TROISIEME PARTIE : DISCUSSION, CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS
CHAPITRE V: DISCUSSION, CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
CHAPITRE V: DISCUSSION, CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS
5.1.- DISCUSSION
Le bassin versant est un système complexe. Selon
Morin cité par Durant (1979), le système est une unité
globale organisée d'interrelations entre éléments, actions
ou individus. Rosnay (1975), Braillard (1977) et Maldague et al
(1997) sont plus explicites. Ils définissent le système
comme étant un ensemble d'éléments en interaction
dynamique, constituant une totalité et organisés en
fonction d'un but. Le bassin versant est très complexe par sa
structure et son fonctionnement. Globalement, cette complexité est
caractérisée par :
- La présence d'un grand nombre
d'éléments ou de composants à interaction plus ou
moins forte : Les cours d'eau ou mieux le système
hydrographique, la végétation, les animaux, les
hommes ainsi que les diverses activités qu'ils mènent au
sein du bassin ;
- La multiplicité et l'inconstance des facteurs
du milieu : précipitations, température et d'une
manière générale les facteurs
éco-climatiques ;
- Les impacts des activités humaines sur terrain
(occupation de l'espace, aménagement du territoire...) ;
- Divers autres facteurs difficiles à mesurer qui ont
pourtant un impact certain mais impossible à quantifier.
Comparé à d'autres bassins versants de la
ville de Kinshasa, la complexité du bassin versant de la
rivière N'Djili est davantage plus grande. Seule l'approche
systémique peut permettre d'appréhender et d'analyser
correctement un tel système. Ceci est du à sa
spécificité qui, en plus des éléments communs
que l'on observe dans d'autres bassins versants de
l'écosystème urbain tropical de Kinshasa, repose entre
autres sur les éléments suivants :
§ La rivière N'Djili est une rivière
allogène, très longue (30 Km) avec un bassin qui comprend
deux parties très différentes au point de vue
morphologique et fonctionnel constituant deux sous - systèmes
nettement différenciés : une partie urbaine située
dans le ville de Kinshasa et une partie provinciale dans le
Bas-Congo ;
§ La rivière N'Djili draine un territoire
très vaste (2000 Km) dont les deux tiers se trouvent sur le
territoire de la province du Bas-Congo ;
§ Les deux sous - systèmes présentent
des structures et des destinées différentes : la
partie appartenant à l'écosystème urbain
complètement déboisée, est densément
peuplée en particulier dans la ville haute (Kisenso par exemple)
et occupée en règle générale par un habitat
précaire érigé contrairement aux normes urbanistiques.
Elle a subi et continue à subir une très forte influence
humaine ;
§ Le sous - système provincial est un
écosystème caractérisé par sa ruralité et
n'a subi, à ce jour, qu'une pression très faible et
possède encore de ce fait une certaine couverture
végétale dans sa plus grande partie ;
§ Les fonctions nettement différentes de ces
deux parties font que leur aménagement obéit à
des logiques parfois opposées ;
§ Le bassin versant étant une unité
d'aménagement, la complexité est davantage exacerbée
par le fait qu'il faut impérativement maintenir une triple
harmonie entre les deux parties si l'on voudrait assurer un
aménagement rationnel et une gestion durable et
intégrés. Il s'agit de préserver l'harmonie entre
la partie urbaine et le plan général d'aménagement
de la ville de Kinshasa, de sauvegarder l'harmonie de la partie
provinciale du bassin versant de la rivière N'Djili avec le
plan général d'aménagement de la province du
Bas-Congo, en particulier, celui du District des cataractes et, enfin,
de s'efforcer de faire du bassin de la rivière N'Djili un
tout cohérent qui fonctionne harmonieusement et qui maintient un
équilibre dynamique et harmonieux avec l'ensemble de son
environnement qui est à la fois urbain et rural étant
donné que le bassin de la rivière N'Djili n'est ni une
île ni une structure indépendante du contexte global.
Tous ces facteurs, tangibles et intangibles,
contrôlent le système en entraînant des
réponses difficiles à prévoir et à analyser
qui se traduisent dans le cas d'espèce par des catastrophes
répétitives et très souvent dramatiques dans la
partie urbaine : érosions, inondations et ensablement.
Cette entropie positive entraîne la
dégradation progressive du site, la perte en vies humaines et
des dégâts matériels importants selon un cycle
annuel : quatre mois de répit en saison sèche
où tout est calme et huit mois d'inquiétude profonde pour
la population pendant la saison de pluie. L'eau (forte
pluviosité et ruissellement important) est donc un facteur
déterminant. C'est la conjonction de ce facteur avec des
conditions de vulnérabilité (très forte pente, zones
inondables, construction dans les zones réputées "non
aedificandi" et à risque, la pauvreté...) qui
déclenche de graves catastrophes dans la partie urbaine du
bassin versant de la rivière N'Djili.
Toutes les études montrent que l'eau ou mieux,
le système hydrologique, est l'élément principal
d'un bassin versant par rapport auquel il se définit. Nous
allons donc en premier lieu examiner ce problème en
détail.
Pour Beaujeu - Garnier et Chabot (1963), le
problème de l'eau est un des problèmes majeurs de
l'urbanisation... Une ville peut transformer le fer ou la laine, mais
l'eau est unique à la fois pour la consommation alimentaire
et domestique en général et pour l'utilisation
industrielle. C'est pourquoi, dans la présente étude
systémique sur un bassin versant d'un écosystème
urbain tropical, une très grande importance est accordée
à l'eau dans tous ces aspects.
On note, en outre, une présence constante des nitrites
et nitrates qui sont des indicateurs de pollution organique et
bactérienne. Leur présence simultanée est le signe
indubitable d'une pollution organique et bactérienne permanente dans les
eaux examinées.
Les eaux de la rivière N'Djili sont troubles. Cette
turbidité évolue à travers le temps. Elle passe
progressivement de 16,25 UNT en moyenne en février à 35,649 UNT
au mois d'avril pour descendre à 8,443 UNT en juin. Cette
turbidité élevée est due à la présence d'une
grande quantité des matières en suspension dans l'eau (510,591 mg
/ m en moyenne). Elle est très élevée en saison
pluvieuse : cela traduit l'importance de la charge solide amenée
par les eaux de ruissellement. Comme l'indique Luboya (1997 et 1999), elle
demeure néanmoins très basse par rapport à la
turbidité observée dans certaines autres rivières de
Kinshasa comme la rivière Makelele (1511 UNT). Les matières en
suspension proviennent des eaux usées, des déchets de toute
nature, même des excrétas rejetés dans le milieu
récepteur et d'énormes quantités des matériaux
arrachés aux collines et aux berges du réseau hydrographique
complexe du bassin versant de la rivière N'Djili par les
érosions ; l'excès de turbidité de l'eau est l'indice
certain d'une forte érosion en amont (Duchaufour, 1995). Selon l'OMS
(1986), les particules provenant des phénomènes érosifs
constituent la fraction la plus importante. Les dimensions des particules
responsables de la turbidité varient de 10 mm à 0,1 mm.
Selon l'OMS (1986), la turbidité va de pair avec de
nombreux indicateurs de la qualité de l'eau de boisson ou exerce une
influence sur eux. La turbidité peut mettre les microorganismes à
l'abri de la désinfection, stimuler la croissance bactérienne et
entraîner une demande élevée en chlore. En effet, il arrive
souvent que les désinfections ne détruisent pas les
bactéries pathogènes et fécales présentes dans
l'eau lorsque la turbidité est supérieure à 5 UNT (OMS,
1994). Ceci est très important pour les eaux de la rivière
N'Djili qui servent de matières premières pour la production de
l'eau potable.
Le pH évolue de février (6,803) à mai
(7,148) avec un léger fléchissement au mois de mars (6,468) et
une remontée en août (7,125). On observe des différences en
rapport avec les saisons : 6,786 en saison des pluies et 7,090 en saison
sèche. Kiyombo et al (1997) que les eaux des rivières à
Kinshasa accusent une tendance à l'acidification en saison des pluies.
De manière générale, nos recherches indiquent une
augmentation progressive de pH jusqu'à atteindre le niveau le plus
élevé en août.
La conductivité électrique permet
d'évaluer rapidement et très approximativement la
minéralisation globale d'une eau. Elle est directement liée
à la concentration des particules ionisées (anions et cations).
La conductivité moyenne observée varie de 3,933 (mars) à
154,333 min /cm2.s.
Le phosphate est constant. Il décroît du mois
d'avril au mois d'août. Le taux moyen est de 0,668 mg/l. Ils proviennent
essentiellement des eaux ménagères ou eaux grises et des engrais
chimiques. La diminution du taux des phosphates du mois d'avril au mois
d'août s'explique par la diminution des apports.
La teneur en fer est de 0,396 mg/l en moyenne. A partir d'une
teneur de 0,05 mg/l de fer un goût désagréable peut
être perçu. Pour Lobo et al (1995), le fer développe une
turbidité rouge - brune à partir de 5 mg/l. Elle est susceptible
de tâcher le linge et les accessoires de plomberies et de porter atteinte
à la qualité de certains produits de l'industrie alimentaire
(bière, boissons gazeuses, eaux embouteillées). La
présence de fer dans les eaux naturelles peut être
attribuée à la dissolution des mines acides, aux infiltrations
provenant des remblais, aux égouts et aux industries pharmaceutiques
(OMS, 1986).
Le Calcium est l'élément déterminant dans
la dureté des eaux. Sa teneur moyenne dans l'eau de la rivière
N'Djili s'élève à 22,821 mg/l.
Le dioxyde de carbone se trouve dans toutes les eaux de
surface à des concentrations inférieures à 10 mg/l. La
présence de CO2 et de la lumière favorise la
photosynthèse des végétaux aquatiques et des algues
vertes. Sa teneur varie de 12,6528 (février) à 13,850 mg/l dans
la rivière N'Djili.
Au point de vue bactériologique et parasitologique, les
résultats de ces travaux montrent que 100 % des échantillons
d'eau examinés présentent des germes - test de contamination
fécale. Ils corroborent les résultats antérieurement
observés (Luboya, 1997 et 1999) sur les rivières Yolo, Makelele
et N'Djili. 92 échantillons d'eau ont fait l'objet d'examens
parasitologiques. Ces examens ont révélé la
présence des parasites à dissémination fécale et
urinaire : Anguillula intestinalis (11,11 %), Ancylostoma (1,23),
Balantidium (3,70), Entamoeba (1,23), Giardia (90,12) Cercaires de Schistosoma
(9,48 %), Trichiuris trichura (2,46 %) et Trichomonas (25,82 %). Cela confirme
la pollution fécale des eaux de la rivière N'Djili. Les
études menées par Kiabilua et al. (1999) confirment nos
conclusions : en effet, ces auteurs ont trouvé le Vibrio cholerae
dans les zones inondables et mares d'eau stagnantes dans certains quartiers en
particulier à Limete (quartiers Ndanu, Nzadi et Mbamu). Ces parasites
constituent un danger pour la santé publique. Pour l'OMS (1994), les
protozoaires pathogènes, les helminthes et les organismes libres ne
doivent pas être présents dans l'eau de boisson. Car, il suffit de
quelques-uns de ces organismes ou même d'un seul pour provoquer une
infection chez l'homme.
Ce profil bactériologique et parasitologique des eaux
de la rivière N'Djili s'explique par le fait que celle - ci tout comme
les autres cours d'eau du bassin versant de la rivière N'Djili et de
Kinshasa en général sont devenus des voies habituelles pour
l'évacuation des eaux usées, des excrétas et des
déchets divers. Pourtant, les eaux usées ont une
concentration moyenne en bactéries totales de 108 (Bontoux, 1984).
Saunier (1979) donne des valeurs encore plus importantes pour 100 ml
d'échantillon :
§ Coliformes totaux 108
§ Coliformes fécaux 5.107
§ Streptocoques fécaux 106
§ Particules virales 103
§ Salmonelles 102
Cette charge bactériologique est encore plus
élevée pour les eaux vannes où le nombre des germes test
de contamination fécale peut atteindre 10 milliards par 100 ml (Rouhart,
1986).
Enfin, l'étude des variations saisonnières
montre que les eaux sont plus chargées en saison humide qu'en saison
sèche. Ce fait a été également constaté par
divers auteurs notamment Lobo et al (1997) et Kiyombo et al (1997). La
gravité de la pollution observée traduit l'importance des
décharges liées elles - mêmes au degré
d'urbanisation parfois sauvage dans certains sites (Kisenso, quartier Malemba
et Maziba à Matete, quartier Abattoir à Masina, quartier
Mbanza-Lemba et Livulu à Lemba...) associée à l'absence ou
à l'insuffisance des structures d'assainissement.
La rivière N'Djili est le miroir de la santé et
de l'état global du système hydrologique de l'ensemble du bassin
versant. C'est pourquoi, eu égard aux résultats obtenus, les eaux
de la rivière N'Djili et de ses affluents situés dans la partie
urbaine du bassin versant sont excessivement polluées. Elles ne peuvent
être utilisées à l'état brut que pour un nombre
réduit d'usages : refroidissement et irrigation. Tout autre usage
à des fins domestiques impliquant l'utilisation des eaux brutes non
traitées ainsi que l'arrosage et le nettoyage des légumes doit
être proscrit.
En concordance avec les recherches antérieurement
menées au niveau de la rivière N'Djili (Luboya, 1997 et
1999 ; Golama et Lohaka, 1999) et sur la rivière Lukaya, un des
principaux affluents de la rivière N'Djili (Konde, 1993) et Kiyombo et
al (1997), les eaux de surface dans le bassin hydrologique de la rivière
N'Djili sont excessivement polluées. Cette pollution est de nature
biologique, organique et
fécale. En fait, le bassin versant de la rivière
N'Djili ne fait pas exception. A Kinshasa, les cours d'eau sont les points
d'aboutissement de tous les déchets produits à travers la ville
ce qui a fait dire à Luboya (1999) que les rivières à
Kinshasa sont des poubelles publiques et des égouts à ciel ouvert
(Photos 13 et 14). Et Golama et al (1999), Kiyombo et al (1997) et Konde (1993)
abondent dans le même sens en affirmant que la population de Kinshasa
utilise les cours d'eau comme exutoires pour éliminer les déchets
et les excrétas humains et animaux.
La présence voisine des cours d'eau est providentielle
pour les populations riveraines parce qu'elles constituent les voies
habituelles pour l'évacuation de tous les déchets produits dans
les parcelles. En outre, les latrines de la plupart des parcelles riveraines
communiquent directement ou indirectement à l'aide d'une canalisation
avec les cours d'eau où elles déversent les excrétas
à l'état brut. En plus, à l'occasion des pluies, les gens
débouchent certaines fosses septiques et laissent couler les
matières fécales dans les caniveaux voisins ou simplement dans la
rue. Le péril fécal est donc une
réalité permanente. Cette situation est aggravée par la
désarticulation et l'effondrement des services d'hygiène publique
qui a entraîné la dégradation du niveau de l'hygiène
individuelle et collective.
Malgré cette forte pollution et les risques que cela
implique pour la santé publique et la vie humaine, la population utilise
ces eaux à l'état brut. C'est un fait constant au niveau de
certains cours d'eau du bassin de la rivière N'Djili (rivières
N'Djili, Kwambila, Matete, Lukaya) pour divers usages domestiques :
arrosage et nettoyage des légumes, baignades, lessive, lavage de la
vaisselle, besoins culinaires voire même utilisation comme eau de
boisson. En effet, l'approvisionnement en eau potable constitue un grand
problème pour la grande majorité de la population urbaine de
Kinshasa. Ces faits sont corroborés par les observations de Golama et
Lohaka (1999) sur la rivière N'Djili et de Konde (1993) sur la
rivière Lukaya.
En effet, les besoins de Kinshasa en eau potable
s'élèvent à 527 500 m3 par jour alors que la Regideso ne
produit que 381 900 m3 par jour soit un déficit journalier de
près de 220 000 m3 (Ministère de la santé publique et al.,
2000). Pour les communes raccordées au réseau de distribution de
la Regideso, on observe des fournitures irrégulières très
souvent tardives à des heures indues (au-delà de 22 heures avec
arrêt autour de 4 heures du matin), des interruptions intempestives qui
peuvent prendre parfois plusieurs jours voire des semaines...La situation est
très grave pour les habitants des sites d'habitats spontanés
dépourvus des réseaux de distribution d'eau et
d'électricité où la plupart des ménages
s'approvisionnent dans les cours d'eau et dans des sources non ou mal
aménagées. Parfois, les ménagères parcourent de
grandes distances pour puiser de l'eau au robinet allant très souvent
au-delà de la distance de 400 m qui est généralement
acceptée comme le maximum dans le cadre de la disponibilité en
eau potable. Au-delà de cette distance, l'approvisionnement en eau
potable devient une corvée épuisante et insupportable.
L'accès à l'eau potable est donc un problème
préoccupant dans l'ensemble du bassin versant de la rivière
N'Djili. L'important déficit en eau potable est comblé par
l'utilisation des eaux des rivières et des sources non ou mal
aménagées comme l'indiquent les observations sur le terrain
(Photos 23, 24 et 25). Ces faits ont été également
constaté par Kiyombo et al (1996).
Photo 33: Les enfants se
baignent dans la rivière N'Djili malgré la forte pollution de
ces eaux.
La situation est donc préoccupante sur le plan de la
santé publique surtout si l'on considère que 17,0 % des
ménages ne disposent pas des latrines en République
Démocratique du Congo soit respectivement 5,3 % en milieu urbain et 22,5
% en milieu rural. En outre, la plupart des ménages (63,5 % dans
l'ensemble et 41,3 % dans le milieu urbain) utilisent des latrines non
hygiéniques (Ministère de la Santé Publique, 1998). On
sait également que 75 % des ruraux et 32 % des citadins n'ont pas
accès à l'eau potable en Afrique.
Photo 34: Des femmes
adultes se baignent dans les eaux polluées de la rivière
N'Djili.
Photo 35: Les eaux de la
rivière N'Djili permettent de combler le déficit en eau pour
usage domestique: nettoyage de la vaisselle et eau de boisson.
Photo 36: Une bonne partie
de la population des zones d'extension est dépourvue de raccordement de
la Regideso: la population puise l'eau dans la rivière Kwambila
située dans le bassin versant de la rivière N'Djili.
Photo 37: Un puit mal
aménagé situé dans la vallée de la rivière
N'Djili dans le lit majeur sert à la population pour
l'approvisionnement en eau destinée à satisfaire les besoins
domestiques.
Photo :Un puit mal aménagé situé
dans dans le lit majeur de la rivière Matete utilisé par la
population pour l'approvisionnement en eau destinée à satisfaire
les besoins domestiques.
Les statistiques sont claires : 75 % des 49 millions des
décès observés dans le monde sont dus à des
dégradations de l'environnement et du mode de vie (Philogène,
1992) ; et, dans les pays en développement, 14 millions d'enfants
de moins de 5 ans meurent chaque année des maladies d'origine hydrique
dont 3 millions pour les maladies diarrhéiques qui affectent 900
millions des personnes dont on constate annuellement 3,3 millions des
décès. Trois millions et demi des personnes sont affectées
par des parasites intestinaux et 40 millions contractent des infections
à trématodes (Triay-Kone, 1997). En outre, cet auteur signale
qu'en Afrique, 80 millions des personnes sont exposées au choléra
et 16 millions des cas de fièvre typhoïdes sont enregistrés
chaque année. Entre-temps, 2,5 milliards d'hommes sur la terre souffrent
chaque année des maladies liées à l'absence de l'eau ou
à sa contamination ou à la mauvaise hygiène publique (OMS
citée par Anonyme, 1997). Pour l'UNICEF (1991), 74 % des maladies
observées en Afrique relèvent d'une cause liée directement
ou indirectement à l'eau et à l'absence des systèmes
d'assainissement et d'évacuation des déchets. L'OMS citée
par Gunnar Lindh (1983) que 80 % de toutes les maladies connues sont en rapport
avec l'eau.
En raison des conditions d'hygiènes défectueuses
et dramatiques et de l'effondrement des services d'hygiène publique
associés à l'absence des structures opérationnelles et des
stratégies efficaces d'assainissement, on observe une recrudescence des
maladies d'origine hydrique et des maladies dues à la dégradation
de l'environnement. C'est ainsi qu'en 1997, les cas suivants ont
été enregistrés :choléra (404 cas),
poliomyélite (508 cas), fièvre typhoïde (16 584 cas),
dysenterie (28 348), méningite (956 cas) et la pneumonie (33 848 cas).
Le choléra sévit pratiquement à l'état
endémique dans certains sites (Barumbu) et d'autres maladies sont
régulièrement déclarées (Bilharziose, Amibiase,
filariose et diverses verminoses. Ces maladies éclosent et fleurissent,
en général, dans les milieux pauvres.
La plupart des maladies sont évitables si on sait, si
on veut les éviter (Poucel, 1960). En effet, des études
menées par l'OMS (1997) citée par Gopalan et Sumeet (2000)
indiquent que 90 % des maladies diarrhéiques peuvent être
évitées en effectuant des interventions réalisables sur
l'environnement et la contribution de l'environnement à la malaria est
estimée à 90 %, aux IRA ( Infections Respiratoires Aiguës)
à 60 % et au cancer à 25 %. En outre, Les auteurs
précités indiquent que la réduction projetée de la
morbidité due aux meilleurs systèmes Environnement et
Systèmes Sanitaires en sigle E & S varie de 80 à 100 % dans
le cas du choléra et de la fièvre typhoïde, de 60 à
70 % en ce qui concerne le trachome, la conjonctivite et la schistosomiase, et
de 40 à 50 % pour les maladies diarrhéiques, l'ascaridiose et les
infections de la peau. En améliorant l'environnement domestique de 20 %
seulement, il est possible de diminuer le taux des maladies de 30 %.
Comme on le voit, l'assainissement, la mise en oeuvre d'une
politique rationnelle et réaliste de protection de l'environnement et la
préservation de la qualité de l'eau permettront de combattre
efficacement et même, à terme, d'éradiquer beaucoup de
maladies. Des milliers de vies humaines pourront être sauvés et
des milliards ainsi économisés pourront être
affectés à d'autres secteurs : création d'emplois,
éducation, culture...
En rapport avec les effets de l'urbanisation sur
l'environnement, un colloque organisé ,par l'Organisation des Nations -
Unies à New York en 1970 a relevé les faits suivants :
l'explosion démographique urbaine, la surcharge des équipements
urbains et la pollution excessive de l'environnement, le fait que toute
augmentation de la population entraîne une dégradation
supplémentaire de l'environnement. Les observations menées sur le
terrain confirment ces faits. On peut dire que l'environnement à
Kinshasa est soumis à rude épreuve. Dans le bassin versant de la
rivière N'Djili, cette situation est caractérisée
par :
- Les inondations répétées et dramatiques
dans le cours inférieur de la rivière N'Djili ;
- Des graves érosions dans la partie haute avec
l'ensablement concomitant des parties basses : c'est le cas de Kisenso qui
est profondément labouré par des érosions et de Matete
dont les quartiers situés à l'interface Matete - Kisenso sont
engloutis par des milliers de tonnes des sables et d'autres matériaux
arrachés aux collines de Kisenso ;
- La surcharge de quelques rares équipements
collectifs encore opérationnels à Matete et à
Lemba ;
- L'obstruction des caniveaux et collecteurs d'eaux
usées et pluviales par les sables provenant des sites
érodés situés en amont et par des immondices et autres
déchets.
La situation est aggravée par le manque d'entretien, la
destruction régulière des infrastructures existantes et le manque
des ressources pour l'acquisition des équipements modernes,
adaptés et proportionnels aux problèmes à résoudre.
Pain (1979) a constaté que la superficie occupée augmentait
chaque année de 700 hectares à partir de 1957 et que, depuis
1960, la distribution des parcelles se faisait dans l'anarchie la plus totale
sans contrôle réel des services d'urbanisme. Le tapis
végétal, quant à lui, subit une destruction
irrémédiable avec une dégradation progressive du site
(érosion, inondation). En 1968, la forêt ne représentait
plus que 1 % contre 7 % en 1958. De 1957 à 1975, les zones industrielles
sont passées de 17 à 8 % et les équipements collectifs de
31 à 15 %. Pour Flouriot et al (1975), la ville de Kinshasa était
bien équipée pour une population de 400 000 habitants en 1960.
Quarante ans plus tard, non seulement il y a eu un manque évident
d'entretien des équipements existants qui se sont dégradés
au fil des ans jusqu'à disparaître complètement au niveau
de certains sites, mais en plus rien n'a été fait pour construire
de nouveaux équipements alors que la population a dépassé
le cap de 6 millions d'habitants. Les nombreuses catastrophes naturelles
observées dans le bassin versant de la rivière N'Djili sont dues
à la mal gouvernance et à la mauvaise gestion de l'espace et de
l'environnement. En saison des pluies, les habitants des zones sensibles et
à risques exposées aux catastrophes (érosions,
inondations) sont en permanence dans l'inquiétude soit de voir leurs
biens et leurs maisons disparaître emportés par les flots des eaux
en furie ou engloutis dans des profonds ravins soit tout simplement de perdre
leur vie. Dans ces conditions, ce n'est pas seulement la qualité de la
vie mais la vie elle-même qui est compromise.
Les catastrophes sont la conjonction de deux
éléments, l'aléa et les conditions de
vulnérabilité. Dans le bassin versant de la rivière
N'Djili et de manière générale à Kinshasa, les
catastrophes observées reconnaissent les conditions de
vulnérabilité suivantes :
- L'occupation illégale et anarchique des sites avec
très souvent la complicité des agents du Ministère ayant
les Affaires foncières dans ses attributions et des chefs coutumiers qui
vendent les terres en violation flagrante des dispositions légales en la
matière et plus particulièrement celles des dispositions
pertinentes de la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 modifiant et
complétant la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés appelée couramment
« Loi foncière » ;
- La non viabilisation préalable des sites avant leur
occupation effective ;
- L'inexistence, le sous-dimensionnement et/ou la destruction
des infrastructures de base essentielles et en particulier, des égouts,
des caniveaux et collecteurs destinés à l'évacuation des
eaux usées et pluviales ;
- Les tracés des routes (rues et avenues)
perpendiculaires aux courbes de niveau dans la partie collinaire ;
- L'occupation illégale et irréfléchie
des sites sensibles réputés « non
aedificandi » (zones inondables et sites collinaires à forte
pente de 8 à 20 % voire plus) au mépris des normes urbanistiques
et en violation des textes légaux et réglementaires notamment le
décret du 20 juin 1957 sur l'urbanisme et des textes subséquents
comme l'arrêté ministériel n° 60 / CAB / 017 / TP du
20 avril 1972 portant interdiction de construire dans les zones non loties et
non aménagées de la ville de Kinshasa ;
- Le non-respect de la loi et l'absence d'un plan
d'aménagement rationnel et de stricte application.
A la lumière des observations effectuées sur le
terrain, on doit admettre que l'observation suivante faite par Pain (1972)
demeure d'actualité : « à Kinshasa, on construit
sur des collecteurs ou des conduites d'eau et sous les câbles
électriques à haute tension, sur des versants abrupts et fragiles
des collines ou dans les espaces verts, en bordure des rues, des voies
ferrées, des rivières et des cimetières. Des quartiers
naissent spontanément partout où l'accès est plus ou moins
possible ». Cela traduit très bien la situation qui
prévaut actuellement dans le bassin versant de la rivière
N'Djili.
Sur le plan institutionnel, on observe sur le terrain une
absence de collaboration et, dans certains cas, l'existence d'un antagonisme
latent entre les divers services chargés de la gestion des terres en
l'occurrence ceux des Affaires foncières et de l'urbanisme qui
relèvent de deux ministères différents. Les premiers
créent des lotissements et distribuent des terres sans requérir
au préalable les avis urbanistiques indispensables tandis que les
seconds délivrent parfois des avis favorables sans tenir compte de la
nature des terrains et du degré de compatibilité entre ceux - ci
et l'affectation. Ce désordre est bien entendu favorisé par
l'absence d'un plan d'aménagement opérationnel.
La poursuite de l'urbanisation s'effectue par morceau au
hasard des circonstances sans un plan d'aménagement confectionné
selon les règles de l'art.
En dehors du plan de 1950, tous les autres plans qui ont suivi
ont échoué : Plan régional (1967), Schéma
Directeur d'Aménagement Urbain (1975), Projet de Développement
Urbain (1985) Dans tous les cas, les causes de cet échec sont les
mêmes : impossibilité de maîtriser la croissance de la
population et de l'espace construit, l'absence d'une volonté politique
nettement affirmée, le manque des ressources appropriées, la
pauvreté. A cela, il convient d'ajouter les remous de la
démocratisation pour le PDU. En effet, dans les quartiers
spontanés, la population vit dans des logements insalubres, sur un site
non viabilisé dépourvu des infrastructures de base essentielles,
parfois éloigné des lieux habituels de travail et difficile
d'accès. La ville poursuit ainsi son développement de
manière chaotique comme un cancer. Comme on le constate,
l'urbanisme, entendu comme « une organisation consciente de
l'espace d'une ville ou mieux l'exploitation rationnelle et systématique
d'un site géographique visant à agencer les ouvrages de toute
nature pour organiser et développer de façon commode la vie des
habitants » (Aurélie, 1970), n'est pas appliqué
à Kinshasa.
Or, la protection et la gestion durable des bassins versants
passent impérativement par leur aménagement. Pour un
aménagement rationnel du territoire, il convient de retenir que le
bassin versant constitue une unité d'aménagement (Maldague et
al., 1997). Selon Maldague (2001), les plans d'aménagement des bassins
versants doivent s'intégrer dans les programmes généraux
de mise en valeur de préférence à long terme. Le haut
bassin est une zone de protection (domaine forestier de protection) voire une
zone critique. Le bassin versant de la rivière N'Djili a l'avantage de
présenter deux parties à destinée
différentes : urbaine et rurale. Son aménagement rationnel
doit respecter les principes suivants :
1. Maintenir l'équilibre naturel dans le haut bassin
en préservant le couvert forestier, en assurant le reboisement et en
privilégiant les activités d'agroforesterie par rapport à
d'autres types d'activités. Il suffit pour ce faire de respecter le
caractère rural de cette partie et d'intensifier le
reboisement ;
2. De protéger les zones humides et éviter d'y
ériger des habitations tout en encourageant l'organisation des
activités écologiquement viables ;
3. La protection des pentes et des talus par une politique de
gestion rationnelle des terres, de respect des normes urbanistiques dans
l'habitat et de viabilisation préalable des sites avant toute
occupation
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