2.1.2 Théories de la diffusion et
de l'adoption de l'innovation
La théorie de la diffusion de l'innovation
proposée en 1962 par Everett Rogers a été appliquée
autant sur le plan individuel (Rogers, 1995) que sur le plan organisationnel
(Zaltman, Duncan, & Holbeck, 1973). Elle offre un cadre conceptuel au
concept d'acceptabilité car son but est d'expliquer comment une
innovation technologique évolue du stade d'invention à celui
d'utilisation élargie. Selon Rogers (1995), il existerait cinq
éléments qui détermineraient l'adoption ou la diffusion
d'une nouvelle technologie :
L'avantage relatif est le degré auquel
une innovation est perçue comme étant meilleure que celles qui
existent déjà. Il n'est pas nécessaire que cette
innovation possède beaucoup plus d'avantages que les autres mais ce qui
est important, c'est que l'individu la perçoive comme étant
avantageuse,
La compatibilité est une mesure du
degré auquel une innovation est perçue comme étant
consistante avec les valeurs existantes, les expériences passées,
les pratiques sociales et normes des utilisateurs. Une idée qui serait
incompatible avec les valeurs et normes actuelles prendrait plus de temps
à être adoptée qu'une innovation compatible. De même,
dans certains cas, l'adoption d'une innovation compatible, nécessitera
l'adoption au préalable d'un nouveau système de valeur ce qui
peut prendre un temps considérable.
La complexité est une mesure du
degré auquel une innovation est perçue comme étant
difficile à comprendre et à utiliser. Les nouvelles idées
qui sont simples à comprendre vont être adoptées beaucoup
plus rapidement que d'autres qui nécessitent de développer de
nouvelles compétences avant de pouvoir les comprendre.
La testabilité consiste en la
possibilité de tester une innovation et de la modifier avant de
s'engager à l'utiliser. L'opportunité de tester une innovation va
permettre aux éventuels utilisateurs d'avoir plus de confiance dans le
produit car il aura eu la possibilité d'apprendre à l'utiliser.
L'observabilité est le degré
auquel les résultats et bénéfices d'une innovation sont
clairs. Plus les résultats de l'adoption de l'innovation seront clairs
et plus les individus l'adopteront facilement.
Chacune de ces caractéristiques prise seule n'est pas
suffisante pour prédire de l'adoption d'une innovation mais des
études ont démontré qu'une combinaison de ces
caractéristiques (des avantages, une compatibilité avec les
croyances et les normes, un niveau de complexité bas, une
possibilité de tester l'innovation et un fort degré
d'observabilité) résulteront en de plus grandes chances
d'adoption de l'innovation (Rogers, 1995). Par ailleurs, Tornatzky et Klein
(1982) ont réalisé une analyse de la littérature portant
sur la théorie de la diffusion de l'innovation et ont
démontré que trois de ces cinq caractéristiques
s'avèrent primordiaux pour l'adoption d'une innovation. En effet, la
compatibilité et les avantages relatifs seraient positivement
liés à l'adoption tandis que la complexité y serait
négativement liée.
Une étude de Moore et Benbasat (1991) a porté
sur ces caractéristiques. Leurs résultats ont
démontré que les caractéristiques qui déterminaient
l'adoption d'une innovation étaient ceux mentionnés par la
théorie de la diffusion de l'innovation de Rogers mais avec quelques
modifications. En effet, ils y ont également ajouté le concept
d'image qui se réfère au degré auquel l'utilisation de
l'innovation améliore le statut social de l'individu et ont
distingué deux dimensions au sein de l'attribut d'observabilité.
Ces deux dimensions sont la visibilité de l'innovation et la
possibilité d'en démontrer les résultats. Moore et
Benbasat (1995) ont par la suite testé leur modèle et ont
démontré que le volontarisme, les normes sociales en place et
l'ensemble des caractéristiques décrits
précédemment étaient les éléments qui
influençaient le plus l'adoption.
La théorie de la diffusion de l'innovation
proposée par Rogers a aussi permis de catégoriser les adoptants,
il en ressort qu'il existe cinq catégories d'adoptants :
Les innovateurs (aventureux), ils ont un
intérêt particulier pour les nouvelles idées. Ce sont eux
qui présentent une innovation à l'intérieur de leur
système social. Ils peuvent être comparés aux Pionniers ou
Mordus (Bibeau, 2006).
Les premiers adoptants, plus
intégrés à l'intérieur du système social que
les innovateurs, les premiers adoptants sont des leaders d'opinion
auprès de qui les autres membres s'informent et demandent un avis sur
l'innovation. Ils peuvent être comparés aux Sceptiques (Bibeau,
2006)
La première majorité.
Représente près 1/3 des membres du système,
adopte une innovation juste avant la moyenne du système social. Elle
sert de courroie de transmission entre les membres qui ont adopté
l'innovation relativement très tôt et ceux dont la décision
tarde ; comparativement aux Insécures (Bibeau, 2006)
La majorité tardive. Représente
aussi 1/3 des membres du système. Elle adopte une innovation juste
après la moyenne du système social et sous la pression d'une
nécessité économique. Dès que les incertitudes sur
l'innovation sont levées, elle consent à l'adopter.
Comparativement aux Craintifs (Bibeau, 2006)
Les retardataires (Bibeau,
2006). Fortement encrés dans la tradition du
système et ayant pour référence le passé, ils
suspectent l'innovation et sont très résistants à une
nouveauté. Ils veulent se rassurer de la réussite de l'innovation
avant qu'ils ne l'adoptent.
Le tableau 1 présente les phases d'adoption d'une
innovation
Tableau 1: Phases
d'adoption d'une innovation selon Reitter
Phases
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Processus d'adoption
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La connaissance
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L'individu explore l'innovation et ne demande que quelques
notions sur son fonctionnement
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La persuasion
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L'individu commence à s'intéresser à
l'innovation pour son adoption
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La décision
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L'individu s'engage à des activités devant lui
permettre d'adopter ou de rejeter l'innovation
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L'implantation
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L'individu utilise quotidiennement l'innovation pour
évaluer ses avantages
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La confirmation
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L'individu tente d'obtenir des informations venant renforcer
son choix (adoption ou rejet).
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Source : Ekenguele, 2009.
La théorie de la diffusion et de l'adoption de
l'innovation peut s'avérée utile pour comprendre le processus de
mise sur pieds et d'adhésion aux mutuelles de santé qui dans le
cadre de notre étude peuvent êtres considérées comme
des innovations.
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