WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

( Télécharger le fichier original )
par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy
2 - Le Sénat

Le Sénat est désormais la seconde Chambre du Parlement camerounais. L'expression «  seconde Chambre » est traditionnellement utilisée pour désigner, au sein des Parlements bicaméraux, celle des deux Chambres qui n'assure pas une représentation égalitaire et directe de la population311(*). Elle reçoit cependant des appellations diverses selon les pays : le Sénat (France, Etats-Unis), House of Lords (Royaume-Uni), Bundesrat (République fédérale d'Allemagne), Chambre des représentants (Burkina Faso)312(*), etc. Sa position seconde peut se justifier au plan chronologique par son arrivée tardive dans le dispositif institutionnel parlementaire. On parle aussi de Chambre haute pour la désigner. Ce qui est une curiosité terminologique où la deuxième est plus haute que la première, alors même qu'en général, celle-ci a plus de pouvoirs que celle-là. Même en tenant compte de l'âge généralement avancé des sénateurs et par suite de la sagesse dont ils sont crédités de la part de certains auteurs313(*), cette classification ne se justifie pas d'elle-même.

Aux termes de l'article 20 alinéa 1er de la Constitution, le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées. C'est ainsi que chaque région y est représentée par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont élus au suffrage universel indirect sur la base régionale et trois (3) nommés par le président de la République, pour une durée de cinq ans. Cet article confirme aussi bien la concentration des pouvoirs par le président de la République que leur confusion ci-dessus évoquée. Certes, il est admis que la composition de la seconde Chambre n'obéisse pas aux mécanismes de la démocratie directe. Ses membres sont généralement élus au suffrage universel indirect. Car, élire les sénateurs au suffrage universel direct ferait du Sénat une Assemblée nationale bis, le suffrage universel indirect n'étant qu'un mécanisme de différentiation et non pas le résultat d'une volonté expresse de limiter le caractère démocratique de cette institution. Pourtant, c'est pour cette dernière solution que penche le pouvoir constituant dérivé camerounais en consacrant une prérogative pour le président de la République à l'effet de nommer une partie des sénateurs. En effet, en permettant que 30 des 100 sénateurs soient nommés par le président de la République, la Constitution confère à ce dernier le pouvoir de disposer du législateur dans la mesure où, en principe, le Sénat participe à l'élaboration des lois sur un pied d'égalité avec l'Assemblée nationale. Comme le suggérait Jean GRANGE, la composition d'une assemblée influe sur ses pouvoirs314(*). Or, comment la loi peut-elle être l'oeuvre à la fois de la représentation nationale (députés) et de la « représentation présidentielle » (sénateurs nommés) et exprimer la volonté générale que seule représente, dans la théorie constitutionnelle, une ou des Assemblées élues ?, se demande à juste titre le Professeur Maurice KAMTO. Dans le système actuel de recrutement des sénateurs camerounais, la nomination fait de l'oeuvre législative une coproduction à laquelle participe l'Exécutif au-delà de sa tâche traditionnelle de préparation et de présentation des projets de loi ordinaire ou de révision de la Constitution, selon le cas. Au niveau local, la démocratie est davantage encore dévoyée lorsque, en plus de son report du fait de la suspension dont les régions font l'objet en application de l'article 67 alinéa 5 de la Constitution315(*), bon nombre de collectivités territoriales décentralisées qu'est censé représenter le Sénat, sont dirigées par des exécutifs non pas élus au suffrage universel, mais eux aussi nommés discrétionnairement par le président de la République316(*).

Par ailleurs, nulle part n'est fait l'effort de dire ce qui rend nécessaire ce droit reconnu au président de la République, ni même pourquoi lui et pas une autre institution. Dans le cas de la Côte d'Ivoire, ce sont les arguments du quotidien gouvernemental même en faveur de la création du Sénat qui ont davantage rendu suspecte la nouvelle Chambre parlementaire. Pour Fraternité Matin, la démocratie locale serait ainsi renforcée parce que « seul 1/3 des sénateurs sera choisi par le président de la République »317(*).

Sans réponse claire et satisfaisante reste ainsi posée la question de savoir comment le fait pour le président de la République de nommer certains membres du pouvoir législatif d'une part et certains membres des organes dirigeants des collectivités territoriales décentralisées d'autre part, en lieu et place du peuple et des populations locales respectivement, contribuerait à renforcer la démocratie. Dans tous les cas, la nomination des sénateurs est en tout point contraire au principe de la séparation des pouvoirs politiques dans l'Etat. Un exécutif et un législatif indépendant l'un de l'autre quoique disposant selon des modalités diverses de moyens d'influences réciproques exclut la possibilité pour l'un de disposer a priori de l'autre sans la médiation du suffrage universel. Il faut néanmoins se réjouir que les données actuelles soient une revue à la baisse des propositions faites sur ce point tout au long de l'élaboration de loi constitutionnelle de 1996.

En effet, dans l'avant-projet n° 1 de Constitution élaboré par le Comité technique chargé des questions constitutionnelles et publié en mai 1993, seuls les 3/5e de l'effectif sénatorial étaient élus au suffrage universel indirect. Le reste devait l'être dans des conditions qu'il devait revenir à une loi de fixer. Dans tous les cas, les sénateurs devaient être élus même si une certaine incertitude planait sur le mode d'élection de cette seconde catégorie. Cette proposition ne sera pas retenue pour la suite. Dans le projet de révision constitutionnelle que le président de la République soumet finalement à l'examen de l'Assemblée nationale, le quota régional des sénateurs est certes maintenu à dix, mais une nouveauté est introduite dans les modalités de leur désignation. Le président de la République reçoit la prérogative de nommer jusqu'à cinq des dix sénateurs de chaque région, soit une proportion de 50 % de l'effectif sénatorial national. En outre, une troisième catégorie de sénateurs est introduite : les anciens Chefs d'Etat, les membres de droit318(*). C'est durant la phase parlementaire de la révision que la proportion de sénateurs non élus avait été réduite à 30% comme c'est le cas actuellement. Quant à la catégorie des membres de droit, elle est purement et simplement supprimée. Selon les témoignages de certains députés ayant participé à cette session, il leur avait été impossible d'obtenir un consensus sur la suppression totale de la catégorie des sénateurs nommés319(*).

Quoiqu'il en soit, le constituant a clairement opté pour un système de suffrage mixte ou partiel : il combine un mode de désignation au suffrage universel indirect avec un pouvoir de nomination reconnu au président de la République. En tout état de cause, les candidats à la fonction de sénateur ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction par le président de la République, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de l'élection ou de la nomination320(*) et la durée de leur mandat est de cinq ans321(*). Rappelons à toute fin utile que cette durée est inférieure à ce que prévoyait l'avant-projet de Constitution de 1993. En effet, elle y était fixée à sept (7) ans. La périodicité de renouvellement était fixée à trois (3) ans et la proportion renouvelable à un tiers. Le texte promulgué le 18 janvier 1996 a donc fait simple en fixant le renouvellement intégral à la fin du mandat ramené à cinq ans.

Comme on peut aisément le constater, le régime de la composition du Sénat camerounais vient mettre en doute la capacité du constituant à contribuer à la consolidation du processus démocratique en cours.

* 311 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 109.

* 312 Ibid., p. 121.

* 313 Comme MIRACHY (J.-P.) qui affirme que le Sénat « pourrait opposer la réflexion de l'âge mûr aux emportements de la jeunesse », cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 111.

* 314 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 123.

* 315 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale... », op. cit., pp. 47 et suiv.

* 316 Nous pensons notamment aux délégués du gouvernement auprès de certaines communautés urbaines du pays.

* 317 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 127, en note de bas de page.

* 318 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains »,  op. cit., p. 120.

* 319 Ibid., pp. 120-121.

* 320 Article 20 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 321 Article 20 alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite