4- CONTEXTE SCIENTIFIQUE DE L'ETUDE
Il est aujourd'hui bien connu que « le climat agit
sur l'homme - l'homme sain comme le malade - et c'est tout le chapitre du
« climatisme » auquel les médecins s'attachent fort justement
» (Péguy 1972 : 321). C'est dire que le champ d'étude
dans lequel s'inscrit le thème dont il est question ici n'est pas une
nouveauté en soi. En effet nombreux sont les auteurs qui se sont
penchés sur la relation étroite qu'entretiennent le climat
(l'environnement dans un sens général) et les pathologies
humaines. La géographie des nombreuses maladies parasitaires est
l'expression spatiale de systèmes pathogènes formés de
deux ou trois composantes (Derruaux 2005 :337). Ces composantes sont l'agent
pathogène, l'hôte et le vecteur éventuel. Chaque
élément est un maillon interdépendant et interactif de la
chaîne pathogène qui doit trouver un environnement favorable
à sa dynamique. Dans cette optique, on a pu identifier deux familles de
variables environnementales qui se combinent, les unes relevant des
caractéristiques du biotope et de la biocénose, les autres
directement liées au fait anthropique : l'espace pathogène dans
lequel l'air de transmission d'une maladie donnée est circonscrite et
identique, relève de l'analyse spatiale à laquelle s'ajoute une
analyse systémique. En ce qui concerne le lien entre la brume
sèche et la méningite célébro-spinale, trois angles
d'approches majeures ont été identifiés.
4-1. Approches physiques
Le phénomène atmosphérique que
représente les lithométéores, les aérosols et
finalement la brume sèche, a été tour à tour
étudié par les géologues, les pédologues
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comme Papastefanou, Manolopoulou, Stoulos, Ioannidou et
Gerasopoulos (2001) Alpert et Ganor (2001), Kalu (1979), Middleton et Goudie (
2001), Middleton (1985), les agronomes, les météorologues et les
climatologues : Arléry, Grisollet et Guilmet (1973), Ben Mohamed,
Frangi, Fontan et Druilhet (1992), L'Hôte, Mahé, Somé et
Triboulet (2002), Morel (1995 et1998), Nicholson (2001), Ozer, (1993, 2000,
2002, 2003 2005), Prospero (1999).
Dans une optique de quantification des dépôts de
poussières au sol, les études de géologie, de
pédologie et d'agronomie ont été effectuées par
Orange, Gac, Probst et Tanre (1990). Ces mesures de dépôts de
poussières au sol ont été déterminées
grâce à l'utilisation d'un capteur pyramidal d'aérosols
couplé d'une pompe à filtres millipores. Les analyses
granulométriques de ces poussières ont montré que leur
taille est comprise entre 10 et 15 microns. Pour des aérosols de cette
dimension, la vitesse moyenne de transfert oscille autour de 35 cm/s.
cependant, même si le capteur fournit une bonne estimation de
poussières, l'étude n'a pas permis d'estimer la quantité
de poussières remobilisée par le vent. Toutefois, cette
étude souligne l'importance des aérosols terrigènes dans
le cycle géochimique des éléments naturels. Voilà
pourquoi ces auteurs recommandent la prise en compte systématique de ces
aérosols dans tout essai de modélisation des flux de
matières, car ils influencent la qualité chimique des pluies, des
sols, des eaux de surface et de leurs matières en suspension.
Les mesures de dépôts de poussières au sol
ont également été effectuées par des agronomes dans
le but de quantifier la dégradation des sols cultivables. Bielders,
Alvey et Cronyn (2001), Bodart (2004), Mainguet, Canon-Cossus et Chemin (1979),
Wilson (1971), Wilson (1973). Modi, Druilhet, Fontan et Domergue (1997)
soulignent tous que ce sont les particules les plus fines qui sont
projetées dans l'atmosphère. Ces particules pour l'essentiel
constituées d'illites, de chlorites et inter stratifiés gonflants
arrachées au sol, dépendent de la nature du substratum et des
altérites. Cette activité que représentent les processus
morphogénétiques en milieux secs dont l'agent de transport est le
vent, entraîne à terme la perte de fertilité des sols.
Mais étant donné la grande importance que
revêtent les poussières atmosphériques, sur le
fonctionnement des climats et la circulation aérienne, les
météorologues ont été les premiers à
s'intéresser à ce phénomène Hountondji, Ozer,
Nicolas (2004), Karimoune
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(1994), Ozer, Erpicum (1995), Ozer, Erpicum, Demarée et
Vandiepenbeeck (2003), Vannitsem et Demaree (1991). Ce n'est donc pas
étonnant que leurs méthodes de prélèvement aient
été les plus couramment utilisées. Elles consistent en la
collecte des poussières éoliennes sur filtres millipores, par
aspiration d'un volume d'air mesuré par compteur. Les données
recueillies sont alors exprimées en microgramme/m3.
Cependant, les donnés les plus disponibles dans les stations
météorologiques concernent l'appréciation visuelle de la
brume sèche dont l'intensité est déterminée par
l'observateur.
En analysant les récentes modifications ainsi que les
impacts environnementaux du climat de la région de Gouré, Ozer,
Badart, Tychon (2002) affirment que le vent est l'unique paramètre
climatique capable d'injecter des particules terrigènes dans
l'atmosphère. En associant la vitesse du vent aux cas de
déflation, ils observent une nette corrélation entre les deux
paramètres. Sur la base de cette étude, il leur apparaît
que le vent devient capable d'initialiser l'érosion dès 6m/s et
dépasse le seuil de 5% de déflation pour une vitesse de 7m/s.
Plus la vitesse du vent est violente, plus le taux de déflation est
élevé. Cependant, ces valeurs doivent être
considérées comme une moyenne indicative, car la vitesse du vent
varie en fonction de la journée, des saisons et du couvert
végétal. En estimant la quantité de poussière dans
l'air, ces auteurs affirment qu'il est maintenant irréfutable que la
pollution de l'air par les poussières minérales a maintes
conséquences adverses sur l'environnement et sur l'homme. Des travaux
similaires ont été menés par des auteurs tels que
Prospero, Ginoux, Torres, Nicholson et Gill (2002), Rodriguez, Querol,
Alastuey, Kallos et Kakaliagou (2001), Rodriguez, Querol, Alastuey, Viana et
Mantilla (2003), Rognon (1991), Tegen et Fung (1995).
Nouaceur (2002 : 87-93) dans une étude des types de
temps qui caractérisent les régions arides et semi-arides a
découvert que le nombre et l'intensité des différents
types de lithométéores se sont considérablement accrus
depuis 1973, en particulier dans les zones sahéliennes. Cela pousse
à penser que, compte tenu du changement des écosystèmes
sahéliens induits par ce phénomène climatique, les
conséquences pourraient se résumer à différents
niveaux, notamment en épidémiologie. L'auteur clarifie en outre,
les concepts de brume de poussière, de brume sèche et chasse
sable. Il relève que l'invasion de la brume sèche est à
l'origine de nombreuses attaques de l'appareil respiratoire. Se faisant, il
donne simplement raison à la connaissance populaire selon laquelle la
toux, par exemple, est
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fréquente en saison sèche dans le Sahel
camerounais. En effet, l'inhalation d'une forte quantité de
poussière est à l'origine d'une réaction normale de
l'organisme qui tente alors par une expectoration ou une
sécrétion nasale, de rejeter les corps étrangers dont la
virulence, s'ils en sont dotés, cause une infection. On parlera parfois
de bronchite ou d'attaque pulmonaire. De plus les cas de conjonctivite sont
fréquents entre décembre et mars.
En ce qui concerne les maladies infectieuses et
épidémiques d'origine bactérienne, on peut concevoir que
la brume sèche puisse contenir des spores bactériennes en crise
d'adaptabilité. Parmi elles, celles dotées de pouvoirs
pathogènes pour l'homme, une fois inhalées ou
ingérées, peuvent causer un dysfonctionnement physiologique,
d'où la maladie.
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