L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008( Télécharger le fichier original )par Jules Bertrand TAMO Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011 |
§2 : LES ASPECTS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008La loi constitutionnelle du 14 avril 2008 possède quatre principaux aspects dont l'analyse révèle qu'ils ont une même finalité, à savoir renforcer le pouvoir du président de la République. Ces aspects sont, respectivement, le raffermissement des pouvoirs du président de la République (A), la suppression de la limitation des mandats présidentiels (B), la justiciabilité du président de la République devant la Haute Cour de justice (C) et la redéfinition des règles relatives à la vacance du pouvoir (D). A - Le raffermissement des pouvoirs du président de la RépubliqueDe prime abord, précisons que la primauté du président de la République au sein de l'exécutif n'a fait l'objet, dans la révision constitutionnelle d'avril 2008, d'aucune atteinte ou atténuation. En effet, un déséquilibre manifeste continue de présider aux relations entre le président de la République et le Gouvernement, y compris le premier ministre407(*). D'un autre côté, les prérogatives du président de la République en rapport avec les autres pouvoirs ont été plutôt renforcées. Et on est même en droit de dire que les acquis constitutionnels de 1996 ont été tous remis en cause dans la mesure où le président de la République dispose les moyens supplémentaires pour exercer une influence tant sur le Parlement (1) que sur le Conseil constitutionnel (2). 1 - Le renforcement des moyens d'influence du président de la République sur le ParlementOutre l'influence politique que le président de la République peut exercer sur le Parlement à travers la majorité, même conjoncturelle, qu'il peut y avoir et surtout le droit de dissolution du Parlement, la loi constitutionnelle de 2008 offre au président de la République une autre arme lui permettant de neutraliser autant que faire se peut le Parlement lorsque « les circonstances »408(*) l'exigent. Deux remarques sont à faire ici. D'une part, les questions relatives au mandat des députés à l'Assemblée nationale tout comme celles relatives à celui des membres du Conseil constitutionnel n'étaient pas spécialement attendues au cours de cette procédure de révision de la Constitution où l'attention des observateurs était focalisée sur les articles à enjeux directs autour du mandat du président de la République ou de son intérimaire en cas de vacance de pouvoir409(*). D'autre part, la nouvelle disposition apporte deux éléments nouveaux : la création d'une circonstance pouvant justifier la démarche du président de la République pour raccourcir ou rallonger le mandat des députés (``lorsque les circonstances l'exigent''), et les délais d'organisation de nouvelles élections qui passent de 40 jours au moins et 120 jours au plus (en lieu et place des 40 jours au moins et 60 jours au plus selon l'article 15 alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996). Si les nouveaux délais n'appellent fondamentalement pas de débats particuliers, il n'en reste pas moins que de réels motifs de questionnement demeurent autour de la locution « quand les circonstances l'exigent ». Certes, et en comparaison, la loi de 1996 prévoyait déjà une telle démarche, mais uniquement en cas de crise grave. Une notion un peu plus précise, le fait d'une crise grave n'étant pas banal et pouvant être observable, au contraire de la locution actuelle qui élargit la marge d'appréciation du président de la République en la ramenant pratiquement à la situation de l'article 12 de la version originelle de la Constitution du 2 juin 1972. En d'autres termes, la crise n'étant pas un phénomène de tous les jours, l'on a voulu introduire dans la Constitution une base juridique pour prendre selon les besoins des ingénieurs politiques des décisions purement opportunistes vis-à-vis de l'Assemblée nationale dans une logique instrumentale410(*). N'est-ce pas la même logique qui avait inspiré les concepteurs de la modification constitutionnelle sur son aspect relatif au mandat des membres du Conseil constitutionnel ? * 407 Cf. OLINGA (A.-D.), « Le pouvoir exécutif dans la Constitution révisée », Lex Lata, n° 023-024, février-mars 1996, pp. 29-32, notamment p. 31. * 408 Cf. article 15 alinéa 4 nouveau. * 409 OLINGA (A.-D.), cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », op. cit., p. 3. * 410 Ibid., p. 3. |
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