L'ASSEMBLEE NATIONALE COMME POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
AU CAMEROUN ENTRE 1990 ET 2008
Thèse en vue de l'obtention du Master
Recherche
Option : Droit public
Rédigée et soutenue publiquement
par
TAMO Jules Bertrand
Sous la direction de
Dr SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin
Habilité à Diriger les Recherches
Chargé de cours de Droit public
ANNEE ACADEMIQUE 2008-2009
AVERTISSEMENT
L'Université
de Dschang n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les thèses. Celles-ci doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs qui en
répondent.
PRINCIPALES ABREVIATIONS
AFSJP/UD
:
|
Annales de la Faculté des Sciences Juridiques
et Politiques de l'Université de Douala
|
AFSJP/UDS
:
|
Annales de la Faculté des Sciences Juridiques
et Politiques de l'Université de Dschang
|
CENA
:
|
Commission Electorale Nationale Autonome
|
Cf.
:
|
Confère
|
CODESRIA
:
|
Conseil pour le
Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique
|
DIC
:
|
Démocratie Intégrale du Cameroun
|
dir.
:
|
sous
la direction de
|
éd.
:
|
Edition
|
LGDJ
:
|
Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
|
MDR
:
|
Mouvement pour la Défense de la
République
|
MLJC
:
|
Mouvement pour la Libération de la Jeunesse
Camerounaise
|
MP
:
|
Mouvement Progressiste
|
NAA-RFSJP
:
|
Nouvelles Annales Africaines - Revue de la
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
|
p.
:
|
Page
|
PRPC
:
|
Parti
Républicain du Peuple Camerounais
|
PUA
:
|
Presses Universitaires d'Afrique
|
PUCAC
:
|
Presses de l'Université Catholique d'Afrique
Centrale
|
PUF
:
|
Presses Universitaires de France
|
RADH
:
|
Revue
Africaine des Droits de l'Homme
|
RASJ
:
|
Revue
Africaine des Sciences Juridiques
|
RCDSP
:
|
Revue
Camerounaise de Droit et de Sciences Politiques
|
RDP
:
|
Revue
de Droit Public et de sciences politiques en France et à
l'étranger
|
RDPC
:
|
Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais
|
RFDC
:
|
Revue Française de Droit Constitutionnel
|
RJA
:
|
Revue
Juridique Africaine
|
RJPIC
:
|
Revue
Juridique et Politique Indépendance et Coopération
|
RRJ
:
|
Revue
de la Recherche Juridique, Droit Prospectif
|
SDF
:
|
Social
Democratic Front
|
UDC
:
|
Union
Démocratique Camerounaise
|
UFDC
:
|
Union
des Forces Démocratiques du Cameroun
|
UNC
:
|
Union
Nationale Camerounaise
|
UNDP
:
|
Union
Nationale pour la Démocratie et le Progrès
|
UPC
:
|
Union
des Populations du Cameroun
|
V.
:
|
Voir
|
Vol.
:
|
Volume
|
SOMMAIRE
DEDICACE
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
REMERCIEMENTS
III
PRINCIPALES ABREVIATIONS
IV
SOMMAIRE
VI
RESUME
vii
INTRODUCTION GENERALE
1
Première Partie :
23
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
DE 1990 A 1996
23
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR
CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
MONOLITHIQUE
25
CHAPITRE 2 : LE TOURNANT DE
1996
83
LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE, POUVOIR DE
L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE
83
Seconde Partie :
143
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
DE 1996 A 2008
143
CHAPITRE 1 : LE RENFORCEMENT
DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION
JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE
145
CHAPITRE 2 :L'AFFIRMATION A
REBOURS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996
184
CONCLUSION GENERALE
218
ANNEXES
222
RESUME
Le constituant camerounais s'est toujours
représenté la Constitution comme une oeuvre durable
destinée à braver le temps sans toutefois en prescrire
l'immutabilité. Ainsi, de tous les mécanismes prévus pour
assurer la pérennité et la suprématie de la Constitution,
l'institution d'un pouvoir constituant dérivé est le plus
ingénieux pour concilier ces deux exigences apparemment contradictoires
que sont le souci de pérenniser la volonté du constituant et
l'exigence d'adaptation du contenu de la Loi fondamentale à
l'évolution de la société.
Il est apparu indispensable de se demander, en particulier, si
le pouvoir constituant dérivé a résisté à
l'évolution des normes constitutionnelles édictées
à la suite des processus de transition démocratique des
années 1990.
L'analyse révèle à cet égard que
le pouvoir constituant dérivé au Cameroun a connu de nombreuses
mutations qui se concrétisent par paliers successifs. C'est ainsi qu'il
est passé d'un pouvoir constituant dérivé à
caractère monolithique d'un Parlement monocaméral à un
pouvoir constituant dérivé d'une Assemblée parlementaire
pluraliste entre 1990 et 1996. Puis, au sortir de l'importante révision
constitutionnelle de 1996, on a assisté à l'apparition d'une
nouvelle figure du pouvoir constituant dérivé : le
Congrès de révision de la Constitution.
Parallèlement à ce renforcement de la structure
organique de l'organe révisionniste, s'est opérée une
véritable révolution dans sa manière de fonctionner ainsi
que l'attestent le recours fréquent au droit d'amendement des projets de
révision et surtout les multiples propositions de révision
constitutionnelle, chose rarissime dans le constitutionnalisme autoritaire
monopartiste (1966-1990).
Toutefois, la rénovation du pouvoir constituant
dérivé observée reste une entreprise inachevée
parce que le Sénat, seconde entité composante du Congrès
de révision à côté de l'Assemblée nationale,
n'est pas encore effectif - et on se demande pour combien de temps
encore ?
INTRODUCTION GENERALE
L'expérience a montré que quel que soit le soin
apporté par ses auteurs et leur goût pour le détail et la
précision, une Constitution ne peut tout envisager ni tout
prévoir. C'est ce qu'affirmait en son temps Benjamin
CONSTANT : « Il est impossible de tout régler,
de tout écrire, de faire de la vie et des relations des hommes entre eux
un procès-verbal rédigé d'avance où les noms seuls
restent en blanc. Quoi qu'on fasse, il reste toujours dans les affaires
humaines quelque chose de discrétionnaire »1(*). Cette
impossibilité constatée pèse sur l'élaboration de
la Constitution. D'où ce conseil de Benjamin CONSTANT :
« Ne faites que ce qui est indispensable, laisser de l'espace au
temps et à l'expérience, pour que ces deux puissances
réformatrices dirigent vos pouvoirs déjà
constitués, dans l'amélioration de ce qui est fait et dans
l'achèvement de ce qui reste à faire »2(*). Des adaptations sont
donc nécessaires. Le constituant camerounais le savait et a prévu
des procédures à cet effet. La révision de la Constitution
sera entreprise en suivant les règles et procédures
prévues par la Constitution en vigueur, celle-ci sera modifiée
par la mise en oeuvre de la procédure en la matière. Il ne s'agit
donc pas ici de la manifestation du pouvoir constituant originaire mais de la
mise en oeuvre du pouvoir constituant dérivé.
En effet, norme fondamentale de l'Etat, la Constitution, au
regard de son objet et pour ce qui est de son auteur, est réputée
se situer au sommet de la hiérarchie des normes dans l'Etat, occupe la
première place dans l'ordonnancement juridique ; elle doit par
conséquent l'emporter sur toutes les autres règles juridiques
édictées par les organes constitués, législatifs ou
réglementaires. Aussi, est-il logiquement compréhensible que soit
institué un pouvoir constituant dérivé spécialement
destiné à apporter des retouches, des compléments au texte
constitutionnel.
Il convient dès cette introduction et en vue de la
clarté des propos qui seront développés dans ce travail,
de mettre d'abord l'accent sur les considérations
générales sur le sujet (I), de cerner ensuite la
problématique, l'actualité ainsi que l'intérêt qui
s'y rattachent (II) et, enfin, de préciser la
méthodologie utilisée (III).
I - CONSIDERATIONS GENERALES SUR L'ASSEMBLEE NATIONALE
COMME POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
L'on s'attardera tour à tour sur quelques
précisions terminologiques relatives au sujet (A), la
distinction du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirs
(B) et enfin sur un aperçu historique du pouvoir
constituant dérivé au Cameroun (C).
A - Précisions terminologiques
Il convient ici de donner une définition claire
à chacun des termes clés du sujet que sont l'Assemblée
nationale (1) d'une part, et le pouvoir constituant
dérivé (2) d'autre part.
1 - L'Assemblée nationale
L'expression « Assemblée
nationale » qui apparaît dans le constitutionnalisme
camerounais avec l'adoption de la Constitution du 4 mars 1960 renvoie à
la première chambre du Parlement, élue au suffrage universel
direct et secret pour un mandat de cinq (5) ans3(*). Délaissée pendant la période
fédérale (1961-1972) au profit de celle
d' « Assemblée nationale
fédérale »4(*), elle sera reprise en 1972 et maintenue en
1996.
L'Assemblée nationale exerce (seule avant 1996, et
depuis lors avec le Sénat) le pouvoir législatif et
financier : elle contrôle le Gouvernement dont elle peut mettre en
jeu la responsabilité politique, soit spontanément (motion de
censure) soit sur question de confiance posée par le
Gouvernement5(*). Il est
donc commode voire de bon ton que la doctrine camerounaise de droit public
n'ait jusqu'ici consacré l'essentiel des études sur
l'Assemblée nationale que sur ce chef de compétence.
Mais, ce n'est pas sous cet aspect que nous l'envisagerons
dans le cadre de cette étude. Il ne s'agit cependant pas de
dénier, loin s'en faut, l'apport d'une telle approche ; mais
plutôt de constater que le thème de l'Assemblée nationale
envisagée comme pouvoir constituant dérivé, demeure un
parent pauvre, traité incidemment, du moins en ce qui concerne le
Cameroun.
Pourtant, l'Assemblée nationale n'intervient pas
seulement en tant que pouvoir législatif ordinaire, car la Constitution
lui reconnaît aussi une autre compétence lui permettant d'agir
aussi comme pouvoir constituant dérivé. Il apparaît donc
scientifiquement correct de s'appesantir sur ce second aspect de
l'Assemblée nationale6(*).
2 - Le pouvoir constituant dérivé
Le pouvoir constituant dérivé est une notion
qui s'inscrit dans une autre plus large et dont elle ne constitue qu'un aspect
à savoir le pouvoir constituant entendu comme le pouvoir qualifié
pour établir ou modifier la Constitution. Cette définition permet
ainsi de mettre en exergue la distinction qu'il y a à faire entre le
pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.
Le pouvoir constituant originaire est « celui
qui s'exerce d'une manière inconditionnée pour doter d'une
Constitution un Etat qui n'en a pas (nouvel Etat) ou n'en a plus (après
une révolution) »7(*). Ainsi compris, le pouvoir constituant
originaire est l'auteur de la Constitution. Quant au pouvoir constituant
dérivé, il est défini comme « l'autorité désignée
par la Constitution elle-même pour modifier éventuellement le
texte constitutionnel »8(*); il s'agit donc d'un
organe de l'Etat9(*) et
à ce titre, il est conceptuellement distinct du pouvoir constituant
originaire.
B - La distinction du pouvoir constituant
dérivé des autres pouvoirs
Pour bien comprendre les termes de cette distinction, il faut
au préalable avoir égard à l'origine du concept même
de pouvoir constituant dérivé (1). Par la suite,
la distinction proprement dite du pouvoir constituant dérivé des
autres pouvoirs se fera en étapes à savoir d'abord la distinction
du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant
dérivé (2) et ensuite le rapport entre ce
dernier et les autres pouvoirs constitués (3).
http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm
- _ftn11Le concept de pouvoir constituant
dérivé, qui ne date que du 20è siècle, a
une origine doctrinale. En effet, le concept de pouvoir constituant
dérivé apparaît dans les travaux de trois auteurs
publicistes. Ainsi
http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm
- _ftn12, nous trouvons pour la première fois chez CARRE de
MALBERG, une distinction claire entre le pouvoir constituant originaire et le
pouvoir constituant dérivé10(*).
D'abord, CARRE de MALBERG fait une distinction entre le
pouvoir constituant dans l'établissement de la première
Constitution de l'Etat
et le pouvoir
constituant dans l'Etat une fois formé
. Selon lui, la
question du pouvoir constituant dans l'établissement de la
première Constitution de l'Etat n'est pas une question d'ordre
juridique :
« la
formation initiale de l'Etat, comme aussi sa première organisation, ne
peuvent être considérées que comme un pur fait, qui n'est
susceptible d'être classé dans aucune catégorie juridique,
car ce fait n'est point gouverné par des principes de
droit »11(*)
. En revanche
selon CARRE de MALBERG, le pouvoir constituant dans l'Etat une fois
formé est un pouvoir d'ordre juridique et il peut être
étudié comme un organe de l'Etat.
Ensuite, CARRE de
MALBERG divise le pouvoir constituant en deux, selon les circonstances dans
lesquelles le pouvoir constituant est appelé à s'exercer
, à savoir le
pouvoir constituant exercé dans les circonstances révolutionnaires
et le pouvoir
constituant exercé dans les circonstances paisibles,
régulières et juridiques
. Le premier type de
pouvoir constituant
s'exerce en dehors du
droit établi par la Constitution en vigueur
.
Car, à la suite d'un bouleversement politique
résultant d'une révolution ou d'un coup d'Etat, il n'y a
plus ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne
se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la
force. « Dans toutes ces circonstances, affirme-t-il, la
Constitution nouvelle ne sera point confectionnée selon la
procédure, le mode constituant et les formes, qui avaient
été prévus et prescrits pas sa devancière. Celle-ci
ayant été radicalement détruite par l'effet même du
coup d'Etat ou de la révolution, il ne reste plus rien d'elle ; et
par suite, elle ne peut plus fournir d'organes pour la confection de la
Constitution future... Ainsi, entre la Constitution ancienne, dont il a
été fait table rase, et la Constitution nouvelle, qui reste
à faire de toutes pièces, il n'existe pas de lien
juridique ; mais il y a, au contraire, entre elles une solution de
continuité, un interrègne constitutionnel, un intervalle de
crise »
12(*)
.
En revanche,
d'après CARRE de MALBERG, dans les circonstances paisibles
, la situation est
toute autre. En effet, si l'on fait abstraction des révolutions et des
coups d'Etat
, la révision
constitutionnelle devra s'opérer suivant les règles fixées
par la Constitution
. Selon lui,
quand il y aura lieu de réviser la Constitution, il ne sera nullement
nécessaire de procéder à une révolution ; mais
il suffira de faire intervenir les organes que la Constitution elle-même
a fixés à cet effet
. Ainsi, CARRE de
MALBERG conclut que cet exercice du pouvoir constituant rentre purement et
simplement dans le cadre de la théorie générale et normale
de l'organe d'Etat
13(*).
Toutefois, même si CARRE de MALBERG est le
principal explorateur de la distinction du pouvoir constituant originaire et du
pouvoir constituant dérivé, il ne lui appartient pas la
dénomination de ces deux pouvoirs constituants. En effet, on ne voit pas
chez CARRE de MALBERG d'effort pour donner des noms différents à
ces deux pouvoirs constituants14(*).
Georges BURDEAU
, disciple de CARRE de
MALBERG, dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, avait
souligné qu'il faut établir une distinction entre ces deux
pouvoirs constituants
. Georges BURDEAU
constate que la doctrine traditionnelle, sous le terme unique de pouvoir
constituant, englobe deux notions tout à fait différentes
. Il les appelle le
pouvoir constituant stricto sensu et le pouvoir de révision
. Le pouvoir
constituant stricto sensu est « celui qui établit
la première Constitution »15(*)
. Selon cet
auteur, c'est un pouvoir de fait qui, par conséquent, est
extérieur au droit
. Il
existe après tous les mouvements révolutionnaires
. Par
contre, selon lui, le pouvoir de révision est le pouvoir dont
un organe est statutairement investi pour modifier ou remplacer la règle
fondamentale qui est au sommet du système des normes étatiques
.
Comme CARRE de
MALBERG, Georges BURDEAU affirme aussi que l'examen du pouvoir constituant
stricto sensu échappe totalement à l'analyse juridique
.
Pourtant, si
comme on le voit, Georges BURDEAU a
exprimé de la façon la plus claire la distinction entre le
pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé,
il n'est pas le parrain des ces appellations. C'est
en effet à Roger BONNARD qu'appartient la dénomination de ces
deux pouvoirs constituants. Dans un article publié dans la Revue du
droit public en 1942
, il a consacré
la distinction entre ces deux pouvoirs constituants sous la double appellation
de pouvoir constituant originaire et de pouvoir constituant
institué16(*)
. Selon l'auteur, le
pouvoir constituant originaire est « un pouvoir existant
en dehors de toute habilitation
constitutionnelle »17(*)
.
Par contre, le
pouvoir constituant institué est celui qui existe
« en vertu d'une Constitution et qui a été
établi pour venir, le cas
échéant »18(*)
. Ainsi le pouvoir
constituant institué suppose une Constitution en vigueur, à la
différence du pouvoir constituant originaire qui existe en dehors de
toute Constitution
. Cette distinction
est reprise d'abord par Guy HERAUD dans sa thèse de doctorat soutenue en
1945
. Cependant il appelle
le pouvoir constituant originaire directement le « pouvoir
originaire »19(*)
.
Reprenant cette distinction entre le pouvoir constituant
originaire et le pouvoir constituant institué, Georges VEDEL
préfère le qualificatif
« dérivé » à la place de
celui d'« institué » et parle même
plus de « pouvoir
dérivé »20(*)
.
2 - Distinction entre le pouvoir constituant
dérivé et le pouvoir constituant originaire
Il découle des
précisions ci-dessus relevées que les auteurs positivistes
opposent le pouvoir constituant originaire au pouvoir constituant
dérivé sur différents points : les circonstances de leur
exercice, leur nature, leur titulaire, leur forme, etc. Selon les auteurs formalistes, le pouvoir constituant
originaire s'exerce dans le vide juridique. Il peut exister, selon eux, deux
types de vide juridique : le vide juridique déjà existant et
le vide juridique créé.
Le vide juridique déjà existant se produit dans
les circonstances de naissance d'un nouvel Etat
. Dans ce cas, le
pouvoir constituant originaire, pour fonder un nouvel Etat, pour établir
une nouvelle Constitution, ne détruit pas un Etat, n'abroge pas une
Constitution ; il construit seulement. Dans une telle situation, le
pouvoir constituant originaire comble le vide juridique en faisant une nouvelle
Constitution, en fondant un nouvel Etat. L'Etat qu'il fonde ainsi est un Etat
tout neuf qui n'existait pas avant ; la Constitution qu'il établit est
aussi la toute première Constitution de l'Etat. Ils notent qu'un tel
vide juridique peut se produire dans les circonstances telles que la guerre, la
décolonisation, la guerre d'indépendance, la
fédération des Etats indépendants, le démembrement
d'un Etat, etc
. Il est
évident que dans une telle situation, le pouvoir constituant originaire
ne peut pas être de nature juridique. Il n'est qu'un pur fait, non
susceptible de qualification juridique. Car, puisqu'il n'y a jamais eu de
Constitution, l'établissement de la première Constitution du pays
ne peut être régi par aucun texte. C'est-à-dire que l'acte
de l'établissement de la première Constitution ne repose sur
aucune règle juridique préalable. Dans cette hypothèse, le
pouvoir constituant originaire tire sa validité de lui-même, non
pas d'une règle juridique préalable.
Le deuxième type de vide juridique, c'est-à-dire
le vide juridique créé, apparaît dans les
circonstances de changement du régime dans un Etat déjà
existant. Dans ce cas, il existe déjà un ordre juridique en
vigueur. Le pouvoir constituant originaire, d'abord en abrogeant la
Constitution existante, crée un vide juridique, et après, en en
faisant une nouvelle, il le comble. En d'autres termes, le pouvoir constituant
originaire détruit d'abord, reconstruit ensuite.
L'établissement de cette nouvelle Constitution n'est pas
réglementé par l'ancienne Constitution. De même, selon les
auteurs formalistes, le titulaire du pouvoir constituant originaire se
détermine par les circonstances de force.
Comme l'indique CARRE
de MALBERG, « les mouvements révolutionnaires et les coups
d'Etat offrent ceci de commun que les uns et les autres constituent des actes
de violence et s'opèrent, par conséquent, en dehors du droit
établi par la Constitution en vigueur. Dès lors il serait
puéril de se demander, en pareil cas, à qui appartiendra
l'exercice légitime du pouvoir constituant. A la suite d'un
bouleversement politique résultant de tels événements, il
n'y a plus, ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles :
on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la
force. Le pouvoir constituant tombera aux mains du plus
fort »21(*)
.
En revanche, le titulaire du
pouvoir constituant dérivé est déterminé par les
Constitutions. En d'autres termes, pour savoir à qui appartient le droit
de réviser la Constitution, il suffit de se reporter à la
Constitution elle-même. C'est la Constitution qui prévoit
l'autorité qui va la réviser
. Les Constitutions
attribuent en général ce pouvoir à l'un des organes
qu'elles ont établis, par exemple au Parlement ou bien elles le
partagent entre les organes qu'elles ont fondés, par exemple entre le
Parlement et le Chef de l'Etat. Par ailleurs, il y a des Constitutions qui
prévoient l'intervention du peuple par les voies
référendaires22(*).
Le pouvoir constituant originaire
est un pouvoir illimité. Car lorsque le pouvoir constituant originaire
élabore une Constitution, il ne rencontre aucune règle qui va le
limiter. Puisqu'il n'y a pas ou qu'il n'y a plus de Constitution en vigueur, on
se trouve dans une situation de vide juridique, c'est-à-dire qu'il
n'existe plus de règle supérieure à la volonté du
pouvoir constituant originaire. C'est pourquoi le pouvoir constituant
originaire est un pouvoir initial, autonome et inconditionné.
En revanche, le
pouvoir constituant dérivé est un pouvoir limité au moins
par les conditions de procédure dans lesquelles il s'exerce23(*).
Enfin, selon les auteurs positivistes, les modes suivant
lesquels le pouvoir constituant originaire établit une nouvelle
Constitution ne peuvent pas être juridiquement
déterminés. En d'autres termes, les modes
d'établissement des Constitutions sont des modes purs,
non susceptibles de qualification juridique. Puisque le pouvoir
constituant originaire est inconditionné, il n'est subordonné
à aucune procédure. Il est libre de prononcer sa volonté
selon les modalités qu'il fixe lui-même
. Par contre, les
modes suivant lesquels le pouvoir constituant dérivé
révise une Constitution en vigueur, sont des modes juridiques24(*).
On peut, au regard de ce qui
précède, penser qu'entre pouvoir constituant originaire et
pouvoir constituant dérivé il n'existe aucun point commun. Ceci
n'est vrai qu'en partie car, il y a entre ces deux pouvoirs un certain lien qui
peut être appréhendé sous l'angle de leur fonction. En
effet, du point de vue de leur fonction, il n'existe
aucune
différence entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir
constituant dérivé. Ils exercent la même fonction
: édicter
des normes constitutionnelles. De ce point de vue, le pouvoir constituant
dérivé est
l' « équivalent » du pouvoir
constituant originaire. Il n'y a aucune différence de force juridique
entre la règle initialement posée par le pouvoir constituant
originaire et celle ultérieurement édictée par le pouvoir
constituant dérivé. Toutes les deux sont de même valeur
juridique en tant que règles se trouvant dans la même
Constitution. En d'autres termes, le pouvoir constituant dérivé
qui est créé par le pouvoir constituant originaire, exerce la
même fonction que celle qu'exerce son créateur. Ceci est la
conséquence logique de la théorie selon laquelle il n'existe pas
de hiérarchie entre les normes d'une Constitution25(*).
La distinction du pouvoir constituant originaire et du
pouvoir constituant dérivé selon la conception matérielle
est privilégiée par les auteurs non positivistes. Cette
distinction a été préparée par Carl SCHMITT puis
reprise récemment par Olivier BEAUD.
En effet, selon Carl SCHMITT, il n'y a qu'un pouvoir
constituant, c'est celui qu'il appelle le pouvoir constituant tout court et le
pouvoir de révision constitutionnelle n'est pas un pouvoir
constituant. Il l'écrit clairement :
« Le pouvoir constituant est un et
indivisible... »26(*)
. Selon lui, le
pouvoir constituant s'exerce dans l'acte de la décision politique
fondatrice et il peut même exister « un pouvoir
légiconstitutionnel de ``modification'' ou ``révision'' des lois
constitutionnelles ». Mais, il faut en distinguer le pouvoir
constituant lui-même
.
En effet, Carl SCHMITT
définit le pouvoir constituant comme « la
volonté politique dont le pouvoir ou l'autorité sont en mesure de
prendre la décision globale concrète sur la forme et le genre de
l'existence politique propre, autrement dit déterminer l'existence de
l'unité politique dans son ensemble »
27(*)
.
Il distingue le
pouvoir constituant et le pouvoir de révision constitutionnelle par leur
objet. L'objet du premier est la « Constitution »
(Verfassung) et l'objet du second est les « lois
constitutionnelles » (Verfassungsgesetz)
. Le pouvoir
constituant serait donc le pouvoir de donner une nouvelle Constitution
, alors que le pouvoir
de révision constitutionnelle ne serait que le pouvoir de modifier le
« texte des lois constitutionnelles en vigueur
jusqu'alors »28(*)
. En d'autres termes,
Carl SCHMITT
fonde la distinction
entre le pouvoir constituant et le pouvoir de révision constitutionnelle
sur sa distinction entre la Constitution et les lois
constitutionnelles29(*).
L'importance pratique
de la distinction entre la Constitution et les lois
constitutionnelles apparaît du point de vue de leur révision.
Selon Carl SCHMITT
, la
« Constitution », c'est-à-dire les
décisions politiques fondamentales, ne peut pas être
modifiée par la procédure de révision constitutionnelle
. En effet, l'auteur
définit la révision de la Constitution comme la
« modification du texte des lois constitutionnelles en
vigueur jusqu'alors »30(*)
, et non pas comme la
modification de la « Constitution »,
c'est-à-dire des décisions politiques fondamentales qui
constituent la substance de la Constitution
.
Dans le même
ordre d'idées, et s'inspirant de la théorie de Carl SCHMITT, le
Professeur Olivier BEAUD, affirme que l'acte constituant et l'acte de
révision sont, ainsi que les pouvoirs qui s'y rattachent,
fondamentalement distincts et opposés31(*)
.
Il les dénomme
de manière différente : « l'acte qui
édicte la Constitution s'appellera ici l'acte constituant et
l'acte qui révise la Constitution s'appellera ici l'acte de
révision, de même l'autorité qui prend le premier se
nommera le ``pouvoir constituant'' tout court (à la place du pouvoir
constituant originaire) et le second le pouvoir de révision ou le
pouvoir de révision constitutionnelle (à la place du pouvoir
constituant dérivé) »32(*)
.
En effet, pour le
Professeur Olivier BEAUD, il n'y a qu'un pouvoir constituant, c'est celui que
nous appelons le pouvoir constituant originaire. Le pouvoir de révision
n'est jamais un pouvoir constituant, il n'est qu'un pouvoir constitué.
Selon lui, les
matières touchant à la souveraineté nationale du peuple
relèvent de la compétence du pouvoir constituant et celles qui ne
la concernent pas relèvent du pouvoir de révision
. Car, d'après
lui, seul le pouvoir constituant et jamais le pouvoir de révision peut
remettre en cause la souveraineté nationale du peuple
. Ainsi, lorsque le
pouvoir constituant intervient, pour déterminer son type (originaire ou
dérivé), selon le Professeur Olivier BEAUD, il faut d'abord
rechercher si l'objet de sa décision porte sur des dispositions
fondamentales (sur des matières de souveraineté) ou sur des
objets secondaires
. Alors, s'il porte
sur des « matières de
souveraineté », il est le pouvoir constituant
originaire ; s'il porte sur des « objets
secondaires », il est le pouvoir de révision
constitutionnelle.
3 - Le rapport entre pouvoir constituant
dérivé et les autres pouvoirs constitués
Quel est le rapport du pouvoir
constituant dérivé avec les autres pouvoirs constitués,
tels les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ? Ce
rapport aussi peut être déterminé de deux points de vue
différents : du point de vue de leur organisation et du point
de vue de leur fonction. Du point de vue de leur
organisation, le pouvoir constituant dérivé et les autres
pouvoirs constitués (pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire) se trouvent sur un pied d'égalité. En effet, du point
de vue de son organisation, comme on vient de l'expliquer, le pouvoir
constituant dérivé est un pouvoir constitué, car il a
été institué par le pouvoir constituant originaire. A cet
égard, il est exactement comme les autres pouvoirs constitués,
c'est-à-dire que son organisation et son fonctionnement sont
définis dans la Constitution par le pouvoir constituant originaire. Il
se trouve juridiquement sur le même plan que les autres organes
constitués. Ils procèdent tous de la Constitution et tiennent
d'elle leur compétence.
Cependant, du point de vue de leur fonction, il y a un rapport
hiérarchique entre le pouvoir constituant dérivé et les
autres pouvoirs constitués. Le pouvoir constituant dérivé,
bien qu'il soit lui-même un pouvoir constitué, est
supérieur aux autres pouvoirs constitués, car le pouvoir
constituant dérivé exerce une fonction constituante sur les
autres pouvoirs constitués. En modifiant les dispositions de la
Constitution qui les concernent, il peut déterminer leur destin. Par
exemple, le pouvoir constituant dérivé peut à tout moment
redéfinir l'organisation et le fonctionnement du pouvoir
législatif ordinaire, parce que la règle posée par le
pouvoir constituant dérivé occupe un rang supérieur
à celle posée par le pouvoir législatif ordinaire. En
d'autres termes, l'inégalité de puissance entre
législateur constituant et législateur ordinaire est la
traduction de la différence des rangs occupés par les
règles qu'ils posent dans la hiérarchie des normes
.
C - Historique du pouvoir constituant dérivé
au Cameroun
L'historique du pouvoir constituant dérivé au
Cameroun commence avec sa consécration juridique dès 1960
(1), mais son exercice est controversé en doctrine
(2).
1 - La consécration juridique du pouvoir
constituant dérivé au Cameroun
La consécration juridique
du pouvoir constituant dérivé au Cameroun est également
contemporaine à cette systématisation théorique de la
distinction entre ce pouvoir et le pouvoir constituant originaire.
En effet, ce n'est qu'en 1960
lorsqu'il accède à la souveraineté internationale que le
Cameroun adopte pour la première fois une Constitution au sens formel du
terme, promulguée le 4 mars de la même année. Le
titre XI de cette Constitution traite exclusivement de la révision
de la Constitution, à l'instar du titre XIV de la Constitution
française du 4 octobre 195833(*). Il ne pouvait en être autrement, en raison des
liens qui l'unissaient à la Grande-Bretagne et, surtout, à la
France dont la plupart des textes ont été repris à cette
époque dans le système juridique camerounais34(*). Depuis lors, le pouvoir
constituant dérivé figure parmi les organes institués par
les Constitutions du Cameroun.
On peut ainsi constater qu'il est maintenu aussi bien dans la
« Loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant
révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution
actuelle aux nécessités du Cameroun
unifié »35(*) où il occupera de 1961 à 1972
le titre X, que dans la Constitution du 2 juin 1972 et la loi n° 96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972
où il occupe respectivement le titre IX et le titre XI36(*).
2 - L'exercice controversé du pouvoir
constituant dérivé depuis 1961
Le pouvoir constituant dérivé est
également constamment mis en oeuvre. De 1961 à 1972, il est
exercé deux fois. La première mise en oeuvre intervient le 10
novembre 1969 par la voie référendaire, avec la loi n°
69/LF/14 modifiant et complétant certaines dispositions des articles 10,
11, 15, 16, 24, 39 et 44 de la Constitution du 1er septembre
196137(*). La seconde est
intervenue le 4 mai 1970 par la voie parlementaire, avec la loi n°
70/LF/1 complétant le troisième alinéa de l'article 9
de la Constitution du 1er septembre 196138(*).
Mais c'est de 1972 à nos jours que le pouvoir
constituant dérivé, essentiellement le Parlement, va être
sollicité le plus grand nombre de fois. En 1975 en effet,
c'est-à-dire trois ans à peine après son adoption par voie
référendaire, comme du reste sa devancière de 1960, la
Constitution du 2 juin 1972 faisait l'objet de sa première retouche avec
la loi n° 75/01 du 9 mai 1975 qui en modifiait, en plus de l'article 5
instituant un poste de premier ministre dans la structure de l'Exécutif,
les articles 7, 8, 26, 32, 34, la dénomination et le contenu du titre X,
celui-ci passant de « Dispositions transitoires »
à « Dispositions finales ». Cette
importante réforme sera confirmée voire consolidée avec la
loi n° 79/02 du 12 juin 1979, laquelle érige le premier ministre au
rang de dauphin constitutionnel39(*). A la suite de la démission du
président Ahmadou AHIDJO le 4 novembre 198240(*), cette dernière loi
constitutionnelle connaîtra sa mise en application concrète et le
Cameroun, la première transition politique à la tête de
l'Etat le 6 novembre 1982.
A partir de l'année 1982 cependant, le Cameroun entre
dans une période de crises politiques nées du conflit survenu
entre le nouveau président, Paul BIYA, et son
prédécesseur, Ahmadou AHIDJO, postérieurement au
départ de ce dernier du pouvoir. Celui-ci avait en effet, en
démissionnant de ses fonctions de président de la
République, eu le réflexe de conserver la présidence du
parti unique qu'il entendait continuer à exercer41(*). C'est dans l'optique de
consolider son pouvoir et surtout de mettre un terme à ce
bicéphalisme de fait, que le nouveau président de la
République va fréquemment initier des projets de révisions
qui seront tous adoptés par l'Assemblée nationale et
promulgués par lui-même en 1983, 1984 et 1988. C'est ainsi que
dès le 21 juillet 1983, la loi n° 83/10 portant modification de
l'article 12 de la Constitution de 1972 va faire passer le nombre de
députés de l'Assemblée nationale de 120 à 150. Le
29 novembre de la même année, la loi n° 83/26 modifiant
l'article 7 de la Constitution permettait au premier ministre investi des
fonctions de président de la République dans les conditions
prévues par la réforme de 1979, de décider, s'il le juge
utile, de la tenue d'élections présidentielles anticipées.
Puis intervenait la révision constitutionnelle du 4 février 1984
qui modifiait les articles 1, 5, 7, 8, 26 et 34 de la Constitution. Par cette
loi, la dénomination du Cameroun mutait de
« République Unie du Cameroun »
à « République du Cameroun » tout
court42(*) pendant que le
poste de premier ministre disparaissait de la structure du pouvoir
exécutif43(*). Les
révisions opérées le 17 mars 1988 quant à elles
apportaient deux nouvelles innovations : la nouvelle version de l'article 7
réintroduisait la possibilité pour le président de la
République d'organiser une élection présidentielle
anticipée (loi constitutionnelle n° 88/030), reprenant ainsi
purement et simplement la formule utilisée dans la loi de
révision du 29 novembre ci-dessus citée supprimée par la
révision de février 1984, tandis que celle de l'article 12 de la
Constitution portait le nombre des députés à
l'Assemblée nationale de 150 à 180 (loi constitutionnelle n°
88/032).
En plus, au début des
années 1990, le Cameroun, à l'instar de beaucoup de pays
africains, notamment ceux au sud du Sahara, entre dans une période de
turbulences sociopolitiques qui menacent sérieusement la
stabilité voire la survie du régime en place. Des demandes
pressantes pour la tenue d'une Conférence nationale souveraine
en vue de refonder l'Etat au Cameroun par la mise sur pied de nouvelles
institutions politiques et administratives sont formulées. En
réaction à ces exigences populaires, associatives et politiques,
le pouvoir soumet à l'Assemblée nationale plusieurs projets de
loi portant modification de la Constitution du 2 juin 1972 au détriment
de la voie référendaire préconisée par une frange
de la population. Ces projets seront adoptés par l'Assemblée
nationale et les lois de révisions correspondantes promulguées
par le président de la République respectivement en 1991, 1996 et
en 2008. Ces révisions ont transformé les institutions
consacrées par la Constitution. La révision constitutionnelle du
23 avril 1991 consacre un changement de régime politique, car elle
introduit voire réintroduit les éléments essentiels du
régime parlementaire dans l'ordre constitutionnel camerounais44(*). Cette nouvelle donne
constitutionnelle a été maintenue, voire renforcée avec la
réforme constitutionnelle du 18 janvier 199645(*).
Au demeurant, la notion de pouvoir constituant
dérivé relativement bien définie en doctrine
constitutionnelle française, juridiquement consacrée en droit
positif camerounais est constamment mise en oeuvre dans notre ordre
juridique.
Pourtant, l'analyse qui consiste à considérer
que tous les actes du pouvoir constituant dérivé sont des actes
de révision n'est pas constante au regard de la doctrine camerounaise du
droit constitutionnel. Selon certains auteurs en effet, le pouvoir constituant
dérivé au Cameroun aurait, notamment en 1961 et en 1996
procédé, non pas à la révision des Constitutions en
vigueur, mais plutôt à l'établissement de nouvelles sous
prétexte de réviser celles en vigueur au moment où
l'opération est enclenchée. De ce point de vue, la distinction
ci-dessus opérée entre le pouvoir constituant
dérivé et le pouvoir constituant originaire qui l'a
instituée, est relativement floue, au plan doctrinal. Ainsi, depuis la
promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, le Professeur Maurice
KAMTO soutient que « Comme en 1961, la `'révision'' de
1996 est une fraude à la procédure ou pour être plus
précis, un détournement de procédure dans la mesure
où dans un cas comme dans l'autre, on a mis en oeuvre la
procédure de révision constitutionnelle pour établir des
Constitutions totalement nouvelles du point de vue
substantiel »46(*). Dans le même sens, le Professeur Magloire
ONDOA défend l'idée selon laquelle la loi du 18 janvier 1996
apporte des changements qui ne sauraient s'intégrer dans la logique
d'une simple révision47(*). Et le fait pour l'auteur de parler quelques
années plus tard, s'agissant de la Constitution du 2 juin 1972 de
« la survie de l'ancienne Constitution » et,
s'agissant de la loi constitutionnelle de 1996 de « l'inertie de
la nouvelle Constitution »48(*), rend l'identification au Cameroun d'un pouvoir
constituant dérivé distinct du pouvoir constituant originaire
fort subtile.
Cette interprétation de la loi constitutionnelle de
1996 est mise en doute par le Professeur François Xavier MBOME et
combattue par le Professeur Alain-Didier OLINGA. Pour le premier en effet,
« si on affirme que la Constitution du 18 janvier 1996 est une
Constitution nouvelle (...) il y aurait lieu de se demander s'il n'y a plus de
différence entre un pouvoir constituant originaire et un pouvoir
constituant institué ou
dérivé... »49(*). Pour le second, il n'y a pas eu en 1996 une nouvelle
Constitution tout comme il n'existe pas deux Constitutions au Cameroun. Pour
cet auteur, dès lors que l'on parle juridiquement de Constitution, il ne
peut logiquement en exister qu'une seule à un moment donnée de la
vie d'une collectivité étatique50(*).
C'est dire qu'après celle de sa devancière de
1961, l'ampleur de la révision constitutionnelle de 1996 a remis
à l'ordre du jour la question du pouvoir constituant
dérivé qui n'a cessé de retenir l'attention de la doctrine
camerounaise au lendemain de la promulgation de la loi constitutionnelle de
1996. En réalité, c'est dans le prolongement direct de cette
controverse doctrinale autour de cet organe de l'Etat que s'inscrit la
présente étude sur le pouvoir constituant dérivé au
Cameroun entre 1990 et 2008. Toutefois, il n'est pas question ici de l'aborder
d'un point de vue procédural, ni de se limiter aux innovations qu'il a
introduites dans la Constitution, encore moins de trancher la controverse
ci-dessus évoquée ; mais plutôt de se borner à
sa nature même d'organe constitué situé à un moment
donné de l'évolution des normes constitutionnelles au Cameroun,
en l'occurrence depuis 1990. D'où la nécessité d'un fil
directeur, c'est-à-dire d'une problématique.
II - PROBLEMATIQUE, ACTUALITE ET INTERET DU SUJET
A la suite de la formulation de la problématique
(A), nous présenterons l'actualité
(B) ainsi que l'intérêt de ce sujet de recherche
(C).
A - Problématique
Les années 90 marquent incontestablement
l'avènement d'une nouvelle ère caractérisée par une
évolution sans précédent dans la recherche d'un certain
équilibre institutionnel au sein du régime politique
institué par la Constitution de 197251(*).
De ce constat se dégage une question essentielle, celle
de savoir si le pouvoir constituant dérivé est resté en
marge de cette évolution constitutionnelle. En d'autres termes, le
pouvoir constituant dérivé a-t-il résisté aux
transformations que subissent les organes de l'Etat en cette période de
transition démocratique ?
La réponse à cette question nous permettra de
jeter un regard neuf sur le pouvoir constituant dérivé dans le
nouveau constitutionalisme camerounais en nous appuyant sur l'actualité
de ce thème.
B - Actualité du sujet
L'actualité du sujet est attestée par l'adoption
parlementaire suivie de la promulgation par le président de la
République de trois textes qui sont incontestablement en rapport avec le
pouvoir constituant dérivé. Il s'agit, suivant l'ordre
chronologique de leur promulgation, de la loi n° 2006/005 du 14 juillet
2006 fixant les conditions d'élection des sénateurs et de la loi
n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la Constitution du 2 juin 1972, laquelle a apporté des retouches aux
dispositions relatives à la mise en place du Sénat. Cette
actualité est davantage marquée par la promulgation par le
président de la République de la loi n° 2010/003 du 13 avril
2010 fixant les procédures du référendum au Cameroun qui
vient abroger « toutes les dispositions contraires, notamment
celles de l'ordonnance n° 72/10 du 26 août 1972 fixant la
procédure du référendum »52(*). Cette problématique est davantage
aiguillonnée par l'intérêt qui en résulte.
C - Intérêt du sujet
Une réflexion axée sur l'organe
révisionniste, surtout dans un contexte de transition vers le pluralisme
politique, est toujours une entreprise digne d'intérêt. Celui-ci
peut être perçu à la fois sur le plan politique et
juridique.
Politiquement, l'intérêt de cette étude
résulte de la primauté du pouvoir de révision sur les
autres organes de l'Etat ; car si juridiquement en tant qu'organe (de
l'Etat), l'autorité investie de la compétence
révisionniste se trouve sur le même plan que les autres organes de
l'Etat, il n'en demeure pas moins que politiquement, la nature de sa fonction
lui assure une prépondérance marquée. Cet
intérêt sur le plan politique a été
démontré par Georges BURDEAU qui écrivait que
« toutes les autorités, dans l'Etat, dépendent
d'elle puisque, aussi bien quant à leur existence que quant
à l'étendue de leurs attributions ou à l'énergie de
leurs prérogatives, elles sont à la merci d'une révision
constitutionnelle »53(*). C'est cette observation qui, en fait, est
déterminante car si la Constitution du 2 juin 1972 est encore en
vigueur, il est aisé de constater qu'elle n'est plus tout à fait
celle des origines : le pouvoir exécutif est devenu
bicéphale, le Parlement formellement bicaméral, le pouvoir
judiciaire a remplacé l'autorité judicaire et on note
l'apparition du Conseil constitutionnel dont les attributions sont
transitoirement exercées par la Cour Suprême, etc. C'est assez
souligner l'intérêt juridique d'une étude exclusive du
pouvoir constituant dérivé.
Sur le plan juridique, cette
évolution du contenu de la Loi fondamentale camerounaise, qu'elle ait ou
non atteint l'organe révisionniste lui-même, ne saurait se faire
dans l'anarchie ; d'où la nécessité d'examiner,
suivant une méthodologie appropriée, l'organe compétent
pour lui apporter des retouches.
III - METHODOLOGIE
L'utilité de la
méthode dans tout travail scientifique n'est plus à
démontrer. En effet, comme le souligne le Professeur Maurice KAMTO,
« le problème de la méthode est au coeur de toute
oeuvre scientifique », « tant il est vrai que la
méthode éclaire les hypothèses et détermine les
conclusions »54(*). La méthode peut être définie
comme « la démarche ordonnée que doit
suivre l'esprit pour arriver à son
but »55(*).
Elle est ainsi constituée par l'ensemble des opérations
intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à
déterminer la vérité qu'elle poursuit, la démontre,
la vérifie .
Dans le cadre de ce travail, nous
avons combiné deux méthodes. Le constitutionnaliste utilise, en
effet, désormais deux méthodes profondément
différentes, à savoir la méthode juridique et la
méthode de la science politique56(*). La première consiste à analyser et
à exposer le droit positif mais aussi à confronter le fait et le
droit. Cette recherche de conformité constitue la démarche la
plus fréquente du juriste qu'il soit professeur, magistrat ou avocat. La
méthode juridique a pour but de résoudre un problème de
dogmatique ou de casuistique juridique57(*). La seconde méthode à savoir la
méthode de la science politique, s'apparente beaucoup plus à la
méthode des sciences de la nature qu'à la méthode
juridique58(*). Là
où celle-ci recourt au raisonnement, à la déduction,
celle-là fait appel à la constatation, à l'observation
pure et simple ; là où la méthode juridique obéit
à un système rationnel et logique, la méthode de la
science politique est tributaire des faits et se préoccupe moins de les
apprécier que de les expliquer. La première envisage les
phénomènes sous l'angle de leur conformité, la seconde
sous l'angle de leur causalité. Ainsi, et pour reprendre le Professeur
Joseph OWONA, l'apport sociologique utilisé de façon positiviste
permet de donner une portée effective et objective aux règles de
droit constitutionnel59(*).
Appliquée au pouvoir
constituant dérivé, la combinaison de ces deux méthodes
conduit à démontrer l'hypothèse suivante : les
transformations que subissent les organes de l'Etat au Cameroun depuis les
années quatre-vingt-dix ont également atteint le pouvoir
constituant dérivé. L'intitulé du thème en impose
l'approche : elle sera diachronique. Les mutations du pouvoir constituant
dérivé ne se sont pas en effet opérées d'un seul
coup. Bien au contraire ; on peut même affirmer hic et nunc
qu'elles sont inachevées.
Il convient dès lors de
démontrer cette thèse à travers un raisonnement à
double détente, c'est-à-dire, en dissociant les mutations du
pouvoir constituant dérivé n'ayant pas nécessité
une retouche de la Constitution qui vont de 1990 à 1996 où on est
passé d'un Parlement monolithique à un Parlement pluraliste d'une
part (Première Partie) des mutations observées
depuis l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996 d'autre part (Seconde Partie).
Première Partie :
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1996
L'observation de la
réalité de la structure du pouvoir constituant
dérivé au Cameroun de 1990 à 1996 nous amène
à constater qu'à l'instar des pouvoirs exécutif et
législatif, ce pouvoir a connu des mutations. Le terme mutation est
susceptible de plusieurs acceptions. En droit civil comme en droit commercial,
le terme mutation signifie le « Transfert d'un bien d'un
patrimoine dans un autre (mutation à titre particulier) ou substitution
d'une personne à une autre à la tête d'un patrimoine
(mutation à titre universel) »60(*). En droit du travail,
il traduit la « Modification de la situation d'un salarié
résultant de son affectation à un autre poste ou à une
autre fonction, ou dans un autre service ou établissement de la
même entreprise »61(*). Ces clarifications faites, précisons que la
notion de mutation telle qu'envisagée dans le cadre de cette
étude relève du littéraire. Il apparaît ce
faisant logique d'interroger le dictionnaire qui indique qu'il s'agit
là d'un vocable latin, « mutatio » en
l'occurrence, et se traduisant, en langue française, par le mot
changement62(*).
De cette équivalence terminologique, on retiendra,
qu'une mutation est la résultante d'une chose ou d'un fait qui
connaît, à un moment donné, quelque transformation.
Appliquée au cadre de notre étude, cette notion renvoie au fait
qu'entre 1990 et 1996, et même après cette date, le pouvoir
constituant dérivé ne présente plus la même
physionomie ni ne fonctionne de la même manière qu'avant cette
période.
Démontrer cette
thèse nécessite que l'on s'attarde d'une part sur la
réalité du pouvoir constituant dérivé de 1990
à 1991 qui est l'Assemblée nationale monolithique
(Chapitre 1) et d'autre part sur celle du pouvoir constituant
dérivé en 1996 qui est l'Assemblée nationale pluraliste
(Chapitre 2).
Chapitre 1 : LE POUVOIR
CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
MONOLITHIQUE
Comme dans bon nombre d'Etats
africains, le pouvoir constituant dérivé au Cameroun en 1991 est
une Assemblée nationale monolithique. En effet, il s'agit d'une
Assemblée nationale constituée des députés issus
d'un seul parti politique : d'où l'adjectif qualificatif
monolithique pour rendre compte de cet état de chose qui était
par ailleurs en contradiction avec le caractère démocratique de
la République. Pourtant, une partie de la doctrine des publicistes met
à son actif d'importantes innovations inscrites dans la Constitution de
1972 à l'instar de la réintroduction, en 1991, d'un poste de
premier ministre dans la structure de l'Exécutif. Mais avant d'en venir
à ses innovations apportées à la Constitution à la
faveur des révisions constitutionnelles de 1991 (Section
2), il convient d'analyser au préalable l'organe qui les a
apportées à savoir l'Assemblée nationale monolithique
(Section 1).
Section 1 : L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE
Le caractère monolithique
de l'Assemblée nationale est amplement reflété par sa
structure (§1). Mais en tant qu'organe institué
par la Constitution, l'Assemblée nationale tient de cette
dernière les pouvoirs d'y apporter des modifications,
c'est-à-dire de la réviser (§2).
§1 : LA STRUCTURE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
Toute personne curieuse de
comprendre ce que recouvre l'Assemblée nationale est vouée
à aller à la découverte de sa structure. En d'autres
termes, analyser la présentation de l'Assemblée nationale, organe
révisionniste, suppose que l'on décrive ses principaux
pensionnaires que sont les députés, d'une part
(A), et les cadres institutionnels chargés d'encadrer
ceux-ci, à savoir les organes de l'Assemblée nationale, d'autre
part (B).
A -
Les députés de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale est
animée par certains citoyens représentant le peuple et qui sont
appelés « députés »63(*). Cette qualification
constitutionnelle de ceux qui reçoivent mandat du peuple est reprise par
l'article 1er du règlement de l'Assemblée
nationale64(*) qui dispose
clairement que ses « membres (...) portent le titre de
député ». Cependant, le législateur ne se
contente guère de dire qui possède la qualité de
parlementaire (1) mais il aménage également des
mécanismes destinés à la protection du mandat
parlementaire (2).
1 - La
qualité de parlementaire
L'acquisition de la qualité
de parlementaire est soumise à des conditions
d'éligibilité déterminées par la loi. Toutefois,
cette qualité n'est jamais définitivement acquise car son
titulaire peut la perdre de façon plus ou moins volontaire. Il est
question de s'appesantir sur ces deux aspects de la qualité de
parlementaire et surtout de mettre en exergue le fait qu'avant 1992, seuls les
militants du parti unique de fait, à savoir l'UNC devenu RDPC en 1985,
pouvaient y prétendre.
Les conditions
d'éligibilité sont prévues par la loi n° 91/020 du 16
décembre 1991 modifiée et complétée par la loi
n° 97/013 du 19 mars 1997 fixant les conditions d'élection des
députés à l'Assemblée nationale. De l'article 17 de
cette loi, il ressort que peut être inscrit sur une liste de
candidats aux élections à l'Assemblée nationale tout
citoyen camerounais remplissant un certains nombre de conditions limitativement
énumérées. C'est ainsi qu'il doit être de
nationalité camerounaise sans distinction de sexe, ou avoir acquis cette
nationalité par voie de naturalisation ; jouir du droit de
vote ; être inscrit sur une liste électorale ; avoir 23
ans révolus à la date du scrutin ; savoir lire et
écrire le français ou l'anglais ; verser au
Trésor public un cautionnement d'un montant de 50.000 francs et
être investi par un parti politique légalisé.
Ces conditions d'éligibilité, qui sont assez
libérales, exception faite de l'obligation d'être investi par un
parti politique, doivent continuellement être remplies par le candidat,
qu'il soit titulaire ou suppléant, même après son
élection effective.
Cependant, de telles conditions
n'ont été mises en oeuvre que dans une période
relativement récente, car du fait de l'existence au Cameroun entre
septembre 1966 et décembre 1990 d'un monopartisme de fait, les citoyens
ne pouvaient être investis par un parti politique autre que le parti
unique au pouvoir. En effet, contrairement à plusieurs Etats africains
qui avaient donné une base constitutionnelle au parti unique65(*), le passage au Cameroun du
multipartisme au monopartisme n'exigea pas le changement ni de la Constitution,
ni de la loi de 1967 sur les associations. La Constitution de 1972 dans les
mêmes termes que sa devancière de 1960 a toujours reconnu le
pluripartisme. Mais elle était tout simplement, dans les faits, rendue
ineffective dans ses dispositions par l'émergence d'un parti unique de
fait. Et, jusqu'aux lois libérales intervenues en décembre 1990
dont l'une est relative aux partis politiques, qui se serait enhardi à
créer un parti se serait attiré les foudres du pouvoir ou se
serait vu entré dans l'oeil du cyclone pour emprunter une formule du
Professeur Maurice KAMTO. Dans ce contexte, les électeurs n'avaient
d'autre choix que de ratifier ou de rejeter la liste de candidats choisis par
le parti. En effet, sous le règne du parti unique, les parlementaires
étaient soit nommés à l'intérieur des instances du
parti, soit élus sur une liste dressée par le président du
parti, liste qui était parfois plébiscitée en même
temps que le candidat à la présidence de la
République66(*).
Dépourvu de tout fondement
juridique, l'avènement du monopartisme au Cameroun trouvait toutefois sa
source dans l'option idéologique prise par les pouvoirs en place dans
plusieurs pays d'Afrique depuis 1960 pour la plupart. Aux lendemains des
indépendances africaines, ceux-ci ont en effet avancé de nombreux
arguments pour justifier le parti unique : pratique, la
nécessité de l'union et du développement, les risques
d'affrontements ethniques ; historique : l'unanimisme
(présumé) des sociétés africaines traditionnelles
et idéologique : la construction d'une société sans
classe67(*).
Mais, le monopartisme ne fut une réalité au
Parlement camerounais qu'avec les premières élections
législatives organisées après l'avènement de l'Etat
unitaire. En effet, le 18 mai 1973, est élue l'Assemblée
nationale du Cameroun alors composée uniquement des
députés militants de l'UNC 68(*). Après le remplacement de cette
dernière par le RDPC en 1985, le renouvellement de tous les organes de
base dudit parti et les législatives de 1987 qui suivront, se feront
certes avec une pluralité de candidatures, mais toutes investies par ce
nouveau parti unique69(*).
La Constitution fixe
elle-même la durée du mandat du parlementaire : celle-ci dure
cinq ans. La durée du mandat soulève la question de savoir quand
débute ce mandat et à quel instant précis prend-il fin. Le
premier volet de cette question permet de déterminer le moment à
partir duquel la qualité de parlementaire est acquise. Est-ce
immédiatement après l'investiture populaire ou bien lors de
l'ouverture de la session initiale qui annonce la législature ? Cette
question invite à faire la distinction entre la nomination et
l'entrée en fonction.
Le titre juridique de l'élu
ou la qualité de parlementaire était constituée par la
proclamation des résultats des élections par la Commission
nationale de recensement général des votes en application de
l'article 47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre
1991 précitée70(*). Mais, depuis la révision constitutionnelle de
1996, cette qualité est acquise à partir de la proclamation, par
le Conseil constitutionnel, des résultats des élections71(*). L'entrée en fonction
n'intervient qu'au moment où cessent les pouvoirs des élus
sortants. Ceci ressort de l'article 1er alinéa 5 de la loi
n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée qui indique
que le mandat des députés à l'Assemblée
nationale « commence le jour de l'investiture de la session
ordinaire qui suit le scrutin ». Il s'agit de la session
ordinaire de plein droit qui s'ouvre le deuxième mardi après la
proclamation des résultats par la Cour Suprême ou par le Conseil
constitutionnel respectivement avant ou après l'entrée en vigueur
de la loi constitutionnelle de 1996. Et c'est au cours de cette séance
que l'Assemblée nationale procède à la validation des
mandats des députés72(*).
En clair donc, la qualité de parlementaire n'est pas
acquise dès la nomination, c'est-à-dire, la proclamation
officielle des résultats électoraux, mais plutôt au moment
de la prise de fonction qui correspond à l'ouverture de la session
parlementaire à laquelle ne siège plus les
ex-députés.
La qualité de parlementaire
ne dure qu'autant que dure la législature. Cette cessation normale du
mandat parlementaire correspond à l'échéance de la
législature, c'est-à-dire à l'épuisement de la
durée normale de cinq ans pour laquelle est élu tout
député. Mais, la perte de la qualité de parlementaire peut
exceptionnellement être différée, car l'article 12
alinéa 2 de la Constitution originaire de 1972 et l'article 15
alinéa 1er de la loi constitutionnelle de 1996 reconnaissent
tous au président de la République la faculté de demander
à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger
son mandat. Dans ce cas de figure, la perte de la qualité de
parlementaire interviendra au terme de la conjonction de la période
normale de cinq ans et celle de l'allonge intervenue. La perte de la
qualité de parlementaire peut aussi intervenir lorsque
l'échéance normale du mandat a été
écourtée ou précipitée. Il en est ainsi notamment
lorsqu'il y a dissolution de l'Assemblée nationale par le
président de la République73(*) ou lorsque celle-là, à la demande de
celui-ci, décide par une loi, d'abréger son mandat74(*). La perte de sa qualité
de député par l'élu peut enfin être
précipitée par un évènement affectant son mandat
tels que la démission volontaire du député titulaire, le
décès75(*),
l'acceptation d'une fonction incompatible avec le mandat, la
déchéance prononcée par le Bureau de l'Assemblée
nationale suite à la découverte d'une
inéligibilité76(*). Dès cet instant, le député ne
bénéficie plus pleinement de la protection que lui assure la
qualité de mandataire.
2 - La
protection du mandat parlementaire
En principe, le parlementaire
camerounais est protégé même de la pression de ses
électeurs puisqu'en vertu de l'article 15 alinéa 3 de la loi
constitutionnelle de 1996, sa fonction étant purement
représentative, « tout mandat représentatif est
nul ». Pareillement, le député ou le
sénateur77(*) est
protégé, au moins théoriquement, contre son parti puisque
les éventuelles démissions en blanc qu'il aurait pu remettre
à celui-ci sont tenues pour nulles dès lors qu'elles ne sont pas
confirmées verbalement par le parlementaire concerné78(*). Mais, c'est surtout contre
les pressions du Gouvernement et des intérêts privés que le
parlementaire doit être protégé. Il l'est
traditionnellement par un triple système constitué des
incompatibilités (a), des immunités et des
indemnités parlementaires (b).
a -
Les incompatibilités parlementaires
A la différence des
inéligibilités qui tendent à garantir
l'indépendance des électeurs contre les pressions dont ils
pourraient faire l'objet de la part des candidats, les incompatibilités
tendent à protéger le Parlement contre l'influence que le
Gouvernement ou les intérêts privés pourraient exercer sur
lui à travers ses membres. Les incompatibilités ne font donc pas
obstacle à l'élection : elles obligent seulement le candidat
élu à choisir entre son activité professionnelle
incompatible et son mandat parlementaire. Le régime des
incompatibilités entre le mandat parlementaire et les autres fonctions
est fixé par la loi n° 91/020 précitée. La
portée de l'immunité varie suivant que les fonctions
visées sont publiques ou privées.
L'idée qui commande ces
incompatibilités est celle selon laquelle le parlementaire ne peut
exercer simultanément la fonction parlementaire et une autre fonction
soit parce qu'il ne pourra pas consacrer de ce fait tout son temps à la
première, soit parce que la fonction publique qu'il exerce pourra avoir
des conséquences dommageables sur l'exercice de sa fonction
parlementaire. La fonction publique peut être élective ou non
élective.
Mais, il n'y a pas d'unanimité sur cette
catégorie d'incompatibilités. Ici en effet, les discussions sur
des dispositions régissant les incompatibilités sont les plus
vives. Deux logiques s'opposent : d'un côté, il paraît
non démocratique d'interdire à un individu de cumuler plus d'une
fonction élective. C'est le peuple souverain qui, en la matière,
doit être seul juge s'il lui plait de confier plusieurs mandats à
une personne ; nul ne saurait l'empêcher. D'un autre
côté, on fait valoir tout aussi justement qu'il n'est sans doute
pas sain pour la démocratie qu'une même personne cumule plusieurs
mandats électifs car elle ne peut ainsi exercer convenablement aucun. La
doctrine y voit même une tare majeure du fait de ses conséquences
négatives en France. Il est reproché au cumul des mandats de
réduire numériquement la classe politique à quelques
centaines de personnalités qui s'en remettent à des technocrates
pour l'examen des dossiers. Il engendre l'absentéisme et favorise la
corruption79(*).
Ces critiques pouvaient être transposées au
Cameroun où, pendant longtemps, a prévalu la première
thèse : on pouvait à la fois être maire et
député80(*).
Le cumul des fonctions publiques électives, et spécialement du
mandat parlementaire avec des fonctions dans les exécutifs locaux,
était une pratique courante. Après les élections
législatives du 30 juin 2002 par exemple, on a noté que certains
députés étaient à la fois maire ou adjoint au maire
et membre influent au niveau des organes de direction du parti ou
président d'une section ou sous-section à l'échelon local
du parti81(*).
Mais actuellement l'interdiction du cumul des mandats est la
règle. Celle-ci est expressément consacrée par la loi
constitutionnelle de 1996 dont l'article 14 alinéa 5 précise de
manière significative que nul ne peut appartenir à la fois
à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce cumul serait en
effet illogique car contradictoire avec le bicaméralisme. En tout
état de cause, dans l'état actuel de la législation, la
qualité de parlementaire est désormais incompatible avec les
fonctions de maire, de président du Conseil régional et de
délégué du gouvernement auprès d'une
communauté urbaine.
Le cumul du mandat parlementaire
avec une fonction publique non élective et rétribuée sur
les fonds de l'Etat est également interdit. La règle qui
prévaut ici est celle de l'impossibilité d'une détention
simultanée. Ainsi, le mandat parlementaire est incompatible avec les
fonctions de membre du gouvernement ou assimilés et de membre du Conseil
économique et social82(*). De même, le mandat parlementaire est
incompatible avec les fonctions de président du Conseil d'Administration
ou le statut de salarié dans un établissement public ou
parapublic83(*). D'une
manière générale, le mandat parlementaire est incompatible
avec la qualité de fonctionnaire et d'agent de l'Etat relevant du code
du travail. En conséquence, un fonctionnaire qui devient parlementaire
est placé d'office en position de détachement auprès du
Parlement tandis que l'agent de l'Etat relevant du code du travail voit son
contrat suspendu. Les parlementaires (députés ou
sénateurs) nommés au Conseil constitutionnel sont
présumés avoir opté pour cette dernière s'ils n'ont
pas exprimé au président de la République une
volonté contraire dans les huit (8) jours suivant la publication de leur
nomination. Au demeurant, l'accession d'un parlementaire à l'une des
fonctions incompatibles avec son mandat entraîne la vacance de
siège et le remplacement de l'élu par son suppléant.
Les parlementaires peuvent en
principe cumuler leurs fonctions avec des fonctions privées. Toutefois,
un certain nombre d'incompatibilités ont été
édictées en vue d'éviter que l'exercice de certaines
responsabilités au sein d'entreprises privées n'amène les
parlementaires à mettre leur influence politique au service de ces
entreprises. Le traitement des incompatibilités éventuelles entre
le mandat parlementaire et l'exercice des activités privées pose
des difficultés particulières ne serait-ce qu'en raison de la
diversité des activités susceptibles d'être
concernées et de la difficulté à établir dans bon
nombre de cas des frontières claires de surcroit dans un contexte
économique et social par définition évolutif. C'est peut
être la raison pour laquelle le législateur camerounais se montre
relativement tolérant à l'égard des fonctions
privées. En effet, il ne consacre explicitement aucune
incompatibilité entre ces dernières et le mandat parlementaire.
Il se borne seulement à interdire à tout député de
faire ou de laisser suivre son nom de l'indication de sa qualité dans
toute publicité relative à une entreprise financière,
industrielle ou commerciale84(*). Plus largement, le règlement de
l'Assemblée nationale interdit à tout député d'user
ou de laisser user de sa qualité dans des entreprises
financières, industrielles ou commerciales ou dans l'exercice des
fonctions libérales ou autres et de façon générale
d'user son titre pour d'autres motifs que l'exercice de son mandat.
b -
Les immunités et indemnités parlementaires
Traditionnellement, les
parlementaires sont protégés par ce qu'il convient d'appeler les
immunités parlementaires. Ces dernières peuvent être
définies comme des qualités attachées au mandat des
parlementaires pour les prémunir contre des poursuites engagées
délibérément par le pouvoir ou des groupes dans le but de
les intimider, de faire pression sur eux85(*). Les immunités constituent donc en principe
une protection générale du parlementaire contre toutes formes de
menaces, d'intimidations ou d'arrestations orchestrées par les citoyens
ou les pouvoirs publics. Il s'agit d'une protection fonctionnelle et
personnelle instituée non dans l'intérêt du parlementaire,
mais dans celui du mandat. Elle présente de ce fait un caractère
objectif. Le régime des immunités des députés de
l'Assemblée nationale camerounaise est fixé par l'ordonnance
n° 72/12 du 26 août 1972. Il recouvre deux types d'immunités
parlementaires : l'irresponsabilité et l'inviolabilité.
L'irresponsabilité
s'analyse en une immunité de fond qui protège le
député en sa qualité d'élu en raison des actes
accomplis dans le cadre de son mandat. Elle est traduite à l'article
1er de l'ordonnance n° 72/12 précité qui
prévoit qu'aucun député à l'Assemblée
nationale ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou
jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans
l'exercice de ses fonctions. Tel qu'elle est formulée, cette
irresponsabilité met le parlementaire à l'abri de toute
poursuite, d'où qu'elle vienne, en raison des opinions ou des actes
émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Elle s'étend
également aux journaux qui rapportent exactement et de bonne foi les
propos émis par les parlementaires dans le cadre de leurs fonctions.
Elle est perpétuelle en ce qu'elle survit à la fin du mandat.
Elle est aussi absolue en ce qu'elle couvre tous les actes accomplis par
l'élu dans l'exercice de son mandat législatif (propos, votes,
rapports, etc.), tant du point de vue de la responsabilité pénale
et civile que politique.
L'irresponsabilité
parlementaire n'empêche pas des sanctions internes : le
règlement de l'Assemblée nationale frappe de censure les
parlementaires qui, après rappel à l'ordre du président,
se livreraient à des attaques personnelles ou créeraient du
désordre, et de censure avec exclusion temporaire, ceux qui feraient
publiquement appel ou se rendraient coupables d'injures ou de menaces contre
les autorités constitutionnelles86(*). Précisons toutefois que ledit
règlement réserve le prononcé du rappel à l'ordre
au seul président de l'Assemblée nationale tandis qu'il revient
à celle-ci de prononcer soit la censure simple, soit la censure avec
exclusion temporaire du palais de l'Assemblée nationale.
L'inviolabilité
protège les parlementaires des poursuites pénales dont ils
pourraient arbitrairement être l'objet. Elle est une immunité de
procédure garantissant le parlementaire contre les poursuites
pénales abusives ou vexatoires pour crimes ou délits qui
pourraient être intentées contre lui en raison des faits autres
que ceux concernant l'exercice de sa fonction, c'est-à-dire
étrangers à celle-ci. Il s'agit d'éviter que le
parlementaire pris en sa qualité d'individu ne puisse être l'objet
d'intimidations ou d'arrestations injustifiées de la part du
gouvernement ou de ses partisans. A cette fin, l'article 2 de l'ordonnance
n° 72/12 ci-dessus précise que « Sauf en cas de
flagrant délit ou de crime et délit contre la sûreté
intérieure et extérieure de l'Etat tels qu'ils sont fixés
par le Code pénal, aucun député ne peut être
poursuivi en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec
l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou
l'autorisation du bureau hors session ».
Il résulte de cette disposition qu'à
la différence de l'irresponsabilité qui a un double
caractère absolu et perpétuel, l'inviolabilité est une
protection provisoire et limitée. Son objectif n'est pas de soustraire
le parlementaire de l'application de la loi, ni de supprimer l'infraction, mais
de retarder le moment de la poursuite. Elle ne dure qu'autant le mandat
lui-même.
Relativement à son
domaine, l'inviolabilité est une garantie uniquement pénale en ce
qu'elle ne joue qu'en matière criminelle et correctionnelle. Elle ne
s'oppose pas aux poursuites en matière contraventionnelle ni à
une éventuelle mise en jeu de la responsabilité civile du
parlementaire. Par ailleurs, la mise en jeu des poursuites est possible avec
l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou celle de
son bureau hors session. Cette autorisation des poursuites porte le nom de
levée de l'immunité parlementaire87(*).
Le législateur formule une
double exception à l'exigence de l'autorisation des poursuites par
l'Assemblée nationale ou son bureau. D'une part, celle-ci
disparaît lorsqu'il y a flagrant délit. Ainsi, lorsque le
parlementaire camerounais est pris en flagrant délit, il n'est plus
couvert par l'inviolabilité : il est considéré en
cette circonstance comme un citoyen ordinaire. Si cette solution est constante
en droit positif camerounais, il n'en a pas toujours été ainsi en
France surtout sous la IIIè République. En effet, la pratique
voulait que, même en cas de flagrant délit, il n'y eut pas de
jugement avant que l'Assemblée intéressée n'ait
donné l'autorisation. Ce n'est qu'en 1950, à la suite d'une
interpellation du gouvernement que l'Assemblée a voté un ordre du
jour invitant le gouvernement à appliquer les textes88(*). D'autre part, l'autorisation
n'est pas exigée pour déclencher des poursuites relatives aux
crimes et délits commis contre la sûreté intérieure
et extérieure de l'Etat tels que définis aux articles 102
à 117 du Code pénal. Il s'agit de l'hostilité contre la
République, l'atteinte à l'intégrité du territoire,
la tentative par la violence de modifier les lois constitutionnelles ou encore
la tentative de renverser les autorités légalement
établies ou de les mettre dans l'impossibilité d'exercer leurs
pouvoirs.
Il est à préciser
qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 72/12
précitée, la détention et la poursuite ou l'une et l'autre
sont suspendues de plein droit sur réquisition de l'Assemblée
nationale ou, hors session, de son bureau par le parquet compétent, par
le ministre des forces armées en cas de compétence des
juridictions militaires. En tout état de cause, la condamnation
ultérieure de l'élu entraîne sa déchéance et
le cas échéant son remplacement par son suppléant qui,
seul, bénéficiera des indemnités.
En France, le mandat parlementaire
a été gratuit jusqu'en 184889(*). La IIè République attribue aux
parlementaires une indemnité de 25 F par jour90(*). Au Cameroun en revanche, une
des garanties offertes au député à l'Assemblée
nationale consiste à lui verser une indemnité pour le mettre
à l'abri des besoins et, éventuellement, des tentations. Elle est
indispensable à partir du moment où le suffrage universel
étant institué, les citoyens issus des classes
défavorisées de la nation sont susceptibles d'être
élus. « Bien qu'elle donne lieu à démagogie
facile, l'indemnité parlementaire apparaît ainsi comme une
des conditions nécessaires du fonctionnement démocratique des
institutions, en ce qu'elle permet à des personnalités même
dépourvues de fortune d'exercer le mandat de représentant du
peuple »91(*). C'est pour répondre à cette exigence
que le règlement de l'Assemblée nationale précise que les
députés perçoivent mensuellement une indemnité de
service de base et une indemnité dite indemnité pour frais de
mandat. Tous les députés perçoivent désormais une
indemnité dite de session, des primes non remboursables pour achat de
véhicules ainsi qu'une allocation annuelle de fonds pour les
micro-projets.
Divers autres avantages et
facilités sont de moins en moins communs aux députés et
plutôt réservés à ceux qui exercent des fonctions
dans les structures collégiales tels que les frais de
représentation et de missions. En outre, le président, les
vice-présidents et les questeurs ont droit à un hôtel de
fonctions, aux moyens de transport et à de personnel domestique dont le
nombre est fixé par arrêté du bureau de l'Assemblée
nationale qui joue par ailleurs un rôle indispensable au sein des organes
du Parlement.
B -
Les organes de l'Assemblée nationale
En application du principe de
la séparation des pouvoirs, la Constitution du 2 juin 1972 dans sa
version antérieure à la révision constitutionnelle de 1996
dispose en son article 16 que l'Assemblée nationale fixe elle-même
ses règles d'organisation et de fonctionnement sous forme de loi portant
règlement intérieur92(*). Les règles juridiques qui régissent
l'Assemblée nationale décrivent distinctement ses structures
aussi bien dans les prescriptions constitutionnelles que dans les dispositions
complémentaires contenues dans son règlement intérieur. Il
s'agit des organes directeurs, des organes de travail et des services
administratifs. Toutefois, sans méconnaître l'importance que
revêt cette dernière catégorie d'organes dans le
fonctionnement normal de l'Assemblée nationale, seuls les organes
directeurs (1) et les organes de travail (2)
retiendront notre attention dans cette étude.
1 -
Les organes directeurs
Les organes directeurs sont ceux
chargés de diriger l'activité parlementaire. Ils sont
constitués respectivement par le Bureau de l'Assemblée nationale
(a) et la Conférence des présidents
(b).
a - Le
Bureau de l'Assemblée nationale
Le Bureau de l'Assemblée
nationale est l'organe collectif qui assure la direction des travaux
parlementaires. Il faut distinguer la structure ad hoc appelée
le «bureau d'âge » pilotée par le Doyen
d'âge à l'Assemblée nationale, qui a pour charge de
présider à chaque début de législature la
séance inaugurale93(*), du Bureau définitif appelé à
conduire durablement l'ensemble des députés jusqu'à son
renouvellement.
Le bureau d'âge a un
caractère essentiellement transitoire. Composé du membre le plus
âgé présent de la Chambre et de deux jeunes
députés, il est constitué au début de la
législature ainsi qu'à l'ouverture de la première session
ordinaire de l'année législative et reste en fonction
jusqu'à l'élection du Bureau définitif. Au cours de cette
brève période, aucun débat ni vote ne peuvent avoir lieu
sous la présidence du Doyen d'âge, à l'exception des
débats de vérification de mandat en début ou en cours de
législature. Toutefois, si l'Assemblée nationale est
amenée à débattre d'un point touchant à son
règlement intérieur, il est créé une Commission
spéciale94(*). Les
propositions de cette Commission sont soumises directement à
l'Assemblée pour adoption sous forme de loi à la majorité
de ses membres en exercice.
Relativement au Bureau
définitif de l'Assemblée nationale, on examinera d'un
côté sa composition et de l'autre ses attributions.
Le Bureau de l'Assemblée
nationale est une instance collégiale comprenant vingt quatre membres,
à savoir un président, un premier vice-président, cinq
vice-présidents, quatre questeurs, douze secrétaires et le
secrétaire général de l'Assemblée nationale. En
dehors de ce membre ex-officio du Bureau qui est nommé par
arrêté de ce dernier et qui n'est pas député, tous
les autres tiennent leurs pouvoirs des suffrages de leurs pairs. Cette
élection a lieu à l'ouverture de la première session
ordinaire de chaque année législative. Le président de
l'Assemblée nationale et le premier vice-président sont
élus au scrutin uninominal, à la majorité absolue des
suffrages valablement exprimés. A défaut de majorité
absolue au premier tour, il est procédé à un second tour
pour lequel la majorité relative suffit. Les vice-présidents
hormis le premier, les secrétaires et les questeurs sont élus en
même temps, au cours de la même séance
plénière, au scrutin secret, à la majorité des
suffrages valablement exprimés sur une liste commune
présentée par les partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale95(*). L'élection de ces derniers a lieu en
s'efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique
de l'Assemblée nationale sauf le refus de certains partis politiques de
participer au Bureau96(*).
Elus pour un mandat d'un an, les membres du Bureau sont
rééligibles.
Il convient, en ce qui concerne
les attributions du Bureau, de distinguer les fonctions communes
exercées en bloc dans le cadre collégial du Bureau des
attributions dévolues à chacune des composantes individuelles
dudit Bureau.
Sur le premier point, il
échoit à la collégialité du Bureau de
présider aux délibérations et d'organiser tous les
services de l'Assemblée. Le Bureau assure la fonction de
représentation de la Chambre dans les cérémonies
publiques97(*). Diverses
autres attributions sont collectivement exercées par le Bureau. Elles
tiennent, limitativement, au contrôle des incompatibilités et des
immunités des députés, à la recevabilité des
projets et propositions de lois et même au contrôle des services
administratifs et financiers de l'Assemblée nationale ainsi que la
définition du statut des fonctionnaires de la Chambre98(*). Désormais, c'est le
même Bureau qui présidera les débats parlementaires lorsque
l'Assemblée nationale et le Sénat se réuniront en
congrès99(*). Le
Bureau joue également un rôle consultatif, notamment en cas de
recours à la dissolution de l'Assemblée nationale, en cas de
demande de prorogation ou d'abrègement du mandat des
députés et en cas de désignation des membres du Conseil
constitutionnel.
Sur le second point, relevons
qu'au sein du Bureau s'impose l'autorité du président qui est
appelé à assumer d'importantes responsabilités et à
exercer un pouvoir de conseil et d'influence. Ces pouvoirs sont tirés
des dispositions constitutionnelles et législatives. Au plan
constitutionnel, il émet son avis lorsqu'en application de l'article 36
alinéa 1er de la Constitution, le président de la
République décide de soumettre au référendum tout
projet de réforme. Il peut aussi, après expiration du
délai de promulgation d'une loi et après avoir constaté la
carence du président de la République, se substituer à
celui-ci pour exercer cette compétence100(*). Au plan législatif, dans le cadre du
règlement de l'Assemblée nationale, il préside à la
fois le Bureau et la Conférence des présidents et dirige les
débats en séance plénière. Il est l'ordonnateur du
budget de l'Assemblée nationale.
Quant aux attributions des
autres membres du Bureau il résulte de l'article 14 du règlement
de l'Assemblé nationale que le premier vice-président et les
vice-présidents suppléent aux fonctions de président en
cas d'empêchement ou d'absence de celui-ci pour quelque cause que ce
soit. Les secrétaires ont pour fonction la surveillance de la
rédaction des procès-verbaux et d'en donner lecture si elle est
demandée. Ils inscrivent les députés qui demandent la
parole, contrôlent les votes et dépouillent les scrutins. Les
questeurs assurent le contrôle des services administratifs et financiers
de l'Assemblé nationale sous la haute direction du Bureau. Ils
élaborent le projet de budget de l'Assemblé nationale qui est
entériné par la Commission des finances et du budget.
b - La
Conférence des présidents
La Conférence des
présidents est le second organe directeur de l'Assemblée. Elle
est plus orientée vers les rapports entre le Gouvernement et le Bureau.
Cette structure trouve son expression constitutionnelle à l'article 18
alinéa 1er qui précise sa composition et son
rôle. Le deuxième alinéa en fixe la composition en
indiquant que la Conférence des présidents est constituée
des présidents des groupes parlementaires, des présidents des
Commissions et des membres du Bureau de l'Assemblé nationale. Un membre
du Gouvernement est autorisé à participer aux travaux de la
Conférence des présidents. Le règlement de
l'Assemblée nationale reprend aux dispositions de son article 27
alinéa 2 (nouveau) cette structuration organique dictée par la
Constitution avec cependant deux particularités notables.
D'une part, il associe à
ladite Conférence seulement les présidents des Commissions
générales alors que la Constitution postule clairement des
présidents de Commissions. Il exclut donc les présidents des
Commissions spéciales qui peuvent être créées par
l'Assemblée.
D'autre part, il précise à ce même
alinéa in fine que le président de
l'Assemblée nationale préside la Conférence des
présidents.
Le rôle principal de la Conférence des
présidents concerne la fixation de l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale. Il résulte en effet de l'alinéa 1er de
l'article 18 précité que l'ordre du jour de l'Assemblé
nationale est fixé par la Conférence des présidents. Au
delà de la fixation de l'ordre du jour, la Conférence des
présidents se prononce aussi sur la recevabilité des projets et
des propositions de lois soumises à l'Assemblée nationale, confie
ces textes aux Commissions compétentes et fixe la date des
séances plénières. En somme, la Conférence des
présidents joue un rôle important dans l'organisation des travaux
à l'Assemblée.
2 -
Les Commissions de travail
Les Commissions de travail sont
les formations intérieures de l'Assemblée nationale
affectées à la préparation des décisions qui seront
prises par le pouvoir délibérant en séance
plénière. Deux éléments essentiels les
caractérisent : elles sont partielles, en ce sens qu'elles ne
comprennent qu'une partie des membres de l'Assemblée ; elles sont
fermées, car sauf dérogation prévue par le
règlement, leurs réunions ne sont pas publiques.
Ces formations intérieures en qui se résume
l'activité parlementaire, ont un objet essentiellement technique. Elles
informent, rapportent et proposent pour faciliter la prise de décision
qui appartient à l'Assemblée.
En fonction de leur finalité, on distingue deux types
de Commissions qui trouvent leurs fondements dans la Constitution ou le
règlement de l'Assemblée nationale : les Commissions
à objet législatif et les Commissions d'enquêtes. Mais,
seule la première catégorie retiendra pour longtemps notre
attention et surtout la Commission des lois constitutionnelles, des droits de
l'homme et des libertés, de la justice, de la législation et du
règlement de l'Administration101(*).
En effet, une organisation logique
du travail dans le cadre d'une Assemblée parlementaire siégeant
en vue d'une éventuelle révision de la Constitution exige que les
projets de textes de révision ne viennent pas immédiatement en
séance plénière. Il est souhaitable qu'ils soient d'abord
étudiés et discutés dans les formations limitées
aux seins desquelles se rassemblent éventuellement des
spécialistes. L'institution des Commissions répond à cette
nécessité parallèlement au besoin de recueillir
l'information.
A l'instar des autres Commissions
générales de l'Assemblée nationale, la Commission des lois
constitutionnelles est constituée chaque année après
l'élection du Bureau de l'Assemblée nationale pour l'étude
des questions qui leurs seront soumises tout au long de la législature.
Comme chacune des autres Commissions, elle est composée de vingt (20)
membres. Les sièges afférents à ce nombre sont repartis
proportionnellement entre les groupes parlementaires constitués selon
la règle de la plus forte moyenne. Les sièges restés
vacants sont attribués par le président de l'Assemblée
nationale aux députés n'appartenant à aucun groupe.
L'appartenance d'un député à plus de deux Commissions
générales est proscrite.
Le règlement de
l'Assemblée nationale dans son article 20 prévoit la
possibilité pour un député non membre d'une Commission
d'assister aux travaux de cette Commission sur simple autorisation du
président de ladite Commission. Les membres du Gouvernement ont
accès aux Commissions lors de l'étude des textes relevant de la
compétence de leurs départements ministériels. Ils doivent
être entendus s'ils le demandent et peuvent être accompagnés
ou assistés de leurs collaborateurs.
Comme toutes les autres
Commissions générales, la Commission des lois constitutionnelles
élit au scrutin uninominal son bureau qui comprend : un
président, un vice-président et deux secrétaires.
Aux termes de l'alinéa
1er de l'article 22 du règlement de l'Assemblée
nationale, les décisions des Commissions sont prises à la
majorité simple des suffrages exprimés. Les rapports et les avis
des Commissions doivent être approuvés en Commission avant leur
dépôt devant le Bureau de l'Assemblée nationale.
§2 : LES POUVOIRS DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
« Un pouvoir, pour
le juriste, s'adosse toujours à une compétence : sa nature,
son étendue et les modalités de son exercice sont
déterminées par une règle antérieure, de telle
sorte que l'on peut le considérer comme une force domestiquée par
le droit et, par conséquent, docile à l'analyse
juridique »102(*). Et la Constitution détermine en même
temps que l'autorité chargée de la révision à
savoir l'Assemblée nationale ou le peuple intervenant par voie
référendaire, l'étendue de ses pouvoirs en ce domaine.
C'est ainsi que la compétence pour réviser la Constitution est
strictement définie par le Titre IX de la Constitution du 2 juin
1972103(*). Il y ressort
que le constituant fait une distinction entre le pouvoir d'initiative
(A) et le pouvoir d'adoption définitive de la
révision (B).
A - Le
pouvoir d'initiative
A la différence du pouvoir
d'adoption qui, exception faite de la voie référendaire de
révision, revient exclusivement aux parlementaires seuls d'exercer, ces
derniers n'ont pas le monopole de l'initiative en matière de
révision constitutionnelle. En effet, le pouvoir de proposer une
révision de la Constitution est partagé entre le président
de la République et les parlementaires. A cette limitation relative aux
autorités titulaires du pouvoir d'initiative de la révision
constitutionnelle (1), s'ajoutent deux autres non moins
importantes tenant au moment (2) et à l'objet de la
révision (3).
1 -
Les titulaires du droit d'initiative
L'article 36 de la Constitution du
2 juin 1972 dispose clairement que « L'initiative de la
révision de la présente Constitution appartient concurremment au
président de la République et à l'Assemblée
nationale... ». Il en résulte que le constituant a
réservé le droit de proposer une révision
constitutionnelle à deux catégories de personnes à savoir
le président de la République (a) et les membres
de l'Assemblée nationale (b).
a - Le
président de la République
A l'instar de sa
devancière du 4 mars 1960 amplement révisée par la loi
constitutionnelle de 1961, la Constitution de 1972 reconnaît au
président de la République le droit d'initiative en
matière de révision constitutionnelle. Mais contrairement
à celle-ci, la Constitution de 1960 subordonnait l'initiative
présidentielle à une formalité particulière
relative à l'avis du Conseil des ministres. C'est le sens de l'article
49 qui disposait que « L'initiative de la révision de la
présente Constitution appartient concurremment au président de
la République, le Conseil des ministres entendu... ».
Cette exigence sera supprimée par la loi constitutionnelle du
1er septembre 1961 ainsi que par la Constitution de 1972, laissant
ainsi au président de la République la latitude de
déclencher une procédure de révision constitutionnelle
sans avoir à procéder à la demande d'un quelconque avis.
Cette compétence reconnue au président de la
République est également légitimée par la doctrine.
Le Professeur Philippe ARDENT justifie aisément cette confiance dont
jouit le président de la République en cette matière
lorsqu'il écrit : « N'a-t-il pas une vue
d'ensemble sur le fonctionnement des institutions et n'est-il pas ainsi le plus
en mesure d'être à l'origine des améliorations
nécessaires ?»104(*). Cette solution se justifie davantage par la place
prépondérante du président de la République dans le
système politique camerounais et surtout par son rôle de garant de
la Constitution.
La tradition constitutionnelle
camerounaise est ainsi très favorable à l'initiative
présidentielle en matière de révision constitutionnelle et
toutes ses initiatives en ce domaine ont été adoptées
tantôt par le peuple par voie référendaire105(*), tantôt par
l'Assemblée nationale. En réalité, ce succès des
projets de révision dû au monopole de fait du président de
la République en matière constitutionnelle, était en plus
favorisé par l'instauration, dès 1966 au Cameroun, d'un
monopartisme de fait. Il en résultait en pratique que le
président de la République pouvait sans crainte majeure soumettre
ses projets de révision à l'Assemblée nationale dans
laquelle siégeaient exclusivement les députés partageant
les mêmes opinions politiques que lui.
b - Les députés à l'Assemblée
nationale
Les députés à
l'Assemblée nationale, représentants de la nation,
détiennent eux aussi l'initiative de la révision. Et lorsque
l'initiative émane d'un parlementaire, il s'agit d'une proposition de
révision. Mais, contrairement au projet de révision à
l'égard duquel le constituant ne formule aucune exigence
particulière en dehors du bon vouloir présidentiel, une exigence
de majorité est requise des parlementaires pour demander une
révision constitutionnelle. Aux termes de l'article 36 alinéa 2
de la Constitution, toute proposition de révision doit être
signée par un tiers au moins des membres composant l'Assemblée
nationale. Cette exigence particulière relative à l'initiative
parlementaire en matière de révision constitutionnelle peut
apparaître sous un autre aspect comme avantageuse. En effet, mises en
parallèle avec les majorités requises pour l'adoption
définitive des textes de révision par les Assemblées
constituantes, ces majorités sont raisonnables au regard de
l'efficacité normative ; il est en effet logique qu'une proposition
présentée au sein d'Assemblée normative par un nombre
relativement élevé de membres de cette Assemblée ait des
chances accrues d'être consacrée juridiquement106(*).
Mais, le pouvoir d'initiative du
Parlement demeure plus théorique que réel, les exemples de
révisions constitutionnelles réussies entreprises à la
suite d'une initiative parlementaire étant inexistants au Cameroun.
Pourtant, la reconnaissance aux parlementaires du droit de proposer une
révision de la Constitution est traditionnelle en droit constitutionnel
camerounais et satisfait au principe selon lequel les membres du Parlement sont
les représentants de la souveraineté nationale. C'est sans doute
la raison pour laquelle aucune condition particulière de majorité
n'est exigée de leurs homologues français pour l'initiative de la
révision. Mais, dans l'un et l'autre cas, au-delà des
différences liées aux prescriptions constitutionnelles relatives
à la plus ou moins grande facilité de mise en oeuvre du droit
d'initiative de la révision constitutionnelle, force est de noter avec
le Professeur Gérard CONAC que « dans la pratique
constitutionnelle, le président dispose d'un monopole de fait. Seul le
Chef de l'Etat peut prendre l'initiative de la révision et aucune
procédure ne pourrait aboutir si dès le départ elle
n'avait pas été souhaitée par lui et obtenu son
accord »107(*).
Quoiqu'il en soit, tous les
titulaires du droit d'initiative de révision doivent respecter des
limitations posées par la Constitution du fait même qu'ils
agissent en l'occurrence en tant que pouvoirs constitués. Les unes sont
relatives au moment de la révision et les autres concernent l'objet de
la révision.
2 - Le
moment de la révision
En principe, la révision
constitutionnelle peut intervenir à tout moment. Cependant, il n'en
reste pas moins qu'une liberté totale dans le choix du moment de la
révision serait une source d'instabilité voire d'incertitude
institutionnelle. D'où la fixation par la Constitution des limitations
relatives au moment de la révision. Le but de ces limitations est
d'interdire la révision à certaines époques en raison des
circonstances, afin d'éviter toute révision sous la pression des
événements. Mais, le constituant n'est pas très explicite
sur le moment pendant lequel aucune révision constitutionnelle ne peut
être entreprise de telle sorte que la seule question y relative pouvant
être considérée comme tranchée concerne
l'intérim du président de la République
(a). Reste donc en suspens la question de savoir si une
révision constitutionnelle peut être entreprise alors que
l'article 11 de la Constitution est en application (b).
a -
L'intérim du président de la République
En droit constitutionnel tout
comme en droit administratif, l'intérim peut être défini
comme « le temps pendant lequel une fonction est remplie
par un autre que son titulaire »108(*). En droit constitutionnel en
particulier, l'intérim du président de la République
correspond à la période de temps pendant laquelle le
président de l'Assemblée nationale109(*) ou celui du
Sénat110(*)
assure la fonction présidentielle.
L'intérim ainsi entendu se distingue de la vacance qui
correspond plutôt au « temps pendant lequel une fonction
reste sans titulaire »111(*). L'article 7 alinéa b de la Constitution de
1972 dans sa mouture initiale disposait qu'en cas de vacance de la
présidence de la République par décès ou par
incapacité physique permanente constatée par la Cour
Suprême, les pouvoirs du président sont exercés de plein
droit par le président de l'Assemblée nationale jusqu'à
l'élection du nouveau président. Mais il ne peut exercer toutes
les prérogatives de celui dont il assure l'intérim. C'est ainsi
que le président de la République par intérim ne peut
modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Cette
limitation circonstancielle résulte du fait que la révision de la
Constitution est un acte d'une grande importance politique et que l'urgence d'y
procéder n'est pas telle qu'il faille en accorder l'exercice à un
président de la République par intérim qui n'exerce ses
foncions que pendant un temps relativement court. Agir autrement serait
contraire au fait que c'est l'élection au suffrage du président
de la République et l'importance de la charge qu'il assume qui
justifient que la Constitution lui reconnaisse le droit de faire des
propositions de révision de la Constitution.
A ce fondement juridique s'ajoute un autre de nature
politique. Sur ce dernier aspect, il est question d'éviter que le
président intérimaire ne profite de sa situation temporaire pour
consulter le peuple camerounais alors qu'une élection
présidentielle est en train de se dérouler. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle la même interdiction, introduite dans la
Constitution française du 4 octobre 1958 par la loi constitutionnelle du
6 novembre 1962 portant élection du président de la
République au suffrage universel direct, reste en vigueur jusqu'à
présent. Car elle ne visait pas à l'origine à
empêcher au président intérimaire de modifier le texte
constitutionnel en vigueur afin notamment de s'y maintenir. Mais elle tendait
plutôt à éviter que pendant l'intérim, le Parlement
n'en profite pour revenir sur une réforme à laquelle il
était opposé en rétablissant l'ancien mode
d'élection112(*).
Toutefois, la position du constituant camerounais de 1972 n'est pas constante
à cet égard et les multiples révisions de son article 7
l'attestent amplement. Trois exemples suffisent pour illustrer notre propos.
Le premier concerne la
révision constitutionnelle du 9 juin 1979 qui faisait du premier
ministre le dauphin constitutionnel du Chef de l'Etat. Elle faisait du premier
ministre non pas le président de la République par intérim
mais plutôt elle l'élevait purement et simplement au rang et
à la dignité de président de la République pour la
période du mandat présidentiel en cours.
Le deuxième exemple est fourni par la révision
constitutionnelle de 1983 qui complète la précédente
révision relativement aux prérogatives du président de la
République par intérim. En effet, elle donnait au premier
ministre investi des fonctions de président de la République dans
les conditions prévues par la révision constitutionnelle du 9
juin 1979 le pouvoir d'organiser, s'il le jugeait nécessaire, la tenue
d'élections présidentielles anticipées. Ces dispositions
permettaient ainsi au nouveau président de la République de ne
pas seulement tenir ses pouvoirs des dispositions constitutionnelles mais de
rechercher s'il le jugeait utile, à asseoir sa légitimité
et son autorité sur sa vocation populaire car selon l'article 2 de la
Constitution les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent
leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel
direct ou indirect.
Le dernier exemple est celui de la loi constitutionnelle du 4
février 1984 qui interdisait au président de la République
par intérim non seulement de procéder à la modification
de la Constitution et de recourir au référendum, mais aussi de se
porter candidat aux élections organisées pour la
présidence de la République.
b - La
révision de la Constitution peut-elle avoir lieu lorsque son article 11
est en application ?
La Constitution n'est pas
explicite sur cette question. Mais, il y a lieu de répondre par la
négative. L'argument qui permet de justifier cette position peut
être tiré de l'article 11 alinéa 2 de la Constitution
initiale de 1972 qui dispose, entre autres, qu'en cas de péril grave
menaçant l'intégrité du territoire, la vie,
l'indépendance ou les institutions de la nation, le président de
la République peut proclamer par décret l'état d'exception
et prendre toutes les mesures qu'il juge nécessaires113(*). Il s'agit d'une
réponse exceptionnelle à une circonstance présentant une
gravité d'une rare ampleur pour le pays.
On est donc en droit d'affirmer que si les pouvoirs
exceptionnels doivent être orientés vers la volonté
d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et ce dans les
moindres délais possibles, ces pouvoirs exceptionnels ne peuvent
être utilisés pour modifier la Constitution. Les mesures prises en
vertu de ces pouvoirs doivent être inspirées par la volonté
d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels et dans les moindres
délais, les moyens d'accomplir leurs fonctions. Les utiliser pour
modifier la Constitution serait contraire à la volonté de
maintien de celle-ci qui justifie les dispositions attribuant des pouvoirs
exceptionnels au président de la République. Cette solution du
Conseil constitutionnel français dans l'une de ses décisions
relatives au Traité sur Union Européenne114(*), nous semble logique et
partant transposable au Cameroun.
En conséquence, si le
président de la République déposait en cette
période un projet de révision constitutionnelle devant le
Parlement, celui-ci devrait refuser de le voter. En revanche, si le Parlement
adoptait un texte de révision constitutionnelle alors que le territoire
est occupé, le président de la République ne devrait pas
le promulguer sans pour autant violer la Loi fondamentale dont il est l'un des
garants. Cette interprétation qui ne résulte pas de la lettre de
la Constitution est néanmoins tout à fait conforme à son
esprit.
3 -
L'objet de la révision
Tous les articles de la
Constitution de 1972 ne peuvent être révisés. La
Constitution exclut en effet expressément du domaine de la
révision certaines de ses dispositions. Ainsi, l'article 37 qui consacre
cette limitation interdit toute révision qui porte atteinte à la
forme républicaine, à l'unité et à
l'intégrité de l'Etat et aux principes démocratiques
régissant la République. Cette limitation à la
compétence du pouvoir constituant dérivé est
traditionnelle au Cameroun et figurait même déjà dans la
Constitution du 4 mars 1960115(*). Elle a été maintenue par le
constituant de 1972.
L'interdiction de réviser
la forme républicaine de l'Etat peut s'entendre dans deux sens dont l'un
étroit et l'autre étendu. Il s'agit de définir une
certaine manière de désigner le Chef de l'Etat. Celui-ci doit
l'être par la voie élective par opposition à la voie
héréditaire. Synonyme d'Etat, l'expression République
désigne toute organisation politique basée sur des règles
bien précises et dépassant la personne même du
président de la République116(*). Tout citoyen remplissant les conditions prescrites
par la loi électorale peut accéder à la magistrature
suprême du pays. Dans un sens étendu, la forme républicaine
de l'Etat aurait un contenu comprenant un certain nombre de principes connus
tels la laïcité de l'Etat, l'Etat de droit, l'égalité
en droit et en devoirs, la liberté de culte et le libre exercice de sa
pratique, le droit d'user, de jouir et de disposer des biens garantis à
chacun, etc117(*). Seul
le juge constitutionnel, en réalité, peut déterminer
l'étendue précise du contenu de « la forme
républicaine de l'Etat ».
On s'est interrogé sur la portée juridique de
cette prohibition. Sur cette question, la doctrine est divisée. Certains
auteurs soutiennent qu'elle n'a aucune valeur juridique et ne devrait
être considérée que comme une prise de position politique,
car rien n'interdit au pouvoir constituant dérivé de
réviser les dispositions posant l'interdiction de sa révision
avant de procéder à celle-ci. Dans la doctrine constitutionnelle
française on range parmi les défenseurs de cette thèse les
auteurs comme Léon DUGUIT118(*) qui ne voit en cette interdiction rien d'autre
qu'une manifestation, un simple voeu dépourvu de valeur juridique.
Dans la doctrine constitutionnelle camerounaise on relève
également les partisans de cette thèse, notamment le Docteur
Joseph KANKEU pour qui la valeur juridique d'une telle proposition est nulle,
puisqu'à tout moment la Constitution peut être abrogée de
manière révolutionnaire119(*). D'autres auteurs en revanche, défendent la
valeur juridique de l'interdiction de réviser la forme
républicaine de l'Etat. Un ardent
défenseur de cette thèse est le Professeur Olivier BEAUD. Comme
nous l'avons déjà noté à l'introduction de ce
travail, selon cet auteur, le pouvoir constituant originaire est toujours
illimité et le pouvoir constituant dérivé est toujours
limité. En d'autres termes, comme Carl SCHMITT, il tire la valeur
juridique de la limitation du pouvoir de révision directement de sa
distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de
révision constitutionnelle120(*).
L'insertion de l'interdiction de
réviser la forme unitaire de l'Etat apparaît dans le
constitutionnalisme camerounais avec la loi n° 61/24 du 1er
septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à
adapter la Constitution de 1960 aux nécessités du Cameroun
unifié121(*). En
revanche, l'interdiction relative à l'intégrité du
territoire de l'Etat remonte à la Constitution de 1960. L'interdiction
de remettre en cause l'unité et l'intégrité de l'Etat vise
à éviter, dans un Etat pluriculturel comme le Cameroun, toute
tentative de division. Il convient, pour saisir l'intérêt qui
s'attache à cette interdiction, de la situer dans le contexte historique
dans lequel elle est consacrée. La loi constitutionnelle du
1er septembre 1961 crée la République
Fédérale du Cameroun née de
la « réunification » entre la
République du Cameroun indépendant le 1er janvier 1960
et le Southern Cameroon qui avait choisi, à l'issue du plébiscite
onusien de 1961, son rattachement à la République du Cameroun et
non au Nigeria comme le choix lui en était offert.
Il apparut donc opportun de faire en sorte que tous les
citoyens de la fédération aient à l'esprit ces facteurs
minimaux de solidarité et d'homogénéité que sont
l'unité nationale et l'unité du territoire122(*). Mais, l'unité et
l'intégrité du territoire ne signifient pas uniformité
dans la mesure où la culture juridique anglaise est largement
partagée au sein du groupe culturel anglophone du pays tout comme la
culture française l'est dans l'ex-Cameroun oriental.
Qu'en est-il des principes démocratiques
également exclus du domaine d'action du pouvoir constituant
dérivé ? La consécration
constitutionnelle de l'intangibilité des principes démocratiques
est une exigence constante des sociétés modernes. Il n'est donc
pas étonnant de constater que les Constitutions successives du Cameroun
ont toujours exclu les principes démocratiques des dispositions
susceptibles de révision, leur but étant à terme
l'enracinement de la démocratie dans le pays. Cette protection
évite le retour à l'époque de la dissidence politique. Il
met par conséquent tout citoyen camerounais à l'abri de
l'arbitraire, du moins formellement. On en déduit qu'aucun citoyen
camerounais ne peut être inquiété en raison de ses
origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse,
philosophique ou politique. Ainsi se trouvent garanties certaines
libertés comme la liberté d'expression, la liberté de
presse, la liberté de réunion, la liberté d'association,
la liberté syndicale ainsi que le droit de grève. Même les
partis politiques bénéficient de cette protection des principes
démocratiques qu'ils doivent en contrepartie contribuer à
promouvoir. L'article 3 de la Constitution dispose à cet égard
que les partis et formations politiques concourent à l'expression du
suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités
conformément à la loi. Ils doivent respecter les principes de la
démocratie. Dans la pratique cependant, il a fallu attendre la session
de décembre 1990 dite des libertés pour voir le
législateur se plier à cette exigence de la démocratie.
De ce qui précède
donc, on peut constater que la liberté est la pierre angulaire de la
démocratie et, à ce titre, elle est située au coeur des
principes démocratiques tout comme l'égalité ou le
suffrage123(*). On
pourra y ajouter l'organisation des élections libres et
discutées124(*).
Notons toutefois pour terminer
qu'en l'absence d'une liste, même indicative de ces principes
démocratiques établie par le constituant ou par le
législateur ordinaire, seul le juge constitutionnel pourra donner un
contenu à l'expression « principes démocratiques
qui régissent la République »125(*).
B - Le pouvoir d'adoption
Le pouvoir d'adoption
définitive du texte de révision est le plus important dans la
procédure de révision constitutionnelle, car c'est lui qui donne
naissance à l'acte de révision constitutionnelle. Ainsi, un
projet de révision ou une proposition de révision ne peut devenir
une loi constitutionnelle que grâce à cette compétence
reconnue au Parlement de les examiner (1) et de les voter
(2).
1 -
L'examen des projets et propositions de révision constitutionnelle
Avant leur adoption
définitive, les projets de textes soumis au Parlement doivent faire
l'objet de discussions ou de débats. Ceux-ci se déroulent tant
lors de leur examen en Commission des lois constitutionnelles
(a) qu'en Assemblée plénière
(b).
a - En
Commission des lois constitutionnelles
L'examen d'un projet ou d'une
proposition de révision en Commission des lois constitutionnelles
constitue le début de l'oeuvre constituante. C'est la Conférence
des présidents qui est compétente pour soumettre un projet ou une
proposition de révision à l'examen de la Commission des lois
constitutionnelles126(*). Elle le fera après avoir
décidé de sa recevabilité, notamment si le projet ou la
proposition de révision est conforme à l'article 37 de la
Constitution ci-dessus analysé.
Dans l'examen au fond, la
Commission est compétente pour étudier, critiquer et amender le
texte à elle soumis. Les travaux en Commission donnent lieu aux
débats qui se déroulent en trois périodes. La
première période est celle de la lecture des motifs du texte et
de la discussion générale sur ce texte. Pendant cette
période, la discussion ne porte que sur l'opportunité du texte,
et éventuellement la politique générale de la
matière sur laquelle il porte. La deuxième période est
celle de l'examen des dispositions internes du texte. A ce stade, des
corrections et amendements peuvent être proposés. Enfin, la
discussion du texte se poursuit pendant l'adoption du texte par la Commission.
En Commission, le texte est adopté à la majorité simple
des suffrages exprimés127(*). A ce stade, le rapporteur désigné par
la Commission résume les discussions auxquelles a donné lieu
l'examen du texte. C'est ce rapporteur qui va conclure soit au rejet, soit
à l'existence d'amendement, soit à la proposition d'adoption du
texte examiné.
Les projets et les propositions de révision
étudiés en Commission et jugés recevables sont ensuite
communiqués à l'Assemblée nationale au cours d'une
séance plénière.
b - En
Assemblée plénière
En Assemblée
plénière, les textes faisant l'objet des débats sont ceux
qui n'ont pas été rejetés, c'est-à-dire ceux qui
ont reçu un avis favorable de la Commission des lois constitutionnelles
et ont été inscrits à l'ordre du jour.
La satisfaction de cette double condition entraîne
l'ouverture des discussions publiques. A ce niveau, des exemplaires du texte
sont distribués à tous les députés en
français et en anglais. Le travail se fait de façon
méthodique sous la supervision du président de l'Assemblée
nationale qui est en même temps le modérateur et président
de séance. Il dirige les débats avec rigueur et doit
éviter tout dépassement du temps de parole accordé aux
députés.
L'étude d'un texte en Assemblée
plénière commence par la discussion générale et se
termine par la discussion sur les articles du texte. La discussion générale est
organisée avec rigueur afin d'éviter les débordements du
temps de parole par les députés et autres intervenants dans
l'hémicycle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le temps de parole
est strictement encadré par le règlement de l'Assemblée
nationale.
En dehors du président de séance, il existe
d'autres catégories d'intervenants à savoir le
représentant du Gouvernement, ceux des groupes parlementaires, les
rapporteurs et les non apparentés128(*). En Assemblée plénière,
l'intervention gouvernementale vise à éclairer les parlementaires
sur les raisons qui ont conduit à l'élaboration du texte en
discussion. Le Gouvernement va donc défendre son projet de
révision en discussion devant les représentants de la nation.
La Commission est ensuite
appelée à donner lecture de son rapport en
plénière. Les représentants de groupes parlementaires
peuvent intervenir à ce niveau, à leur demande, pour donner leur
point de vue sur le texte en discussion. Ces nombreuses interventions
pourraient être interminables s'il n'y avait pas dans l'hémicycle
un président de séance modérateur. C'est dans cette
perspective que l'article 34 du règlement de l'Assemblée
nationale dispose : « Le président ouvre la séance,
dirige les débats, fait observer le Règlement et maintient
l'ordre (...) ». Fort de ces attributions, le président
de l'Assemblée nationale doit éviter que les débats ne
s'enlisent ou ne deviennent ennuyeux et que certains orateurs n'utilisent leur
temps de parole de manière dilatoire. Dans tous les cas, il appartient
au président de la Chambre de diriger les débats et de faire
régner la discipline. Cette phase est suivie des débats sur le
texte article par article.
La discussion du texte article
par article commence après l'audition du gouvernement, de la lecture du
rapport de la Commission des lois constitutionnelles et l'enregistrement des
réactions suscitées des divers orateurs. C'est un travail
très éprouvant, car le texte doit être étudié
de manière détaillée. Certains textes contiennent un
nombre impressionnant d'articles. Le président de séance doit
s'arrêter et s'enquérir des réactions des
députés sur chaque article du texte en discussion. Ce travail
rigoureux des parlementaires en séance plénière se
prolonge très souvent dans la nuit et s'achève parfois à
l'aube le lendemain129(*).
De ce qui précède,
on peut penser qu'un projet de texte de révision constitutionnelle comme
d'ailleurs tout projet de texte ordinaire, ne peut faire l'objet d'un examen
sérieux et approfondi que s'il n'est pas déposé de
manière tardive sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Tel n'est
pourtant pas toujours le cas dans la pratique, car le Gouvernement
procède souvent au dépôt tardif des projets de loi sur le
Bureau de l'Assemblée nationale, parfois même à quelques
jours de la fin de la session130(*) alors que la Chambre ne dispose que d'un mois pour
les adopter.
2 - Le
vote du texte de révision
C'est l'adoption d'un texte de
révision par l'Assemblée nationale qui donne naissance à
la loi constitutionnelle. Toute difficulté découlant soit des
amendements, soit d'un aspect précis du texte doit préalablement
trouver une solution de consensus. Or, il est rare qu'un texte
bénéficie d'un tel consensus ; d'où l'intervention du
vote.
Le vote d'une loi constitutionnelle est régi par la
Constitution du 2 juin 1972 dont l'article 36 alinéa 3 dispose
que la révision, lorsqu'elle est présentée devant
l'Assemblée nationale à l'initiative des députés ou
du président de la République, est « votée
à la majorité des membres composant l'Assemblée
nationale ».
Cette disposition mérite d'être analysée
attentivement car elle recèle des lacunes. Elle frappe d'abord par son
imprécision relativement à la majorité requise pour qu'un
projet ou une proposition de révision soit adoptée par
l'Assemblée nationale. En effet, l'alinéa 3 de l'article 36
précité indique vaguement que la révision est votée
à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale.
De quelle majorité s'agit-il en réalité ?
L'importance de cette question est attestée par le fait qu'il est admis
en doctrine constitutionnelle que c'est surtout dans les majorités
requises à l'Assemblée de révision pour voter le texte de
révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant
ès qualité. Rappelons qu'en matière constitutionnelle, on
distingue trois types de majorité. D'abord, la majorité absolue
qui exige du texte soumis au vote plus de la moitié des voix pour son
adoption. Ensuite, la majorité qualifiée qui est celle exigeant
des conditions plus difficiles à réunir que la majorité
absolue à l'instar de la majorité des deux tiers. Enfin, la
majorité relative ou simple qui conditionne l'adoption du texte à
la seule exigence que ses défendeurs réunissent plus de voix que
n'en ont obtenu ses détracteurs.
Au regard de ce qui précède, on pourrait
conclure que la majorité exigée par la Constitution pour sa
révision par voie parlementaire est la majorité simple. Telle
n'est cependant pas l'interprétation qu'en fait une partie de la
doctrine pour qui il s'agirait vraisemblablement de la majorité
absolue131(*).
S'agissait-il d'une erreur de rédaction ou d'une volonté du
constituant de 1972 de faciliter le vote du texte de révision en
première lecture ? La question est restée sans
réponse notamment en raison du fait que l'Assemblée dans le cadre
de la sa législation tant en matière législative que de
révision constitutionnelle a pendant longtemps brillé par sa
promptitude à adopter les projets de texte initiés par le
président de la République132(*).
En revanche, le constituant est
plus explicite en ce qui concerne la majorité requise pour l'adoption du
texte de révision lorsqu'une seconde lecture de ce dernier est
demandée par le président de la République. En effet, il
ressort clairement de l'article 36 alinéa 4 de la Constitution que dans
ce cas, « la révision est votée à la
majorité des deux tiers des membres composant
l'Assemblée nationale ».
En tout état de cause, le
vote du texte de révision connaît plusieurs modalités. Il
peut se faire soit à main levée, soit au bulletin secret ;
il peut également être personnel ou s'opérer par
procuration.
Au terme du vote, deux situations sont susceptibles de se
présenter. La première est celle
où le Parlement rejette le texte de révision par un vote
négatif. Bien qu'elle n'ait jamais existé dans la pratique des
révisions constitutionnelles au Cameroun, cette hypothèse appelle
la curiosité relativement aux pouvoirs du président de la
République en cas de défaut d'adoption. La question
théorique qu'elle suscite est en effet la suivante : ayant choisi
de soumettre un projet ou une proposition de révision au Parlement et la
révision ayant été rejetée, le président de
la République peut-il recourir s'agissant du même projet ou de la
même proposition de révision, à l'autre mode d'adoption
qu'est la voie référendaire ?
La Constitution de 1972 n'a pas explicitement envisagé
cette hypothèse. Elle ne permet pas expressément au Chef de
l'Etat de recourir au référendum si l'Assemblée nationale
a refusé d'adopter le texte de révision à elle soumise ou
de recourir à l'Assemblée nationale si le
référendum a échoué. La doctrine constitutionnelle,
française notamment, est divisée sur la question, étant
entendu que cette dernière n'a également reçu aucune
réponse de la Constitution du 4 octobre 1958. Pour le Professeur Dmitri
Georges LAVROFF, le président de la République n'aurait
certainement pas la possibilité de soumettre au référendum
une proposition de révision de la Constitution rejetée par le
congrès. Ce serait pour l'auteur, opposer le peuple souverain à
ses représentants élus au Parlement, ce qui n'est pas conforme
à l'idée du mandat représentatif133(*). Cette position est remise
en cause par le président Philippe ARDENT qui pense que le blocage
résultant de l'opposition du congrès pourrait être
surmonté par le recours au peuple. Ce serait donc une sorte de
procédure d'appel à l'arbitrage populaire après que les
Assemblées se soient prononcées134(*). Mais, on voit mal un président de la
République jouant successivement le Parlement contre le peuple ou,
inversement, le peuple contre le Parlement. En outre, il existe une
impossibilité juridique à un tel jeu, car le projet ou la
proposition de révision rejetée par le Parlement ou le peuple
deviennent caducs.
Au Cameroun en tout cas, la
Constitution ne semble pas avoir écarté cette faculté pour
le président de la République de recourir au peuple par voie
référendaire lorsque le Parlement n'a pas pu adopter la
révision ou alors à celui-ci lorsque la révision a
été rejetée par celui-là. Cette
interprétation découle du dernier alinéa de l'article 36
de la Constitution du 2 juin 1972 qui indique que le président de la
République peut décider de soumettre toute révision au
référendum populaire. Ainsi, bien que politiquement
délicat pour le président de la République qui peut se
trouver doublement désavoué, il est juridiquement possible pour
lui de recourir au peuple pour trancher une question constitutionnelle. Ce
point était pourtant réglé de manière à
éviter au président de la République ce risque sur le plan
politique par l'article 49 de la Constitution du 4 mars 1960 qui disposait
clairement : « Au cas où la loi, sans avoir
été adoptée par la majorité qualifiée
ci-dessus, aura cependant été votée à la
majorité composant l'Assemblée, elle est soumise au
référendum populaire ».
La seconde situation est celle
où le texte est adopté par l'auguste Chambre. Elle met alors un
terme à la phase parlementaire dans la procédure de
révision constitutionnelle. Car la procédure de révision
de la Constitution ne s'arrête pas dès l'adoption du texte de
révision par l'Assemblée nationale. Techniquement en effet, un
certain nombre d'actes juridiques sont nécessaires pour que le texte
auquel elle a abouti soit considéré comme juridiquement parfait,
à savoir la promulgation et la publication des dispositions
constitutionnelles dans leur version révisée.
Ces deux mécanismes qui consacrent l'aboutissement du
processus d'élaboration de la loi ne doivent pas être confondus.
La promulgation est l'acte par lequel le Chef de l'Etat constate officiellement
l'existence d'une loi et la rend exécutoire alors que la publication est
l'insertion au Journal Officiel de la loi. La promulgation
précède et conditionne la publication des lois. Elle est une
prérogative du Chef de l'Etat. Il doit l'exercer dans un délai de
15 jours à compter de la transmission de ces dernières s'il ne
formule aucune demande de seconde lecture ou s'il n'en saisit le Conseil
constitutionnel135(*).
Cependant, l'article 31 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996
précise qu'à l'issu de ce délai, et après avoir
constaté sa carence, le président de l'Assemblée nationale
peut se substituer au président de la République. La date de la
promulgation est celle de la signature du texte par le président de la
République.
Au total, l'Assemblée
nationale malgré son caractère antidémocratique tient sa
compétence révisionniste de la Constitution. Des
imprécisions caractérisent, certes, jusqu'aujourd'hui les
pouvoirs du président de la République surtout dans
l'hypothèse où elle aurait rejeté un projet voire une
proposition de révision. Mais, on peut penser qu'elles ont
jusqu'à présent un caractère théorique comme
l'attestent les révisions constitutionnelles intervenues avant ou
après 1991 au Cameroun.
Section 2 : LES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES DE
L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE
La révision
constitutionnelle peut être définie comme « une
réformation juridique de la Constitution opérée par le
pouvoir constituant selon les formes et des conditions particulières en
tout cas inusitées dans la production des normes
infra-constitutionnelles, afin de tenir compte d'exigences nouvelles tout en
s'assurant de la continuité du régime »136(*). Il ressort de cette
définition que l'opération de révision constitutionnelle
répond à deux nécessités. D'une part, l'adaptation
du statut de l'Etat qui ne saurait prétendre à une
immutabilité absolue, aux besoins nécessairement changeants de la
société. D'autre part, la stabilité des institutions qu'il
ne conviendrait pas de modifier à tout propos et trop
fréquemment.
Deux révisions
constitutionnelles sont intervenues au Cameroun au cours de l'année
1991. Elles resteront dans l'histoire constitutionnelle de ce pays comme les
dernières modifications de la Constitution de 1972 opérées
par une Assemblée nationale monolithique. Par ailleurs, ces
révisions interviennent à une époque charnière de
la vie politique nationale et internationale caractérisée dans le
premier cas par la contestation de la légitimité des dirigeants
en place par une opinion publique lasse d'être résignée et,
dans le second cas, par les événements tels la chute du mur de
Berlin, l'effondrement du régime politique soviétique,
l'introduction de la conditionnalité démocratique dans les
relations Nord-Sud, etc.
Ces considérations sont d'une importance non
négligeable dans l'étude des révisions constitutionnelles
opérées en 1991. La révision du 23 avril 1991 consacre de
ce point de vue une évolution sans précédent du
régime politique camerounais depuis 1972 et justifie l'attention
particulière de la doctrine à son égard contrairement
à celle intervenue au mois de décembre de la même
année.
Il convient dès lors d'examiner successivement ces
deux révisions, à savoir la révision constitutionnelle du
23 avril 1991 (§1) et celle du 16 décembre de la
même année (§2).
§1 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 AVRIL
1991
Au regard de ce qui
précède, une étude de la révision constitutionnelle
du 23 avril 1991 se fera au prisme d'une double interrogation. La
première est classique et concerne la procédure de
révision adoptée par les pouvoirs constitués
compétents (A). La seconde, tout aussi classique,
renvoie aux innovations apportées par la loi de révision. A cet
égard, ces dernières s'analysent d'emblée en une
réponse des pouvoirs publics aux demandes de démocratisation du
régime politique institué au Cameroun par la Constitution de 1972
(B).
A - La
procédure de révision
La procédure
d'élaboration de la loi constitutionnelle promulguée le 23 avril
1991 est originale. En effet, elle avait été initiée dans
des circonstances particulières qui ont conduit le président de
la République à annoncer son intention de la mettre en oeuvre
(1). A ce titre, l'adoption du texte de révision
proprement dite apparaissait incontestablement comme la concrétisation
d'une promesse politique (2).
1 -
L'initiative présidentielle de la révision
L'annonce présidentielle
d'initier une révision de la Constitution a été faite au
cours d'un entretien télévisé du 11 avril 1991 pendant
lequel le Chef de l'Etat informe le peuple camerounais de son intention de
procéder à une réforme des institutions en place afin d'y
introduire un poste de premier ministre, Chef du Gouvernement.
Intéressante apparaît alors la question de savoir ce qui justifie
cette intention délibérée du président de la
République du Cameroun de rompre avec le monocéphalisme de
l'Exécutif qu'il avait paradoxalement contribué à
instaurer dès les premières années de son accession
à la magistrature suprême du pays.
La doctrine a eu à
répondre à cette préoccupation. A ce sujet, le Professeur
Maurice KAMTO écrit que « cette révision
apparaît comme un acte de sauvetage d'un régime au bord de
l'effondrement »137(*). Cette thèse est corroborée
par l'analyse des événements qui précèdent cette
annonce, lesquels ressortent clairement des travaux de cet auteur. Trois de ces
événements sont particulièrement éclairants et
méritent à ce titre de retenir l'attention. D'abord, le
procès YONDO et les autres est souvent cité au premier chef. Le
19 février 1990, la police effectue une perquisition à
l'étude de Maître YONDO, ancien bâtonnier de l'ordre des
avocats du Cameroun, prétextant y saisir les statuts d'un parti
politique que ce dernier serait en train de créer, ainsi que
l'exposé de politique générale dont il serait l'auteur. La
perquisition s'avère infructueuse. C'est finalement à son
domicile que Maître YONDO remet aux mains de la police un document
intitulé « Coordination nationale pour la
démocratie et le multipartisme » et affirme ne
détenir de statuts d'un quelconque parti politique138(*). Il sera quand même
appréhendé par la police. Son arrestation fut suivie par celle de
neuf autres personnes présumées complices 139(*). Le 13 mars 1990, ils sont
accusés par le Gouvernement de « tenue de réunions
clandestines », «confection et diffusion de tracts hostiles au
régime, outrageants à l'endroit du président de la
République et incitant à la révolte ».
Ainsi débute l'affaire YONDO et autres au cours de
laquelle le Barreau va se révéler extrêmement critique
à l'égard du pouvoir. L'opinion publique nationale et
internationale en est informée. Le verdict du procès de
Maître YONDO et de ses co-accusés qui s'ouvre le 30 mars devant
une juridiction d'exception, le Tribunal militaire de Yaoundé, tombe le
5 avril de la même année et les condamnations retenues n'ont rien
à voir avec le multipartisme, lequel était paradoxalement la
cause de leur arrestation140(*).
Ensuite, tirant parti de la
déclaration du Gouvernement selon laquelle Maître YONDO et les
autres n'avaient pas été arrêtés pour avoir voulu
créer un parti politique, Monsieur John FRU NDI dépose, le 16
mars 1990 auprès des autorités administratives de la province du
Nord-Ouest, une demande de légalisation d'un parti qu'il venait de
créer et annonce que si au bout de deux mois son parti n'était
pas légalisé, il n'hésiterait pas à lancer ses
activités. Et de fait, devant le silence de l'Administration, ce
politicien convoqua pour le 26 mai 1990 un meeting constitutif à
Bamenda. Passant outre les mises en garde des autorités administratives
déclarant cette réunion publique illégale, le SDF tint son
meeting à la date prévue. Le meeting est suivi de violents
affrontements avec les forces de l'ordre141(*).
Puis, l'Assemblée
nationale adopte le 19 décembre 1990 une série de lois parmi
lesquelles la loi relative aux partis politiques. On assiste alors à la
création des partis politiques qui vont rapidement se regrouper au sein
d'une Coordination de l'opposition. Leur première revendication
est l'organisation d'une Conférence nationale souveraine à
laquelle le Chef de l'Etat oppose un refus sans appel. L'opposition descend
dans la rue pour protester ; l'armée et les autres forces de
sécurité interviennent durement. La violence s'installe.
Enfin, survient l'affaire
MONGA-NJAWE. En effet, dans sa livraison du 27 décembre 1990, le journal
Le Messager, dont le directeur de publication est Pius NJAWE, publie
une « Lettre à Paul Biya »
rédigée par Monsieur Célestin MONGA et intitulée
« La démocratie brusquée ». Le
contenu de cette lettre recèle des termes particulièrement
cinglants vis-à-vis des autorités chargées de diriger
l'Etat : il ne ménage en effet ni la Justice camerounaise
« à la botte du pouvoir exécutif »
et « qui condamne en priorité ceux qui n'ont pas su
corrompre le tribunal », ni l'Assemblée nationale
où « des députés illettrés votent
clandestinement, sans publicité, des lois qui engagent l'avenir de tout
un peuple »142(*). Et le 7 janvier 1991, Messieurs Célestin
MONGA et Pius NJAWE et Le Messager font l'objet d'une citation directe
du procureur de la République sur les chefs d'accusations
suivants : « outrage au président de la
République, aux Cours et tribunaux et à l'Assemblée
nationale »143(*). Le procès ainsi amorcé connaît
un écho sans précédent dans le pays. Le verdict rendu
à l'issue de ce procès déclare les prévenus non
coupables d'outrage au président de la République et ordonne leur
relaxe pour défaut d'élément légal de l'infraction,
mais déclare leur culpabilité en ce qui concerne l'outrage aux
Cours et tribunaux144(*).
Au début du mois d'avril
1991, les étudiants entrent dans l'action et soutiennent ouvertement les
principales thèses de l'opposition, notamment la revendication de la
Conférence nationale souveraine145(*).
Ce fut dans ce contexte de crises politiques
caractérisées par la violence que le président de la
République soumit à l'examen de l'Assemblée nationale le
projet de révision visant, entre autres innovations, la restauration du
poste de premier ministre.
2 -
L'adoption du texte de révision
L'adoption du texte de
révision promulgué le 23 avril 1991 porte les signes avant
coureurs d'une rupture sans précédent dans l'histoire
parlementaire du Cameroun monopartiste. Quelle en est la
manifestation ?
Un point majeur témoigne de cette rupture : la mise en
oeuvre, pour la première fois, du droit d'amendement des
députés. En effet, longtemps
considérée comme une «Chambre
d'enregistrement » des projets de texte soumis
à son examen, l'Assemblée nationale s'est montrée au cours
de la session extraordinaire d'avril 1991, comme étant
la « puissance
légiférante »146(*). Car lors de cette session, les
députés ont, pour la première fois dans l'histoire
constitutionnelle du Cameroun monopartiste, proposé des amendements de
fond au projet de révision à eux soumis.
Certes, l'unanimité avait prévalu relativement
à l'idée de l'institution d'un premier ministre, Chef du
gouvernement. Mais, les députés souhaitaient aussi introduire
dans ce projet de révision la limitation du mandat présidentiel
à deux ou à trois147(*). Bien plus, ils entendaient y supprimer la
disposition reconnaissant au président de la République le
pouvoir discrétionnaire de dissoudre l'Assemblée
nationale148(*).
Ces propositions d'amendements, approuvées lors des
débats de la Commission des lois constitutionnelles, auraient
été supprimées du rapport de ladite Commission avant sa
présentation en séance plénière149(*). Toutefois, en dépit
de cette infortune des propositions parlementaires d'amendement, elles
constituaient incontestablement, une rupture dans la pratique camerounaise des
révisions constitutionnelles. D'autant qu'elles intervenaient dans un
contexte où prévalait la logique du monolithisme.
Ainsi, après la
manifestation par la société civile de son intention d'oeuvrer
à l'avènement d'un ordre juridique plus propice à
l'exercice des libertés, la session extraordinaire du 23 avril 1991
devait donner l'occasion au Parlement de dévoiler sa volonté de
rompre avec ses anciennes habitudes. La révision constitutionnelle du 23
avril 1991 lui fournissait alors, à la fois, le cadre et le moment de
l'exprimer même si les propositions d'amendements formulées
à l'occasion ne furent pas retenues. Que retenir alors du texte issu de
cette révision promulgué le 23 avril de la même
année ?
B - La
loi de révision
La loi constitutionnelle ainsi
adoptée et promulguée introduit d'importantes innovations dans la
Constitution en vigueur. Son examen révèle une
déconcentration de l'Exécutif (1) ainsi qu'une
rénovation du Parlement (2).
1 - La
déconcentration de l'Exécutif
L'Exécutif issu de l'acte
de révision constitutionnelle n'est plus monocratique,
c'est-à-dire qu'il n'est plus confié à un seul homme, en
l'occurrence le président de la République comme c'était
le cas jusque-là. Il comprend désormais un poste de premier
ministre sans qu'il ne s'agisse d'un véritable bicéphalisme du
pouvoir exécutif. Il s'ensuit a priori un bicéphalisme
(a) qui est en réalité un monocéphalisme
(b).
a -
L'apparence du bicéphalisme
Une première lecture de
la loi constitutionnelle du 23 avril 1991, inscrite dans le contexte du
multipartisme, peut conduire à interpréter la création
d'un poste de premier ministre comme valant institution d'un Exécutif
bicéphale. Dans ce sens, deux arguments peuvent être
invoqués : l'un tenant au rôle de cet organe et l'autre
à son pouvoir.
Relativement à son
rôle, le premier ministre, en tant qu'autorité distincte du Chef
de l'Etat est, aux termes de l'article 9 de la loi constitutionnelle de 1991
qui l'institue, « Chef du gouvernement ». Il
dépouille le président de la République d'un de ses titres
et de plusieurs de ses rôles. Ainsi, le président de la
République demeure seulement Chef de l'Etat tandis que le premier
ministre est chargé de diriger l'action du Gouvernement. Le premier
ministre dispose en outre d'un pouvoir d'initiative en matière de
nomination des autres membres du Gouvernement, c'est-à-dire celui de
choisir les membres composant celui-ci pour les proposer ensuite à la
nomination du président de la République. Aussi était-on
en droit de penser de ce qui précède que le premier ministre a
également compétence pour proposer au président de la
République la révocation d'un ministre, quel qu'il soit. Bien que
la loi constitutionnelle ne consacre pas expressément cette solution, il
n'en demeure moins qu'elle est parfaitement conforme au principe du
parallélisme des formes et des procédures. De la sorte, elle
reste théoriquement envisageable.
Le premier ministre est
également chargé de l'exercice d'autres attributions jusqu'ici
réservées au Chef de l'Etat. C'est ainsi qu'il est chargé
de l'exécution des lois ; exerce le pouvoir
réglementaire ; nomme aux emplois civils et dirige tous les
services administratifs nécessaires à l'accomplissement de sa
mission. Il peut aussi déléguer certains de ses pouvoirs aux
ministres, secrétaires d'Etat et à des hauts responsables de
l'administration de l'Etat150(*). S'y ajoute son droit d'accès à
l'Assemblée nationale où il peut, s'il le souhaite, participer
aux débats151(*).
Le premier ministre, Chef du
gouvernement, partage ainsi avec le président de la République,
Chef de Etat, le pouvoir de nomination, ce qui confère à
celui-là un statut particulier permettant de le distinguer des autres
ministres l'ayant précédé à ce poste. En effet, le
rôle et le pouvoir de nomination confiés au premier ministre par
la loi constitutionnelle de 1991 le distinguent des autres premiers ministres
qui l'ont précédé depuis 1975 : ces derniers
n'étaient ni Chefs du gouvernement, ni n'avaient de pouvoirs autonomes
de nomination. Ces rôles et pouvoirs étaient tous
conférés au Chef de l'Etat. Et les multiples révisions
constitutionnelles opérées depuis 1975 n'avaient jamais remis en
cause ce monopole de jure du Chef de l'Etat.
Comme on le voit, la
déconcentration du présidentialisme camerounais ainsi
réalisée est, à la différence des
précédentes, plus poussée. Il s'agit cependant d'une
différence quantitative, de degré qui cache mal la
réalité du monocéphalisme.
b - La
réalité du monocéphalisme
Une seconde lecture plus
approfondie de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991 conduit à une
interprétation différente de la précédente.
L'Exécutif y demeure dans une large mesure monocéphale. A l'appui
de cette thèse, on peut invoquer au moins quatre raisons.
La première est
qu'à la simple lecture du texte de révision, le premier ministre
ne semble pas être un organe autonome. Comme ses devancières, la
révision de la Constitution de 1991 ne lui réservait pas une
place spéciale en lui consacrant un titre particulier comme c'est le cas
pour les autres organes principaux de l'Etat. Il est simplement logé au
titre II intitulé « Du président de la
République », ce qui révèle
déjà sa dépendance à l'égard de ce dernier.
La deuxième est précisément cette
dépendance étroite dans laquelle il se trouve vis-à-vis du
président de la République. En effet, nommé par celui-ci,
le premier ministre est également responsable devant lui, qui peut,
sinon le révoquer ad nutum, à tout le moins le forcer
à présenter la démission de son gouvernement. Cette
position institutionnelle en fait déjà un simple organe
déconcentré.
La troisième raison est que la loi constitutionnelle ne
précise pas dans certaines matières l'étendue des
compétences du premier ministre de sorte qu'on peut conclure que
celui-ci n'y détient qu'une marge de manoeuvre sinon théorique,
du moins résiduelle.
Enfin, la quatrième raison, qui est la principale, et
vient confirmer les autres est tirée de la pratique institutionnelle
postérieurement à ce retour de l'institution
primo-ministérielle. A cet égard, on
peut dire que l'Exécutif n'est pas partagé entre le Chef de
l'Etat et le Chef du gouvernement. La réforme visait manifestement
à instaurer un poste de premier ministre conçu pour jouer le
rôle de « servant »152(*) sans pour autant que soit
portée atteinte à la centralité du président de la
République au sein du pouvoir exécutif. A preuve, après sa
nomination au poste de premier ministre le 25 avril 1991, Monsieur Sadou AYATOU
ne put ni former le gouvernement de large ouverture et fortement rajeuni qu'il
avait promis, ni mener effectivement la politique de réconciliation
qu'il avait annoncée ; il apprit la composition du nouveau gouvernement
dont il était sensé être le Chef presque à la radio
comme le commun des citoyens153(*). Dans le même ordre d'idées, Monsieur
Simon ACHIDI ACHU qui lui a succédé à la primature
était confiné aux cérémonies folkloriques avec les
Chefs traditionnels154(*). Il n'avait ni l'initiative politique, ni même
l'autorité sur les membres de son gouvernement, la quasi-totalité
des ministres se réclamant directement du président de la
République. Ce qui atteste qu'il ne s'agissait que d'une simple
déconcentration de l'Exécutif dans lequel le premier ministre
n'était, par rapport aux autres membres du Gouvernement, qu'un
primus inter pares.
Un tel régime ne peut
cependant fonctionner normalement que s'il y a coïncidence entre
majorité présidentielle et majorité parlementaire ou si le
président de la République est capable de se composer une
majorité à l'Assemblée nationale afin de désigner
un premier ministre qui s'appuierait sur ladite majorité. Mais,
qu'adviendrait-il alors en cas d'opposition entre majorité
présidentielle et majorité parlementaire ? Le président de
la République serait-il tenu de choisir le premier ministre dans les
rangs du parti ou des partis majoritaires à l'Assemblée nationale
selon une pratique républicaine fort établie dans la plupart des
vieilles démocraties, ou aurait-il la latitude de le choisir même
dans les rangs d'un parti numériquement minoritaire au Parlement ? Et
surtout, comment pourrait se gérer la cohabitation au regard de la loi
constitutionnelle analysée ?
Il serait assurément difficile d'envisager une
cohabitation à la française dans la mesure où la
Constitution révisée ainsi que les moeurs politiques
camerounaises n'en créent pas les conditions ; elles ne permettent pas
à un président de la République et un premier ministre
issus de majorités opposées de gouverner ensemble sans trop de
heurts tout en conservant chacun son identité politique. Une situation
de cohabitation obligerait simplement le premier ministre à appliquer
une politique qui n'est pas celle sur laquelle la majorité parlementaire
qu'il représente a été élue155(*).
En définitive, le
système mis en place par la révision du 23 avril 1991
était extrêmement rigide et ne laissait le choix qu'entre
l'assimilation du premier ministre à la majorité
présidentielle et sa démission. Pour cette raison, elle
était potentiellement source de crises politiques dans un régime
où le Parlement tend à se revigorer et essaie, bien difficilement
il est vrai, de jouer son rôle de contrôle de l'Exécutif.
2 -
L'extension des compétences du Parlement
Pour la première fois dans
le droit constitutionnel camerounais de la seconde République156(*), le Parlement était
doté des pouvoirs reconnus depuis belle lurette à ses homologues
des régimes parlementaires à l'instar du Royaume-Uni, pour ne
retenir que cet exemple classique. Le Parlement pouvait désormais
contrôler et sanctionner le gouvernement en plus de sa compétence
législative classique (a) même si l'innovation
reste limitée à cause de redoutables pouvoirs que le
président de la République pouvait exercer sur lui
(b).
a - Le
pouvoir de contrôle et de sanction politiques du Gouvernement
A sa lecture, force est de noter
que la révision constitutionnelle de 1991 avait consacré au
profit du Parlement camerounais, une compétence qu'il ne disposait pas
jusque-là, à savoir le pouvoir de contrôler et de
sanctionner le Gouvernement. Avant cette révision en effet, le Parlement
ne disposait dans la meilleure hypothèse que de la faculté de
s'informer sur l'activité gouvernementale, bien entendu à
côté de sa compétence législative. Il n'avait aucun
pouvoir de contrôle et de sanction de l'activité gouvernementale.
Ainsi, il ne pouvait, sans porter atteinte à la Constitution,
s'immiscer dans les affaires du Gouvernement. L'article 28 de la Constitution
disposait significativement que l'Assemblée nationale
« peut s'informer sur l'activité
gouvernementale... ». Il en résultait une limitation
critiquable de ses compétences surtout en cette période de
démocratisation où on assistait, un peu partout à travers
le continent africain, sauf exception rare, à une entrée massive
des partis politiques d'opposition dans des Parlements jadis monolithiques. De
ce point de vue, le Parlement camerounais ne pouvait normalement jouer les
rôles d'un Parlement en régime démocratique.
Après la révision
constitutionnelle d'avril 1991, cette époque où le contrôle
parlementaire de l'activité gouvernementale se résumait à
une simple information sur cette dernière pouvait valablement être
considérée comme dépassée. A preuve, celle-ci dote
l'Assemblée nationale d'un nouveau pouvoir en matière de
contrôle et de sanction politiques du gouvernement. Fort de ce pouvoir,
l'Assemblée nationale pouvait désormais renverser le gouvernement
soit en adoptant une motion de censure, soit en lui refusant la
confiance157(*).
Toutefois, si cette
compétence a été maintenue jusqu'ici, force est de
constater que les contrôles exercés par le Parlement n'ont pas
encore abouti au renversement du Gouvernement. Est-ce peut-être la raison
pour laquelle il n'a encore lui-même été l'objet d'une
dissolution présidentielle qui reste également possible ? La
réponse doit être nuancée.
b - Le
maintien de la prééminence de l'Exécutif sur le
Parlement
On constate ce maintien
malgré le rééquilibrage, au profit du Parlement,
opéré par la révision du 23 avril 1991. Le Parlement n'est
pas maître de son ordre du jour. La fixation de l'ordre du jour
prioritaire, qui est l'apanage du Gouvernement fait que ce dernier reste
jusqu'ici, et pour reprendre une formule chère à Pierre
MONTBEYRIE, un pouvoir sans contre-pouvoir158(*). En plus, toutes initiatives des parlementaires sont
susceptibles de ne jamais être retenues si elles ne satisfont pas le
Gouvernement qui peut toujours s'abriter derrière
l'irrecevabilité financière pour les rejeter sans appel. C'est du
moins ce qui ressort de l'article 27 nouveau de la Constitution :
« Les propositions de loi ou amendements qui auraient pour effet,
s'ils sont adoptés, soit une diminution des ressources publiques, soit
l'aggravation des charges publiques sans réduction à concurrence
d'autres dépenses ou création de recettes nouvelles
d'égale importance, sont irrecevables ».
En outre, le Gouvernement dispose d'autres moyens lui
permettant de canaliser le déroulement des discussions. Il peut limiter
le débat sur tout texte soumis à la délibération de
l'Assemblée nationale en faisant application de la règle selon
laquelle l'urgence est de droit lorsqu'elle est demandée par le
Gouvernement. Et quand bien même le gouvernement se serait abstenu de
mettre en exécution cette panoplie de moyens lui permettant d'avoir la
mainmise sur l'organisation et le déroulement des débats au
Parlement, celui-ci demeure à la merci d'une dissolution
présidentielle. En effet, planait sur la
tête de l'Assemblée Nationale une véritable
épée de Damoclès consistant en un pouvoir
discrétionnaire de dissolution dévolu au président de la
République. Celui-ci peut, en cas de nécessité, et
après consultation du gouvernement et du Bureau de l'Assemblée
nationale, procéder à sa dissolution. Précisons tout de
suite qu'il résulte de la lettre du texte de révision que le
pouvoir de dissolution n'est pas, comme dans la théorie et la pratique
des régimes parlementaires classiques, un pendant naturel du pouvoir de
l'Assemblée nationale de renverser le Gouvernement. Il est une
prérogative propre au président de la République dont la
mise en oeuvre dépend de sa seule analyse de la situation. Ce n'est donc
pas une arme de dissuasion ou un moyen de représailles contre le
Parlement, mais une véritable « arme
nucléaire » dont il est le seul à pouvoir
décider de l'utilisation et du moment de la dissolution159(*). S'il est tenu de consulter
le Gouvernement et le Bureau de l'Assemblée nationale, il n'est
nullement obligé de tenir compte de leurs avis, car il ne s'agit pas
d'avis conformes.
Ainsi apparaît la nouvelle
présentation des pouvoirs exécutif et législatif au
lendemain de la révision constitutionnelle de 1991. Elle
révèle d'importantes innovations dans la répartition des
compétences sans toutefois aménager les conditions permettant
d'atténuer l'influence du président de la République tant
à l'égard du premier ministre que du Parlement. Cette
prééminence du président de la République ne fera
plus l'objet des préoccupations du pouvoir constituant
dérivé le 16 décembre 1991, date à laquelle il a
revu à la baisse l'âge de la majorité électorale.
§2 : LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE DU 16 DECEMBRE 1991
Quelques mois seulement
après la révision constitutionnelle du 23 avril 1991,
l'Assemblée nationale va être à nouveau amenée
à siéger. Convoquée en session extraordinaire en
décembre 1991, l'Assemblée nationale avait en
réalité adopté plusieurs textes qui seront tous
promulgués par le président de la République le 16
décembre de la même année160(*). Un seul relève de sa compétence
révisionniste, à savoir la loi n° 91/021 portant
modification de l'article 2 de la Constitution. Ce dernier texte, qui nous
intéresse ici, est important à plusieurs égards. Il
intervient dans un contexte sociopolitique de libéralisation et de
démocratisation progressive de la vie nationale qu'il tend à
consolider. En plus, la loi n° 91/021 du 16 décembre est
juridiquement intéressante en ce qu'elle porte sur une matière
très sensible dans la vie juridique de tout Etat, à savoir
l'expression de sa souveraineté.
Dès lors, deux points
seront examinés ici : le premier est relatif à la
procédure de révision constitutionnelle ayant abouti à la
loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 (A) tandis que le second
concerne sa consistance (B).
A - La
procédure de révision
A l'instar des textes de nature
législative promulgués le 16 décembre 1991 par le
président de la République, la loi constitutionnelle
promulguée le même jour résultait d'une initiative
présidentielle (1). De même, comme la
révision du 23 avril précédemment analysée, celle
du 16 décembre 1991 a été opérée par
l'Assemblée nationale monolithique (2).
1 -
L'initiative présidentielle
Comme nous l'avons noté
ci-dessus, la révision constitutionnelle d'avril 1991 et celle du 16
décembre de la même année résultaient chacune d'une
initiative du président de la République. Mais là
s'arrête la similitude entre ces deux révisions. En effet, la loi
constitutionnelle du 16 décembre 1991 est la concrétisation
juridique de l'une des exigences de l'opposition politique camerounaise dans le
cadre de la Tripartite. Il s'agissait d'une rencontre tripartite
proposée par le président Paul BIYA comme substitut à
l'idée d'une Conférence nationale souveraine et qui avait eu lieu
du 30 octobre au 17 novembre 1991 sous la présidence du premier
ministre, Monsieur Sadou AYATOU, en présence de représentants du
Gouvernement, des partis politiques et quelques représentants de la
société civile161(*). C'est au cours de cette réunion que fut
posée la question de l'abaissement de l'âge de la majorité
électorale. Aux arguments des partisans du statu quo
s'opposaient les revendications pressantes de ceux qui militaient pour une
réduction considérable de l'âge électoral à
dix-huit (18) ans162(*).
Considéré, à tort ou à raison, comme plus
progressiste et généralement porteuse d'une forte aspiration au
changement, à l'alternance voire à la subversion, la classe des
moins jeunes étaient redoutée par les uns et courtisée par
les autres, en raison de son orientation idéologique
présumée moins conservatrice .
Il y eut donc initialement
marchandage institutionnel au sujet de l'abaissement de l'âge
électoral163(*).
Ainsi, l'initiative de la révision du 16 décembre 1991, tout
comme celle précédemment analysée, était en
réalité, à quelques nuances près, provoquée
par les représentants de la société civile et des partis
politiques. Mais, il s'agissait d'une démarche qui ne s'imposait pas.
Juridiquement en effet, le Chef de l'Etat n'était pas contraint de
provoquer un tel marchandage avant de soumettre son projet de révision
au pouvoir constituant dérivé (c'est-à-dire au Parlement
ou au peuple par la voie référendaire). En plus, il revenait
à l'Assemblée nationale d'adopter ou non la réforme
projetée.
2 - L'adoption du texte de révision
Comme nous l'avons
mentionné précédemment, c'est au cours d'une session
extraordinaire de décembre 1991 que l'Assemblée nationale va
adopter le projet de révision dont l'objet est la réduction de
l'âge électoral de vingt et un (21) à vingt (20) ans.
L'option pour vingt ans, arrêtée par le Gouvernement, sera donc
confirmée.
Mais cette adaptation, dans le sens du rajeunissement du corps
électoral avait été critiquée par certains auteurs
du fait qu'elle était, selon eux, en déphasage avec la pratique
en matière électorale. Il en est ainsi par exemple de Monsieur
MONFON YOUTCHAWOU TOGNE qui, après le maintien de cette disposition de
l'article 2 par la loi constitutionnelle de 1996 écrivait :
« pour une application stricte et rigoureuse dudit article
constitutionnel, tout citoyen âgé de dix-sept (17) ans ne
possède aucun droit de vote conformément aux dispositions
juridiques de l'Acte Fondamental sus-évoqué. Mais le drame est
que plusieurs concitoyens ayant dix-sept (17) ans profitent de manoeuvres
électorales illicites et non conformes à la législation
électorale en vigueur au Cameroun et la complicité des
Autorités républicaines en charge des élections
municipales, législatives et présidentielles pour aller aux urnes
voter ou plébisciter pour le compte du régime politique en place.
Ledit article du Texte constitutionnel de 1996 mérite une modification
intégrale et complète puisqu'il n'a jamais été
respecté par les Autorités en charge des élections
nationales. Il faut une disposition pouvant mettre fin à toutes ces
manoeuvres électorales »164(*).
C'est dire que la consistance de la loi constitutionnelle du
16 décembre 1991 tout comme celle de sa devancière d'avril 1991
n'a pas été exempte de critique.
B - La
consistance de la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991
La consistance de loi
constitutionnelle du 16 décembre 1991 révèle
incontestablement qu'il s'agissait d'une réforme dans l'air du temps.
Elle faisait logiquement suite à une série de lois ordinaires
promulguées depuis le second semestre de l'année 1990 par le
président de la République pour tenter de décrisper
l'atmosphère politique. A cet égard, elle était importante
à deux titres. Elle réalisait un abaissement de l'âge de la
majorité électorale (2). Toutefois, le propre
des réformes n'étant pas nécessairement de faire table
rase du passé, l'article 2 (nouveau) avait sauvegardé tous les
autres aspects de la souveraineté qu'il convient de clarifier au
préalable (1).
1 -
Les aspects statiques de la souveraineté
La souveraineté est
l'expression par laquelle on désigne dans la terminologie
française un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne
relève d'aucun autre165(*). Appliquée à l'Etat, la
souveraineté revêt deux aspects. C'est d'abord la
souveraineté de l'Etat : l'Etat souverain est celui qui conduit les
relations internationales, le plus souvent, il en a le monopole, car il admet
difficilement que l'une de ses composantes, qu'il s'agisse des régions
ou même d'Etat membre d'un Etat fédéral, y participe. C'est
ensuite la souveraineté dans l'Etat, c'est un pouvoir illimité de
commandement mais qui ne s'exerce qu'à l'intérieur des
frontières de l'Etat. Ceci dit, l'article 2 nouveau est resté tel
quel sur trois points majeurs : le titulaire de la souveraineté
(a), les caractéristiques du vote et le suffrage
universel (b).
a - Le
titulaire de la souveraineté
L'article 2 nouveau de la
Constitution stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple
camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire du président
de la République et des députés à
l'Assemblée nationale, soit par voie de référendum. Comme
les constituants de 1960, ceux de 1972 n'ont pas franchement opté en
faveur d'un principe, la souveraineté nationale ou la
souveraineté populaire, mais ont choisi de faire un compromis. Mais tel
qu'elle est reprise par l'article 2 ainsi révisé, la formulation
du compromis entre la souveraineté nationale et la souveraineté
populaire apparaissait ambiguë.
En effet, si le système
constitutionnel repose sur le principe de la souveraineté nationale,
seule la nation est souveraine ; elle peut seule exercer cette
souveraineté, et ne peut donc le faire que par le biais de ses
représentants166(*). A aucun moment, on ne peut consulter la nation par
référendum, puisqu'il est impossible de faire voter les morts et
ceux qui ne sont pas encore nés. Or, la nation se compose aussi des
morts et de ceux qui ne sont pas encore nés. En revanche, il est dans la
logique de ce principe que l'alinéa 2 reprenne la célèbre
disposition contenue dans la Constitution des 3-14 septembre 1791. Dès
lors, si la souveraineté est attribuée au peuple, alors la
référence à la nation est superfétatoire.
En réalité, on
retrouve dans cet article la tentative de conciliation opérée en
1972 entre les deux types de souveraineté. Cette conciliation s'exprime
non seulement en matière constitutionnelle, mais aussi en matière
législative. C'est là la traduction de la pensée du
général De Gaulle : « ...or si
j'étais convaincu que la souveraineté appartient au peuple
dès lors qu'il s'exprime directement et dans son ensemble, je
n'admettais pas qu'elle put être
morcelée... »167(*). Cet article réaffirme, en
réalité, le principe traditionnel en droit public de la
souveraineté nationale avec ses conséquences :
continuité de la Nation, solidarité des
générations, permanence des générations,
régime représentatif, prohibition du mandat impératif,
indivisibilité de la souveraineté. Mais en même temps, elle
élargit les modes d'expression de la souveraineté. Celle-ci
s'exprime non seulement par la voie des représentants de la Nation mais
aussi par la voix du peuple. Le maintien de cette extension des modes
d'expression de la souveraineté ne fait que confirmer le
caractère démocratique de la République168(*). En conférant au
peuple, outre son rôle électoral, un pouvoir direct de
décision, la Constitution démocratise le régime
représentatif en confirmant par là même le mot de SIEYES
selon lequel si les citoyens dictaient leurs volontés, ce ne serait plus
un Etat représentatif, ce serait un Etat démocratique169(*). Cependant, il faut relever
que selon le Conseil constitutionnel français, dans cette combinaison,
l'élément « souveraineté
nationale » est prépondérant. En effet, il
affirmait dans l'une de ses décisions en date de 1976
que « ...la souveraineté qui est définie
à l'article 3 de la Constitution ne peut être que
nationale... »170(*). Le peuple auquel est attribuée la
souveraineté nationale est nettement délimité. Comme
l'écrit Georges BURDEAU, « ce que la démocratie
aussi bien dans sa théorie que dans ses applications pratiques
désigne sous le nom de peuple, ce n'est jamais le peuple réel, le
peuple au sens physique du mot constitué de tous les individus qui
composent actuellement le groupe, c'est un concept de peuple,
c'est-à-dire une systématisation abstraite de certains
éléments empruntés au réel et à partir
duquel on élabore la notion de peuple »171(*).
Ainsi compris, le peuple n'est donc pas la masse mais
uniquement les individus auxquels la Constitution confère la
qualité d'électeur. A cette conception normative du peuple
s'oppose conception réaliste. D'après cette seconde thèse
défendue par Maurice HAURIOU et Carl SCHMITT, on ne peut pas
séparer le peuple comme opinion publique du peuple comme ensemble
d'électeurs. Ce dernier auteur par exemple soutient que la
minorité agissante représente le peuple et que le consentement de
celui-ci peut être seulement tacite. Le peuple est identifié alors
d'un côté, à la foule ou la masse (qui s'oppose au peuple
comme corps électoral) et de l'autre côté, à la
minorité active révolutionnaire (exemple le Parti
léniniste) qui agit au nom du peuple. Le peuple est donc ici
dédoublé, mais il cesse d'être identifié à la
somme des électeurs172(*).
b -
Les caractéristiques du vote et le suffrage universel
De même, les dispositions
relatives aux caractéristiques du vote sont maintenues. Le vote peut
être défini comme l' « acte par lequel un
citoyen participe, en se prononçant dans un sens
déterminé, au choix de ses représentants ou à la
prise d'une décision »173(*). L'alinéa 2 de l'article 2 qui le consacre
lui reconnaît explicitement deux caractéristiques : le vote
est égal et secret. Le vote égal est celui qui confère
à chaque électeur le même poids électoral :
c'est la traduction de l'adage un homme, une voix. On parle de vote secret
lorsqu'il est organisé de manière que le choix de chacun soit
ignoré des autres électeurs. C'est pour garantir le secret du
vote que celui-ci a lieu sous enveloppes préparées dans un
isoloir. A cela s'ajoute l'interdiction des signes sur les bulletins. Le secret
du vote constitue de ce point de vue une garantie de son indépendance.
Parce qu'il est secret, ce type de vote s'oppose au vote public dans lequel le
sens du vote émis par chacun est connu de tous. Aujourd'hui, le vote
secret est toujours respecté. On peut noter qu'il comporte tout de
même une exception : le vote par procuration déroge en effet
au principe du vote secret ainsi qu'au caractère personnel du vote.
Le suffrage universel comme
source du pouvoir des gouvernants a également été
maintenu. Selon le Doyen Georges VEDEL, le suffrage
universel désigne « l'ensemble des procédés
par lesquels le corps électoral fait connaît ses
décisions »174(*). Le suffrage est dit universel parce qu'il interdit
toute discrimination dans la reconnaissance du droit de vote.
L'universalité du suffrage s'exprime dans des pays de tradition
anglo-américaine par l'adage one person, one vote. L'article 2
pose clairement le suffrage universel comme source du pouvoir et par
conséquent de la légitimité des gouvernants. A sa lecture
en effet, il est ressort que les autorités chargées de diriger
l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élections au
suffrage universel direct ou indirect. Ainsi les institutions
représentatives élues au suffrage universel peuvent, selon la
Constitution, l'être indifféremment de matière directe ou
indirecte. Une telle thèse est conforme à la théorie de la
souveraineté nationale, dans laquelle la représentation peut
s'effectuer selon des modalités diverses pourvu que la Nation soit
à la source du pouvoir. En conséquence, nul ne peut
prétendre représenter le peuple s'il n'est investi comme tel par
ce dernier175(*).
Au plan local, il est d'usage que
les assemblées délibérantes soient élues
directement (conseils municipaux) même si l'exécutif de ces
collectivités (maire) est désigné par l'assemblée
correspondante, donc seulement de façon indirecte par le peuple.
2 -
L'abaissement de l'âge de la majorité électorale
Dans tous les Etats, le
critère de la majorité électorale est l'une des
restrictions fondamentales au droit de suffrage. Certes, nul ne peut être
électeur s'il n'a atteint un âge de référence
minimum déterminé soit par la Constitution, soit par la loi.
Mais, une tendance se dégage un peu partout de la volonté des
constituants ou des législateurs selon les cas d'étendre
progressivement le droit de vote à tous leurs citoyens. A cet
égard, l'abaissement de l'âge de la majorité
électorale constitue incontestablement la seule innovation qu'apporte la
révision constitutionnelle du 16 décembre 1991 dans la
démocratisation du régime politique camerounais. Cette innovation
constitue, peut-on l'affirmer, la dernière conquête du suffrage
universel au Cameroun. En effet, longtemps fixé à vingt et un
ans, l'âge à partir duquel on est admis à voter a
été ramené à vingt ans. Valable pour tous les
scrutins, cet âge se situe donc désormais au-dessus de la
majorité pénale (dix-huit ans) et en deçà de celle
civile (vingt et un ans).
L'adaptation de l'âge de la majorité
électorale dans le sens du rajeunissement, même limité,
provoque en principe un accroissement quantitatif du volume et de l'assiette du
corps électoral, et ce d'autant plus qu'il n'y a pas d'âge maximum
pour les votants. Cependant, dès lors qu'il n'y a pas d'étalon
universel en matière de majorité électorale, les
comparaisons sont possibles. Analogue à celle des Etats comme la Suisse,
le Japon et la Norvège, ce léger abaissement de l'âge
électoral demeure en retrait par rapport à celle
réalisée dans la plupart des Etats qui ont progressivement
abaissé l'âge de la majorité électorale à
dix-huit ans. Ce sont les démocraties populaires qui ont ouvert la voie
en ce domaine. En effet, le droit de vote à dix-huit ans figure dans la
Constitution soviétique de 1936176(*). Le mouvement s'est ensuite étendu aux
démocraties libérales dans les années 1970 : aux
Etats-Unis par exemple, le XXVIè amendement à la Constitution
intervenu en 1971 crée quatre millions d'électeurs
nouveaux177(*). En
France, c'est à la faveur de la loi du 5 juillet 1974 que l'abaissement
à dix-huit ans sera consacré178(*). Faisant bonne mesure, le Parlement en a même
profité pour abaisser à dix-huit ans l'âge de la
majorité civile et fixer à seize ans celui de
l'émancipation. Enfin, l'option camerounaise est moins
généreuse que celle de nombreux pays africains à l'instar
du Bénin, du Congo de la Côte d'Ivoire, du Niger, de la
République Centrafricaine, du Sénégal, du Tchad, du Togo,
qui ont retenu la norme de dix-huit (18) ans179(*).
En revanche, l'option camerounaise
pour vingt ans apparaît désormais plus généreuse que
celle de la Turquie ou de l'Islande où la majorité
électorale est encore de vingt et un ans. Quoiqu'il en soit, l'on peut
remarquer comme l'ont fait certains auteurs qu'il n'y a pas de
corrélation absolue entre le caractère démocratique d'un
régime et le niveau plus ou moins bas de la majorité
électorale180(*).
Il est néanmoins admis que peu élevé, l'âge de la
majorité électorale témoigne d'une volonté forte
d'élargir la base sociale de l'électorat par une ouverture
à la participation des plus jeunes. Notons par ailleurs qu'au Cameroun,
l'âge de la majorité électorale est dans tous les cas,
inférieur à celui requis pour l'éligibilité aux
différentes fonctions politiques. L'accès des jeunes aux
fonctions publiques électives se fait d'autant plus tardivement qu'ils
passent de la condition de simple électeur à celle
d'éligible.
L'exigence de la majorité
électorale est une condition ferme : elle s'apprécie non par
rapport au jour du vote, mais par rapport à la date d'inscription sur
les listes électorales. Elle a une portée absolue dès lors
qu'aucune dérogation ou exception n'est envisagée par le
constituant et le législateur.
CONCUSION DU CHAPITRE 1
Au regard de sa structure
monolithique, de l'étiquette de « Caisse de
résonance » qu'on lui collait du fait de sa
propension à avaliser sans amendement de fond les projets de
l'Exécutif, et du contexte de crise sociopolitique dans lequel elle
intervient au début des années 1990, on peut affirmer que
l'Assemblée nationale avait pris à temps conscience du rôle
qui était le sien dans une période de transition
démocratique. Et les institutions par elle consacrées dans
l'optique d'une démocratisation progressive du régime politique
camerounais connaissent actuellement un essor perceptible : un
Exécutif bicéphale, un Parlement qui contrôle et sanctionne
le cas échéant l'activité gouvernementale,
élargissement du corps électoral, etc.
Toutefois, beaucoup restaient
encore à faire pour arrimer la Constitution à la nouvelle donne
démocratique qui caractérisait le pays. C'est pourquoi
l'Assemblée nationale en tant que pouvoir constituant
dérivé sera une fois de plus sollicitée mais cette fois en
décembre 1995.
Chapitre 2 : LE TOURNANT DE
1996
LE POUVOIR CONSTITUANT
DERIVE, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE
L'exercice du pouvoir constituant
dérivé au Cameroun en 1996 présente trois
caractères. Tout d'abord, il est original. La tradition camerounaise
sous la seconde République voulait que le pouvoir constituant
dérivé soit exercé par une Assemblée nationale
monolithique. Or, tel n'a été le cas lors de l'élaboration
de la loi constitutionnelle de 1996. En outre, les difficultés
rencontrées pendant l'élaboration de la loi constitutionnelle de
1996 expliquent que depuis sa promulgation le 18 janvier de la même
année, la doctrine l'entoure de commentaires équivoques.
D'où
l'intérêt, dans ce chapitre, d'étudier amplement d'une part
les circonstances de l'institution d'une Assemblée nationale pluraliste
(Section 1) et, d'autre part la révision
constitutionnelle par elle opérée le 18 janvier 1996
(Section 2).
Section 1 : LES CIRCONSTANCES DE L'INSTITUTION D'UNE
ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE
On ne peut objectivement rendre
compte de l'institution d'un Parlement pluraliste en lieu et place d'un
Parlement monolithique sans faire référence aux circonstances
ayant permis et même favorisé son émergence. A
priori, le terme circonstance peut être considéré
comme inadéquat ici du fait notamment de sa non appartenance au
vocabulaire juridique. Mais, il n'en demeure pas moins qu'il nous semble
opératoire dans l'étude du pouvoir constituant
dérivé tel qu'il se présente en 1996. Aussi, c'est dans le
dictionnaire qu'on peut découvrir le sens de ce terme. A sa lecture, il
apparaît que le mot circonstance renvoie à la
« particularité qui accompagne un fait, un
événement, une situation »181(*).
A cet égard, deux
paramètres sont déterminants dans la mise en place d'un Parlement
pluraliste : l'un est constitué de la réforme juridique de
tendance libérale (§1) et l'autre, qui est sans
doute le plus important, est constitué par la mise en oeuvre
concrète de cette réforme (§2).
§1 : LA REFORME JURIDIQUE
La mise en place d'un Parlement
pluraliste procède d'une réforme juridique d'envergure
amorcée depuis 1990 par les pouvoirs publics, notamment le
président de la République et le Parlement monolithique. Cette
réforme juridique s'était matérialisée par la
refonte des libertés publiques (A) dont les
conséquences n'ont pas tardé à apparaître
(B).
A - La
refonte des libertés publiques
La refonte des libertés
publiques résultait d'une démarche à deux étapes.
La première était constituée par la création, par
le président de la République, d'une Commission de
révision de la législation sur les libertés publiques
(1). La seconde étape était constituée
par l'adoption des projets de texte y relatifs par l'Assemblée nationale
(2).
1 - La
création d'une Commission de révision de la législation
sur les libertés publiques
Il convient, avant d'aborder la
question de la mise en place de cette Commission (b), de
s'attarder quelque peu sur les conditions historiques de son avènement
(a).
a -
Les conditions historiques de la création de la Commission de
révision de la législation sur les libertés publiques
La création de la
Commission de révision de la législation sur les libertés
publiques intervient dans des circonstances particulières. Mise en place
à la suite des engagements pris par le Chef de l'Etat au terme du
premier congrès ordinaire du RDPC, alors parti unique, cette Commission
apparut en effet comme une concession du pouvoir en place au besoin de
liberté et à une revendication du multipartisme par une
société civile lasse d'être résignée. En
attestent les événements qui précédèrent
cette décision présidentielle. Certes, une intention
démocratique anime le président Paul BIYA dès son
accession à la magistrature suprême en 1982182(*), intention qu'on peut
repérer dans la plupart de ses discours et autres interventions
publiques. Ce fut notamment le cas moins d'un an après son accession
à la magistrature suprême du pays au cours d'une interview
réalisée dans le cadre du Club de la presse de
Radio France Internationale et reproduite le 18 juin 1983 dans le quotidien
national Cameroon Tribune : « S'agissant du
multipartisme (...), déclare-t-il, nous ne pouvons pas dire que, dans le
cours de son histoire à venir, le Cameroun restera nécessairement
dans le cadre du parti unifié. Une ouverture est toujours possible
(...)»183(*).
Cette intention devait être réaffirmée par
la suite, à travers notamment la thématique de la
démocratie au sein du parti unique. C'est ainsi qu'à l'occasion
du IVè congrès de l'UNC tenu à Bamenda en mars 1985
où le président de la République, qui était en
cette occurrence le président national de ce parti, déclarait
dans son discours de politique générale : «
Aussi, ne revendiquons-nous aucun monopole, ni celui de la parole, ni celui de
la raison, ni celui du coeur, ni celui du patriotisme (...). Il n'est pas
nécessaire pour exprimer ses opinions de prendre le maquis, de vivre en
exil ou de quitter sa famille»184(*). Ce fut formellement l'acte de décès
du monisme idéologique ou doctrinal mais non encore du monisme partisan,
note le Professeur Maurice KAMTO185(*).
La volonté du président de la République
de rompre avec le passé fut confirmée par la publication d'un
ouvrage qu'il signa en 1987 sous le titre Pour le libéralisme
communautaire. L'auteur y réitère sa foi en la
liberté et trace les lignes d'un vaste programme de
décentralisation de l'Etat et des juridictions administratives, de
l'Administration, de la démocratie locale, de la charte des
libertés publiques, etc. La pratique idéologique relève,
par contre, d'un autre débat.
Sur le terrain en effet, la
pratique du pouvoir devait refléter une toute autre
réalité, à savoir la persistance du régime
autoritaire qu'avait instauré le président Ahmadou AHIDJO. En
d'autres termes, et pour reprendre le Professeur Maurice KAMTO, une lecture
purement discursive ou sémiologique du processus de
démocratisation au Cameroun conduit nécessairement à une
surdétermination du rôle du président de la
République dans les transformations en cours. Cette approche occulte le
rôle joué par une société civile subitement
délivrée de sa torpeur dans le processus de
démocratisation encore inachevé de la vie politique camerounaise.
A cet égard, l'avènement du multipartisme au Cameroun fut le
fruit d'une lutte quotidienne et acharnée d'une société
civile recréée en partie par l'intelligentsia et surtout la
presse privée locale.
Le signal de départ allait
être déclenché par le procès YONDO et
autres186(*). On sait
qu'aux plaidoiries des avocats du barreau camerounais, puissamment
mobilisés en cette circonstance pour la défense de leur
ex-bâtonnier, répondirent en écho les meetings et les
marches de soutien au régime et d'opposition au multipartisme
organisés du 28 mars au 10 avril 1990 par le RDPC, alors parti unique,
à travers l'ensemble du pays187(*). C'est pourquoi le procès YONDO et autres fut
considéré par la doctrine comme ayant été d'abord
celui du multipartisme.
Tirant les leçons de ces
folles journées, le président de la République,
maître incontesté du RDPC, allait répondre à ses
militants en ces termes : « Je vous ai compris (...).
Le Cameroun aujourd'hui a un problème majeur, la crise
économique. Le reste n'est que manoeuvre de diversion, d'intoxication et
de déstabilisation » avant d'en rappeler à la
vigilance de ces hommes et femmes qui avaient selon
lui « rejeté sans équivoque les modèles
et formules importés de l'étranger » tout en
renouvelant solennellement leur conviction que son parti demeure le creuset de
l'unité nationale en même temps que l'école par excellence
de la démocratie camerounaise188(*). Vraisemblablement, le multipartisme semblait
reporté sine die à l'écoute des propos du
président de la République. A la vérité, ces propos
ne pouvaient surprendre que les personnes peu avisées car dans son
ouvrage intitulé Pour le libéralisme communautaire,
l'auteur écrivait déjà que : « l'étape
actuelle de l'histoire du Cameroun ne permettait pas l'instauration du
multipartisme »189(*).
Cette propension du président de la République
à minimiser la soif de liberté qui caractérisait les
populations africaines en général et camerounaises en particulier
n'allait cependant pas altérer la « lame de fond
démocratique » qui travaillait ces dernières. Car
les événements allaient se précipiter et, très
vite, obliger le régime à concéder le multipartisme ou
mieux le pluralisme politique. Il en fut ainsi, notamment, de la
création et du lancement des activités du SDF à Bamenda
qui s'appuyaient non seulement sur la Constitution et la loi de 1967 sur les
associations, mais surtout sur la déclaration du gouvernement selon
laquelle l'ex-bâtonnier YONDO et autres n'avaient pas été
arrêtés pour avoir tenté de créer un parti
politique. Cette entrée du SDF sur la scène politique nationale
sans attendre le coup du starter que tardaient à donner les
autorités administratives lui valut la répression sanglante des
manifestations marquant le lancement de ses activités. Cette
répression sanglante des manifestations du lancement des
activités de ce parti à Bamenda et à l'Université
de Yaoundé190(*)
le 26 mai 1990 devait ainsi apporter un cinglant démenti à la
volonté d'ouverture politique du président Paul BIYA et de son
régime, et, à la même occasion, lever un pan du voile sur
la nature véritablement despotique et totalitaire de ce dernier.
Cela explique d'autres manifestations de désapprobation
à l'égard du pouvoir. Il y eut
d'abord la lettre pastorale des évêques du Cameroun
rédigée le 17 mai 1990 lors de la Conférence
épiscopale nationale, suivie d'une interview très critique du
Cardinal Christian TUMI, dénonçant vivement, entre autres,
l'arbitraire, les violations flagrantes des droits de l'homme, les crimes
crapuleux, la terreur instaurée par les forces de l'ordre191(*). Ensuite, la démission du premier
vice-président du RDPC, Monsieur John NGU FONCHA, ancien premier
ministre du Cameroun occidental et principal artisan de la réunification
du Cameroun, démission qui devait révéler l'ampleur de la
cassure entre l'élite anglophone et le pouvoir en même temps
qu'elle remettait à l'ordre du jour du débat politique, la
question anglophone. Tous ces événements furent amplifiés
par une presse privée jouant un rôle d'avant-garde dans la
mobilisation de l'opinion en faveur du multipartisme et de la
démocratie, et ce, malgré une censure sauvage du Gouvernement qui
n'éprouve aucune gêne à prendre une mesure en tout point
illégale pour contrer la « guérilla de la presse
privée »192(*).
Ces pressions convergentes sur
le pouvoir produisent les effets escomptés par ses initiateurs : ils
devaient amener le président de la République à capituler.
Ainsi, lors des travaux du premier congrès ordinaire du RDPC qui s'ouvre
à Yaoundé le 27 juin 1990, le Chef de l'Etat devait annoncer des
mesures tendant à promouvoir les libertés publiques, à
garantir la protection des droits de l'homme et à libéraliser la
vie économique et sociale. De même, devait-il à la
même occasion inviter les militants de son parti à
« se préparer à une éventuelle
concurrence»193(*).
Ceci laissait incontestablement entrevoir l'avènement
du multipartisme au Cameroun. Même si le discours présidentiel
n'est pas très explicite à cet égard, il n'est pas douteux
que eu égard au contexte politique du moment, il paraissait
suffisant.
b - La
mise sur pied de la Commission
Reprenant ainsi l'initiative du
processus de démocratisation de la société camerounaise,
le Chef de l'Etat entreprit de transcrire en normes juridiques la
libéralisation annoncée au congrès du RDPC. C'est pourquoi
il créa une Commission de révision de la législation sur
les libertés publiques en vue de la préparation dudit
travail.
Créée par
arrêté présidentiel n° 416/CAB/PR du 20 juillet 1990,
cette Commission ad hoc, composée de onze membres, tous
désignés discrétionnairement par le Chef de
l'Etat194(*), disposait
d'un délai de trois mois pour lui faire des propositions
concrètes en vue d'une réforme de la législation sur les
libertés publiques. Mais, il fallait attendre le 21 juillet 1990 pour
être fixé sur la position du président de la
République en ce qui concerne le multipartisme. C'est en effet au cours
d'une interview accordée à Radio Monté Carlo
depuis la France qu'il envisageait le pluralisme en dehors du parti unique en
ces termes : « Nous avons commencé par faire le
pluralisme au sein du parti. Maintenant on va vers le pluralisme dans le pays,
dans la cité (...). Mais avant d'y parvenir, évidemment, il faut
un aménagement des conditions juridiques, des lois, pour permettre
d'accéder plus pleinement à une démocratie
intégrale (...). Pour le moment, nous avons mis sur pied une Commission
qui est à pied d'oeuvre (...) pour créer les conditions d'une
telle démocratie. Alors dans le cadre de ces lois qui vont être
soumises à l'Assemblée dans les prochains mois, les camerounais
seront libres de faire ce qu'ils veulent ; s'ils veulent créer des
partis politiques, ils le feront ! »195(*).
Les résultats des travaux
de cette Commission furent remis au président de la République en
octobre 1990 et leur exploitation devait permettre au gouvernement de soumettre
à l'Assemblée nationale, siégeant en session ordinaire,
une série de projets de lois portant entre autres sur les
libertés publiques, la démocratisation de la
société, bref sur l'aménagement de l'Etat de droit au
Cameroun.
2 -
Les textes relatifs aux libertés publiques adoptés par
l'Assemblée nationale
La volonté du
Gouvernement en faveur de la démocratisation de la société
camerounaise ne pouvait suffire tant que le Parlement n'avait pas
transformé les projets de textes à lui soumis en lois. C'est que
le régime des libertés publiques relevait, en application de
l'article 20 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa mouture initiale ou de
son article 26 dans sa révision de 1996, du domaine de la loi. C'est sur
ce fondement que tous les projets de loi soumis à l'Assemblée
nationale seront adoptés par les députés du parti unique
et promulgués le 19 décembre 1990 par le président de la
République. Avec l'édiction de ces textes196(*), se mettait en place
l'infrastructure juridique du multipartisme au Cameroun.
D'une manière
générale, le législateur du 19 décembre 1990 se
révéla beaucoup plus libérale que ses
prédécesseurs. Il procéda, en effet, à une remise
en cause de la législation d'exception alors en vigueur.
Au nombre des textes relatifs aux libertés publiques
adoptés par l'Assemblée nationale, et promulgués par le
président de la République le 19 décembre 1990, la loi
n° 90/46 portant abrogation de l'ordonnance n° 62/OF/18 du 12 mars
1962 relative à la répression de la subversion doit être
mentionnée au premier chef. Et pour cause, elle marque la fin du
délit d'opinion et partant celle d'une époque qui vit
« tant de camerounais finir leur existence dans les camps de la
mort (Tcholiré,Yoko, Mantoum) sans
jugement aucun»197(*). De façon générale, c'est toute
la législation sur le maintien de l'ordre qui subit un
réaménagement important au regard des assouplissements introduits
par les textes nouveaux. Ainsi, la loi n° 90/47 modifie l'ordonnance
n° 72/13 du 26 août 1972 sur l'état d'urgence, ordonnance qui
constituait l'un des principaux piliers du système policier mis en place
dès l'indépendance. Certes, la loi n° 90/47 reprend pour
l'essentiel les principales dispositions de l'ordonnance qu'elle modifie. Mais
elle améliore considérablement cette législation
d'exception devenue en pratique la législation de droit commun dans
certaines parties du pays. Elle prévoit notamment que le décret
de proclamation de l'état d'urgence devra désormais
préciser sa durée, qui est ramenée à trois mois
renouvelables une fois contre six mois dans l'ancien texte. Par ailleurs, la
nouvelle loi en son article 3 (b) soumet la prorogation de ce délai
à l'approbation de l'Assemblée nationale qui doit être
obligatoirement consultée à cet effet.
Ainsi fut mis un terme à la pratique des reconductions
tacites, indéfinies et illimitées, dans le temps et dans l'espace
national, de l'état d'urgence.
Bien plus, la loi n° 90/47 abroge les dispositions de la
même ordonnance qui conféraient aux autorités
administratives des parties du territoire non soumises à l'état
d'urgence les mêmes prérogatives que celles des régions du
pays soumises à ce régime, écartant ainsi formellement les
risques d'abus d'autorité injustifiés dans ces régions. En
outre, toutes les mesures individuelles prises au cours de cette période
(éloignement du lieu de résidence, assignation à
résidence, interdiction de séjour, etc.) devaient cesser en
même temps que l'état d'urgence. Enfin, toutes les mesures prises
par les autorités administratives, dans le cadre de l'état
d'urgence doivent être communiquées au Comité National des
Droits de l'Homme et des Libertés en application de l'article 8 de la
nouvelle loi.
Toujours dans le cadre de la
remise en cause de la légalité d'exception, on mentionnera comme
acquis notable la modification de certaines dispositions du Code pénal
de 1974 par la loi n° 90/061 visant à y supprimer toute
référence au caractère politique de l'infraction.
L'article 18 nouveau dudit Code supprime en effet la peine de détention
qui sanctionnait les infractions entrant dans cette catégorie.
Toutefois, le législateur devait laisser intact l'article 153 du Code
pénal punissant d'une peine de détention l'outrage au
président de la République. Le Tribunal de grande instance de
Douala dut s'en mordre les doigts lorsqu'il dut débouter le
président de la République de sa demande en
dommages-intérêts et déclarer les prévenus
Célestin MONGA et Pius NJAWE non coupables d'outrage au président
de la République, dans l'affaire « MONGA-NJAWE-Le
messager » qui défraya la chronique judiciaire au
Cameroun en 1991198(*).
La législation sur les libertés publiques du 19
décembre 1990, en procédant à la systématisation de
la déclaration préalable, confirma sa tournure nettement
libérale. La nouvelle législation renverse en effet la
perspective ancienne en substituant le régime préventif
dominé par l'autorisation préalable qui avait prévalu
jusqu'alors par un régime libéral s'articulant sur la
systématisation de la déclaration préalable. Cette
substitution marqua du point de vue des principes un progrès
considérable dès lors que l'Administration se trouvait
dépouillée d'un pouvoir discrétionnaire dont elle usait et
abusait en cette occurrence. Etaient ainsi soumises
à la procédure de la déclaration préalable, la
création des journaux (article 7 de la loi n° 90/052 relative
à la communication sociale), la création des associations
(article 5 de la loi n° 90/053 portant liberté d'association),
exception faite des associations religieuses ou étrangères
soumises au régime de l'autorisation préalable (articles 16 et 23
de la loi sus-évoquée), l'organisation des réunions et des
manifestations publiques (articles 3 alinéa 2 et 6 alinéa 1 de la
loi n° 90/055 portant régime des réunions et des
manifestations publiques).
La situation des partis
politiques apparut sans doute comme une véritable entorse à ce
régime libéral. Désormais soumise au régime de
l'autorisation préalable en application de l'article 7 alinéa
1er de la loi n° 90/056 sur les partis politiques, la
création des partis politiques marque une nette régression par
rapport à la loi n° 67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté
d'association qui prévoyait le régime de la déclaration
préalable pour la création de toutes formes d'associations, y
compris les partis politiques et les syndicats. Et le fait que la nouvelle loi
sur les partis politiques, en son article 7 alinéa 2, substitue à
la règle du rejet implicite énoncé par l'ordonnance
n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour
suprême, celle de l'approbation tacite en cas de silence de
l'Administration au terme du délai de trois mois à compter de la
date de dépôt du dossier de demande d'autorisation du parti,
atténue très modérément le caractère
répressif du régime des partis politiques. La substitution de la
règle du rejet implicite par celle de l'approbation tacite apparut comme
une innovation de taille de la nouvelle législation sur les
libertés publiques au Cameroun. Ainsi, au terme de l'article 7
alinéa 2 de la loi n° 90/056 sur les partis politiques, en cas de
silence de l'Administration trois mois à compter de la date de
dépôt du dossier de demande d'autorisation du parti auprès
des services du gouverneur territorialement compétent, le parti en
question est réputé exister.
L'action réformatrice des
députés du parti unique n'est cependant pas à
négliger en cette occurrence qui donnera lieu à une session
parlementaire « à tous points de vue
historique », selon Pierre MOUKOKO MBONDJO199(*). Car, bien que conservant
son caractère monolithique, le Parlement avait joué un rôle
sans précédent dans la mutation normative indispensable à
l'instauration de la démocratie pluraliste au Cameroun. Plusieurs
éléments permettent en effet de soutenir un tel point de vue. Le premier est sans doute le nombre
élevé de projets de loi, une trentaine, déposés par
le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale. En plus de
l'importance de sa production normative, la session parlementaire de novembre
à décembre 1990 fut une occasion de rupture dans la pratique du
travail parlementaire depuis l'avènement du parti unique au Cameroun.
Les conséquences de la réforme législative du nouvel cadre
juridique d'exercice des libertés n'avaient cessé de confirmer la
lente mais irréversible consolidation des avancées
libérales du régime politique camerounais depuis 1991.
B -
Les conséquences de la réforme juridique
Deux conséquences
particulièrement significatives s'attachent à la réforme
juridique ainsi opérée. Il s'agit d'une part de la
création des partis politiques (1) et d'autre part de
l'adoption d'une nouvelle réglementation relative à la
compétition électorale (2).
1 - La
création des partis politiques
A la faveur de la loi n°
90/056 du 19 décembre 1990 relatives aux partis politiques, on assiste
à l'émergence de nombreux partis politiques dont le nombre est
depuis lors resté croissant.
Début janvier 1991, deux
partis politiques à savoir l'UPC et la DIC introduisent leur demande
d'autorisation auprès des autorités administratives de Douala. Le
12 février 1991, c'est-à-dire un mois après, un
arrêté du ministre de l'Administration territoriale
légalisait ces deux nouveaux partis. Le 1er mars, trois
autres partis sont reconnus : il s'agissait de l'UFDC, du PRPC et du
SDF200(*).
En 1991, cinquante huit partis
politiques étaient autorisés201(*). Cette année va révéler la
mobilité revendicative de l'opposition politique. En effet, après
avoir obtenu du régime la nouvelle législation sur les partis
politiques, le thème du multipartisme sera déclassé, entre
autres, par la revendication d'une loi électorale plus apte à
régir la compétition électorale.
2 -
L'adoption d'une nouvelle réglementation relative à la
compétition électorale
La procédure mise en place
par le président de la République avec l'appui du parti unique en
vue de la création du nouveau cadre juridique d'exercice des droits et
des libertés donna lieu à des contestations si vives de la part
des partis politiques d'opposition que s'imposa, très vite, la
nécessité d'un renouvellement de la légitimité des
gouvernants. La pression de la rue se fit en effet très forte,
animée par une opposition de mieux en mieux organisée en vue de
la convocation d'une Conférence nationale souveraine dans laquelle
seraient définies des règles équitables du jeu
démocratique. Mais, prenant à contre-pied le courant populaire,
le président de la République décida l'élaboration
d'une loi électorale en vue de l'adaptation de la représentation
nationale aux réalités nouvelles de la société que
traduisait un pluralisme partisan en pleine floraison.
C'est ainsi qu'à l'initiative du Chef de l'Etat se
tient à Yaoundé du 30 octobre au 17 novembre 1991, sous la
présidence du premier ministre, une réunion de deux cents
personnalités représentant respectivement les partis politiques,
les pouvoirs publics et la société civile. Convoquée dans
la perspective des législatives alors programmées pour la fin de
l'année 1991, cette réunion eut un seul point à son ordre
du jour officiel : il s'agissait d'examiner essentiellement la
question du code électoral et celle de l'accès des partis
politiques aux médias de service public.
Le Comité technique de rédaction de
l'avant-projet de loi portant code électoral comprend les
représentants des partis politiques, des pouvoirs publics et les
personnalités dites indépendantes202(*). De même, la
composition du Comité technique de rédaction de l'avant-projet de
décret portant accès des partis politiques aux médias
audiovisuels publics est ternaire203(*).
Après moult tractations et concertations, un projet de
loi électorale relative aux élections législatives fut
soumis au vote de l'Assemblée nationale dont le caractère
monolithique n'avait pourtant cessé d'être décrié
par l'opposition.
S'agissant de
l'unilatéralité de l'élaboration de la loi
électorale, sans doute objectera-t-on qu'elle était
injustifiée au regard des concertations et des accords qui eurent lieu
dans le cadre de la Tripartite au terme de laquelle furent recueillis les avis
des partis d'opposition et des représentants de la société
civile convoqués à l'occasion. Mais les engagements pris à
cet effet, outre qu'ils ne furent pas toujours respectés, ne liaient
aucunement l'Assemblée nationale d'un point de vue strictement
juridique, qui se réserva du reste le droit d'amender en toute
souveraineté le projet qui devait aboutir à la loi n° 91/020
du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des
députés à l'Assemblée nationale.
Aussi n'est-il pas excessif
d'avancer l'idée d'un processus quasi-unilatéral en
désapprobation duquel une partie de l'opposition avait boycotté
les élections législatives de mars 1992204(*). Cette attitude
révélait la contestation du monopole des pouvoirs publics non
seulement dans la définition des règles en matière
électorale, mais également dans leur mise en oeuvre.
§2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME
Après l'adoption de la
loi sur les partis politiques et d'une nouvelle loi électorale, s'est
posé le problème de leur mise en oeuvre. Ce d'autant plus que la
représentation nationale devenait anachronique, car elle ne
reflétait plus fidèlement la réalité du nouveau
paysage politique caractérisé par la reconnaissance légale
de l'opposition. C'est ainsi que, profitant de l'accalmie observée et la
paix retrouvée intervenues à la suite de la Tripartite, le
président de la République convoqua pour le début de
l'année 1992 le corps électoral afin de permettre au Cameroun de
se doter d'une Assemblée nationale pluraliste (A). A
l'issue des élections législatives anticipées, on a
assisté à une recomposition pluraliste du Parlement
(B).
A -
Les élections législatives anticipées de 1992
L'étude des
élections législatives anticipées de 1992 est
intéressante à un triple point de vue. D'abord, elles constituent
les premières élections pluralistes organisées sous la
seconde République. Ensuite, elles interviennent dans un contexte de
crise politique où la légitimité des pouvoirs publics est
contestée. C'est ce qui avait poussé le président de la
République à demander l'abrègement du mandat des
députés à l'Assemblée nationale monopartiste
(1). Enfin, l'organisation des élections
législatives proprement dites de 1992 inclut des acteurs nouveaux
à tous les niveaux notamment les représentants des partis
d'opposition (2).
1 -
L'abrègement du mandat des députés à
l'Assemblé nationale monopartiste
Ce fut le 16 décembre
1991 que le président de la République promulgua la loi n°
91/019 abrégeant le mandat des députés à
l'Assemblée nationale. Par cette loi, le mandat de l'Assemblée
nationale qui devait prendre fin au cours du mois d'avril 1993, fut
écourté.
Abréger le mandat de l'Assemblée nationale est
un acte grave mais qui trouve son fondement juridique dans la Loi fondamentale
elle-même (a). Cependant, le contexte dans lequel cet
abrègement intervint démontre l'insuffisance des justifications
d'ordre juridique, lesquelles doivent être complétées par
d'autres qui sont plutôt d'ordre théorique
(b).
a -
Les justifications d'ordre juridique
L'article 12 alinéa 2 de la
Constitution de 1972 dans sa mouture d'avant 1996 donne en effet au
président de la République compétence pour demander, s'il
le souhaite, à l'Assemblée nationale de décider par
une loi de proroger ou d'abréger son mandat. Ainsi, rien en principe
n'obligeait le président de la République à initier une
telle loi. Du côté de l'Assemblée nationale aussi, rien
n'obligeait les députés à adopter une loi mettant un terme
à leur mandat. En plus, le contexte concurrentiel dans lequel devaient
se dérouler les élections législatives anticipées
ne pouvait les rassurer du renouvellement de ce dernier. C'est que les
députés avaient pris conscience de l'effritement de leur
légitimité qui n'avait plus qu'un caractère formel.
Dans le contexte monolithique en effet, les
députés sont d'abord choisis et investis (voire
révoqués205(*)) par le parti unique avant d'être
présentés au peuple seulement pour approbation ; les
parlementaires étaient tout sauf des véritables
représentants du peuple qui ne les choisissait qu'au second
degré. L'article 23 par exemple des statuts de l'UNC dispose :
« Le Comité central (...) accorde les investitures du
parti à l'occasion des consultations
populaires »206(*).
Dès lors, en décidant par une loi
d'abréger le mandat reçu au terme des élections sans
choix véritable, les députés avaient pris conscience de
l'effritement de la légitimité de leur pouvoir qui n'avait pas un
caractère démocratique car non fondée sur l'investiture
populaire. Il s'agissait donc pour eux de mettre fin à une
représentation subie et non pas voulue par le peuple qui est, en
principe, la source de la légitimité dans un Etat
démocratique.
b - Les justifications d'ordre théorique
Au plan théorique,
l'abrègement du mandat des députés du parti unique se
justifiait par la perte de légitimité sociologique qui les
caractérisait en ces premières années de la
décennie quatre-vingt-dix. En effet, la doctrine oppose
traditionnellement la légitimité juridique ou formelle à
la légitimité sociologique ou matérielle.
D'après la
première conception, un régime n'est considéré
comme légitime que si la pratique constitutionnelle est conforme au type
de souveraineté affirmée par la Constitution207(*). Cela signifie par exemple
qu'un régime non issu d'élections libres alors que la
Constitution avait opté pour la souveraineté populaire ne peut se
prétendre légitime. En conséquence, un Gouvernement qui
s'écarte du type de souveraineté prévu par la Constitution
ne saurait être légitime, et l'illégitimité autorise
la désobéissance et l'insoumission, voire l'insurrection. On cite
généralement à ce propos l'exemple du Chili sous le
général PINOCHET de 1973 à 1987208(*). Dans le même ordre
d'idées, on peut dans la mesure où l'on considère que les
élections menées sous l'égide d'un parti unique ne sont
jamais libres, en inférer de même pour les pays tels le Cameroun
qui avait eu à expérimenter un monopartisme fort dans lequel les
dirigeants avaient souvent exercé leur autorité au mépris
des règles prévues par la Constitution et les lois de l'Etat.
Cette conception est susceptible
de critique : en effet, il n'y a rien à redire lorsque la pratique
est conforme au type de souveraineté affirmée dans la
Constitution et à plus forte raison lorsque ce type de
souveraineté traduit la volonté profonde des gouvernés. Il
en va de même lorsque les gouvernés ne se reconnaissent plus dans
la règle constitutionnelle en vigueur. Vouloir à tout prix faire
prévaloir la thèse juridique dans cette hypothèse serait
illogique, vu le divorce qui existe entre la volonté profonde des
gouvernés et la règle appliquée.
C'est ce risque que veut éviter la conception
matérielle de la légitimité. Selon cette seconde thèse, la
légitimité résulte de la confrontation du mode de
souveraineté mis en oeuvre par les gouvernants et de celui ressenti par
la majorité des gouvernés209(*). Autrement dit, pour que des institutions soient
considérées comme légitimes, il faut un accord entre leur
fondement tel qu'il est affirmé par les gouvernants, la pratique
politique mise en oeuvre et l'idée de droit dominante qui prévaut
dans l'opinion publique. En conséquence, si dans une nation
donnée, il y a distorsion entre les voeux de la majeure partie de la
population et la réalité des institutions, s'il y a divergence
entre les aspirations du peuple et les objectifs du pouvoir, l'autorité
devient sociologiquement illégitime. Cette conception qui fait de la
légitimité un concept de sociologie politique plutôt que
juridique est la porte ouverte à toutes les velléités de
mise en cause continuelle du droit. Elle fait en effet une large place au
subjectivisme ; ce qui occasionne souvent des divergences
d'interprétation. Elle est cependant plus favorable aux courants
d'idée prônant l'adaptation des règles de droit à
l'évolution des moeurs de la société qu'elle encadre.
Cette dernière thèse
a guidée les participants aux Conférences nationales africaines
en général et les représentants des partis politiques
d'opposition au Cameroun en particulier. Ils ont reproché aux dirigeants
d'avoir contourné la légitimité démocratique qui
correspondait aux voeux des gouvernés et que renfermaient les
Constitutions. Dès lors est-on en droit de se demander par quels
moyens ?
Ils l'ont fait en imposant par
l'intermédiaire du parti unique, des candidatures uniques à
toutes les élections alors que les Constitutions affirmaient clairement
le principe du suffrage universel, égal et secret. Ils l'ont
également contourné en confisquant la souveraineté du
peuple ou de ses représentants (élus à l'issue
d'élections non libres) au profit d'un petit groupe d'hommes (les cadres
du parti unique) et, le plus souvent d'un seul homme, le Chef de l'Etat qui
était devenu en fait le seul détenteur de la
souveraineté210(*).
Pour toutes ces raisons, les
oppositions et les conférenciers se sont efforcés de contester la
légitimité des dirigeants issus du système de parti unique
de fait ; légitimité que, selon eux, le peuple avait
retirée : les contestations violentes, les manifestations de rue,
les grèves générales, la contestation des symboles du
pouvoir et les affrontements avec les forces de l'ordre et l'armée
étaient là pour le prouver. Le peuple, et plus
précisément une partie de celui-ci, en suivant les mots d'ordre
de l'opposition, avait manifesté clairement son intention d'en tenir les
leaders pour les autorités légitimes.
A cet égard et selon M.
APOLOO, « la légitimité a changé de camp (dans
notre pays); elle est aujourd'hui représentée par l'opposition
démocratique, qui est porteuse du nouveau concept de rapports politiques
prédominants »211(*). L'auteur poursuit sa démonstration pour
l'expliciter davantage : « l'obéissance du
peuple à ceux qui lui proposent un nouveau contrat social confirme la
perte de légitimité du Gouvernement actuel. Le pouvoir
légitime étant celui qui incarne le concept politique
prédominant, on ne doit légitimes que les gouvernants qui en sont
effectivement les agents d'exercice »212(*).
La thèse sociologique de la
légitimité, favorable aux aspirations modernes des peuples au
changement vers plus de liberté, comporte néanmoins une
incertitude : qui est chargé de prendre la mesure du nouveau
concept qu'on dit dominant, comment et à partir de quel moment il le
devient ?
Il n'y a aucun problème
lorsque c'est le peuple dans son ensemble, hypothèse rarissime, qui se
lève pour réclamer un nouvel ordre politique. Mais, lorsque ce
n'est pas le cas, lorsque c'est une fraction du peuple, fut-elle significative
qui se soulève et cherche, par des actes spectaculaires ou de violence,
à imposer ses points de vue politiques, il n'y a pas de doute que cela
pose problème. L'histoire contemporaine nous a légué
quelques exemples : on se rappelle les journées révolutionnaires
organisées par les partis communistes d'Europe sous la pression des
bolcheviks au début des années 1920, ou les grandes grèves
de 1947 orchestrées en France par le parti communiste et la
confédération générale des travailleurs (CGT) en
vue de déstabiliser le régime213(*). En Afrique, on a assisté dans certains pays
à des retournements de situation. Il en a été ainsi
notamment lorsque les régimes contestés ont réussi
à mobiliser leurs partisans et à les faire sortir dans la rue
pour s'opposer à ceux de leurs adversaires politiques. Ce fut le cas au
Togo, au Burkina Faso, au Congo, au Zaïre et au Cameroun.
Il est donc difficile de vouloir
faire triompher exclusivement la conception formelle ou la conception
matérielle. La première, favorable à la stabilité
gouvernementale, peut être taxée de conservatrice. Elle est
néanmoins plus sécurisante que la seconde qui, dynamique et au
service du changement, ouvre la voie aux aventures politiques en tout genre, et
donc susceptible d'être une source continuelle
d'insécurité. Il n'empêche que les conférenciers
ont, dans leur ensemble, privilégié la conception
matérielle de la légitimité voire de la
souveraineté, traduisant ainsi leur désir de changement des
régimes en place. C'est pour contrer ce raccourci
antidémocratique de conquête du pouvoir que furent
organisées au Cameroun les élections législatives de 1992.
2 -
Les élections législatives de 1992
La loi n° 91/019
abrégeant le mandat de l'Assemblée nationale avait une
portée limitée dans le temps. Il ressort en effet de l'article
1er de cette loi que ce mandat devait prendre fin le deuxième
lundi après le jour du scrutin relatif aux élections
législatives anticipées. Il sera question ici de s'appesantir
d'une part sur la présentation des acteurs et des résultats des
premières législatives pluralistes au Cameroun depuis 1972. Ces
élections avaient connu la participation de plusieurs acteurs
composés essentiellement des acteurs politiques tels le président
de la République et les partis politiques. Ces acteurs politiques
(a) doivent être distingués des acteurs
institutionnels (b).
a -
Les acteurs politiques
S'agissant des acteurs
politiques, il faut observer que le président de la République du
Cameroun domine de toute sa stature la scène électorale. Les
pouvoirs qu'il exerce en matière électorale tirent leur fondement
de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions
d'élection des députés à l'Assemblée
nationale. Mais, on ne peut pas parler d'exclusivité
présidentielle du seul fait que les articles 4, 67, 68 et 69 de la loi
précitée renvoient tous à un décret, aucune
disposition ne mentionnant expressément le président de la
République. Toujours est-il que c'est lui qui, dans la pratique,
convoque les élections, en fixe la date et quelques principes relatifs
à leur déroulement. Le pouvoir de convocation des
électeurs résulte de l'article 67 de la loi électorale qui
précise que les électeurs sont convoqués par décret
et que l'intervalle entre la publication du décret y afférent et
le jour du scrutin est de 45 jours au maximum. Le scrutin a lieu un dimanche,
un jour férié ou un jour déclaré
férié et chômé. Le scrutin ne dure qu'un jour.
Enfin, le décret de convocation des électeurs précise les
heures d'ouverture et de fermeture des bureaux de vote. Ainsi, le
président de la République joue un rôle important dans le
processus électoral où se battent les partis politiques en vue de
conquérir le suffrage du corps électoral.
On définit
généralement un parti politique comme un
« groupement d'hommes qui partagent les mêmes idées
sur l'organisation et la gestion de la société et qui cherche
à les faire triompher en accédant au
pouvoir »214(*). Ainsi entendus, les partis politiques sont des
acteurs incontournables du processus électoral. Ceci d'autant plus que
l'ex-parti unique va faire face à une concurrence de la part des
nouveaux partis politiques. Longtemps en effet, celui-là était
seul admis et détenait la réalité du pouvoir en
contradiction flagrante avec les dispositions textuelles en vigueur. En outre,
ni la Constitution, ni la loi électorale précitée
n'admettaient les candidatures indépendantes, c'est-à-dire
concrètement que, tout citoyen désireux de briguer un
siège au Parlement ne pouvait l'obtenir que par le biais d'une
investiture du parti. Le parti dispose en effet du monopole d'investiture des
candidats aux élections législatives. Désormais, les
partis politiques sont des acteurs incontournables du processus
électoral.
Demeurait cependant maintenue, l'exclusion des candidatures
indépendantes. Ceci résulte de l'article 70 de la loi n°
91/020 précitée dont l'alinéa 2 précise, entre
autres, que la déclaration de candidature est également
accompagnée d'une attestation par laquelle le parti politique investit
l'intéressé en qualité de candidat.
Quoi qu'il en soit, le législateur camerounais avait
depuis le 19 décembre 1990 instauré un multipartisme
intégral obligeant les autorités administratives
compétentes à légaliser tous les partis politiques qui
leur en font une demande expresse.
D'autres restrictions étaient cependant imposées
à ceux-ci dans leur fonctionnement. Certaines sont posées par la
Constitution elle-même qui dispose en son article 3 que les partis et
formations politiques doivent respecter les principes de la démocratie,
de la souveraineté et de l'unité nationale. Elle renvoie à
la loi le soin d'encadrer l'exercice de leurs activités. C'est
d'ailleurs sur cette base juridique que l'Assemblée nationale devait
adopter la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis
politiques sur laquelle les leaders de l'opposition se sont appuyés pour
donner une existence légale à leurs mouvements.
C'est ainsi qu'à la
veille des élections législatives du 1er mars 1992, 68
partis politiques se disputaient la scène politique. Mais, seulement 30
d'entre eux avaient présenté des candidatures à la
députation dans les 49 circonscriptions du pays215(*). Ils avaient au total
présenté 751 candidats lors des législatives de 1992
pendant lesquelles ils avaient en plus le droit de désigner leurs
représentants au sein des instances chargées des
opérations électorales.
b -
Les acteurs institutionnels
Avec la loi électorale de
1991, le ministère de l'Administration territoriale va perdre le
monopole dans l'organisation et la conduite de l'ensemble du processus
électoral. La nouvelle loi en la matière confiait l'organisation,
la conduite et la supervision des opérations électorales à
des Commissions mixtes au sein desquelles l'Administration tout comme les
partis politiques étaient appelés à designer leurs
représentants. C'est que, sortant d'un système de parti unique
où l'Administration avait le monopole de tout le processus
électoral, les leaders des nouveaux partis politiques doutaient de la
neutralité du ministère de l'Administration territoriale d'autant
plus que tous les cadres de l'Administration étaient suspectés
d'avoir une logique de gestion fondée sur le clientélisme. C'est
justement conscient de cet état des choses que le législateur de
1991 marqua sa préférence pour la création des Commissions
mixtes où tous les protagonistes de la compétition
électorale auront, à travers leurs représentants, le
droit de contrôler le processus électoral. Ces Commissions
trouvent leur fondement à l'article 26 de la loi électorale qui
crée des Commissions électorales mixtes chargées
respectivement des opérations préparatoires aux élections,
de l'organisation et de la supervision des opérations
électorales, des opérations de vote et du recensement
général des votes.
S'agissant d'abord des Commissions
chargées des opérations préparatoires, il en existe deux
types, à savoir les Commissions de révision des listes
électorales216(*)
et les Commissions de contrôle de l'établissement et de la
distribution des cartes électorales217(*). S'agissant ensuite de l'organisation et de la
supervision des opérations électorales, des opérations de
vote et du recensement général des votes, on distingue trois
catégories de Commissions créées respectivement au niveau
local, départemental et national. Au niveau local, il est
créé pour chaque bureau de vote une Commission locale de
vote218(*). Au niveau
départemental, il est créé une Commission
départementale de supervision chargée de veiller à la
régularité, à l'impartialité et à
l'objectivité des élections dans le département219(*). Enfin, au niveau national,
est créée une Commission nationale de recensement
général des votes. Cette dernière se distingue des
Commissions suscitées sur quelques points. C'est la loi
électorale elle-même qui précise la qualité de
certains de ses membres. Il en est ainsi du président de la Commission
qui doit être désigné par le président de la Cour
Suprême parmi les magistrats de ladite Cour. Relativement aux membres de
cette Commission, il est également prévu la désignation de
deux d'entre eux par le même président et toujours parmi les
magistrats de l'ordre judiciaire. Le reste des membres de la Commission
était composé ainsi qu'il suit : dix représentants de
l'Administration désignés par le ministre chargé de
l'Administration Territoriale et dix représentants des candidats
désignés par les partis politiques ayant pris part au scrutin. Le
recensement général des votes se fait en public au siège
de la Cour Suprême.
Comme on le voit, en dehors de
la présence des personnalités dites indépendantes au sein
de la Commission départementale de supervision220(*), il se dégage une
constance dans la composition des Commissions. Ainsi retrouve-t-on dans chaque
Commission la trilogie constituée des représentants de
l'Administration, des représentants des partis politiques et des juges.
A ces acteurs politiques et institutionnels s'ajoutent les électeurs.
Au terme des élections
législatives de mars 1992, seuls quatre partis politiques sur la
trentaine de départ vont se partager les 180 sièges en
compétition. Il s'agit du RDPC qui vient en tête avec 88
sièges, suivi de l'UNDP qui obtient 68 sièges, puis de
l'UPC qui va glaner 18 sièges et enfin le MDR se contentera des 6
sièges restant.
Ces résultats
électoraux allaient donner au Parlement une configuration pluraliste.
B -
La configuration pluraliste du Parlement
Parler de la configuration
pluraliste du Parlement revient à examiner deux points
caractéristiques du tout premier Parlement démocratique du
Cameroun de la décennie 90 : il s'agit de la majorité
(1) et de l'opposition parlementaires (2).
1 -
La majorité
La majorité peut être
entendue comme « Parti ou coalition de partis détenant la
majorité des sièges du Parlement et servant d'appui au
Gouvernement en régime parlementaire »221(*). Ainsi comprise, la
majorité renvoie aux partis voire à un ensemble de partis qui
partagent les mêmes vues que le Gouvernement. A l'issue des
élections législatives de 1992, le RDPC est le parti politique
ayant obtenu le plus de sièges à l'Assemblée nationale
sans qu'il ne s'agisse cependant de la majorité absolue. Avec 88
sièges seulement sur les 180 sièges prévus, il se situait
à trois sièges de la majorité absolue qui lui aurait
permis de garder un pouvoir de dernier mot dans la procédure
législative ou de révision constitutionnelle. Certains auteurs
ont perçu ce scrutin comme un vote-sanction, arguant que les partis qui
s'étaient présentés sous la bannière de
l'opposition avaient obtenu ensemble plus de sièges que le parti du Chef
de l'Etat222(*). Et
n'eut été le refus du MDR de coaliser avec les autres partis
d'opposition présents au Parlement, le RDPC aurait eu tous les
problèmes du monde à former un Gouvernement.
Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune parti politique
à jouer un rôle déterminant de nature à bouleverser
les équilibres sortis directement des urnes. En effet, ne disposant que
6 députés dans un Parlement qui en compte 180, d'aucuns diraient
que sa moisson n'était pas abondante. Mais, c'est négliger le
rôle d'arbitre que devait jouer ce parti dans les tractations qui
alimentent la vie de tout Parlement pluraliste. C'est ainsi que grâce
à l'appui du MDR, le RDPC au pouvoir avait pu former un Gouvernement le
9 avril 1992, coiffant ainsi au poteau ses suivants immédiats l'UNDP et
l'UPC. Est-il besoin de rappeler que les 88 sièges remportés par
l'ex-parti unique ne lui permettaient pas d'avoir la majorité absolue,
c'est-à-dire d'avoir au moins 91 députés sur les 180 que
compte l'Assemblée nationale ? La formation d'un Gouvernement
apparaissait alors comme un véritable casse-tête. En acceptant de
faire partie de la majorité présidentielle, le MDR avait
tiré le RDPC de l'embarras223(*). Bien avant la formation du Gouvernement, le MDR
était entré en force au Bureau de l'Assemblée où il
obtint un poste de vice-président, un secrétaire et un
questeur224(*). Le MDR
et le RDPC avaient constitué à eux deux le premier Bureau de
l'Assemblée nationale pluraliste.
Comme on le voit, la formation
politique au pouvoir était, dès les premières
élections de l'ère du pluralisme politique, bousculée dans
sa position de monopole exclusif qu'elle avait occupé jusque-là
tant sur l'échiquier politique national qu'à l'Assemblée
nationale. Le RDPC payait certes le prix électoral des
difficultés économiques et sociales éprouvées par
les déflatés des programmes d'ajustement structurel. Mais
au-delà de ce constat classique qui s'applique à tous les partis
défendant un bilan gouvernemental, s'ajoutait un
phénomène, tout aussi classique d'essoufflement. Aux affaires
depuis 1973, l'ex-parti unique souffre d'un déficit d'image, de discours
et de crises internes. Ce dernier n'a pas su changer profondément la
culture politique d'un parti naguère solitaire et qui, désormais
est sommé de s'adapter au nouveau contexte pluraliste et donc
concurrentiel. Le thème de la
« démocratisation interne du
parti » brandi par le président Paul BIYA et
président national de ce parti ne s'est pas accompagné d'un appel
d'air qui aurait, entre autres, attiré vers le parti davantage de
représentants de la société civile.
Parallèlement à ce
succès en demi-teinte de l'ex-parti unique, les partis d'opposition font
une entrée triomphale à l'Assemblée nationale.
2 -
L'opposition
De manière
générale, l'opposition peut être définie comme
« le ou les partis politiques qui s'opposent à
l'équipe au pouvoir en exerçant une fonction de surveillance et
de critique, en informant l'opinion, voire en préparant une
équipe gouvernementale de rechange »225(*). Ainsi entendue,
l'opposition renvoie à l'ensemble des formations politiques qui se
dressent contre le Gouvernement en place aussi bien dans les Assemblées
parlementaires qu'en dehors de celles-ci. Dans le second cas, l'opposition est
dite extra parlementaire et regroupe les partis ou coalitions de partis
politiques qui, après la compétition électorale, ne
disposent pas de représentation au Parlement. Elle constitue d'ailleurs
incontestablement la plus importante opposition politique au Cameroun,
notamment sur le plan numérique. Dans le premier cas en revanche,
l'opposition est assurée par les partis qui s'opposent au Gouvernement
en place mais plutôt dans l'enceinte parlementaire. En effet, la
démocratie représentative fait du Parlement le principal cadre
organisationnel de l'expression de la souveraineté du peuple, le lieu
d'affrontement et de confrontation des représentants choisis par les
citoyens pour prendre part à la détermination de la
volonté nationale. C'est donc au Parlement que les droits de la
minorité doivent être protégés . Mais il
n'en a pas toujours été ainsi au Cameroun.
Longtemps diabolisée par
les pouvoirs publics, l'opposition politique jusqu'en 1990 n'avait aucun moyen
institutionnel pour jouer le rôle qu'on lui reconnaît dans toute
démocratie pluraliste. Le contexte de « parti
unifié » de fait caractérisé par
« le règne de l'UNC » (avant
1985)226(*) et du RDPC
(entre 1985 et 1990) ne lui donnait en effet aucun pouvoir d'ingérence
sur la manière dont les affaires publiques étaient conduites.
L'opposition était considérée comme une anomalie pour le
développement du pays et le bon fonctionnement des institutions. A
défaut de chanter eux aussi « les louanges du parti
unique », les leaders des partis politiques de l'opposition,
tout comme les militants du parti unique désireux de changer
d'opinion227(*),
n'avaient qu'une option : choisir entre l'exil et la prison voire entre
« l'exil ou la guerre »228(*).
Toutefois, le renouveau du
parlementarisme pluraliste va tenter de combler ces lacunes, étant
donné que la reconnaissance de l'opposition et la place plus ou moins
grande qui lui est accordée dans la vie politique sont devenues les
critères décisifs dans la détermination de la
réalité de l'ouverture démocratique d'un pays. Ainsi,
comme dans le Parlement camerounais des premières années de
l'indépendance, le pluralisme politique va à nouveau s'exprimer
à l'Assemblée nationale en ce début de la décennie
90.
Parmi les partis politiques
d'opposition qui figurent au Parlement, on a l'UNDP, l'UPC et le MDR. Ces
habits neufs229(*) du
Parlement ont respectivement obtenus 68, 18 et 6 députés à
l'issue des législatives de mars 1992. Du coup, l'UNDP se positionne
comme la deuxième force politique du Cameroun après le RDPC. Elle
se présente comme un parti jouissant d'un large soutien de la
population. Ceci s'illustre par le raz de marée de ce parti dans les
trois provinces septentrionales du pays où il a obtenu 31 des 50
sièges en compétition. De même, hors de son fief, l'UNDP a
obtenu 37 sièges, ce qui porte son total à 68
députés dans une Assemblée nationale qui en compte 180.
Avec ses 18
députés, l'UPC occupe la troisième place à
l'Assemblée nationale même si en réalité elle est
l'aînée des formations politiques en activité dans le pays.
Le MDR qui a également conquis sa place à
l'Assemblée nationale où il dispose de 6 sièges, ferme la
liste des partis d'opposition les plus représentatifs.
L'irruption des partis d'opposition au Parlement n'a pas eu
pour conséquence un simple bouleversement de la configuration politique
en son sein, elle y a aussi contribué à accentuer le débat
contradictoire. En effet, l'opposition
parlementaire exerce une fonction tribunitienne de critique de la politique
déterminée par la majorité gouvernementale, une fonction
de modération et de surveillance qui lui permet d'influer sur le destin
des textes débattus au Parlement. A ce titre, les membres de
l'opposition parlementaire disposent du droit de prendre la parole, le droit de
proposition des lois ainsi que du droit de proposer des amendements aux textes
soumis à la délibération du Parlement. Ils doivent aussi
disposer d'un temps de parole suffisant pour formuler leurs critiques à
l'encontre de la politique gouvernementale en général et du texte
à adopter en particulier. Un tel travail améliore la
qualité de la législation, car une longue discussion qui
précède l'adoption de la loi garantit que tout ou presque tout a
été dit pour ou contre la mesure adoptée. Il en
résulte une grande crédibilité des textes adoptés.
L'avènement d'une opposition parlementaire
était donc de nature à enrichir l'activité normative du
Parlement de même que le contrôle parlementaire de
l'Exécutif.
Toutefois, ses fonctions méritent d'être
fortement relativisées. Si l'opposition participe aux
délibérations du Parlement, elle se trouve marginalisée et
ses initiatives reçoivent très souvent peu d'écho
favorable au sein du parti au pouvoir même lorsqu'elles paraissent
pertinentes230(*). Qui
plus est, l'activité de contrôle reste en général
sans influence sur l'attitude du Gouvernement.
En somme, au Parlement, les députés de
l'opposition risquent d'être dans l'impossibilité de s'exprimer
clairement et pleinement si leurs initiatives ne sont pas prises en
considération par le Gouvernement qui dispose par ailleurs du pouvoir de
dernier mot sur les points à inscrire à l'ordre du jour, pouvoir
qui a été maintenu par toutes les révisions
constitutionnelles y comprise celle de 1996231(*).
Section 2 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 18 JANVIER
1996
La révision
constitutionnelle de 1996 présente des traits quelque peu
différents qui la démarquent de toutes les révisions de la
Constitution du 2 juin 1972. D'une part, le monopole jadis incontesté du
président de la République en matière constitutionnelle
est remis en cause par les nouveaux acteurs de la vie politique que sont les
partis d'opposition. Ceux-ci réclament le démantèlement du
régime institué au Cameroun depuis 1972 par l'élaboration
d'une nouvelle Loi fondamentale plus conforme à la nouvelle donne
libérale en cours sur le continent. Mais, un usage simultané de
ses prérogatives constitutionnelles et de sa place dans le
système politique camerounais va permettre au président de la
République d'avoir une maîtrise quasi totale du processus de
révision (§1).
D'autre part, la loi
constitutionnelle à laquelle ce processus a abouti constitue de par son
étendue, une réforme jamais opérée par
l'Assemblée nationale. Pour cette raison, sa nature est
controversée, surtout au plan doctrinal (§2).
§1 : LE PROCESSUS DE REVISION CONSTITUTONNELLE
MAITRISE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Si la Constitution du 2 juin
1972 est encore en vigueur, ce n'est incontestablement pas de son initiateur
Ahmadou AHIDJO qu'elle doit cette longévité. Celle-ci est en
revanche due à l'action de son successeur constitutionnel : Monsieur
Paul BIYA. Toutes les tentatives des partis d'opposition tendant à la
rupture d'avec l'ordre constitutionnel en vigueur ont subi la censure de ce
dernier qui contrôle toutes les étapes du processus de
réforme constitutionnelle. Il contrôle la phase d'initiative
(A) et détermine seul l'organe devant procéder
à l'adoption définitive de la révision à savoir
l'Assemblée nationale (B).
A -
Le contrôle présidentiel de la phase d'initiative
Contrairement à nombre de
ses homologues des autres Etats africains qui ont été contraints
par l'opposition naissante à procéder à
l'établissement d'une nouvelle Constitution232(*), le président de la
République du Cameroun, s'appuyant sur la règle
constitutionnelle, est resté le principal artisan du processus de
démocratisation du régime politique camerounais. C'est ainsi
qu'il allait reprendre habilement une initiative qui avait pourtant failli
l'échapper en faisant prévaloir
ses « propositions » de révision de la
Constitution (2) sur l'avant-projet de Constitution
inspiré par la Tripartite et rendu public le 18 mai 1993
(1).
1 -
L'avant-projet de Constitution du 18 mai 1993
Une précision s'impose ici
relativement à la nature de la Tripartite car elle est indispensable
pour comprendre l'attitude ultérieure du président de la
République jusqu'en 1996. A cet égard, précisons tout de
suite que la Tripartite n'est pas une conférence nationale comme celle
qui avait eu lieu dans certains Etats du continent africain à cette
époque. En plus, la question constitutionnelle ne figure pas
initialement à son ordre du jour, l'instance ayant été
réunie dans la perspective des législatives alors
programmées pour la fin de l'année 1991 à l'effet
d'examiner essentiellement la question du code électoral et celle de
l'accès des partis politiques aux médias de service public. En
d'autres termes, la Tripartite n'était pas dans sa philosophie
constitutive, différente de la Commission mise en place par le
Gouvernement en 1990 pour reprofiler l'armature législative des
libertés publiques au Cameroun, faire des propositions en ce sens au
Gouvernement, lequel préparerait des projets de textes à
soumettre au législateur. Ainsi, pour le Gouvernement, elle
procédait d'une démarche consultative, de concertation dans un
souci de consensus politique sur la règle électorale. Et aucune
question d'ordre constitutionnelle n'est initialement inscrite à son
ordre du jour. Dès lors, plusieurs questions viennent à
l'esprit : pourquoi et comment la réforme constitutionnelle
sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de la Tripartite ? Quelle a
été la procédure d'élaboration de l'avant-projet de
Constitution du 18 mai 1993 (a) ? Qu'est-ce qui explique
son infortune postérieure et son remplacement corrélatif par un
projet de révision dont le président de la République sera
le seul initiateur (b) ?
a -
La genèse de l'avant-projet de Constitution
La réponse à la
première question ci-dessus posée découle de la conception
large qu'avaient les partis politiques d'opposition de l'ordre du jour de la
rencontre. En effet, pour les partis politiques d'opposition, qui militaient
unanimement pour une Conférence nationale souveraine, l'espoir
caressé était de faire de ce forum une Conférence
nationale. Ils demandèrent alors l'inscription de la réforme
constitutionnelle à l'ordre du jour des travaux de la Tripartite. Dans
un premier temps, le Gouvernement refuse de modifier l'ordre du jour de ladite
réunion. Face à ce refus, 40 des partis d'opposition annoncent la
suspension de leur participation aux travaux233(*). C'est devant cette annonce et surtout eu
égard au contexte éruptif d'alors que le Gouvernement devait
concéder à l'opposition une réforme constitutionnelle.
La résolution d'engager une
réforme constitutionnelle fut prise le 17 novembre 1991. C'est à
cette date en effet que la Tripartite signe une Déclaration,
c'est-à-dire une sorte d'Accord politique prévoyant, entre
autres exigences, l'inscription à l'ordre du jour d'un deuxième
point portant sur la réforme constitutionnelle. Le troisième
point de ces exigences était ainsi conçu :
« 3 - Sur la
réforme constitutionnelle
a - Inscription de ce point
à l'ordre du jour.
b - Création d'une
3ème Commission chargée de débattre des
problèmes constitutionnels.
c - Mise sur pied par la
Commission d'un Comité Technique Tripartite chargé de
préparer les propositions relatives à cette réforme et
à une programmation dans le temps des travaux y relatifs.
d - Organisation d'une
nouvelle rencontre Tripartite constituée d'accord parties pour adopter
les propositions du Comité Technique Tripartite. Cette rencontre aurait
lieu avant les élections législatives »234(*).
En application de cette mesure, il
fut créé au sein de la Tripartite une Commission chargée
des problèmes constitutionnels. Cette Commission créa à
son tour un Comité Technique Tripartite chargé d'élaborer
un avant-projet de Constitution et un Comité de rédaction sur les
questions constitutionnelles de onze membres dont dix juristes et un
sociologue235(*). Le
rôle de ce dernier organe est donc d'assurer la rédaction
juridique de l'avant-projet de Constitution.
Les travaux de ce Comité
se déroulaient en deux étapes, à savoir en
Commissions spéciales et en Assemblée plénière. La
composition de Commissions spéciales n'obéissait à aucun
critère déterminé d'avance. En effet, deux ou trois
membres s'entendaient volontairement pour travailler sur un chapitre
déterminé de la future Constitution et rédigeaient
à la fin de leurs discussions un rapport général bilingue
qui était par la suite discuté en Assemblée
plénière236(*). A cette instance, s'ouvrait une discussion
générale sur la philosophie du chapitre et sur les points
précis de ce dernier. A la fin était adopté le texte
définitif du chapitre, quitte aux secrétaires à en
arranger une structure lisible par articles, par paragraphes voire par
sections.
Cependant, l'unanimité n'avait pas prévalu sur
certains points. Les membres du Comité de culture anglophone voulaient
particulièrement une structure de l'Etat de tendance
fédérale, ce que contestaient les membres de culture francophone
qui tenaient au respect strict du mandat de la Tripartite et portant sur un
Etat unitaire largement décentralisé, pour ne pas dire
régionalisé237(*). Le Comité travailla pendant dix-huit mois
entre le 27 novembre 1991 et le 17 mai 1993, date à laquelle le texte de
l'avant-projet de Constitution par lui élaboré sera rendu public.
Mais, alors qu'on pouvait s'attendre à ce que la
Tripartite soit à nouveau convoquée pour examiner le travail de
son Comité de rédaction sur les questions constitutionnelles, le
président de la République créa plutôt par
arrêté du 17 mai 1993, un Comité technique chargé du
projet de révision de la Constitution. Composé de vingt-neuf
membres238(*), y compris
les onze membres du Comité de rédaction précédent,
le nouveau Comité avait pour tâche de finaliser l'avant-projet de
Constitution en tenant plus ou moins compte des suggestions résultant du
large débat avec l'opinion nationale tel que souhaité par le Chef
de l'Etat. En fait, le large débat qui devait permettre de
dégager les principales orientations du nouveau texte était
censé tenir compte de la position des camerounais sur la réforme
constitutionnelle. Ceux-ci devaient communiquer leurs voeux par voie de
courrier postal, de téléphone, de fax ou à travers la
télévision et les journaux, etc. Le nombre élevé
des suggestions recueillies dans le cadre du large débat témoigne
s'il était encore besoin, la détermination du peuple camerounais
à participer à l'élaboration de la nouvelle Loi
fondamentale. A preuve, des milliers et des centaines de milliers de documents
parvinrent aux membres du Comité technique, documents que, en
vérité, peu d'entre eux n'eurent pas le temps et la
volonté de lire, en raison parfois du caractère farfelu des
propositions, du peu de temps accordé aux membres pour clore leurs
travaux (soit deux semaines maximum) et aussi du caractère technique de
la chose constitutionnelle239(*).
En l'absence de publication
officielle intégrale et en raison du caractère subjectif et
incomplet des écrits publiés par certains auteurs ou
participants, il est difficile de savoir quel a été
précisément le rôle des diverses contributions
individuelles dans l'élaboration de la loi constitutionnelle de 1996. Il
est en revanche possible de déterminer grosso modo les raisons
de la confiscation ou mieux de « l'enterrement de
l'avant-projet de Constitution de mai 1993 »240(*) par le Chef de l'Etat.
b -
Le rejet de l'avant-projet de Constitution
Plusieurs raisons permettent de
mieux comprendre ce changement de cap. Certaines sont d'ordre politique tandis
que d'autres relèvent du droit positif.
Politiquement, on avance que
l'avant-projet de Constitution avait été abandonné parce
que les positions des membres de la Tripartite avaient évolué en
faveur du président de la République. En effet, le contexte
politique national avait subi de profonds bouleversements en 1992, lesquels
avaient notamment disloqué le pôle de l'opposition et
modifié les positions des uns et des autres par rapport à la
question constitutionnelle. D'une part, des élections
législatives anticipées de 1992, boycottées par une partie
de l'opposition, avaient émergé de nouvelles forces politiques
à côté de l'ex-parti unique telles l'UNDP, l'UPC et le MDR.
Ces deux derniers partis étaient rentrés dans une alliance
gouvernementale avec le RDPC. D'autre part, les élections
présidentielles avaient eu lieu en octobre de la même
année, une élection aux résultats contestés par le
SDF et son candidat, Monsieur John FRU NDI. Ainsi, 1992 est une année
marquée par la conquête des pouvoirs législatif et
exécutif et la question constitutionnelle n'est manifestement pas une
priorité politique. Ensuite, du discours du Chef de l'Etat à
l'occasion de l'installation des membres du Comité Consultatif
constitutionnel, ressortent des éléments traduisant son
désaccord par rapport au contenu de l'avant-projet de Constitution.
« Ce que nous cherchons depuis plus de dix ans, avec
persévérance et méthode, affirme-t-il, c'est adapter et
intégrer un système de valeurs universelles à un contexte
camerounais qui a ses réalités, ses particularités et
même ses impératifs conjoncturels (...). Nous ne voulons pas
transposer chez nous, aveuglement, sans discernement, des recettes
étrangères toutes faites, des modèles d'emprunt,
eussent-ils réussi ailleurs, car le Cameroun--je l'ai dit en d'autres
circonstances--a son identité propre (...). Une bonne Constitution doit
pouvoir condenser et refléter les aspirations communes d'un peuple dans
le présent, anticiper sur celles du futur, et résister aux
aléas du temps, pour mériter d'être le gage de la
pérennité de l'Etat et de la Nation »241(*).
Le chef de l'Etat utilise également un argument d'une
évidente solidité tirée cette fois de la Constitution pour
justifier la prééminence de ses vues sur celles de ses
adversaires, en particulier le défaut de titre juridique sans lequel
ceux-ci ne pouvaient parler au nom du peuple : « A quel titre une
poignée de gens sans mandat du peuple s'arrogerait-elle le droit de
parler en son nom, de mettre à l'écart les institutions
existantes, de légiférer et de décider de l'avenir de la
nation ? »242(*), se demandait déjà le président
Paul BIYA dans son discours du 27 juin 1991 devant l'Assemblée
nationale. Bien que prononcé longtemps avant l'établissement de
l'avant-projet de Constitution, il n'en demeure pas moins que ce discours
résumait à suffisance la position de son auteur tout au long du
processus ayant abouti à la révision de 1996 et mérite une
attention particulière, tant elle éclaire sur sa démarche
ultérieure. Monsieur BIGOMBE LOGO et Madame MENTHONG ont donc raison
d'écrire que : « le pouvoir en place fonde sa position sur
une lecture intéressée de la Constitution qui consacre le
monopole de la représentation nationale et l'action des pouvoirs
élus. La Constitution du 2 juin 1972 ne permet pas la mise entre
parenthèses des institutions publiques, la conférence nationale
souveraine n'est donc pas légale »243(*). Il en résulte que
seules les initiatives du président de la République semblaient
conformes au droit positif.
2 -
Les « propositions du président de la République pour la
révision de la Constitution »
Avec la publication des
propositions du président de la République, la procédure
arrêtée par la Tripartite était dorénavant et
définitivement renvoyée aux calendes grecques. Et le fait que le
président de la République parle de «
propositions » ne doit pas conduire à penser qu'il
s'agissait d'une contribution présidentielle au large débat sur
la future Constitution camerounaise. Il s'agissait plutôt, à
l'évidence, d'un changement de stratégie du président de
la République consistant en un recul par rapport aux orientations
initiales données à la réforme constitutionnelle au
Cameroun. Elle apparaissait comme une reprise d'initiative par le
président de la République qui opta ainsi purement et simplement
pour une révision de la Constitution de 1972, d'où l'appel
à un nouvel organe consultatif : le Comité consultatif pour
la révision de la Constitution.
En effet, par décret
n° 94/234 en date du 14 décembre 1994, le président de la
République institue un Comité consultatif pour la révision
de la Constitution dont la tâche est de « donner avis sur
les propositions de révision de la Constitution à lui soumises
par le président de la République ». Ce
Comité comptait cinquante sept personnalités représentant
respectivement les partis politiques, les personnalités (anciens hommes
politiques, chefs traditionnels, etc.), les autorités religieuses, les
personnalités compétentes et les pouvoirs publics244(*). Il était
présidé par le premier ministre, Monsieur Simon ACHIDI ACHU et
avait pour rapporteur Monsieur Pierre MOUKOKO MBONJO.
Il ressort du décret de création de ce
Comité installé le 15 décembre 1994, que ce dernier devait
travailler « jusqu'au 22 décembre au plus
tard »245(*). Soit huit jours en tout ! La
conséquence en est que l'avis du Comité consultatif
constitutionnel reste, pour l'essentiel, un mystère. En tout état
de cause, et comme le relève à juste titre le Professeur
Alain-Didier OLINGA, le choix de la confidentialité, en matière
de sédimentation constitutionnelle, ne participe pas de la logique
démocratique, faite de transparence. En effet, tout au long du
processus, le pouvoir a feint la transparence tout en étant secret, il a
feint de jouer la consultation et le consensus tout en demeurant dans
l'unilatéralisme.
Comme on le voit, dans la phase d'initiative de la
révision constitutionnelle de 1996, le malentendu avait
été total : les dirigeants voulaient faire de la Tripartite une
sorte d'Etats généraux chargés d'examiner l'état de
la société et de faire des propositions en vue de sortir de la
crise ; l'opposition en avait fait une instance investie du pouvoir d'exercer
le commandement suprême. Les voies et arguments utilisés pour y
parvenir étaient cependant juridiquement contestables, car les membres
de l'opposition ne pouvaient ni se prévaloir de la qualité de
représentants du peuple, ni se prétendre investis par ce peuple
d'un quelconque mandat.
B -
L'intervention de l'Assemblée nationale
L'option du président de
la République pour la voie parlementaire de révision au
détriment de celle référendaire mérite une
explication, car celle-ci semblait privilégiée par rapport
à celle-là. D'où la nécessité de
s'appesantir sur les justifications du recours à l'Assemblée
nationale au détriment du peuple (1) en vue de
l'adoption de la loi de révision constitutionnelle de 1996
(2).
1 -
Les justifications du recours à l'Assemblée nationale
Certes, à l'époque
du monopartisme triomphant, il était courant pour le président de
la République de recourir au Parlement pour l'adoption des projets de
révision constitutionnelle. Cependant, la révision
constitutionnelle de 1996 intervenait dans des circonstances où le parti
unique pouvait valablement être considéré comme ayant
vécu. Dans ce contexte, le recours au Parlement pour l'adoption du texte
de révision de 1996 avait sans doute été dicté par
des considérations diverses. Celles-ci sont de deux ordres :
juridique (a) et extra juridique (b).
a -
Au plan juridique
Au plan juridique, le choix de la
voie parlementaire de révision trouve son fondement dans la Constitution
elle-même. En effet, la Constitution reconnaît au président
de la République une liberté totale dans le choix de l'organe
compétent pour voter un texte portant révision de la Loi
fondamentale. L'article 36 de la Constitution originaire de 1972 qui lui
réserve cette faculté est non équivoque. Il dispose en
effet que « la révision lorsqu'elle est
présentée devant l'Assemblée nationale à
l'initiative des députés ou du président de la
République est votée à la majorité des membres
composant l'Assemblée nationale » et que
« le président de la République peut décider de
soumettre toute révision au référendum
populaire ».
Ces dispositions laissent clairement entendre que s'il existe
deux voies de révision constitutionnelle, à savoir la voie
référendaire et la voie parlementaire, le président de la
République est seul juge de l'option définitive à
privilégier pour la révision. De ce point de vue, le constituant
camerounais n'a pas jugé opportun de restreindre la liberté du
président de la République relativement au choix de l'organe
révisionniste contrairement à son homologue français qui
impose au président de la République la voie
référendaire de révision lorsque l'initiative émane
du Parlement246(*). En
l'absence d'une telle précision de la part du constituant camerounais,
le président de la République peut soumettre au Parlement toute
proposition de révision et tout projet de révision et ce, quelque
soit par ailleurs leur étendue. Autrement dit, il n'existe en
l'état actuel du droit constitutionnel positif camerounais rien
permettant de définir les cas dans lesquels le peuple devra intervenir
directement, ceux dans lesquels ses représentants doivent agir seuls,
encore moins les hypothèses où ces derniers et le peuple seraient
amenés à collaborer247(*).
b -
Au plan extra juridique
Relativement aux justifications
extra juridiques, plusieurs raisons ont été avancées pour
expliquer le choix par le président de la République de la voie
parlementaire au détriment de celle référendaire. Ainsi,
pour le Professeur Alain-Didier OLINGA, ce choix s'explique par plusieurs
raisons qu'il résume parfaitement en ces termes : « le
peuple aux yeux du pouvoir avait déjà eu le loisir de
`'participer'', dans le cadre du large débat, à la
réflexion constitutionnelle ; l'Assemblée nationale avait
été renouvelée et, bien que certains partis d'envergure
tels que le SDF et l'UDC fussent absents de l'hémicycle, elle
était relativement représentative des forces politiques du pays,
et sa légitimité à faire oeuvre constituante
n'était pas juridiquement contestable ; les forces politiques de la
nation avaient été associée à toutes les
étapes du processus, depuis la Tripartite jusqu'au Comité
consultatif constitutionnel »248(*).
Un argument de taille reste
cependant le fait que le référendum était une option
périlleuse malgré la relative accalmie observée dans le
pays depuis les élections présidentielles d'octobre 1992 dont les
résultats étaient contestés par le parti SDF. En effet, il
aurait été transformé en une nouvelle campagne contre la
légitimité du président de la République
difficilement élu en 1992 et des institutions, en une occasion de
démonstration de force pour les autonomistes, fédéralistes
voire sécessionnistes et les contestataires de tous bords, etc. Dans un
tel contexte, tous les éléments d'un débat confus, portant
davantage sur autre chose que sur le projet de révision en question,
étaient réunis249(*). Enfin, l'obstacle financier qui pouvait
objectivement amener les pouvoirs publics à faire l'économie de
la voie référendaire de révision n'était pas
à négliger. On sait en effet que la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996 a été adoptée dans un contexte de crise
économique aiguë qui avait conduit le Gouvernement à
accepter la dévaluation du franc CFA de 50% et à baisser
drastiquement les salaires des fonctionnaires d'environ deux tiers250(*).
A la vérité, ces
arguments ne sont pas dénués de pertinence d'autant plus qu'elles
éclairent les contours de l'option pour la voie parlementaire de
révision. Mais, elles le sont moins quant il faut expliquer le sort
heureux du projet de révision, car les députés avaient
à examiner et à voter librement les textes à eux
soumis.
2 - Le vote du texte de
révision
Déposé le 24
novembre 1995 devant le Bureau de l'Assemblée nationale, le projet de
loi n° 590/PJL/AN portant révision de la Constitution est
déclaré recevable par la Conférence des présidents
le 27 novembre 1995. Son examen s'est déroulé à partir du
30 novembre au 23 décembre de la même année, date à
laquelle il sera voté et adopté.
La discussion
générale de la Chambre entière a duré cinq jours,
du 30 novembre au 4 décembre 1995. A la Chambre entière comme en
Commission des lois constitutionnelles, le projet était défendu
par le premier ministre, le vice-premier ministre chargé de
l'Administration Territoriale, le ministre d'Etat chargé de la
Communication, le Secrétaire général de la
présidence de la République, le directeur du Cabinet civil de la
présidence de la République, le ministre de la Justice et le
ministre de l'Enseignement supérieur en présence du ministre
délégué chargé des relations avec les
Assemblées.
Le projet de révision
soumis par le président de la République à l'examen des
députés comportait soixante articles, mais il est sorti fort
enrichi de l'examen en Commission des lois constitutionnelles.
L'examen en Commission avait
débuté le 5 décembre et s'était poursuivi jusqu'au
17 décembre 1995, soit environ deux semaines de travail. Tout a
été examiné en détail, du Préambule à
la disposition finale. Le consensus était recherché dans la
mesure du possible, mais le vote s'était avéré
indispensable pour départager les points de vue. La discussion portait
notamment sur la dénomination de l'Etat, la nature du régime
politique, le mandat présidentiel (le projet gouvernemental
prévoyait cinq ans renouvelable une fois ; c'est en Commission que le
mandat est passé à sept ans après un vote de dix-huit
contre onze), l'élection présidentielle anticipée (la
discussion a dû être suspendue faute de consensus), le fait que le
président de la République puisse être Chef de parti
(l'interdiction proposée n'a pas été retenue), la
désignation du premier ministre, de la désignation des membres du
Gouvernement parmi les élus parlementaires (amendement rejeté par
dix-neuf voix contre huit et trois abstentions), la désignation de 20%
et non 30% des sénateurs par le président de la République
(amendement rejeté par dix-huit voix contre douze), la présidence
du Conseil régional par une personnalité autochtone de la
région dont on proposait la suppression (amendement rejeté par
quinze voix contre treize et deux abstentions), la création des
régions seulement par la loi et non par le président de la
République (amendement rejeté par dix-sept contre douze et une
abstention), le calendrier de mise en place des institutions, lesquelles
devaient l'être selon l'amendement proposé avant la fin du mandat
en cours du président de la République (amendement rejeté
par dix-huit voix contre douze), entre autres points abordés.
C'est également en Commission que fut proposé
l'amendement relatif à la déclaration des biens, lequel est
devenu l'article 66 de la Constitution251(*). La question relative à la
position du Gouvernement sur cet amendement est controversée. C'est
ainsi que l'honorable Faustin ETOUE WAM, président de la Commission des
lois constitutionnelles de l'époque affirmait que sur ce point
précis « le Gouvernement n'était pas
d'accord »252(*) ; ce qui est en contradiction avec le Rapport du
député Hilarion ETONG qui révèle plutôt le
soutien du Gouvernement à cette idée, pourvu que la Constitution
en fixe simplement le principe, les conditions et les modalités de
déclaration étant laissées à la loi253(*). Au moment où la
Commission remet son Rapport à la Chambre entière, le projet de
révision avait subi d'importants réajustements. Sur les
régions par exemple, « nous avons tout
réécrit », s'extasiait le député
Faustin ETOUE WAM254(*).
Ces amendements seront pour l'essentiel entérinés par la Chambre
entière.
La plénière
d'adoption du projet de loi constitutionnelle s'était tenue les jeudi
21, vendredi 22 et samedi 23 décembre 1995. Après
présentation par le député Hilarion ETONG du Rapport de la
Commission des lois constitutionnelles avait suivi le débat
général sur le Rapport, débat animé par 170
députés au lieu de 180 qui composent normalement la Chambre. La
séance ouverte à 17 heures 30 minutes ne déboucha sur
aucun vote. Celui-ci n'interviendra que pendant la deuxième
séance où la discussion ayant débouché sur un vote
était déclenchée par une intervention du
député UNDP de la Mémé, l'honorable SONA ELONGE au
sujet de la dénomination du Cameroun. Pour lui, le maintien de
l'appellation « République du Cameroun » au
lieu de « République unie du
Cameroun » était un argument pour les séparatistes
anglophones qui y voyaient un élément de méconnaissance et
de mépris. Au vote, 107 députés avaient voté pour
le maintien de la dénomination « République du
Cameroun », 61 s'y opposaient et un député
s'abstint255(*).
La seconde discussion eut lieu
à propos du mode d'élection du président de la
République, l'UNDP par la voix de l'honorable EGBE BASSONG proposant un
vote à la majorité absolue et non à la majorité
simple. Cet amendement sera rejeté par 106 sur les 170 voix
présentes. Le samedi matin, le MDR proposa l'élection du
président de la République pour un mandat de cinq ans
renouvelable une fois; par 104 voix sur 170 l'amendement fut rejeté par
les députés. Un peu plus tard, sur la proposition de l'UNDP
d'élargir les pouvoirs de l'Assemblée nationale sur le
contrôle de l'action gouvernementale, l'argument du régime
semi-présidentiel conduisit au rejet de l'amendement. C'est l'UPC qui,
vers 7 heures 30 minutes le samedi matin, déposa un amendement tendant
à éliminer le fait que la présidence du Conseil
régional soit réservée à un autochtone de la
région. Après d'âpres débats que suscita cette
question, l'amendement était soutenu par 40 députés, 105
s'y opposaient tandis que 25 s'abstenaient. Finalement, le projet de
révision de la Constitution est adopté par 160 voix pour, 2 voix
contre et 8 abstentions.
Le débat constitutionnel
prend ainsi fin, du moins au niveau de la Chambre, en attendant la promulgation
par le président de la République, du texte de révision.
Et depuis sa promulgation le 18 janvier 1996, ce texte n'a cessé
d'être exploré.
§2 : LA NATURE ET LE CONTENU DE LA LOI
CONSTITUTIONNELLE DE 1996
Deux points essentiels permettent
de comprendre la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Le premier est relatif
à la question de la nature de cette loi constitutionnelle qui, plus de
dix (10) ans après sa promulgation, reste controversée
(A). Quant au second point, il porte sur son contenu et
requiert une attention particulière eu égard aux multiples
innovations qu'il renferme (B).
A -
La nature controversée de la loi constitutionnelle de 1996
On pouvait, à la simple
lecture de l'intitulé de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
penser que tout observateur se précipiterait plutôt à
découvrir son contenu. Tel n'a pourtant pas été le cas. A
cet égard, deux thèses s'affrontent sur la question de savoir
quelle est la véritable nature de cette loi constitutionnelle. La
première est celle selon laquelle la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996 constitue une nouvelle Constitution (1). La seconde, au
contraire défend l'idée selon laquelle il s'agit plutôt de
la Constitution du 2 juin 1972 révisée (2).
1 -
La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est une
nouvelle Constitution
La thèse selon laquelle la
loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 constitue une nouvelle Constitution a
été défendue dès mars 1996. Dans un article
publié dans Lex Lata256(*), le Professeur Maurice KAMTO affirme que la loi
constitutionnelle de 1996 est bel et bien une nouvelle Constitution. Au soutien
de cette thèse, l'auteur déploie une série d'arguments. Le
premier est tiré du contexte dans lequel a été
élaborée et adoptée la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996, contexte qui, selon lui, s'inscrivait indubitablement dans la logique de
l'établissement d'une nouvelle Constitution. A l'instar de beaucoup
d'autres auteurs qui défendent la même thèse, il se fonde
sur la terminologie utilisée par le président de la
République qui, dans plusieurs de ses discours à cette
époque, utilisait les expressions telles « nouvelle
Constitution » ou « changement de
Constitution »257(*). A cet argument de nature politique s'ajoutent
d'autres tirés de la procédure suivie lors de l'adoption de la
loi constitutionnelle de 1996 au sein de l'Assemblée nationale. D'abord,
le projet de loi de révision constitutionnelle introduit à
l'Assemblée nationale le 17 novembre 1995 n'indiquait pas les
dispositions de la Constitution de 1972 qui faisaient l'objet de la
révision. Ensuite, poursuit-il, pratiquement toutes les dispositions de
la Constitution de 1972 étaient plus ou moins concernées par la
« révision », sans compter que l'ancienne
Constitution s'était considérablement enrichie de nouvelles
dispositions à commencer par le Préambule, passant de trente neuf
articles à soixante neuf, presque du simple au double. Enfin, l'auteur
relève que la façon dont le ``projet de loi de
révision'' avait été examiné à
l'Assemblée nationale écarte l'idée d'une simple
révision constitutionnelle et confirme que la révision avait
été dévoyée ou détournée en
écriture d'une nouvelle Constitution. Ainsi donc, conclut-il, par la
forme de sa présentation, le contenu du texte et la procédure
suivie pour son examen à l'Assemblée nationale, la loi
constitutionnelle promulguée le 18 janvier 1996 établie une
Constitution nouvelle plutôt qu'elle n'introduit une simple
révision de la Constitution de 1972258(*).
La même thèse a
été défendue par le Professeur Magloire ONDOA qui,
dépassant le formalisme positiviste de la procédure de
révision, écrit lui aussi dans l'un de ses articles
qu' «... à l'analyse du contenu de la loi n°
96/06 du 18 janvier 1996, il apparaît que celle-ci apporte des
changements qui ne sauraient s'intégrer dans la logique d'une simple
révision »259(*).
La thèse selon laquelle la
loi constitutionnelle de 1996 est une nouvelle Constitution est
également défendue par le Professeur Célestin KEUTCHA
TCHAPNGA. L'argument avancé par celui-ci est tiré de la
première décision de la Cour Suprême statuant comme Conseil
constitutionnel rendue le 28 novembre 2002 et relative à la
constitutionnalité de la dernière révision du
règlement de l'Assemblée nationale. Selon l'auteur, et sans qu'il
ne soit question ici de faire état de la controverse doctrinale sur la
nature même de cette décision260(*), le juge de la constitutionnalité des lois
aurait, à l'occasion, tranché le débat sur la nature de la
loi constitutionnelle de 1996. En effet, commentant ladite décision, il
relève que : « Un détail de rédaction,
qui ne saurait être l'effet du hasard, apparaît à cet
égard très révélateur. En se
référant, aussi bien dans ses motifs que dans son dispositif,
à la `'Constitution du 18 janvier 1996 (loi n° 96/06 du 18
janvier)'', la décision rapportée ci-dessus a tranché de
façon explicite la controverse »261(*).
Ces quelques auteurs qui viennent
d'être cités ne constituent pas une liste exhaustive des
défendeurs de la thèse selon laquelle la loi n° 96/06 sous
étude est bel et bien une nouvelle Constitution262(*). Ils permettent seulement de
se faire une idée sur les principaux arguments qui résument
quelque peu la thèse de l'écriture d'une nouvelle Constitution.
Mais la thèse de la Constitution de 1972 révisée a aussi
des adeptes.
2 -
La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est la
Constitution du 2 juin 1972 révisée
Certes, les tenants de cette
thèse ne remettent pas eux aussi en cause l'idée selon laquelle
la loi constitutionnelle de 1996 se démarque, notamment par son
étendue et son relent novateur, de toutes ses devancières.
Cependant, cette relative unanimité disparaît lorsqu'est
posée la question relative à sa nature. En effet, contrairement
aux défenseurs de la thèse ci-dessus analysée, nombre
d'auteurs, suivant en cela la volonté explicitement affirmée du
pouvoir constituant dérivé de demeurer dans les limites de sa
compétence révisionniste, affirment que la loi constitutionnelle
de 1996 ne serait que la dixième révision de la Constitution du 2
juin 1972. Aussi avancent-ils plusieurs arguments à cet égard.
Mentionnons de prime abord cet
argument du Professeur Marcelin NGUELE ABADA selon lequel « En
dépit des innovations majeures, notamment sur le plan normatif et
institutionnel, la nouvelle version du texte de 1972 ne constitue pas un
changement de système. Elle renforce plutôt le primat
présidentiel, l'alpha et l'oméga de la vie politique et
juridique »263(*). Pour l'auteur, la rupture dans la dynamique
constitutionnelle n'aurait eu de chance d'être objectivée qu'avec
la mutation du statut du président de la République, clé
de voûte du système politique. Or, de son point de vue, toutes les
innovations apportées par la réforme de 1996 n'ont en aucune
manière remis en cause cette orientation profonde du régime
politique camerounais.
Ce point de vue est d'une pertinence incontestable,
écrira Alain-Didier OLINGA quelques années plus tard avant de
mobiliser à son tour son propre argumentaire à l'appui de la
même thèse. Le premier argument qu'il
avance est constitué par le fait que le pouvoir de révision est
resté dans les limites de ses compétences telles qu'elles
ressortent de la Constitution en vigueur. Il part de la question
suivante : la Constitution de 1972 originelle prescrivait-elle la marge de
novation et d'enrichissement que ne pouvait franchir le pouvoir de
révision, au-delà des clauses de l'ancien article 37, lesquelles
n'ont pas été remises en cause en 1996 ? Question à
laquelle il répond par la négative264(*). De ce point de vue, le bon
ou le mauvais usage de la procédure de révision ne pouvait
juridiquement s'apprécier qu'à l'aune des modifications ou non
des éléments substantiels évoqués à
l'article 37. « Si ces éléments n'ont pas
été atteints par la révision ou, mieux, si certains
d'entre eux ont été plutôt confortés et
consolidés, alors la notion de détournement ou de fraude est
dénuée de pertinence »265(*). L'auteur conforte son
argumentation par les éléments relevant de la pratique
subséquente à la promulgation de la loi constitutionnelle de
1996. Partant de l'affirmation du général de Gaulle selon
laquelle « une Constitution, c'est un esprit, des
institutions, une pratique », il écrit à juste
titre que « l'observation de la pratique décennale de la
réforme de 1996 impose un constat : 1996 n'a pas constitué
un changement de Constitution, une césure dans le cours constitutionnel,
mais une simple continuité méliorative. La logique
présidentialiste a prévalu dans le fonctionnement de la structure
exécutive et dans la relation entre l'Exécutif et le
Législatif. Parce que c'est dans la pratique institutionnelle que
s'objective le sens donné par les pouvoirs institués aux
dispositions constitutionnelles, la conclusion qui s'impose à
l'évidence est celle d'une continuité et d'une stabilité
de l'ordre constitutionnel »266(*). Cet auteur relève enfin, en plus de
l'intitulée de la loi constitutionnelle de 1996 qui porte
« révision de la Constitution du 2 juin
1972 »267(*), un argument issu du dispositif même de
celle-ci, à savoir le fait que d'une part, son article 1er
renvoie pour la dénomination de l'Etat à la loi constitutionnelle
de février 1984 et d'autre part, le fait que « l'article
68 de la même loi renvoie à la législation résultant
des textes fédéraux »268(*).
L'analyse objective de l'acte de
révision de 1996 par François Xavier MBOME apporte elle aussi un
argument de taille à la thèse de la révision de la
Constitution de 1972 et non de son remplacement sous le prétexte de la
réviser comme l'affirme les partisans de la thèse contraire. Son
analyse mérite une attention particulière parce qu'il avait
personnellement participé à l'une des phases ayant marqué
le processus d'édiction de la loi constitutionnelle controversée,
notamment au sein de la Tripartite aux travaux de laquelle il avait
personnellement pris part. Certes, l'auteur est tout disposé à
admettre que la loi constitutionnelle de 1996 a donné naissance à
une nouvelle Constitution. Toutefois, il évoque trois
éléments qui de son avis, devraient conduire à relativiser
la radicalité d'un tel point de vue ou d'une telle conclusion269(*).
Le premier élément vient du fait que si l'on
affirme que la Constitution du 18 janvier 1996 est une Constitution nouvelle
parce que toutes les dispositions de l'ancienne ont été
révisées, alors il y aurait lieu de se demander s'il n'y a plus
de différence entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir
constituant institué ou dérivé, surtout que, toutes choses
étant égales par ailleurs, l'on ne relève depuis 1960 au
Cameroun aucune disposition réglementaire, législative, a
fortiori constitutionnelle, faisant de l'Assemblée nationale en
fonction un organe habilité à voter une nouvelle Constitution, en
plus de sa compétence classique de révision. Ensuite,
ajoute-t-il, affirmer que la Constitution fédérale de 1961
n'était formellement et officiellement qu'une loi de révision de
la Constitution de 1960, alors qu'elle instituait un régime politique
nouveau, et radicalement différent de son devancier, créait des
institutions totalement nouvelles, et faisant tomber en désuétude
le Texte de 1960, comme le Texte de 1996 pour celui de 1972, semble sous toute
réserve faire fi des circonstances d'intervention des deux Constitutions
mises en parallèle. La Constitution fédérale de 1961
« modifiait » celle de 1960 parce que l'on passait
de l'Etat unitaire à l'Etat fédéral avec de nouveaux
aménagements des pouvoirs publics, alors que le Texte de 1996 intervient
dans le cadre de la même forme d'Etat unitaire. En troisième lieu,
autant les institutions de 1960 tombèrent en désuétude,
autant celles de 1972 semblent encore avoir (sauf preuve contraire) longue vie
après le Texte de 1996, dans la mesure où l'article 67
paragraphes 1 et 2 dispose clairement : « Les nouvelles
institutions de la République prévues par la présente
Constitution seront progressivement mises en place, et jusqu'à cette
mise en place, les institutions de la République actuelles demeurent et
continuent de fonctionner ». Enfin, et toujours selon MBOME, la
Constitution de 1961 semblait nouvelle par rapport à celle
modifiée de 1960 parce qu'elle créait un régime politique
nouveau. L'on ne saurait de plano comparer cette situation à
celle de 1996. De fait, on passait en ce temps-là d'un régime
parlementaire rationalisé en 1960 à un régime
présidentiel au niveau fédéral en 1961, alors qu'en 1996,
on demeure sous le même régime, ni présidentiel pur, mode
américain, ni parlementaire pur, mode britannique, mais comme le
qualifient certains constitutionnalistes, semi-présidentiel270(*).
Comme on peut le constater,
l'intitulé de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 n'a pas suffi
à faire taire toute discussion doctrinale sur sa nature. Mais, puisqu'en
dépit des observations de la doctrine, cette loi a été
promulguée, il y a lieu maintenant d'en cerner le contenu.
B -
Le contenu de la loi constitutionnelle de 1996
La loi constitutionnelle du 18
janvier 1996 apporte de nombreuses innovations dans la Constitution de 1972.
Pour mieux rendre compte de ces apports, il convient de dissocier ceux contenus
dans le Préambule (1) de ceux qui concernent des
nouvelles structures consacrées par le dispositif de la loi
constitutionnelle de 1996 (2).
1 -
Le Préambule
La loi constitutionnelle de 1996
innove dans le domaine des droits et libertés, car elle ne se limite
pas, comme par le passé, à une énumération
préambulaire desdits droits. Bien au contraire, elle contient en son
sein non seulement les droits nouveaux (a) mais elle consacre
aussi le statut constitutionnel longtemps controversé desdits droits
(b).
a -
La création de nouveaux droits et devoirs
Le Préambule de la loi
constitutionnelle de 1996 consacre de nouveaux droits en même temps qu'il
énonce des devoirs à la charge des citoyens. Les droits
consacrés par le Préambule de la Constitution de 1972
révisée rentrent dans les trois catégories classiques des
droits de l'homme que sont les droits de la première
génération, les droits de la deuxième
génération et ceux de la troisième
génération même si on y rencontre aussi des droits plus ou
moins originaux qui expriment la spécificité camerounaise.
Les droits classiques énumérés dans le
Préambule de la loi constitutionnelle révèlent la
confirmation par le pouvoir constituant dérivé de son attachement
à un certain nombre de principes : l'égalité, la
sûreté personnelle, l'inviolabilité du domicile, le secret
de la correspondance, la non-rétroactivité de la loi,
l'accès à la justice, la liberté de conscience et de
culte, le droit au travail, le droit de propriété, la
liberté d'expression et de presse, la laïcité de l'Etat.
A ces droits classiques s'ajoutent de nouveaux, à
savoir la présomption d'innocence liée à la due
process of law d'origine anglo-saxonne. En effet, en plus des droits
suscités, le Préambule contient un nouveau droit consacré
en ces termes : « Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit
établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des
droits de la défense ».
De même, se trouvent consacrés le droit à
la vie et ses implications. Il ressort en effet du Préambule que toute
personne a droit à la vie et à l'intégrité physique
et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec
humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la
torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.
Force est cependant de remarquer que les conditions
d'arrestation et le contenu des articles 12 et 15 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui mettent la force publique au
service de la garantie des droits de l'homme et du citoyen et affirment le
droit de la société de demander compte à tout agent public
de son Administration ont été ignorés.
Parmi les droits sociaux retenus dans l'acte de
révision de 1996, il y a, à coté de la liberté
syndicale, la liberté de communication et le droit de grève. Ce
faisant, le constituant camerounais a prudemment évité les
droits-créances qui, de l'avis du Professeur James MOUANGUE KOBILA, lui
est présentement impossible de satisfaire à l'instar de la
gratuité de l'enseignement, du droit à la santé, au repos,
aux loisirs et à une vieillesse heureuse271(*).
La même prudence
« réaliste » se remarque dans la
proclamation des droits de la troisième génération. Ainsi,
le seul droit consacré à cet égard est le droit à
un environnement sain. La protection de l'environnement est du reste
érigé « en devoir pour tous »,
même si le premier rôle revient à l'Etat.
Plus spécifiquement, on n'est frappé par le fait
que tout le Préambule ne mentionne ni le droit au développement,
ni le droit à la paix, encore moins le droit à la
propriété sur le patrimoine commun de l'humanité. Est-ce
pour la raison ci-dessus évoquée ou parce que leur qualité
de droits est contestée ? En effet, Robert PELLOUX écrit sur ce
point qu' « Il paraît chimérique
d'espérer que ces droits puissent, dans un avenir relativement proche,
bénéficier d'une protection juridique »272(*).
L'Etat se trouve également
chargé d'assurer aux camerounais la jouissance des droits originaux qui
tranchent radicalement avec le mimétisme juridique souvent
dénoncé. Aux termes de la nouvelle version du Préambule,
l'Etat est chargé d'assurer la protection des minorités et de
préserver les droits des populations autochtones. Ceci s'inscrit en
droite ligne du réalisme dont a dû faire preuve le constituant. En
effet, conformément à la maxime ubi societas ibi jus, la
Constitution d'un pays doit toujours tenir du peuple et du milieu dans lequel
elle est appelée à s'appliquer ; la Constitution ne pouvait ne
pas refléter les ressorts politiques et psychologiques du pays. D'autant
plus que l'existence de ces catégories de populations et les concepts
même de « minorité » et
« d'autochtone » sont familiers du vocabulaire
politique camerounais.
Pourtant, il s'agit là des concepts qui sont souvent
incompris, contestés voire controversés. La véritable
difficulté que rencontre le juriste ici est que la notion d'autochtone
par exemple est loin d'être une notion juridique. En tout état de
cause, le constituant ne consacre aucun critère de l'autochtone et le
problème de sa définition ne trouve pour l'instant aucune
réponse scientifiquement stable. Est-ce l'histoire, c'est-à-dire
l'antériorité dans l'occupation d'un territoire ? Et dans ce
cas, jusqu'où faudra-t-il remonter dans l'histoire ? Est-ce la
tribu ou l'ethnie fondée sur la parenté linguistique et
culturelle ?
A la vérité, la consécration juridique de
ces notions doit être analysée plus comme un couronnement qu'une
innovation. En effet, la solennisation de la protection des minorités et
des populations autochtones dans le Préambule de la Constitution n'est
que la cristallisation d'une pratique politique connue sous le nom pudique de
``consensus'' depuis le renouvellement des organes du parti unique en
1985273(*). Et les
différentes lois électorales du pays conditionnent l'acceptation
de toute liste de candidats à la prise en compte de la composition
sociologique de la circonscription. Une seule d'entre elles en rapport
étroit avec notre thématique l'atteste à suffisance. Il
s'agit de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les
conditions d'élection des députés à
l'Assemblée nationale dont l'article 5 alinéa 4 dispose que
l'établissement de chaque liste doit tenir compte de la composition
sociologique de la circonscription.
Mais, en consacrant la protection
des minorités et les droits des populations autochtones, il y a lieu de
craindre que le constituant ait attisé les conflits sociaux et ouvert la
voie à des situations incontrôlées, alors même que
son intention était plutôt de mettre fin aux oppositions entre
majorités et minorités, autochtones et allogènes voire de
prévenir leur exacerbation. En donnant l'impression d'arbitrer en
faveur des seuls minorités et autochtones sans toutefois rassurer
concomitamment les majorités et les allogènes, le pouvoir a
provoqué un grief de lèse-majorité et de
lèse-allogène d'autant plus douloureusement ressenti que cette
consécration constitutionnelle rime à contre-courant de
l'ambition démocratique perceptible à travers la lecture du
Préambule, du dispositif de la Constitution et du sens même de
l'histoire274(*).
Quoiqu'il en soit, l'introduction de ces concepts dans la Loi
fondamentale sans leur donner un contenu précis n'a cessé de
susciter des incertitudes tant au sein de la doctrine que de la classe
politique nationale.
Pour équilibrer le pacte
social garantissant les droits des gouvernés en leur reconnaissant un
espace séparé des gouvernants, le Préambule de la
Constitution met quelques devoirs à la charge du citoyen. C'est ainsi
qu'en plus du devoir de travailler et de protéger l'environnement, le
Préambule consacre deux devoirs peu agréables pour le citoyen. Ce
dernier doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges
publiques. De même, tous les citoyens contribuent à la
défense de la patrie. Ce dernier devoir, dont la consécration
expresse peut a priori être considérée comme
superflue, se comprend davantage si l'on fait état des relations qui
prévalaient en 1996 entre le Cameroun et l'un de ses voisins : le
Nigeria. A cet égard, l'introduction de ce devoir du citoyen dans la
Constitution n'est certainement pas sans lien avec l'affaire de la
frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria qui
avait été à l'origine de plusieurs incidents frontaliers
d'intensité croissante et dont la Cour Internationale de Justice avait
été saisie, à l'initiative du Cameroun, par requête
du 29 mars 1994275(*).
Malgré le fait que le renvoi à la loi n'ait pas été
opéré comme c'est le cas avec certains droits
énoncés, il va de soi que ces devoirs ne pourront être
assurés que dans le cadre des actes législatifs et
réglementaires pris à cet effet, sous réserve des
précisions éventuelles de la jurisprudence.
A ces droits s'ajoutent d'autres,
car il convient de se remémorer que le Préambule de la
Constitution fait référence à certains textes
internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il en est ainsi de la
Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948
et la Charte des Nations Unies. A côté de ces deux
références normatives assez classiques, la nouvelle version du
Préambule ajoute la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples du 21 octobre 1986276(*) et toutes les conventions internationales relatives
aux libertés fondamentales et ratifiées par le Cameroun. Ces
nouvelles références participent certainement du souci de
conformer l'énonciation constitutionnelle des droits avec les
engagements conventionnels du Cameroun en la matière. Toutefois, les
textes auxquels renvoie le Préambule n'ont pas valeur
supra-législative que le constituant entend donner aux accords et
traités internationaux de droit commun dans l'article 45. Ils sont de
fait incorporés au Préambule de la Constitution et ont
désormais la même valeur que celle-ci.
b -
L'affirmation de la valeur constitutionnelle du Préambule
Une longue controverse avait
opposé les auteurs sur la force juridique du Préambule de la
Constitution et indirectement sur celle des droits et libertés qu'il
renferme. La controverse était d'autant plus justifiée qu'en
dépit du silence des Constitutions successives du Cameroun de 1960, de
1961 et de 1972 (dans sa mouture initiale), la jurisprudence était loin
d'apporter une solution même approximative à cet égard. En
intégrant le Préambule à la Constitution, le constituant
de 1996 a donc tranché la controverse. Au vrai, quels en étaient
les termes ?
La doctrine était en effet
divisée entre deux positions. La thèse de la force contraignante
des droits énoncés dans le Préambule de la Constitution et
la thèse de l'incertitude de la valeur juridique du
Préambule.
La première thèse
était défendue par les auteurs tels qu'Eric BOEHLER qui voyait
dans certains arrêts de la Cour fédérale de justice la
reconnaissance jurisprudentielle de la valeur juridique des droits
énoncés dans le Préambule. L'affirmation de la force
juridique du Préambule de la Constitution du 2 juin 1972 était
aussi défendue par Monsieur François Xavier MBOUYOM qui prenait
appui sur les arrêts n° 41 du 14 janvier 1964 relatif à la
reconnaissance d'enfant et n° 67 du 11 juin 1963 déclarant
« contraire à la Constitution une coutume excluant les
filles de la succession pour les motifs fondés sur le
sexe »277(*).
La seconde thèse,
c'est-à-dire celle de l'incertitude de la valeur juridique du
Préambule, était défendue par les Professeurs Paul
Gérard POUGOUE et Maurice KAMTO qui écrivaient
qu'« on peut légitimement contester la valeur
constitutionnelle du Préambule de la Constitution du 2 juin
1972 »278(*).
Mais, depuis la promulgation de la
loi constitutionnelle de 1996, cette controverse peut valablement être
considérée comme ayant vécu et n'a plus qu'un
intérêt historique. Deux raisons tirées du dispositif de
cette loi peuvent être avancées à ce sujet. La
première résulte de son article 65 qui dispose de façon
non équivoque que le Préambule fait partie intégrante de
la Constitution. La seconde raison tient au fait qu'aucune disposition du titre
VII qui organise le contrôle de constitutionnalité, n'en exempte
le Préambule. Dès lors, à la différence du
Préambule de la Constitution originaire de 1972, sa version actuelle ne
sert pas uniquement l'élégance du texte. En conséquence,
le Conseil constitutionnel peut sanctionner la non-conformité d'une loi
au Préambule de la Constitution. Son rôle en ce domaine est
d'autant plus attendu que lui seul pourra préciser le contenu de
certains droits énumérés dans le Préambule de la
Constitution.
Le doute sur le contenu de ces droits résulte
principalement du caractère assez flou de leur titulaire et de leur
débiteur voire de leur objet. Et c'est précisément ce flou
qui fait hésiter sur leur caractère normatif. C'est le cas de la
disposition du Préambule où il est affirmé que
« la nation protège et en courage la famille (...). Elle
protège la femme, les jeunes, les personnes âgées et les
personnes handicapées ». Cette disposition s'apparente
à ce que les Professeurs Pierre AVRIL et Jean GICQUEL qualifient de
« déclarations d'intention dépourvues de contenu
normatif »279(*). Les dispositions énonçant que l'Etat
assure à l'enfant le droit à l'instruction, tout homme a le droit
et le devoir de travailler, sont sans doute à classer dans le même
registre. Tout comme reste posée la question de savoir si les droits
contenus dans les affirmations : « Toute personne a droit
à un environnement sain »; « La protection de
l'environnement est un devoir pour tous »; « l'Etat veille
à la défense et à la promotion de
l'environnement », relèvent des droits
immédiatement quérables. Georges BURDEAU parlant par exemple du
droit au travail dit qu' « il n'est pas directement
opposable aux gouvernants (...) »280(*). Il en résulte que
selon lui, le droit au travail n'est pas immédiatement exigible et ne
saurait donc être juridiquement sanctionné.
En toute hypothèse, tant par son contenu que par sa
valeur juridique désormais constitutionnellement affirmée, le
Préambule de la Constitution dans sa version du 18 janvier 1996
réalise une avancée significative dans la voie de la construction
d'un Etat de droit au Cameroun. Cette impression empreinte d'optimisme est
confortée en plus par la configuration des nouvelles structures qu'elle
consacre.
2 -
Les nouvelles structures
La loi constitutionnelle de 1996
transforme la physionomie initiale des institutions de la Constitution du 2
juin 1996, notamment dans le sens de leur renforcement. Ainsi, le pouvoir
exécutif est devenu formellement bicéphale, car contrairement
à la révision de 1991 qui ne faisait pas du gouvernement un
organe autonome, celle de 1996 lui réserve le chapitre II en lui faisant
passer d'un organe déconcentré de l'Exécutif à un
véritable organe distinct du président de la République.
En plus, la révision de 1996 contient comme institutions nouvelles, un
Parlement bicaméral avec la création d'une nouvelle Chambre, le
Sénat281(*).
Font également leur apparition dans la nouvelle
structure des pouvoirs, un Conseil constitutionnel (a) et une
Chambre des comptes au sein de la Cour Suprême qui trône au sommet
« Du Pouvoir judiciaire » (b),
expression qui remplace désormais celle classique « De
l'Autorité judiciaire ».
a - Le Conseil constitutionnel
La Constitution originaire de 1972
avait fait de la Cour Suprême une juridiction polyvalente dont
l'hypertrophie des attributions était la principale
caractéristique. Mais la loi constitutionnelle de 1996 vient l'amputer
de sa qualité de juge constitutionnel282(*).
En effet, à l'allure d'une mutation qui se veut
profonde, l'acte de révision de 1996 opère un passage de
l'expérience tenant à la séparation des litiges
dans « l'un juridictionnel » à
l'instauration d'une manifeste distinction limitative des contentieux par suite
de dislocation juridictionnelle. C'est ainsi que le contentieux constitutionnel
a été extirpé du « joug de la Cour
suprême »283(*) pour être confié conformément au
nouveau titre VII du texte constitutionnel, à un organe spécial,
en l'occurrence le Conseil constitutionnel. Le sentier d'un ordre
juridictionnel nouveau est désormais tracé, signant ainsi
formellement la fin d'une époque : celle du monopole contentieux
jusqu'alors détenu par la Cour Suprême ainsi que d'une
impression : celle selon laquelle le système juridique camerounais
avait embrassé l'option d'unité de juridiction.
Incontestablement inspiré par le modèle
français de justice constitutionnelle dont l'institution tenait du souci
du constituant de ce pays de contenir un Parlement parfois trop entreprenant
face à la branche gouvernementale de l'Exécutif, le constituant
camerounais de 1996 a créé un Conseil constitutionnel
affecté de plusieurs charges. Ainsi, selon l'article 47
alinéa 1er de la loi constitutionnelle de 1996, le Conseil
constitutionnel statue souverainement sur : la constitutionnalité des
lois, des traités et accords internationaux ; les règlements
intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat avant leur
mise en application quant à leur conformité à la
Constitution; les conflits d'attribution : entre les institutions de
l'Etat ; entre l'Etat et les régions ; entre régions.
L'article 48 le charge également de veiller à la
régularité des élections présidentielles,
législatives et des consultations référendaires dont il
est par ailleurs appelé à en proclamer les résultats.
En plus de ces attributions de nature contentieuse, le Conseil
exerce une fonction de nature consultative. Mais les avis donnés par le
Conseil ne peuvent l'être que sur les matières qui relèvent
de sa compétence284(*).
Cette double activité (contentieuse et consultative)
sera pareillement exercée par onze membres désignés pour
un mandat de neuf (9) ans non renouvelable et par un nombre
indéterminé de membres de droit que sont les anciens
présidents de la République. Mais, les critères du choix
des sages restent vagues et floues. En effet, lorsque la Constitution
dispose laconiquement que les membres du Conseil sont choisis parmi les
personnalités de réputation professionnelle établie et
jouissant d'une grande intégrité morale et d'une
compétence reconnue, on est immédiatement amener à se
poser la question de savoir de quelles profession et compétence
s'agit-il. Manifestement, les techniciens du droit au rang desquels figurent
les enseignants d'universités, ne peuvent vigoureusement se
prévaloir de telles dispositions, sujettes à
interprétation, pour assurer les fonctions de conseiller
constitutionnel285(*).
Il est cependant à remarquer que la désignation des sages reste
empreinte d'une forte dose de discrétion reconnue aux
autorités compétentes. Aux termes de l'article 51 alinéa 2
de la Constitution, ils sont nommés par le président de la
République et désignés de la manière
suivante : trois, dont le président du Conseil, par le
président de la République ; trois par le président de
l'Assemblée nationale après avis du Bureau ; trois par
le président du Sénat après avis du Bureau et deux par le
Conseil Supérieur de la Magistrature.
Les membres du Conseil constitutionnel prêtent serment
devant le Parlement réuni en congrès dans les formes
fixées par la loi. Leurs fonctions sont incompatibles avec celles de
membre du Gouvernement, du Parlement ou de la Cour Suprême, l'acte de
révision ayant reconnu au législateur compétence pour
fixer les autres éléments du statut des juges constitutionnels
tels les incompatibilités, les obligations, les immunités et les
privilèges. De même, l'organisation et le fonctionnement, les
modalités de saisine ainsi que la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel sont fixés par la loi286(*).
Le droit de saisine du Conseil
est limitativement attribué aux personnalités de l'Etat telles
que le président de la République, le président de
l'Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des
députés ou un tiers des sénateurs et les présidents
des exécutifs régionaux lorsque les intérêts de
leurs régions sont en cause. Mais en cas de contestation sur la
régularité de l'une des élections prévues à
l'alinéa 1er de l'article 48 précité, le
Conseil constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti
politique ayant pris part à l'élection dans la circonscription
concernée ou toute personne ayant qualité d'agent du Gouvernement
pour cette élection. En cas de contestation sur la
régularité d'une consultation référendaire, le
Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la
République, le président de l'Assemblée nationale ou le
président du Sénat, un tiers des députés ou un
tiers des sénateurs.
Que reste-t-il finalement
à la Cour Suprême privée de sa qualité de juge
constitutionnel ?
b -
La nouvelle configuration du pouvoir judiciaire
Aux termes des dispositions de
l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, « le pouvoir
judiciaire est exercé par la Cour Suprême, les Cours d'Appel, les
Tribunaux. (...) ».
Une Cour Suprême a donc été reconduite
en1996, pour ainsi dire qu'il y a eu, à certains égards, un
statu quo juridictionnel. Mais la similitude par rapport aux
données juridiques antérieures s'arrête là, la Cour
ayant subi une amputation de sa compétence ratione materiae
tenant notamment à la justice constitutionnelle. Autrement dit, si
l'institution a été maintenue, il reste que l'étendue de
ses compétences a été revue dans le sens de son
allègement. D'où la question de savoir quelles sont les
matières qui restent dévolues à la Cour Suprême. L'article 38 alinéa 1 de la Constitution
répond à cette préoccupation en ces
termes : « La Cour Suprême est la plus haute
juridiction de l'Etat en matière judiciaire, administrative et de
jugement des comptes ».
La Cour suprême conserve d'abord ses attributions
traditionnelles relevant des questions civiles et pénales. Celles-ci
s'exercent par le biais d'une Chambre judiciaire créée à
l'article 38 alinéa 2 et qui, conformément à l'article 39,
statue souverainement sur les recours en cassation admis par la loi contre les
décisions rendues en dernier ressort par les Cours et Tribunaux qui lui
sont subjugués.
Ensuite, la Cour Suprême
réformée a conservé ses compétences en
matière de contentieux administratif avec cependant une importante
innovation. Maintenue à l'article 38 alinéa 2 de la Constitution
tout comme la précédente Chambre judiciaire, « la
Chambre Administrative » actuelle, en application de l'article
40 de la Constitution, joue désormais le rôle de formation
contentieuse d'appel jadis confié à l'Assemblée
plénière287(*).
A la question de savoir quelle est
l'instance inférieure qui se substitue à l'ex-Chambre
Administrative en vue de pérenniser le double degré de
juridiction voulu par le constituant, l'article 40 de la Constitution de 1972
révisée qui parle vaguement de « juridictions
inférieures en matière de contentieux
administratif », trouve sa précision nécessaire
à l'article 42 alinéa 2 qui postule explicitement des Tribunaux
administratifs. Ces derniers illustrent, par conséquent, une importante
innovation dans l'organisation de la justice administrative. Les Tribunaux
administratifs sont désormais organiquement déconnectés de
la Cour Suprême que ne l'étaient les deux formations contentieuses
ou que ne l'est l'actuelle instance d'appel qu'est la Chambre Administrative.
Enfin, dans le souci de
sécuriser davantage les finances publiques, le constituant de 1996 a
juridictionnalisé leur contrôle par la création au sein de
la Cour Suprême d'une Chambre des comptes. L'institution d'un
contrôle juridictionnel des finances publiques était d'autant plus
attendue que dans l'avant-projet de Constitution issu des travaux du
Comité technique chargé des questions constitutionnelles mis sur
pied par la Tripartite, figurait déjà une Cour des comptes
détachée de la Cour Suprême. Il en résulte que
l'acte de révision de 1996 s'est montré moins ambitieux que cet
avant-projet de Constitution en ce qui concerne le contrôle des finances
publiques, ce qui contraste avec l'exigence de plus de transparence dans la
gestion des finances publiques observée au Cameroun depuis les
années 1990.
Il est en revanche incontestable que la Chambre des comptes
doit exercer les attributions qu'on pouvait attendre d'une juridiction
organiquement autonome en matière des comptes publics. A la suite de
l'article 38 alinéa 2 de la loi constitutionnelle qui l'institue,
l'article 41 décline les matières sur lesquelles la Chambre des
comptes doit exercer son contrôle ou statuer le cas
échéant. Aux termes de cet article en effet, la Chambre des
comptes est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes
publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques. Elle est
érigée en juridiction d'appel en matière des comptes.
C'est ce qui ressort de l'alinéa 2 de l'article précité
qui dispose qu'elle statue souverainement sur les décisions rendues en
dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes. Mais la
Constitution donne au législateur compétence pour étendre
les attributions de la Chambre des comptes, car l'article 41 in fine
dispose qu'elle connaît de toute autre matière qui lui est
expressément attribuée par la loi. De même, l'organisation,
le fonctionnement, la composition, les conditions de saisine et la
procédure suivie devant elle tout comme devant les juridictions
inférieures des comptes sont fixés par la loi.
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Au regard du cheminement de
l'idée de procéder à une réforme de la Constitution
du 2 juin 1972 d'octobre 1991 jusqu'au 24 novembre 1995, compte tenu des
circonstances à tout point de vue historiques d'institution d'une
Assemblée nationale pluraliste qui devait la concrétiser et
l'extraordinaire capacité de novation institutionnelle dont cette
dernière a fait montre, l'on peut affirmer que la mise en oeuvre du
pouvoir constituant dérivé en 1996 a constitué un tournant
majeur dans le droit constitutionnel de la seconde République du
Cameroun. Les innovations introduites dans la Constitution depuis lors
connaissent actuellement un essor perceptible.
Toutefois, la nature du texte qui
les porte, à savoir la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972, reste controversée en
doctrine.
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE
L'observation de la
réalité du pouvoir constituant dérivé au Cameroun
de 1990 à 1996 au travers de sa physionomie et des modalités de
son fonctionnement entre 1990 et 1991 d'une part et entre 1992 et 1996 d'autre
part, a permis d'apprécier l'évolution qu'a connu cet organe de
l'Etat. Cette évolution révèle que l'Assemblée
nationale, organe révisionniste, est passée d'une structure
monolithique, et par conséquent antidémocratique, à une
structure pluraliste. On a également noté une évolution
dans ses modalités de fonctionnement du fait des amendements
apportés par les députés au projet de révision
ayant donné naissance à la loi constitutionnelle de 1996. A
travers l'exercice du droit d'amendement, le débat politique s'en trouve
non seulement amélioré, mais rendu fructueux. C'est
l'Assemblée nationale qui confirme davantage son rôle, celui
d'organe appelé à adapter la Loi fondamentale aux exigences
démocratiques de la société camerounaise.
A cet effet, quelques efforts étaient encore à
faire dans le sens du renforcement du pouvoir constituant dérivé.
Les mutations de ce dernier depuis 1996 ont dans une large mesure tenu compte
de cette nécessité.
Seconde Partie :
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1996 A
2008
L'on se doit de revenir sur la question de savoir si le
pouvoir constituant dérivé a vraiment changé en
enregistrant et en reflétant dans la réalité les mutations
qu'il a connues entre 1990 et 1996 parmi lesquelles celles relatives au
renforcement de sa structure organique ?
Certes, la révision
constitutionnelle du 18 janvier 1996 a été d'une ampleur sans
précédent et a consacré de nouvelles institutions dont, en
raison du contexte économique difficile qui a présidé
à leur avènement, la mise en oeuvre se devait naturellement
d'être inscrite dans la durée, progressive. Mais, en prenant
lui-même le soin de prescrire formellement cette exigence de bon sens
dans la mise en oeuvre des nouvelles structures au rang desquelles figure le
Sénat sans aucune indication particulière notamment en termes de
délai, le pouvoir constituant dérivé ne semble-t-il pas
avoir donné un fondement juridique à leur ineffectivité au
regard du retard excessif observé par les pouvoirs publics pour les
concrétiser dans les faits ?
L'examen des mutations du pouvoir
constituant dérivé depuis 1996 met en lumière ces limites
qui font que cet organe vacille entre le renforcement de sa structure et son
ineffectivité pratique (Chapitre 1). D'autre part,
l'affirmation à rebours qui le caractérise aujourd'hui
témoigne de l'incomplétude des mutations attendues depuis 1996
(Chapitre 2).
Chapitre 1 : LE RENFORCEMENT
DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION
JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE
Avant la révision
constitutionnelle du 18 janvier 1996, le pouvoir constituant
dérivé était un Parlement monocaméral. Même
à l'époque du fédéralisme, c'est-à-dire de
1961 à 1972, le constituant camerounais n'avait point institué le
bicaméralisme. Celui-ci n'est consacré que depuis 1996 à
la faveur de la promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972 qui crée une seconde
Chambre au sein du Parlement.
Mais, si le bicaméralisme
ainsi consacré est déjà fonctionnel dans nombre d'Etats
africains ayant opté à la même époque pour cette
forme d'organisation du Parlement, force est de constater que le Cameroun tarde
à franchir le pas288(*). C'est pourquoi le bicaméralisme camerounais
reste en retrait du mouvement de démocratisation en cours sur le
continent depuis la décennie 1990.
Il est question de mettre en
relief cette dichotomie entre la consécration juridique du
bicaméralisme par loi constitutionnelle de 1996 (Section
1) et son ineffectivité pratique jusqu'à nos jours
(Section 2).
Section 1 : LA CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DU
BICAMERALISME
En disposant en son article 14
alinéa 1er que le pouvoir législatif est exercé
par le Parlement qui comprend deux Chambres, à savoir l'Assemblée
nationale et le Sénat, la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972 consacre la rupture avec la
tradition du monocamérisme qui jusque-là avait
caractérisé le Parlement camerounais. Mais l'importance de cette
disposition ne tient pas seulement au fait qu'elle vient renforcer le pouvoir
législatif. Il vient également renforcer la structure organique
du pouvoir constituant dérivé, car l'article 63 qui organise la
procédure de révision fait expressément
référence au Parlement comme organe compétent pour adopter
une loi de révision constitutionnelle mais ce dernier est, en cette
circonstance, distinct du pouvoir législatif.
On est là en
présence d'une des conséquences du bicaméralisme
(§2). Mais avant de les examiner, il convient au
préalable de cerner la consistance même du bicaméralisme
camerounais (§1).
§1 : LE BICAMERALISME CAMEROUNAIS
Le bicaméralisme se
définit comme le « système d'organisation du
Parlement consistant dans sa division en deux
Chambres »289(*). Il a toujours un caractère modérateur
en ce qu'il a essentiellement pour objet de corriger les excès
éventuels de la loi du nombre qu'incarne l'Assemblée nationale
qui a la base populaire la plus large, justifiée le recours au suffrage
universel direct en vue de l'élection de ses membres. On peut distinguer
deux formes de bicaméralisme à savoir le bicaméralisme
fédéral et le bicaméralisme des Etats unitaires ou
politique. Le bicaméralisme fédéral, en vigueur dans les
Etats fédéraux comme les Etats-Unis d'Amérique, est
lié à la structure composite de l'Etat qui comporte une double
catégorie d'organes gouvernementaux, les uns propres aux Etats membres,
les autres propres à l'Etat fédéral. Ce type de
bicaméralisme répond donc à la nécessité
d'une représentation particulière des Etats membres de l'Etat
fédéral au sein du Parlement de l'Etat fédéral.
D'où la dualité de la représentation au niveau du
Parlement fédéral par l'existence de deux Chambres dont l'une
représente l'ensemble de la population de la fédération
tandis que l'autre représente chaque Etat en tant que tel et dans son
autonomie.
On ne saurait donc concevoir de
fédéralisme sans le bicaméralisme. Le
bicaméralisme, dans les Etats unitaires, n'est pas indispensable. Il est
ici une question d'opportunité et d'ingéniosité
politiques. Dans ce contexte, le rôle assigné à la seconde
Chambre est d'ordre politique. Il s'agit de faire contre poids à la
Chambre basse et de freiner son action.
De ce qui précède,
on est fondé à nous interroger sur les raisons ayant
motivé l'institutionnalisation récente voire tardive du
bicaméralisme au Cameroun (A) avant d'examiner sa
consistance (B).
A -
Les raisons de la consécration récente du bicaméralisme au
Cameroun
Si les constituants camerounais
n'ont pas en général cédé à la tentation
bicamériste à laquelle les exposaient pourtant les modèles
européens dès les premières années de
l'indépendance, c'est parce que le pouvoir avait manifesté une
certaine méfiance vis-à-vis de sa consécration jusque
dans les années 1996 (1). Depuis lors cependant, il en
va autrement et la tendance s'était même inversée bien
avant car dès 1990, les facteurs de la consécration d'une
seconde Chambre étaient devenus prééminents
(2).
1 -
La méfiance du pouvoir vis-à-vis du bicaméralisme jusqu'en
1996
Il convient d'emblée de
préciser que la méfiance du pouvoir à l'égard du
bicaméralisme envisagée ici concerne l'institution du
bicaméralisme en rapport avec la République du Cameroun. En
effet, pendant la période fédérale (1961-1972), elle avait
conservé le monocaméralisme mais seulement au niveau
fédéral. Car dans l'Etat fédéré du Cameroun
occidental (anglophone), la Constitution de cet Etat
fédéré adoptée le 26 octobre 1961 instituait un
Parlement bicaméral. Il comprenait une Chambre législative de 37
membres et une Assemblée des chefs traditionnels de 18 à 22
membres qui pouvait exercer certaines compétences
législatives290(*). Quant au Parlement fédéral, il
était constitué d'une seule Chambre alors que l'on aurait pu
s'attendre à ce que l'avènement de la fédération
s'accompagnât d'une représentation politique des entités
fédérées. Or, tel ne fut pas le cas.
C'est qu'en fait, chaque fois
que l'idée de la création d'une seconde Chambre était
évoquée, les adversaires du bicaméralisme
avançaient des raisons budgétaires pour l'écarter
même si une raison plus vraisemblable serait à chercher dans la
volonté de centralisation des premiers exécutifs
africains291(*). Ainsi par exemple, à la conférence
constitutionnelle de Foumban où se négociaient les termes de
l'instauration d'une fédération entre les deux parties
francophone et anglophone du territoire292(*), la délégation de la Southern Cameroon
avait formulé plusieurs exigences dont le remplacement de
l'expression « Assemblée nationale »
contenue dans l'avant-projet soumis par la délégation du Cameroun
francophone par celle de « Parlement fédéral
consistant en une Assemblée législative fédérale et
un Sénat fédéral »293(*). C'est du reste ce
qu'écrit Victor Julius NGOH : « The words ``The Federal
Assembly'' in Article 4 should be deleted and substituted with ``The Federal
legislative consisting of a ``Federal legislative Assembly'' and a ``Federal
Senate'' »294(*). Le président AHIDJO avança alors
la raison de surcharge budgétaire que constituerait selon lui
l'entretien de plusieurs Assemblées tant au niveau fédéral
qu'au niveau des Etats fédérés pour soutenir
l'inopportunité d'un bicaméralisme dans la
fédération295(*). En réalité, comme l'on devait s'en
rendre compte plus tard, son option pour le monocaméralisme tenait
surtout à son projet alors secret d'instaurer un
fédéralisme très centralisé. Certains auteurs ont
pu y voir un corollaire de l'option des constituants africains pour la forme
unitaire de l'Etat296(*).
L'Etat postcolonial a en effet
fait sienne la thèse de l'incompatibilité entre le
bicaméralisme et la théorie de la souveraineté nationale
réputée indivisible. Cette explication devait pourtant essuyer au
plan doctrinal une critique sévère. Pour Georges BURDEAU par
exemple, « l'idée de lier l'unité de
l'Assemblée à l'unité et à l'indivisibilité
de la souveraineté procède d'une confusion intellectuelle
difficilement défendable ; la division du Parlement en deux Chambres
n'implique nullement le morcellement de la souveraineté. La structure
bipartite de l'organe représentatif n'influe pas plus sur
l'unité d'expression de la volonté populaire que la
pluralité des membres d'une assemblée
unique »297(*). L'auteur en conclut que le bicamérisme se
recommande du point de vue rationnel.
Par ailleurs, d'autres auteurs
avaient constaté que le monocaméralisme en Europe se rencontrait
surtout dans les Etats de petite dimension territoriale ou démographique
qui facilite la réalisation et la conservation d'une stabilité et
d'un équilibre politiques (Finlande, Suède, Danemark, etc.). Une
deuxième Chambre parlementaire dans ce contexte n'a pas grande
utilité. CARRE de MALBERG pouvait donc en conclure, et quoi qu'en
pensait Georges BURDEAU, que « le système
français de deux Chambres n'est (...) pas imposé par des
nécessités d'ordre juridique. Il a été
établi seulement en raison de ses avantages
politiques »298(*). Le cri de Michel DEBRE devant le conseil d'Etat
français le 27 août 1958 confirme cette
thèse : « Ah ! Si nous avions la
possibilité de faire surgir demain une majorité nette et
constante, il ne serait pas nécessaire de prévoir un Sénat
dont le rôle principal est de soutenir, le cas échéant, un
Gouvernement contre une assemblée trop envahissante et trop
divisée »299(*).
Ces raisons politiques dont parle CARRE de MALBERG
expliquent-elles a contrario pourquoi l'instabilité politique
chronique de certains Etats africains durant les premières
décennies des indépendances n'a pas suggéré
l'instauration du bicaméralisme parlementaire ? On sait que la seconde
Chambre, depuis ses origines, n'a pas été instituée pour
limiter l'hégémonie d'un pouvoir exécutif, mais bien pour
atténuer la montée en puissance du Parlement lui-même avec
la consécration de la loi comme seule manifestation de la volonté
populaire. En effet, le Parlement issu de la
révolution française de 1789 manifeste le suffrage universel
direct secret et surtout égalitaire. Il célèbre ainsi les
obsèques des privilèges nobiliaires. Aussi, le Baron de
Montesquieu qui avait toujours regardé d'un oeil soupçonneux les
avancées de la révolution, voyait dans l'institution de
l'Assemblée nationale un grand danger pour la cohésion de
l'Etat : « il y a toujours dans l'Etat, écrivait-il,
des gens distingués par la naissance, la richesse ou les honneurs ; mais
s'ils étaient confondus avec le peuple et s'ils n'y avaient qu'une voix
comme les autres, la liberté commune serait leur esclavage (...). Aussi,
la puissance législative sera confiée et au corps des nobles, et
au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, et qui auront
chacun leurs assemblées et leurs délibérations à
part, et les intérêts
séparés »300(*). Il fallait donc contrebalancer la puissance du
peuple représenté par l'Assemblée nationale par
l'instauration d'une seconde Chambre concurrente : le Sénat.
Le Cameroun postcolonial n'ayant
pas connu de Parlement fort, il ne s'est donc pas posé la question
d'affaiblir le pouvoir législatif devant un pouvoir exécutif
turgescent.
Comment s'explique alors cette option bicamériste dans
un contexte de transition qui ne consacre pas expressément une
montée en puissance de la Chambre unique existante ?
2 -
La prééminence des facteurs favorables au bicaméralisme
depuis 1990
Dans un Etat unitaire comme le
Cameroun, bien que le nombre de sénateurs nommés par le
président de la République contenu dans les propositions du
président de la République pour la révision de la
Constitution soumises à l'examen du Comité consultatif
constitutionnel a été réduit301(*), puis juridiquement
consacré par la révision constitutionnelle de 1996, l'institution
du bicaméralisme suscite encore des discussions.
Pour les tenants de
l'inopportunité d'une seconde Chambre, la création de celle-ci ne
peut que compliquer la procédure d'adoption des lois. La seconde Chambre
ne fera qu'alourdir le fonctionnement du Parlement déjà
suffisamment inadapté au rythme d'un travail législatif moderne.
Ainsi, l'existence de cette seconde Chambre alourdirait tout simplement la
procédure législative déjà lente dans l'actuelle
Chambre basse dont un simple aménagement améliorerait les
résultats.
A cet argument technique s'ajoutent d'autres de nature
politique. En effet, les tenants de l'inopportunité du
bicamérisme pensent également que le Sénat tel que
préconisé, par les inégalités de
représentation qu'il consacre, constitue plutôt un obstacle, un
frein à l'évolution et donne avantage aux éléments
statistiques au détriment des forces de progrès. S'il est
admissible que le Sénat représente les collectivités
territoriales décentralisées303(*) et que les sénateurs soient élus au
suffrage universel indirect comme l'admet l'article 2 de la Constitution, il
est peu admissible que 30% d'entre eux soient nommés de manière
discrétionnaire par le président de la République. Par
ailleurs, poursuivent-ils, le Cameroun connaît une grave crise
économique qui ne peut lui permettre de créer des sources de
dépenses superflues. Ce d'autant plus que l'institution d'une seconde
Chambre n'a pas entraîné la suppression d'une autre institution,
le Conseil économique et social, budgétivore à souhait et
dont le fonctionnement est bloqué depuis plus d'une
décennie304(*).
Pour les tenants de l'institution
du bicamérisme, cette institution viendrait améliorer les
défauts de représentation au niveau du Parlement. Tel que
préconisé au Cameroun, le bicamérisme permet d'avoir au
Parlement toutes les nuances de l'opinion publique, empêche les brusques
changements de majorité, car la seconde Chambre n'est pas élue
selon le même mode de scrutin que la Chambre basse et, probablement ni en
même temps305(*).
En outre, la seconde Chambre empêche le « despotisme
éventuel d'une Chambre unique », permet un meilleur
travail législatif, la seconde Chambre jouant un rôle de
pondération, même au prix d'un ralentissement de la
procédure législative306(*). Bien plus, elle facilite la représentation
des collectivités territoriales locales et les protège ainsi
contre les empiètements du pouvoir central. En fait,
l'originalité des secondes Chambres africaines réside dans la
prise en compte des composantes sociologiques et la nécessité de
rétablir l'égalité par des mesures spécifiques et
pratiques différentielles dans des pays affectés par des grands
déséquilibres ethniques, linguistiques, culturels ou
régionaux307(*).
La seconde Chambre apparaît comme étant indispensable pour assurer
la représentation des intérêts qui seraient méconnus
par le suffrage universel direct. Par ailleurs, la consécration des
secondes Chambres par de nombreux constituants africains de la décennie
90 est souvent perçue comme une mesure constitutionnelle de
prévention des conflits politiques. Ainsi par exemple, en dessinant une
configuration de la seconde Chambre conforme aux spécificités
ethniques ou régionales de chaque Etat, le constituant a
contribué à apaiser les tensions politiques308(*). Enfin, les tenants du
bicaméralisme considèrent le Sénat comme une Chambre
modératrice nécessaire dans une démocratie camerounaise
naissante. Selon cette optique, le bicaméralisme est « un
facteur de rectitude juridique et rempart pour la
démocratie »309(*).
Comme on peut le constater, la
question relative à l'institution du bicaméralisme dans un Etat
unitaire comme le Cameroun a toujours été différemment
perçue tant au sein de la classe politique que de la doctrine. Mais
contrairement à la méfiance observée à
l'égard de cette institution par les constituants de 1960, 1961 et de
1972, l'organe révisionniste de 1996 a opté pour la
consécration d'une seconde Chambre au sein du Parlement qui passe de ce
fait d'une seule Assemblée à deux.
B - Les deux Chambres du Parlement
Le Parlement issu de la
révision constitutionnelle de 1996 est composé de deux Chambres.
En quoi consistent-elles ? Répondre à cette question
nécessite une distinction entre l'ex-Chambre unique qu'est
l'Assemblée nationale (1) et la nouvelle Chambre qu'est
le Sénat dont le régime de la composition va mettre en doute la
capacité du pouvoir constituant dérivé à contribuer
à la consolidation du processus démocratique en cours
(2).
1 -
L'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale est
la première Chambre du Parlement. En d'autres termes,
l'Assemblée nationale est une institution distincte du Parlement. En
effet, une lecture diachronique de la Constitution de 1972, donne à la
question de savoir ce qu'on entend par Assemblée nationale, deux
réponses différentes. D'où l'importance de la distinction
désormais formellement consacrée entre l'Assemblée
nationale et ce qu'est le Parlement.
En effet, jusqu'en 1996
l'expression « Assemblée nationale »
était considérée comme synonyme du Parlement national
camerounais. Cette confusion entre l'institution qu'est le Parlement et la
Chambre qui la compose trouvait son origine dans la Constitution. D'une part, au niveau de l'énoncé
constitutionnel qui, en lieu et place du pouvoir législatif, parlait,
entre le 2 juin 1972 et le 18 janvier 1996, plutôt de l'Assemblée
nationale. Il en était ainsi notamment de l'article 4 de la Constitution
qui consacrait le président de la République et
l'Assemblée nationale comme les organes chargés d'exercer
l'autorité de l'Etat. D'autre part, au niveau du Parlement qui
était monocaméral, c'est-à-dire composé d'une seule
Chambre qui portait justement la dénomination
« Assemblée nationale ».
Aujourd'hui, et à la faveur
de la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996, il est possible de
distinguer plus nettement l'institution de sa composition ou, si l'on
préfère, le contenant du contenu. Cette innovation procède
donc de toute évidence des modifications relatives aux dispositions
constitutionnelles susmentionnées. La nouvelle version de l'article 4
souligne que l'autorité de l'Etat est exercée par le
président de la République et le Parlement. Et le titre III de la
Constitution qui, dans la sa version initiale de 1972 était
consacré à l'Assemblée nationale, est depuis 1996
intitulé « Du pouvoir législatif ». En clair, l'Assemblée nationale est l'une des
deux Chambres qui composent le Parlement camerounais.
Ces précisions faites, il convient d'analyser la
composition de l'Assemblée Nationale qui, elle, n'a subi aucune
évolution, surtout au plan numérique. L'Assemblée est composée de cent
quatre-vingts députés élus au suffrage universel direct et
secret pour un mandat de cinq ans310(*). Ce nombre n'est pas immuable car l'article 15
alinéa 1er in fine da la Constitution permet sa
modification par le législateur ordinaire par le biais d'une loi. Chaque
député représente l'ensemble de la nation.
La durée du mandat de
l'Assemblée nationale peut également faire l'objet de
modification à l'initiative du président de la République.
D'une part, le président de la République peut utiliser la
prérogative de dissolution prévue par l'article 8 de la
Constitution. Son dernier alinéa dispose en effet que le
président de la République peut, en cas de
nécessité et après consultation du Gouvernement, des
Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la
dissolution de l'Assemblée nationale. D'autre part, il ressort de
l'article 15 alinéa 4 de la Constitution qu'en cas de crise grave, le
président de la République peut, après consultation du
président du Conseil constitutionnel et des Bureaux de
l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à
l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou
d'abréger son mandat.
Cette possibilité reconnue à l'Assemblée
nationale est contraire aux principes démocratiques de la
représentation populaire. L'Assemblée nationale est
composée d'élus de la Nation dont ils sont les mandataires pour
une durée prédéterminée. Ni l'Assemblée
nationale elle-même, ni le président de République,
Chef de l'Exécutif, ne sauraient raccourcir et encore moins proroger ce
mandat sans qu'il y ait usurpation de mandat ; et en tout état de cause,
il y aurait confusion des pouvoirs. Dans les deux cas, l'élection d'une
nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et soixante (60)
jours au plus après l'expiration du délai de prorogation ou
d'abrègement de mandat.
Ces prérogatives du
président de la République ne peuvent être exercées
à l'encontre du Sénat sans que celui-ci soit pour autant à
l'abri des influences présidentielles. Loin s'en faut ! A
l'égard du Sénat en effet, ces influences sont mêmes telles
qu'elles atténuent considérablement son indépendance et
partant celle du Parlement.
2 -
Le Sénat
Le Sénat est
désormais la seconde Chambre du Parlement camerounais. L'expression
« seconde Chambre » est traditionnellement
utilisée pour désigner, au sein des Parlements bicaméraux,
celle des deux Chambres qui n'assure pas une représentation
égalitaire et directe de la population311(*). Elle reçoit cependant des appellations
diverses selon les pays : le Sénat (France, Etats-Unis), House of
Lords (Royaume-Uni), Bundesrat (République fédérale
d'Allemagne), Chambre des représentants (Burkina Faso)312(*), etc. Sa position seconde
peut se justifier au plan chronologique par son arrivée tardive dans le
dispositif institutionnel parlementaire. On parle aussi de Chambre haute pour
la désigner. Ce qui est une curiosité terminologique où la
deuxième est plus haute que la première, alors même qu'en
général, celle-ci a plus de pouvoirs que celle-là.
Même en tenant compte de l'âge généralement
avancé des sénateurs et par suite de la sagesse dont ils sont
crédités de la part de certains auteurs313(*), cette classification ne se
justifie pas d'elle-même.
Aux termes de l'article 20
alinéa 1er de la Constitution, le Sénat
représente les collectivités territoriales
décentralisées. C'est ainsi que chaque région y est
représentée par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont
élus au suffrage universel indirect sur la base régionale et
trois (3) nommés par le président de la République, pour
une durée de cinq ans. Cet article confirme aussi bien la concentration
des pouvoirs par le président de la République que leur confusion
ci-dessus évoquée. Certes, il est admis que la composition de la
seconde Chambre n'obéisse pas aux mécanismes de la
démocratie directe. Ses membres sont généralement
élus au suffrage universel indirect. Car, élire les
sénateurs au suffrage universel direct ferait du Sénat une
Assemblée nationale bis, le suffrage universel indirect n'étant
qu'un mécanisme de différentiation et non pas le résultat
d'une volonté expresse de limiter le caractère
démocratique de cette institution. Pourtant, c'est pour cette
dernière solution que penche le pouvoir constituant dérivé
camerounais en consacrant une prérogative pour le président de la
République à l'effet de nommer une partie des sénateurs.
En effet, en permettant que 30 des 100 sénateurs soient nommés
par le président de la République, la Constitution confère
à ce dernier le pouvoir de disposer du législateur dans la mesure
où, en principe, le Sénat participe à l'élaboration
des lois sur un pied d'égalité avec l'Assemblée nationale.
Comme le suggérait Jean GRANGE, la composition d'une assemblée
influe sur ses pouvoirs314(*). Or, comment la loi peut-elle être l'oeuvre
à la fois de la représentation nationale (députés)
et de la « représentation
présidentielle » (sénateurs nommés) et
exprimer la volonté générale que seule représente,
dans la théorie constitutionnelle, une ou des Assemblées
élues ?, se demande à juste titre le Professeur Maurice
KAMTO. Dans le système actuel de recrutement des sénateurs
camerounais, la nomination fait de l'oeuvre législative une coproduction
à laquelle participe l'Exécutif au-delà de sa tâche
traditionnelle de préparation et de présentation des projets de
loi ordinaire ou de révision de la Constitution, selon le cas. Au niveau
local, la démocratie est davantage encore dévoyée lorsque,
en plus de son report du fait de la suspension dont les régions font
l'objet en application de l'article 67 alinéa 5 de la
Constitution315(*), bon
nombre de collectivités territoriales décentralisées
qu'est censé représenter le Sénat, sont dirigées
par des exécutifs non pas élus au suffrage universel, mais eux
aussi nommés discrétionnairement par le président de la
République316(*).
Par ailleurs, nulle part n'est fait l'effort de dire ce qui
rend nécessaire ce droit reconnu au président de la
République, ni même pourquoi lui et pas une autre institution.
Dans le cas de la Côte d'Ivoire, ce sont les arguments du quotidien
gouvernemental même en faveur de la création du Sénat qui
ont davantage rendu suspecte la nouvelle Chambre parlementaire. Pour
Fraternité Matin, la démocratie locale serait ainsi
renforcée parce que « seul 1/3 des sénateurs sera
choisi par le président de la
République »317(*).
Sans réponse claire et satisfaisante reste ainsi
posée la question de savoir comment le fait pour le président de
la République de nommer certains membres du pouvoir législatif
d'une part et certains membres des organes dirigeants des collectivités
territoriales décentralisées d'autre part, en lieu et place du
peuple et des populations locales respectivement, contribuerait à
renforcer la démocratie. Dans tous les cas, la nomination des
sénateurs est en tout point contraire au principe de la
séparation des pouvoirs politiques dans l'Etat. Un exécutif et un
législatif indépendant l'un de l'autre quoique disposant selon
des modalités diverses de moyens d'influences réciproques exclut
la possibilité pour l'un de disposer a priori de l'autre sans
la médiation du suffrage universel. Il faut néanmoins se
réjouir que les données actuelles soient une revue à la
baisse des propositions faites sur ce point tout au long de
l'élaboration de loi constitutionnelle de 1996.
En effet, dans l'avant-projet
n° 1 de Constitution élaboré par le Comité technique
chargé des questions constitutionnelles et publié en mai 1993,
seuls les 3/5e de l'effectif sénatorial étaient
élus au suffrage universel indirect. Le reste devait l'être dans
des conditions qu'il devait revenir à une loi de fixer. Dans tous les
cas, les sénateurs devaient être élus même si une
certaine incertitude planait sur le mode d'élection de cette seconde
catégorie. Cette proposition ne sera pas retenue pour la suite. Dans le
projet de révision constitutionnelle que le président de la
République soumet finalement à l'examen de l'Assemblée
nationale, le quota régional des sénateurs est certes maintenu
à dix, mais une nouveauté est introduite dans les
modalités de leur désignation. Le président de la
République reçoit la prérogative de nommer jusqu'à
cinq des dix sénateurs de chaque région, soit une proportion de
50 % de l'effectif sénatorial national. En outre, une troisième
catégorie de sénateurs est introduite : les anciens Chefs d'Etat,
les membres de droit318(*). C'est durant la phase parlementaire de la
révision que la proportion de sénateurs non élus avait
été réduite à 30% comme c'est le cas actuellement.
Quant à la catégorie des membres de droit, elle est purement et
simplement supprimée. Selon les témoignages de certains
députés ayant participé à cette session, il leur
avait été impossible d'obtenir un consensus sur la suppression
totale de la catégorie des sénateurs nommés319(*).
Quoiqu'il en soit, le constituant
a clairement opté pour un système de suffrage mixte ou
partiel : il combine un mode de désignation au suffrage universel
indirect avec un pouvoir de nomination reconnu au président de la
République. En tout état de cause, les candidats à la
fonction de sénateur ainsi que les personnalités nommées
à ladite fonction par le président de la République,
doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de
l'élection ou de la nomination320(*) et la durée de leur mandat est de cinq
ans321(*). Rappelons
à toute fin utile que cette durée est inférieure à
ce que prévoyait l'avant-projet de Constitution de 1993. En effet, elle
y était fixée à sept (7) ans. La périodicité
de renouvellement était fixée à trois (3) ans et la
proportion renouvelable à un tiers. Le texte promulgué le 18
janvier 1996 a donc fait simple en fixant le renouvellement intégral
à la fin du mandat ramené à cinq ans.
Comme on peut aisément le
constater, le régime de la composition du Sénat camerounais vient
mettre en doute la capacité du constituant à contribuer à
la consolidation du processus démocratique en cours.
§2 : LES CONSEQUENCES DE LA CONSECRATION DU
BICAMERALISME
La consécration du
bicamérisme n'a pas eu des conséquences seulement au niveau du
pouvoir législatif ordinaire. Elle a également déteint sur
le Parlement agissant en tant que pouvoir constituant dérivé, ce
qui est loin de surprendre, les Sénats étant fréquemment
conçus comme des stabilisateurs institutionnels322(*). De fait, ils jouent un
grand rôle en ce domaine et, de deux façons : en premier
lieu, la loi constitutionnelle de 1996 a réalisé une extension du
pouvoir d'initier une révision constitutionnelle aux membres du
Sénat (A). En second lieu,
l'accord sénatorial est requis pour qu'une révision aille
à son terme. Mais, en cette circonstance le Sénat doit, en raison
de l'absence de navette dans la procédure de révision comme
l'exige la procédure législative ordinaire, se joindre à
l'Assemblée nationale lors du vote de la loi de révision. On dit
alors que le Parlement est réuni en congrès
(B).
A -
L'extension de l'initiative de la révision constitutionnelle aux
sénateurs
Après avoir conservé
le pouvoir de proposer une révision constitutionnelle qu'elle avait
confié exclusivement au président de la République et aux
membres de l'Assemblée nationale, la Constitution de 1972 dans sa
version du 18 janvier 1996 a opéré une extension du droit
d'initier une révision constitutionnelle au profit des membres de la
seconde Chambre du Parlement. Ceci permet par exemple qu'une révision
constitutionnelle ne puisse aboutir sans que le Sénat ait exprimé
ses nuances. De ce point de vue, l'acte de révision de 1996 a
innové en réalisant un élargissement sans
précédent du droit d'initiative de la révision au
bénéfice des Sénateurs.
Jusque-là en effet, seuls
le président de la République et les députés
à l'Assemblée nationale pouvaient déclencher la
procédure de révision de la Constitution. Mais une double
précision doit être faite ici.
D'une part, la loi constitutionnelle de 1996 ne
reconnaît pas le droit d'initier une procédure de révision
aux sénateurs pris individuellement. En effet, ainsi qu'il ressort des
dispositions de l'article 63 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de
1996, « Toute proposition de révision émanant des
membres du Parlement doit être signée par un tiers au moins des
membres de l'une ou de l'autre Chambre ». Dans cette optique,
aucune distinction n'est faite selon que l'initiative de la révision
vient ou non des présidents des Chambres du Parlement comme c'est par
exemple le cas en matière de saisine du Conseil constitutionnel. On sait
en effet, qu'en ce domaine la loi constitutionnelle de 1996 confère au
président de l'une ou l'autre Chambre un droit propre de saisir le
Conseil constitutionnel dans des hypothèses
déterminées323(*), le nombre minimum d'un tiers de signatures
n'étant requis que des autres députés ou sénateurs
selon le cas.
D'autre part, si l'exigence de ce
seuil minimum de signatures a l'inconvénient de rendre la Constitution
trop rigide, du moins formellement, il n'en demeure pas moins qu'elle est un
facteur d'égalité entre les deux Chambres du Parlement en
matière d'initiative de la révision de la Constitution. Cette
exigence est en effet autant rigoureuse à l'égard du Sénat
que vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Ainsi, un tiers des
députés représente 33,33% des membres de
l'Assemblée nationale. Appliquée au Sénat, la même
exigence correspond à 33,33% de ses membres. Sous ce rapport, la
Constitution constitue une source d'égalité entre les deux
Chambres du Parlement comme c'est d'ailleurs le cas dans la procédure
législative ordinaire à la seule nuance que tout
député ou tout sénateur peut soumettre une proposition de
loi à la Conférence des présidents de la chambre
parlementaire à laquelle il appartient sans être obligé de
solliciter les signatures de ses pairs. Cependant, cette égalité
n'est plus strictement recherchée au cas où le désaccord
persiste entre les deux Chambres sur un texte en discussion devant elles et ce
en dépit de la mise en place d'une Commission mixte paritaire, le
président de la République pouvant soit demander à
l'Assemblée nationale de statuer définitivement, soit
déclarer caduc le projet ou la proposition de loi en
discussion324(*).
Cette inégalité
entre les deux Chambres du Parlement ne dépend plus du président
de la République dans la procédure de révision mais
plutôt des majorités imposées au congrès pour
l'adoption définitive du texte de révision, surtout en
première lecture.
B -
L'exigence de la réunion du Parlement en congrès pour se
prononcer sur un projet de texte de révision constitutionnelle
La collaboration des deux Chambres
du Parlement dans l'exercice du pouvoir de révision est tout à la
fois normale et hautement désirable dans un Parlement bicaméral.
Ceci est d'autant plus désirable que les sénateurs, qui sont
numériquement inférieurs aux députés
siégeant à l'Assemblée nationale, ne seraient pas
protégés si une révision constitutionnelle pouvait aboutir
sans leur accord. De la sorte, aucune révision dirigée contre
l'une des Chambres ne saurait, dans la meilleure hypothèse, aboutir sans
son accord. Ceci étant dit, précisons que la collaboration des
deux Chambres en matière de révision constitutionnelle
diffère de celle qui existe entre elles dans la procédure
législative ordinaire où le bicaméralisme est plus ou
moins réel selon la volonté du pouvoir exécutif.
Il sera donc question de
démontrer cette thèse à travers la
spécialité du congrès de révision
(1). Toutefois, cette spécialité du pouvoir
constituant dérivé par rapport à l'organe
législatif ordinaire n'exclut pas que des points de convergence
demeurent entre les deux organes de l'Etat. C'est dire que la
spécialité du congrès de révision par rapport au
pouvoir législatif doit être relativisée
(2).
1 -
La spécialité du congrès de révision par rapport au
pouvoir législatif ordinaire
Les procédures de
révision constitutionnelle reposant sur le pur principe
représentatif se ramènent à deux types principaux. D'une
part, la révision est opérée par une assemblée
spécialement élue à cet effet qui n'exerce pas, en
principe, d'autres fonctions : c'est ce qu'on appelle une Assemblée
constituante ou, en Amérique, une Convention. Ce système
paraît le plus rationnel, puisque, par ce procédé, la
question de la révision a été principalement portée
devant les électeurs, débarrassée de préoccupations
étrangères ; par là même, c'est celui qui se
prête le moins à la pratique de la révision partielle et
limitée qui paraît triompher aujourd'hui325(*). D'autre part, c'est le
pouvoir législatif lui-même qui, après avoir
constaté la nécessité de la révision, est
chargé de l'opérer. Mais alors fonctionnant comme pouvoir
constituant dérivé, en raison de cette mission importante, il
reçoit souvent dans son organisation certaines modifications temporaires
qui font sa spécificité en la circonstance.
C'est à ce second
système que se rattache nettement la loi constitutionnelle camerounaise
du 18 janvier 1996. Le Parlement chargé d'opérer la
révision est bien composé des éléments qui
constituent les deux Chambres législatives, mais celles-ci forment
à l'occasion un corps distinct en droit et portant le titre légal
de congrès.
Que recouvre cette expression qui fait ainsi son entrée
en droit constitutionnel positif camerounais ? Pour bien comprendre ce qu'est le congrès en
droit constitutionnel camerounais, il convient d'avoir une idée de ce
qu'il signifie ailleurs ou dans d'autres branche du droit public. Ainsi, aux Etats-Unis, le terme congrès est le
nom donné au Parlement de ce pays. En droit constitutionnel
français, le congrès c'est « la réunion
temporaire, et seulement en vue de la révision constitutionnelle, de
l'Assemblée nationale et du Sénat, en une Assemblée unique
dont le Bureau est celui de l'Assemblée nationale et qui, pour des
raisons de places disponibles, siège dans une grande salle du Palais de
Versailles (d'où l'expression `'aller à Versailles'' pour
décider d'une révision) »326(*). Il en résulte que,
le recours au congrès a lieu uniquement pour les projets de loi portant
révision de la Constitution à l'initiative du président de
la République. Il apparaît donc qu'en France, on ne parle du
congrès que lorsqu'il est question de donner suite à un projet de
révision constitutionnelle déclenchée par le
président de la République.
Par ailleurs, la notion de congrès en matière de
révision constitutionnelle doit être distinguée des autres
réunions qui portent également la dénomination de
congrès. D'une part, le congrès de révision se distingue
de la réunion périodique des délégués d'un
parti politique en vue de décider des programmes et des questions
politiques et pour renouveler les organes dirigeants327(*). D'autre part, il ne saurait
être confondu au congrès tel qu'il est entendu en droit
international public où il renvoie à la réunion de Chefs
d'Etats, de ministres des Affaires étrangères ou de
plénipotentiaires en vue du règlement de questions politiques
importantes328(*).
En droit constitutionnel
camerounais, la notion de congrès révèle quelques nuances.
D'un côté, la notion de congrès y est largement entendue
contrairement à la France où le congrès du Parlement ne
peut être convoqué que lorsqu'il est question de donner suite
à un projet de révision de la Constitution. Au Cameroun en effet,
le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé
à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la
Constitution329(*). D'un
autre côté, la Constitution distingue deux sortes de
congrès, à savoir, d'une part, un congrès dont la
convocation oblige les deux Chambres à se réunir sous peine de
violer la Constitution. Il en est ainsi notamment du congrès de
l'article 63 alinéa 3 qui dispose
clairement : « Le Parlement se réunit en
congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet
ou une proposition de révision de la Constitution ».
D'autre part, le congrès auquel les deux Chambres n'ont que la latitude
d'y siéger tel que les cas prévus par l'article 14 alinéa
4 de la Constitution. En effet, aux termes de cette disposition, les deux
Chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à la
demande du président de la République soit pour entendre une
communication ou recevoir un message du président de la
République, soit pour recevoir le serment des membres du Conseil
constitutionnel, soit enfin pour se prononcer sur un projet ou une proposition
de révision constitutionnelle. Enfin, le congrès de
révision ne saurait être confondu à celui de l'article 32
de la Constitution aux termes duquel le président de République
peut, sur sa demande, être entendu par « (...) les deux
Chambres réunies en congrès ».
Ce faisant, la Constitution laisse sans réponse la
question des rapports entre la révision constitutionnelle dont il s'agit
ici et le titre XI de la Constitution en général et
l'alinéa 3 de son article 63 en particulier. Il y a lieu de penser que
l'absence de renvoi entre ces deux dispositions, traduit l'expression du
caractère facultatif du congrès de révision
convoqué sur la base de l'article 14 alinéa 4.
En outre, la Constitution
camerounaise ne limite pas le pouvoir du congrès en ce qui concerne
l'examen du projet ou de la proposition de révision soumis à son
examen, contrairement à la Constitution française de 1958.
Celle-ci limite en effet strictement les pouvoirs du congrès : il
ne peut qu'adopter ou rejeter le texte même qui à
été adopté séparément par l'une ou l'autre
Chambre, il ne peut pas le modifier. Ces précisions faites, il faut dire
hic et nunc que la spécialité du congrès par
rapport au pouvoir législatif telle qu'elle ressort de la Constitution
camerounaise tient à deux aspects essentiels qui peuvent être
perçus tant au plan organique que fonctionnel.
Sur le premier plan en effet,
lorsqu'elles sont réunies en congrès, les deux Chambres du
Parlement perdent momentanément leur individualité ou
plutôt les sénateurs et les députés prennent
momentanément une qualité nouvelle et complémentaire,
celle de membre du congrès. Cette combinaison a paru
préférable à celle d'une révision
opérée par les deux Chambres statuant séparément,
comme pour une loi ordinaire. En effet, lorsque la révision a
été ouverte, il faut, pour la tranquillité et la
sécurité du pays, qu'elle aboutisse sûrement et
promptement, et cela n'est possible qu'avec une Assemblée unique.
Certes, la Constitution belge a adopté le système
contraire : elle ne réunit pas en un seul corps les deux Chambres
chargées d'opérer la révision, lesquelles continuent
à délibérer séparément. Mais, on a vu les
conséquences pratiques d'une telle solution dans la révision
opérée dans ce pays vers la fin du 19è siècle. Les
deux Chambres renouvelées à cet effet ont commencé la
discussion le 12 juillet 1892, et elle ne s'est terminée par le dernier
vote du Sénat qu'au mois de septembre 1893 ; la loi de révision a
été sanctionnée par le roi le 7 du même
mois330(*). N'y a-t-il
pas une grande imprudence à laisser ainsi, pendant de longs mois, une
Nation comme le Cameroun, excitée par des débats d'une importance
vitale et nécessairement passionnés ? La loi
constitutionnelle de 1996 statue ainsi dans son article 63 alinéa
3 : « Le Parlement se réunit en congrès
lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une
proposition de révision de la Constitution. (...) ».
Sur le second plan, le
congrès chargé d'opérer la révision s'écarte
sur trois points des règles qui déterminent le fonctionnement de
nos deux Chambres législatives. Premièrement, il n'élit
pas lui-même son Bureau. L'article 14 alinéa 4 in fine de
la Constitution lui en impose un d'autorité qui est le Bureau de
l'Assemblée nationale. Deuxièmement, c'est dans les
majorités requises au congrès pour voter le texte de
révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant
ès qualité. C'est ainsi qu'il ne peut, en première
lecture, prendre des délibérations qu'« à la
majorité absolue des membres le composant ». En prenant
les termes au pied de la lettre, le chiffre sur lequel doit être
calculée cette majorité est fourni par le nombre
additionné des sièges, que comprennent d'un côté, le
Sénat et de l'autre l'Assemblée nationale (aujourd'hui 100 d'une
part, et 180, d'autre part), sans qu'on défalque les sièges
vacants, les absents, les abstentions, les bulletins blancs et nuls. Il ne
s'agit plus cette fois d'une majorité quelconque des votants comme le
laissait penser l'ancienne formulation de l'article 36 de la Constitution.
Toutefois, la formulation actuelle est critiquable. En
particulier, on ne comprend pas comment les absents, les
décédés non remplacés pourraient rendre impossible
une révision votée par la majorité des membres
présents conformément au règlement du congrès
(probablement à venir). La même critique peut être
dirigée contre le congrès lorsqu'il est appelé par le
président de la République à se prononcer en seconde
lecture. Cette solution est néanmoins plus rigidifiante et surtout
s'avère extrêmement importante pour le Sénat dans la mesure
où la majorité exigée dans cette hypothèse veut
qu'aucune révision n'aboutisse en dépit du vote unanime des
sénateurs à son égard comme ce peut être le cas en
première lecture, la majorité absolue exigée ici pouvant
être atteinte même au cas où tous les sénateurs
auraient voté contre le projet de texte de révision soumis au
congrès331(*). En
effet, la majorité des deux tiers ne pourra être atteinte et le
texte de révision adopté que si sept (7) sénateurs au
moins lui sont favorables.
Toutefois, cette
spécialité du Parlement réuni en congrès par
rapport au pouvoir législatif ordinaire connaît des limites.
2 -
La relativité de la distinction entre le Parlement réuni en
congrès et le pouvoir législatif ordinaire
Il est admis en doctrine que le
bicaméralisme procédait de la volonté de rendre
« complexe » l'organe législatif et la
révision des Constitutions332(*). Mais, même exercé par les deux
Chambres du Parlement réunies en congrès et votant aux
majorités désormais contraignantes ci-dessus, le pouvoir
constituant dérivé entretient à maints égards des
rapports avec l'organe législatif ordinaire. Car, même en
réunissant ses deux Chambres en congrès dans l'exercice de sa
fonction constituante, le Parlement, organe de représentation ordinaire,
est formé de représentants ordinaires de la Nation. De ce fait,
la séparation organique entre le pouvoir constituant
dérivé et l'organe législatif est « plus
théorique et nominale que réelle », selon une
formule de CARRE de MALBERG333(*).
Des arguments politiques et juridiques peuvent être
invoqués à cet égard. Au plan
politique, c'est la volonté des représentants ordinaires de la
Nation qui s'exprime à l'intérieur du pouvoir constituant
dérivé. On rejoint là l'objection qui se présente
naturellement à l'exercice du pouvoir de révision par le
Parlement, à savoir celle selon laquelle les membres du corps
législatif n'ont pas été élus en vue de la
révision, et n'ont pas, en fait, reçu des électeurs une
direction à cet effet. Mais, elle disparaît cependant dans la
Constitution belge d'après laquelle les deux Chambres doivent être
préalablement renouvelées par l'élection avant de
procéder à la révision334(*). Cette solution se justifie probablement sans doute
par la volonté du constituant belge de mettre son oeuvre à l'abri
des majorités passagères ou de distinguer la volonté
populaire « des clameurs de faction »335(*).
Au plan juridique, c'est la
qualité de membre des Chambres et plus précisément d'une
des Chambres336(*) qui
confère aux députés le droit d'entrée et de vote au
congrès de révision. La perte de cette qualité conduit
nécessairement à l'exclusion du parlementaire concerné
dudit organe. Qui plus est, la Constitution n'apporte pas une solution à
la question de savoir si le droit de dissolution peut être exercé
à l'encontre de l'Assemblée nationale, composante du Parlement
siégeant en congrès en vue d'une révision
constitutionnelle. Or, bien que cette hypothèse reste théorique,
elle ne peut être écartée. Dans ce cas, la décision
de dissolution a-t-elle pour effet la dislocation de l'Assemblée de
révision ? A l'opposé de DUGUIT, CARRE de MALBERG
considère que si la dislocation du Parlement reste possible, elle ne
saurait concerner l'Assemblée de révision. Il semble cependant
que la révocation collective prive les députés du droit
d'accès au congrès et prenne par conséquent les allures
d'une révocation individuelle337(*).
Au-delà des apparences
donc, la spécialité organique et fonctionnelle du pouvoir
constituant dérivé en tant qu'il est exercé par le
congrès cache mal ses rapports avec l'organe législatif. On peut
néanmoins observer que la révision de la Constitution par la voie
parlementaire présente en pratique l'avantage d'être simple et
souvent expéditive. Cette rapidité est même
présumée au Cameroun d'autant plus que le système de
révision retenu par la loi constitutionnelle de 1996 semble
écarter l'hypothèse d'un vote séparé des deux
Chambres du Parlement avant leur réunion en congrès qui,
jusqu'à présent, ne peut siéger en raison de
l'ineffectivité du bicaméralisme.
Section 2 : L'INEFFECTIVITE PRATIQUE DU
BICAMERALISME
La règle de droit est dite
effective lorsqu'elle produit un effet, lorsqu'elle se traduit par des actes ou
des comportements tangibles. La référence à
l'effectivité sous-entend un écart entre le droit tel qu'il est
écrit et le droit tel qu'il est appliqué. Parler de
l'ineffectivité du bicaméralisme sous-entend un écart
entre le bicaméralisme tel qu'il est consacré par la Constitution
et le bicaméralisme tel qu'il est pratiqué. La question de la
translation du droit dans les faits préoccupe de nombreux juristes,
sociologues, hommes politiques338(*). Quels que soient les ordres juridiques (interne,
international ou communautaire) et les domaines dans lesquels on se situe, il
est légitime de s'interroger sur l'application effective des
règles de droit qui sont créées pour être
appliquées plutôt que pour sommeiller dans des recueils officiels.
En termes moins prosaïques, le droit doit être appliqué afin
de réaliser son objet qui, selon une doctrine unanime, consiste en
l'organisation de l'ordre social. A cet égard, on peut penser par
exemple que le bicaméralisme serait qualifié d'efficace si
l'examen de son application apportait la preuve qu'il contribue
réellement à l'amélioration de la qualité du
travail législatif et à la réalisation des seules
révisions des articles de la Constitution dont l'expérience
aurait laisser apparaître les insuffisances, tout en préservant
ceux qui sont considérés comme des acquis institutionnels.
Phénomène aussi
général, complexe et multiforme que le droit lui-même,
l'ineffectivité du bicaméralisme ne se laisse pas aisément
appréhender. Il convient dès lors, pour une meilleure
compréhension des conséquences de l'ineffectivité du
bicaméralisme camerounais (§2), d'en
préciser les facteurs (§1).
§1 : LES FACTEURS DE L'INEFFECTIVITE DU
BICAMERALISME
Le processus juridique est
habituellement découpé en quatre phases : l'adoption d'une
règle, sa mise en oeuvre, son application et le contrôle de son
application. L'adoption correspond à la création d'une
règle de droit par les autorités compétentes ; la
mise en oeuvre à l'élaboration des mesures d'application ;
l'application à la mise en conformité des comportements
individuels à la règle (au besoin grâce à l'adoption
des mesures administratives particulières) et le contrôle à
l'ensemble des mesures (incitations administratives, recours juridictionnels,
sanctions) destinées à en assurer le respect. La question de
l'effectivité se pose naturellement après la création de
la règle. Ses effets peuvent donc être mesurés à
chacune des trois étapes suivantes. Mais cette distinction tend à
masquer les liens entre les quatre étapes, une même
autorité pouvant prendre part à plusieurs d'entre elles. Ainsi,
le Gouvernement participe à l'élaboration de la loi puis est
chargé de sa mise en oeuvre. Aussi, en dépit des
différences que nous avons mentionnées, nous nous
référerons indifféremment à l'une et à
l'autre étape.
De manière
générale, le terme facteur renvoie à chacun des
éléments contribuant à un résultat. Appliqué
au bicaméralisme camerounais, il nous amène à
dépasser le constat de l'ineffectivité du bicaméralisme
due aux dispositions transitoires de la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996 pour aller à la recherche d'autres éléments
expliquant ce divorce entre le bicaméralisme posé et le
bicaméralisme tel qu'il est vécu. Autrement dit, une analyse
objective conduit nécessairement à distinguer les facteurs
tirés de la Constitution elle-même (A) de ceux
qui lui sont extérieurs (B).
A -
Les facteurs tirés de la Constitution
Deux éléments
tirés de la lettre même de la Loi fondamentale permettent de se
faire une première idée sur l'ineffectivité du
bicaméralisme camerounais. Il s'agit d'une part, de la
consécration par cette dernière elle-même d'un principe
surprenant, à savoir celui de la progressivité dans la mise en
place des nouvelles institutions qu'elle consacre (1). Il
s'agit d'autre part, de l'absence d'un échéancier pour la mise en
place de ces dernières et surtout du silence quant aux mesures de
contrôle de la mise en place des nouvelles institutions
(2).
1 -
La consécration constitutionnelle du principe de progressivité
dans la mise en place des nouvelles institutions
La consécration
constitutionnelle du principe de progressivité dans la mise en place des
nouvelles institutions est le premier élément explicatif de
l'ineffectivité du bicaméralisme. Le bicaméralisme est en
effet atteint par le principe de progressivité dans la mise en place des
nouvelles institutions parmi lesquelles se trouve incontestablement le
Sénat. C'est du reste ce qui ressort de l'article 67 alinéa
1er de la Constitution qui dispose : « Les nouvelles
institutions de la République prévues par la présente
Constitution seront progressivement mises en place ».
A priori, cet énoncé semble ne pas
poser de problème d'interprétation particulier, tant il frappe
par son évidence. A l'analyse cependant, et compte tenu de sa
formulation en des termes extrêmement vagues, il apparaît qu'il
soulève deux problèmes à savoir le problème de sa
justification et celui de sa nature.
Sur le premier point, il faut
distinguer les aspects objectif et politique de la proclamation du principe de
progressivité. L'aspect objectif réside dans la charge
financière que devait entraîner la mise en place des nouvelles
institutions étant donné le contexte de crise économique
d'alors. On se souvient à cet égard que dans son discours de
présentation du projet de révision devant les
députés, le président de la République avait
clairement averti que « toute réforme a un
prix » et que « la mise en place de nos
nouvelles institutions se traduira pour l'Etat par des charges
supplémentaires »339(*). Si cet élément objectif est
incontestable, il reste que l'article 67 alinéa 1er
opère une rétention opportuniste à des fins politiciennes
de situations objectives créées par la Constitution. Car, tout
est agencé dans le sens d'une gestion politique de la mise en place des
nouvelles structures, de matière à faire croire, chaque fois
qu'une institution sera mise en état effectif de fonctionnement,
à une concession magnanime des pouvoirs publics alors qu'il s'agit bien
de l'accomplissement d'une sujétion constitutionnelle340(*).
Sur le second point,
l'alinéa 1er de l'article 67 pose le problème de sa
nature. On se demande en particulier si la mise en place du Sénat
constitue une faculté ou une obligation pour les organes investis des
pouvoirs pour le faire ? En d'autres termes, cet alinéa rappelle-t-il
une sorte de progressivité naturelle dans l'aménagement
fonctionnel des nouvelles institutions (parmi lesquelles le Sénat), une
progressivité qui n'a point besoin de texte, ou alors oblige-t-il les
pouvoirs publics à ne pas mettre en état de fonctionnement,
simultanément, toutes les nouvelles institutions ? Dans le second
cas, le souci serait celui d'une digestion adéquate des nouvelles
institutions, de manière à éviter toute indigestion
institutionnelle341(*).
Il y aurait ainsi le devoir de concrétiser par paliers successifs la
Constitution. C'est cette interprétation que semblent privilégier
les organes chargés de la mise en place du Sénat au regard de
l'adoption progressive des textes indispensables à sa mise en place. Il
s'agit d'une part de la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant
création, organisation et fonctionnement d'« Elections
Cameroon » (ELECAM), de la loi n° 2006/005 du 14 juillet
2006 fixant les conditions d'élection des sénateurs et de la loi
n° 2006/004 de la même date fixant les conditions d'élection
des conseillers régionaux. Mais de l'avis du Professeur Alain-Didier
OLINGA, il semble que c'est la première voie qui devrait être
retenue. Car selon lui, « l'agencement institutionnel
prévu dans la Constitution a été prévu pour
fonctionner suivant un équilibre précis qui suppose le
fonctionnement effectif de toutes les institutions »342(*). Est donc exceptionnel et
insusceptible d'être considéré comme une prescription, le
principe de mise en place progressive. Loin s'en faut. Si toutes les nouvelles
structures venaient à être mises en place simultanément, il
n'y aurait à cela aucune anomalie.
Cette interprétation a
l'avantage d'éviter que l'article 67 ne soit un moyen constitutionnel de
justifier, sinon l'inertie institutionnelle, du moins la pérennisation
de la phase transitoire. L'idéal serait, dans cette optique, de disposer
des moyens de lutter contre l'inaction volontaire des organes
chargés de mettre en état de fonctionnement les nouvelles
institutions. L'enjeu est important, car des acquis constitutionnels ne
sauraient demeurer, pendant un temps indéfini, de pures abstractions,
objet de spéculations des chercheurs.
2 -
L'absence d'un échéancier pour la mise en place des nouvelles
institutions et de mécanismes juridiques de contrôle de cette mise
en place
Le deuxième facteur de
l'ineffectivité du bicaméralisme tiré directement du texte
constitutionnel tient à l'absence d'un échéancier pour la
mise en place des nouvelles institutions. On relève à cet
égard que la Constitution camerounaise n'indique pas l'intervalle de
temps pendant lequel les pouvoirs publics doivent procéder à la
mise en place des nouvelles structures, y compris le Sénat, comme
l'avait fait la Constitution française de 1958. Pourtant, cette
démarche du constituant français avait prouvé son
efficacité. On sait en effet que l'alinéa 1er de
l'article 91 de la Constitution française du 4 octobre 1958 avait
fixé à quatre (4) mois le délai pendant lequel le
Gouvernement devait mettre en place les institutions qu'elle consacrait
à compter de la promulgation de la Constitution343(*). Durant cette période
qui s'achevait le 4 février 1959 à minuit, le Gouvernement
était autorisé, en vertu de l'article 92, à prendre toutes
les mesures législatives nécessaires à l'application de la
Constitution et au fonctionnement des pouvoirs publics, à fixer le
régime électoral des Assemblées, à édicter
en toutes matières les dispositions qu'il jugera nécessaires
à la vie de la nation, à la protection des citoyens et à
la sauvegarde des libertés, etc. Obéissant à ses
obligations constitutionnelles, le Gouvernement avait pris 296 ordonnances dont
certaines étaient indispensables, telles les ordonnances portant lois
organiques prises en application de la Constitution et régissant les
principaux pouvoirs publics, mais dont beaucoup n'étaient même pas
« immédiatement utiles »344(*).
Tel n'est pas le cas au Cameroun
où la Constitution opte clairement, mais vaguement, pour le principe de
la progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions parmi
lesquelles le Sénat, évitant par là même la
limitation temporelle de la période de mise en place des nouvelles
institutions.
Pourtant, la question relative
à la définition d'un échéancier pour la mise en
place des nouvelles institutions avait fait l'objet d'âpres débats
dans l'Assemblée de révision en 1996. Deux positions
s'étaient affrontées sur les termes de l'article 67. Certains
députés soutenaient que les nouvelles institutions
créées devaient être mises en état de fonctionnement
avant la fin du mandat alors en cours du président de la
République, afin de conjurer le risque de voir le Gouvernement retarder
cette mise en place pour des raisons politiques345(*). D'autres
députés, qui partageaient la position du Gouvernement,
rétorquaient qu'« il n'était pas réaliste de
fixer une date butoir qui obligerait le président de la
République à accélérer le processus de cette mise
en place »346(*), en soulignant que la procédure de mise en
place des nouvelles institutions passe obligatoirement par l'adoption de lois
d'application de la Constitution et par d'importants investissements dans un
contexte marqué par la rareté des ressources financières
indispensables au bon fonctionnement des nouvelles institutions347(*).
Cet argument d'ordre financier du Gouvernement était
suivi d'un autre de nature juridique. Selon le Gouvernement en effet, il n'y
avait pas d'urgence à mettre en place les nouvelles institutions dans la
mesure où « certaines de ces institutions fonctionnaient
déjà de facto, en l'occurrence le Sénat dont
l'Assemblée nationale exerce les compétences jusqu'à sa
mise en place effective »348(*). Cet argument apparaît peu convaincant au
regard des fonctions spécifiques incombant au Sénat. Les
fonctions spécifiques de représentation catégorielle de
caractère politique et les fonctions législatives à
caractère technique qui incombent aux secondes Chambres des Parlements,
ne sauraient en effet être exercées dans le cadre d'un cumul des
attributions des deux Chambres par l'Assemblée nationale.
A cela s'ajoute l'absence de
mécanismes juridiques de contrôle d'application du principe de
progressivité. L'article 67 de la Constitution est muet en ce qui
concerne la question du contrôle du rythme de la mise en place des
nouvelles institutions. Son alinéa 1er présume la
bonne volonté des pouvoirs publics pour mettre en place les nouvelles
structures créées en 1996. Dès lors, l'application de
l'article 67 est un problème politique. Il suffit par conséquent
de la mauvaise foi, du manque de volonté politique des autorités
chargées par la Constitution de mettre en place ces nouvelles
institutions pour que cette dernière demeure
déséquilibrée349(*). On touche là les facteurs extérieurs
à la Constitution.
B -
Les facteurs extérieurs à la Constitution
« Et dire que pour
que tout devienne viable, chez nous, il suffit simplement d'appliquer la
loi », s'écriait un jour un universitaire
tunisien350(*). Le
constat est donc là : la loi n'est pas appliquée. Mais ce
constat amer n'est pas le lot des seuls tunisiens ; loin s'en faut ! Il
peut également être celui de nombreux citoyens au Cameroun
où les règles constitutionnelles relatives au
bicaméralisme ne sont pas appliquées surtout à cause des
facteurs extérieurs à la Constitution. Les facteurs
extérieurs à la Constitution qui expliquent
l'ineffectivité du bicaméralisme tiennent pour l'essentiel
à l'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs
à la mise en place du Sénat (1) et à
l'inaction des pouvoirs publics relativement aux opérations
matérielles indispensables au fonctionnement concret du Sénat
(2).
1 -
L'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs à la
mise en place du Sénat
L'ineffectivité des textes
infra-constitutionnels relatifs aux institutions d'accompagnement relève
du fait que la Constitution a chargé certains organes institués
de la mise en place progressive des nouvelles institutions en
général et du Sénat en particulier. Ces organes ou
autorités n'ont pas jusqu'ici exécuté leurs
différentes obligations à cet égard. Or, celles-ci sont
pourtant relativement bien réparties entre les autorités
concernées.
Il s'agit d'abord du
législateur dans la mesure où il appartient à la loi de
déterminer des règles indispensables à la mise en place et
au fonctionnement du Sénat. On pourrait donc penser que la mise en place
du Sénat dépend étroitement de la mise en place des
régions qui font partie à titre principal des
collectivités territoriales décentralisées que la
Sénat est censé représenter. A cet égard, il
revient au législateur, en vertu de l'article 14 alinéa 6 de la
Constitution, de fixer le régime des élections au Sénat
ainsi que le régime des immunités, des
inéligibilités, des incompatibilités, des
indemnités et des privilèges de ses membres351(*). Il en est de même du
régime des élections aux assemblées
régionales352(*),
sous réserves des dispositions de l'article 67 alinéa 6 (nouveau)
de la loi constitutionnelle de 2008. Ce dernier alinéa dispose en effet
qu' « Au cas où la mise en place du Sénat
intervient avant celle des régions, le collège électoral
pour l'élection des sénateurs est composé exclusivement
des conseillers municipaux ».
Ensuite, la mise en place du
Sénat ne peut s'effectuer sans le recours aux textes pris par voie
réglementaire. Par voie réglementaire, nous n'envisageons pas les
éventuels règlements d'application des lois à venir ; nous
voulons mettre en exergue notamment, le pouvoir de nomination par le
président de la République de trente des cent membres du
Sénat. L'acte de nomination, pris ici par le président de la
République, est bien un acte réglementaire susceptible en
principe de faire l'objet d'un recours contentieux, notamment si un
sénateur nommé n'a pas quarante (40) ans, la question de savoir
si les sénateurs nommés pour représenter la région
doivent être originaires, comme les sénateurs élus, des
régions qu'ils représentent n'étant pas résolue.
Enfin, le peuple, mais de
manière indirecte, peut intervenir par voie référendaire
dans la mise en place du Sénat. Cette possibilité résulte
de l'article 36 de la Constitution selon lequel le président de la
République, après consultation du président du Conseil
constitutionnel, du président de l'Assemblée nationale et du
président du Sénat, peut soumettre au référendum
tout projet de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi,
serait susceptible d'avoir des répercussions profondes sur l'avenir de
la nation et les institutions nationales. Les textes relatifs au Sénat
et aux régions peuvent ainsi être soumis au
référendum qui, législatif du point de vue formel, serait
en réalité constituant, car prolongeant l'oeuvre constituante, au
sens prégnant du terme, engagée en décembre 1995353(*).
Comment se manifeste l'inaction des pouvoirs publics
relativement aux opérations matérielles de mise en place du
Sénat ?
2 -
L'inaction des pouvoirs publics quant aux opérations matérielles
indispensables au fonctionnement concret du Sénat
L'ineffectivité du
bicaméralisme ne tient pas seulement à l'ineffectivité des
opérations juridiques incombant aux autorités chargées de
la mise en place progressive du Sénat, mais aussi et surtout à
l'inaction voire au silence des mêmes autorités en ce qui
concernent les opérations matérielles indispensables au
fonctionnement concret du Sénat. En effet, plus d'une décennie
après la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996 instituant le
bicaméralisme au Cameroun, le Sénat n'a reçu l'existence
physique qui conditionne son fonctionnement réel. Pourtant il ne fait
aucun doute que, comme l'Assemblée nationale, le Sénat
lui-même nécessite pour ses activités une installation
physique par l'affectation ou la construction de locaux, la mise à sa
disposition du matériel, ou pour le cas spécifique des
régions, l'organisation des consultations électorales
destinées à les pourvoir en personnels.
Sur tous ces aspects matériels, aucun début
d'exécution n'est perceptible, tant le silence à leur
égard est complet. La mise en place du Sénat tout comme les
autres nouvelles institutions créées par la Constitution devient
incertaine et les explications oscillent entre les difficultés
d'exécution et la mauvaise foi des autorités. Cette
dernière est d'autant plus présumée que la Constitution en
cause est porteuse de principes démocratiques qui leur auraient
été imposés et auxquels ils résisteraient encore au
moyen de l'inaction354(*).
On sait en effet que c'est
grâce aux effets conjugués de la conditionnalité de l'aide
financière par les bailleurs de fonds internationaux355(*) et les revendications
populaires en faveur de l'instauration d'un régime libéral et
démocratique que les pouvoirs publics camerounais avaient entrepris de
démanteler le dispositif législatif ultra répressif en
vigueur jusqu'en 1990.
Les opérations juridiques
(législative et réglementaire) et matérielles des pouvoirs
publics chargés de la mise en place du Sénat viendront donc
parfaire l'oeuvre de novation institutionnelle engagée par le pouvoir
constituant dérivé en 1996. Mais, les autorités
impliquées dans cette entreprise de mise en place effective du
bicaméralisme sont jusqu'ici caractérisées par une lenteur
dans l'accomplissement de leur sujétion constitutionnelle, lenteur dont
les conséquences sur le pouvoir constituant dérivé
méritent d'être analysées.
§2 : LES CONSEQUENCES DE L'INEFFECTIVITE DU
BICAMERALISME
Le bicaméralisme voulu par
le constituant ne pouvait être mis en état de fonctionnement d'un
seul coup. En attendant son fonctionnement normal et effectif, il fallait
organiser la période transitoire. C'est l'objet de l'article 67
alinéa 3 de la Constitution qui tire deux conséquences du
principe de progressivité posé à l'alinéa 1er
. L'une est positive et concerne le retour à l'Assemblée
nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la
Constitution (A). L'autre est négative et non
expressément exprimée par le constituant lui-même, à
savoir la suspension du Sénat dans la procédure de
révision pendant la phase transitoire (B).
A -
Le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe
compétent pour réviser la Constitution
L'Assemblée nationale
actuelle, en plus de ses compétences propres, se voit attribuer les
prérogatives reconnues au Sénat nouvellement créé.
En effet, l'alinéa 3 de l'article 67 précité dispose
à cet égard que « l'Assemblée nationale
exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l'ensemble
des prérogatives reconnues au Parlement jusqu'à la mise en place
du Sénat ».
Ce dédoublement fonctionnel de l'Assemblée
nationale pose deux problèmes distincts : l'identification des
prérogatives qui s'ajoutent à celles propres de
l'Assemblée nationale et la vérification de la
prédisposition de l'Assemblée nationale à exercer
convenablement les attributions qui lui sont ainsi provisoirement
confiées. Il ne serait pas inintéressant de se pencher sur la
question de la portée potentielle de cet exercice provisoire des
attributions du Sénat.
Sur le premier point, il
résulte de l'alinéa 3 de l'article 67 précité que
l'Assemblée nationale doit, quoique Chambre unique, fonctionner comme un
Parlement bicaméral ou à tout le moins offrir un produit
législatif ou un acte de révision proche de celui qu'on aurait
obtenu par l'application des règles de la procédure
législative ordinaire ou de révision constitutionnelle dans un
Parlement bicaméral. Cependant, cette disposition telle que
libellée, ne résout pas clairement le problème de la
délimitation des compétences ainsi provisoirement dévolues
à l'Assemblée nationale.
Mais, il convient de relever
qu'exercer la plénitude du pouvoir législatif renvoie à
trois ordres de compétence. C'est d'abord disposer de l'initiative
législative des lois, les discuter, les amender, les voter. C'est
ensuite contrôler le Gouvernement au moyen des questions écrites
ou orales, et de Commissions d'enquêtes. C'est enfin pouvoir censurer le
Gouvernement.
Agissant comme l'ensemble du
Parlement, l'Assemblée nationale peut autoriser le président de
la République à prendre des ordonnances en application de
l'article 28 de la Constitution ; elle peut initier une proposition de
révision constitutionnelle ; elle peut tenir lieu de congrès
dans le cas d'adoption d'une loi constitutionnelle, etc. Jusque-là, nous
sommes en présence d'attributions traditionnelles de l'ancienne
Assemblée nationale. Le dédoublement est donc plus formel que
réel. Jusque-là également, s'arrêtent les
compétences du Sénat susceptibles d'être exercées
par l'ex-Chambre unique. Car, si celle-ci exerce le pouvoir législatif
et fait office de Parlement, elle ne peut pas jouir des prérogatives
attribuées en propre au Sénat. Il en est ainsi à un double
point de vue.
D'un coté, seul le
président du Sénat est compétent pour la
désignation de trois (3) des onze (11) membres du Conseil
constitutionnel après avis du bureau du Sénat. De l'autre
côté, la fonction de président de la République par
intérim qu'assure en propre le président du Sénat ou son
suppléant suivant l'ordre de préséance au Sénat ne
saurait être exercée par celui de l'Assemblée
nationale356(*). A ce
niveau, le dédoublement souhaité est simplement impossible.
Cette interprétation que fait le professeur
Alain-Didier OLINGA357(*) de l'alinéa 3 de l'article 67 de la
Constitution, est remise en cause par le Professeur James MOUANGUE KOBILA
surtout en ce qui concerne l'incompétence du président de
l'Assemblée nationale à procéder à la
désignation de trois des onze membres du Conseil constitutionnel en lieu
et place du président du Sénat. Dénonçant le cumul
des prérogatives du Sénat et des siennes propres par
l'Assemblée nationale, l'auteur
écrit : « L'on pourrait ajouter que le cumul des
fonctions des deux Chambres par l'Assemblée nationale serait
pareillement impuissant à satisfaire à la conception de la
séparation des pouvoirs prévalant aux 17è et 18è
siècles, qui supposait que le pouvoir législatif ne fut pas
concentré entre les mains d'une seule Assemblée et de maintenir
l'équilibre des pouvoirs, la balance penchant un peu trop en faveur du
président de l'Assemblée nationale au détriment du
président de la République, notamment dans le domaine de la
désignation des membres du Conseil constitutionnel, avant la mise en
place effective du Sénat »358(*).
Sur le second point, on peut
douter de la prédisposition de l'Assemblée nationale à
exercer convenablement les attributions du Sénat. L'argument du
Gouvernement selon lequel il n'y aurait pas urgence à mettre en place
les nouvelles institutions dans la mesure où certaines de ces
institutions fonctionnaient déjà de facto, en
l'occurrence le Sénat dont l'Assemblée nationale exerce les
compétences jusqu'à sa mise en place effective, n'est pas
pertinent. Les fonctions spécifiques de représentation
catégorielle de caractère politique et les fonctions
législatives à caractère technique qui incombent aux deux
Chambres du Parlement ne sauraient en effet être exercées dans le
cadre d'un cumul, même provisoire, des attributions de celles-ci par
l'Assemblée nationale tant en ce qui concerne la législation
ordinaire de l'article 26 que la législation constitutionnelle de
l'article 63 de la Constitution. Une Assemblée nationale cumulant ses
attributions propres avec celles du Sénat ne saurait, à
l'évidence, ni garantir le double examen de tout projet ou de toute
proposition de loi, ni jouer le rôle de contre-pouvoir dévolu au
Sénat face à l'Assemblée nationale et face à
l'Exécutif, ni a fortiori agir avec la même
liberté qu'une Chambre haute à l'abri du pouvoir de dissolution
de l'Exécutif, ni même « susciter les compromis
qui permettent de faire oeuvre harmonieuse ou
conciliatrice »359(*) dans le cadre de la fonction
« régulatrice, pondératrice, stabilisante de la
Chambre haute »360(*).
On peut même penser qu'un tel cumul serait dangereux
pour l'existence même du Sénat en tant qu'organe. En effet, il est
à craindre que l'Assemblée nationale dans son dédoublement
fonctionnel ne procède à des réformes directement
dirigées contre le Sénat, ce d'autant plus que ce dernier est
fréquemment perçu comme une Chambre concurrente qui peut en plus
s'opposer aux initiatives tant de la Chambre basse que du président de
la République. L'exemple français constitue, de ce point vue une
illustration éclatante dans la mesure où la Constitution ne
permet pas, exception faite du recours au référendum comme ce fut
le cas en 1969361(*),
qu'une révision constitutionnelle puisse aboutir sans le consentement du
Sénat. Il résulte de son article 89 alinéa 2 que le projet
de révision doit être voté par les deux Chambres en termes
identiques, la révision n'étant définitive qu'après
avoir été approuvée par référendum.
Enfin, au-delà de ces
appréhensions, il convient de mesurer la portée d'un
dédoublement fonctionnel réussi. Certes, ce dédoublement
fonctionnel peut être regardé comme traduisant une
hésitation sérieuse pour certains organes en
général et le Sénat en particulier quant à leur
opportunité même d'exister. Mais, dans l'hypothèse
où le dédoublement fonctionnel provisoire est réussi,
jugé satisfaisant, il peut définitivement retarder à
défaut de la rendre inutile, la mise en place du Sénat. Et c'est
le lieu de dire que la modification d'une Constitution, l'institution de
nouveaux organes de l'Etat sont une réponse à une demande
constitutionnelle identifiable. Comme l'a relevé de la façon la
plus indiscutable qui soit le Professeur Alain-Didier OLINGA,
« le Cameroun avait besoin d'une Constitution venant ratifier le
cours démocratique engagé depuis 1990 »361(*). Comment expliquer
qu'en dépit de cette ratification on puisse différer la vie
concrète de ces structures ? De deux choses l'une en effet :
ou ces institutions étaient nécessaires et il faut les mettre en
état de fonctionner, ou elles ne l'étaient pas et il fallait en
faire l'économie.
Quoiqu'il en soit, le Sénat
demeure une étape négligeable dans la procédure de
révision constitutionnelle au Cameroun, du moins pendant la
période transitoire.
B -
La suspension du Sénat dans la procédure de révision de la
Constitution
La suspension dont il est question
ici ne doit guère être considérée dans son acception
civiliste ou pénale. Il est emprunté au droit administratif
où il désigne l'action par laquelle les autorités
administratives diffèrent temporairement l'exécution d'un acte
juridique pris par une autre autorité, ou privent provisoirement de
leurs fonctions certains agents ou autorités362(*). Ainsi comprise, la
suspension du Sénat résulte de la combinaison des dispositions
constitutionnelles et de l'attitude des pouvoirs institués qui n'ont pas
jusqu'ici déféré à leurs obligations
constitutionnelles du fait de l'absence de contrôle juridiquement
organisé de mise en place des nouvelles institutions.
Les fondements et les
mécanismes de cette suspension du Sénat ayant déjà
été analysés, il est question ici de présenter les
solutions proposées par la doctrine en rapport avec la
détermination de la durée de la période transitoire mais
surtout pour amener les pouvoirs publics à mettre en place les nouvelles
institutions au premier rang desquelles figure le Sénat.
Deux auteurs ont fait des
propositions en ce sens : le Professeur Alain-Didier OLINGA qui,
après avoir relevé les difficultés qu'il y a à
engager la responsabilité des organes chargés de la mise en place
des institutions nouvellement créées, opte pour des mesures
politiques d'incitation et le Professeur Magloire ONDOA pour qui il existe des
pistes juridiques d'une responsabilité présidentielle.
Selon le Professeur Alain-Didier
OLINGA, si la loi est l'instrument privilégié de la mise en place
progressive des institutions nouvelles, les détenteurs de l'initiative
législative engagent leur responsabilité constitutionnelle en ne
déposant pas ou en ne discutant et n'adoptant pas les textes
législatifs exigés par la Constitution. Certes, dit-il, l'on ne
reconnaît guère en droit camerounais de responsabilité pour
non-dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi. Toutefois, il
existe selon l'auteur une obligation constitutionnelle de mise en situation
d'effectivité les normes ayant créé une attente
légitime des citoyens. En l'absence d'une théorie
générale du délai raisonnable en matière
constitutionnelle, l'auteur a essayé de fixer le terme raisonnable de la
période transitoire. Selon lui, ce terme doit être aligné
sur le terme du mandat des institutions électrices fonctionnant
actuellement le plus éloigné dans le temps, à savoir le
mandat du président de la République, c'est-à-dire, s'il
n'est point besoin de recourir à l'article 6 alinéa 4, de la
Constitution, en octobre 1997, soit pratiquement deux ans de transition.
Toutefois, partant du fait que la politique a ses raisons que la logique
juridique est loin de toujours maîtriser, l'auteur indique qu'il vaut
mieux concevoir des mécanismes d'incitation permanente à la mise
en place des institutions nouvelles.
En quoi consistent ces mécanismes ? L'auteur en
donne deux. D'une part, l'opinion publique devrait se mobiliser, dans les
médias ou à l'occasion des campagnes électorales.
« Un chantage électoral serait bienvenu à cet
égard »363(*), martèle-t-il. D'autre part, l'auteur note
qu'on pourrait tout aussi inciter les institutions auxquelles sont
dévolues les compétences des institutions à mettre en
place à une sorte de résistance constitutionnelle constructive,
de manière à provoquer la mise en place des nouvelles
structures.
Pour le Professeur Magloire
ONDOA, en revanche, il existe des pistes de mise en jeu de la
responsabilité présidentielle. Après avoir relevé
que le concept de responsabilité présidentielle ne serait nulle
part constitutionnellement organisé, ni mis en oeuvre en dehors de
l'hypothèse de haute trahison, l'auteur affirme que le silence ne
traduit pas nécessairement la carence. Pour lui en effet, si l'on
considère que la responsabilité est, de façon
générale, le corollaire du manquement à une obligation,
l'idée de l'appliquer au président de la République, dans
l'hypothèse en cause, prend immédiatement forme. Dès lors
en effet qu'il est chargé de veiller « au
respect » de la Constitution qu'il « assure,
par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics » et est le « garant... de la
continuité de l'Etat », sa responsabilité peut
être engagée pour violation des «devoirs de sa
charge »364(*).
La conséquence de la
suspension du Sénat est double. D'une part, les sénateurs
n'existant pas, les droits qui leur sont reconnus le sont également
notamment le droit d'initier une révision constitutionnelle. D'autre
part, toutes les révisions constitutionnelles opérées
pendant la période transitoire, même celles dirigées contre
le Sénat, pourraient aboutir sans que les sénateurs aient
exprimé leurs nuances. Cette conséquence est d'autant plus
redoutable pour le Sénat que la Constitution n'a pas expressément
exclu des révisions constitutionnelles pouvant intervenir pendant la
période transitoire celles relatives à la Chambre haute.
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Le pouvoir constituant
dérivé a, à l'instar des autres organes de l'Etat depuis
les années 1990, subi des aménagements destinés à
renforcer sa structure organique. Il est passé d'un Parlement
monocaméral à un Parlement bicaméral en raison de la
consécration constitutionnelle d'une seconde Chambre législative
qui détient également des pouvoirs dans l'opération de
révision constitutionnelle.
Toutefois, le bicaméralisme
ainsi consacré voit sa mise en place retardée en raison de
l'ineffectivité du Sénat, même s'il est aisé de
constater que s'effectue progressivement l'édiction des textes y
relatifs.
Malgré cette
ineffectivité du bicaméralisme et en attendant son fonctionnement
normal, il fallait organiser la période transitoire. Ce faisant, la
Constitution laisse une totale liberté aux pouvoirs publics dans la
détermination de la durée de cette période ainsi que le
rythme même de cette mise en place. Et parce qu'elle laisse ces derniers
à la fois maîtres du temps et juges du moment, c'est-à-dire
finalement de l'opportunité de mettre en place les nouvelles
institutions, elle s'est exposée à « une critique
imparable »365(*).
Chapitre 2 :L'AFFIRMATION A REBOURS DU POUVOIR
CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996
Commençons par
préciser la signification du titre de ce chapitre : l'affirmation
à rebours du pouvoir constituant dérivé depuis 1996. Il
signifie que contrairement aux révisions constitutionnelles
opérées par ses devanciers de 1991 et de 1996 qui étaient
tous orientés vers la limitation du pouvoir exécutif, notamment
à travers « une atteinte délibérée
à l'absolutisme présidentiel »366(*), le pouvoir constituant
dérivé depuis lors et spécialement en 2008, s'affirme
plutôt dans un sens opposé au constitutionnalisme tel qu'il
ressort de la théorie du droit constitutionnel367(*). Ce faisant, il s'inscrit en
droite ligne d'un mouvement quasi général observé dans
nombre d'Etats africains où on assiste à la recrudescence des
révisions constitutionnelles touchant à ce que l'on croyait
définitivement devenu une tradition, un acquis constitutionnel
d'organisation léguée par les transitions démocratiques
des années 1990, frappée d'immutabilité puis
élevée au rang de principe fondamental de l'Etat, à savoir
la limitation du nombre de mandats présidentiels368(*).
Cependant, une évolution
en ce qui concerne la mise en oeuvre du pouvoir constituant
dérivé est observée depuis 1996. Ceci vient du fait que
les parlementaires, n'ont depuis lors cessé de multiplier les
initiatives de révisions constitutionnelles. Sans succès. En
effet, seules les initiatives présidentielles en ce domaine, qui sont
toutes orientées vers le renforcement de la primauté du pouvoir
exécutif sur les autres organes de l'Etat, continuent d'avoir un
écho favorable auprès de la majorité des
députés.
Il s'agit ici d'envisager
l'affirmation du pouvoir constituant dérivé depuis 1996 sous ce
double aspect apparemment contradictoire. Pour y parvenir, on examinera d'abord
cette multiplication des initiatives de révision constitutionnelle
(Section 1), avant d'analyser le contenu de l'ultime
révision constitutionnelle de 2008 qui inaugure le retour aux
révisions ayant pour seule finalité le renforcement de
l'Exécutif (Section 2).
Section 1 : LA MULTIPLICATION DES INITIATIVES DE
REVISION CONSTITUTIONNELLE
Depuis le retour du nouveau
parlementarisme pluraliste à la faveur des élections
législatives de 1992, les députés, notamment ceux de
l'opposition, se sont engagés à faire aboutir des propositions de
révision des dispositions du texte constitutionnel. Il s'agit selon eux
d'actualiser la Constitution actuelle afin de tirer toutes les
conséquences de la démocratisation du régime politique
camerounais. Le contenu des propositions de révision constitutionnelle
qu'ils ont formulées depuis 1996 l'atteste (§1).
Mais, comme par le passé, seuls les projets de révision
constitutionnelle continuent de recueillir un vote positif des
députés ainsi qu'on peut le constater en examinant l'ultime
projet de révision d'avril 2008 (§2).
§1 : LES PROPOSITIONS DE REVISION
CONSTITUTIONNELLE
Les propositions les plus
récentes ayant trait aux perspectives de révision de la
Constitution se caractérisent par leur multiplicité et leur
diversité. Toutefois, il est possible de les examiner successivement en
distinguant les propositions de révision relatives à
l'élection du président de la République au scrutin
majoritaire à deux tours qui semblent faire l'unanimité au sein
de l'opposition (A) des autres propositions de révision
de la Loi fondamentale (B).
A -
La proposition de révision relative à l'élection du
président de la République au scrutin majoritaire à deux
tours
L'élection du
président de la République au scrutin majoritaire à deux
tours est une revendication constante de l'opposition camerounaise depuis les
années 1990. Cette revendication est en effet exprimée à
l'Assemblée nationale chaque fois que celle-ci est appelée
à se prononcer sur un texte y relatif tant lorsqu'elle siège
ès qualité qu'en tant qu'organe révisionniste.
L'idée d'instaurer un
scrutin majoritaire à deux tours pour l'élection
présidentielle avait été émise et défendue
à l'Assemblée nationale par l'UNDP et le MDR dès 1992 lors
de l'adoption de la loi régissant les élections
présidentielles369(*), sans succès. Au cours des discussions
générales à la Chambre entière sur le projet de loi
portant révision de la Constitution en décembre 1995, les
députés de l'opposition ont souligné la
nécessité de prévoir l'élection du président
de la République à la majorité absolue dans un souci de
plus grande démocratie et de renforcement des bases de sa
légitimité. Ce à quoi le premier ministre avait
répondu que « le Gouvernement soutient le scrutin
majoritaire à un tour qui oblige les électeurs à voter
utile et évite ainsi toutes les velléités d'alliances
contre nature qui interviennent au deuxième tour au détriment des
intérêts du citoyen »370(*).
En 1997, renouant avec la critique du scrutin majoritaire
à un tour, l'opposition continua à décrédibiliser
le système électoral à travers la mise en forme d'une
proposition de loi portant révision de la Constitution. C'est ainsi
qu'au cours de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale du 16
août 1997, elle déposa sur le Bureau de cette dernière,
trois propositions de révision de la Constitution dont l'une
portait sur son article 6 qui prévoit le mode de scrutin pour
l'élection du président de la République. La proposition
des députés de l'opposition tendait à instaurer un second
tour de scrutin dans l'hypothèse où aucun candidat n'obtiendrait
la majorité absolue dès le premier tour371(*).
Ces propositions seront toutes rejetées par la
Conférence des présidents pour cause de blocage de l'ordre du
jour des sessions extraordinaires. En effet, l'ordre du jour de la session
extraordinaire ouverte le 16 août 1997 prévoyait limitativement
l'examen de deux projets de loi initiés par le Gouvernement, l'un
relatif à l'élection présidentielle, l'autre aux
activités privées de gardiennage372(*).
En août-septembre 1997, à la faveur de la
modification de la loi régissant l'élection
présidentielle, l'opposition parlementaire composée du SDF, de
l'UNDP et de l'UDC relança en vain le débat pour un scrutin
à deux tours ; face à l'écrasante majorité de
l'ex-parti unique qui dispose de 116 sièges à l'Assemblée
nationale, elle déserta l'hémicycle au moment du vote de la loi,
en guise de protestation.
En plus du député du MLJC, les
députés du SDF, de l'UNDP et de l'UDC réclameront sans
succès la convocation d'une session extraordinaire de l'Assemblée
nationale devant porter sur la révision de la Constitution afin d'y
introduire notamment un scrutin à deux tours373(*).
Pourtant, l'introduction de ce
mode de scrutin est présentée par ses auteurs comme un garant de
la légitimité du président de la République.
L'exposé des motifs précise en effet que l'élection du
président de la République au scrutin majoritaire à deux
tours évitera d'avoir un Chef de l'Etat élu par exemple avec 23 %
de suffrages exprimés contre 77% de camerounais qui se seraient
prononcés contre lui ou se seraient abstenus tout court de
l'élection. Il est présenté en plus comme permettant
d'éviter les grandes fractures grâce au jeu des alliances et en
conséquence de l'harmonisation des programmes du gouvernement avant et
non après l'élection374(*).
Cette remise en cause du système d'élection du
président de la République à un scrutin majoritaire
à un tour est également perceptible au sein de la doctrine
où il est considéré comme plus favorable au
président de la République en fonction au détriment de
l'opposition. Ainsi que l'observent les Professeurs
André CABANIS et Michel Louis MARTIN par exemple,
« la possibilité d'être élu au premier tour
à l'issue d'un vote unique favorise le président sortant en lui
permettant de l'emporter sur une pluralité de candidats de l'opposition
pourtant capable de rassembler, en additionnant leurs voix, une majorité
absolue des suffrages regroupant tous les
mécontents »375(*). C'est effectivement grâce au scrutin à
un tour que le président BIYA a dû son maintien au pouvoir
à l'issue de la présidentielle d'octobre 1992 avec un score
officiel de 39% contre 36% pour son challenger Monsieur John FRU NDI.
Le maintien de l'élection présidentielle au
scrutin majoritaire à un tour ne doit pas cependant oblitérer la
constance de la revendication par l'opposition d'un scrutin présidentiel
à deux tours comme en atteste l'amendement introduit par elle lors de la
révision constitutionnelle de 2008, mais toujours sans succès.
Nous y reviendrons.
Comme on le voit, bien que
présenté par certains auteurs comme un dispositif de maintien du
Cameroun en retrait du mouvement constitutionnel des années 1990, ce
mode de scrutin, qui n'a en soi rien d'antidémocratique, a de nouveau
obtenu l'adhésion de la majorité des parlementaires lors de cette
ultime révision constitutionnelle. Qu'en est-il des autres propositions
de révision de la Constitution initiées avant 2008 ?
B -
Les autres propositions de révision constitutionnelle
Les autres propositions de
révision constitutionnelle initiées par les députés
membres des partis politiques de l'opposition sont relatives au mode de scrutin
devant régir l'élection de tous les sénateurs, des
conseillers régionaux et chefs des régions au suffrage universel
direct, d'une part (1) et à l'élargissement des
compétences du Conseil constitutionnel suivi de la création d'une
CENA, d'autre part (2).
1 -
La proposition de révision relative à l'élection de tous
les sénateurs, des conseillers régionaux et chefs des
régions au suffrage universel direct
La proposition de révision
relative à l'élection de tous les sénateurs, des
conseillers régionaux ainsi que des chefs des régions au suffrage
universel direct avait été initiée par les
députés SDF qui, dans sa « proposition pour une
élection libre et transparente au Cameroun » soumise le 8
janvier 1998 au Comité technique mis sur pied par le RDPC et lui,
préconisait « un amendement minimal de la Constitution de
la République »376(*).
Selon les parlementaires de ce
parti politique, en ce qui concerne les élections de tous les
sénateurs, des conseillers régionaux et des chefs des
régions, les articles 20 et 57 de la Constitution devaient être
modifiés en vue de permettre leur élection au suffrage universel
direct.
La proposition de révision
de l'article 20 qui préconise l'élection de tous les
sénateurs au suffrage universel direct était
présentée comme la voie la plus efficace pour le choix des
représentants par le peuple377(*). Au vrai, il s'agissait pour les initiateurs de
cette proposition de révision, de retirer au président de la
République le droit de nommer discrétionnairement 30% des
sénateurs comme le lui permet l'actuelle version de l'article 20.
En ce qui concerne l'article 57,
et toujours selon les parlementaires SDF, celui-ci doit être
amendé pour être conforme aux dispositions de l'article 55 de la
Constitution mais aussi pour permettre l'élection des conseillers
régionaux et des responsables des régions au suffrage universel
direct. La révision de l'article 57 dont souhaitaient les parlementaires
SDF ne vise donc en réalité que les alinéas 2 et 3.
L'alinéa 2 dispose, entres autres, que les conseillers régionaux
sont les délégués des départements élus au
suffrage universel indirect et les représentants du commandement
traditionnel élus par leurs pairs et que le Conseil
régional doit refléter les différentes composantes
sociologiques de la région. Quant à l'alinéa 3, il
précise que le Conseil régional est présidé par une
personnalité autochtone de la région élue en son sein pour
la durée du mandat du Conseil et que le Bureau du Conseil
régional doit refléter la composition sociologique de la
région.
2 -
Les propositions de révision relatives à l'élargissement
des compétences du Conseil constitutionnel et à la
création de la CENA
Les propositions de
révision relatives à l'élargissement des
compétences du Conseil constitutionnel et à la création
d'une Commission électorale nationale autonome (CENA) avaient
également été initiées par l'opposition
parlementaire. Elles avaient été formulées en même
temps pour la première fois lors de la session extraordinaire de
l'Assemblée nationale du 16 août 1996. Mais, sur le plan
chronologique, la proposition relative à la création d'une CENA
avait précédé celle de l'élargissement des
compétences du Conseil constitutionnel. A cet égard, quelques
éléments du cheminement de la proposition de révision
constitutionnelle en vue de la création de la CENA méritent
d'être précisés.
Le 1er juillet 1995, le
président du groupe parlementaire UNDP saisissait le président de
l'Assemblée nationale de la proposition de loi relative à la
création de la CENA, proposition initiée avec le soutien du
MDR378(*). Celui-ci
s'abstient de soumettre le texte à la Conférence des
présidents. Le 12 octobre 1995, le président du groupe
parlementaire UNDP prie à nouveau le président de
l'Assemblée nationale de saisir la Conférence des
présidents ; pour réponse, ce dernier demande l'exposé des
motifs du texte proposé, exposé qui lui est remis le 31 octobre
de la même année. Le 6 juin 1996, le président du groupe
parlementaire UNDP prie encore le président de l'Assemblée
nationale « de bien vouloir inscrire ladite proposition à
l'ordre du jour des textes de la présente session » (juin
1996), sans succès. Le 5 novembre 1996, le président du groupe
parlementaire UNDP rappelle au président de l'Assemblée nationale
les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 18 de la Constitution,
dispositions en vertu desquelles « Lorsque, à l'issue de
deux sessions ordinaires, une proposition de loi n'a pu être
examinée, celle-ci est de plein droit examinée au cours de la
session ordinaire suivante »379(*). Le président de l'Assemblée nationale
décide plutôt de soumettre le texte de la proposition de loi
à la Conférence des présidents le 21 novembre 1996 mais la
séance s'achève sans décision sur la recevabilité
du texte380(*). Contre
toute attente, l'examen de cette proposition de loi sera une fois de plus
rejeté381(*).
Après le rejet de sa
proposition de loi à la session ordinaire de novembre 1996, l'UNDP
saisira vainement la Cour Suprême qui exerce transitoirement les
attributions du Conseil constitutionnel le 2 décembre de la même
année, pour tenter de faire invalider les trois griefs retenus par la
Conférence des présidents contre le texte visant la
création de la CENA382(*). La Conférence des présidents avait en
effet retenu trois motifs d'irrecevabilité de la proposition de l'UNDP.
Selon le premier, la proposition de l'UNDP était irrecevable parce que
la CENA n'est pas prévue par la Constitution. Selon le deuxième
motif, la proposition de création de la CENA était
inconstitutionnelle, car elle crée de nouvelles charges sans
réduction à due concurrence d'autres dépenses ou
création de recettes nouvelles d'égale importance383(*). Enfin, la proposition de
l'UNDP était irrecevable parce que les compétences que
l'honorable Maïgari BELLO BOUBA voulait faire attribuer à la CENA
étaient déjà dévolues au Conseil constitutionnel.
Ce dernier motif était particulièrement fondé sur
l'alinéa 1er de l'article 48 qui consacre le Conseil
constitutionnel comme instance supérieure en matière
d'élection des membres du Parlement, du président de la
République et des consultations référendaires. C'est
pourquoi, dans le cadre de la sixième législature, les partis
d'opposition coalisés384(*) vont soumettre à l'Assemblée nationale
des propositions de loi portant révision de certaines dispositions de la
Constitution dont l'article 48. Les députés entendaient, dans
l'hypothèse où leur initiative recevait un écho favorable
auprès des députés de la majorité, élargir
la compétence du Conseil constitutionnel en matière de
contentieux électoral à toutes les élections.
Il s'agissait également
pour eux de réviser la Constitution par la création de la
Commission nationale électorale autonome qui devait être
chargée de l'organisation des élections des conseillers
municipaux et régionaux, de l'élection des membres de
l'Assemblée nationale et du Sénat, de l'élection du
président de la République et des consultations
référendaires et de la proclamation des résultats de ces
différentes élections. Il en résulte que cette proposition
de révision entendait conférer à un organisme unique la
responsabilité de l'organisation, du déroulement et de la
proclamation des résultats de toutes les élections à
caractère local et national ainsi que des consultations
référendaires.
C'est également ce qui
ressort de la proposition du SDF intitulée « Pour une
élection transparente et libre au Cameroun »
précitée même si les députés de ce parti
parlent de la « Commission électorale
nationale » tout court. Selon les députés SDF,
l'article 48 de la Constitution doit être amendé pour tenir compte
de la création de la Commission électorale nationale avec
compétence en matière de contentieux électoral. Les
décisions prises par la Commission électorale nationale sont
définitives et ne sont sujets d'un recours devant le Conseil
constitutionnel qu'en cas de violation de la loi. Ainsi, il est question selon
le SDF d'amender le titre VII de la Constitution en vue de donner une assise
constitutionnelle à Commission électorale nationale, mais surtout
d'aménager les rapports entre ces deux institutions en matière
électorale. La nouvelle formulation du titre VII qui passerait alors
« Du Conseil constitutionnel » à
« Du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale
nationale »385(*), l'atteste.
Dans le même ordre
d'idées, les auteurs de la proposition de révision souhaitaient
voir l'article 48 de la Constitution ainsi rédigé :
« Article 48
(1) : Le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité
des actes de la Commission électorale nationale dans le cadre de ses
activités. Il connaît du contentieux électoral.
(2) : a. Il est
créé une Commission électorale nationale chargée de
diriger, superviser et contrôler de manière juste, libre et
transparente, tous les processus électoraux et la réalisation des
référendums au Cameroun. Elle en proclame les
résultats.
b. Son organisation, son
fonctionnement et sa composition, sont fixés par la
loi ».
Cette constance de la
revendication par l'opposition de la création d'un organe autonome
chargé de toutes les opérations électorales et des
consultations référendaires distinct de l'Administration est
liée à la nécessité de garantir la transparence et
toute l'objectivité du processus électoral.
Malgré leur
insuccès, il reste que ces propositions de révision
constitutionnelle surtout celles relatives à la création d'une
Commission électorale autonome interviennent dans un contexte de
polarisation particulière du champ politique, polarisation
marquée par les multiples et diverses prises de position des partis
politiques de l'opposition, des leaders d'opinion et de la hiérarchie
ecclésiastique en faveur d'une institution autonome chargée de
gérer l'ensemble des opérations électorales avec davantage
de transparence que, à leurs yeux, ne le fait le ministère de
l'Administration Territoriale386(*). Sur ce point l'opposition parlementaire est en
phase avec la conférence épiscopale de l'église
catholique. Selon le Cardinal Christian TUMI par exemple,
« l'électorat camerounais a perdu toute confiance au
ministère de l'Administration Territoriale »387(*).
En tout état de cause, il
s'agissait d'une question sur laquelle le pouvoir en place et l'opposition
étaient diamétralement opposés. Toutefois, le pouvoir en
place semble progressivement plus réceptif aux propositions de
l'opposition parlementaire comme l'attestent respectivement la loi du 19
décembre 2000 portant création d'un Observatoire national des
élections et la loi du 29 décembre 2006 portant création,
organisation et fonctionnement de « Elections
Cameroon » (ELECAM). Ce qui est loin de surprendre car il y
allait de sa crédibilité et de sa légitimité. Mais,
l'effort du pouvoir en place reste en deçà des attentes de
l'opposition qui n'a cessé de revendiquer la création d'un
organisme impartial de gestion des élections politiques au Cameroun.
§2 : LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE
D'AVRIL 2008
Plus de dix ans après
l'adoption de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le président
de la République renoue avec les projets de révision
constitutionnelle. Au regard de la pratique camerounaise des révisions
constitutionnelles, cette durée peut être considérée
comme très longue. En effet, jamais auparavant une telle durée
n'a séparé deux révisions constitutionnelles successives.
C'est dire que cette reprise de l'initiative présidentielle en
matière de révision constitutionnelle suscite la
curiosité.
A cet égard, il est
nécessaire d'examiner tous les éléments ayant
favorisé voire provoqué la révision constitutionnelle de
2008. Cette investigation révèle l'existence des conditions
juridiques et politiques favorables tant au projet présidentiel de
révision (A) qu'à son adoption par
l'Assemblée nationale (B).
A -
Les conditions juridiques et politiques de la révision
constitutionnelle
La Constitution camerounaise est
rigide. Elle impose en effet au pouvoir constituant dérivé le
respect d'une procédure particulière plus solennelle et plus
difficile à mettre en oeuvre que la procédure législative
ordinaire à travers ses articles 63 et 64. Mais, la rigidité de
la Constitution n'est pas absolue ; elle ne fait pas obstacle à
l'adaptation du statut de l'Etat à l'évolution de la
société et des aspirations de ses membres. Il en résulte
que la moindre révision doit s'y inscrire. Force est cependant de
constater qu'au Cameroun, la rigidité du texte constitutionnel est
battue en brèche par la volonté d'un homme et dans la pratique,
la Constitution devient souple car au Cameroun « plus que
partout ailleurs, la Constitution est liée à la personne du Chef
de l'Etat qui donne vie aux institutions qui sont son outil, les instruments de
sa stratégie politique »388(*). Cette emprise du
président de la République sur la Constitution n'aurait pas
été rendue possible sans un contexte politique
(2) et surtout juridique caractérisé pour le
premier par la prégnance du clientélisme et pour le second par
des pouvoirs constitutionnels extrêmement étendus reconnus au Chef
de l'Etat corrélativement à la faiblesse des contre pouvoirs
constitutionnels (1).
1 -
Les conditions juridiques
Sur le plan du droit, une lecture
même cursive de la Loi fondamentale camerounaise de 1972 amplement
révisée en 1996 révèle que le constituant,
probablement pour limiter le risque de cohabitation conflictuelle, a
donné au Chef de l'Etat, le droit de recourir au
référendum ainsi que des pouvoirs importants dans le domaine
législatif, plus précisément le droit d'initiative des
lois ordinaires (article 25) et surtout de révision de la Constitution
(article 63) contrairement aux démocraties occidentales à
l'exemple des Etats-Unis d'Amérique. Pris dans certains de ses aspects
comme le modérateur ou comme une instance de réflexion
législative, le Sénat est apparu dès son institution comme
un instrument de la hiérarchie des pouvoirs et de la suprématie
de l'Exécutif et beaucoup moins comme un contre-pouvoir, étant
donné ses prérogatives et ses modes d'organisation. Au Cameroun
en effet, le président de la République a la charge de nommer un
nombre non négligeable de sénateurs amenés à
siéger au sein d'une institution qui par définition concoure
à l'expression de la souveraineté nationale.
Dans cette perspective, la marge
de manoeuvre du président de la République est variable selon les
contextes, mais réelle. Devant lui s'ouvre en effet une alternative : le
président de la République peut choisir la voie parlementaire en
cas de présidentialisme majoritaire ou de l'existence d'une
majorité présidentielle même de circonstance mais
cohérente et/ou monocolore389(*). Son choix, en 1996, de l'option parlementaire de
révision au détriment de celle référendaire
pourtant prescrite par la Tripartite constitue de ce point de vue un exemple
éclatant. Il peut également choisir la voie
référendaire de révision. Cependant, bien que constamment
consacrée par les constituants camerounais, la voie
référendaire de révision n'a jamais été
utilisée au Cameroun depuis 1972. Même lorsqu'elle est
privilégiée par le président de la République,
l'option référendaire de révision est souvent
analysée non comme destinée à conférer plus
d'autorité à la réforme entreprise, ce qui est en droit et
politiquement son objectif originelle ou véritable, mais plus comme une
procédure de contournement du Parlement ou de détournement du
suffrage universel. Contournement du Parlement en ce qu'il s'agit de surmonter
une opposition parlementaire forte nourrissant une hostilité au projet
de révision390(*). Détournement du suffrage universel en ce que
l'élection est dévoyée, transformant ainsi la consultation
en plébiscite.
2 -
Le contexte politique
Sur le plan politique,
l'initiative présidentielle de révision intervient dans un
contexte qui lui est favorable. On peut même affirmer que l'initiative
juridique de la révision constitutionnelle de 2008 avait
été précédée d'une initiative politique. A
preuve, les multiples demandes formulées par les militants du RDPC,
parti au pouvoir, en faveur de la révision de l'article 6 alinéa
2 de la Constitution en vue de permettre au Chef de l'Etat de se
représenter comme « candidat naturel » de
cette formation politique aux élections présidentielles attendues
en 2011. Ceci-ci s'explique par plusieurs facteurs convergents. Au-delà
de la crainte de la perte de privilèges liés à la position
autour du détenteur du pouvoir, le soutien du projet
présidentiel de révision tenait de la rétribution
escomptée par les uns ; et pour les autres, de la crainte
révérencielle vis-à-vis du leader, de
l'intériorisation de la violence symbolique391(*), ou de la crainte des
représailles392(*). Autant d'éléments qui avaient fini
par engendrer une coopération unanimiste au sein de la majorité
présidentielle.
C'est dans ce contexte que le
Parlement à forte collaboration présidentielle a adopté
sans résistance le projet de révision de certains articles de la
Constitution. Mais ainsi que l'a démontré la doctrine publiciste
depuis longtemps, ce sont beaucoup plus l'origine ou le point de départ
de la révision (projet), les raisons avancées pour réviser
(celles avancées par l'entourage présidentielle), le moment
choisi (inopportun et en fin de second mandat) et ses effets contre-productifs
qui étaient en cause plutôt que le principe même de la
révision393(*).
B -
L'adoption du texte de révision constitutionnelle
En dépit de la
réticence d'une frange importante de la population camerounaise, c'est
le Parlement qui fut appelé à se prononcer sur le projet de
révision de la Constitution. Comme cette dernière lui en donne le
droit, le président de la République allait déposer au
Parlement, le 4 avril 2008, le projet de révision constitutionnelle
n° 819/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la
loi n? 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du
02 juin 1972394(*). Le
projet avait été jugé recevable. Mais, avant son vote, le
texte soumis à l'Assemblée nationale (2) avait
fait l'objet de nombreuses tentatives d'amendement lors de son examen en
Commission des lois constitutionnelles (1).
1 -
L'examen du projet de révision
L'examen du projet de
révision en Commission des lois constitutionnelles de l'Assemblée
nationale était caractérisé par la multiplicité des
propositions d'amendement. Certaines ont été
présentées par le Gouvernement et d'autres par les
députés de l'opposition.
Les amendements proposés par le Gouvernement concernent
la formulation des dispositions du projet initial. Deux articles du projet de
révision sont visés. Ainsi, le Gouvernement souhaitait voir la
formulation de l'article 14 alinéa 3 (a) du projet de révision
passer de :
« Article 14
(3) a
(nouveau) : Les Chambres du Parlement se réunissent aux
mêmes dates :
En sessions ordinaires chaque
année aux mois de mars, juin et novembre sur convocation des Bureaux de
l'Assemblée Nationale et du Sénat, après consultation du
président de la République » à :
« Article 14 (3)
nouveau : Les chambres du Parlement se réunissent aux mêmes
dates :
a (nouveau) en sessions
ordinaires chaque année aux mois de mars, juin et novembre sur
convocation des Bureaux de l'Assemblée Nationale et du Sénat,
après consultation du président de la
République »395(*).
Le gouvernement souhaitait
également que l'article 51 alinéa 1er du projet de
révision initial soit modifié, mais seulement en ce qui concerne
sa formulation. Il s'agissait de reprendre cet article en y insérant
uniquement la modification souhaitée. Cette formulation est ainsi
conçue :
« Article 51 (1)
nouveau :
Le Conseil constitutionnel
comprend onze membres désignés pour un mandat de six (6) ans non
renouvelable.
Les membres du Conseil
constitutionnel sont choisis parmi les personnalités de
réputation professionnelle établie.
Il doivent jouir d'une grande
intégrité morale et d'une compétence
reconnue »396(*).
Il ressort du projet de
révision que cette réduction du mandat des conseillers de 9
à 6 ans non renouvelables doit permettre d'harmoniser le mandat des
membres du Conseil constitutionnel avec ceux des autres organes élus ou
désignés de l'Etat.
Les amendements proposés
par les députés étaient de loin les plus nombreux et
concernaient plus le fond du projet que sa forme.
Ainsi, trois amendements portant
sur l'article 6 alinéa 2 nouveau visaient, entre autres, à
ramener à 5 ans renouvelable une fois la durée du mandat du
président de la République qui serait rééligible
une seule fois. Un quatrième amendement portant sur les mêmes
dispositions de l'article 6 alinéa 2 tendait à maintenir à
7 ans le mandat du président de la République qui serait
rééligible une seule fois. Le cinquième amendement portant
sur l'article 6 alinéa 4 nouveau tendait à ramener à 90
jours la tenue du scrutin pour l'élection du nouveau président de
la République. Le sixième amendement de l'article 6 alinéa
4 (a) et (b) concernait l'intérim du président de la
République qui est exercé de plein droit jusqu'à
l'élection du nouveau président de la République par le
président du Sénat et si ce dernier est à son tour
empêché, par son suppléant suivant l'ordre de
préséance. Deux amendements portant sur la suppression pure et
simple du paragraphe c de l'article 6 alinéa 4 qui visait à
permettre au président de la République par intérim en cas
de nécessité liée à l'organisation de
l'élection présidentielle, de modifier la composition du
Gouvernement après consultation du Conseil constitutionnel, n'avaient
pas été acceptés. Un troisième amendement portant
sur le même paragraphe (c) tendant à subordonner la modification
de la composition du Gouvernement à l'accord du Parlement et du Conseil
constitutionnel n'avait pas été retenu non plus.
Un amendement tendant à
supprimer l'article 15 alinéa 4 nouveau, n'avait pas été
retenu. Deux amendements portant sur l'article 51 nouveau, l'un tendant au
maintien des dispositions de l'alinéa 1er en vigueur et
l'autre visant entre autres, à renouveler tous les trois ans par tiers
le Conseil constitutionnel, dont le mandat des conseillers sera non
renouvelable, avaient été rejetés. Trois autres
amendements portaient sur l'article 53 nouveau relatif à la Haute Cour
de Justice compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de
leurs fonctions par le président de la République en cas de haute
trahison, le premier ministre, les autres membres du Gouvernement et
assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu
délégation de pouvoir en application des articles 10 et 12
ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat. Ils ont
été rejetés.
Enfin, le même sort fut
réservé à deux amendements portant sur la suppression pure
et simple des dispositions de l'article 67 alinéa 6 (nouveau) de la
Constitution397(*).
2- Le
vote définitif du texte de révision
En principe, le vote du texte
définitif de révision constitutionnelle était depuis 1996
une prérogative reconnue au Parlement réuni en congrès.
Mais compte tenu de l'ineffectivité du Sénat et en application de
l'article 67 alinéa 3 de la Constitution, seule l'Assemblée
nationale avait adopté le projet de révision soumis à la
délibération du Parlement le 4 avril 2008. Cette précision
faite, il faut relever qu'en séance plénière, le vote
s'est déroulé en trois étapes.
La première étape
fut provoquée par le groupe parlementaire SDF notamment par un de ses
députés, l'honorable Joseph LUKONG BANADZEM, qui avait
posé une question préalable juste après la lecture du
rapport de la Commission des lois constitutionnelles. La question
préalable avait pour objet de faire décider par
l'Assemblée nationale qu'il n'y avait pas lieu de
délibérer sur le sujet inscrit à l'ordre du jour de
l'Assemblée. En effet, le président du groupe parlementaire SDF
estimait que le ministre de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation avait violé le règlement de
l'Assemblée en présentant une version du projet de loi en
Commission différente de celle qui avait été
réceptionnée le 4 avril en plénière398(*). Pour départager les
uns et les autres, un vote à main levée est organisé. Au
vote 150 députés se prononcent contre la question
préalable, 13 députés (essentiellement du SDF) se
prononcent pour la question préalable . Immédiatement
après ce rejet de la question préalable, le groupe parlementaire
du SDF sort de l'hémicycle pendant que s'ouvrait la discussion
générale en présence de tous les autres
députés à savoir les députés UNDP, UDC, MP
et les 150 députés du RDPC.
On pouvait alors passer au vote
pour l'adoption de l'article 1er du projet de révision. Les
150 députés du RDPC votent pour, suivis dans leur démarche
par ceux de l'UNDP qui votent également pour. Les 4
députés de l'UDC et celui du MP votent contre. Seuls manquent
à l'appel les 15 députés du SDF et le député
RDPC de la Manyu, l'honorable AYAH Paul Abine. Mais au moment de voter pour
l'article 2, le président de l'Assemblée nationale
suggère, conformément aux dispositions du règlement de
l'Assemblée, de passer directement au vote de l'ensemble du texte du
projet de révision, aucune observation particulière n'ayant
été faite à l'hémicycle. C'est à cet instant
même que le Secrétaire général de l'Assemblée
nationale souligne qu'il y a eu des procurations, information qui est souvent
donnée au début de la plénière. On apprend ainsi
que l'honorable AYAH Paul Abine qui n'a pas été appelé au
premier tour du vote, avait donné une procuration à l'honorable
Emilia MOJOWA LIFAKA, député RDPC du Fako. Celle-ci votera pour
l'adoption du projet en débat en son nom. Un acte que
l'intéressé s'était empressé de
dénoncer399(*).
En définitive, le projet
de loi portant modification de la Constitution sera adopté par 157 voix
pour (les députés du RDPC et ceux de l'UNDP) et 5 voix contre
(les députés de l'UDC et celui du MP).
Section 2 : L'ULTIME REVISION CONSTITUTIONNELLE DE
2008
Comme sa devancière de
1996, la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 a fait l'objet de
critiques notamment quant à la constitutionnalité de la
procédure suivie par les pouvoirs publics compétents pour
modifier certaines dispositions la Loi fondamentale. Aussi est-il question d'y
revenir avant un examen approfondi de l'état de droit
révisé. Nous examinerons donc le débat sur la
procédure de révision constitutionnelle du 14 avril 2008
(§1), préalablement aux aspects de la loi
constitutionnelle elle-même (§2).
§1 : LA PROCEDURE DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE
DU 14 AVRIL 2008 EN DEBAT
La question de la
régularité de la procédure de la révision
constitutionnelle de 2008 divise la doctrine. Deux thèses s'affrontent
ici, à savoir la thèse de l'inconstitutionnalité de la
procédure de révision constitutionnelle de 2008, d'une part
(A) et celle de sa constitutionnalité, d'autre part
(B).
A -
La thèse de la constitutionnalité de la révision
constitutionnelle de 2008
Comme il fallait s'y attendre, la
thèse de la constitutionnalité de la révision
constitutionnelle d'avril 2008 est défendue par le président de
la République lui-même, auteur du projet de révision. Mais
cette thèse va également connaître un autre
défenseur dans la doctrine de droit constitutionnel.
Selon le président de la
République, le projet de révision soumis à
l'Assemblée nationale était conforme à la Constitution.
C'est ce qui ressort de l'exposé des motifs contenus dans le projet. On
peut en effet y lire ce qui suit : « La présente
réforme qui ne déroge ni à la forme républicaine de
l'Etat, ni aux principes démocratiques, de l'unité ou de
l'intégrité du territoire national
(...) »400(*). Allusion à peine voilée à
l'article 64 de la Constitution aux termes duquel aucune procédure de
révision ne peut être retenue si elle porte atteinte à la
forme républicaine, à l'unité et à
l'intégrité territoriale de l'Etat et aux principes
démocratiques qui régissent la République.
Dans la doctrine de droit
constitutionnel, l'un des auteurs ayant ardemment défendu la
thèse de la constitutionnalité de la révision
constitutionnelle du 14 avril 2008 au Cameroun est incontestablement
Stéphane BOLLE. Selon lui en effet, la révision constitutionnelle
envisagée et réalisée au Cameroun est effectivement
conforme aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Après avoir
fait remarquer que la Constitution dans la plupart des pays africains et
singulièrement au Cameroun est assez facilement révisable,
l'auteur déploie un certain nombre d'arguments non sans tenir compte de
ceux qu'on pourrait opposer aux siens. Ainsi,
écrit-il : « Certains objecteront qu'en
l'absence du Sénat, qui n'a toujours pas été
installé, l'Assemblée nationale ne saurait constituer à
elle seule un congrès de révision. Seulement, l'objection tombe
à la lecture de l'article 67 alinéa 3 : "l'Assemblée
nationale jouit de l'ensemble des prérogatives reconnues au Parlement
jusqu'à la mise en place du Sénat" »401(*). A la vérité,
cet argument n'est pas nouveau, l'hypothèse de procéder à
une révision constitutionnelle sur le fondement de l'article 67 de la
Constitution ayant été envisagée par la doctrine il y a
quelques années déjà.
En effet, une telle lecture de
l'article 67 alinéa 3 de la Constitution avait été faite
bien avant la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 par le
Professeur Alain-Didier OLINGA. Dans son article intitulé
« L'article 67 de la Constitution »
précité, il reconnaissait la compétence de
l'Assemblée nationale en matière de révision
constitutionnelle en ces termes : « Agissant comme
l'ensemble du Parlement, l'Assemblée nationale (...) peut tenir lieu de
congrès dans le cas d'une révision constitutionnelle,
etc. »402(*). Mais, il y a lieu de constater que la position de
cet auteur a évolué, car après la révision
constitutionnelle de 2008 par l'Assemblée nationale, il va plutôt
soutenir la thèse inverse.
B -
La thèse de l'inconstitutionnalité de la révision
constitutionnelle du 14 avril 2008
Les tenants de
l'inconstitutionnalité de la révision constitutionnelle de 2008
avaient mis en avant une série d'arguments tendant à
dénier le bien fondé de la révision opérée.
Mais, à l'analyse ils tournent tous à établir
l'incompétence de l'organe saisi du projet de révision,
l'Assemblée nationale. Deux auteurs ont particulièrement
défendu cette thèse à savoir Alain-Didier OLINGA et
Mathias Eric OWONA NGUINI.
Selon le Professeur Alain-Didier
OLINGA, la compétence de l'instance saisie du projet de révision
est discutable au regard de la Loi fondamentale en vigueur. En effet,
rappelle-t-il, l'article 63 alinéa 3 de la Constitution
énonce : « Le Parlement se réunit en
congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet
ou une proposition de révision de la Constitution ». Il
se trouve que dans l'exposé des motifs du projet de révision de
la Constitution, il était indiqué : « Tel
est l'économie du présent projet de loi soumis à l'examen
de l'Assemblée nationale ». Il s'agit là, selon
l'auteur, d'une méconnaissance de la lettre de la Loi fondamentale. Car,
depuis la révision de janvier 1996, le pouvoir constituant
dérivé qu'est le pouvoir de révision est organiquement et
formellement distinct de la législature, avec l'avènement de la
figure organique du congrès, lequel est, à côté du
peuple saisi par voie référendaire, l'instance compétente
en matière de révision de la Constitution403(*). Donc, la formule de
l'article 63 au présent de l'indicatif (``se réunit''),
doublée du fait qu'elle se situe dans le chapitre traitant
spécialement de la révision de la Constitution, doit l'emporter
sur celle de l'article 14 alinéa 4 suivant laquelle « Les
deux Chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à
la demande du président de la République (...) pour se prononcer
sur un projet ou une proposition de révision
constitutionnelle ». Autrement dit, selon le Professeur
Alain-Didier OLINGA, l'Assemblée nationale, convoquée
régulièrement en session ordinaire à partir du 12 mars
2008, ne pouvait brusquement sans convocation spécifique aux fins de
l'examen d'un projet de révision, siéger tacitement comme
congrès à partir du 4 avril, par le seul fait de la transmission
du projet de révision pour examen et adoption par la Chambre.
En conséquence, d'un point
de vue du strict formalisme juridique, le président de la
République n'aurait pas dû transmettre le projet de
révision à l'Assemblée nationale, et la Conférence
des présidents de l'Assemblée nationale n'aurait pas dû se
prononcer favorablement sur la recevabilité du texte
déposé par le président de la République. L'auteur
conclut sur ce point en ces termes : « En théorie
pure, on pourrait dire que les institutions qui méconnaissent si
ouvertement la Constitution en vigueur ne peuvent prétendre faire oeuvre
constitutionnelle légitime. L'intervention d'une instance
incompétente pour accomplir une tâche clairement normée,
devrait en principe, être frappée de
nullité »404(*). Mais, le droit constitutionnel est un droit
marqué profondément de considérations politiques qu'il est
difficile de soumettre au test judiciaire, notamment dans un contexte où
la saisine de la juridiction constitutionnelle demeure limitativement
attribuée. Une fois que la loi constitutionnelle est promulguée,
il n'y a plus de recours possible au plan interne, le texte étant
dès sa promulgation réputé régulièrement
entré dans l'ordonnancement normatif de l'Etat.
Le Docteur Mathias Eric OWONA
NGUINI rejette lui aussi l'évocation de l'article 67 alinéa 3 de
la Constitution pour justifier la constitutionnalité de la
révision de 2008. En écho à la position de Stéphane
BOLLE qui défend la constitutionnalité du recours à
l'Assemblée nationale pour la révision de 2008 en se fondant sur
les dispositions transitoires de l'article 67 alinéa 3 de la
Constitution, l'auteur affirme que « cette argumentation donne
à voir les limites de la lecture de la Constitution opérée
par l'analyste ». La procédure de révision
envisagée au Cameroun ne peut selon cet auteur être
envisagée dans une vision en termes d'exceptionnalisme. Peut-on se
suffire de justifier et de fonder en droit la démarche de
révision constitutionnelle envisagée au Cameroun, en passant
allègrement de l'article 63 alinéa 3 (règle de principe en
matière de révision par la voie parlementaire) à l'article
67 alinéa 3 (règle prévue dans le cadre du dispositif de
transition constitutionnelle et institutionnelle) ? Quelle est finalement
la règle qui fonde vraiment l'opération de révision
envisagée ?
Dans le même ordre
d'idées, Monsieur Noé NDJEBET MASSOUSSI allègue que
« Le président de la République n'a pas
respecté toutes les conditionnalités d'une révision de la
Constitution que lui impose la Constitution »405(*). Il dénonce lui aussi
la non-convocation du congrès par le président de la
République ; il apporte également un argument nouveau tiré
de l'article 18 alinéa 3 de la Loi fondamentale. Pour lui en effet,
l'article 18 alinéa 3 liste les textes qui peuvent être inscrits
à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale réunie en
session ordinaire comme c'est le cas. La révision constitutionnelle n'y
figure pas. Ce qui confirme, selon lui, le caractère illégal de
la voie de révision empruntée par le président de la
République406(*).
En somme, on relève que la question relative à
la constitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14
avril 2008 ne fait pas l'unanimité. Mais au-delà de ce constat,
il y a lieu de cerner les innovations qu'apporte la loi constitutionnelle issue
de cette révision controversée.
§2 : LES ASPECTS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 14
AVRIL 2008
La loi constitutionnelle du 14
avril 2008 possède quatre principaux aspects dont l'analyse
révèle qu'ils ont une même finalité, à savoir
renforcer le pouvoir du président de la République. Ces aspects
sont, respectivement, le raffermissement des pouvoirs du président de la
République (A), la suppression de la limitation des
mandats présidentiels (B), la justiciabilité du
président de la République devant la Haute Cour de justice
(C) et la redéfinition des règles relatives
à la vacance du pouvoir (D).
A - Le raffermissement des
pouvoirs du président de la République
De prime abord, précisons
que la primauté du président de la République au sein de
l'exécutif n'a fait l'objet, dans la révision constitutionnelle
d'avril 2008, d'aucune atteinte ou atténuation. En effet, un
déséquilibre manifeste continue de présider aux relations
entre le président de la République et le Gouvernement, y compris
le premier ministre407(*). D'un autre côté, les
prérogatives du président de la République en rapport avec
les autres pouvoirs ont été plutôt renforcées. Et on
est même en droit de dire que les acquis constitutionnels de 1996 ont
été tous remis en cause dans la mesure où le
président de la République dispose les moyens
supplémentaires pour exercer une influence tant sur le Parlement
(1) que sur le Conseil constitutionnel
(2).
1 -
Le renforcement des moyens d'influence du président de la
République sur le Parlement
Outre l'influence politique que
le président de la République peut exercer sur le Parlement
à travers la majorité, même conjoncturelle, qu'il peut y
avoir et surtout le droit de dissolution du Parlement, la loi constitutionnelle
de 2008 offre au président de la République une autre arme lui
permettant de neutraliser autant que faire se peut le Parlement lorsque
« les circonstances »408(*) l'exigent. Deux
remarques sont à faire ici.
D'une part, les questions relatives au mandat des
députés à l'Assemblée nationale tout comme celles
relatives à celui des membres du Conseil constitutionnel
n'étaient pas spécialement attendues au cours de cette
procédure de révision de la Constitution où l'attention
des observateurs était focalisée sur les articles à enjeux
directs autour du mandat du président de la République ou de son
intérimaire en cas de vacance de pouvoir409(*).
D'autre part, la nouvelle
disposition apporte deux éléments nouveaux : la
création d'une circonstance pouvant justifier la démarche du
président de la République pour raccourcir ou rallonger le mandat
des députés (``lorsque les circonstances
l'exigent''), et les délais d'organisation de nouvelles
élections qui passent de 40 jours au moins et 120 jours au plus (en lieu
et place des 40 jours au moins et 60 jours au plus selon l'article 15
alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996).
Si les nouveaux délais n'appellent fondamentalement pas
de débats particuliers, il n'en reste pas moins que de réels
motifs de questionnement demeurent autour de la locution « quand
les circonstances l'exigent ». Certes, et en comparaison, la loi
de 1996 prévoyait déjà une telle démarche, mais
uniquement en cas de crise grave. Une notion un peu plus précise, le
fait d'une crise grave n'étant pas banal et pouvant être
observable, au contraire de la locution actuelle qui élargit la marge
d'appréciation du président de la République en la
ramenant pratiquement à la situation de l'article 12 de la version
originelle de la Constitution du 2 juin 1972. En d'autres termes, la crise
n'étant pas un phénomène de tous les jours, l'on a voulu
introduire dans la Constitution une base juridique pour prendre selon les
besoins des ingénieurs politiques des décisions purement
opportunistes vis-à-vis de l'Assemblée nationale dans une logique
instrumentale410(*).
N'est-ce pas la même logique qui avait inspiré les concepteurs de
la modification constitutionnelle sur son aspect relatif au mandat des membres
du Conseil constitutionnel ?
2 -
Les moyens d'influence du président de la République sur le
Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel fait
partie des services publics qui ne peuvent s'acquitter convenablement de leurs
missions que si leurs agents jouissent d'une indépendance leur
permettant d'être à l'abri des influences extérieures. Et
dans cet ordre d'idées, ses membres ont besoin d'une nécessaire
« autonomie » afin de statuer en toute
sérénité, condition absolument indispensable au
fonctionnement d'une bonne justice constitutionnelle. De ce point de vue, et en
dépit des obstacles à l'indépendance des juges
constitutionnels411(*),
une relative unanimité régnait jusqu'en 2008 sur l'innovation que
constituait la consécration d'un Conseil constitutionnel par la loi
constitutionnelle de 1996. Son statut marqué notamment par la relative
longévité du mandat de ses membres était salué
comme une condition de l'indépendance du juge constitutionnel.
Cependant, l'espoir placé
dans la cette auguste institution semble s'évanouir depuis la
promulgation, par le président de la République, de la loi
constitutionnelle de 2008. L'article 51 (nouveau) opère en effet une
altération de la garantie d'indépendance du Conseil
constitutionnel que constituait l'aménagement au bénéfice
de ses membres d'un mandat de 9 ans. Ce mandat est en effet passé de 9
ans non renouvelable à 6 ans « éventuellement
renouvelable ». Cette nouvelle formulation n'est pas
heureuse en particulier pour une structure qui n'est pas une institution
politique, qui est en dehors du commerce institutionnel classique et ne joue
que le rôle de régulateur de l'activité normative des
pouvoirs publics412(*).
D'autant que la raison avancée par le président de la
République pour justifier l'altération de la dimension temporelle
de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel n'est pas
suffisamment éclairante. Il ressort de l'exposé des motifs du
projet de révision que la nouvelle version de l'article 51 alinéa
1er vise à harmoniser le mandat des membres du Conseil
constitutionnel avec ceux des autres organes élus ou
désignés de l'Etat.
Quoiqu'il en soit, la révision de cet article politise
la perception d'une institution qui devrait précisément
être à l'abri des considérations politiciennes. La
formulation du nouveau mandat des membres du Conseil constitutionnel est pire
que celle contenue dans le projet de révision qui ne prévoyait
pas l'éventualité d'un renouvellement413(*). Un mandat de 6 ans non
renouvelable met les membres du Conseil constitutionnel dans une situation
d'indépendance psychologique par rapport à un mandat de 6 ans
éventuellement renouvelable, lequel incite le conseiller désireux
d'être éventuellement renouvelé à une certaine
« sagesse »414(*). Cette lecture est d'autant logique qu'il n'existe
pas un âge maximum pour être nommer conseiller.
B -
La suppression de la clause de limitation du mandat du président de la
République
La loi constitutionnelle du 14
avril 2008 avait pour objectif principal de faire sauter la clause
constitutionnelle relative à la limitation du nombre de mandat que peut
briguer le président de la République. Le point relatif à
la suppression de la limitation du nombre de mandat présidentiel est de
très loin le plus long et le plus argumenté de l'exposé
des motifs qui accompagne le projet de loi n° 819/PJL/AN modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier
1996. Ceci nous amène à préciser les motifs relatifs
à cette suppression avant d'en déceler les limites et lacunes.
Quatre arguments ont
été avancés par le président de la
République en faveur de révision de l'article 6 alinéa 2
limitant à deux le nombre de son mandat415(*). De son avis, la
rééligibilité du président de la République
sans limitation du nombre de mandats participe d'un certain nombre de
considérations. Elle participe d'abord de l'affirmation et de la
préservation de la plénitude de la souveraineté du peuple
en matière d'élection du président de la
République. Elle participe ensuite de l'égalité en droits
et en devoirs des citoyens face à l'éligibilité aux
fonctions de président de la République. Elle participe
également de la jouissance par tous les citoyens sans discrimination des
droits civils et politiques notamment du droit de participation directe
à la gestion des affaires publiques. Enfin, la suppression de la
limitation du nombre de mandat présidentiel participe de la
continuité de la tradition constitutionnelle de notre pays dont aucune
des Constitutions successives ne contenait de dispositions relatives à
la limitation du nombre des mandats présidentiels.
La doctrine a fait de ces motifs
deux sortes de commentaires. Le premier a trait à l'explication selon
laquelle il était question d'assurer la continuité de la
tradition constitutionnelle de notre pays. Ainsi, comme le relève le
Professeur Alain-Didier OLINGA, si ce souci était réel, il aurait
dû conduire à revenir au quinquennat. En 1995, lors du
débat constitutionnel, si l'on avait allongé la durée du
mandat présidentiel, ainsi que cela ressortait clairement du rapport de
la Commission des lois constitutionnelles, c'est parce que la discussion
parlementaire avait abouti à la limitation du nombre de mandats à
deux. Un tel consensus est ce qui s'était précisément
formé entre décembre 1995 et janvier 1996, période au
cours de laquelle la limitation des mandats qui n'était pas
présente dans le projet gouvernemental de révision de la
Constitution, y a été inscrite, avec l'accord du pouvoir central
suite à un compromis qui offrait en contrepartie l'allongement du mandat
présidentiel de 5 à 7 ans416(*). Cette limitation figurait au demeurant dans
l'avant-projet de Constitution OWONA et dans le projet rendu public en 1990 par
le Professeur Maurice KAMTO. Il en résulte donc que si l'exposé
des motifs du projet de révision soulignait à juste titre que la
limitation des mandats présidentiels ne fait pas partie de l'histoire
constitutionnelle du Cameroun, on peut s'étonner que ce même
exposé des motifs ne souligne pas le fait que le septennat ne fait pas
partie de l'histoire constitutionnelle du Cameroun ! La tradition
constitutionnelle n'est pas bonne à invoquer que lorsqu'elle est
favorable au renforcement du pouvoir présidentiel, elle doit
l'être également lorsqu'il faut l'encadrer, le limiter dans la
durée.
Mais, au-delà de cette
incohérence qui caractérise la référence à
la tradition constitutionnelle camerounaise en matière de
révision constitutionnelle, une question de pure logique juridique se
pose : celle de la rétroactivité de la loi constitutionnelle
de 2008, cette question n'étant pas résolue par cette
dernière. A cet égard, il convient de faire un certain nombre de
constatations. Certaines sont relatives à l'origine ou le point de
départ de l'initiative de la révision (projet), au moment choisi
pour y procéder. A ces éléments extérieurs au
projet de révision s'ajoute un autre qui est plutôt contenu dans
les motifs du projet de révision : il s'agit de l'expression
« mandat du président de la République en
fonction ». Par ailleurs, le président actuellement en
fonction a été élu en 1997, puis réélu en
2004 par le peuple camerounais sur la base d'éléments normatifs
précis, parmi lesquels la limitation à deux du nombre de mandats.
Il en résulte logiquement que le mandat qui court de 2004 à 2011
est un mandat qui se situe dans le cadre de la limitation constitutionnelle
à ces deux mandats. Peut-on en transformer la nature en cours
d'exécution ? Le mandat électif de 7 ans obtenu en 2004 pour
ne pas être renouvelable en 2011 peut-il devenir, à partir de 2008
par la grâce d'une révision constitutionnelle, et sans
précision explicite dans la nouvelle mouture de la Constitution, un
mandat de 7 ans renouvelable en 2011 et indéfiniment ?
Du strict point de vue
juridique, une réponse négative s'impose. Cependant, en
dépit du silence du texte de révision sur ce point précis,
une réponse affirmative n'est pas à exclure au regard des
remarques relatives au projet de révision ci-dessus exposées. A
la vérité, comme le démontre les expériences en
cours dans plusieurs Etats africains où la limitation du nombre de
mandats à été également supprimée417(*), une telle démarche
ne serait pas nouvelle. L'expérience a en effet démontré
que les suppressions de la clause de limitation du nombre de mandat ont
généralement bénéficié immédiatement
à leurs initiateurs.
La doctrine a esquissé une liste d'autres motifs qui
constituent le véritable enjeu de la révision de la clause
limitative du nombre de mandats du président de la République. Ainsi, selon Monsieur Jérôme Francis
WANDJI K. par exemple, l'inflation révisionniste de la clause de
limitation des mandats du président de la République est
justifiée par des motivations que l'on peut répertorier et qui
oscillent autour d'une constance : un goût démesuré
pour les privilèges du pouvoir et la peur. En premier lieu, l'auteur évoque la faiblesse
ou l'absence d'un statut d'ancien Chef d'Etat induisant des droits et des
privilèges à la mesure de la charge présidentielle. Il y a
ensuite la peur obsessionnelle de l'exil. Enfin, il y a la peur des
représailles populaires418(*) et judiciaires internes et internationales qui
impliquent mort, humiliation et probablement condamnation suivie
d'incarcération.
Cette crainte est animée chez les uns par les
circonstances de leur prise de pouvoir à l'envers des procédures
démocratiques, parfois violentes et sanglantes419(*) et chez les autres par la
profusion d'abus ayant jalonné la durée en fonction,
notamment : crimes contre l'humanité et crimes économiques
tels que les détournements des deniers publics et la corruption à
grande échelle. Or, aussi longtemps qu'ils demeurent en fonction, ces
Chefs d'Etat africains n'ont pas à redouter la perte d'immunité
et d'autres privilèges, encore moins l'exil ou les représailles
populaires ou judiciaires.
C -
La justiciabilité du président de la République devant la
Haute Cour de Justice
Il ressort de l'article 53
alinéa 1er que la Haute Cour de Justice est l'instance
compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions par certaines autorités relevant de la haute Administration
d'Etat. De manière générale, on distingue la
justiciabilité du président de la République d'une part et
celle des autres autorités également justiciables devant la Haute
Cour de Justice d'autre part.
S'agissant de la
justiciabilité de ces dernières, les règles qui la
régissaient n'ont pas connues de modifications. Il s'agit du premier
ministre, et des autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts
responsables de l'Administration ayant reçu délégation de
pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus en cas de complot
contre la sûreté de l'Etat.
S'agissant en revanche de la
justiciabilité du président de la République, les
règles y relatives ont été revues dans le sens d'une mise
en oeuvre plus difficile. Elles apparaissent à l'analyse et
comparativement à celles instituées par la loi constitutionnelle
de 1996 comme traduisant un recul.
La première difficulté vient de l'absence de
définition de la notion même de haute trahison, l'alinéa
1er de l'article 53 nouveau s'étant contenter de reprendre la
formule vague selon laquelle la « Haute Cour de Justice est
compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions par : le président de la République en cas de
haute trahison (...) ». Mais certains éléments
tirés du texte constitutionnel permettent de s'en faire une idée.
Ainsi par exemple, lorsque le président de la République est
chargé de veiller au respect de la Constitution, assure par son
arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et est le
garant de la continuité de l'Etat (article 5 de la Constitution
alinéa 2), sa responsabilité peut être engagée pour
haute trahison. Le problème réside donc dans la difficulté
d'intégrer les éventuels et possibles manquements à ces
obligations constitutionnelles du président de la République dans
la seule hypothèse de responsabilité présidentielle
retenue, à savoir la haute trahison. Elle n'est pour autant pas
insurmontable dans la mesure où l'absence d'une définition
textuelle même limitative de la haute trahison, autorise une extension de
cette dernière à « toute faute manifeste, accomplie
par le président de la République dans l'exercice de ses
fonctions »420(*). Car, en définitive, c'est à
la Haute Cour de Justice de juger si ces manquements sont constitutifs ou non
de haute trahison. Toutefois, même si la haute trahison est un
délit d'ordre politique à contenu variable, le terme de trahison
ne doit pas, selon Benoît JEANNEAU, s'entendre au sens courant du mot
comme un acte commis au bénéfice d'une puissance
étrangère et préjudiciable à la défense
nationale ; mais plutôt comme un « manquement grave du
président de la République aux devoirs de sa
charge »421(*).
Le recul de la
justiciabilité du président de la République que consacre
la révision de la Loi fondamentale réside surtout dans sa
protection aussi bien durant l'exercice de son mandat qu'au terme de ce mandat.
Il se matérialise par une immunité posée pour certains
actes et par les conditions de déclenchement des poursuites quasiment
irréalisables.
Sur le premier point relatif
à l'immunité présidentielle, l'article 53 alinéa 3
nouveau pose en effet que « Les actes accomplis par le
président de la République en application des articles 5, 8, 9 et
10 de la Constitution sont couverts par l'immunité et ne sauraient
engager sa responsabilité à l'issue de son
mandat ».
Cette disposition qui fait ainsi son entrée dans la Loi
fondamentale consacre incontestablement une immunité au profit du
président de la République. Mais ce régime
d'immunité ne devrait pas surprendre dans un régime
présidentialiste, le Professeur Jean GICQUEL y voyant même une
« conséquence banale du régime
présidentialiste »422(*).
Par ailleurs, cet alinéa ne précise pas ce que
l'on doit considérer comme « les actes de la fonction
présidentielle » insusceptibles d'engager la
responsabilité du président de République. De l'avis du
Professeur Alain-Didier OLINGA, cette disposition doit être
examinée par rapport aux engagements internationaux de la
République et par rapport aux obligations qui découlent pour elle
et ses dirigeants ainsi que, de manière générale, des
tendances actuelles de l'ordre juridique international. Elle doit l'être,
par ailleurs, quant à son applicabilité ratione
temporis. Les actes constitutifs de haute trahison accomplis par le
président de la République lorsqu'il était en fonction
mais découverts après la cessation de ses fonctions et qui
auraient été dissimulés par lui engagent-ils sa
responsabilité ou tombent dans le domaine temporel des actes
immunisés ?
Sur le second point relatif aux
conditions de mise en accusation du président de la République
pour haute trahison, la même disposition ajoute que ce dernier ne peut
être mis en accusation « que par l'Assemblée
nationale et le Sénat, statuant par un vote identique au scrutin public
et à la majorité des 4/5e des membres les
composant ».
Cette disposition qui n'était pas incluse dans la loi
constitutionnelle de 1996, vient consolider la base juridique de la mise en
accusation éventuelle du président de la République, en la
sortant du cadre législatif, beaucoup moins compliqué a
priori à modifier. Ce faisant, le pouvoir constituant
dérivé, à travers l'article 53, a fait de la protection
pénale du président de la République la valeur absolue du
droit constitutionnel camerounais, loin devant la Loi fondamentale
elle-même qui peut être modifiée à la majorité
absolue des parlementaires et, en cas de demande de seconde lecture, à
la majorité des 2/3 des membres composant de Parlement (article 63
alinéa 3). De même, les amendements tendant à remplacer le
scrutin public par le scrutin secret à la majorité des 2/3 et
à introduire le scrutin secret à la majorité absolue
avaient été rejetés en Commission423(*). Pour le Gouvernement, cette majorité
qualifiée renforcée se justifie « au regard de
l'importance des questions que constituent la haute trahison et le complot
contre la sûreté de l'Etat »424(*).
Ces conditions de mise en jeu de la responsabilité du
président de la République devant la Haute Cour de Justice lui
garantissent littéralement une immunité perpétuelle. Les
modalités de cette mise en accusation du président de la
République sont en effet volontairement lourdes et compliquées
à mettre en mouvement avec du reste un scrutin public, ce qui traduit
certes le souci de ne pas engager une telle procédure à la
légère, mais également le souci de mettre le
président de la République à l'abri d'une action en
responsabilité, la majorité des 4/5e du Parlement
étant difficile à réunir. D'autant plus que 30% des
sénateurs seront nommés par le président de la
République et qu'en tout état de cause, il ne manquera pas
d'alliés parmi les 70% restants. C'est donc à bon droit que le
Professeur Augustin LOADA a pu conclure que « la mise en
accusation d'un président de la République coupable de crimes,
selon les procédures de droit commun ou devant la Haute Cour de Justice
ne peut qu'être improbable »425(*).
Ce régime de protection ultra sophistiqué du
président de la République est légitimé par au
moins un représentant de la doctrine africaniste française. S'inspirant du cas de Madagascar où le malaise
provoqué par la destitution du président ZAFI avait
contribué à reposer dans son ensemble le problème
constitutionnel au cours de la campagne électorale qu'elle avait
provoquée, le Professeur Gérard CONAC est en effet d'avis que
« si des mécanismes de mise en jeu de sa
responsabilité pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions
doivent être prévus par la Constitution, il est souhaitable qu'ils
ne puissent être déclenchés que pour des raisons graves et
selon des procédures exceptionnelles se différenciant nettement
des procédures de censure du gouvernement parlementaire. Dans les
démocraties récentes, le risque est qu'en déstabilisant le
Chef de l'Etat, le régime constitutionnel qu'il incarne soit
lui-même déstabilisé »426(*).
La nouvelle loi constitutionnelle a donc conceptualisé,
au profit du président de la République, un verrou
sophistiqué. Mais la loi constitutionnelle est muette sur la
responsabilité du président de la République par
intérim qui n'exerce la fonction présidentielle que quand il y a
vacance du pouvoir.
D -
La redéfinition des règles relatives à la vacance du
pouvoir
L'article 6 alinéa 4
réaménage les délais pour l'organisation des
élections présidentielles en cas de vacance du pouvoir. Les cas
d'ouverture de la vacance n'ont fait l'objet d'aucune modification. La vacance
reste ainsi ouverte en cas de décès, de démission ou
d'empêchement définitif du président de la
République constaté par le Conseil constitutionnel. En revanche,
les innovations apportées par la loi constitutionnelle de 2008 sont
relatives à la durée de l'intérim (1) et
aux prérogatives ex nunc reconnues au président de la
République par intérim (2).
1 -
La durée de la vacance du pouvoir
Tout président de la
République nouvellement élu est animé par un idéal
légitime : celui de demeurer dans ses fonctions jusqu'à la
fin du mandat à lui confié. Mais l'expérience montre que
les évènements indépendants ou non de son fait lui
empêchent parfois de l'atteindre. C'est fort de cet état des
choses que les constituants ont estimé qu'il était sage de
prévoir dans la Loi fondamentale des délais relatifs à la
période pendant laquelle le poste de président de la
République ne serait pas, entre deux élections
présidentielles normales, occupé par son véritable
titulaire. L'idée maîtresse ici réside dans le souci
d'assurer une transition démocratique du pouvoir au sommet de l'Etat. En
même temps, il faut éviter qu'un homme non issu du suffrage de ses
concitoyens ne dirige le pouvoir pendant longtemps, car le faire serait
incompatible tant avec les textes constitutionnels du Cameroun
indépendant qu'avec la doctrine de droit constitutionnel.
Ces délais ont été prévus par
toutes les Constitutions camerounaises. Ainsi par exemple, avant la
révision de 2008, la loi constitutionnelle de 1996 disposait qu'en cas
de vacance de la présidence de la République pour cause de
décès, de démission ou d'empêchement
définitif, le scrutin pour l'élection du nouveau président
de la République devait impérativement avoir lieu 20 jours au
moins et 40 jours au plus après l'ouverture de la vacance. Mais avec la
loi constitutionnelle du 14 avril 2008 cette durée a été
allongée. En effet, la nouvelle version de
l'alinéa 4 de l'article 6 dispose qu' « en cas de vacance
de la présidence de la République (...), le scrutin pour
l'élection du nouveau président de la République doit
impérativement avoir lieu 20 jours au moins et 120 jours au plus
après l'ouverture de la vacance ».
Il résulte de cet alinéa que si la borne
minimale a été maintenue (à 20 jours), tel n'a pas
été le cas de la borne maximale qui a été
allongée de 40 à 120 jours. Le motif avancé en faveur de
cet allongement de la durée de l'intérim ressort clairement du
projet de révision soumis au Parlement où il est question de
faciliter l'organisation matérielle et pratique de l'élection
présidentielle427(*). Ainsi, les 40 jours prévus jusque-là
étaient considérés comme insuffisants pour assurer
l'organisation d'une élection présidentielle
nécessitée par la vacance à la présidence de la
République, ce qui est étonnant au regard des avancées en
cours en matière électorale notamment la création
d'ELECAM. En effet, comme l'a justement relevé le Professeur
Alain-Didier OLINGA, si ELECAM est mis en place et fonctionne
conformément à son mandat, en principe l'on doit pouvoir
organiser une élection crédible à tout moment, ELECAM
étant une administration permanente, investie de la
responsabilité exclusive et unique d'organiser les élections.
Par ailleurs, la longueur de
cette durée ne va pas sans poser un autre problème dans la mesure
où elle est de nature à conférer au président
intérimaire le goût du pouvoir et l'inciter par conséquent
à prendre éventuellement, des dispositions insidieuses pour y
demeurer428(*). Ceci
serait contraire à la finalité de l'intérim dont la
durée doit rester courte pour que le seul programme d'action du
président intérimaire soit de conduire l'élection du
nouveau président de la République et non de gérer le
pays. Or, 120 jours d'intérim est une durée importante pendant
laquelle on peut se retrouver, par la force des choses, dans une logique de
gestion de l'Etat, de gestion des urgences, peut-être même des
situations d'exception.
Ces inquiétudes sont loin d'être de pures
spéculations dans la mesure où la loi constitutionnelle de 2008
est allée plus loin en réalisant aussi une extension certes
exceptionnelle, mais réelle, des prérogatives du président
intérimaire.
2 -
L'extension des prérogatives du président de la République
par intérim
L'extension des
prérogatives du président de la République par
intérim trouve son fondement à l'alinéa 4 (c) de l'article
6 nouveau de la loi constitutionnelle de 2008 qui dispose :
« Toutefois, en cas de nécessité liée
à l'organisation de l'élection présidentielle, le
président de la République par intérim peut, après
consultation du Conseil constitutionnel, modifier la composition du
Gouvernement ».
Cette nouvelle disposition réalise une extension sans
précédent des pouvoirs du président de la
République par intérim. Certes, comme dans la loi
constitutionnelle de 1996, celle de 2008 interdit au président
intérimaire de modifier la Constitution, la composition du gouvernement
et d'être candidat à l'élection organisée pour la
présidence de la République.
Mais, cette dernière
apporte une importante innovation car dorénavant le président
intérimaire peut, après consultation du Conseil constitutionnel,
modifier la composition du gouvernement « en cas de
nécessité liée à l'organisation de
l'élection présidentielle ». En d'autres termes,
lorsque le président de la République par intérim
allègue un cas de nécessité en rapport à
l'organisation de l'élection présidentielle, il ne reste plus que
deux limites à ses prérogatives à savoir
l'impossibilité de modifier la Constitution et d'être candidat
à l'élection organisée pour la présidence de la
République. Et parce que la modification du gouvernement est un acte
d'une haute teneur politique en ceci que tout dépend à l'occasion
dans une large mesure du pouvoir discrétionnaire du présidant
intérimaire, il y a lieu de maintenir une vigilance particulière
par rapport aux prérogatives ainsi confiées à ce dernier.
Car tout l'enjeu de la révision constitutionnelle de 2008 peut, en
définitive, se retrouver sur cette question de l'intérim, la
discussion autour de l'article 6 alinéa 2 n'ayant été en
réalité, qu'une discussion suscitée par les
hypothèses de gestion de la transition au sommet de l'Etat429(*).
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
L'on en vient à conclure
que malgré la multiplication des propositions de révision de la
Constitution initiées par les députés à
l'Assemblées nationale depuis 1996, cette dernière, en tant
qu'organe révisionniste demeure plus réceptive aux initiatives
d'origine présidentielle. Au regard du contenu de la loi
constitutionnelle de 2008, on est fondé à penser que ladite
Assemblée a renoué avec les révisions orientées
vers la remise en cause des principaux acquis constitutionnels des
années 1990 : la résurrection de la clause de l'illimitation des
mandats présidentiels, le verrouillage du poste de président de
la République et l'altération de l'indépendance du juge
constitutionnel.
En dernière analyse, la révision
constitutionnelle du 14 avril 2008 plongeant dans « l'incertitude
du constitutionnalisme », s'intègre dans la logique
d'« une conception du pouvoir qui défie le
droit » qu'évoquait le Professeur Maurice KAMTO il y a
bien longtemps430(*).
CONCLUSION DE LA SECONDE
PARTIE
A l'issue de cette analyse sur les
mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1996, l'on se doit
de reconnaître la matérialité progressive des mutations de
ce pouvoir au double point de vue organique et fonctionnelle. Ainsi,
malgré le contexte actuel caractérisé par
l'ineffectivité du bicaméralisme et la pérennisation de la
période transitoire qui en résulte, l'on ne peut conclure
à l'absence de volonté ou à l'inertie des pouvoirs publics
chargés de mettre en place le Sénat. C'est que, le temps
étant la mesure de toute chose, toutes leurs actions doivent s'y
inscrire. Tel est le sens profond de l'article 67 de la Loi fondamentale.
CONCLUSION GENERALE
Si nous nous sommes quelque peu
étendus sur le débat ouvert à propos de l'Assemblée
nationale en tant qu'organe révisionniste depuis les années
quatre-vingt-dix au Cameroun, ce n'est pas seulement en raison de son
actualité mais aussi parce qu'il nous semble poser une question plus
générale sur les mutations dont le pouvoir constituant
dérivé a pu faire l'objet lui-même en tant qu'organe de
l'Etat. De l'appréciation des mutations du pouvoir constituant
dérivé depuis 1990, l'on a déduit qu'il n'est pas un
organe figé une fois pour toutes dans la forme donnée par ses
auteurs. Le milieu où il s'exerce a changé, il évolue
toujours, il vit ; le pouvoir constituant dérivé contribue
à l'organiser en même temps qu'il pèse sur lui.
La problématique suivante
a constitué le fil conducteur de cette étude : le pouvoir
constituant dérivé a-t-il résisté aux
transformations que subissent les organes de l'Etat en cette période de
transition démocratique ? Dans une approche diachronique et en
combinant la méthode juridique et la méthode de la science
politique, nous avons étudié successivement les mutations du
pouvoir constituant dérivé au Cameroun depuis 1990.
Au plan organique, le pouvoir
constituant dérivé est passé tour à tour d'un
Parlement monolithique entre 1990 et 1991 à un Parlement pluraliste
entre 1992 et 1996 et depuis le 18 janvier 1996 à un Parlement
bicaméral.
Au plan fonctionnel, la conséquence attendue et visible
de cette mutation structurelle a été, sur le plan
général, la revitalisation du débat constitutionnel et
plus spécialement le réveil de l'Assemblée nationale
où on relève une volonté des députés de
prendre eux aussi l'initiative de la révision constitutionnelle, rompant
ainsi avec une tradition en la matière qui veut que l'initiative
juridique d'une révision de la Constitution soit un monopole du
président de la République.
A cela, l'on se doit d'ajouter que l'appréciation des
mutations du pouvoir constituant dérivé telles qu'elles sont
observées au Cameroun doit se faire à la lumière de la
théorie constitutionnelle et non point par rapport à ce qui se
fait ailleurs dans la mesure où il n'y a pas de standard en la
matière. Tout dépend des rapports entre partis politiques et le
pouvoir propres à chaque Etat.
Reste que le pouvoir constituant
dérivé au Cameroun revêt un double visage : l'un
vertueux et l'autre vicieux. D'une part, au plan de la vertu, le pouvoir
constituant dérivé entre 1990 et 1996 a adapté la
Constitution du 2 juin 1972, toute proportion gardée, aux
réalités et aux aspirations démocratiques des citoyens. Il
a successivement porté atteinte à l'absolutisme
présidentiel et permis la
« résurrection » du régime
parlementaire camerounais431(*) en introduisant dans la Constitution un poste de
premier ministre formellement Chef du gouvernement ainsi que les
mécanismes de la responsabilité de ce dernier devant le Parlement
qui lui-même devient bicaméral. A cela s'ajoute la
consécration d'un Conseil constitutionnel qui est appelé au
regard de ses attributions à contribuer à la consolidation de
l'Etat de droit au Cameroun. Au niveau de la division verticale du pouvoir dans
l'Etat, on relève la constitutionnalisation en 1996 de la
décentralisation au Cameroun432(*).
Au-delà de cette dimension vertueuse, le pouvoir
constituant dérivé présente un aspect versatile et
vicieux. Après s'être prononcé en 1996 dans un esprit
d'objectivation en faveur de l'application des normes constitutionnelles et de
l'institutionnalisation du pouvoir, le pouvoir constituant dérivé
de 2008 est bien loin d'avoir recherché cet idéal. La
révision constitutionnelle de 2008 a été
opérée au seul profit du Chef de l'Etat et au détriment
des autres organes de l'Etat alors même que dans le texte et l'esprit des
dispositions constitutionnelles pertinentes édictées en 1996, les
jalons d'un rééquilibrage des pouvoirs ne faisaient l'objet
d'aucun doute.
On comprend alors que la Constitution camerounaise se
révèle être en fait, au-delà de la rigidité
qui se dégage des mécanismes de sa révision, une
Constitution souple, car révisable à souhait par le Chef de
l'Etat dont la seule volonté détermine le contenu de la
révision. Les risques de voir la compétence révisionniste
du Parlement mise en oeuvre dans le seul but de consolider le pouvoir du Chef
de l'Etat et de perpétuer le système politique et social qu'il a
créé sont évidents, surtout pendant la période
transitoire.
Dans ces conditions, les chances de voir la Constitution jouer
réellement la fonction d'institutionnalisation du pouvoir433(*) au Cameroun résident
sans doute dans la mise en état de fonctionnement effectif du
bicaméralisme. En effet, il ne suffit pas de
consacrer formellement le pouvoir constituant dérivé mais de
veiller à l'effectivité de toutes les opérations
(juridiques et matérielles) nécessaires ou indispensables
à son opérationnalité. En ce qui concerne la loi
constitutionnelle de 1996, elle a prévu des modalités de mise en
place progressive des institutions indispensables à la mise en place du
Sénat. La généralité de leur formulation tout comme
l'absence de mécanismes juridiques de contrôle de leur mise en
place ne remet nullement en cause l'obligation voire la nécessité
pour les organes de l'Etat chargés par la Constitution de leur donner
corps. Elles permettent plutôt de mesurer la volonté réelle
de novation institutionnelle des pouvoirs publics à laquelle la
promulgation d'une loi constitutionnelle ou d'une Constitution ne saurait
être que le point de départ, l'impulsion initiale. En d'autres
mots, une loi constitutionnelle n'est pas les réformes, c'est la machine
principale devant permettre aux pouvoirs constitués de les
réaliser.
La plume étant réputée serve,
élaborer une loi constitutionnelle revient à imposer un cadre
mais non à geler le texte qui, au-delà des imperfections qu'on y
déplore434(*),
est paradoxalement l'incarnation de la réalisation effective de
l'idéal démocratique du peuple camerounais. Et on peut souhaiter
que les multiples appels de la société civile et de l'opposition
politique pour la mise en place effective des institutions relatives au
parachèvement des mutations du pouvoir constituant dérivé
amorcées dans les années 1990 ouvrent la voie à un
renouveau du constitutionnalisme au Cameroun.
ANNEXES
1. Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier
1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972
2. Proposition de révision à l'initiative des
parlementaires SDF « pour une élection transparente et
libre au Cameroun »
(extraits)
(1)
Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier
1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972
L'Assemblée nationale a délibéré
et adopté, le président de la République promulgue la loi
dont la teneur suit :
Article 1er : Les
dispositions des articles 6 (2) et (4), 14 (3) a, 15 (4), 51 (1), 53 et 67 (6)
de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 02 juin 1972 sont modifiées et complétées
ainsi qu'il suit :
Article 6 :
(2) (nouveau) : Le président de la
République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est
rééligible.
(4) (nouveau) : En cas de vacance de la présidence
de la République pour cause de décès, de démission
ou d'empêchement définitif constaté par le Conseil
constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président
de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours
au moins et cent vingt (120) jours au plus après l'ouverture de la
vacance.
L'intérim du Président de la République
est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau
président de la République, par le président du
Sénat ; et si ce dernier est, à son tour
empêché, par son suppléant suivant l'ordre de
préséance du Sénat.
Le président de la République par intérim
- le président du Sénat ou son suppléant - ne peut
modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Il ne peut
recourir au référendum. Il ne peut être candidat à
l'élection organisée pour la présidence de la
République. Toutefois, en cas de nécessité liée
à l'organisation de l'élection présidentielle, le
président de la République par intérim peut, après
consultation du Conseil constitutionnel, modifier la composition
gouvernement.
Article 14 :
(3) Les Chambres du Parlement se réunissent aux
mêmes dates :
a (nouveau) : En sessions ordinaires chaque année
au mois de mars, juin et novembre sur convocation des bureaux de
l'Assemblée nationale et du Sénat, après consultation du
président de la République.
Article 15 :
(4) (nouveau) : En cas de crise grave ou lorsque les
circonstances l'exigent, le président de la République peut,
après consultation du président du Conseil constitutionnel et des
bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à
l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou
d'abréger son mandat.
Dans ce cas, l'élection d'une nouvelle Assemblée
a lieu quarante (40) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus
après expiration du délai de prorogation ou d'abrègement
de mandat.
Article 51 (nouveau) : Le Conseil
constitutionnel comprend onze (11) membres désignés pour un
mandat de six (06) ans éventuellement renouvelable.
Les membres du Conseil constitutionnel sont choisis parmi les
personnalités de réputation professionnelle établie.
Ils doivent jouir d'une grande intégrité morale
et d'une compétence reconnue.
TITRE VIII - DE LA HAUTE COUR DE
JUSTICE
Article 53 (nouveau) :
La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les
actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par :
-Le président de la République en cas de haute
trahison ;
-Le premier ministre, les autres membres du gouvernement et
assimilés, les hauts responsables de l'administration ayant reçu
délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12
ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat.
Le président de la République ne peut être
mis en accusation que par l'Assemblée nationale et le Sénat
statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité
des quatre cinquièmes des membres les composant.
Les actes accomplis par le président de la
République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont
couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité
à l'issue de son mandat.
L'organisation, la composition, les conditions de saisine
ainsi que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice sont
déterminées par la loi.
TITRE XIII - DISPOSITIONS
TRANSITOIRES ET FINALES
Article 67 (nouveau) : Au cas
où la mise en place Sénat intervient avant celle des
régions, le collège électoral pour l'élection des
sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux.
Article 2 : La présente loi sera
enregistrée, publiée suivant la procédure d'urgence puis
insérée au Journal Officiel en français et en anglais.
Yaoundé, le 14 avril 2008
Le président de la République,
Paul BIYA.
(2)
Proposition de révision à l'initiative des
parlementaires SDF « pour une élection transparente et
libre au Cameroun »
(extraits)
Pour y parvenir, deux opérations s'imposent, à
savoir : une petite retouche de la Constitution de la République
(A) ; création d'un organe impartial pour l'organisation des
élections (B).
A. AMENDEMENT MINIMAL DE LA
CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE
Proposition loi portant amendement de la
Constitution de la République du
Cameroun.
Exposé des motifs.
Bien des dispositions de la Constitution de la
République (Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996) doivent être
révisées pour permettre à cette Loi fondamentale de
répondre aux aspirations profondes du peuple camerounais et asseoir les
bases démocratiques de la vie des institutions républicaines.
Pour l'heure et comme la toute première étape dans ces
négociations, nous au SDF pensons fermement que l'étape la plus
vitale de la vie d'une nation est celle de la conduite des élections
libres et transparentes.
Aussi les propositions suivantes sont faites pour la
révision des articles 6, 20, 48 et 57.
S'agissant de l'article 6, l'élection du
président de la République au scrutin majoritaire à deux
tours évitera d'avoir un Chef d'Etat élu par exemple avec 23% de
suffrages exprimés contre 77% des camerounais qui se seraient
prononcés contre lui ou se seraient abstenus tout court de
l'élection.
D'autre part, avec un deuxième tour on évitera
les grandes fractures grâce au jeu des alliances et en conséquence
de l'harmonisation des programmes du gouvernement et non après
l'élection.
S'agissant de l'article 20, les sénateurs doivent
être élus au suffrage universel direct. Ceci constitue la voie la
plus efficace pour le choix des représentants par le peuple.
S'agissant de l'article 48, il doit être amendé
pour tenir compte de la création de la Commission Electorale Nationale
avec compétence en matière de contentieux électoral. Les
décisions prises par la Commission Electorale Nationale sont
définitives et ne sont sujets d'un recours par devant le Conseil
constitutionnel qu'en cas de violation de la loi.
S'agissant de l'article 57, celui-ci doit être
amendé pour être conforme aux dispositions de l'article 55 aussi
pour permettre l'élection des conseillers régionaux et des
responsables des régions par suffrage universel direct.
PROPOSITION CONCRETE
TITRE II : DU POUVOIR EXECUTIF
CHAPITRE I : DU PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE
Article 6 (1) : L'élection du
président de la République au suffrage universel direct,
égal et secret a lieu au scrutin majoritaire à deux tours.
(2) Elle est acquise au premier tour à la
majorité absolue des suffrages valablement exprimés.
(3) Si après le premier tour du scrutin aucun des
candidats n'obtient la majorité absolue, il est procédé
à un second tour de scrutin à l'issue duquel est élu le
candidat ayant obtenu une majorité simple des suffrages valablement
exprimés.
(4) Seuls les deux candidats arrivés en tête
peuvent se présenter au second tour qui a lieu le troisième
dimanche suivant la date de la proclamation des résultats du premier
tour.
(5) Le président de la République est
élu pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable une fois.
TITRE VII : DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET DE LA
COMMISSION ELECTORALE NATIONALE
Article 48 (1) Le Conseil
constitutionnel est juge de la constitutionnalité des actes de la
Commission électorale nationale dans le cadre de ses activités.
Il connaît du contentieux électoral.
(2) : a. Il est créé une Commission
électorale nationale chargée de diriger, superviser et
contrôler de manière juste, libre et transparente, tous les
processus électoraux et la réalisation des
référendums au Cameroun. Elle en proclame les résultats.
b. Son organisation, son fonctionnement et sa composition,
sont fixés par la loi.
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et des secondes Chambres d'Afrique et du monde Arabe, février 2001,
disponible sur
http://www.sénat.fr/sénatsdumonde/bicamafrique2001. html,
7 p. (13 septembre 2002).
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT
I
DEDICACE
II
REMERCIEMENTS
III
PRINCIPALES ABREVIATIONS
IV
SOMMAIRE
VI
RESUME
vii
INTRODUCTION GENERALE
1
Première Partie :
23
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
DE 1990 A 1996
23
CHAPITRE 1 : LE POUVOIR
CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
MONOLITHIQUE
25
Section 1 : L'ASSEMBLEE NATIONALE
MONOLITHIQUE
25
§1 : LA STRUCTURE DE L'ASSEMBLEE
NATIONALE
25
A - Les députés de
l'Assemblée nationale
26
1 - La qualité de parlementaire
26
2 - La protection du mandat
parlementaire
30
a - Les incompatibilités
parlementaires
30
b - Les immunités et
indemnités parlementaires
33
B - Les organes de l'Assemblée
nationale
37
1 - Les organes directeurs
37
a - Le Bureau de l'Assemblée
nationale
38
b - La Conférence des
présidents
40
2 - Les Commissions de travail
41
§2 : LES POUVOIRS DE L'ASSEMBLEE
NATIONALE
43
A - Le pouvoir d'initiative
43
1 - Les titulaires du droit
d'initiative
43
a - Le président de la
République
44
b - Les députés à
l'Assemblée nationale
45
2 - Le moment de la révision
46
a - L'intérim du président de
la République
46
b - La révision de la Constitution
peut-elle avoir lieu lorsque son article 11 est en application ?
48
3 - L'objet de la révision
49
B - Le pouvoir d'adoption
53
1 - L'examen des projets et propositions de
révision constitutionnelle
53
a - En Commission des lois
constitutionnelles
53
b - En Assemblée
plénière
54
2 - Le vote du texte de révision
56
Section 2 : LES REVISIONS
CONSTITUTIONNELLES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE
60
§1 : LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE DU 23 AVRIL 1991
61
A - La procédure de
révision
61
1 - L'initiative présidentielle de
la révision
61
2 - L'adoption du texte de
révision
64
B - La loi de révision
65
1 - La déconcentration de
l'Exécutif
65
a - L'apparence du bicéphalisme
66
b - La réalité du
monocéphalisme
67
2 - L'extension des compétences du
Parlement
69
a - Le pouvoir de contrôle et de
sanction politiques du Gouvernement
69
b - Le maintien de la
prééminence de l'Exécutif sur le Parlement
71
§2 : LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE DU 16 DECEMBRE 1991
72
A - La procédure de
révision
73
1 - L'initiative présidentielle
73
2 - L'adoption du texte de
révision
74
B - La consistance de la loi
constitutionnelle du 16 décembre 1991
75
1 - Les aspects statiques de la
souveraineté
75
a - Le titulaire de la
souveraineté
76
b - Les caractéristiques du vote et
le suffrage universel
78
2 - L'abaissement de l'âge de la
majorité électorale
79
CONCUSION DU CHAPITRE 1
82
CHAPITRE 2 : LE TOURNANT DE
1996
83
LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE, POUVOIR DE
L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE
83
Section 1 : LES CIRCONSTANCES DE
L'INSTITUTION D'UNE ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE
83
§1 : LA REFORME
JURIDIQUE........................................................................................................83
A - La refonte des libertés
publiques ...
84
1 - La création d'une Commission de
révision de la législation sur les libertés
publiques....................84
a - Les conditions historiques de la
création de la Commission de révision de la législation
sur les libertés publiques
84
b - La mise sur pied de la Commission
88
2 - Les textes relatifs aux libertés
publiques adoptés par l'Assemblée nationale
89
B - Les conséquences de la
réforme juridique
93
1 - La création des partis
politiques
93
2 - L'adoption d'une nouvelle
réglementation relative à la compétition
électorale
94
§2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA
REFORME
95
A - Les élections
législatives anticipées de 1992
96
1 - L'abrègement du mandat des
députés à l'Assemblé nationale monopartiste
96
a - Les justifications d'ordre
juridique
96
b - Les justifications d'ordre
théorique
97
2 - Les élections
législatives de 1992
101
a - Les acteurs politiques
101
b - Les acteurs institutionnels
103
B - La configuration pluraliste du
Parlement
105
1 - La majorité
105
2 - L'opposition
106
Section 2 : LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE DU 18 JANVIER 1996
109
§1 : LE PROCESSUS DE REVISION
CONSTITUTONNELLE MAITRISE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
110
A - Le contrôle présidentiel
de la phase d'initiative
110
1 - L'avant-projet de Constitution du 18
mai 1993
111
a - La genèse de l'avant-projet de
Constitution
111
b - Le rejet de l'avant-projet de
Constitution
114
2 - Les « propositions du
président de la République pour la révision de la
Constitution »
116
B - L'intervention de l'Assemblée
nationale
117
1 - Les justifications du recours à
l'Assemblée nationale
117
a - Au plan juridique
118
b - Au plan extra juridique
119
2 - Le vote du texte de révision
120
§2 : LA NATURE ET LE CONTENU DE
LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1996
123
A - La nature controversée de la loi
constitutionnelle de 1996
123
1 - La thèse selon laquelle la loi
constitutionnelle de 1996 est une nouvelle Constitution
123
2 - La thèse selon laquelle la loi
constitutionnelle de 1996 est la Constitution du 2 juin 1972
révisée
125
B - Le contenu de la loi constitutionnelle
de 1996
129
1 - Le Préambule
129
a - La création de nouveaux droits
et devoirs
129
b - L'affirmation de la valeur
constitutionnelle du Préambule
133
2 - Les nouvelles structures
135
a - Le Conseil constitutionnel
136
b - La nouvelle configuration du pouvoir
judiciaire
138
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
141
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
142
Seconde Partie :
143
LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE
DE 1996 A 2008
143
CHAPITRE 1 : LE RENFORCEMENT
DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION
JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE
145
Section 1 : LA CONSECRATION
CONSTITUTIONNELLE DU BICAMERALISME
145
§1 : LE BICAMERALISME
CAMEROUNAIS
146
A - Les raisons de la consécration
récente du bicaméralisme au Cameroun
147
1 - La méfiance du pouvoir
vis-à-vis du bicaméralisme jusqu'en 1996
147
2 - La prééminence des
facteurs favorables au bicaméralisme depuis 1990
150
B - Les deux Chambres du Parlement
152
1 - L'Assemblée nationale
152
2 - Le Sénat
154
§2 : LES CONSEQUENCES DE LA
CONSECRATION DU BICAMERALISME
158
A - L'extension de l'initiative de la
révision constitutionnelle aux sénateurs
159
B - L'exigence de la réunion du
Parlement en congrès pour se prononcer sur un projet de texte de
révision constitutionnelle
160
1 - La spécialité du
congrès de révision par rapport au pouvoir législatif
ordinaire
161
2 - La relativité de la distinction
entre le Parlement réuni en congrès et le pouvoir
législatif ordinaire
165
Section 2 : L'INEFFECTIVITE PRATIQUE
DU BICAMERALISME
167
§1 : LES FACTEURS DE
L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME
168
A - Les facteurs tirés de la
Constitution
168
1 - La consécration
constitutionnelle du principe de progressivité dans la mise en place des
nouvelles institutions
169
2 - L'absence d'un échéancier
pour la mise en place des nouvelles institutions et de mécanismes
juridiques de contrôle de cette mise en place
171
B - Les facteurs extérieurs à
la Constitution
173
1 - L'ineffectivité des textes
infra-constitutionnels relatifs à la mise en place du Sénat
173
2 - L'inaction des pouvoirs publics quant
aux opérations matérielles indispensables au fonctionnement
concret du Sénat
175
§2 : LES CONSEQUENCES DE
L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME
176
A - Le retour à l'Assemblée
nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la
Constitution
176
B - La suspension du Sénat dans la
procédure de révision de la Constitution
180
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
183
CHAPITRE 2 : L'AFFIRMATION A
REBOURS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996
184
Section 1 : LA MULTIPLICATION DES
INITIATIVES DE REVISION CONSTITUTIONNELLE
185
§1 : LES PROPOSITIONS DE REVISION
CONSTITUTIONNELLE
185
A - La proposition de révision
relative à l'élection du président de la République
au scrutin majoritaire à deux tours
186
B - Les autres propositions de
révision constitutionnelle
188
1 - La proposition de révision
relative à l'élection de tous les sénateurs, des
conseillers régionaux et chefs des régions au suffrage universel
direct
189
2 - Les propositions de révision
relatives à l'élargissement des compétences du Conseil
constitutionnel et à la création de la CENA
190
§2 : LE PROJET DE REVISION
CONSTITUTIONNELLE D'AVRIL 2008
194
A - Les conditions juridiques et politiques
de la révision constitutionnelle
194
1 - Les conditions juridiques
195
2 - Le contexte politique
196
B - L'adoption du texte de révision
constitutionnelle
197
1 - L'examen du projet de
révision
198
2- Le vote définitif du texte de
révision
200
Section 2 : L'ULTIME REVISION
CONSTITUTIONNELLE DE 2008
201
§1 : LA PROCEDURE DE LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008 EN DEBAT
202
A - La thèse de la
constitutionnalité de la révision constitutionnelle de 2008
202
B - La thèse de
l'inconstitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14
avril 2008
203
§2 : LES ASPECTS DE LA LOI
CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008
206
1 - Le renforcement des moyens d'influence
du président de la République sur le Parlement
207
2 - Les moyens d'influence du
président de la République sur le Conseil constitutionnel
208
B - La suppression de la clause de
limitation du mandat du président de la République
209
C - La justiciabilité du
président de la République devant la Haute Cour de Justice
212
D - La redéfinition des
règles relatives à la vacance du pouvoir
216
1 - La durée de la vacance du
pouvoir
217
2 - L'extension des prérogatives du
président de la République par intérim
218
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
220
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
221
CONCLUSION GENERALE
218
ANNEXES
222
BIBLIOGRAPHIE
INDICATIVE.....................................................................229
TABLE DES MATIERES
238
* 1 Cité par AZIMI
(V.), « La Constitution et ses limites selon Edouard LABOULAYE
», RFDC, n° 26, 1996, pp. 243-271, notamment p. 266.
* 2 Ibid., p.
266.
* 3 Article 4 de la Constitution
du 4 mars 1960.
* 4 Article 4 de la loi
n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision
constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution
précitée aux nécessités du Cameroun
unifié.
* 5 Notons toutefois que
même si le Sénat et l'Assemblée nationale possèdent
le pouvoir de légiférer et de contrôler le Gouvernement,
seule l'Assemblée nationale peut mettre en jeu la responsabilité
politique de ce dernier, le Sénat n'ayant pas formellement reçu
un tel pouvoir de la Constitution. En revanche, il ne peut être dissous
par le président de la République comme peut l'être
l'Assemblée nationale.
* 6 Comme que nous le verrons
au chapitre 1 de la seconde partie de cette étude, l'Assemblée
nationale n'est plus formellement organe révisionniste, mais
plutôt une composante de ce dernier qui depuis 1996 est appelé
congrès même si transitoirement elle agit encore comme tel.
* 7 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1987, p. 351.
* 8 Cf. JEANNEAU (B.), Droit
constitutionnel et institutions politiques, 6è éd., Paris,
Dalloz, 1981, p. 81.
* 9 La possibilité
pour une autorité, quelle qu'elle soit, de réunir le double titre
d'organe de l'Etat et de titulaire du pouvoir constituant a été
contestée par Léon DUGUIT. C'est en effet, dit-il, s'engager dans
un cercle vicieux que de prétendre que l'organe peut fonder la
Constitution alors qu'il n'existe que par la Constitution. A cette objection,
CARRE de MALBERG répond en opposant la thèse positiviste : la
première organisation de l'Etat ne relève d'aucun ordre juridique
antérieur, on ne saurait donc demander à une théorie
juridique d'en fournir l'explication ; à l'intérieur de
l'Etat une fois formé, la théorie de l'organe offre sa pleine
valeur, puisqu'elle rend compte du renouvellement de l'organisation
constitutionnelle conformément à un ordre statutaire
préétabli. Cette explication est partagée par BURDEAU (G.)
dans son Traité de science politique. Le statut du pouvoir dans l'Etat,
Tome IV, 2è éd. (revue et augmentée), Paris, LGDJ, 1969,
pp. 234-235.
* 10 Cf. GOZLER (K.), Le
pouvoir constituant, éd., EKIN KITABEVI, BURSA, 1999, disponible sur
http://www.anyasa.gen.tr/pconstituant.htm,
120 p. (7 novembre 2009).
* 11 Ibid.
* 12 Ibid.
* 13 Comme on le voit, CARRE
de MALBERG distingue les deux types de pouvoirs constituants. L'un s'exerce
dans les circonstances révolutionnaires, l'autre dans le cadre d'une
Constitution en vigueur. Cette distinction correspond à celle du pouvoir
constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé.
Cependant, CARRE de MALBERG n'emploie pas les expressions
« pouvoir constituant originaire » et
« pouvoir constituant dérivé (ou
institué) » ; d'ailleurs, il ne donne pas même
d'appellations univoques à ces deux pouvoirs qu'il a
explorés. A propos du phénomène que l'on appelle
aujourd'hui le « pouvoir constituant originaire »,
il parle de la « formation initiale de l'Etat »
, de l'exercice du
pouvoir constituant « dans les circonstances
révolutionnaires »
ou
« en dehors du droit établi par la Constitution en
vigueur »
, etc.
Egalement à propos de ce que l'on appelle aujourd'hui le
« pouvoir constituant dérivé ou institué
», il parle de « l'exercice du pouvoir
constituant dans l'Etat une fois formé »
, de l'exercice du
pouvoir constituant « dans les collectivités
érigées en Etats »
, du pouvoir
constituant « mis en oeuvre par les organes même que la
Constitution assigne à cet effet »
; des
« organes de l'Etat appelés à exercer la fonction
constituante »
; du pouvoir
constituant présentant « le caractère juridique
d'organes étatiques »
; du
pouvoir constituant exercé « dans les circonstances
paisibles »
;
l'exercice du pouvoir constituant rentrant « dans le cadre de la
théorie de l'organe d'Etat »
, etc
. V. à ce
propos GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.
* 14 C'est l'avis de GOZLER
(K.), Le pouvoir constituant, op. cit.
* 15 Ibid.
* 16 Cf. BEAUD (O.), La
puissance de l'Etat, Paris, PUF, Léviathan, 1994, p. 314.
* 17 Cité par BEAUD
(O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314.
* 18 Ibid.
* 19 Cf. GOZLER (K.), Le
pouvoir constituant, op. cit.
* 20 Cité par BEAUD
(O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314.
* 21 Cité par GOZLER
(K.), Le pouvoir constituant, op. cit.
* 22 Cependant, pour le
choix du titulaire du pouvoir constituant dérivé entre ces
organes, il n'y a pas de contrainte juridique qui s'impose au pouvoir
constituant originaire. Ce dernier est libre de choisir comme il lui
plaît l'un de ces organes. Entre l'attribution du pouvoir constituant
dérivé au peuple et celle à un roi, il n'y a aucune
différence juridique ; même si cette dernière peut
être considérée comme non démocratique
. Les deux solutions,
l'une et l'autre, sont des solutions juridiques. Car, elles, l'une et l'autre,
reposent sur une règle constitutionnelle préalablement
posée par le pouvoir constituant originaire. Puisque le pouvoir
constituant originaire est un pouvoir de nature non juridique, il peut
désigner le titulaire du pouvoir constituant dérivé comme
il lui plaît.
* 23 Mais, il n'existe pas
d'unanimité en doctrine sur ce point. En effet, même dans la
doctrine positiviste, il n'y a pas d'unanimité sur la question de la
limitation du pouvoir constituant dérivé. Selon certains auteurs,
le pouvoir constituant dérivé est lié par certaines
limites. Par contre, les autres affirment que ces limites n'ont aucune force
obligatoire. Elles ne sont que des barrières de papier. Bref, la
question de la limitation du pouvoir constituant dérivé est fort
controversée. V. à ce propos BEAUD (O.), La puissance de l'Etat,
op. cit., pp. 329 et suiv.
* 24 Mais à ce
propos, il n'y a pas de règle universelle qui s'impose aux
Constitutions. D'ailleurs, du point de vue juridique, il n'existe pas
d'obligation de choisir telle ou telle procédure. Le pouvoir constituant
originaire est libre de fixer la procédure suivant laquelle le pouvoir
constituant dérivé va réviser la Constitution, comme il
est libre de déterminer le titulaire de ce pouvoir.
* 25 Dans la conception
formelle de la Constitution, ce qui compte, c'est la forme, non pas le contenu
des règles. Par conséquent, les règles qui se trouvent
dans une Constitution, quelle que soit leur source (le pouvoir constituant
originaire ou le pouvoir constituant dérivé) ont toujours la
même valeur. La différence chronologique n'a aucun effet sur la
valeur juridique d'une norme. Bref, la règle posée par le pouvoir
constituant originaire et celle posée par le pouvoir constituant
dérivé, toutes les deux, occupent le même rang dans la
hiérarchie des normes.
* 26 Cité par GOZLER
(K.), Le pouvoir constituant, op. cit.
* 27 Ibid.
* 28 Ibid.
* 29
Celles-ci contiennent telles ou telles normations particulières
. SCHMITT (C.)
illustre les lois constitutionnelles par les exemples
suivants tirés de la Constitution de Weimar : article
129 : « le fonctionnaire doit se voir garantir
l'accès à son dossier personnel » ; article
149 : « les facultés de théologie sont
maintenues dans les universités ». Il donne
également quelques exemples à la
« Constitution », c'est-à-dire aux
« décisions politiques fondamentales » dans
le cas de la Constitution de Weimar : la décision en faveur de la
démocratie (art.1), la décision pour la République contre
la monarchie (art.1 : « le Reich allemand est une
République »), la décision en faveur d'une
structure d'Etat fédéral, la décision pour une forme
fondamentalement représentative et parlementaire du législatif et
du gouvernement, etc. Selon SCHMITT (C.)
, ces principes ne
sont pas des lois constitutionnelles, « ce sont les
décisions politiques concrètes qui fixent la forme d'existence
politique du peuple allemand et forment le présupposé fondamental
de toutes normations ultérieures, même celles données par
les lois constitutionnelles »
.
« Elles forment la substance de la Constitution ».
V. à ce propos
GOZLER (K.), le pouvoir constituant, op. cit.
* 30 Cité par GOZLER
(K.), Le pouvoir constituant, op. cit.
* 31 Cf. BEAUD (O.), La
puissance de l'Etat, op. cit., p. 315.
* 32 Ibid., p.
315.
* 33 Mais la révision
de la Constitution française est actuellement régie par le titre
XVI de la même Constitution.
* 34 Cf. BIPOUM WOUM
(J.-M.), « Recherches sur les aspects actuels de la
réception du droit administratif dans les Etats d'Afrique noire
d'expression française : le cas du Cameroun »,
RJPIC, n° 3, 1972, pp. 359-387, cité par GUIMDO DONGMO (B.-R.) ,
« La responsabilité politique du gouvernement dans la
Constitution camerounaise », RRJ, n° XXXII- 120 (32è
année - 120è numéro), 2007-4, pp. 2099-2119, notamment p.
2101.
* 35 Selon l'intitulé
formel de cette loi constitutionnelle.
* 36 La question de savoir
si le pouvoir constituant dérivé peut modifier les dispositions
constitutionnelles à lui consacrées est controversée. En
raison de l'absence d'une réponse claire à cet égard de la
part du constituant camerounais (tout comme de la part de son homologue
français de 1958), certains auteurs ont pris position sur la question.
Il en est ainsi notamment de JEANNEAU (B.) qui, dans son ouvrage
précité (p. 82), pense qu'un tel pouvoir ne peut appartenir
qu'au souverain, c'est-à-dire au pouvoir constituant originaire. Il faut
en effet, selon cet auteur, contester au pouvoir constituant
dérivé la compétence pour modifier cette partie-clé
de la Constitution. Il avance à cet égard deux arguments
à savoir que modifier la procédure de révision ce n'est
pas seulement transformer une partie comme une autre de la Constitution ;
c'est également changer l'autorité maîtresse de la
Constitution. Cette position est néanmoins loin d'avoir retenu
l'attention tant du constituant français de 1958 que des constituants
camerounais depuis 1960 comme en témoigne dans le premier cas la loi du
10 juillet 1940 et celle du 3 juin 1958 et, dans le second cas, la loi
constitutionnelle du 1er septembre 1961 et celle du 18 janvier 1996.
* 37 OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, PUCAC, 2006,
p. 9, en note de bas de page.
* 38 Ibid., p.
9.
* 39 Cette loi modifiait en
réalité deux articles de la Constitution. L'article 5 nouveau
enlevait au président de la République la faculté qu'il
avait de nommer ou non un premier ministre, c'est-à-dire qu'elle
faisait du premier ministre une institution permanente de la structure
gouvernementale. L'article 7 nouveau faisait du titulaire de ce poste le
président de la République en cas de vacance à la
présidence de la République. Sur la notion de dauphin
constitutionnel, V. KAMTO (M.), «Dauphin constitutionnel dans les
régimes politiques africains : les cas du Cameroun et du
Sénégal », Penant, n° 781-782,
août-décembre 1982.
* 40 En ce qui concerne le
discours intégral de démission du président Ahmadou
AHIDJO, Voir ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en
Afrique : le cas du Cameroun, Yaoundé, CEPER, mars 1994, p. 45.
* 41 Ibid., pp. 46 et
suiv.
* 42 Article 1er
de la loi constitutionnelle du 4 février 1984.
* 43 Cf. articles 5, 7, 8,
26 et 34 de ladite loi.
* 44 Cf. GUIMDO DONGMO
(B.-R.), « La responsabilité politique du gouvernement
dans la Constitution camerounaise », op. cit., p.
2102.
* 45 Ibid., p.
2102.
* 46 Cf. KAMTO (M.), «
Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle
Constitution », Lex Lata, n° 023-024,
février-mars 1996, pp. 17-20, notamment p. 20.
* 47 Cf. ONDOA (M.),
« La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la Constitution du 02 juin 1972. Commentaire », Juridis
Périodique, n° 25, pp. 11-14, notamment p. 12.
* 48 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale : recherches sur les dispositions
constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, Vol. 1,
n° 1, 2002, pp. 20-56, notamment pp. 25 et suiv.
* 49 MBOME (F. X.),
« Constitution du 02 juin 1972 révisée ou nouvelle
Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et
SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au
Cameroun. Aspects juridiques et politiques, Yaoundé, Fondation Friedrich
Ebert, 1996, pp. 16-33, notamment p. 32.
* 50 Cf. OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 23 et
suiv.
* 51 Les auteurs s'accordent
d'ailleurs sur ce point. Il en est ainsi du Professeur OLINGA (A.- D.) qui
écrit que « S'il y a eu une rupture depuis 1972 dans
l'équilibre institutionnel et l'évolution de la nature du
régime politique, c'est en 1991 qu'elle s'est produite, pas avant, ni
après ». V. OLINGA (A.- D.), La Constitution de la
République du Cameroun, op. cit., p. 10. Le Professeur KAMTO
(M.) ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit lui aussi que
« C'est effectivement le 18 janvier 1996 que s'est
opéré le véritable changement de régime, au sens
constitutionnel du terme, dont on peut dire qu'il s'était amorcé
réellement avec la révision constitutionnelle du 23 avril 1991,
toutes les révisions antérieures étant des
réaménagements ou des replâtrages du régime
ancien ». V. KAMTO (M.), « Révision
constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle
Constitution », op. cit., p. 19.
* 52 Article 18 de ladite
loi. Notons de suite que l'ordonnance dont les dispositions contraires à
la loi n° 2010/003 sont ainsi abrogées n'avait jamais
été appliquée, du moins dans le cadre d'une
révision de la Constitution par voie référendaire.
* 53 Cf. BURDEAU
(G.), Traité de science politique, op. cit., p. 235.
* 54 Cité par KEUDJEU
DE KEUDJEU (J. R.), La problématique du contrôle de l'Etat sur les
collectivités territoriales décentralisées au regard de la
loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, Mémoire de DEA de droit
public, FSJP, Université de Douala, disponible sur
http://www.mémoireonline.com, 123 p.
* 55 CONTANTINESCO (J.),
Cité par NACH MBACH (Ch.), Démocratisation et
décentralisation: Genèse et dynamiques comparées des
processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, Paris,
Karthala-PDM, 2003, p. 45, cité par KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R.),
Ibid.
* 56 Cf. JEANNEAU (B.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 1.
* 57 Ibid., p.
1.
* 58 Ibid., p.
1.
* 59 Cf. OWONA (J.), Droit
constitutionnel et régimes politiques africains, Paris, Berger-Levrault,
1985, p. 2.
* 60 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 306.
* 61 Ibid., p.
306.
* 62 Cf. ROBERT (P.), Le
Petit Robert 1, Paris, 1990.
* 63 Articles 12
alinéa 1er et 15 alinéa 1er de la
Constitution du 2 juin 1972 respectivement avant et après le 18 janvier
1996.
* 64 Il s'agit en
réalité de la loi adoptée en séance
plénière le 26 novembre 2002 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n° 73/1 du 08 juin 1973 portant
règlement de l'Assemblée nationale et promulguée le 02
décembre 2002 (loi n° 2002/005) par le président de la
République sans égard au dispositions censurées par la
Cour Suprême, statuant en tant que juge constitutionnel de transition en
application de l'article 47 alinéa 1er de la Constitution du
2 juin 1972 dans sa version de 1996. D'où la controverse relative
à sa constitutionnalité. V. à ce sujet les auteurs comme
KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note sous Cour Suprême,
décision n° 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 »,
Juridis Périodique, n°53, janvier-février-mars 2003,
pp. 61-66 ; ABIABAG (I.), « De l'inconstitutionnalité
de la validation des mandats parlementaires », RCDSP, 2è
Année, n° 2, janvier 2007, pp. 51-70 ; NGUELE ABADA (M.),
« La réforme du règlement intérieur de
l'Assemblée nationale du Cameroun », RASJ, vol. 1,
n° 3, 2003, pp. 20-56.
* 65 Au Zaïre par
exemple, le maréchal MOBUTU promulgue en 1966 une Constitution
entièrement conçue pour légitimer au nom de
l'authenticité l'absolutisme présidentiel. Sur les partis uniques
de droit, V. CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, Paris, Economica, 1993, p. 15.
* 66 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA
(C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option
droit public, Université de Dschang, année académique
2008/2009, inédit.
* 67 Cf. CONAC (G.) (dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p.
492.
* 68 L'Union Nationale
Camerounaise, dirigée par le président AHIDJO (A.) est née
le 1er septembre 1966 de la fusion des partis politiques
ci-après :
-L'Union Camerounaise (UC), dirigée par AHIDJO (A.);
-La Cameroon People National Convention (CPNC) du Dr. ENDELEY
(E.);
-Le Kamerun National Democratic Party (KNDP) de NGU FONCHA
(J.);
-La Cameroon United Congress (CUC) dirigée par TANDENG
MUNA (S.);
* 69 Cf. MANDJACK (A.),
« L'Assemblée nationale camerounaise dans le miroir de
l'autoritarisme », SOLON, Vol. 1, 1999, pp. 1-21, notamment p.
14, en note de bas de page.
* 70 Aux termes de l'article
47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991
fixant les conditions d'élection des députés à
l'Assemblée nationale en effet, «elle arrête et proclame
les résultats des élections ».
* 71 Article 48 de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
* 72 Cf. METEMBOU (M.),
Cours de droit parlementaire et électoral, Maîtrise, option droit
et carrières administratives, Université de Dschang, année
académique 2007/2008, inédit.
* 73 Article 26 in
fine alinéa de la loi constitutionnelle n° 91/001 du 23 avril
1991 précitée. V. aussi l'article 8 alinéa 12 de la loi
constitutionnelle de 1996.
* 74 Article 12
alinéa 2 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version d'avant 1996.
* 75 Mais à la
différence des autres cas de vacance de siège du titulaire
précités et qui ouvrent les portes de l'Assemblée
nationale au suppléant, le décès du député
titulaire ne permet pas son remplacement par son suppléant. Il ressort
en effet de l'article 9 alinéa 2 de la loi n° 91/020 du 16
décembre 1991 précitée qu'après leur
élection, et dans tous les autres cas de vacance autres que le
décès du titulaire, le suppléant est appelé
à siéger à l'Assemblée nationale, à la place
du député jusqu'à la fin du mandat de celui-ci. La raison
d'être de cette disposition serait simple : elle serait en effet,
dans le contexte camerounais, destinée à empêcher les
meurtres commandités par les suppléants pour prendre la place des
titulaires. V. à se sujet NCHOUWAT (A.) (dir.), Assemblée
nationale du Cameroun : compétences et configuration,
Yaoundé, PUA, 2005, 186 pages, notamment p. 21. En tout état de
cause, il est procédé à des élections partielles
dans les douze mois qui suivent la vacance lorsqu'il se produit une ou
plusieurs vacances définitives par suite de décès, de
démission du titulaire et du suppléant ou par toute autre cause
dans la circonscription électorale, sauf si la vacance se produit moins
d'un an avant la fin de la législature.
* 76 Article 22 in
fine de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991
précitée.
* 77 Depuis l'institution du
Sénat par la révision constitutionnelle de 1996.
* 78 Précisons qu'il
ne s'agit ici que des garanties d'ordre juridique. Politiquement en effet, les
garanties d'indépendance des parlementaires vis-à-vis de leurs
électeurs et de leurs partis trouvent une limite dans le souci qu'ils
peuvent légitimement avoir d'obtenir le renouvellement de leur
mandat.
* 79 Cf. CHANTEBOUT (B.),
Droit constitutionnel, 23è éd., Paris, Sirey, 2006, p. 493.
* 80 Cf. METEMBOU (M.),
Cours de droit parlementaire et électoral, Maîtrise, option droit
et carrières administratives, Université de Dschang, année
académique 2007/2008, inédit.
* 81 Cf. NCHOUWAT (A.)
(dir.), L'Assemblée nationale du Cameroun : compétences et
configuration, op. cit., p. 87.
* 82 Article 23 de la loi
n° 91/020 précitée.
* 83 Article 24 de la loi
n° 91/020 précitée.
* 84 Article 25
alinéa 2 de la loi n° 91/020 précitée.
* 85 Cf. DEBBASCH (Ch.),
BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République,
2è éd., Paris, Economica, 1985, p. 413.
* 86 Ces sanctions internes
sont régies par les articles 71 à 74 du règlement de
l'Assemblée nationale.
* 87 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA
(C.), « Les immunités parlementaires en droit camerounais
: réflexion sur une exception au principe de l'égalité des
citoyens devant la loi », RJPIC, 52è année,
n° 2, mai-août 1998, pp. 177-193, notamment p. 189.
* 88 Cf. DEBBASCH (Ch.),
BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République,
op. cit., p. 416.
* 89 Ibid., p.
416.
* 90 Baudin, tué sur
la barricade en 1851 aurait
déclaré : « Vous allez voir, citoyens,
comme on meurt pour 25 F par jour » , Ibid.,
p. 416.
* 91 Cf. CHANTEBOUT (B.),
Droit constitutionnel, op. cit., p. 499.
* 92 Cette disposition est
reprise par l'article 17 alinéa 2 de la Constitution du 2 juin 1972 dans
sa version de 1996.
* 93 Cf. article 9
alinéa 4 du règlement de l'Assemblée nationale dans sa
version révisée de 2002.
* 94 Conformément
à l'article 9 alinéa 5 (b) du règlement de
l'Assemblée nationale.
* 95 Cf. article 12
alinéa 6 du règlement de l'Assemblée nationale.
* 96 Cf. article 12
alinéa 7 du règlement de l'Assemblée nationale.
* 97 Cf. article 13 du
règlement de l'Assemblée nationale.
* 98 Cf. Article 14 du
règlement de l'Assemblée nationale.
* 99 Nous reviendrons sur ce
point dans le premier chapitre de la seconde partie de cette étude.
* 100 Article 31
alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 101 Les huit (8) autres
Commissions générales sont énumérées
à l'article 16 du règlement de l'Assemblée nationale.
* 102 Cf. BURDEAU (G.),
Traité de science politique, op. cit., p. 181.
* 103 Il sera question ici,
suivant le cadre temporel de cette première partie, de s'appesantir sur
les dispositions de la Constitution dans sa version antérieure à
la révision intervenue le 18 janvier 1996. Mais, nous reviendrons sur
les innovations intervenues en 1996 dans la deuxième partie de cette
étude.
* 104 Cf. ARDENT (Ph.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, 11è éd., Paris,
LGDJ, 1999, p. 81.
* 105 La révision
constitutionnelle du 10 novembre 1969. V. l'introduction ci-dessus.
* 106 Cf. MELEDJE DJEDJRO
(F.) : « La révision des Constitutions dans les Etats
africains francophones. Esquisse de bilan », RDP, 1992, pp.
111-134, notamment p. 121.
* 107 Cité par
MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions
dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », article
précité, pp. 121-122.
* 108 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 259.
* 109 Avant la loi
constitutionnelle de 1996.
* 110 Après la loi
constitutionnelle de 1996.
* 111 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit. p. 459.
* 112 DEBBASCH (Ch.),
BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République,
op. cit., p. 224.
* 113 Cf. aussi l'article 9
alinéa 2 de la Constitution de 1972 dans sa version de 1996.
* 114 Décision
n° 92-312 D.C. du 2 septembre 1992 sur le Traité de Union
Européenne. V. à ce propos LAVROFF (D.-G.), Le droit
constitutionnel de la Vè République, Paris, Dalloz, 1997, p.
112.
* 115 Article 50.
* 116 Cf. KANKEU (J.),
Droit constitutionnel, Théorie générale, Tome 1, Presses
Universitaires de Dschang, 2003, p. 61.
* 117 Ibid., p.
61.
* 118 Cf. BURDEAU (G.),
Traité de science politique, op. cit., p. 257, en note de bas
de page n° 136.
* 119 Cf. KANKEU (J.),
Droit constitutionnel, Théorie générale, Tome 1, op.
cit., p. 61.
* 120 Sur la controverse
relative à la question de la valeur juridique de cette limitation, Voir
BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 329 et suiv.
* 121 Cf. article 47.
* 122 Cf. KANKEU (J.),
Droit constitutionnel, Théorie générale, op.
cit., p. 62.
* 123 Cf. NGUELE ABADA
(M.), Cours de Droit de la démocratie et de l'Etat de droit, Master II,
option droit public, Université de Dschang, année
académique 2008/2009, inédit.
* 124 KANKEU (J.), Droit
constitutionnel, op. cit., p. 63.
* 125 La
consécration d'un Conseil constitutionnel par la loi constitutionnelle
de 1996 (titre VII) laisse croire qu'il pourra par ses décisions ou avis
clarifier les points non précisés par la Constitution.
* 126 En application de
l'article 19 alinéa 1er du règlement intérieur
de l'Assemblée nationale.
* 127 Cf. article 22
alinéa 1er du règlement de l'Assemblée
nationale.
* 128 L'apparenté
est un élu qui n'appartient à aucun parti politique ou est membre
d'un parti n'ayant pas le nombre de députés indispensables
à la constitution d'un groupe. L'article 15 alinéa 1 du
règlement de l'Assemblée nationale prescrit en effet que aucun
groupe parlementaire ne peut comprendre moins de 15 membres non compris les
apparentés.
* 129 Cf. OLINGA (A.-D.),
La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp.
43-45.
* 130 Cf. NTONGA BOMBA (S.
V.), « La procédure législative devant
l'Assemblée nationale du Cameroun », Juridis
Périodique, n° 49, janvier-février-mars 2002, pp. 57-66.
* 131 C'est l'avis de
MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans
les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », op.
cit., p. 124.
* 132 La doctrine d'alors
la qualifiait tantôt de « Chambre
d'enregistrement », tantôt de « Caisse de
résonance ». Mais bien avant même la mise en place
d'un Parlement pluraliste, ces qualificatifs ne reflétaient plus
exactement la réalité. V. à ce propos les auteurs tels
KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., notamment pp. 34-36 et
ABIABAG (I.), « Le droit d'amendement dans le droit parlementaire
camerounais », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002,
janvier-juin 2002, pp. 43-65, notamment p. 43.
* 133 Cf. LAVROFF (D.-G.),
Le droit constitutionnel de la Vè République, op. cit.,
p. 117.
* 134 Ibid., p.
117.
* 135 La question de savoir
si la loi constitutionnelle peut faire l'objet d'un contrôle du juge
constitutionnel n'a pas reçu une réponse claire de la part du
constituant camerounais. Malgré cette imprécision de la part du
constituant camerounais, la loi constitutionnelle ne devrait pas être
considérée comme insusceptible de faire l'objet d'un tel
contrôle, du moins lorsqu'elle émane du Parlement qui est un
organe de l'Etat. D'autres constituants ainsi qu'une partie de la doctrine sont
très favorables à ce contrôle. Voir à ce sujet
Fabrice HOURQUEBIE, « Pouvoir constituant dérivé
et contrôle du respect des limites », disponible sur
http://docs.google.com/viewer?a=v&=cache;ykytu50nw5uj :www.droitconstitutionnel.org/athènes/hc,
10 p.
* 136 Cf. MELEDJE DJEDJRO
(F.), « La révision des Constitutions dans les Etats
africains francophones. Esquisse de bilan », op.
cit., p. 113.
* 137 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 29.
* 138 Cf. KAMTO (M.),
« Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme
politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993,
pp. 209-236, notamment p. 215.
* 139 Pour les noms de
ceux-ci, V. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la
transition vers le pluralisme politique au Cameroun »,
in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, op. cit., p. 215, en note de bas de page.
* 140 Ibid., p.
216.
* 141 Ibid., p.
218.
* 142 Ibid., p.
228.
* 143 Ibid., p.
228.
* 144 Ibid., p.
228.
* 145 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 29.
* 146 Ibid., p.
34.
* 147 Cf. KAMTO (M.),
« Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme
politique au Cameroun », op. cit., p. 227.
* 148 Ibid., p.
227.
* 149 D'où la
colère d'une partie des députés qui auraient alors
refusé d'adresser au président de la République la
traditionnelle « motion de soutien » qui
ponctue la fin de chaque session parlementaire. V. KAMTO (M.), Ibid.,
p. 227.
* 150 Article 9 in
fine de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991.
* 151 Article 26 de la loi
constitutionnelle du 23 avril 1991.
* 152 Cf. à ce
propos NGUEMEGNE (J. Ph.), « Le ministre camerounais de la
IVè République, plus servant que
serviteur », Juridis Périodique, n° 36,
octobre-novembre-décembre 1998, pp. 65-71.
* 153 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 32.
* 154 Ibid., p.
32.
* 155 Ibid., p.
33.
* 156 La seconde
République du Cameroun est née avec la promulgation de la
Constitution originaire du 2 juin 1972 encore en vigueur, du moins
formellement.
* 157 La censure
désigne la procédure par laquelle une
Assemblée parlementaire met en jeu la responsabilité politique du
gouvernement par un blâme motivé à l'adresse de ce
dernier. La censure est matérialisée par un
document appelé motion de censure par lequel certains parlementaires
manifestent leur défiance à l'égard du gouvernement et
expriment leur souhait de le renverser. Ainsi entendue, la motion de censure se
distingue de la question de confiance qui est une procédure par laquelle
le Gouvernement engage lui-même sa responsabilité devant le
Parlement, en lui demandant d'approuver l'ensemble ou un point
déterminé de sa politique, faute de quoi il démissionnera.
La question de confiance est donc un moyen de pression du Gouvernement sur le
Parlement, les députés pouvant hésiter à assumer la
responsabilité d'une crise ministérielle. La question de
confiance se distingue donc des questions écrites ou orales aux
ministres. Ces dernières renvoient toutes aux procédures
permettant aux députés d'assurer leur information et leur
contrôle sur l'action du gouvernement en interrogeant publiquement un
ministre. En plus, elles se distinguent de la censure non seulement par leur
objectif mais aussi et surtout par le fait qu'elles n'impliquent aucune
sanction directe. Lorsque l'Assemblée
nationale adopte la motion de censure ou refuse la confiance, le premier
ministre remet au président de la République la démission
du gouvernement. Mais, le président de la République peut
reconduire le premier ministre dans ses fonctions et lui demander de former un
nouveau gouvernement. Cette faculté reconnue au président de la
République de reconduire le premier ministre dans ses fonctions est
diversement interprétée par la doctrine. Alors en effet que
certains auteurs y voient une « bizarrerie
institutionnelle » (V. ABA'A OYONO (J.-C.), « Un
air de printemps dans le droit parlementaire du
Cameroun »,Juridis Périodique, n° 54, avril-mai-juin
2003, pp. 14-35, notamment p. 34), une
« humiliation » voire
un « camouflet », d'autres en revanche, n'y
perçoivent qu'une règle classique en régime parlementaire
qui oblige le premier ministre reconduit à chercher à composer
avec le Parlement (V. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle
du Cameroun indépendant », op. cit., p. 32).
* 158 Cité par
CHRESTIA (Ph.), « La rénovation du Parlement, une
réforme inachevée », RFDC, 1997, pp. 293-322,
notamment p. 312.
* 159 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 34.
* 160 Les uns
relèvent de sa compétence législative ordinaire : la
loi n° 91/019 qui abrège le mandat de l'Assemblée
nationale ; la loi n° 91/020 fixant les conditions d'élection
des députés à l'Assemblée nationale; la loi n°
19/022 portant réhabilitation de certaines figures de l'histoire du
Cameroun. Sur cette dernière loi, V. ANOUKAHA (F.), « Loi
n° 91/022 du 16 décembre 1991 portant réhabilitation de
certaines figures de l'histoire du Cameroun. Commentaire »,
Juridis Info, n° 9, janvier-février-mars 1992, pp. 5-9.
* 161 Nous y reviendrons
plus amplement dans le chapitre 2 ci-dessous.
* 162 Cf. MOUELLE KOMBI
(N.), « La condition juridique de l'électeur au
Cameroun », AFSJP/UD, n° 1, Année académique
2002, janvier-juin 2002, pp. 57-79, notamment p. 36.
* 163 Cf. SINDJOUN (L.),
« Le paradigme de la compétition électorale dans la
vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire
et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.), La révolution
passive au Cameroun : Etat, société et changement, Dakar,
CODESRIA, 1999, pp. 269-330, notamment p. 283.
* 164 Cf. MONFON YOUTCHAWOU
TOGNE, Droit constitutionnel. La révision de la Constitution du 18
janvier 1996, disponible sur ddata.over-blog.com/.../cameroun html.
* 165 Cf. JEANNEAU (B.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 5.
* 166 Cf. DEBBASCH (Ch.),
DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè
République, op. cit., p. 173.
* 167 Ibid.,
p.174.
* 168 Article
1er de la Constitution du 2 juin 1972.
* 169 Cité par
DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La
Vè République, op. cit., p. 174.
* 170 Ibid., p.
174.
* 171 Cité par
DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La
Vè République, op. cit., p. 174.
* 172 Sur la notion de
peuple, V. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 295 et
suiv.
* 173 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 466.
* 174 Cité par le
Professeur KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Cours de régimes politiques
comparés, Master II, option droit public fondamental, année
académique 2008/2009.
* 175 L'article 20
alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 constitue de ce
point de vue une régression de l'idée démocratique du
constituant camerounais car il admet la nomination, par le président de
la République, d'une partie des représentants du peuple (30
sénateurs).
* 176 Cf. JEANNEAU (B.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 27.
* 177 Ibid., p.
28.
* 178 Ibid., p.
28.
* 179 Cf. MOUELLE KOMBI
(N.), « La condition juridique de l'électeur au Cameroun
», op. cit., p. 64.
* 180 Tels COTTERET (J. M.)
et EMERI (Cl.), cités par MOUELLE KOMBI (N.), « La
condition juridique de l'électeur au Cameroun », op.
cit., p. 64.
* 181 Cf. ROBERT (P.), Le
petit Robert 1, dans son édition de 1990, op.
cit.
* 182 Cf. ABA'A OYONO
(J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière
du développement constitutionnel de 1996 »,
Afrilex 2001/01, pp. 1-23, notamment, p. 5. V. aussi KAMTO
(M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le
pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.),
L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p.
211.
* 183 Cité par KAMTO
(M.), Ibid., p. 211.
* 184 Ibid., p.
212.
* 185 Ibid., p.
212.
* 186 Cf. nos
développements précédents consacrés à cette
affaire au chapitre 1, section 2, §1.
* 187 Les mots d'ordre et
autres slogans proférés à cette occasion par les militants
de ce parti sont violents et n'oublient aucun registre de l'injure. Ils ont
été répertoriés par KAMTO (M.), Ibid., p.
217.
* 188 Cité par KAMTO
(M.), Ibid., p. 218.
* 189 Cité par KAMTO
(M.), Ibid., p. 218.
* 190 L'entrée de
l'Université dans « l'oeil du cyclone »
pour emprunter une formule du professeur KAMTO (M.) vient du fait que le
même 26 mai 1990, à l'Université de Yaoundé, des
étudiants anglophones sympathisants du SDF marchaient en chantant
à travers le campus en signe de soutien au nouveau parti. On les accuse
injustement d'avoir chanté l'hymne national du Nigeria dont ils ignorent
le moindre couplet. V. à ce sujet KAMTO (M.), Ibid., p. 219.
* 191 Ibid., p.
219.
* 192 L'expression est de
KAMTO (M.), Ibid., p. 230.
* 193 Ibid., p.
220.
* 194
Présidée par M. FOUMANE AKAME, un haut magistrat, cette
Commission qui siège à la présidence de la
République, comprend : quatre magistrats, deux administrateurs
civils, trois enseignants d'université (deux politistes et un
publiciste), un journaliste et un avocat membre du conseil de l'ordre. V.
à ce sujet KAMTO (M.), Ibid., p. 221, en note de bas de page
n° 2.
* 195 Cité par KAMTO
(M.), Ibid., pp. 221-222.
* 196 Une trentaine dont
une douzaine touchant aux libertés publiques. V. KAMTO (M.),
Ibid., p. 222.
* 197 Ibid., p.
122.
* 198 V. à propos du
contentieux de la saisie et de la censure des journaux, l'ordonnance de
référé n° 13/OR/PCA/90-91 du 25 avril 1991, affaire
journal « Le Messager » contre Etat du Cameroun,
Obs. GUIMDO DONGMO (B.-R.), Juridis Info, n° 17, 1994, pp. 54-56.
* 199 Cf. MOUKOKO MBONDJO
(P.), « Le retour au multipartisme au Cameroun »,
in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, op. cit., pp. 237-250, notamment p. 237.
* 200 Ibid., p.
238.
* 201 Cf. SINDJOUN (L.),
« Le paradigme de la compétition électorale dans la
vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et
Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.), La révolution
passive au Cameroun : Etat, société et changement, op.
cit., p. 282.
* 202 En ce qui concerne
les noms de ces personnalités, Cf. SINDJOUN (L.) (dir.), La
révolution passive au Cameroun : Etat, société et
changement, op. cit., p. 283.
* 203 Ibid., p.
283.
* 204 Entrent dans cette
catégorie les partis politiques tels le SDF, l'UFDC et l'UDC. V.
à ce sujet ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en
Afrique : le cas du Cameroun, Yaoundé, mars 1994, p. 63.
* 205 Cf. article 20 de la loi
n° 72/LF/6 du 26 juin 1972 fixant les conditions d'élection des
membres de l'Assemblée nationale.
* 206 Cité par WANDJI
K. (J. F.), « Les différents aspects de la
légitimité présidentielle au Cameroun hier et
aujourd'hui », AFSJP/UDS, Tome 10, 2006, pp. 49-70, notamment p.
63, en note de bas de page.
* 207 Cf. MASSINA (P.),
« De la souveraineté des conférences nationales
africaines », Revue Congolaise de Droit, n° 15-16,
janvier-décembre 1994, pp. 7-36, notamment p. 28.
* 208 Ibid., p.
29.
* 209 Ibid., p.
29.
* 210 Cf. KAMTO (M.),
Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ,
1987, p. 435.
* 211 Cité par
MASSINA (P.), « De la souveraineté des Conférences
Nationales Africaines », op. cit., p. 30.
* 212 Ibid., p.
30.
* 213 Ibid., p.
31.
* 214 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 334.
* 215 Cf. ONANA (H. F.),
Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun,
op. cit., p. 61.
* 216 Régies par les
articles 28 et 29 de loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les
conditions d'élection des députés à
l'Assemblée nationale.
* 217 Article 30 de la loi
précitée.
* 218 Article 31 de la loi
précitée.
* 219 Article 39
alinéa 1er de la loi précitée.
* 220 L'article 40
alinéa 1er de la loi précitée dispose en effet
que la Commission départementale de supervision, dont le
siège est fixé au chef-lieu du département, est
composée, entre autres, « (...) des personnalités
indépendantes désignées par le préfet, de concert
avec les partis politiques participant aux élections dans la
circonscription en nombre égal à celui des représentants
de ces derniers ».
* 221 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 289.
* 222 Cf. ONANA (H. F.),
Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun,
op. cit., p. 65.
* 223 La récompense
n'a pas tardé à venir car le leader du MDR est entré au
gouvernement, le 9 avril 1992 comme ministre d'Etat. Il est d'ailleurs l'unique
ministre d'Etat que compte l'équipe gouvernementale formée au
lendemain des législatives de 1992, son parti ayant obtenu trois autres
portes-feuilles. V. à ce sujet. ONANA (H. F.), les transitions
démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit.,
pp. 96-97.
* 224 Cf. ONANA (H. F.),
Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun,
op. cit., p. 96.
* 225 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., pp. 321-322.
* 226 Cf. MBOME (F. X.) et
LOGMO MBELEK (A.), « Droit et politique au Cameroun depuis
1982 », Juridis Périodique, n° 67,
juillet-août-septembre 2006, pp. 51-65, notamment p. 62.
* 227 En effet, comme l'a
justement noté Marie-Claire PONTHOREAU, « si l'opposition
n'est pas protégée, la majorité elle-même ne l'est
pas car ceux qui la composent, perdent la liberté de changer
d'opinion ». V. PONTHOREAU (M.-Cl.),
« L'opposition comme garantie constitutionnelle »,
RDP, n° 4, 2002, pp. 1127-1162, notamment p. 1127.
* 228 Cf. POKAM (H. P.),
« L'opposition dans le jeu politique en Afrique depuis
1990 », Juridis Périodique, n° 41,
janvier-février-mars 2000, pp. 53-62, notamment p. 53.
* 229 L'expression est
empruntée à ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques
en Afrique : le cas du Cameroun, p. 87.
* 230 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA
(C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option
droit public, Université de Dschang, année académique
2008/2009, inédit (chapitre 4).
* 231 La loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996 a néanmoins tenté
d'atténuer ce pouvoir dans un sens qui semble tenir compte des
initiatives de l'opposition. L'article 18 alinéa 4 dispose, entre
autres, que : « Lorsque, à l'issue de deux sessions
ordinaires, une proposition de loi n'a pu être examinée, celle-ci
est de plein droit examinée au cours de la session ordinaire
suivante ».
* 232 A l'instar du
Bénin où le président de la République Mathieu
KEREKOU avait été contraint de subir les décisions de la
Conférence Nationale Souveraine. V. DOSSOU (R.), « Le
Bénin : du monolithisme à la démocratie pluraliste,
un témoignage », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en
transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 179-197. Mais
il y a lieu de remarquer que le fait pour ce pays d'avoir
expérimenté avec succès une procédure originale (le
recours à la Conférence Nationale Souveraine) pour
l'élaboration de sa Constitution en ce début de la
décennie 1990 a été salué par certains auteurs
notamment parce que cette méthode permit au régime en place de
faire l'économie de la violence, ne serait-ce que dans son aspect
physique. Ce qui n'a pas été le cas dans d'autres pays tel le
Zaïre où « l'arrogance du pouvoir donne la mesure
d'un terrorisme d'Etat qui bloque tout dialogue et rend inutile l'idée
d'une réconciliation par le dialogue et la
concertation ». V. à ce sujet NGUELE ABADA
(M.), « Démocratie sans Etat : contribution à
l'étude des processus démocratiques en Afrique »,
RADH, 1998, pp. 1-37, notamment pp. 26 et suiv.
* 233 Cf. DONFACK SOKENG
(L.), « Etat, autoritarisme et droit de l'homme : la
problématique de l'ajustement libéral », in
SINDJOUN (L.), la révolution passive au Cameroun : Etat,
société et changement, op. cit., pp. 374-425, notamment
p. 393.
* 234 Cité par MBOME
(F. X.), « Constitution du 2 juin 1972 révisée ou
nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et
SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au
Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 16-33,
notamment p. 18.
* 235 OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp.
36-37.
* 236 Cf. MBOME (F. X.),
« Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle
Constitution », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.)
(dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun.
Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 20-21.
* 237 Ibid., p.
23.
* 238 Ibid., pp.
25-26.
* 239 Ibid., p.
26.
* 240 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 47.
* 241 Cité par
OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op.
cit., p. 41.
* 242 Ibid., p.
34.
* 243 Cités par
OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op.
cit., p. 33, en note de bas de page.
* 244 Pour la liste de ces
différentes catégories de personnalités, V. MBOME (F. X.)
: « Constitution du 02 juin 1972 révisée ou
nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.)
et SINDJOUN (L.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier
1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp.
28-29.
* 245 Cité par
OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op.
cit., p. 39.
* 246 Article 89
alinéa 2 de la Constitution française du 4 octobre 1958 encore en
vigueur.
* 247 Cette lecture de la
Constitution est remise en cause par le Professeur Olivier BEAUD qui soutient
qu'il faut faire une distinction entre l'acte constituant et l'acte de
révision de la Constitution. Cette distinction entraîne dans
l'opinion de cet auteur que seul le peuple souverain intervienne dans l'acte
constituant alors que la révision constitutionnelle peut être
réalisée par les représentants. V. en ce sens, LAVROFF
(D.-G.), Le droit constitutionnel de la Vè République, op.
cit., pp. 102 et suiv.
* 248 OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 42.
* 249 Ibid., p.
43.
* 250 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au
Cameroun ? », op. cit., p. 297.
* 251 OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 44.
* 252 Ibid., p.
44.
* 253 Ibid., p.
44.
* 254 Cité par
OLINGA (A.-D.), Ibid., p. 44.
* 255 Ibid., p.
45.
* 256 Cf. KAMTO (M.),
« Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle
Constitution », Lex Lata, n ° 023-024,
février-mars 1996, pp. 17-20.
* 257 Ibid., p.
18.
* 258 Ibid., p.
19.
* 259 Cf. ONDOA (M.),
« La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de
la Constitution du 02 juin 1972. Commentaire », Juridis
Périodique, n° 25, janvier-février-mars 1996, pp. 11-14,
notamment p. 12.
* 260 Car si pour cet
auteur le juge constitutionnel a effectivement rendu une décision
d'inconstitutionnalité, cette position a été
ultérieurement démentie dans une mise au point parue dans le
quotidien gouvernemental Cameroon Tribune qui a tenu à
préciser que la Cour Suprême n'a émis qu'un simple avis. V.
SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « L'idée de régulation
dans la construction du droit constitutionnel actuel des Etats d'Afrique noire
francophone », RRJ, n° XXXII-119 2007-3, pp.
1543-1583, notamment p. 1565, en note de bas de page.
* 261 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA
(C.), « Note sous Cour suprême statuant comme Conseil
constitutionnel, décision n° 001/CC/ 02-03 du 28 novembre 2002
», op. cit., p. 63.
* 262 Car plusieurs autres
auteurs ont soutenu cette thèse à l'instar de KANKEU (J.), Droit
constitutionnel. Théorie générale, op. cit., p.
57 ; et DONFACK SOKENG (L.), « Les ambiguïtés de
la `'révision constitutionnelle'' du 18 janvier 1996 au
Cameroun », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.)
(dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun.
Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 34-69, notamment pp.
41et suiv. ; etc.
* 263 Cf. NGUELE ABADA
(M.), « Ruptures et continuités constitutionnelles en
République du Cameroun : réflexions à propos de la
réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 », RADIC,
1998, pp. 308-326, notamment p. 310.
* 264 OLINGA (A.-D.), La
Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 19.
* 265 Ibid., p.
20.
* 266 Ibid., p.
22.
* 267 Ibid., p.
21.
* 268 Ibid., p.
21.
* 269 Cf. MBOME (F. X.),
« Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle
Constitution ?», in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN
(L.) (dir.), Réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun.
Aspects juridiques et politiques, op. cit., notamment la partie de sa
contribution intitulée « conclusion
générale », pp. 30-33.
* 270 Ibid., p.
32.
* 271 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18
janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage
utilitaire », Lex Lata, n° 023-024, op.
cit., pp. 33-38, notamment p. 34.
* 272 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 37, en note de bas de page.
* 273 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18
janvier 1996 : de l'enseigne décorative à
l'étalage utilitaire », op. cit., p. 34.
* 274 Ibid., p.
34.
* 275 Ibid., p.
38.
* 276 Signée et
ratifiée par le Cameroun respectivement le 23 juillet 1987 et le 20 juin
1989.
* 277 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 35.
* 278 Cités par
MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 35.
* 279 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 36.
* 280 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte
constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative
à l'étalage utilitaire », op. cit., p.
38, note de bas de page n° 44.
* 281 Sur les
développements relatifs au Parlement bicaméral, cf. chapitre 1 de
la seconde partie de cette étude.
* 282 Qualité
qu'elle n'avait, en réalité, jamais eu à s'en approprier
du fait que le président de la République était le
« véritable juge de la constitutionnalité des lois
au Cameroun ». V. à ce sujet DONFACK SOKENG (L.),
« Cameroun : Le contrôle de constitutionnalité
des lois hier et aujourd'hui. Réflexions sur certains aspects de la
réception du constitutionnalisme moderne en droit
camerounais », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.)
(dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun.
Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 362-405, notamment pp.
374-376.
* 283 Cf. ABA'A OYONO
(J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière
du développement constitutionnel de 1996 »,
op. cit., p. 19.
* 284 Article 47
alinéa 4 de la Constitution.
* 285 C'est l'avis de
ABA'A OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la
lumière du développement constitutionnel de
1996 », op. cit., p. 19.
* 286 Cf. la loi n°
2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel ainsi que celle n° 2004/005 du même jour fixant le
statut des membres du Conseil constitutionnel.
* 287 On signalera pour
mémoire que l'article 10 (nouveau) de l'ordonnance n° 72/26 du 26
août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême modifiée
et complétée par la loi n° 76/28 du 14 décembre 1976
disposait en ce qui avait trait au contentieux administratif
que « La Cour Suprême ...comprend une Assemblée
plénière jugeant en appel et une chambre administrative jugeant
en premier ressort ». Mais, l'organisation et le fonctionnement
de la Cour Suprême sont depuis 2006 régis par la loi n°
2006/016 du 29 décembre 2006.
* 288 Il en est ainsi
notamment du Gabon, du Burkina Faso, etc. Lire à ce sujet, Documents du
Sénat français. Le bicaméralisme en Afrique et dans le
monde Arabe. Forum des Sénats et des secondes Chambres d'Afrique et du
monde Arabe, février 2001, disponible sur
http://www.sénat.fr/sénatsdumonde/bicamafrique2001. html,
7 pages (13/09/2002).
* 289 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 56.
* 290 Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 12.
* 291 KIEMDE (P.),
« Le bicaméralisme en Afrique et au Burkina
Faso », Revue Burkinabé de droit, n° 2, janvier
1992, pp. 27-30, cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde
Chambre dans les nouveaux Parlements africains », SOLON, Vol. 1,
n° 1, Douala 1999, pp. 107-134, notamment p. 108.
* 292 Depuis 1916, la
colonie allemande était passée sous les administrations
française et britannique qui appliquaient chacune son système
dans chacune des deux parties du territoire qui lui revenait.
* 293 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., pp. 108.
* 294 Cf. NGOH (V. J.),
Constitutional developments in Southern Cameroons, 1946-1961 (from trusteeship
to Independence), Yaoundé, CEPER, 1990, p. 206, cité par NACH
MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », SOLON, Vol. 1, n° 1, Douala 1999, pp.
107-134, notamment p. 108, en note de bas de page.
* 295 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 108.
* 296 Ibid., p.
108.
* 297 Cité par NACH
MBACK (Ch.), Ibid., pp.108-109.
* 298 Ibid., p.
109.
* 299 Ibid., p.
109.
* 300 Cité par NACH
MBACK (Ch.), Ibid., p. 110.
* 301 L'article 14
prévoyait en effet que le président de la République
devait nommer 40 des 100 sénateurs. Cf. KAMTO (M.),
« Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant », op. cit., p. 43.
302 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La
seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains »,
op. cit., p. 120.
* 303 Cf. Articles 55
à 62 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 304 Cf. MOMO (B.),
« Le Parlement camerounais », op. cit.,
pp. 21-24.
* 305 Ibid., p.
22.
* 306 Ibid., p.
22.
* 307 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA
(C.), « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les
Etats francophones d'Afrique noire », RFDC, n° 63,
juillet 2005, pp. 451-491, notamment p. 461.
* 308 Ibid., p.
462.
* 309 DEBBASCH (Ch.) et
autres, cités par MOMO (B.), « Le Parlement
camerounais », op. cit., p. 22.
* 310 Article 15
alinéa 1er de la loi constitutionnelle de1996.
* 311 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 109.
* 312 Ibid., p.
121.
* 313 Comme MIRACHY (J.-P.)
qui affirme que le Sénat « pourrait opposer la
réflexion de l'âge mûr aux emportements de la
jeunesse », cité par NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 111.
* 314 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 123.
* 315 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale... », op. cit.,
pp. 47 et suiv.
* 316 Nous pensons notamment
aux délégués du gouvernement auprès de certaines
communautés urbaines du pays.
* 317 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 127, en note de bas
de page.
* 318 Cf. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 120.
* 319 Ibid., pp.
120-121.
* 320 Article 20
alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 321 Article 20
alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 322 Cf. Documents du
Sénat français. Le bicaméralisme en Afrique et dans le
monde Arabe, Forum des Sénats et Secondes Chambres d'Afrique et du monde
Arabe, février 2001, disponible sur http://
www.senatdumonde/bicamafrique2001,
op. cit.
* 323 Cf. article 18
alinéa 3 (b), article 23 alinéa 3 (b), article 47 alinéas
2 et 3 et article 48 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 324 Article 30 in
fine de loi constitutionnelle de 1996.
* 325 Cf. ESMEIN (A.),
Eléments de droit constitutionnel français et comparé,
Paris, Panthéon-Assas, 2001, pp. 1067-1084, notamment p. 1068.
* 326 Cf. TRICOT (B.),
HADAS-LEBEL (R.) et KESSLER (D.), Institutions politiques françaises,
Paris, Presses de Sciences Politiques et Dalloz, 1995, pp. 123-139, notamment
p. 128.
* 327 Cf. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 115.
* 328 Ibid., p.
115.
* 329 Article 63
alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.
* 330 Cf. ESMEIN (A.),
Eléments de droit constitutionnel français et comparé,
op. cit., p. 1070.
* 331 Le congrès
étant composé de 280 membres et la majorité absolue
étant réunie lorsque 141 des ceux-ci ont voté pour la
révision, il est possible que, même au sein de cette instance,
seule l'Assemblée nationale vote et adopte un texte de révision
alors que tous les sénateurs ont voté contre ce texte ou se
seraient abstenus tout court de voter.
* 332 TROPER (M.)
cité par ONDOA (M.), « La distinction entre Constitution
souple et Constitution rigide en droit constitutionnel
français », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002,
janvier-juin 2002, pp. 66-118, notamment p. 81, en note de bas de page.
* 333 Cité par ONDOA
(M.), « La distinction entre Constitution souple et Constitution
rigide en droit constitutionnel français », op.
cit., p. 81.
* 334 Cf. ESMEIN (A.),
Eléments de droit constitutionnel français et comparé,
op. cit., p. 1068.
* 335 L'expression est de
Jean-Jacques ROUSSEAU, Cité par ONDOA (M.), « La
Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles
transitoires au Cameroun », op. cit., p. 46.
* 336 Puisque aux termes de
l'article 14 alinéa 5 de la Constitution, « nul ne peut
appartenir à la fois à l'Assemblée nationale et au
Sénat ».
* 337 Cf. ONDOA (M.),
« La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide
en droit constitutionnel français », op. cit., p. 82.
* 338 LASCOUMES (P.) et
SERVERIN (E.) cités par HAGUENAU (C.), L'application effective du droit
communautaire en droit interne. Analyse comparative des problèmes
rencontrés en droit français, anglais et allemand, éd.
Bruylant, Collection de Droit international, 1995, p. 2.
* 339 Cité par
OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la
Constitution », Lex Lata, n° 033, mars 1997, pp.
3-9, notamment p. 4.
* 340 Cf. OLINGA
(A.-D.), « L'article 67 de la Constitution »,
op. cit., p. 4.
* 341 Ibid., p.
4.
* 342 Ibid., p.
4.
* 343 Cf. DEBBASCH (Ch.),
BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République,
op. cit., pp. 22-23.
* 344 Ibid., p.
22.
* 345 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au
Cameroun ? » op. cit., pp. 296 et suiv.
* 346 Cf. le Rapport ETONG
(H.), 1995, cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 297.
* 347 Ibid., p.
297.
* 348 Ibid., p.
297.
* 349 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 6.
* 350 Cité par BEDJI
(H.), citée par KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire, op.
cit., p. 439.
* 351 Article 14
alinéa 6 de la Constitution.
* 352 Article 57
alinéa 2 in fine de la Constitution.
* 353 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 6.
* 354 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale : recherches sur les dispositions
constitutionnelles transitoires au Cameroun », op.
cit., p. 40.
* 355 Cf. ONDOA (M.),
« Ajustement structurel et réforme du fondement
théorique des droits africains post-coloniaux : l'exemple du
Cameroun », RASJ, Vol. 2, n° 1, 2001, pp. 75-118, notamment
pp. 80 et suiv.
* 356 Article 6
alinéa 4 (a) de la Constitution.
* 357 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 8.
* 358 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au
Cameroun ? », op. cit., p. 298.
* 359 DELPEREE (F.),
cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 298.
* 360 Ibid., p.
298.
* 352 Le Général de
Gaulle avait fait recours à la voie référendaire pour
contourner le veto du Sénat en mettant en oeuvre l'article 11 de la
Constitution de 1958. C'est d'ailleurs l'une des révisions
constitutionnelles les plus controversées quant à sa
régularité dans la doctrine constitutionnelle de ce pays. V.
à ce sujet ARDENT (Ph.), Institutions politiques et Droit
constitutionnel, 11è éd., op. cit., pp. 90-96. V. aussi
BRANCHET (B.), La révision de la Constitution sous la Vè
République, Paris, LGDJ, 1994, pp. 97 et suiv.
* 361 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 8.
* 362 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale : recherches sur les dispositions
constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., pp.
51-54.
* 363 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 6.
* 364 Cf. BOLLE (S.)
cité par ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches
sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun »,
op. cit., p. 53.
* 365 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale : recherches sur les dispositions
constitutionnelles transitoires au Cameroun », op.
cit., p. 41.
* 366 Cf. SALL (A.),
« Processus démocratiques et bicéphalisme du
pouvoir exécutif en Afrique noire francophone : un essai de
bilan », op. cit., p. 216. V. aussi MOUANGUE KOBILA
(J.), « Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit.,
pp. 286 et suiv.
* 367 Le
constitutionnalisme tel qu'il ressort de la théorie du droit
constitutionnel doit être entendu comme « le moyen formel
par excellence de limitation de l'absolutisme et de l'arbitraire du pouvoir
des gouvernants afin de rendre leur domination légitime,
c'est-à-dire acceptée et non subie par la population sur laquelle
elle s'exerce ». V. à ce propos WANDJI K. (J. F.),
« Les zones d'ombre du constitutionnalisme en
Afrique », Juridis Périodique, n° 74, avril-mai-juin
2008, pp. 84-106, notamment p. 84.
* 368 C'est du reste l'avis
de WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme
en Afrique », op. cit., p. 87. La limitation du nombre
de mandat présidentiel est en effet considérée par
certains auteurs comme « l'acquis libéral,
républicain et constitutionnel des recompositions politiques des
années 1990 (...) ». Lire par exemple OWONA NGUINI (M.
E.), « Controverse autour d'une révision
constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à
Stéphane BOLLE », disponible sur http
://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/596-controverse-autour-d'une-révision-constitutionnelle-mathias-eric-owona-nguini-répond-a-stephane-bolle-1-.pdf,
p. 6.
* 369 Loi n° 92 / 010
du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de
suppléance à la présidence de la République,
modifiée par la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997.
* 370 Cf. le Rapport ETONG
(H.), 1995, cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on
parler d'un reflux du constitutionnalisme au
Cameroun ? », op. cit, p. 295, en note de bas de page.
* 371 En ce qui concerne
les deux autres propositions de révision relatives respectivement
à la CENA et à l'élargissement des compétences du
Conseil constitutionnel à toutes les élections, V. § 1 (B)
ci-dessous.
* 372 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Création des normes : les occasions
manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au
Cameroun », op. cit., p. 53.
* 373 Cf. à ce
propos SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition
électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole
politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in
SINDJOUN (L.) (dir.), La révolution passive au Cameroun, op.
cit., p. 284.
* 374 Cf. à ce sujet
la proposition faite par les parlementaires SDF intitulée
« Pour une élection transparente et libre au
Cameroun » soumise le 8 janvier 1998 au Comité technique
mis en place par le RDPC et lui. V. annexe n° 2 ci-dessous.
* 375 Cités par
MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., pp.
294-295.
* 376 Cf. à ce sujet
la proposition des parlementaires SDF intitulée « Pour une
élection transparente et libre au Cameroun » du 8 janvier
1998, op. cit.
* 377 Ibid.
* 378 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Création des normes : les occasions
manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au
Cameroun », op. cit., p. 51.
* 379 Il s'agissait
là de la première mise en oeuvre du principe de la
troisième présentation, une des principales innovations de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996. Mais il y a lieu de relever que cette
disposition ne concernerait que les propositions de lois
déclarées recevables par la Conférence des
présidents et inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale. Or, ce n'était pas encore le cas de la proposition de loi en
question.
* 380 Cf. OLINGA (A.-D.),
« La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La
Commission électorale nationale autonome devant la Cour
Suprême », Juridis Périodique, n° 36,
octobre-novembre-décembre 1998, pp. 71-77, notamment p. 73.
* 381 Cf. MOMO (Cl.),
« Quelques aspects constitutionnels du droit électoral
rénové au Cameroun », AFSJP/UD, n° 1,
Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 139-173, notamment p. 154.
* 382 Cf. à ce sujet
outre OLINGA (A.-D.) et MOMO (Cl.) dans leurs articles ci-dessus cités,
V. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les
occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au
Cameroun », op. cit., pp. 51-52.
* 383 Allusion est ainsi
faite à l'irrecevabilité financière consacrée par
l'article 18 alinéa 3 (a) de la loi constitutionnelle de 1996.
* 384 Dans le cadre de la
sixième législature, aucun parti politique d'opposition n'avait
obtenu le seuil critique de 60 députés qui lui auraient permis
d'initier seul une proposition de loi ou de faire convoquer une session
extraordinaire de l'Assemblée nationale à l'effet d'examiner une
proposition de loi. C'est donc pour surmonter cet obstacle numérique
que les députés de l'opposition parlementaire avaient
été obligés de se coaliser. Ils disposaient à cet
effet d'un total de 62 députés (dont 43 pour le SDF, 13 pour
l'UNDP, 5 pour l'UDC et 1 pour le MLJC). V. à ce propos, MOUANGUE KOBILA
(J.), « Création des normes : les occasions
manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au
Cameroun », op. cit., p. 51.
* 385 Cf. La proposition du
SDF en date du 8 janvier 1998 précitée.
* 386 Cf. OLINGA (A.-D.),
« La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La
Commission électorale nationale autonome devant la Cour
Suprême », op. cit., pp. 71-72.
* 387 Cf. SINDJOUN (L.),
« Le paradigme de la compétition électorale dans la
vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire
et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.) (dir.), La
révolution passive au Cameroun, op. cit., p. 315.
* 388 LEKENE DONFACK
cité par WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du
constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 92.
* 389 C'est d'ailleurs
l'option privilégiée par les présidents de la
République pour les révisions constitutionnelles
opérées de 1975 à 1991.
* 390 C'est notamment le
cas de la révision constitutionnelle du 10 novembre 1969 instituant la
procédure référendaire en matière de
révision. Cette loi est souvent considérée comme une
reprise, par le président Ahmadou AHIDJO, des techniques de
révision dont avait fait usage le général de GAULLE. Voir
à ce propos NJOYA (J.), « La constitutionnalisation des
droits des minorités au Cameroun : usages politiques du droit et
phobie du séparatisme », Juridis
Périodique, n° 37, janvier-février-mars 1999, pp. 37-49,
notamment p. 41.
* 391 Cf. WANDJI K. (J.
F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en
Afrique », op. cit., p. 93.
* 392 A titre d'exemple, le
cas du député RDPC de la Manyu AYAH Paul Abine qui était
absent de l'Assemblée nationale lors de l'adoption de la loi de
révision le 10 avril 2008. Interrogé sur son absence, il a
indiqué avoir écrit au secrétaire général de
la Chambre en déplorant la trop forte pression du
« Gouvernement qui n'a pas voulu que l'on vote contre dans les
rangs du RDPC ». V. à ce propos le quotidien
Mutations, n° 2132, du 11 avril 2008, p. 5.
* 393 Cf. WANDJI K. (J.
K.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en
Afrique », op. cit., p. 95.
* 394 Le texte du projet de
révision proposé aux députés a été
publié dans le journal Dikalo, n° 1155 du 7 avril 2008, p.
7.
* 395 Cf. le journal La
pointe du jour dans sa livraison du 11 avril 2008, p. 5.
* 396 Ibid., p.
5.
* 397 V. ces dispositions
à l'annexe n° 2 ci-dessus.
* 398 Cf. le journal La
pointe du jour dans sa livraison du 11 avril 2008, op. cit., p.
4.
* 399 Ibid., p.
4.
* 400 Cf. Le journal
Dikalo dans sa livraison du 7 avril 2008, p. 7.
* 401 Cf. OWONA
NGUINI (M. E.), « Controverse autour d'une révision
constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à
Stéphane BOLLE », disponible sur
http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/13548/78/596-controverse-autour-d'une-révision-constitutionnelle-mathias-eric-owona-nguini-répond-a-stephane-bolle-1-.pdf.,
11 p., notamment p. 3.
* 402 Cf. OLINGA (A.-D.),
« L'article 67 de la Constitution », op.
cit., p. 8.
* 403 OLINGA (A.-D.),
cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution
est légale ? », disponible sur File://F:\ar,
la_modification_ de _la_Constitution_est_légale _, 4303. html, 5 p.,
notamment p. 1.
* 404 Ibid., p.
2.
* 405 Cf. le journal Le
Messager n° 2587 du 7 avril 2008, p. 8.
* 406 Ibid., p.
8.
* 407 Cf. OLINGA (A.-D.),
« Le pouvoir exécutif dans la Constitution
révisée », Lex Lata, n° 023-024,
février-mars 1996, pp. 29-32, notamment p. 31.
* 408 Cf. article 15
alinéa 4 nouveau.
* 409 OLINGA (A.-D.),
cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution
est légale ? », op. cit., p. 3.
* 410 Ibid., p.
3.
* 411 Tels la nomination
des juges constitutionnels par le pouvoir politique, la mise en veilleuse des
statuts de la magistrature, etc. Sur les obstacles à
l'indépendance des membres des juridictions constitutionnelles, V.
FOUMANE ZE (E. Cl.), « L'indépendance des juridictions
constitutionnelles en Afrique noire francophone et à
Madagascar », Juridis Périodique, n° 57,
janvier-février-mars 2004, pp. 93-100, notamment pp. 97 et suiv.
* 412 Cf. FAVOREU (L.),
« Le Conseil constitutionnel, régulateur de
l'activité normative des pouvoirs publics », RDP, 1967,
pp. 5-120.
* 413 Cf. à ce sujet
le journal Dikalo, op. cit., p. 7.
* 414 OLINGA (A.-D.),
cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution
est légale ? », op. cit., p. 4.
* 415 Nous avons
préféré l'expression « de son
mandat » par rapport à celle plus objective
« du mandat présidentiel » en
raison du fait que c'est celle-là même qui était contenue
dans le projet initial déposé devant l'Assemblée
nationale. Car, elle semble plus conforme à l'objectif visé par
son auteur, à savoir être, le cas échéant, le
principal bénéficiaire de la réforme projetée.
* 416 Cf. OWONA NGUINI (M.
E.), « Controverse autour d'une révision constitutionnelle
: Mathias Eric OWONA NGUINI répond à Stéphane BOLLE
», op.cit., p. 6.
* 417 Tels la Tunisie (mai
2002), le Togo (décembre 2002), le Gabon (juillet 2003), le Tchad (2005)
pour ne retenir que ces quelques exemples en l'Afrique francophone. Pour les
autres Etats ayant supprimé la clause de limitation du nombre de mandats
présidentiels, V. WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre
du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., pp. 91
et suiv.
* 418 Les images du
dépeçage de KANYON DO (S.), président du Libéria
d'avril 1980 sont encore présentes dans les mémoires.
* 419 Par exemple M.
COMPAORE (B.) accède au pouvoir au Burkina Faso le 17 octobre 1987 en
tuant son prédécesseur SANKARA (Th.). V. à ce propos
WANDJI K. (J. F.), «Les zones d'ombre du constitutionnalisme en
Afrique », op. cit., p. 98, en note de bas de page.
* 420 Cf. ONDOA (M.),
« La Constitution duale... », op. cit.,
p. 53.
* 421 Cf. JEANNEAU (B.),
Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 191.
* 422 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., p.
292.
* 423 Cf. MOUANGUE KOBILA
(J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au
Cameroun ?», op. cit., p. 292.
* 424 Ibid., p.
292.
* 425 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p.
292.
* 426 Cité par
MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du
constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., pp. 292-293.
* 427 Cf. le journal
Dikalo, op. cit., p. 7.
* 428 Tel est l'avis du
Professeur OLINGA (A.-D.). Cf. BATONGUE (A. B.), « La modification de
la Constitution est légale ? », op. cit., p. 3.
* 429 Tel est l'avis du
Professeur OLINGA (A.-D.). V. à ce sujet BATONGUE (A. B.), « La
modification de la Constitution est légale ? », op.
cit., p. 3.
* 430 Cf. KAMTO (M.),
Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ,
1987, pp. 427-447, notamment p. 436.
* 431 Cf. ONDOA (M.),
« Une résurrection : le régime parlementaire
camerounais », AFSJP/UD, n° 2, juin-décembre 2002,
pp. 6-42.
* 432 Cf. GUIMDO DONGMO
(B.-R.), « La constitutionnalisation de la
décentralisation au Cameroun », in MELONE (S.), MINKOA
SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18
janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit.,
pp. 292-317.
* 433
L'« Institutionnalisation » du pouvoir doit
être entendue ici dans le sens que lui donnent GUILLIEN (R.) et VINCENT
(J.), c'est-à-dire comme le « processus par lequel le
pouvoir est dissocié des individus qui l'exercent et incorporé
dans l'institution étatique ». V. GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 257.
* 434 Selon NACH MBACK
(Ch.) par exemple, « ...le Cameroun dispose aujourd'hui de la
Constitution la plus mal rédigée de son histoire, et
peut-être même de l'Afrique de ces dernières années.
Certaines de ses dispositions sont pratiquement inapplicables, soit du fait de
leur incohérence, soit du fait de leur caractère contradictoire
par rapport à la version anglaise ». V. NACH MBACK (Ch.),
« La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements
africains », op. cit., p. 133, en note de bas de
page.
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