La responsabilité des organisations internationales pour dommages causés aux populations civiles. Cas de la force intérimaire des Nations Unies au sud Liban( Télécharger le fichier original )par Floyd- Loyf KABUYA KALOMBO Université protestante au Congo - Licence en droit international 2011 |
Paragraphe2 : Le consentement des parties au conflitParmi les trois éléments incontournables pour la mise au point des OMP figure le consentement. Il est, si ce n'est le plus important élément du maintien de la paix, le plus nécessaire, car il en va du principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Nous nous proposons d'étudier dans ce paragraphe, les considérations juridiques (1) et les considérations stratégiques (2) du consentement des parties. 2.1. Les considérations juridiques49(*)Disons que les OMP des N.U ne sont déployées qu'avec le consentement des principales parties au conflit.50(*)En principe, cela implique l'adhésion des parties à un processus politique et leur consentement à la présence de l'opération de maintien de la paix qui est censée appuyer ce processus.51(*) Le professeur MUKONDE dit à ce sujet que le principe de l'égalité souveraine et son corollaire, le respect de l'intégrité territoriale, protègent tout État contre l'entrée non consentie d'étrangers sur son territoire. Il pense également que « le principe de non intervention prohibe le fait que des tâches qui relèvent de la compétence d'un État soient assumées par d'autres entités ; enfin le principe du non-recours à la force interdit à la fois toute présence militaire étrangère non agréée par l'État comme toute action armée qui interférerait dans ses affaires intérieures ».52(*) Une intervention qui se fait dans un État sans son consentement préalable équivaudrait à une violation de l'un des principes fondateurs des Nations-Unies à savoir,la non-intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un État.53(*)Une dérogation est faite à ce principe seulement dans le cas du peace keeping.54(*) Dans un rapport du S.G des N.U, il est écrit que « la nécessité juridique du consentement est à rechercher dans la souveraineté des États. Le respect dû à la souveraineté des Étatsrecouvre plusieurs principes étroitement imbriqués. D'une part, l'O.N.U doit se soumettre au principe de l'exclusivité territoriale »55(*). Dans le rapport du 6 novembre 1956 qui précède immédiatement la création de la FUNU, le S.G y insiste : « bien que l'A.G soit habilitée à constituer la Force avec l'assentiment des parties qui fourniraient des unités, elle ne pourrait pas demander que la Force soit stationnée ou qu'elle opère sur le territoire donné sans l'assentiment du gouvernement de ce pays ».56(*) Il s'ensuit que l'O.N.U avant d'envoyer une force de maintien de la paix sur le territoire d'un État doit être autorisée par celui-ci par le biais d'un instrument juridique dénommé « Accord de siège ». En outre il faut ajoutait que les débats de l'A.G expriment l'opinion que par un lien de cause à effet, c.à.d. que toute action sur un territoire nécessite le consentement de la puissance souveraine dont dépend le territoire.57(*) Dans la suite du rapport précité, il est écrit : « (...)d'autre part, l'ONU est tenue au respect du principe corollaire, posé à l'article 2, §7, de non-intervention dans les affaires intérieures de l'État hôte sauf utilisation du chapitre VII. Le S.G accorde à cet article un sens particulièrement extensif puis qu'il en déduit qu'un « principe fondamental interdit l'utilisation d'éléments relevant de l'ONU dans des situations qui revête un caractère essentiellement interne (...) son rôle doit se limiter aux aspects externes de la situation politique, tels que l'infiltration ou d'autres activités touchant des frontières internationales ».58(*) À l'issue d'un conflit, le consentement des parties peut s'avérer incertain et peu fiable à cause de la méfiance qui règne entre elles. Quand le consentement est accordé à contrecoeur par une partie suite à des pressions internationales, il peut être retiré de multiples façons si cette partie n'est pas pleinement engagée dans le processus de paix. C'est le cas d'une partie qui au départ avait donné son consentement au déploiement d'une OMP mais par la suite, commence à mettre des bâtons dans les roues de l'opération, à en limiter la liberté d'action, ce qui revient à un retrait de consentement.59(*) Le rapport du comité spécial des OMP stipule que la nécessité du consentement ne s'épuise pas avec la conclusion d'un accord sur le déploiement de l'opération, il faut aussi que ces forces opèrent avec l'entière coopération des parties intéressées, en particulier du gouvernement, compte dûment tenu de sa souveraineté.60(*) Il en ressort donc que, si le consentement de l'État hôte n'apparait plus aussi clairement comme une condition juridiquement nécessaire, il n'a jamais été considéré comme une condition suffisante. D'une part, l'acte par lequel l'État hôte exprime son consentement ne donne pas, à lui seul, son fondement juridique à l'opération, et d'autre part, le consentement d'un seul État hôte ne garantit pas à l'OMP la coopération des entités non étatiques parties au conflit, ce qui justifie la recherche des voies et moyens d'associer toutes les parties intéressées.61(*) Il faut dire que le retrait total du consentement, dans l'hypothèse où celui-ci était au départ donné, ou même l'absence de consentement, dans le chef d'une ou des plusieurs parties remet en cause la présence d'une OMP des N.U.62(*) Selon Evelyne LAGRANGE, sans aller jusqu'à prétendre que le consentement de l'État hôte et l'association des autres parties soient, juridiquement, une condition superfétatoire, il convient de corriger, au vue de la pratique récente, l'interprétation qui a pu en être donnée. De plus le consentement de l'État hôte ne découle d'aucune prescription constitutionnelle : à moins d'un blocage politique, l'organisation a toujours le choix entre une action coopérative et une action autoritaire. Ensuite, le consentement de l'État hôte ne suffit jamais à fonder l'action de l'ONU : même lorsque l'opération est pure de tout élément de coercition, l'unilatéralisme l'emporte in fine sur le consensualisme. Mais, il est vrai que le consentement de l'État hôte et l'association des autres parties intéressées sont intrinsèquement liés à la mission qui continue d'être assignée aux OMP, à savoir créer les conditions propices à un règlement pacifique des conflits. L'efficacité de l'action des NU par la « nécessité » du consentement. Aussi n'est-il recouru au chapitre VII qu'à titre exceptionnel.63(*) Une OMP est donc une opération de nature consensuelle parce qu'il fait appel à l'accord des parties, à l'échange de consentement et cela, en dépit de la conduite unilatérale des opérationspar l'ONU.64(*) Quoique le consentement de l'État hôte ne revêt plus le caractère d'impérieuse nécessité, étant donné que le C.S a la possibilité théorique d'imposer, en vertu du chapitre VII, le déploiement d'une OMP, il s'avère représenter néanmoins l'unique point d'accord entre les ÉtatsMembres qui attribuent chacun une nature juridique différente aux OMP.65(*) Le principe du consentement n'a, selon Evelyne LAGRANGE, jamais été abandonné. Le choix d'une formule concessive dans la déclaration fait par le Conseil de sécurité le 30/05/1990 n'ôte en rien de sa force au principe : « tout en souscrivant au principe selon lequel les OMP ne devraient être entreprises qu'avec l'assentiment des pays hôtes et des parties intéressées, les Membres du Conseil prient instamment les pays hôtes et toutes parties concernées de faciliter par tous les moyens (...) le déploiement et le bon fonctionnement des OMP des N.U afin d'en assurer la sécurité, de façon que celles-ci puissent s'acquitter de leur mandat».66(*),67(*) Dansl'Agenda de la paix du S.G des N.U, il y est rappelé le rôle primordial des États pour le maintien de la paix.Ceci est exprimé en ces termes : « la pierre angulaire de l'édifice est et doit demeurer l'État, et le respect de sa souveraineté et de son intégrité constitue de tout progrès international ».68(*) Le supplément de l'Agenda de la paix est lui encore plus catégorique : « le succès des OMP dépend du respect de « certains principes fondamentaux dont trois particulièrement importants : respect du consentement des parties, impartialité et non-usage de la force, sauf en cas de légitime défense ».69(*) * 49 MUKONDE MUSULAY., P., Droit de la sécurité internationale, notes polycopiées à l'usage des étudiants de deuxième Licence droit, UPC, Février 2012 * 50 Le C.S peut autoriser une opération sans l'accord explicite des parties au conflit, s'il croit que le conflit représente une menace à la paix et à la sécurité internationales, une opération qui se déroule ainsi dans le cadre des opérations d'imposition de la paix (ONUSOM) * 51 ONU, Op. Cit., P.35 * 52 MUKONDE MUSULAY, P., Op. Cit., P.54 * 53 MAVUNGU J.P., Op, Cit., p.46 * 54 Voir infra P.18 * 55 Rapport du secrétaire général des N.U, étude sommaire sur l'expérience tirée de la création et du fonctionnement de la force, A/3943, 9 octobre 1958, §9 * 56 Rapport S.G, étude sommaire sur l'expérience tirée de la création du fonctionnement de la force, A/3943, 9 octobre 1956, §9. * 57 MANIN., P., L'ONU et le maintien de la paix, p.84 * 58 Rapport du S.G., Op. Cit, §166 * 59 DOMP, Op. Cit., P.35 * 60 Rapport du comité spécial des OMP, A/32/394 du 2 décembre 1977, appendice 1, article 9 * 61 LAGRANGE, E., Op. Cit., p. 23 * 62 ONU, Op. Cit., p.35 * 63 LAGRANGE, E., Op. Cit., p.33 * 64PETIT, Y., Op. Cit., p.41 * 65 LAGRANGE, E., Op. Cit., p.16 * 66 LAGRANGE, E., Op. Cit., p.21 * 67 L'article 43 de la Charte demande aux États d'accorder au C.S, sur demande, tous ce qui lui est nécessaire pour le maintien de la paix ou son rétablissement ; cela se fait par le biais d'un accord spécial ou des accords spéciaux. * 68 Agenda pour la paix, §17 * 69 Rapport de situation présenté par le S.G à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'ONU, A/50/60-5/1995/1, 3/janvier/1995, §3. |
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