SUGGESTION
La question de la circulation des armes légères
est, comme beaucoup de questions liées à la prévention des
conflits, un des héritages de la guerre froide les plus difficiles
à gérer.
Pour combattre la prolifération des armes
légères, il est nécessaire d'agir à trois
niveaux :
En amont, c'est-à-dire en menant une politique empreinte
d'éthique au moment de décider d'autoriser ou non un transfert
d'armement ;
en aval, soit en tâchant de réduire les incitants qui
font que des États, des groupes rebelles ou des citoyens veuillent
s'armer, ou encore en collectant et en détruisant les armes
excédentaires ;
Et en cours de route, c'est-à-dire en luttant contre le
détournement d'armes vers le marché illicite et en
responsabilisant juridiquement les différents intermédiaires.
Si le Code de conduite européen et les lois nationales
qui fixent des balises plus éthiques pour les exportations d'armes
représentent des avancées évidentes par rapport au flou
antérieur, encore faut-il qu'ils soient appliqués correctement.
Et ce n'est malheureusement pas toujours le cas.
La Paix et la Réconciliation dans la Région des
Grands Lacs d'Afrique
Située au centre de l'Afrique, la sous-région
des Grands Lacs traverse depuis plusieurs années une crise due aux
multiples conflits que connaissent les Etats qui la constituent. Les conflits
sont actuellement vécus soit entre certains pays, soit entre certaines
communautés ethniques ou encore entre les autorités des pays et
des groupes armés internes bénéficiant de l'appui d'autres
pays. Les origines de ces conflits, aussi complexes qu'elles soient, remontent,
en fait, à la période pré coloniale, coloniale et/ou
à celle de l'indépendance. Cette situation a occasionné la
mort de centaines de milliers de personnes, des atrocités et la violence
sexuelle répandue, des violations massives des droits humains, des
migrations énormes de personnes déplacées et
l'affaiblissement global de l'autorité de l'Etat. La crise actuelle dans
les Grands Lacs a provoqué de graves conséquences à la
fois sur le plan humain, économique, politique, social et
environnemental.
Il est évident que les causes du conflit varient selon
la complexité de la situation particulière de chaque pays, les
relations de son gouvernement avec d'autres Etats et les problématiques
que présentent les groupes armés internes et la politique
d'exclusion qu'elles soutiennent souvent. Il y a pourtant certains
éléments communs que nous pourrions citer comme facteurs qui
continuent à aggraver la situation actuelle dans la région:
· ?Le manque de démocratie et d'institutions
démocratiques ;
· L'immaturité de la classe politique, la mauvaise
gouvernance et la corruption ;
· Le non-respect des accords et du droit international
;
· ? L'impunité des crimes et le
clientélisme politique ;
· La convoitise des ressources naturelles et leur
pillage par une élite politico- militaire ;
· L'absence d'armées nationales capables d'assurer
la sécurité de la population et l'intégrité des
frontières ;
· La prolifération et le commerce illicite des
armes légères ;
· ?Le renforcement d'une culture de la violence
identitaire ;
· ?La persistance de la pauvreté et de la
surpopulation ;
· La position ambiguë de la communauté
internationale.
Intégration régionale :
Il est certain que chacun des pays de la sous région a
connu et poursuit son propre processus de normalisation interne. Cependant,
dans la région des Grands Lacs il est clair que le processus de
réconciliation dans un pays est fortement lié à ceux des
autres. Toute solution viable aura donc un caractère régional. Il
est donc important que la Conférence internationale sur les Grands Lacs
que prévoit prochainement l'ONU serve à accélérer
le processus de normalisation des relations entre tous ces états et
à définir des stratégies pour l'intégration
politico-économique de la région. La relance des activités
de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) serait une
démarche vitale. D'autres institutions à caractère social,
culturel et scientifique peuvent également contribuer à
l'approfondissement des progrès de ces dernières
années.
Instauration d'un Etat de droit :
Ceci implique la démocratisation du pouvoir, la bonne
gouvernance, le respect des droits humains et la fin de l'impunité
à tous les niveaux par l'établissement des cours et tribunaux.
Des efforts pourront être déployés pour la mise en place de
véritables commissions Vérité et Réconciliation. En
outre, l'établissement d'un Tribunal pénal international pour les
Grands Lacs s'avère indispensable au processus de réconciliation
et de paix durable.
Cohabitation et sécurité des
frontières :
Il faut également la construction d'une paix durable
basée sur la cohabitation politique et la coopération
sécuritaire régionale. La sécurité des
frontières doit être garantie et leur contrôle assuré
en commun. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de renforcer
les capacités de véritables armées républicaines
dans tous les pays de la région et d'étayer des contrôles
de circulation d'armes légères au niveau des
frontières.
Renforcement de la société civile :
Dans tout processus de restructuration d'un Etat, la
présence et la revitalisation des institutions de la
société civile sont indispensables. Ces organisations ont un
rôle important à jouer dans le processus de réforme et
d'intégration régionale. Loin d'être des antagonistes qui
se placent en opposition aux autorités publiques, elles doivent
plutôt être estimées comme partenaires dans la
transformation pacifique et démocratique de la région. En outre,
les membres de la société civile sont bien placés pour
collaborer à des campagnes d'éducation et de sensibilisation sur
les problématiques qui continuent à entraver le processus vers la
paix.
Nous demandons donc à cette Commission d'adopter une
résolution contenant un appel à la Communauté
internationale, et plus particulièrement à l'ONU, de :
1. Poursuivre rigoureusement les efforts d'accompagnement du
processus de pacification nationale dans chaque Etat et du processus de
normalisation des relations entre chaque Etat de la sous-région ;
2. Mettre en place des structures communes et
transfrontalières pour le maintien de la sécurité
des frontières et pour l'éradication du commerce illicite d'armes
légères;
3. Accélérer les efforts et soutenir les
capacités de la MONUC pour accomplir sa tâche de
sécuriser la RD Congo, de cantonner les groupes armés et
d'achever son programme de Désarmement, Démobilisation,
Rapatriement, Réinstallation et Réinsertion (DDRRR) des milices
ethniques ;
4. Appuyer l'action de démobilisation des enfants
soldats et assurer leur intégration sociale ;
5. Accorder plus d'attention aux actes nombreux de violence
commis contre les femmes ;
6. Rechercher des solutions susceptibles de mettre fin au
commerce illicite de diamants, de coltan et d'autres ressources naturelles,
commerce qui alimentent les conflits dans l'Est de la RDC ;
7. Renforcer des mécanismes pour accompagner de
près dans tous les pays la préparation des élections, le
processus de Vérité et Réconciliation et le
rétablissement des systèmes judiciaires 8. Créer un
Tribunal pénal international pour les Grands Lacs ;
9. Augmenter l'aide au développement aux pays à
condition qu'ils pratiquent la bonne gouvernance, qu'ils affectent ces fonds
à la réduction de la pauvreté et qu'ils respectent les
accords de paix et les normes du droit international.
Nous demandons aussi aux Etats dans la région des
Grands Lacs de :
S'engager profondément au respect des droits
fondamentaux de la personne :
1. Promouvoir activement un engagement national en faveur de
la dignité humaine, des droits de l'individu, de la tolérance
et de la réconciliation entre groupes à l'intérieur de
chaque pays ;
2. Ouvrir grandement l'espace politique en favorisant
l'éclosion d'une presse autonome et le renforcement d'une
société civile libre, indépendante et participative
à l'intérêt public
3. Réformer intégralement et promouvoir les
programmes nationaux en matière d'éducation civique et politique
à l'intention du leadership civil et militaire et du public en
général afin de promouvoir un leadership responsable et une
culture de non-violence ;
Accorder ensuite la priorité à
l'instauration d'un état de droit :
4. Renforcer la coexistence pacifique entre les Etats en
respectant l'intégrité territoriale et la souveraineté
nationale des pays voisins ;
5. Respecter strictement et appliquer intégralement
tous les engagements pris dans le cadre des accords de pacification
signés de façon consensuelle entre chaque Etat et ses groupes
rebelles ;
6. Accélérer le processus de
démobilisation des groupes armés et du casernement des
militaires, tout en accordant une attention particulière à la
démobilisation des enfants soldats ainsi que leur réinsertion
sociale ;
7. Intégrer au sein des armées nationales toutes
les forces combattantes et groupes armés selon les critères
objectifs et installer dans chaque Etat une armée véritablement
républicaine capable de défendre la population entière et
non seulement une partie de la population ;
Poursuivre énergiquement un programme
d'intégration régionale :
8. Etablir des mécanismes régionaux pour
l'intégration, la réconciliation et la coopération dans
les domaines politique, économique, social, culturel et militaire.
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