DISCUSSION
L'objectif général de notre étude
était d'analyser l'influence de l'appartenance à un type de
donneur plutôt qu'à un autre sur le résultat de la
sérologie VIH en tenant compte des facteurs de risque associés
chez les donneurs de sang à l'hôpital central de
Yaoundé.
A l'issue de l'analyse de nos résultats bruts, les
donneurs de sang de remplacement familiaux présentent un plus grand
risque d'avoir un résultat sérologique positif au VIH que les
donneurs bénévoles (OR = 1,42). Plusieurs études faites
dans des zones géographiques différentes où on admet
encore les dons de remplacement trouvent des résultats semblables. C'est
le cas de l'étude faite par Loua et al. en Guinée, sur un
échantillon de plus grande taille et dans un contexte de
séroprévalence VIH relativement faible dans la population
générale (2,8%) [12]. Pour Sharma et al. en Inde, la
réduction du risque de transmission des maladies virales par voie
transfusionnelle peut être garantie par les donneurs volontaires jeunes
et scolarisés uniquement [13].
Selon José Ramiro et al. dans la sous région
Amérique Latine, la répartition des donneurs d'un groupe à
l'autre est fonction du niveau économique des pays, c'est ainsi que les
pays moins nantis, comme celui de notre étude auront une majorité
de donneurs de remplacement familiaux et une forte prévalence des
marqueurs viraux [14].
Pour sa part, Naila et al. affirme qu'au Pakistan le risque de
séroprévalence est plus élevé chez les donneurs de
remplacement familiaux parce que dans cette catégorie se greffent en
fait des personnes pauvres, rémunérés en cachette par la
famille et qui dissimulent des informations lors de l'entretien de
sélection [15,16,17,18].
Toutefois après ajustement par les autres
caractéristiques des donneurs significativement associées au VIH
dans un modèle logistique, il n'existe plus de différence
significative au niveau des résultats de la sérologie VIH entre
les donneurs de remplacement familiaux et les bénévoles.
Dans la littérature nous retrouvons des résultats
contradictoires pour cet effet d'ajustement.
Pour Arturo Pereira et al., dans une étude faite sur plus
de 72.226 donneurs de sang à Barcelone, malgré l'ajustement avec
les variables influençant la survenue de la
séropositivité, les donneurs familiaux présentent 2,5 fois
plus de chance d'avoir un résultat de sérologie virale positive
[19].
La discordance de ce résultat avec le nôtre est
à relativiser parce que contrairement à notre étude, les
donneurs familiaux ne représentaient que 18% de l'effectif, les anciens
donneurs y étaient inclus et enfin l'analyse des résultats des
sérologies virales regroupait à la fois les marqueurs viraux du
VIH, du HCV et de l' HbsAg.
De plus, pour Claudia et al. dans une étude
réalisée dans le plus grand centre de transfusion sanguine du
Brésil à Sao Paulo, les donneurs de sang de la communauté,
donc bénévoles ont un risque plus important de
séropositivité VIH par rapport aux donneurs de remplacement,
après ajustement en analyse multivariée [20]. Ce
résultat opposé au notre, s'expliquerait par la présence
dans le groupe des donneurs bénévoles, d'une proportion
importante des « pseudo donneurs », c'est-à-dire des personnes
cherchant juste à connaître leur statut sérologique VIH.
Des études faites aux Etats-Unis, Canada et France ont
montré qu'entre 15 et 50% de ces « pseudo-donneurs »
s'avèrent être des séropositifs [21, 22 ,23].
En revanche, F Sarkodie et al. ont des résultats
concordants avec les nôtres dans leur étude sur la recherche des
marqueurs viraux en Afrique de l'Ouest, ils montrent que l'association entre le
type de donneurs de sang et le résultat de la sérologique VIII
perd sa signification statistique au moindre ajustement même pour une
variable, qui dans notre étude est non significative, comme le sexe
[24].
Nous avons retrouvé comme variables fortement
associées au résultat sérologique VIII quelque soit le
type de don : le nombre de partenaires sexuels, le dépistage
antérieur du VIII, les antécédents ou traitement d'IST,
l'utilisation du préservatif et les rapports homosexuels chez les hommes
(tableau 6). Ces résultats rejoignent ceux des autres études
faites en Afrique sur ce sujet [8, 25, 26]. La présence de ces variables
peut être mis en lien avec le mécanisme de transmission de
l'infection qui est essentiellement par voie sexuelle en Afrique
[27]. De plus, elles abordent le thème de la sexualité
qui est encore tabou dans notre milieu, et enfin peuvent orienter à la
détermination des personnes à risque élevé
[28]. Parmi les femmes, celles résidant hors de la ville ont
présenté un plus grand risque de séropositivité
VIII. Pour Kupeck et al., cette situation est due au fait que ces femmes qui
sont principalement de niveau socioéconomique faible passent par le don
de sang pour pouvoir bénéficier des examens sérologiques
gratuitement [29].
La mobilité est de plus en plus citée dans les
études, elle est considérée comme un facteur de risque
important dans les zones de forte prévalence VIII lorsqu'elle
s'accompagne de comportements sexuels à risque [30].
Cette étude présente plusieurs limites :
- les échantillons ne sont pas représentatifs de la
population des donneurs de sang au
Cameroun.
- La proportion des valeurs manquantes pour certains variables
comme « rapports
homosexuels », « nombre de partenaires sexuels »
et « traité ou antécédent d'IST » était
importante, ce qui peut entraîner la sous ou sur estimation de l'effet de
certains facteurs. Toutefois, la proportion de ces valeurs manquantes chez les
donneurs bénévoles et donneurs familiaux était plus ou
moins la même.
- Le risque lié à l'utilisation des seringues chez
des personnes qui se droguent n'est pas
courant dans notre contexte d'étude [31].
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