La candidature du radical
René Dumont
Dans la constellation écologiste, des voix
s'élèvent dès le début des années
soixante-dix pour faire entrer l'écologie dans l'arène politique.
En 1973 une première initiative est lancée en Alsace avec
« Ecologie et Survie » qui marque la première
expérience électorale d'Antoine Waechter. Néanmoins c'est
avec la campagne présidentielle de 1974 que le mouvement
écologiste prend un tournant politique et médiatique. La
candidature de René Dumont est l'acte de naissance de l'écologie
politique.
Après une décennie de luttes, le mouvement
écologiste naissant a déjà connu quelques victoires et
beaucoup d'échecs. Le grand renversement espéré par les
agitateurs du Printemps 1968 n'a pas eu lieu. Après l'expérience
ratée de la candidature de l'instituteur antinucléaire Jean
Pignero à l'élection présidentielle de 1965 (il n'avait
pas obtenu le nombre de signatures requis), beaucoup d'écologistes
pensent à présenter un des leurs à l'élection de
1976. Or le décès prématuré du Président
Pompidou précipite leurs plans. Les milieux écologistes n'ont que
quelques jours pour trouver un candidat. Après le refus du Commandant
Cousteau et du leader des Lips Charles Piager, c'est finalement l'agronome
à la retraite René Dumont qui est choisi. Sans parti ni
organisation politique, René Dumont réussit néanmoins
à fédérer autour de lui une grande partie des
écologistes. Il est le candidat d'un mouvement social et fait campagne
dans cette logique. L'intérêt pour cette étude n'est pas de
détailler l'ensemble du parcours électoral du premier candidat
écologiste à l'élection présidentielle ni d'en
apprécier la portée sur le jeu politique français (il fera
un score de 1,32 %) mais de distinguer les grandes lignes de sa campagne. En
effet l'expérience de René Dumont est considérée
comme fondatrice pour le mouvement écologiste et pour le parti Vert dont
la création dix ans plus tard se fera dans le même sillon.
La candidature de René Dumont est celle d'un lanceur
d'alerte. Dans un contexte international marqué par le premier choc
pétrolier et la publication du rapport du Club de Rome, il est le
vecteur politique de cette prise de conscience des méfaits du
productivisme. Pourtant, René Dumont est un converti. Agronome reconnu,
il a longtemps vanté les mérites de l'agriculture intensive pour
subvenir à la faim dans le monde. Ce n'est qu'à travers ses
voyages dans les pays du Tiers monde et à la lecture du Rapport Meadows
qu'il changea définitivement d'avis. Candidat d'un mouvement composite,
il s'emploie à faire la synthèse des environnementalistes et des
partisans d'une campagne axée à gauche. La campagne a alors pour
but de dénoncer les mythes du progrès et de la croissance. Elle
est une critique virulente de « l'économie des 5 P :
Profit, Puissance, Prestige, Pillage et Pollution ». Novice en
politique, René Dumont ne s'en révèle pas moins fin
communicant. Ses déplacements à vélo, son pull-over rouge
ou ses passages télévisés dans un desquels il boit un
verre d'eau (« avant que nous n'en manquions ») sont autant
d'images symboliques qui marquent l'esprit des Français.
L'écologiste incarne son projet et se pose en alternative radicale avec
un slogan qui cristallise à lui seul la pensée du courant
écologiste : « A vous de choisir - L'utopie ou la
mort ».
Sans prendre de gants, René Dumont développe
une critique antiproductiviste radicale encore largement incomprise voire
moquée par les autres acteurs du jeu politique et les électeurs.
Au second tour, il ne donne pas de consigne de vote, aucun des deux candidats
ne s'engageant sur ses propositions. Pour autant il indique voter à
titre personnel pour François Mitterrand. Cette équation
démontre à elle seule le souci d'autonomie du mouvement
écologique et la complexité de son positionnement politique.
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