Grande Instance. Le recours est introduit par voie d'assignation du fonctionnaire, dans les formes de la procédure civile42(*). Le conservateur des titres immobiliers est un fonctionnaire de l'Etat qui administre une circonscription foncière43(*).

En effet, en matière civile les litiges fonciers qui opposent les parties relèvent pour leur grande part du tribunal de grande instance.

B. Les tribunaux répressifs.

Les conflits fonciers dans bien des cas, entraînent la commission des infractions. Ainsi, nous rappelons seulement les principes relatifs à la compétence matérielle, des Tribunaux des Paix et de Grande Instances.

B1. Le Tribunal de Paix

Le Tribunal de Paix en matière répressive est compétent pour connaître de toutes les infractions punissables de 5 ans, au maximum, de servitude pénale principale et d'une peine d'amende, quel qu'en soit le taux, ou l'une de ces peines seulement44(*).

Ce qui revient à dire qu'une violation des droits fonciers dont les peines sont inférieures à 5 ans de servitude pénale principale sont de la compétence du tribunal de paix. Il en est le cas des infractions prévues aux articles 205, 207 de la loi N° 73-021 du 20 juillet 1973 dite loi foncière.

En effet la loi dite « foncière » dispose :

1. Sera passible d'une peine de 6 mois à 5 ans et d'une amende de 50 à 300 Zaïres ou d'une de ces peines seulement :

ü L'autorité qui aura conclu au nom de la personne publique, propriétaire, un contrat nul.

ü Le fonctionnaire qui aura dressé un certificat d'enregistrement en vertu d'un tel contrat.

2. sera passible d'une peine de 2 à 5 ans et d'une amende de 100 à 300 Zaïres ou d'une de ces peines seulement.

Toute personne qui, par contrainte, menace ou toute autre pression aura obligé un fonctionnaire de l'administration du domaine ou des titres immobiliers à agir en violation des dispositions de la présente loi.

Nul ne peut construire ou réaliser n'importe quelle autre entreprise sur une terre concédée en vertu d'un contrat frappé de nullité. Toute infraction à la disposition qui précède sera punie d'une servitude pénale de deux mois à un an et d'une amende de 100 à 500 Zaïres ou d'une de ces peines seulement. Tout acte d'usage ou de jouissance d'une terre quelconque qui ne trouve pas son titre dans la loi, constitue une infraction punissable d'une peine de deux à six mois de servitude pénale et d'une amende de 50 à 500 Zaïres ou d'une de ces peines seulement. Les co-auteurs et complices de cette infraction seront punis conformément au prescrit des articles 21 et 22 du code pénal. Un contrat de concession est nul aux termes de l'article 204 de la loi dite « foncière ». Tout contrat de concession conclu en violation des dispositions impératives de la présente loi ; tout contrat contraire aux dispositions impératives d'ordre urbanistique.

B2. Le Tribunal de Grande instance

Le Tribunal de Grande Instance est compétent pour toute infraction punissable d'une peine de mort et de celle punissable d'une peine de servitude pénale principale de plus de cinq ans45(*). Certaines infractions de la compétence de ce tribunal sont soumises dans le cadre des conflits fonciers. D'où on peut citer : le meurtre, l'extorsion, la rébellion, stellionat, occupation illégale des terres, destruction méchante des cultures,...

C. Présentation des infractions courantes

Nous avons bien dit précédemment que les conflits fonciers dans bien des cas, entraînent la commission des infractions. C'est pourquoi, le tableau ci-après démontre les infractions courantes qui ont comme soubassement les conflits fonciers.

Infractions courantes aux conflits

ANNEES

TOTAL

%

1

Occupation illégale des terres

2006

2007

2008

2009

2010

98

107

120

131

147

603

63,5

2

Stellionat

8

11

13

15

18

65

6,8

3

Destruction méchante des cultures

2

1

2

4

4

13

1,3

4

Autres infractions

30

31

57

68

72

268

28,4

SOURCES : Nos enquêtes au tribunal de paix de Butembo

D. Commentaires

1. Sur un total général de 949 infractions examinées par les Tribunal de paix de Butembo relativement en sa compétence matérielle, 603 infractions sont constituées par l'occupation illégale des terres, 65 cas de stellionat ainsi que la destruction méchante constituées par 13 cas. Les autres infractions dans leur ensemble n'occupent que la différence de 268 infractions sur le total de 949. A terme de pourcentage, les trois infractions dues à la terre susmentionnées réalisent 71,6% dont 63,5% d'occupation illégale ; 6,8% stellionat ; et 1,3 % de destruction méchante des cultures ; le reste d'infractions n'occupent que 28,4%%

Face à un tel constat, il y a lieu d'affirmer que parmi les infractions qui sont traitées par le Tribunal de Paix de Butembo, celles d'occupations illégales des terres, de destruction des cultures ainsi que de stellionat ont le mérite d'être qualifiées d'infractions courantes.

2. S'il nous faut considérer chacune de ces trois infractions, leur évolution va de façon croissante d'une année à une autre tel qu'il ressort des éléments ci-après :

v Pour l'occupation illégale des terres, 98 cas à 2006, 107 cas à 2007 ; 120 cas à 2008 ; 131cas à 2009 et 147 cas à 2010.

v Pour le stellionat : 8 cas à 2006, 11 cas à 2007 ; 13 cas à 2008 ; 15 cas à 2009 et 18 cas à 2010.

v Pour la destruction méchante des cultures : 2 cas à 2006 ; 1 cas à 2007 ; 2 cas à 2008 ; 4 cas à 2009 ; enfin 4 cas à 2010.

Nous avons constaté que les conflits fonciers évoluent progressivement avec le temps. C'est pourquoi face à la recrudescence de ces trois infractions courantes avec le temps, examiner ici comme conséquence directe des conflits fonciers, il n' y ait point de doute d'affirmer qu'en Territoire de Lubero pareilles infractions sont les fruits desdits conflits. D'ailleurs, ces résultats pourraient présenter un nombre plus élevé que celui qui a été examiné par le Tribunal de Paix de Butembo, si tous les cas pouvaient être déclarés devant cette juridiction. Car, rappelons que le chiffre noir de la criminalité englobe les cas qui échappent aux juridictions compétentes.

3. S'agissant de la loi ;

Ø L'occupation illégale des terres est le fait d'occuper sans titre ni droit un immeuble appartenant à autrui. Cette infraction est incriminée par les articles 206 et 207 de la loi foncière.

Ø Le stellionat quant à lui est compris comme le fait de céder ou de vendre l'immeuble appartenant à autrui lui créant ainsi préjudices. L'article 96 du code pénal livre II en requiert la peine.

Ø La destruction méchante des cultures ; il s'agit de détruire volontairement les cultures appartenant à autrui assorti des préjudices grave. Les articles 110 à 112 du code pénal livre II en requiert la peine.

Les autres infractions examinées par le tribunal de paix de Butembo sont :

ü L'abus de confiance, article 45 du code pénal livre II

ü L'escroquerie article 98 du code pénal du livre II

ü Arrestation arbitraire : articles 67 du code pénal livre II

ü Le vol simple : article 79 du code pénal livre II

Dans cette catégorie nous nous servons de ces infractions à titre illustratif, car il ya bien d'autres qui ont été traitées par le tribunal de paix de Butembo relativement à sa compétence matérielle. Il sied aussi de rappeler que le territoire de Lubero n'a pas un tribunal de paix et que ce sont les tribunaux de Butembo qui connaissent de tous les litiges qui surgissent dans la gestion foncière. Ceux-ci sont appelés à appliquer la loi en cas des litiges fonciers. De ce fait, il convient de parler des obstacles de l'application de la loi foncière.

* 39 A. BERNARD, « L'arbitrage volontaire en droit privé. L'arbitrage en droit interne belge et Français. Etude critique comparée. L'arbitrage en droit international privé. Droit comparé », LGD, Paris, 1937

* 40 LUZOLO BAMBI LESSA, cours d'organisation et compétence judiciaires, UNIKIS, inédit, Kisangani, 2004-2005, P.100

* 41 Article 111 de l'O.L N°82-020 du 1er mars 1982, portant code d'organisation et de compétence judiciaire.

* 42 Article 244 de la loi N° 73-021du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés.

* 43 Article 223, idem

* 44 KATUALA KABA KASHALA, Code judiciaire Zaïrois annoté, édition Asyst SPRL, Kinshasa, 1995,P37

* 45 KATUALA KABA KASHALA, op-cit P38

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