La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
La controverse du développementLe mot obus de décroissance a pour objectif de démythifier les canons de la pensée économique dominante. Cette entreprise de déconstruction de tous les attributs de la modernité (croissance, progrès, technique) se poursuit à travers la remise en cause du développement. Pour les objecteurs de croissance, le développement a toujours été lié à la croissance. Cette affirmation prend à revers ceux qui trouveraient dans la notion de développement une échappatoire à la critique de la croissance. La critique du développement trouve son origine dans les travaux de François Partant et de Serge Latouche. Pour François Partant, le développement correspond à une politique néocolonialiste des pays du Nord qui prive les sociétés du Tiers Monde de leur autonomie et participe à leur appauvrissement95(*). Cette idée est reprise et développée par Serge Latouche, pionnier de l'école de « l'après développement ». Pour lui le développement est un concept ethnocentriste qui se traduit à travers un processus d'occidentalisation du monde96(*). Le développement serait en quelque sorte le cheval de Troie de la pensée économique dominante pour s'introduire sur des terres encore non conquises. Derrière cette notion emplie de bons sentiments se cacherait en réalité la prééminence de l'économique quelque soit les adjectifs dont on l'affuble (« humain », « durable », ...). Paul Ariès fait d'ailleurs le lien avec le capitalisme puisque le développement serait « impulsé par le capital »97(*) sous la forme de politiques libérales de privatisation et de financiarisation de l'économie des pays du Sud. La critique du développement tient donc en deux volets : la contestation de l'exportation d'un modèle culturel occidental qui briserait les modes de vie traditionnels des pays du Sud ; l'opposition à l'hégémonie de l'économie. Les décroissants refusent la notion de développement au nom d'une logique de sortie de l'économie. Une vision que ne partage pas les altermondialistes et notamment ATTAC. Dans un livre paru en 2004 l'association pointe les limites de la croissance et critique sans complexe la notion de développement. Néanmoins elle ne rejette pas le terme et s'engage sur la voie d'un « autre développement possible ». La réponse des objecteurs de croissance ne se fait pas attendre: « Le développement est [...] un concept génétiquement occidentalo-centré, il contient l'hubris du seul fait qu'il implique une absence de limite »98(*). Toutefois il convient de ne pas conclure trop hâtivement une position claire des objecteurs de croissance sur le développement. En dépit de l'influence des travaux de Serge Latouche, il semblerait que la question soit toujours en débat au sein du mouvement. La décroissance est un projet politique qui remet en cause les présupposés idéologiques tant de la droite que de la gauche. Ce mouvement singulier dans le paysage politique français n'entend cependant pas rester à la marge. La question est alors de savoir selon quelles modalités participer au jeu politique. * 95 PARTANT, François, La Fin du développement. Naissance d'une alternative ? (1982), Arles, Actes Sud, 1997 * 96 LATOUCHE, Serge, L'Occidentalisation du monde (1989), Paris, La Découverte, 2005 * 97 ARIES, Paul, La Décroissance. Un nouveau projet politique, Lyon, Golias, 2009, p. 27 * 98 LATOUCHE, Serge, Le Pari de la décroissance, op.cit., p. 133 |
|