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La médiation familiale face à  la singularité des problématiques et des situations familiales

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par Chloé DONVAL
Institut des sciences de la famille- Lyon - Diplôme d'état de médiateur familial 2011
  

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C) Le cadre et ses fonctions

? Le cadre spatio-temporel

Le lieu constitue un élément du cadre. Il est important qu'il garantisse la continuité du processus. Le lieu d'accueil est le reflet de ce que le médiateur est en mesure d'apporter à la famille. Il se doit d'être rassurant, agréable et contenant. Les personnes doivent s'y sentir à l'aise. Afin de respecter la confidentialité des entretiens, il est nécessaire que l'espace de médiation soit insonorisé, sans quoi les personnes pourraient penser que l'espace de médiation n'est pas en mesure de contenir ce qu'elles expriment.

La configuration de la salle et le mobilier sont des éléments changeants que le médiateur peut organiser à sa manière. Cependant, il semble important que chacun puisse être confortablement installé sur des fauteuils ou des chaises. Il me semble important que la distance entre les participants puisse s'adapter, car même si en début de la médiation les participants ne souhaitent pas être proche les uns des autres, il est important qu'ils puissent faire évoluer cette distance au cours des entretiens s'ils le désirent. Afin que le médiateur puisse observer les personnes physiquement et dans leur ensemble, pour une meilleure lecture du langage non verbal, on peut privilégier une table basse ou l'absence totale de mobilier entre les personnes.

Le cadre délimite aussi le temps. La notion de temporalité n'est pas à négliger dans un processus de médiation familiale. En effet, pour que le changement puisse être possible, les échanges entre les personnes doivent être structurés dans le temps. C'est pourquoi la durée du processus est limitée : il possède un début et une fin, il est rythmé par les entretiens, étant eux aussi d'une durée limitée. Cette notion de temps balise les moments de parole.

L'intervalle entre les entretiens est un élément négociable du cadre. Il n'est pas déterminé à l'avance, et fait l'objet d'une négociation entre les protagonistes et le médiateur. Il est important que le médiateur soit vigilant sur le fait que la rythmicité soit cohérente avec les besoins de la famille. L'espace temps entre les entretiens doit permettre aux personnes de réfléchir à la séance passée, et d'élaborer la suivante, tout en gardant à l'esprit ce qui a été dit précédemment. Je développerai plus largement cette notion dans la troisième partie.

? Un cadre constitue des règles

Des règles viennent caractériser le dispositif de médiation : il s'agit du financement de la médiation, du langage comme mode de communication, de la place des acteurs, de la confidentialité. Certaines définissent aussi le positionnement du médiateur, impartial et neutre. Ces règles permettent aux participants de se trouver dans un espace de parole différent de celui qu'ils rencontrent au quotidien, et c'est en partie la structuration de ce nouvel espace qui leur permettra d'amorcer des changements. L'espace de médiation est un espace protégé où les personnes doivent se sentir en sécurité.

? Les fonctions du cadre

Comme le dit le psychanalyste Didier ANZIEU8(*) quand il compare les fonctions psychiques du cadre et celles biologiques de la peau, « à l'instar de la peau, le cadre délimite un intérieur d'un extérieur, contient le dedans, protège le dehors et permet les échanges entre les deux ».

En médiation familiale, le cadre permet aux personnes de trouver un espace de communication différent de celui dans lequel leur conflit les enferme. Le cadre permet la mise en place de comportements différents, où l'agressivité et la violence vont pouvoir se transformer en reconnaissance de l'autre et en respect, où les participants vont pouvoir collaborer au lieu de s'affronter.

? La fonction limitative du cadre

Le cadre de la médiation, en tant qu'espace de parole, fonctionne avec ses propres règles venant différencier ce qui est possible à l'intérieur de l'espace de médiation, de ce qui ne l'est pas à l'extérieur. La règle principale étant que, dans l'espace de médiation, les participants ont la possibilité, et la liberté, de dire ce qu'ils estiment important, ce qu'ils ressentent, ce qu'ils pensent car ils ont des choses à se dire et à se transmettre, notamment au sujet de leurs enfants. Ils ont aussi le droit à la protection de leur espace privé, et ainsi, le droit de « ne pas dire ». En effet, seules les personnes présente en médiation familiale (les parents, les familles) sont celles qui vont décider des points a discuter et des choses à ce dire. Dans cette espace de médiation familiale, l'existence des règles telles que le temps de parole pour chacun, l'écoute, le respect qui est toute fois une règle fondamentale également en dehors de la médiation, constitue un « espace protégé ». dans cet espace, les parents vont pouvoir échanger sur des thèmes tel que leur colère, leur déception, leur émotions... Ici, les participants vont pouvoir aborder les points difficiles et sources de conflits avec certaines limites qui n'existent pas à l'extérieur. Ces limites permettront des échanges plus constructifs.

C'est par l'énonciation de ces règles que le cadre exerce sa fonction limitative. Ces règles se trouvent renforcées par la règle de confidentialité. Les acteurs s'engagent à ne pas exporter à l'extérieur ce qui est échangé à l'intérieur de la médiation, notamment au cours d'une procédure ultérieure ou parallèle.

? La fonction contenante du cadre

Le cadre va servir de réceptacle à tout ce qui peut faire obstacle à la mise en place du processus. Il va être le lieu de dépôt des haines, des rancoeurs, des blessures, des souffrances et des violences, mais aussi des fragilités encombrant la pensée des individus venant en médiation. Il permet aux personnes d'extérioriser leur ressenti, ce qui est une étape primordiale dans le déroulement du processus. Le médiateur offre un contenant permettant de classer, de trier, voire de réorienter les éléments qui ont été déposés dans le cadre, et cela avec la garantie pour la personne, que ce qui a été exprimé ne sera pas perdu et ne tombera pas dans l'oubli. Le médiateur recueille ainsi les émotions sans les traiter de manière thérapeutique, mais en permettant d'y mettre des mots.

Ici, ils vont « pouvoir se dire », le médiateur va écouter et entendre chacun dans un premier temps, pour ensuite pouvoir restituer ces paroles de façon positive et constructive.

Pour exemple lors d'un entretien individuel de médiation familiale auquel j'ai assisté lors de mon stage :

La médiatrice reçoit Madame pour un entretien individuel, celle-ci arrive dans un état de souffrance morale très marqué. Elle pleure beaucoup et tente de mettre des mots sur l'altercation intervenue la veille au soir avec son mari.

La médiatrice l'invite à expliquer la situation. Dans un premier temps, la médiatrice écoute le déversement de déception, de souffrance et de peur, vécu par Madame, elle l'encourage à faire le récit de son histoire. D'une écoute empathique, la médiatrice prend note des éléments significatifs de la conversation.

Dans un second temps, la médiatrice va aider Madame à mettre des mots sur son ressenti, elle restitue à Madame ce qu'elle a compris.

Puis dans un troisième temps, la médiatrice va utiliser les dires de Madame de façon positive en la rassurant sur ses compétences de parent vis à vis de son enfant. La médiatrice reconnaît les difficultés de Madame tout en amorçant une nouvelle façon de percevoir les événements.

A la fin de cet entretien, Madame part sereine et apaisée par le fait d'avoir pu trouver un endroit où déposer ses angoisses. Elle sait que ses paroles ont été entendues et comprises par la médiatrice. Elle quitte le service de médiation avec un regard un peu différent sur son histoire, regard qui petit à petit se tournera vers l'autre.

Je veux montrer à travers cet exemple, que le cadre permet de recevoir la parole tout en la travaillant, en l'organisant. Après avoir pu formuler leur ressenti, les personnes sont plus à même d'engager un processus de médiation familiale, quelques barrières se sont levées, signe que le changement est prêt à s'amorcer.

Le rôle du médiateur familial, comme conteneur du cadre, suppose de sa part, à la fois une empathie, et en même temps, il se doit de poser des mots sur ces ressentis souvent violents et angoissants, tout en sécurisant les membres de la famille.

? La fonction symbolique du cadre

L'aspect symbolique du cadre repose sur le fait qu'il respecte un ensemble de règles sur lesquelles il s'appuie ; celles-ci sont partagées par chacun, et leurs fonctions essentielles sont de permettre la vie en société et la communication entre les individus. Ces règles sont celles de l'extérieur, et sont à mettre en lien avec les interdits fondamentaux que sont l'interdit de tuer et l'interdit de l'inceste.

L'interdit de tuer détermine les comportements et les modes de relation entre les individus, en excluant le recours à la violence, et en privilégiant la parole comme mode de communication.

L'interdit de l'inceste marque les différences générationnelles, et inscrit les individus à des places identifiées d'homme, de femme, d'enfant, de père et de mère.

Alice De LARA, conseillère conjugale et Pierre DE LARA, psychiatre et psychanalyste, écrivent dans un article paru dans la revue DIALOGUE : « La médiation familiale permet à chacun des membres du groupe de s'inscrire dans l'ordre symbolique et la loi humaine, celle de la place dans la suite des générations, dans sa lignée respective, paternelle ou maternelle, assumant son identité sexuée.»9(*)

La fonction symbolique du cadre introduit donc la loi au sein de l'espace de médiation, loi qui contraint chacun à renoncer à certains de ses désirs pour construire un lien avec l'autre.

Le médiateur est garant du cadre. Je vous propose donc, maintenant, de voir plus en détail qui il est, quelle est sa place, et quel est son rôle dans la médiation familiale.

* 8 Didier ANZIEU, 1985, Moi-peau, Paris, Dunod

* 9 Alice et pierre DE LARA, 2003, L'enfant, « objet transitionnel » de la médiation familiale, in « entre nous » La transmission psychique dans le couple et dans la famille Aspects théoriques, DIALOGUE n°160, p,78

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus