Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011 |
Paragraphe 2- Communauté ethniques et justice politiqueContre les excès de l'individualisme et l'incapacité des politiques sociales issue de la théorie politique libérale, de résoudre les problèmes de la société multiculturelle, le courant multiculturaliste construit le lien social sur les relations interculturelles. Cette politique tient ses fondements principalement (1) des paramètres de la définition de l'identité du sujet en milieu pluriethnique et de (2) la considération des communautés ethniques comme entités légitimes de revendication. II. 1- L'identité de l'individu en milieu pluriethniqueLa définition de l'individu en milieu multiethnique, pour reprendre Mbonda, s'opère en référence à trois niveaux d'identité. Le premier niveau qui est le niveau individuel est celui qui concerne le sujet dans sa singularité, c'est-à-dire dans ce qui le définit en tant qu'être distinct des autres êtres. La question « qui es-tu » appellerait à ce niveau la réponse du type « Je suis x » possédant tels traits physiques et psychiques particuliers. Pour ce qui est du second niveau de l'identité, il renvoie à l'appartenance de l'individu au groupe clanique, tribal ou ethnique dans lequel il est né et socialisé. L'identité est déclinée ici en référence au groupe ethnique dont fait partie l'individu. On ajoute par ce fait à son hérédité biologique et psychologique qui fait sa singularité, l'héritage culturel qui le relie à une communauté particulière distincte d'autres communautés ». Le troisième niveau de l'identité quant à lui rattache l'individu à un ensemble encore plus vaste, où le singulier se définit par son insertion dans l'espèce humaine universelle23(*). Si l'on s'arrête sur le second niveau de définition de l'individu qui nous intéresse dans ce cas, on comprend mieux pourquoi l'appartenance d'un individu à un groupe ethnique compte pour lui autant que les deux autres paramètres de la définition de l'identité : individuel et universel24(*). La définition de l'individu camerounais en référence non seulement à ce qui le caractérise comme personne distincte des autres, mais aussi par rapport au groupe auquel il appartient, c'est-à-dire à sa communauté culturelle, serait alors de ce fait justifié25(*). Et les revendications sociales faites sous la bannière de l'appartenance identitaire légitimées. II. 2- La justice politique et l'identité ethniqueMieux comprendre la liaison entre justice politique et identité ethnique en milieu pluriethnique, revient à comprendre qu'ici, non seulement est pris en compte la qualité de sujet libre de l'individu (sujet autonome, porteur d'une dignité et d'une inviolabilité en tant que personne humaine), mais aussi son statut de membre d'une communauté ethnique précise. C'est à ce titre Que le principe cardinal du modèle libéral du sujet du droit qui implique l'inviolabilité de l'individu qui fait son principal mérite, est mieux interprété ici car il exige toujours en vertu de ce principe de l'inviolabilité de l'être humain, que toute politique de justice implique la reconnaissance des identités ethniques. Reléguer les identités ethniques dans la sphère privée au nom de la promotion de la liberté et de l'égalité comme le font les libéraux serait de ce fait illégitime. En faire plutôt une reconnaissance publique et politique correspondrait mieux aux aspirations de l'individu. Car c'est également au nom des mêmes principes de liberté et d'égalité que ces identités se manifestent publiquement ; non pas au préjudice des valeurs de la liberté individuelle, mais en vue de les promouvoir davantage26(*). En plus de le singulariser et de le particulariser, l'identité d'un individu le rattache à une communauté. Le respect de cette communauté pour reprendre Charles Taylor, « n'est pas simplement une politesse que l'on fait aux gens : c'est un besoin humain vital27(*) ». D'où la nécessité de considérer la communauté ethnique comme des entités légitimes de revendication des avantages sociétaux en milieu pluriethnique. C'est ce qui justifie le fait que les citoyens des sociétés contemporaines (principalement caractérisées par la pluriethnicité), bien qu'appartenant à un pays commun, s'identifient toujours à leur groupe ethnique pour défendre et faire valoir leurs revendications sociopolitiques. * 23 (Cf.) Mesure et Renaut, Op.cit., p. 9. * 24 (Cf.) Mbonda, Op.Cit., p. 31. * 25 (Cf.) Mesure et Renaut, Idem, p. 12. * 26 (Cf.) Kymlicka, Idem, pp. 148-149. * 27 (Cf.) Taylor, Op.Cit., p. 42. |
|