La Constitution du 18 février 2006: garantie de la bonne gouvernance en RDC( Télécharger le fichier original )par Abel PALUKU KAKULE Université libre de Kinshasa - Licence en droit public interne 2011 |
CHAPITRE III. LES PRINCIPES ET LA PRATIQUE DE LA BONNE GOUVERNANCE SOUS LA CONSTITUTION DE LA IIIème RÉPUBLIQUEDepuis son indépendance, le 30 juin 1960, la RD Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l'une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchirées le pays de 1996 à 2003. En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la société civile, forces vives de la nation, réunis en Dialogue Inter Congolais ont convenu, dans l'Accord global et inclusif signé à Pretoria, en Afrique du sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple Congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles.104(*) L'élaboration da la Constitution du 18 février 2006 est intervenue dans un contexte politique caractérisé par la méfiance et la suspicion entre les différentes forces sociales et politiques en présence. Assurée par le Parlement de transition, l'initiative est apparue plus difficile en pratique. Elle a associé d'autres acteurs nationaux dans une perspective ouverte aux suggestions de la communauté internationale105(*). Élaborée par le Sénat sous forme d'avant projet, adoptée par l'Assemblée nationale de transition sous forme de projet, la Constitution de la RD Congo actuelle a été approuvée par la majorité du peuple Congolais lors du référendum organisé par la Commission Électorale Indépendante du 18 au 19 décembre 2005. C'est la promulgation le 18 février 2006 de cette Constitution par le Président Joseph KABILA KABANGE qui consacre juridiquement la fin d'une longue période de transition (débutée le 24 Avril 1990) et l'avènement de la troisième République. Pour contenter les uns (unitaristes) et les autres (fédéralistes), la forme de l'État proposée combine les éléments de l'État unitaire et ceux de l'État fédéral. Ainsi le constituant a structuré administrativement l'État en pouvoir central et provincial, lesquels sont dotés de personnalité juridique exerçant des compétences de proximité et administrés par des gouvernements et des Assemblées provinciales. Egalement, concernant le régime politique, le débat passionné à ce sujet à conduit le constituant à s'abstenir de trancher de manière absolue préférant la solution de compromis106(*). Celui-ci a consisté à la mise en place d'un régime qui combine les éléments du régime présidentiel (élection du Président de la République au suffrage universel direct) et ceux du régime parlementaire (responsabilité politique du Gouvernement devant l'Assemblée nationale). Tout compte fait, on peut affirmer que le régime politique institué par la Constitution du 18 février 2006 est de type parlementaire rationalisé107(*). Ainsi, en analysant le texte de la Constitution du 18 février 2006 ainsi que les éléments de la bonne gouvernance, nous remarquons l'existence de certains principes fondamentaux communs tel que : a. Le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif et à celui du pouvoir législatif, qui en fait le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens ; b. Le principe d'une Armée républicaine et d'une Police nationale, toutes deux apolitiques et soumises à l'autorité civile ; c. Le principe d'une Commission Électorale Nationale Indépendante et d'un Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication, dotée d'une personnalité juridique ; d. Le principe d'associer directement le peuple à la révision constitutionnelle, par une pétition populaire de 100.000 personnes ; e. Le principe de la parité homme-femme ; f. Le principe de bicaméralisme ou la réhabilitation de deux chambres du Parlement ; g. Le principe de la libre administration et de l'autonomie de gestion des provinces et entités territoriales décentralisées, dotées de la personnalité juridique et gérées par des organes locaux : Assemblée provinciale et Gouvernement provincial ; etc. h. La notion de liberté, la participation de tous, le respect des droits, le sens de l'intérêt général, la responsabilité, l'indépendance et la séparation des pouvoirs et aussi le contrôle et la libre expression.108(*) De ce constat, voici le schéma qui illustre bien leurs implications ou interférences : 1. La démocratie : toute bonne démocratie doit déboucher sur un État de droit. 2. L'État de droit : on ne peut parler d'un État de droit sans la bonne gouvernance. 3. La bonne gouvernance : n'est effective et réelle que dans la transparence. 4. La transparence : dans tous les domaines illustre le bon fonctionnement d'un État où d'une institution.109(*)
C'est dans ce cadre que nous observons les diverses caractéristiques de la bonne gouvernance à travers les différents domaines de la vie politique, économique, sociale et culturelle110(*) . Autant, l'alternance politique, le respect de l'adversaire politique, l'accès à l'instruction pour tous, la résolution pacifique des conflits, le pluralisme d'idées, d'opinions et la participation de tous dans la vie politique de la nation révèlent la bonne gouvernance dans le domaine politique, autant, la gestion transparente dans la production, la liberté d'entreprise et de commerce, le droit de propriété politique et économique, le respect des contrats signés, en témoignent au niveau économique. Aussi, socialement, elle se trouve indiquée par : la pratique d'une bonne législation sociale, la pratique de bons salaires pour tous, le contrôle des décideurs à tous les niveaux, le respect de la retraite, les bons rapports entre employeurs et employés, le respect et la pratique de la sécurité sociale pour tous. De même, au niveau culturel, ses traits saillants sont : le respect d'égalité des devoirs pour tous, la bonne gestion d'aides diverses, l'accès à la culture pour tous et l'égalité des sexes dans le travail, dans l'éducation, etc. SECTION 1. LES PRINCIPES ET LA PRATIQUE DE LA BONNE GOUVERNANCE AU REGARD DES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS ET DES ATTRIBUTS DE L'ÉTATEn règle générale, il est admis que l'élaboration d'une Constitution soit une réponse aux besoins et aspirations exprimés par une population à un moment donné de son histoire. L'étude du processus d'élaboration de la Constitution de 2006 conduit à soutenir que cette exigence semble avoir été rencontrée. En effet, établie dans un contexte de mondialisation des règles juridiques, ce texte a été légitimé par son adoption au référendum populaire. Et comme dit précédemment, la Constitution du 18 février 2006, consacre des avancées significatives sur l'indépendance de la justice (socle et fondement de la sauvegarde et du respect des droits de l'Homme). C'est pourquoi il serait indiqué de considérer que la troisième République naissante est favorable au respect et à la sauvegarde des droits de l'Homme. Au fait, le titre II de la dite Constitution s'intitule « des droits humains, des libertés fondamentales et des devoirs du citoyen et de l`État ». Une autre illustration de cette affirmation tient à la place réservée aux droits de la femme Congolaise qui se voit restituée dans tous ses droits civils et politiques, tant cette Constitution consacre expressément la parité homme-femme au sein des institutions aussi bien nationales, provinciales que locales.111(*) La même Constitution laisse à l'article précité le soin aux pouvoirs publics de veiller à l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard de la femme et de prendre de mesure pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée affirmant, ce faisant, que la troisième République, va régir ou entend restaurer à la femme Congolaise toute sa dignité.
SOUS-SECTION 1. AU REGARD DES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L'ÉTATR. Carré de MALBERG définit l'État en concret comme une communauté d'hommes fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d'où résulte, pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres, une puissance supérieure, de commandement et de coercition.112(*) Il s'agit d'une communauté humaine, dotée de la personnalité juridique, établie sur un territoire déterminé et dont les intérêts généraux sont pris en charge par une puissance publique souveraine qui dispose du pouvoir de coercition. Ainsi, selon cette approche, l'État est constitué par la réunion de trois éléments constitutifs, à savoir : le territoire, la population et la puissance publique. §1. LE TERRITOIRE ET LA POPULATIONA. LE TERRITOIRE Le territoire est l'espace qui est soumis à la domination de l'État. Il est l'assise de la puissance publique, délimité par de frontières.113(*) Le territoire est non seulement élément constitutif de l'État, mais aussi une condition sine que non pour que l'autorité de l'État s'exerce efficacement. La maîtrise du territoire permet d'assurer la cohésion et la protection de la population qui y réside, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, ainsi que la protection contre les agressions étrangères.114(*) Le territoire joue un rôle irremplaçable dans l'exercice de la fonction publique, à savoir, la délimitation d'un cadre territorial, la condition de l'indépendance politique et le moyen d'action de l'État.115(*) Le territoire est un instrument de cohésion de la population dans la mesure où celle-ci partage un espace commun, ainsi que sa sécurité puisque les fonctions la protègent des interventions extérieures. Il constitue un puissant élément de mobilisation patriotique dans la mesure où, dans l'imaginaire collectif, sont attachés au sol, les traditions et les valeurs qui caractérisent l'identité nationale.116(*) La Constitution de la RD Congo dispose que : l'État exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental. Les modalités de gestion et de concession du domaine de l'État visées à l'alinéa précédent sont déterminées par la loi117(*). La quintessence de cette disposition dégage deux considérations à savoir : d'une part, on note qu'à l'exception de la Constitution du 18 février 2006, le constituant congolais consacre de manière non équivoque la souveraineté de l'État sur son sol, son sous-sol ainsi que sur leurs produits naturels. D'autre part, on relève que les conditions de concession (rarement de cession) et de gestion du domaine de l'État118(*) sont fixées par la loi. L'exercice par l'État congolais d'une souveraineté permanente sur ses espaces territoriaux (terrestre, aérien, maritime ou fluvial) constitue une innovation dans l'écriture constitutionnelle. Il s'inscrit dans une nouvelle perception du domaine public de l'État. Celui-ci ne se limite plus au seul territoire terrestre et aux éléments qui le composent. Il importe de faire remarquer qu'un tel droit n'implique pas nécessairement la détention par l'État d'un doit de propriété comportant l'usus, l'abusus et le fructus. Sans ces attributs, aucune souveraineté soit-elle permanente ne peut correctement s'exercer119(*). Ainsi, si le pouvoir puise dans sa souveraineté territoriale le droit de soumettre à ses décisions tous les individus qui se trouvent sur le sol national, ce droit comporte, comme corollaire, l'obligation de protéger, dans les limites du territoire, des droits des autres États et notamment ceux qu'ils peuvent réclamer pour leurs ressortissants.120(*) Le territoire de la RD Congo est actuellement le résultat d'une délimitation progressive depuis 1885 jusqu'à 1920. Toutefois, ses frontières font actuellement l'objet d'une remise en cause par certains États voisins. La réalité sur terrain permet d'affirmer que le peuple Congolais vit en insécurité permanente du fait de la déficience des mécanismes de sécurité du territoire et aussi des frontières de la RD Congo qui sont poreuses, c'est le cas des frontières entre la RD Congo et le Rwanda, l'Angola, l`Ouganda, la Zambie, la RCA, etc. Cette situation préoccupante viole l'intégrité de la RD Congo et rend fluide l'identité nationale des Congolais. Car elle augmente le flux des populations étrangères sur le territoire de la RD Congo. B. LA POPULATION La population est l'ensemble des personnes vivant sur le territoire de l'État et placé sous son autorité.121(*) Juridiquement, les individus (mais aussi les personnes morales, les navires et les aéronefs, ce qui prouve les éléments objectifs l'emportent sur le rôle de la volonté) sont, sauf apatride, attachés à un État par un lien de nationalité qui comporte un certain nombre de conséquences.122(*) La population est composée de deux catégories d'individus : les nationaux et les étrangers. Les nationaux, sont les individus qui partagent un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêt, des sentiments, joint à une réciprocité des droits et des devoirs.123(*) La nationalité rattache les individus à un État qui l'octroie selon les règles internes, parfois constitutionnelles ou législatives ou intermédiaires. La nationalité s'obtient soit par le droit de sang, soit par le droit du sol, au s'acquiert par naturalisation.124(*) Les étrangers sont les personnes qui vivent sur le territoire national à divers titres sans toutefois avoir un lien de nationalité avec l'État d'accueil. Ils sont composés notamment des diplomates, des commerçants, des touristes et autres (personnes physiques) ou des sociétés ou autres organismes de droit étranger installés sur le territoire national (personnes morales). Il conviendrait d'ajouter les personnes à situation intermédiaire : les refugiés, les personnes en situation irrégulière et les apatrides ainsi que les déplacés.
Depuis l'indépendance, la question de la nationalité n'a jamais été résolue de manière précise en RD Congo avec comme conséquence particulière une confusion permanente sur le statut réel des nationaux. En effet, la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, ne précise pas le statut des nationaux Congolais. La première disposition de la Constitution relative à la définition de la nationalité congolaise est l'oeuvre de la Constitution du 1er Août 1964. Selon cette Constitution, il existe une seule nationalité congolaise. Elle est attribuée, à la date du 30 juin, à toute personne dont un des descendants est ou a été membre d'une tribu ou d'une partie de tribu, établie sur le territoire du Congo avant le 18 octobre 1908.125(*) Cette définition est actuellement remise en causse par la Constitution de la troisième République, au point qu'on ne sait plus déterminer qui est Congolais d'origine et qui ne l'est pas126(*). * 104 Lire l'exposé des motifs de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 105 J.-L. ESAMBO KANGASHE, «Le contexte sociopolitique congolais, repères historiques et forces en présence : de la guerre dite de libération à l'Accord global et inclusif », in F. MALANDA NSUMBU (dir), La nouvelle constitution de la transition en République Démocratique du Congo : aspects juridiques, politiques, économiques et socioculturels, Kinshasa, Publication de la FKA, décembre 2003, p. 17. * 106 J.-L. ESAMBO KANGASHE, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, op.cit, p.109. * 107 Idem, p.112. * 108 G. MUKWENDELE « Bonne gouvernance : définition et domaines d'application », in M. MUTINGA MUTUISHAYI (dir), La problématique de la bonne gouvernance en RDC : défis et perspectives, op.cit, p.53 * 109 Idem, pp. 53-54. * 110 G. MUKWENDELE « Bonne gouvernance : définition et domaine d'application », in M. MUTINGA MUTUISHAYI (dir), La problématique de la bonne gouvernance en RDC : défis et perspectives, op.cit, p.53-54. * 111 Lire l'article 14 de la Constitution de la RD Congo du 18 févier 2006. * 112 M. HAURION, Principes de droit public, 1916, cité par D. TURPIN, Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1992, pp, 23-25 * 113 J.-P. JACQUES, Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.4 * 114 Idem. * 115 P. TOILLARD, Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.8 * 116 F. HAMON et al., Droit constitutionnel, op.cit, p.19 * 117 Lire art 9 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. * 118 Idem, art 14 bis. * 119 J.-L. ESAMBO KANGASHE, La Constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, op.cit, p. 118. * 120 R. CARRE DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Tome I, Paris, CNRS, 1920, p.3 * 121 D. TURPIN, Droit constitutionnel, Paris, 4e Ed. 1992, p.44 * 122 Idem * 123 C I J, arrêt du 6 avril 1955. * 124 D.TURPIN, Droit constitutionnel, op.cit, p.44 * 125 Lire l'article 6 de la Constitution de la RD Congo du 1er Août 1964. * 126 Lire l'article 10 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. |
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