Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011 |
Paragraphe 2- Le pouvoir décisionnel et la représentation des communautés ethniquesLe critère de la représentation des groupes ethniques concerne au Cameroun autant les pouvoirs exécutif et judiciaire que le pouvoir législatif. Les procédés d'applicabilité de cette représentation sont cependant différents selon qu'il s'agit du pouvoir législatif ou des pouvoir exécutif et judiciaire. On peut alors noter (1) la technique représentative codifiée qui concerne le législatif et (2) la technique relevant de l'exercice du pouvoir régalien du chef de l'Etat qui, elle, s'applique à l'exécutif et au judiciaire. II. 1- Le pouvoir législatif et la représentation ethnique
Au niveau du pouvoir législatif et du pouvoir local, c'est-à-dire du parlement (Assemblée nationale et sénat) et des collectivités territoriales décentralisées (Les communes et les régions), l'occupation respectivement des sièges et des postes clés est conditionnées par le critère de l'appartenance ethnique. La constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 prévoit en ce qui concerne le pouvoir législatif, deux chambres que sont l'assemblée nationale et le sénat qui jouent tous deux le rôle de la législation. Les règles pour la représentation de l'ensemble des groupes ethniques au sein de l'assemblée nationale, instance politique par excellence de l'orientation de la vie politique et économique d'un pays, prévoient à cet effet deux types de mécanismes. Le premier mécanisme concerne le découpage des circonscriptions électorales. Ainsi, pour garantir la représentation de tous les groupes ethniques au sein de cette chambre législative, le département est considéré comme circonscription électorale73(*). Toujours dans le but de la représentation de la totalité sans exception de toutes les sensibilités ethniques, ce procédé sera poussé plus loin encore. Et ce, en réalisant un découpage spécial pour ce qui est des départements aux contours ethniques moins précis74(*). Le second mécanisme quant à lui consiste à imposer aux partis politiques désireux de participer aux élections législatives, la constitution des listes reflétant la diversité sociologique des populations de la circonscription électorale75(*) sollicitée76(*). Le retour au bicaméralisme n'en est pas à ce sujet un motif non moins valable. Car avec la mise sur pied du sénat qui vient accompagner l'A.N qui jusqu'à là jouait le rôle de la production des lois toute seule, la représentation des grands groupes ethniques répertoriés selon un découpage de dit espaces géographique77(*) est assurée de manière équilibrée. Le sénat s'avère être dans l'appareil législatif, l'organe par excellence de la représentation des composantes ethniques du Cameroun. C'est lui qui « représente les collectivités territoriales décentralisées78(*) » qui ne sont rien d'autres que les différentes régions ou provinces, découpées comme nous l'avons montrés plus haut, selon les contours des frontières des grands groupes ethniques. Ces collectivités sont représentées en effet selon le critère de l'égalité arithmétique : « Chaque région étant représentée au Sénat par dix (10) sénateurs ». Ces mesures réglementaires laissent comprendre qu'au Cameroun, les normes visent à assurer l'implication de toutes les tribus sans exception dans les décisions qui concernent leur destinée respective, et partant, de la nation toute entière. Cependant, les instances de décisions, comme le parlement et le sénat, ne sont pas les seules sphères décisionnelles concernées par la PER. * 73 Le découpage administratif des départements respecte des contours ethniques plus précis encore que les régions. * 74 (Cf.) La loi électorale du Cameroun du 16 décembre 1991, Art. 3. * 75 Une circonscription électorale correspond en fait à un département. * 76 (Cf.) La loi électorale du Cameroun du 16 décembre 1991, Art. 5, al. 4. * 77 C'est-à-dire les dix (10) régions définies par la constitution du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, art. 61, al. 1. * 78 (Cf.) Constitution du Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, art. 20, al. 1. |
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