CHAPITRE III : IMPACT
DE DESEQUILIBRE BUDGETAIRE SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE AU RWANDA
L'incapacité de l'Etat Rwandais de
relever à court terme les recettes publiques et dans une moindre mesure
l'insuffisance des réductions des dépenses de l'administration a
entraîné une explosion des déficits budgétaires.
Pour combler ces déficits, les pouvoirs publics font recours aux avances
de la Banque centrale, à l'émission des titres soit auprès
de la BNR, soit auprès des banques commerciales ou du secteur
privé non bancaire , ou soit procédé à
l'endettement extérieur . Le Gouvernement Rwandais peut financer une
augmentation de besoins d'emprunt du secteur public par vente des titres
à la banque centrale ou au recours direct aux avances de cette
dernière via son compte à la dite banque, ce qui lui évite
de placer un montant équivalent des titres sur le marché
financier. Dans ce cas, la masse monétaire au sens large, augmente d'un
montant, aux taux d'intérêts pratiqués au montant
considéré. De cette politique de financement du déficit
budgétaire par l'intervention directe de la banque centrale,
résultent trois conséquences :
1) La masse monétaire supplémentaire peut
trouver sa contrepartie dans une augmentation rapide de la production. Dans ce
cas, il y a peu ou pas d'effets inflationnistes, parce que l'offre
supplémentaire répondra à l'accroissement de la
demande ;
2) La masse monétaire supplémentaire peut
être thésaurisée ou épargnée. Dans ce cas, il
n'y aura non plus d'effets inflationnistes, puisque la demande n'augmente
pas ;
3) En effet, si la masse monétaire
supplémentaire est distribuée sous la forme de revenu, elle
entraîne une augmentation de besoin de consommation sans augmentation
correspondante de la production ; il en résulte une
accélération de la hausse des prix, donc de l'inflation.
Cette création entraîne une hausse des
dépenses en valeur nominale qui a un caractère inflationniste,
sauf si elle a pour contrepartie une augmentation de l'offre intérieur
ou des importations. De façon générale, l'emprunt public
intérieur réduit d'autant le crédit disponible par le
secteur privé, ce qui suscite les pressions sur le taux
d'intérêt intérieur. Ces derniers créent une
espèce de concurrence entre l'endettement public intérieur et les
investissements privés, concurrence dont les effets prévisibles
sont sûrement la diminution des crédits disponibles à
l'économie. Selon la théorie économique, l'éviction
des investissements privés, qui sont supposés être plus
rentables que les investissements publics, implique le ralentissement de
l'activité économique qui mène à son tour à
l'accroissement du taux de chômage.
Et lorsque l'Etat Rwandais ne trouve pas ou ne se met pas en
situation de trouver sur le marché intérieur de quoi se financer,
il a recours à des financements externes. L'afflux des capitaux
étrangers pour financer le déficit budgétaire n'a pas
d'effet direct sur la création monétaire dans la mesure où
ces capitaux servent à l'équilibre de la balance des
paiements.
Par contre, si l'Etat cède des devises à la
banque centrale en contrepartie de la monnaie nationale pour effectuer les
achats à l'intérieur du pays , l'effet inflationniste est
évident . C'est ainsi que le Rwanda devant la faiblesse de
l'épargne interne et les perspectives de croissance faibles, l'emprunt
extérieur s'est imposé comme une donnée indispensable pour
le financement des plans d'investissement. L'intervention de la dette dans le
processus de croissance est conçue comme devant se traduire par une
complémentarité entre les flux d'emprunts et l'épargne
interne , et cette croissance doit être telle qu'elle substitue au fur et
à mesure à la dette , jusqu'à ce que cette dernière
soit nulle .
D'une manière générale, l'emprunt
extérieur direct a tendance, comme l'utilisation des réserves,
à provoquer une appréciation du taux de change, portant ainsi
préjudice aux exportations et encourageant les importations. Ce qui
contribue, avec l'amortissement de la dette extérieure et les paiements
des intérêts, au déséquilibre extérieur du
Rwanda. Les effets pervers du remboursement de la dette extérieure se
situent à deux niveaux à savoir le niveau des recettes
budgétaires et celui des réserves de change. Les
prélèvements des sommes nécessaires au remboursement des
prêts exercent des effets de ponction des recettes budgétaires.
Lorsque les prêts sont assortis des taux d'intérêt fixes ,
les montants à rembourser sont connus d'avance, ce qui n'est pas le cas
quand s'il s'agit des taux d'intérêt flottants. Aussi toute
appréciation de la devise dans laquelle les remboursements sont
effectués conduit à la majoration des prélèvements
sur les recettes budgétaires. Le retard dans le paiement du service de
la dette peut aussi être à la base de l'alourdissement du poids de
la dette et de la pression exercée sur le budget de l'Etat, dans la
mesure où le bailleur pénalise l'emprunteur en élevant
les taux d'intérêt contractuels. Bref, la hausse du taux
d'intérêt, du taux de change de la monnaie dans la quelle le
remboursement doit s'effectuer ainsi que le retard dans le remboursement de la
dette sont autant des facteurs qui exercent un effet négatif sur
l'économie du pays débiteur.
Au Rwanda comme dans d'autres pays en développement, le
déficit budgétaire est structurel et est lié à la
structure même de l'économie nationale. Le point saillant est la
grande dépendance de notre pays vis-à-vis de l'extérieur,
traduite par les dons extérieurs en termes d'appuis budgétaire
depuis la chute des cours mondiaux du café dès 1985. La chute
des cours de ces produits en 1985, et au delà, ont
entraîné une stagnation, la diminution des recettes (impôts
sur le commerce extérieur) et une forte augmentation des dépenses
à travers des fonds d'égalisation et par là un
accroissement du déficit budgétaire. il est encore de remarquer
également que la persistance des déficits budgétaires
depuis les années 85 trouve son origine dans les investissements publics
financés en grande partie par des crédits extérieurs et
s'est aggravé avec la guerre de 1990 et le génocide de 1994 .
Ici on peut préciser que le déficit budgétaire est devenu
plus en plus élevé alors que les moyens de financement ne suivent
pas ce rythme d'accroissement.
III.1. Structure du
déficit budgétaire au Rwanda.
Tableau 13: La structure
du déficit budgétaire de 1985 à 1989(en milliards de
Frw).
Rubriques
|
1985
|
1986
|
1987
|
1988
|
1989
|
Recettes totales
|
20.8
|
23.5
|
23.2
|
25.1
|
24.4
|
Dépenses totales
|
23.4
|
25.5
|
29.9
|
30.4
|
26.7
|
Déficit global
|
- 2.6
|
-2.0
|
- 6.7
|
- 5.3
|
- 2.3
|
Source : MINIPLAN, Exécution du
budget de l'Etat 1989.
Graphique 8: Evolution du
déficit budgétaire de 1985 à 1989 (en milliards de
Frw).
Source : nous-même à partir des
données du tableau 13.
Il est à constater que l'Etat a commencé
d'avoir des déficits budgétaires des années 80 par le fait
que les recettes ne parviennent pas à couvrir la totalité des
dépenses, le déficit global est de 2.6 milliards de Frw en 1985
pour rechuter à 2.0 milliards de Frw en 1986, suite au maîtrise
des dépenses et une forte augmentation des recettes dont les dons
occupent une place non négligeable. Il est passé de 2.0 milliards
de Frw en 1986 pour remonter à 6.7 milliards de Frw en 1987, et encore
rechuter jusqu'à 2.3 milliards de Frw en 1989.
Tableau 14: Structure du
déficit budgétaire de 1990 à 1994. (en milliards de
Frw).
Rubriques
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
Recette propre
|
21,6
|
25,0
|
27,6
|
25,9
|
5,9
|
Dépenses courantes
|
30,3
|
35,9
|
45,8
|
43,5
|
22,2
|
Déficit courant
|
- 8,7
|
- 10,9
|
- 18,2
|
- 17,6
|
- 16,3
|
Dépenses en capital
|
12,7
|
16,8
|
20,0
|
23,6
|
4,4
|
Déficit global
|
- 1,4
|
- 27,7
|
- 38,3
|
- 41,2
|
- 20,7
|
Source : BNR, rapport sur évolution
économique et financière 1996
Graphique 9: Evolution du
déficit budgétaire de 1990 à 1994(en milliards de Frw).
Source : nous- même à partir des
données du tableau 14.
Durant la période de 1990 à 1994, les recettes
propres de l'Etat n'ont pas suffi pour couvrir les dépenses courantes et
d'investissement. Le déficit des opérations financières de
l'Etat était chronique en raison de l'augmentation rapide des
dépenses courantes par rapport aux recettes propres de l'Etat. En 1990,
les recettes propres de l'Etat s'élevaient à 21,6 milliards de
Frw contre 43,0 milliards des dépenses dont 30,3 milliards des
dépenses courantes, soit un déficit courant de 8,7 milliards. Ce
déficit s'est creusé des années suivantes, passant
à 10,9 milliards, 18,2 milliards et 17,6 milliards, respectivement en
1991, 1992,1993 et 1994. L'augmentation de dépenses en capital entre
1990 et 1994 à porté le déficit global à 4,2
milliards de Frw en 1993 entre 21,4 milliards de Frw en 1990 et 20,7 milliards
en 1994.
La réduction de 20,5 milliards de Frw du déficit
global observé en 1994 est liée au faible niveau de
dépenses de développement (4 ,4 milliards de Frw suivant les
rapports de la BNR de 1996).
Tableau 15: Structure du
déficit budgétaire de 1995 à 2004 (en milliards de
Frw).
Désignation
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
Recettes totales
|
23,1
|
39,4
|
58,1
|
66,0
|
63,6
|
68,7
|
86,2
|
101,2
|
122,3
|
147,0
|
Dépenses courantes
|
42,1
|
55,9
|
64,0
|
75,3
|
87,1
|
94,3
|
107,5
|
123,7
|
162,7
|
163,8
|
Déficit courant
|
- 19,0
|
- 16,5
|
- 5,9
|
- 9,3
|
- 23,5
|
- 25,6
|
- 21,3
|
- 22,5
|
- 40,4
|
- 16,8
|
Dépenses en capital
|
27,3
|
39,4
|
46,1
|
42,3
|
40,8
|
42,1
|
50,0
|
40,7
|
51,1
|
89,5
|
Déficit global
|
- 46,3
|
- 55,9
|
- 52,0
|
- 51,6
|
- 64,3
|
- 67,7
|
- 71,9
|
- 74,8
|
- 95,5
|
- 106,3
|
Source : BNR, rapport sur évolution
économique et financière 2004.
Graphique 10: Evolution du
déficit budgétaire de 1995 à 2004 en Milliards de
Frw.
Source : nous - même à partir du
tableau 15.
Compte tenu des résultats de l'exécution du
budget de l'Etat et en se referant aux tableau et graphique ci-dessus on
constate qu'en 1995, le déficit courant a été de 19,0
milliards de frw, le déficit global a été de 46,3
milliards de frw d'où la différence de 27,3 milliards est la
totalité des dépenses d'investissement dont la reconstruction du
pays dans tous les domaines après une période de génocide.
En 1996, le déficit est passé de 46,3 milliards Frw à
55,9 milliards de Frw. Au cours de l'exercice 1996,1997 et 1998 les
opérations financières de l'Etat sont clôturées avec
un besoin de financement respectif de 55,9 milliards de Frw, 52,0 milliards de
Frw et 51,6 milliards de Frw. En raison de l'augmentation des
dépenses publiques le déficit courant est passé de 5,9
milliards de Frw en 1997 à 9,3 milliards de Frw en 1998.
On vient d'observer que le déficit global est
resté plus ou moins stable entre 1997 et 1998. malgré la baisse
des dépenses d'investissement en 1999 et en 2002, le déficit
global n'a cessé d'augmenter passant de 64,3 milliards de Frw en 1999
à 74,8 milliards de Frw en 2002. En 2002 et 2003, le
déficit courant a évolué par rapport aux années
précédentes, il est passé de 22,5 milliards en 2002 pour
revenir 40,4 milliards en 2003 ; de plus en raison d'augmentation de
dépenses d'investissement le déficit global est passé de
51,1 milliards en 2003 pour atteindre 89,5 milliards en 2004.
En 2004 le déficit courant a diminué de 40,4
milliards de Frw en 2003 pour s'ajuster à 16,8 milliards de Frw en
2004. Ceci est du à une augmentation plus importante des recettes
totales de l'Etat et les dépenses ont augmenté moins
proportionnellement aux recettes totales. Dès 2002 et 2004, le
déficit global a été plus important qu'en avant,
s'établissant 74,8 milliards de Frw en 2002 ; 95,5 milliards de
Frw en 2003 et 106,3 milliards de Frw en 2004.
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