Chapitre 3 : Evaluation empirique du taux de change
réel d'équilibre et son mésalignement dans l'UEMOA.
Ce deuxième chapitre porte essentiellement dans un
premier temps sur la description de l'approche théorique, le
modèle économétrique à estimer, les variables du
modèle, les techniques d'estimation de la relation entre le taux de
change réel et ses fondamentaux, et la détermination des
degrés du mésalignement du franc CFA dans l'UEMOA. Dans un second
temps, les résultats des estimations et leurs interprétations
seront présentés accompagnés des implications en
matière de politique économique.
I. Modèle
1.1. Spécification du modèle FEER (Fundamentals
Equilibrium Exchange Rate)
L'approche FEER est bien reconnue pour le calcul des taux de
change réel d'équilibre. Nous suivons Edwards (1989) dans la
définition du TCRE, lequel résulte de la réalisation
simultanée de l'équilibre interne et de l'externe de
l'économie.
Soit une petite économie ouverte avec trois types de
biens : un bien exportable, un bien importable et un bien non
échangeable. L'économie produit les biens exportables et les
biens non échangeables et consomme les biens non échangeables et
les biens importables.
L'économie est en changes flexibles et le taux de
change nominal est noté E. Cette hypothèse peut
paraître à première vue étonnante, d'autant plus que
les pays de notre échantillon sont en change fixe. Cependant, nous
raisonnons ici dans une optique de long terme et estimons par ailleurs dans la
partie économétrique une relation de long terme. Bien sûr,
le taux de change peut être fixe à court et moyen terme, mais
à long terme pour maintenir la parité les pays doivent disposer
d'une quantité suffisante de devises, ce qui n'est pas le cas pour la
majorité des pays en développement dont ceux de notre
échantillon. Comme le taux de change nominal finira à terme par
s'ajuster, nous supposons ici d'emblée qu'il est flexible.
Soit et le prix intérieur des biens exportables et des biens non
échangeables respectivement. Le prix mondial des biens exportables est
normalisé à un et le prix intérieur des biens exportablesest défini
par :
(7)
Le prix mondial des biens importables est noté.
Soit et respectivement le prix relatif intérieur des biens importables
et des biens exportables par rapport aux biens non échangeables :
(8)
(9)
Le prix relatif des biens importables par rapport aux biens
non échangeables
sera :
(10)
Nous supposons que l'économie adopte une restriction
tarifaire sur les importations telle que :
(11)
Où est le tarif douanier sur les importations (tarif
spécifique).
La production totale des deux biens de l'économie
considérée sera définie par :
(12)
avec , étant les dérivés de premier ordre par rapport aux
élasticités.
La consommation globale privée est donnée
par :
(13)
Avec et respectivement les consommations intérieures des biens
importés et des biens non échangeables. ; et étant les dérivés de premier ordre par rapport aux
élasticités.
Nous définissons ensuite le taux de change réel
comme le prix relatif des biens échangeables par rapport aux biens non
échangeables :
(1= (14)
avec .
Nous supposons que le capital est parfaitement mobile à
long terme et notons par A, les actifs étrangers. Les agents
détiennent une partie de leur richesse sous forme d'actifs
étrangers dont le rendement est r*. Le compte courant du pays
est la somme du rendement net des actifs étrangers détenus et du
solde de la balance commerciale exprimée en monnaie
étrangère, définie comme la différence entre les
exportations et la consommation des importables, soit :
(15)
La variation des réserves de change dans
l'économie est donnée par :
(16)
avec KI les flux net de capitaux.
A court et à moyen terme l'économie peut
s'écarter de l'équilibre, définie par, et le stock d'actifs dans l'économie peut varier. Le compte
courant est dit soutenable lorsque le déficit du compte courant, somme
du solde de compte courant et des flux des capitaux est nulle, soit :
(17)
D'autre part, l'équilibre interne est
réalisé lorsque le marché intérieur des biens non
échangeables est en équilibre, soit :
(18)
avec les dépenses publiques en biens non échangeables.
Le taux de change d'équilibre est définit comme
étant le prix relatif qui assure à la fois l'équilibre
interne et l'équilibre externe. A partir des relations (9) et (10), on
peut définir le TCRE, en fonction de, , A, KI et soit :
, , A, KI, )
(19)
Le niveau d'équilibre du taux de change réel est
donc fonction des termes de l'échange, de la politique commerciale, du
taux d'intérêt étranger, des flux de capitaux
étrangers, et des dépenses publiques. Les variables de
l'équation (19) constituent les fondamentaux du taux de change
réel d'équilibre de longue période. Une augmentation des
de'penses publiques en biens non e'changeables entraîne une
appréciation du taux de change réel, soit une
détérioration de la position compétitive du pays. Une
libéralisation commerciale conduit à une
dépréciation réelle de la monnaie domestique,
nécessaire à une amélioration de la position
compétitive du pays. Une amélioration de la balance courante est
associée à long terme à une appréciation du taux de
change réel. L'effet des termes de l'échange est incertain. D'un
côté, l'augmentation des termes de l'échange se traduit par
une hausse du revenu national et donc des dépenses, ce qui conduit
à une appréciation réelle. De l'autre, cette augmentation
va générer un effet de substitution qui entraîne une
dépréciation réelle. Elbadawi et Soto (1995) ont
étudié 7 pays en développement et trouvent que pour trois
d'entre eux, l'amélioration des termes de l'échange
entraîne une appréciation du taux de change réel, alors que
pour les quatre autres, elle entraîne une dépréciation.
Feyzioglu (1997) trouve pour la Finlande, qu'une amélioration des termes
de l'échange se traduit par une appréciation du taux de change
réel.
Partant du cadre théorique, la relation de long terme
à tester entre le taux de change réel et ses fondamentaux
s'écrit :
(20)
où TCRE est de taux de change réel effectif,
FUND est le vecteur des différents fondamentaux, est un vecteur des termes constant du modèle, un vecteur de paramètres à estimer et est un vecteur de perturbations du modèle ; avecet .
De façon explicite, la forme
économétrique s'écrit :
(21)
avec :
v LTCRE : le logarithme du taux de change réel
effectif côté à l'incertain,
v LTDE : le logarithme des termes de l'échange
(troc net),
v LOUV : le logarithme de l'ouverture commerciale,
définie comme le rapport de la somme des exportations et des
importations sur le PIB.
v LBC : le logarithme de la balance commerciale
rapportée au PIB
v LINV : le logarithme de l'investissement en pourcentage
du PIB,
v LGOUV : le logarithme de la part des dépenses
publiques dans le PIB,
v LPROD : le logarithme du PIB par tête relatif,
PPA.
v DEVAL : c'est une variable muette qui prend la valeur 0
avant 1994 et 1 après la dévaluation.
v CRISEPOL : il s'agit également d'une variable
muette pour capter les effets de la crise socio politique qu'a connue la
Côte d'Ivoire. Ainsi cette variable prend la valeur 0 avant 1999 et 1
après 1999.
1.2. Variables et signes attendus
Partant du modèle économétrique, il
convient de montrer comment les fondamentaux affectent le comportement du taux
de change effectif réel. Ainsi :
v Termes de l'échange des biens (TDE) : les
TDE affectent le taux de change réel d'équilibre à travers
l'effet richesse. Un choc positif sur les TDE induit une augmentation de la
demande domestique, ainsi une hausse du prix relatif des biens non
échangeables, ce qui conduit à l'appréciation du TCRE.
Alternativement, en partant sous l'angle de l'équilibre interne -
externe, une hausse du TDE conduit à une augmentation des salaires
réels dans le secteur de l'exportation et de l'excédent
commercial. En vue de restaurer l'équilibre externe, le TCRE doit
s'apprécier. Pour ce faire, le signe attendu est positif (+). Cependant,
il est noté que si l'effet substitution advient grâce à
l'augmentation du revenu national qui permettra d'alimenter la demande
nationale par une production domestique, le taux de change se
déprécie dans ce cas. En définitif, le signe attendu est
relativement ambigu.
v Part des dépenses publiques dans le PIB (GOUV) :
vue la difficulté à distinguer dans la consommation
gouvernementale, celle qui est attribuable aux biens échangeables de
celle en direction des biens non échangeables, nous utiliserons comme
Proxy de la consommation publique en biens non échangeables la part dans
le produit intérieur brut de la dépense gouvernementale ; Ceci se
comprend assez aisément dans la mesure où la dépense
gouvernementale est constituée d'une forte proportion en biens non
échangeables tandis que les investissements eux contiennent une forte
part de biens importés. L'on notera donc GOUV la part dans le produit
intérieur brut de la dépense gouvernementale. Cette variable de
comportement du gouvernement a un impact important sur le taux de change
d'équilibre. Son signe est ambigu car l'impact des dépenses
gouvernementales dépend de l'importance relative des biens changeables
et des biens non échangeables dans l'économie. Ainsi, si les
dépenses du gouvernement augmentent dans le secteur des non
échangeables, ceci aura un effet positif sur le taux de change
réel en augmentant le prix des biens non échangeables et la
variable GOUV aura un signe positif. Si par contre la proportion des
dépenses gouvernementales diminue malgré le fait d'un
accroissement des dépenses gouvernementales, ceci conduira
évidemment à déprécier le taux de change
réel.
v Degré de protection ou de restrictions
commerciales (OUV): une réduction des barrières commerciales
conduit à prévoir une augmentation des échanges notamment
des importations. Ainsi, une demande pour les importations conduit à un
déséquilibre interne - externe, lequel requiert une
dépréciation pour corriger le déséquilibre. Pour
cela, le signe attendu pour cette variable est négatif. Pour capter les
restrictions commerciales, nous allons utiliser un proxy qui est OPEN
(ouverture commercial).
v Productivité (PROD) : elle capte l'effet Balassa
- Samuelson. Une augmentation de la productivité, dans le secteur des
biens échangeables au détriment des biens non
échangeables, dans un pays par rapport au reste du monde fait accroitre
les salaires relatifs. Cette hausse des salaires occasionne une augmentation
des prix relatifs des biens non échangeables par rapport aux biens
échangeables et fait apprécier le TCRE. Le signe attendu est donc
positif.
v Investissement (INV) : Edwards (1989) suggère
que la prise e compte de l'investissement dans la théorie de
détermination du TCRE résulte des effets d'offre, offre qui
dépend de l'intensité relative des différents facteurs.
Ainsi, le signe attendu est à priori ambigu. Cependant, pour un pays en
développement dont les investissements permettent d'importer les biens,
on peut bien évidemment assister à une dépréciation
du TCR et donc le signe attendu peut être négatif.
v DEVAL : la dévaluation est un ajustement en
baisse de la valeur de la monnaie, il s'agit d'une variable muette qui prend la
valeur 0 avant 1994 et 1 après. Le signe attendu est négatif.
v CRISEPOL : il s'agit également d'une variable
muette pour capter les effets de la crise socio politique qu'a connue la
Côte d'Ivoire. Ainsi cette variable prend la valeur 0 avant 1999 et 1
après 1999.
Tableau 3: récapitulatif des signes
attendus
Variables
indépendantes
|
Signe attendu de l'impact sur le TCRE
|
Terme de l'échange (TDE)
|
Ambigu (+ ou -)
|
Dépenses publiques (GOUV)
|
-
|
Restrictions commerciales (OUV)
|
-
|
Investissement (INV)
|
Ambigu (+ ou -)
|
Balance commerciale (BC)
|
+
|
Productivité (PROD)
|
+
|
DEVAL
|
-
|
CRISEPOL
|
+/-
|
|