Filière bananière d'exportation du Cameroun et compétitivité: évaluation de la gestion de la main- d'oeuvre directe de production( Télécharger le fichier original )par Sandrine MBAKOP Université de Douala Cameroun - Master I en management 2009 |
Section II : Exigences de la filière et constats préliminairesNous développerons dans cette section, les exigences de la filière bananière ainsi que les faits qui ont suscité notre intérêt pour le thème choisi "Filière bananière d'exportation du Cameroun et compétitivité : évaluation de la gestion de la main- d'oeuvre directe de production." lesquels rendent pertinents notre travail d'étude. A. Exigences liées à l'environnement des plantations de bananeIl s'agit ici des faits qui résultent soit de la conjoncture du marché international de la banane soit d'une politique (stratégie actualisée de la filière bananière camerounaise pour l'amélioration de sa compétitivité 2010-2019) lesquels viennent s'imposer aux sociétés conduisant à un changement d'orientations au sein de leurs organisations respectives.
Retraçons ici grâce à la "Documentation Française en ligne", le conflit de la banane qui remonte au 1er juillet 1993, année de mise en place du marché intérieur de l'Union Européenne. Ce marché qui entraîne la création d'un nouveau système unique d'importation combinant des quotas fixés pour les pays ACP, constitue alors un système préservant les intérêts des producteurs communautaires et des pays ACP au détriment des bananes dites "dollars" commercialisées par les multinationales américaines et en provenance d'Amérique latine. Ce conflit illustre la guerre commerciale qui fait rage entre l'Europe et les Etats-Unis. Elle sonne par la même occasion le glas d'une politique préférentielle européenne à l'égard de certains pays en développement, mise en oeuvre par la Convention de Lomé. Ainsi, le 5 février 1996, les Etats-Unis11(*), associés à l'Equateur, au Guatemala, au Honduras et au Mexique déposent une plainte contre l'Union européenne devant l'Organe de Règlement des Différends (ORD) de l'Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C). Par deux fois, le 25 septembre 1997 et le 9 avril 1999, l'ORD donne tort à l'Union Européenne en autorisant les plaignants à imposer des droits de douane sur certains produits européens équivalents au préjudice subi par les entreprises américaines (estimé à 191,4 millions de dollars par an). Le 11 avril 2001, à la suite du règlement intervenu entre l'Union Européenne et les Etats-Unis. L'Union Européenne se conforme aux exigences de l'OMC et supprime à terme (en 2006) les quotas réservés aux pays ACP. Le 1er juillet 2001, les Etats-Unis lèvent les sanctions prononcées entre 1997 et 1999. Le 1er août 2005, le conflit rebondit avec la publication d'un rapport d'arbitrage de trois experts mandatés par l'OMC qui avait été saisie en mars et avril 2005 sur la demande de neuf pays latino- américains (Brésil, Costa Rica, Colombie, Equateur, Honduras, Guatemala, Nicaragua, Panama, Venezuela). Ledit rapport condamne en effet le nouveau système d'importations prévu par l'Union Européenne pour le 1er janvier 2006. Ce même rapport juge que le tarif de 230 euros (279 dollars) par tonne que l'U.E veut appliquer sur les importations de bananes en provenance d'Amérique Latine est trop élevé. Par conséquent, pour les pays du groupe ACP n'étant pas soumis à ce droit de douane, le rapport énonce à ce sujet la nécessité d'appliquer la Clause de la Nation la plus Favorisée (NPF12(*)) qui impose l'égalité de traitement pour les autres membres de l'OMC. Le 26 novembre 2008, l'organe d'appel de l'OMC estimant que le régime d'importation de bananes de l'Union Européenne "contrevient" aux règles du Commerce International, confirme une première décision prononcée en avril 2008 en faveur de l'Equateur et en mai 2008 en faveur des Etats-Unis, et dont l'Union Européenne avait fait appel le 28 août. Les Etats-Unis et l'Equateur critiquent le régime d'importation européen de bananes entré en vigueur en janvier 2006, qui impose un droit de douane par tonne sur les bananes non originaires de la zone ACP. Le 15 décembre 2009, un accord à Genève met fin à la "guerre de la banane". La négociation à laquelle ont participé tous les pays latino-américains, fournisseurs de bananes à l'Union européenne, aboutit à un accord sur la baisse progressive des droits de douane imposés par Bruxelles sur la banane hors pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ils passeront ainsi de 176 euros la tonne à cette date (31/12/2009) à 114 euros en 2017 avec une première coupe à 148 euros à la signature de l'accord. En contrepartie, les producteurs latino- américains et les Etats- Unis acceptent d'abandonner leurs recours devant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Dans le même temps, l'Union Européenne annonce le déblocage d'une enveloppe allant jusqu'à 200 millions d'euros pour aider les pays ACP à supporter la concurrence accrue de l'Amérique Latine. L'accord, qui est paraphé à Genève, doit être signé en 2010 par les 27 Etats membres de l'Union Européenne. Ces différentes baisses des droits à l'entrée sur le marché européen de la banane se feront selon le calendrier ci- après : Tableau 3 : Dégression des droits d'entrée sur le marché européen des pays hors ACP
Source : Accord sur le commerce de la Banane, Genève, 15 décembre 2009 En 2020, ces droits passeront de 114 €/t à 75 €/t pour le Pérou et la Colombie qui ont signé avec l'U.E un accord de libre échange bilatéral. De quoi pousser les producteurs ACP à de sérieuses réflexions qui soient de nature à les conduire aux possibilités de survie et de maintien sur le marché ou les préparer à une mort économique certaine. 2. Actualisation de la stratégie de développement de la filière bananière camerounaise et les Mesures d'Accompagnement Banane (MAB) En ce qui concerne les objectifs, ils se déclinent sous les axes ci- après : Axe 1 Réduction des coûts et amélioration de la production qui prône une augmentation de la productivité agronomique et une consolidation des rendements à 50 t/ha. Une réalisation d'économies d'échelle par une augmentation de la production ; une diversification des productions en rotation culturale avec la banane en vue d'une meilleure gestion des jachères et des conditions sanitaires des sols. Une réduction des autres coûts, des charges de gestion, des frais généraux et des charges non productives ceci en sollicitant l'Etat camerounais pour la mise en place d'un cadre propice à la compétitivité à différents niveaux (renouvellement régulier de l'outil de production, formations régulières et intégration du sentiment d'appartenance, restructuration des entreprises) et enfin une réduction des charges non productives. Ce point s'intègre parfaitement dans l'objectif poursuivi par notre thème en ce sens qu'il interpelle les producteurs à une réorganisation et donc une professionnalisation de la gestion de leur main- d'oeuvre directe de production pour une amélioration des rendements en évoquant des points importants de gestion de ressources humaines tels les "formations régulières" ou encore la nécessité de développer chez les ouvriers au champ et en stations ainsi qu'au petit encadrement dans le cadre de l'exercice de leurs tâches et dans les habitudes sur le lieu de travail, la notion de culture d'entreprise révélée à travers "le sentiment d'appartenance". Cette notion intègre les thèmes de conscience professionnelle, de responsabilités pour ne citer que ceux là. Axe 2 Amélioration des stratégies d'approche des marchés qui prône pour sa part, une recherche d'options logistiques plus économiques à mettre en oeuvre ; un maintien du niveau de qualité des fruits exportés et de sa régularité sur le marché. Une pénétration de nouveaux marchés afin de limiter l'impact d'une crise sur le marché de l'U.E ou encore la nécessité de la mise en place d'un label « Banane Africaine » en partenariat avec la Côte d'Ivoire et le Ghana. Axe 3 Développement d'actions transversales entre les opérateurs qui suggère une meilleure organisation de l'interprofession au sein de l'Assobacam. Un soutien à la recherche et à l'expérimentation au CARBAP, l'encadrement scientifique au service de la compétitivité et la mise en place de synergies et d'actions communes entre les producteurs (actions transversales). Axe 4 Amélioration des conditions sociales des travailleurs et des conditions environnementales de la production qui aborde des suggestions telles que l'obtention et/ou le maintien des certifications éthiques et sociales (veiller au respect scrupuleux des normes sociales de production afin de maintenir ou obtenir des certifications éthiques et sociales exigées par les clients). L'amélioration de la productivité de la main- d'oeuvre directe de production par la formation continue et la motivation. La pérennisation des emplois décents. L'obtention et/ou le maintien des certifications environnementales (certification ISO 14001, Global Gap et Tesco NC). La diminution de l'empreinte carbone de la production (gaz à effet de serre) et de son impact général sur l'environnement. Et enfin, la diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, insecticides, nématicides). Ce point associé à l'axe n°1 constituent le noeud qui sous- tend au niveau de la stratégie nationale et actualisée, notre thème de mémoire. En effet, pour réussir ce pari, les sociétés de plantations ont besoin de mettre sur pied une fonction RH moderne et professionnelle (comme nous l'évoquions déjà plus haut) à même de procéder au suivi de la main- d'oeuvre directe, facteur déterminant des tonnages produits quand nous savons que les filières agricoles en générale et la filière banane en particulier sont des secteurs d'activités à salaires relativement bas. De ce fait, l'un des points de compensation est qu'il puisse exister au sein des organisations une fonction RH efficace et dynamique qui se poserait alors en organe de réflexion à dessein de manager cette main- d'oeuvre de manière à ce qu'elle soit prête à donner le meilleur d'elle-même sans avoir le sentiment d'être exploitée. Axe 5 Renforcement du dispositif inter- ministériel de suivi de la Stratégie La nécessité d'une meilleure synergie des actions entre le MINEPAT, le MINCOMMERCE et le MINADER sur le dossier de la banane.
Pour ce qui est des Mesures d'Accompagnement Banane, selon l'Assistant Technique Banane au sein de son rapport final de fin de projet n°22 d'avril 2011, en "mars 2010, consécutivement à la signature de l'accord sur la banane de décembre 2009, la Commission Européenne s'est engagée à soutenir l'adaptation des fournisseurs de bananes ACP par ce qu'elle appelle des Mesures d'Accompagnement pour la Banane (ou MAB). L'objectif de ce programme est d'aider les pays à s'adapter aux nouvelles conditions du marché résultant de la libéralisation des échanges. Ces mesures sont un appui ponctuel au sein du cadre financier actuel de la Communauté et seraient mises en oeuvre entre fin 2010 et 2013. Les besoins des pays varient considérablement en fonction du volume de leurs exportations vers la CE, de l'importance du secteur pour leur économie et de la stratégie d'adaptation choisie. Certains pays peuvent devenir compétitifs dans un environnement de marché moins protégé, tandis que d'autres pourraient devoir cesser d'exporter des bananes. Les mesures doivent donc être spécifiques à chaque pays et intégrées dans des réformes plus larges de stratégies agricoles et de développement de chaque pays. Les MAB seront ainsi centrées sur un ou une combinaison des trois domaines suivants de coopération : compétitivité de la filière, diversification économique et conséquences sociales de l'ajustement. Les MAB aideront donc les producteurs de banane du Cameroun à intensifier leurs efforts dans ces deux domaines. Les bananes du Cameroun, du Ghana et de la Côte d'Ivoire représentent une part de marché de 67,7 % sur le total des importations ACP. Les pays africains n'ont reçu que 27,4 % de l'enveloppe de l'assistance technique et financière allouée par l'U.E." Nous avons passé en revue les points qui justifient notre thème en termes de conditions du marché international de la banane, de la Stratégie actualisée de la filière et enfin des Mesures d'accompagnement Banane. Nous aborderons pour la suite, les préoccupations des producteurs et les problèmes de GRH recensés lors de nos différentes observations et descentes sur le terrain. * 11 Pays d'implantation de trois des plus grands producteurs présents en Amérique latine (Chiquita, Del Monte et Dole) * 12 Aux termes des Accords de l'OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si vous accordez à quelqu'un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous devez le faire pour tous les autres membres de l'OMC (source : www.wto.org). |
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