Fondamentaux du taux de change réel et mésalignements du franc CFA dans l'UEMOA( Télécharger le fichier original )par Kwami Ossadzifo WONYRA Université de Lomé Togo - Master en économie internationale 2012 |
II. La politique de fixité du taux de change dans l'UEMOALa zone franc CFA se compose de trois zones dont l'UEMOA, la CEMAC et les Comores. Ces trois zones possèdent des banques centrales. Le franc CFA est une organisation financière et monétaire, sous la tutelle de la France, qui s'appuie sur des institutions africaines, la BCEAO pour l'UEMOA ; la BCEAC pour la CEMAC et la Banque Centrale des Comores (BCC) pour les Comores. Le franc CFA repose sur quatre grands principes : ü Centralisation des reserves ; ü de change au trésor public français ; ü Fixité de la parité franc CFA/FF (maintenant, il s'agit du franc CFA/ Euro) ; ü Libre convertibilité du franc CFA à l'Euro ; ü Libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone Franc (PAZF). A ces quatre principes s'ajoute le contrôle des flux de devise, la liberté de transfert des signes monétaires, l'adoption d'une réglementation commune de change. Remarquons que le strict contrôle des flux de devises (entrants et sortants) permet de surveiller leurs incidences sur l'inflation et sur le mouvement global des capitaux. Notons que, la liberté de transfert des signes monétaires était à l'origine de la création de la zone Franc. A ce jour, ce principe a été abrogé car les banques centrales n'acceptent plus que la monnaie de la Banque de France et non celles émises par les autres banques centrales soeurs. Cette suppression de convertibilité, fut instaurer au lendemain des fuites de capitaux observées au sein des zones monétaires et cette mesure empêche la spéculation. Quant au principe de libre convertibilité du franc CFA et la libre circulation des capitaux, il est à noter qu'il s'applique aux PAZF et à la France puis inversement. Toutefois, il ne concerne pas les échanges entre les trois zones CFA. Ce principe facilite les investissements français en Afrique, le rapatriement des capitaux, la fuite des capitaux de l'Afrique vers la France et l'importation par la France des matières premières. Dans ce schéma, l'idée selon laquelle le franc CFA, entrave l'intensification des échanges intra - zone ne peut être réfutée [Koulibaly, (2008)]. A ces principes cardinaux, s'ajoute la participation française aux instances de direction des banques centrales.
La politique de change dans l'UEMOA émane de l'accord de coopération monétaire entre la France et les pays de l'UEMOA7(*) signé à Dakar le 4 Décembre 1973. Cet accord fixe le cadre général de la coopération économique et financière entre la France et les pays de l'UEMOA. Les caractéristiques principales de cette union monétaire sont les suivantes : ü La parité fixe entre le franc CFA et le franc français; ü Les avances de la BCEAO aux Trésors nationaux sont limitées à 20% des recettes fiscales de la dernière année ; ü Les réserves en devises étrangères sont centralisées par la BCEAO; chaque pays est tenu de céder à celle-ci jusqu'à 65% de ses devises étrangères ; ü Les réserves de change de la BCEAO sont déposées dans un compte d'opération ouvert auprès du Trésor français ; ü Le Trésor français s'engage à mettre à la disposition de la BCEAO les quantités de devises dont elle aurait besoin en cas de difficulté. Une fois les caractéristiques de la politique de change ressorties, quels sont alors ses mécanismes de fonctionnement ? 1.1.2. Mécanismes de fonctionnement de la politique de changeLa politique de change de l'UEMOA est axée sur les principes issus des accords entre la France et les PAZF tels que décrit plus haut. Cependant, pour les objectifs de cette étude, nous allons nous focaliser sur deux principes de fonctionnement du franc CFA. Il s'agit du principe de la centralisation des réserves de change via compte d'opération et la parité fixe entre le franc CFA / l'euro, qui constituent en fait les deux principes touchant à la gestion de la politique de change de l'UEMOA. Soulignons que depuis 2005, ce taux a été revu à la baisse. Désormais, 50% des réserves de change doivent être stockées sur le compte d'opération en France en non 65%. Cette décision d'abaissement a été prise le 23 juillet 2004 à Dakar lors de la réunion entre les deux parties.
La centralisation des réserves de change est la disposition du cadre institutionnel qui a le plus d'incidence sur les opérations de change. Les Etats de l'UEMOA s'engagent à réunir 50% de leurs réserves de change dans le compte d'opération de la BCEAO auprès du Trésor français. Les résidents sont tenus de domicilier auprès des intermédiaires agréés, les mouvements de capitaux ainsi que les opérations d'importation et d'exportation des biens et cela par l'intermédiaire des institutions financières. Chaque Banque Centrale possède un compte d'opération au Trésor français et doit déposer une partie de ses réserves de monnaie. Ces comptes d'opération sont rémunérés. Les réserves de change mises en commun sur le compte d'opérations peuvent être utilisées pour financer le déficit temporaire de certains membres. Que vise alors concrètement l'instauration du compte d'opération ? L'objectif de l'institution du compte d'opération dans les clauses du franc CFA est de permettre aux PAZF de pouvoir financer sans gêne leurs besoins d'importation des biens et services. Etant donné la domiciliation de leur Compte d'Opération dans le Trésor français, la France s'engage sans limitation à mettre à la disposition des PAZF des devises nécessaires pour le financement de leur besoin d'importation. Quelles sont les limites du mécanisme de fonctionnement du franc CFA ? Le mécanisme de fonctionnement du franc CFA est sujet à de vives critiques dans la littérature abordant le choix des régimes de change spécifique aux PED. A la lumière des nouveaux enjeux de l'économie internationale, Koulibaly (2008), remet en cause certains dispositifs du fonctionnement du franc CFA. En effet, d'après le mécanisme de fonctionnement du compte d'opération, les fonds, placés sur des «comptes d'opérations» génèrent des intérêts à chaque fois que leur montant est supérieur aux besoins d'importation des pays africains concernés. La France rémunère les Banques Centrales en intérêt, après avoir effectués des placements privés. Le paradoxe, relevé est que la part d'intérêt versée aux Banques Centrales est comptabilisée dans la rubrique Aide Publique au Développement. En outre, les effets provoqués par le mécanisme de fonctionnement du franc CFA sont asymétriques. Les pays les plus dépensiers de la zone Franc peuvent utiliser les réserves de change des pays qui ont une gestion plus prudente. En outre, selon D'Almeida8(*) (1997), la facilité d'obtention des devises nécessaires pour leur besoin d'importation par les PAZF, amène ces pays à ne pas développer les secteurs productifs pouvant générer des gains de devises.
L'avènement de l'Euro en janvier 1999 a changé la monnaie d'arrimage du franc CFA. Ainsi, le franc CFA est désormais arrimé à l'euro. La valeur du franc CFA sur les marchés internationaux dépend de celle de l'Euro. L'évidence de la fixité du CFA est que les PAZF n'ont pas le contrôle de leur politique de change et sont vulnérables ainsi aux fluctuations des cours mondiaux. Ce qui rend le niveau des recettes d'exportation des PAZF tributaire de celui des fluctuations des monnaies internationales. Dans cette logique l'on pourrait croire que les récurrentes phases de distorsion du TCR de l'UEMOA sont en partie imputables aux fluctuations de l'Euro face au Dollar et vice versa. Ainsi, l'on ne pourrait réfuter les critiques apportées aux mécanismes de fonctionnement du franc CFA. De ce fait, des voix s'élèvent tant en milieu politique qu'académique pour remettre en cause ce mécanisme et préconiser un nouveau rapport entre le franc CFA et l'Euro [Koulibaly (2008), Ondo Ossa A, (2002)]. En effet, au regard de l'arrimage du franc CFA à l'Euro, il est inconcevable de transiter par le Trésor Français via compte d'opération [Bamba, (1997)]. Par ailleurs, les pays de la zone franc CFA notamment l'UEMOA ne pouvant plus intervenir directement sur le marché international, sont alors vulnérables au risque de change. De tout ce qui précède, quel type de régime de change sera adapté à la nature des économies de la zone franc? A cet égard, l'option d'une parité fixe semble inopportune. Dans une perspective, de prospection d'un régime de change approprié au PAZF ; et à la lumière des enseignements issus du choix d'un régime de change, un consensuel semble être acquis au sein des économistes de la zone. A cet effet, le régime optimal pour les pays africains au sud du Sahara en général et les PAZF en particulier, qui permettra l'atteinte des objectifs de politique économique fixés compte tenu des contraintes spécifiques à chaque pays membre, est le régime de la zone cible [Ondo Ossa, (2002) ; Koulibaly, (2005)]. Ce régime de la zone cible consiste en la mise en place d'une bande de fluctuation des cours de change autour d'un taux pivot préalablement annoncé ; en général le taux de change d'équilibre fondamental (TCEF) de moyen terme ; à l'intérieur de laquelle les taux de change sont libres de varier (Mihigot ,2004). Les principaux avantages d'une telle option se résument sur trois axes : sa capacité à minimiser la variance du taux de change ; à garantir la soutenabilité de la balance des opérations courantes ; la possibilité de minimiser la volatilité de la production et de maximiser le bien-être. Cependant, quel que soit le régime de change pratiqué au sein d'une union économique, la politique monétaire influe sur l'activité économique à travers divers canaux de transmission. Parmi ces canaux nous avons l'effet de la politique monétaire sur le TCR qui touche en fait les relations économiques entre l'économie considérée et le reste du monde. * 7 Il s'agit de L'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) qui est devenue aujourd'hui l'UEMOA. * 8 Voir Koulibaly (2008) |
|