1.2. Concept de mésalignement
On distingue deux types de mésalignement du taux de
change réel :
(i) Le mésalignement d'origine macroéconomique
se réalise lorsque le taux de change réel observé
s'écarte de sa valeur d'équilibre ceci dû aux
incohérences entre les politiques macroéconomiques et le
système officiel du taux de change nominal.
(ii) Le mésalignement structurel, se réalise
lorsque les variations des valeurs soutenables de long terme des fondamentaux
du taux de change réel d'équilibre ne sont pas
transformées en variation du taux de change réel observé
dans le court terme. Une détérioration externe des termes de
l'échange d'un pays par exemple aura un effet sur le taux de change
réel car un prix relatif élevé des échangeables
conditionnerait le maintien de l'économie à l'équilibre. A
moins qu'il n'y ait un ajustement du taux de change réel observé
pour refléter cette variation du taux de change réel
d'équilibre, le taux de change réel sera donc dit
"structurellement désaligné" ceci à cause du choc sur les
termes de l'échange.
Une question assez importante par rapport au
mésalignement structurel est de savoir si les variations des
fondamentaux du taux de change réel d'équilibre sont
perçues comme étant temporaires ou permanents ; les changements
temporaires de ces fondamentaux, telle par exemple une
détérioration temporaire des termes de l'échange pourrait
parfois significativement éloigner le taux de change réel de son
niveau d'équilibre (Edwards 1986). Ces déséquilibres de
court terme peuvent le plus souvent se résorber à l'aide des
politiques assez spécifiques tels l'accumulation des réserves
internationales ou encore l'utilisation de certaines facilités
compensatoires du Fond Monétaire International par exemple. Evidemment,
le problème principal à ce niveau réside dans la
reconnaissance même de l'essence temporaire de ces chocs.
Les distorsions de long terme du taux de change ou encore
mésalignement peuvent, contrairement à la volatilité,
être à l'origine de perturbations de l'économie beaucoup
plus importantes. En effet, étant donné que le taux de change est
un prix relatif, de longues déviations de celui-ci par rapport à
une tendance d'équilibre altèrent les signaux des marchés,
modifient les prix relatifs internes et induisent des coûts d'ajustement
importants, qui pourraient être évités pour des valeurs du
taux de change proches de l'équilibre. Dans le cas d'un pays
donné, les coûts de distorsions durables de son change sont assez
faciles à repérer: chômage accru en cas de
surévaluation et, au contraire, inflation en cas de
sous-évaluation. Ceci étant, de tels effets premiers ont tendance
à se compenser entre pays, en ce sens que plus de chômage pour un
pays se traduit par moins de chômage pour un autre. Il existe pourtant
certains coûts résultant des distorsions des changes qui
perturbent les économies d'une manière plus fondamentale,
c'est-à-dire qui provoquent des biais durables dans les comportements et
la production, et induisent d'importants coûts d'ajustement. Williamson
(1985) distingue donc six coûts de ce genre, dont la plupart sont
susceptibles d'intervenir alternativement. Il s'agit des couts liés aux
fortes perturbations de la structure optimale de la consommation, aux
ajustements pour rétablir l'équilibre, à l'inflation, au
chômage, au déficit de la balance commerciale et ceux liés
à la réallocation des ressources.
Les distorsions du change peuvent entraîner de fortes
variations de la consommation interne. En effet, la consommation anormalement
élevée pendant une période de surévaluation aboutit
à des déficits de la balance commerciale ; la dévaluation
nécessaire en rétablissement de l'équilibre, produit une
contraction brusque de la consommation qui est généralement mal
acceptée, conformément à la théorie du "cycle de
vie". Il y aurait ainsi alternance de phases d'expansion et
d'austérité, ce qui induit des perturbations dans la structure
optimale de la consommation. Elles entraînent des coûts
d'ajustement considérables. Une surévaluation ou
sous-évaluation provoque le changement des prix relatifs entre les
produits du secteur exposé et ceux du secteur abrité, ce qui
à son tour produit une réallocation de ressources entre ces deux
secteurs. Cette réallocation génère un processus
d'ajustement long et coûteux en termes de capital productif, mais encore
plus en termes de reconversion de la main-d'oeuvre, d'où le
chômage, qui résulte de la lenteur des ajustements rendus
nécessaires par les distorsions. Quand une surévaluation
excessive provoque la restructuration de secteurs industriels entiers, comme ce
fut le cas des Etats - Unis au début des années quatre-vingt, le
chômage est une voie inévitable pour une grande partie de la main
d'oeuvre concernée, même dans ce pays où la mobilité
est élevée.
Les distorsions de chômage entraînent aussi des
difficultés d'ajustement de la capacité productive. En effet,
dans un environnement incertain, les firmes n'ont pas d'éléments
qui leur permettent de juger du caractère temporaire ou non de la
distorsion et par conséquent de prendre les décisions
adéquates concernant l'investissement et la capacité productive
optimale. Une monnaie surévaluée va pousser les firmes à
abandonner les activités qui ne sont plus rentables ce qui, à
partir d'un certain seuil, provoquera au niveau national la disparition de
larges secteurs d'activité, (une désindustrialisation) secteurs
qui ne bénéficiaient pas d'avantages comparatifs forts. Tel
fût le cas des Etats-Unis et du Royaume-Uni au début des
années quatre-vingt. Du côté des prix, on observe qu'une
alternance de sur- et sous-évaluation provoque un rythme d'inflation
supérieur, toutes choses égales par ailleurs, à celui
obtenu à taux de change réel constant. Il est observé
empiriquement (Goldstein, 1980) que, pour des raisons de comportement des
salaires réels, une dépréciation fait monter les
coûts salariaux beaucoup plus qu'une appréciation les aurait fait
baisser, ce qui implique dans ce cas une accélération du rythme
d'inflation.
Enfin, les mésalignements peuvent entraîner des
pressions protectionnistes. La surévaluation tend en effet à
générer de fortes pressions protectionnistes qui, ce qui est plus
grave, ont tendance à se maintenir même après le retour
à une situation plus équilibrée.
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