La Constitution du 18 février 2006: garantie de la bonne gouvernance en RDC( Télécharger le fichier original )par Abel PALUKU KAKULE Université libre de Kinshasa - Licence en droit public interne 2011 |
§2. LES ACTEURS DE LA BONNE GOUVERNANCEIl ne suffit pas à un pays d'avoir des institutions élues pour se croire en démocratie ou dans un État de droit. Mais, il faut surtout compter sur la capacité des acteurs de ces institutions à se conformer aux prescrits des textes constitutionnels et légaux qui promeuvent la démocratie, l'État de droit et la bonne gouvernance. Avec le professeur Grégoire BAKANDEJA WA MPUNGU, il y a lieu pour nous d'affirmer que la participation et la responsabilité des acteurs constituent au premier abord les piliers de la bonne gouvernance. Celle-ci se construit avec le concours des acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels. De leur comportement dépend la réussite de tout processus de démocratisation d'un État18(*). Ainsi, au sein d'un État, les acteurs qui doivent oeuvrer à l'émergence de la bonne gouvernance sont, d'une part, publics et, d'autre part, privés. 1. ACTEURS PUBLICS DE LA BONNE GOUVERNANCE Sur la liste des acteurs publics de la bonne gouvernance figurent le Président de la République, le Parlement, le gouvernement, les Cours et Tribunaux, les institutions d'appui à la démocratie et les partenaires internationaux19(*). A. Le Président de la République Le Président de la République est le chef de l'État. Il représente la nation et il est le symbole de l'unité nationale. A ce titre, il veille au respect de la Constitution, il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs et des institutions ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux20(*). Ces fonctions placent le président de la République au dessus de la bonne gouvernance. Son rôle à ce niveau et son leadership consiste à inciter tous les autres à la pratique de la bonne gouvernance. La République Démocratique du Congo consacre la limitation du mandat du président de la République. Prévu dans la Constitution du 1er août 1964, le principe est repris dans la Constitution du 18 février 2006. Ce texte mentionne que « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois21(*). De l'analyse de cette disposition constitutionnelle, on peut retenir que, sur le plan juridique, la limitation du mandat du président de la République vise l'encadrement et la limitation du pouvoir. Dans un régime représentatif, la référence aux valeurs démocratiques dans l'exercice du pouvoir doit être une préoccupation permanente des gouvernants. Une partie de la doctrine considère, à juste titre, que la démocratie est étroitement liée aux élections. L'élection est un mode de transmission du pouvoir du peuple à ses représentants. Elle est la voie par laquelle les gouvernés arrivent à exercer concrètement la liberté et l'égalité politique qui leur sont reconnues par la Constitution22(*). B. Le Parlement : L'Assemblée nationale et le Sénat Le pouvoir législatif est exercé par un Parlement composé de deux chambres : L'Assemblée nationale et le Sénat. Chacune des chambres jouit de l'autonomie administrative et financière et dispose d'une dotation propre. La naissance du Parlement avait pour fondement essentiel le souci du contrôle de l'action de l'exécutif. La configuration étatique actuelle prévoit que le pouvoir législatif soit exercé au niveau national par l'Assemblée nationale et le Sénat et au niveau provincial par l'Assemblée provinciale23(*). Le Parlement national vote les lois tandis que les Assemblées provinciales légifèrent par voie d'édit. La législation nationale prime sur un édit provincial. Dans le cadre de la répartition constitutionnelle des compétences entre le pouvoir central et les provinces, il a été prévu une collaboration entre le Parlement national et les Assemblées provinciales. Une Assemblée provinciale ne peut légiférer sur les matières relevant de la compétence exclusive du Parlement national en l'absence d'une loi d'habilitation24(*). Sans un édit d'habilitation, le Parlement national n'est pas autorisé à légiférer sur les matières de la compétence exclusive d'une province25(*). Le Parlement vote les lois, contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics. Même si avec l'évolution, la fonction législative semble prendre le dessus sur celle du contrôle, le Parlement demeure le lieu par excellence où se promeut la bonne gouvernance. C'est dans ce sens que l'article 138 de la Constitution énumère d'une manière claire les moyens d'information et du contrôle du Parlement sur le gouvernement permettant ainsi, lorsqu'ils sont utilisés avec efficacité, d'assurer la gestion de l'État en vertu des exigences de la bonne gouvernance. Le spectre des sanctions (motion de censure et motion de défiance), est un atout qui renforce le rôle du Parlement dans ce domaine. C. Le Gouvernement de la République Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la nation et en assure la responsabilité. Le Gouvernement conduit la politique de la nation. La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement. Le Gouvernement dispose de l'administration publique, des forces Armées, de la Police nationale et des services de sécurité26(*). Le Gouvernement conduit la politique de la nation et il est responsable devant l'Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146, et 147. De part sa mission de gérer l'État au quotidien, le Gouvernement apparaît comme le plus concerné par les exigences de la bonne gouvernance. Dans ses tâches de mise en oeuvre des politiques du pays, de l'exécution des lois, de mobilisation des ressources publiques et du fait qu'il est en contact direct avec les citoyens, le Gouvernement semble être le premier architecte de la bonne gouvernance au sein de l'État. D. Les Cours et Tribunaux Le développement d'une nation ne se mesure pas uniquement aux diverses ressources naturelles et aux potentialités dont le pays peut disposer. Il est également tributaire de la capacité de mobilisation des énergies capables de créer un espace d'exercice et de protection des libertés individuelles et des droits fondamentaux de l'homme. Ce rôle est dans un État moderne, assumé par un pouvoir judiciaire indépendant27(*). L'indépendance du pouvoir judiciaire tire son fondement de la théorie de la séparation des pouvoirs. Conçue par Aristote, la séparation des pouvoirs a été théorisée par Montesquieu au XVIIe siècle. C'est la Constitution américaine de 1787 qui l'a appliquée pour la première fois. A partir de cet instant, plusieurs Constitutions modernes s'y sont référé et depuis lors, la théorie n'a cessé de faire son chemin28(*). La séparation des pouvoirs procède de distinction entre les trois fonctions traditionnelles de l'État (législative, exécutive et judiciaire). Elle part de l'idée que « tout homme qui a du pouvoir est toujours porté à en abuser et il faut que, par la disposition des choses, que le pouvoir arrête le pouvoir »29(*). Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'État, la Haute cour militaire, les Cours et Tribunaux civils et militaires, ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions. Toutefois, soulignons que l'indépendance du pouvoir judiciaire ne signifie pas « séparation », car la justice doit compter sur la coopération avec les autres pouvoirs. Cette indépendance ne doit donc pas être absolue, car ce qui importe est qu'il n'y ait ni entrave, ni pression dans la mission propre de l'organe juridictionnel. Aussi, les organes judiciaires doivent aussi s'abstenir d'empiéter sur les prérogatives et pouvoirs de l'exécutif et du législatif30(*). Le pouvoir judiciaire dispose d'un budget élaboré par le Conseil supérieur de la magistrature et transmis au Gouvernement pour être inscrit dans le budget général de l'État31(*). Dans leur rôle de garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens, les Cours et Tribunaux jouent un rôle important dans l'émergence de la bonne gouvernance dans un État. En outre, les Cours et Tribunaux favorisent la bonne gouvernance à travers leur apport dans la lutte contre l'impunité. Et cela n'est possible que lorsqu'ils jouissent d'une réelle indépendance à l'égard de deux autres pouvoirs. E. Les institutions d'appui à la démocratie L'histoire politique et constitutionnelle de la RD Congo a connu, depuis la Constitution du 04 avril 2003, les institutions dites d'appui à la démocratie. Ces institutions contribuent à la bonne gouvernance par le fait qu'elles jouissent, du moins en théorie, d'une certaine indépendance vis-à-vis de l'exécutif et permettent aux citoyens d'exercer leurs droits sans passer directement par les services du Gouvernement. Ces institutions à l'origine étaient : - La Commission Électorale Indépendante ; - L'Observatoire National des Droits de l'Homme ; - La Haute Autorité des Médias ; - La Commission Vérité et Réconciliation ; - La Commission de l'Éthique et de la Lutte Contre la Corruption32(*). Sous la Constitution du 18 février 2006, les institutions d'appui à la démocratie sont : 1. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), chargée de l'organisation du processus électoral, notamment de l'enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum. Elle assure la régularité du processus électoral et référendaire. 2. Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC), qui a pour mission de garantir et d'assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi. Il veille au respect de la déontologie en matière d'information et à l'accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d'information et de communication33(*). F. Les partenaires internationaux (Organisations internationales et missions diplomatiques) L'apport des partenaires internationaux à l'émergence de la bonne gouvernance, de la démocratie et de l'État de droit est indispensable et cela pour des raisons évidentes. Le concept « communauté internationale », n'a pas été défini par la Constitution du 18 février 2006. On peut néanmoins l'entendre comme un ensemble d'acteurs internationaux intéressés à la crise congolaise et impliqués à sa résolution. Parmi ces acteurs, se trouvent les Nations Unies qui jouent le rôle de premier plan avec ses différentes structures aussi diverses que variées. A la tête de ces structures, se trouvent la Mission d'Observation des Nations Unies en RD Congo (MONUC) qui a été remplacée le 1er juillet 2010 par la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RD Congo (MONUSCO) en application de la résolution 1925 (2010) du Conseil de sécurité datée du 28 mai 2010. Ce changement reflète la nouvelle phase dans laquelle le pays est entré. La nouvelle mission est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de son mandat, notamment en vue d'assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l'homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques et pour appuyer le Gouvernement de la RD Congo dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). A côté de cette « mégastructure », on signale la présence des partenaires au développement au nombre desquels les partenaires multilatéraux (l'Union européenne et l'Union africaine) et bilatéraux constitués de quelques États américains, européens et africains34(*). D'une part, avec la croissance des liens d'interdépendance qui ploient sous la poussée de la mondialisation très envahissante et, d'autre part, le fait que la plupart des économies des États sous-développés (dont la RD Congo) ont été extraverties par la « sainte » volonté de certains partenaires anciens colonisateurs, aucun État africain ne peut se passer des apports extérieurs sans en payer un prix pour son développement35(*). 3. LES ACTEURS PRIVES DE LA BONNE GOUVERNANCE Les acteurs privés de la bonne gouvernance sont essentiellement le peuple Congolais et les organisations existant en son sein, regroupés au nom de la société civile. A. Le peuple Congolais La participation du peuple aux affaires publiques peut être acquise par trois mécanismes au moins, à savoir : d'un point de vue strictement administratif, nous pensons au principe fédéraliste, qui part de l'autonomie relative des entités composantes de l'État ; ces entités pouvant être dotées de fonctions étatiques qu'elles exercent à l'abri de tout lien hiérarchique. D'un point de vue politique, il s'agit des élections, et les exigences de celles-ci vont nous amener à deux questions : celle de la représentation du peuple dans un cadre démocratique et celle de l'organisation, et des missions des partis. Un troisième mécanisme est celui qui passe par la mobilisation de la société civile, définie comme ensemble d'ONG organisées et instituées36(*). Selon la Constitution congolaise du 18 février 2006, tout Congolais a le droit d'adresser individuellement ou collectivement une pétition à l'autorité publique qui y répond dans les trois mois. Nul ne peut faire l'objet d'incrimination, sous quelque forme que ce soit, pour avoir pris pareille initiative37(*). La Constitution du 18 février 2006 en son article 27 reconnait à tout Congolais le droit d'adresser une pétition à l'autorité publique. Cette disposition donne l'occasion au peuple Congolais d'oeuvrer en faveur de la bonne gouvernance en demandant aux dirigeants de rendre compte de leur gestion. En outre, le peuple Congolais détient le pouvoir électif qu'il peut à tout moment brandir pour pousser les élus à la pratique de la bonne gouvernance. B. La société civile L'État garantit la liberté d'association. Les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l'éducation de citoyennes et citoyens38(*). Par opposition à la société politique, la société civile est une réalité si complexe que sa définition soulève la question du sens qu'il convient de donner à la notion. A défaut d'avoir une définition classique donnée par la doctrine, nous nous contentons de celle proposée par Baudouin HAMULI KABARHUZA. Cet auteur définit la société civile comme : L'ensemble des groupements associatifs de nature diverse, formels ou informels, disséminés à travers un pays et qui mobilisent les citoyens au niveau local, national et international à participer de manière active à l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne, à promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, à travailler pour un développement équitable et à lutter pour un environnement plus sain39(*). La société civile peut désigner « un ensemble de groupes d'individus jouant, dans un État donné et à une époque déterminée, le rôle de contrepoids au pouvoir des gouvernants, des partis politiques et des entreprises »40(*). Ainsi, foisonnent dans un pays des structures se réclamant de la société civile mais poursuivant des finalités aussi diverses que variées. Aussi est-il permis de dire qu'un pays peut disposer d'un ou de plusieurs espaces d'expression de liberté d'association, traduisant l'émergence d'une ou plusieurs société civiles. La RD Congo n'a pas fait l'économie de ce phénomène. On y trouve plusieurs structures se réclamant de la société civile : les mouvements sociaux, les ordres professionnels, les confessions religieuses, les médias, voire les mouvements syndicaux. La société civile est donc, la première actrice de la bonne gouvernance, fonction sans laquelle, elle n'aurait pas raison d'exister. Elle est le véritable défenseur de l'intérêt général et de ce fait, elle exerce un contrepoids au pouvoir en place en dénonçant les conséquences des mauvaises politiques plus que ne le fait l'opposition politique. * 18 G. BAKANDEJA WAMPUNGU et Cie, Participation et responsabilité des acteurs politiques dans un Contexte d'émergence démocratique en RDC, op.cit, p.11. * 19 J. CIHUNDA HENGELELA, « Acteur de la bonne gouvernance en RDC post électoral », op.cit, p.208. * 20 Lire art. 69 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 21 Lire art. 70, al.1 de la Constitution de la R D Congo du 18 février 2006. * 22 J.-L. ESAMBO KANGASHE, C. MAKEPA NTAMBWE, « Les exigences juridiques et politiques pour la réussite des élections en République Démocratique du Congo », op.cit, p. 63. * 23 Lire l'art. 205, al. 3 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 24 Lire l'art. 61, al. 1 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008. * 25 Lire l'art. 61, al. 2 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008. * 26 Lire art. 91 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 27 J.-L. ESAMBO KANGASHE, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes et perspectives, op.cit, p. 90. * 28 J.-L. ESAMBO KANGASHE, « Regard sur l'Etat de droit dans la constitution congolaise du 4 avril 2003 », op.cit, p. 31. * 29 J.-L. ESAMBO KANGASHE, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, op.cit, p. 90. * 30 E.J. LUZOLO BAMBI LESSA, N.A. BAYONA BA MEYA, Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa, 2011, p. 86. * 31 Lire l'art. 149 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 32 Lire accord global et inclusif, Constitution de la transition, Ed. C.C.C.A.F, avril 2003, p.3. * 33 Lire les articles 211 et 212 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 34 J.-L ESAMBO KANGASHE, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, op.cit, p. 53. * 35 J. CIHUNDA HENGELELA, « Acteur de la bonne gouvernance en RD Congo post électoral », op.cit, p.210. * 36 C. KABUYA LUMUNA SANDO, « La participation populaire et la bonne gouvernance » dans l'ouvrage, La problématique de la gouvernance en RDC : défis et perspectives, de M. MUTINGA MUTUISHAYI (dir), op.cit, p.158. * 37 Lire l'article 27 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 38 Lire l'article 37 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 39 B. HAMULI KABARHUZA, « La contribution de la société civile à la construction de la République Démocratique du Congo », in P. MABIALA MANTUBA NGOMA, La République Démocratique du Congo : une démocratie au bout du fusil, Publication de la Fondation Konrad Adenauer, Kinshasa, 2006, p.225. * 40 Idem, |
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