Les droits fondamentaux des détenus au Sénégal( Télécharger le fichier original )par El-Hadj Badara NDIAYE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrise droit privé 2003 |
B - Les lacunes de la législation pénale nationaleLes lacunes de la législation pénale nationale peuvent être identifiées à travers d'une part par le régime de la garde à vue et d'autre part , le régime de l'incarcération. 1 - Au niveau du régime de la garde à vue Décidée par l'officier de politique judiciaire, limitée dans le temps, la garde à vue est entourée d'un certain nombre de garanties reposant sur le contenu des droits de la personne gardée à vue. En effet, il résulte des dispositions du code de procédure pénale que toute personne gardée à vue peut faire prévenir un proche, obtenir un examen médical, avoir un entretien avec avocat, ... Parmi ces garanties, le droit d'être examiné par un médecin et le droit d'avoir un entretien avec un avocat retient particulièrement l'attention. S'agissant du droit de s'entretenir avec un avocat, il est d'une part tardif car il s'exerce lorsque 24 heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue, d'autre part, il est de courte durée car ne pouvant pas excéder 30 minutes.83(*) Cet entretien n'apporte à l'intéressé qu'une garantie purement formelle. En effet, s'il est informé par l'officier de police judiciaire de la nature de l'infraction recherchée l'avocat ne peut ni consulter le dossier ni assister aux actes de l'enquête.84(*) Ne pouvant de surcroît faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue, la seule possibilité qu'ait l'avocat de se faire entendre est de présenter des observations écrites qui seront jointes au dossier. Ainsi, le droit de s'entretenir avec un avocat lors de la garde à vue n'est plus dans ces conditions qu'un droit théorique et illusoire. De même, l'examen des dispositions relatives au contrôle médical accordé à la personne gardée à vue montre une fois de plus les lacunes de la législation pénale. En effet, aux termes de l'article 56 « si le Procureur de la République ou son délégué l'estime nécessaire, il peut faire examiner la personne gardée à vue par un médecin qu'il désigne, à n'importe quel moment des délais prévus par l'article précédent. Il peut également être saisi aux mêmes fins et dans les mêmes délais par la personne gardée à vue sous le couvert de l'officier de police judiciaire par toute personne ou par son conseil ... ». La lecture de cet article montre qu'il ne s'agit pas d'une obligation car ce texte prévoit que l'examen médical est fait à la demande de l'intéressé où à la requête d'un membre de sa famille ou de son conseil. Cependant, quant on connaît les problèmes auxquels sont exposés ceux à qui s'adresse le contrôle médical lors de leur contrat avec la politique, on ne peut qu'être compréhensif de l'inefficacité de ce texte. Par ailleurs, l'introduction du médecin à ce stade de la procédure n'a pas pour but de s'immiscer dans l'interrogatoire ni à formuler des injonctions. C'est au pouvoir judiciaire seul puisque l'intervention du médecin telle qu'elle est prévue par l'article 56 du CPP n'a lieu qu'une fois le détenu déféré devant le magistrat compétent. Cela traduit l'inopportunité de ce contrôle médical dont l'objectif était de prévenir la brutalité de la police et de la gendarmerie. Les lacunes de la législation pénale nationale sont aussi perceptible au niveau du régime de détention des condamnés. 2 - Au niveau du régime de détention des condamnés Le législateur sénégalais s'est fortement inspiré des règles minima de traitement des détenus et de la législation humanitaire et idéaliste de la France, ancienne métropole dans la détermination du régime de détention des condamnés. En effet, l'ensemble des règles minima est une législation taillée sur mesure pour l'occident. Il est donc quasi-impossible pour un pays sous-développé. Même en Occident ces règles semblent délicates à appliquer à fortiori en Afrique où les préoccupation des gouvernements sont essentiellement tournées vers la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Ils y arrivent avec peines si l'on sait que les difficultés économiques sont cruciales. L'impossibilité d'appliquer le régime progressif en est une illustration. Ce régime est très long. Son application requiert une surveillance stricte pour aboutir à l'ultime phase (la libération conditionnelle) qui nécessite une confiance par rapport au détenu. De plus, le respect effectif de ces dispositions transformerait les prisons sénégalaises en « Paradis terrestres » car les conditions de vie en prison telles que définies par ces règles correspondent au niveau de vie de la minorité des Sénégalais les plus nantis et constituent un « rêve » pour la grande majorité. Par conséquent, le respect de ces principes par un Etat sous-développé comme le Sénégal pourrait encourager l'aggravation de la criminalité car les prisons ne désempliraient pas. Ainsi, les règles minima de traitement des détenus reprises dans la législation pénale sénégalaise sont inadaptées aux réalités locales. Ce qui semble se dessiner à travers les atteintes portées aux normes établies en matière de détention au Sénégal. * 83 Art. 2 de la nouvelle loi n° 99-06 du 29 janvier 1999 modifiant l'article 55 du CPP. * 84 Art. 2 de la même loi précitée. |
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