A- 4. Les textes nationaux
Plus personne ne peut réfuter l'importance et l'ampleur
des problèmes de l'environnement qui assaillent l'humanité
aujourd'hui. Jadis négligés, ils occupent actuellement une place
de choix sur la scène politique. Le Sénégal, à
l'instar des autres pays, n'est pas en reste dans cette logique de protection
de l'environnement et c'est dans ce sens que les pouvoirs publics ont mis sur
pied un cadre juridique visant la protection de toute la zone littorale y
inclus le DPM. Les textes édictés au plan national sont divers et
loin de faire une étude exhaustive quelques uns d'entre eux seront
étudiés du moins ceux les plus importants. De même, les
textes législatifs seront privilégiés.
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Sénégal : Etude
de la Grande Côte. Présenté par
Malick SANOKHO
Avant tout, il faut remarquer que le DPM est soumis à
la législation foncière. Il s'agit de la loi sur le domaine de
l'Etat. La Loi n°76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du domaine
de l'Etat définit le domaine public maritime et, la zone
littorale faisant partie du domaine public naturel de l'Etat est ainsi
décrite (Loi 76-66, Livre II/Titre
Premier/Art. 5a) : « ..., les rivages de la mer couverts et
découverts lors des plus fortes marées, ainsi qu'une zone de cent
mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus
fortes marées ».
Cette loi, en plus de définir le domaine public
maritime, fait état du régime de ces espaces qui peut
revêtir des aspects exorbitants. Le DPM est soumis au régime de la
domanialité publique qui se caractérise par son exorbitance
liée aux principes d'inaliénabilité et
d'imprescriptibilité qui s'appliquent à lui.
Le domaine public est formé des biens appartenant
à l'Etat qui ne sont pas susceptibles d'appropriation privée en
raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée. Il en
résulte que les biens du domaine public sont inaliénables et
imprescriptibles. A cet effet, l'Etat ne peut pas transférer un droit
à un tiers ni à titre onéreux ni à titre gratuit.
Par ailleurs, ces biens ne peuvent pas bénéficier d'une
prescription acquisitive. Toutefois, l'Etat peut bénéficier de
certains biens relevant du domaine public en les déclassant pour les
faire entrer dans son domaine privé.
Le domaine public, bien qu'insusceptible d'appropriation
privée, peut sous certaine conditions faire l'objet d'autorisations
d'occuper ou d'exploitation, ou de concessions (articles 11 à 14 du
CDE14).
Le régime de la domanialité publique doit
garantir en principe une protection au DPM en disposant des boucliers
juridiques et institutionnels efficaces.
Cependant comme l'environnement est un secteur
multidimensionnel et interdépendant, en plus du régime de la
domanialité publique, d'autres textes s'appliquent sur le DPM et ils ont
pour but de garantir une protection efficace et effective de l'environnement
sur cet espace. Après la législation foncière, il y'a
celle relative à l'environnement et elle se matérialise à
travers la Loi n° 2001-01 du 15 Janvier 2001 portant code de
l'environnement. Elle remplace et abroge la Loi 83-05 du 28 janvier
1983. Le contenu assez restrictif de cette dernière ne lui permettait
pas de prendre en compte tous les éléments fondamentaux de la
protection de l'environnement, et de constituer ainsi un texte de base servant
de loi-cadre au
14 Loi n° 76-66 du 2
juillet 1976, JORS.
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Sénégal. Par ailleurs, l'évolution de la
politique nationale de protection des ressources de l'environnement ainsi que
l'accroissement des normes et principes internationaux souscrits par le
Sénégal, rendaient nécessaires une refonte et une
actualisation du Code de l'environnement.
La loi de 200115 portant code de l'environnement
contient plusieurs dispositions qui peuvent être relatives à la
protection du littoral. En effet, le législateur prévoit des
mesures de prévention et de lutte contre les pollutions et nuisances qui
concernent aussi le littoral. Ceci se concrétise par le classement de
certaines installations pour la protection de l'environnement, le respect des
règles environnementales par les établissements humains, la
gestion des déchets, l'obligation de procéder à
l'étude d'impact et l'établissement d'un plan d'urgence est
prévu en cas de situations de pollution grave. De même, des
règles sont établies pour la protection des milieux
récepteurs et concernant le littoral, il y'a des mesures de
prévention de la pollution des eaux, de la pollution et de la
dégradation des sols. Ainsi toutes ces normes participent à la
protection du littoral et pour garantir leur efficacité, des sanctions
pécuniaires, administratives et pénales sont prévues en
cas de violation.
On ne peut étudier ce thème sans pour autant
évoquer les lois de 1996 qui ont apporté des modifications
majeures dans la gestion de l'environnement et dans le foncier.
Au niveau du foncier et plus précisément en ce
qui concerne le DPM, les collectivités décentralisées
malgré l'approfondissement de la décentralisation en 1996 ont eu
peu de compétences en la matière. Ainsi, il convient de nuancer
l'implication des collectivités dans la gestion du DPM. Souvent, elles
peuvent donner leur avis quand les projets ou opérations initiés
sur le domaine public maritime se situent dans leur périmètre
foncier. De même, elles peuvent se voir déléguer les
compétences de gestion dans les zones du domaine public maritime
dotées de plans spéciaux d'aménagement approuvés
par l'Etat (articles 20 à 22 de la loi
n°96-07 portant
transfert de compétences aux collectivités locales du
Sénégal).
Le littoral est, pour les collectivités locales
côtières, d'une grande importance pour leur développement
économique et touristique mais la gestion du domaine maritime leur
échappe. En effet, elles ne sont que partiellement impliquées car
c'est l'Etat qui a la main mise en la matière.
Avec le nouveau régime des collectivités locales
est fixé par la loi 96-06 complétée par
la loi
15 Loi n°2001-01 du 15
janvier 2001, JORS, portant code de l'environnement de la République du
Sénégal.
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96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de
compétences aux régions, communes et communautés rurales,
désormais, les collectivités locales détiennent des
compétences en matière d'environnement et de gestion des
ressources naturelles. Certaines de leurs attributions peuvent s'exercer dans
la zone littorale. Dès lors, les collectivités locales peuvent
être impliquées dans la gestion d'espaces relevant du DPM.
Toujours en poursuivant les dispositions juridiques relatives
à la gestion du DPM, il faut dire que l'Etat assure la partie la plus
importance. D'ailleurs certains domaines malgré les transferts de
compétences sont restés sous l'emprise du pouvoir Etatique. Pour
cela, il faut retenir les mines, l'eau et les carrières, matières
qui procurent une manne financière excrément colossale pour
l'Etat et les exploitants. Prudence a fait que l'Etat se donne la
compétence à assurer ces domaines intégralement. La
présence de ses ressources sur le DPM ne fait qu'intensifier leur main
mise de la part de l'Etat. A cet effet, le code minier entre souvent en
contradiction avec le code de l'environnement dont la préoccupation
consiste à la protection des biens de la nature. Il est prévu
même au Titre II de ce code de passer une étude d'impact
environnementale au préalable de tout projet de nature pouvant ou
à porter atteinte à l'environnement en place.
Mais les reformes institutionnelles et législatives
entamées depuis le processus de la décentralisation ont
donné beaucoup de légitimité aux collectivités
locales en matière de gestion du littoral et de l'environnement.
Désormais avec la loi 96-07, les collectivités locales
détiennent des compétences en matière d'environnement et
de gestion des ressources naturelles. Certaines de leurs attributions peuvent
s'exercer dans la zone littorale. Il peut s'agir de la création, de la
protection et de l'entretien des forets, des zones protégées et
des sites naturels. Ces dispositions ont une signification importante car on
remarque l'existence de forets et d'aires protégées le long du
littoral et leur importance est telle qu'il est primordial de les
préserver.
Il y'a aussi les attributions des dites collectivités
en matière d'élaboration et de mise en oeuvre des plans d'action
pour l'environnement. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y'a des
collectivités sur le long du littoral et qu'elles ont la
possibilité de planifier la gestion de l'environnement. A cet effet, la
zone côtière n'en est pas exclue.
Enfin, les collectivités décentralisées
sont concernées par la gestion des déchets. A ce niveau, celles
situées sur le long des côtes doivent veiller à ce qu'il
n'y ait pas de pollution ou de déversement de déchets ou
d'ordures sur le littoral.
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Cependant, il faut souligner que la mise en oeuvre des
compétences imprécises de la région, de la commune et de
la communauté rurale en matière de gestion foncière, de
planification, d'aménagement du territoire et d'urbanisme peut avoir des
répercussions sur la gestion de l'environnement et par conséquent
sur le littoral.
Il existe beaucoup d'autres textes législatifs
nationaux en vigueur en rapport avec la gestion de la zone
côtière. Il nous est impossible de les étudier
spécifiquement mais nous pouvons retenir que certaines de leurs
dispositions concernent le littoral et participent à sa protection
juridique. On peut citer, entre autres :
? La loi n° 65-32 du 19 mai 1965 relative à la police
des ports maritimes.
? La loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant Code de l'eau ;
? La loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant Code de la
marine marchande ;
? La loi n° 85-14 du 25 février 1985 portant
délimitation de la mer territoriale, de la
zone contiguë et du plateau continental ;
? La loi n° 98-32 du 14 avril 1998 portant Code de la
Pêche maritime ;
Il faut le rappeler que toutes ces lois
précitées visent à protéger le littoral y comprises
les ressources naturelles existantes.
En effet, ces nombreux textes législatifs ont
été précisés par des décrets et
arrêtés d'application. A l'instar des normes externes relatives
à la protection de l'environnement, celles internes ont donné
naissance à divers plans et programmes visant à assurer une
effectivité de la protection du littoral. Cependant, il nous parait
intéressant de voir la mise en oeuvre de ce cadre juridique et de voir
s'il y'a réellement une effectivité de la protection du
littoral.
Par ailleurs, il faut noter que les dispositions juridiques
relatives à la protection du DPM et de l'environnement en
général sont nombreuses. Mais leur problème lié
à l'application faible des compétences dans la gestion de
l'environnement, nous poussent à étudier explicitement les
acteurs qui sont habilités à gérer ce domaine. Les zones
côtières et maritimes font l'objet d'occupations anarchiques,
d'agressions permanentes, de ce fait, on se demande qui gère le DPM ?
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B. l'encadrement institutionnel
En raison de son écosystème fragilisé par
des actions anthropiques et l'intervention naturelle, les pouvoirs publics au
Sénégal ont mis en oeuvre, de l'indépendance
jusqu'à nos jours des actions/projets/programmes pour assurer la
protection de l'environnement.
La première étape est sans doute celle relative
à la ratification des conventions internationales signées
à Rio de Janeiro en 1992 (Convention sur la diversité biologique,
Convention-cadre sur les changements climatiques). Cette ratification peut
être considérée comme l'une des premières phases de
l'application des décisions de Rio 1992. Elle s'accompagne en même
temps de la définition des conditions de mise en oeuvre des principes
contenus dans l'agenda21. Mais en avant la participation du
Sénégal a cette conférence, une commission consultative de
la protection de la nature et de la conservation de l'environnement a
été créée et remplacé en 1971 par la
commission nationale de l'environnement. Cette dernière a
élaboré le premier programme du Sénégal dans le
domaine de l'environnement, qui sera présenté même à
Stockholm en 1972. Ainsi dés 1975, un décret portant sur
l'organisation du Ministère du Développement industriel et de
l'environnement crée la Direction de l'environnement.
Le Sénégal poursuivant son encadrement
institutionnel, va adopter dès 1993, le décret16
n°93885 du 4 août 1993, aussi il crée le Conseil
supérieur des ressources naturelles et de l'Environnement. Le rapport de
présentation du décret met largement l'accent sur les liens entre
protection de l'Environnement et effort de développement
économique et social au Sénégal. Le Conseil
supérieur est essentiellement un cadre de concertation chargé
sous la présidence du Premier Ministre, d'orienter l'action des
différents départements ministériels impliqués dans
la gestion des ressources naturelles et de l'Environnement. Il comprend trois
structures selon l'article 3 du décret n° 93-885 (JORS du 7
août 1993 ; p. 253).
? Un Conseil interministériel, organe de
décision.
? Un Comité permanent, organe de suivi.
? Un Secrétariat permanent, organe
d'exécution.
Le Conseil interministériel est présidé
par le Premier Ministre, tandis que le Comité permanent est
présidé par le Ministre chargé de l'Environnement
(articles 4 et 5 du décret). Quant au Secrétariat permanent, il
est dirigé par un coordonnateur national nommé par
arrêté du Ministre chargé de l'Environnement (article 11 du
décret).
16 Le décret n°93-885 du 4
août 1993 du JORS n° 5535 du 7 août 1993, pages 252 à
254.
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En 1995, sera également créée la
Commission Nationale du Développement Durable (CNDD) par
arrêté de la primature n°5161 du 26 Mai 1995. Cette
Commission s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions du
Sommet de Rio 1992. Elle est présidée par le Ministère
chargé des Affaires Etrangères. Son Secrétariat est
assuré par la Direction de l'Environnement et des Etablissements
Classés. Cette direction aussi a pour mandat d'assurer le suivi et
l'évaluation des recommandations de la Conférence de Rio 1992,
L'attribution principale de la CNDD17 consiste
à développer la réflexion sur les conditions de mise en
oeuvre du Développement Durable au Sénégal. C'est la
raison pour laquelle la CNDD regroupe en plus de l'Etat, des acteurs
variés. Ces derniers peuvent être du secteur privé,
à savoir des ONG, des Collectivités Locales, de la
Communauté Scientifique, des Organisations Féminines, des
Mouvements de Jeunesse, des Syndicats, des Parlementaires, etc. Ce sont les
rapports que la commission produit régulièrement au
Sénégal en collaboration avec ces acteurs cités
précédemment. Chacune de ses réunions qui constituent ses
instruments de travail. Les résultats de la CNDD sont malheureusement
très limités de nos jours compte tenu de la faiblesse des moyens
dont elle dispose, et de l'ineffectivité des rapports dans la pratique.
L'évolution institutionnelle est également marquée par des
reformes incessantes du secteur de l'Environnement dans les différents
départements ministériels consécutivement aux nombreux
remaniements ministériels. Ces fréquents remaniements sont
d'ailleurs quelquefois préjudiciables à une bonne
définition de la politique de l'environnement. Une bonne illustration de
ce phénomène est l'actuelle dénomination du
ministère : Ministère de la Jeunesse, de l'Environnement et de
l'Hygiène Publique (la politique de l'environnement est diluée
dans celle plus médiatisée de la Jeunesse et de l'Hygiène
Publique18).
En plus de la CNDD, d'autres structures ont été
créées pour renforcer le cadre institutionnel de gestion de
l'environnement au Sénégal. Il s'agit de la Direction des Parcs
Nationaux (DPN), la direction de l'environnement et des Etablissements
classés (DEEC) et la Direction des Eaux et Forêts, de Chasse et de
la Conservation des Sols (DEFCCS). Aujourd'hui, l'accent est mis sur la
création des Aires Marines protégées dans les cinq
régions, du pays.
Toujours, est-il vrai que malgré le dispositif
institutionnel large existant, les résultats escomptés en
matière de protection de la biodiversité, sont loin d'être
atteints, d'où une existence quelques fois d'organisations ou
associations de base plus proche des populations.
17 Commission Nationale pour le
Développement Durable crée en 1995 pour assurer la mise en oeuvre
des décisions de RIO. Elle est composée de 03 sous commissions.
Une sous-commission Orientation, Une sous-commission
Suivi-évaluation, Une sous-commission Etude de
Projets.
18 Rapport du professeur agrégé de
droit public, Ibrahima LY, sur les règles institutionnelles et
juridiques du Sénégal dans l'évolution de la politique de
protection de l'environnement.
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