EPIGRAPHE
« (...) Les Etats souverains ont la
responsabilité de protéger leurs propres citoyens contre les
catastrophes qu'il est possible de prévenir (meurtres à grande
échelle, viols systématiques, famines). S'ils ne sont pas
capables, cette responsabilité doit être assumée par
l'ensemble de la communauté des Etats ».
CIISE, « La responsabilité de protéger
», Ottawa, Centre de recherche pour le développement
international,
décembre 2001, p.VIII
II
DEDICACE
« A nos parents : Godefroy Stanislas TSHIMANGA wa
MUNTUABO LUABEYA et Louise MUKONKOLE SAPU, pour des sacrifices consentis en vue
de notre éducation et notre instruction ;
A nos grands-pères paternel et maternel qui n'ont pu
voir ce jour mémorable : Hippolyte MUNTUABO LUABEYA et Jacques NSAPU
NKISHI ».
LVABE%A Pacifique glippo(yte
iii
REMERCIEMENTS
Le travail que nous présentons est la cristallisation
de nos efforts et du bagage que nous avons acquis depuis notre jeun âge
jusqu'à ce stade. Il n'est cependant pas le fruit d'une seule action
mais d'une synergie de plusieurs forces, ayant concouru à sa
réalisation, à qui nous adressons nos sincères
remerciements.
De prime abord, rendrons grâce à Dieu Tout
Puissant de qui nous recevons le souffle de vie, la force et l'intelligence
pour la réalisation de nos projets dont ce travail.
Nos remerciements s'adressent en deuxième lieu à
Monsieur le Professeur MAZYAMBO MAKENGO KISALA André qui a
accepté volontiers de diriger ce travail dans un esprit d'ouverture et
de rigueur soutenue et, à travers lui, tout le corps professoral de la
Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa pour la formation
solide dont nous avons bénéficié.
Il nous paraît important d'adresser
aussi nos remerciements à Monsieur le Professeur Daniel TURP, Professeur
à l'Université de Montréal au Canada pour ses conseils et
pour ses encouragements.
En troisième lieu, nous ne saurons manquer de remercier
Monsieur l'Assistant KABAMBA Valéry, le rapporteur de ce travail, pour
son implication dans sa réalisation.
Enfin, nos remerciements s'adressent à nos parents,
TSHIMANGA wa MUNTUABO LUABEYA Godefroy Stanislas et MUKONKOLE SAPU Louise, qui
nous ont soutenus spirituellement, matériellement et moralement. Ils
n'ont cessé de nous encourager durant notre parcours scolaire et
académique.
Culture
URSS : Union des Républiques socialistes
soviétiques
iv
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
§ : Paragraphe
CEDH : Cour européenne des droits de
l'homme
CICR : Comité international de la
Croix-Rouge
CIISE : Commission internationale de
l'Intervention et de la Souveraineté des
Etats
CIJ : Cour internationale de Justice
CNT : Conseil national de Transition
CPI : Cour pénale internationale
CPJI : Cour permanente de Justice
internationale
D.I.H : Droit international humanitaire
IFOR : Force multinationale de mise en oeuvre de
la paix
KFOR : Force du Kosovo
MDM : Médecin du Monde
MINUK : Mission d'administration
intérimaire des Nations unies au Kosovo
MSF : Médecin Sans Frontière
OMS : Organisation mondiale de la
Santé
ONG : Organisation Non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations unies
ONUSOM : Opération des Nations unies en
Somalie
OSCE : Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe
OTAN : Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord
Rec. : Recueil
RSF : Forces de Sécurité
républicaines
TPI : Tribunal pénal international
UE : Union européenne
UEO : Union de l'Europe occidentale
UNESCO : Organisation des Nations unies pour
l'Education, la Science et la
1
00. INTRODUCTION GENERALE
01. PROBLEMATIQUE
L'histoire renseigne que dans les relations internationales,
l'idée d'aller dans un pays étranger pour y « aider »
la population en détresse est ancienne. Au XIXe siècle, on
parlait alors « d'intervention d'humanité ». C'est par ce
terme que les Européens qualifiaient leurs actions pour aller,
officiellement, sauver les chrétiens vivants en Turquie, mais
officieusement, pour déstabiliser le Sultan de Turquie, Abdülhamid
II. Au nom de cette « intervention d'humanité », des «
atrocités » furent commises1.
Dans son ouvrage, De jure belli ac pacis, Grotius y faisait
mention et Vattel affirmait que « toute puissance étrangère
est en droit de soutenir un peuple opprimé qui lui demande son
assistance ». C'est sur cette base que s'est développée au
XIXè siècle la doctrine de l'intervention d'humanité, en
vertu de laquelle un droit d'intervention unilatérale existe lorsqu'un
gouvernement viole sur son territoire les droits de l'humanité par des
excès de cruauté et d'injustice envers sa propre
population2.
Mais dès son avènement en 1945, l'Organisation
des Nations Unies s'est construite sur le principe sacro-saint de
non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats tel que
mentionné à l'article 2, paragraphe 7 de sa charte constitutive
et à la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970. Ce principe est
affirmé traditionnellement par le droit international public
général. Il constitue l'expression de la souveraineté
étatique. Il est au centre de la théorie du domaine
réservé de l'Etat3.
1ROUGIER Antoine, « La théorie de
l'intervention d'humanité », in Revue générale de
droit international public, t. XVII (1910), page 468 et suivantes.
2 GROTIUS Hugo cité par ROUGIER Antoine,
« La théorie de l'intervention d'humanité », in
Revue générale de droit international public, t. XVII
(1910), p.468. Précisons que dans son ouvrage De iure belli
ac pacis (1625), Hugo GROTIUS avait déjà abordé la
possibilité d'intervenir dans le cas où un tyran commettrait des
actes abominables.
3 BELANGER Michel, Droit international
humanitaire, Mémentos, Paris, Gualino, 2002, p.85
2
L'ONU n'a jamais voulu consacrer un principe contraire
à celui-ci. Par conséquent, ce principe sera au coeur du droit
international et va guider les relations internationales jusqu'au stade
actuel.
Ce postulat établit que l'Etat est seul maître
sur son territoire. Dans ce sens, aucune intervention, quelle que soit sa
nature, d'une tierce personne sur son territoire n'est admissible sans son
consentement préalable. Le principe de non-ingérence touche, en
effet, de près à la question du respect des droits de
l'homme4.
C'est ainsi que les Etats ont cherché à apporter
des limites à l'application de ce principe en recourant aux notions
telles que l'intervention d'humanité, l'intervention humanitaire et le
droit d'ingérence humanitaire.
Au demeurant, l'idée d'ingérence humanitaire est
apparue durant la Guerre du Biafra (1967-1970), conflit ayant
entraîné une épouvantable famine, largement couverte par
les médias occidentaux mais totalement ignorée par les chefs
d'États et de gouvernement au nom de la neutralité et, du
sacro-saint principe de non-ingérence. Ce conflit a
entraîné la mort de un à deux millions de personnes, selon
les estimations5.
Les atrocités vécues dans cette guerre et les
graves violations des droits de l'homme y perpétrées ont permis
d'aboutir à des mécanismes pour y remédier. C'est ainsi
que la doctrine a théorisé certains principes qui mettaient
l'homme au centre de toutes les actions politiques des Etats et cette
dernière est allée plus loin en créant même des
Organisations Non Gouvernementales ayant pour but de porter secours aux
populations en guerre en l'occurrence Médecins sans frontière.
4DOR Virgine, De l'ingérence humanitaire
à l'intervention préventive. Vers une remise en cause des
principes du droit international, Mémoire, Institut européen
des hautes études internationales. Diplôme européen des
hautes études internationales, 2002-2003, p.11
5GUISNEL Jean, « Derrière la guerre du
Biafra, la France », in Histoire secrète de la Ve
République (sous la direction de FALIGOT Roger et GUISNEL Jean), La
Découverte, 2006, 2007, pp. 147-154.
3
C'est partant de cette situation que l'on a abouti à la
théorie d'ingérence humanitaire. Le concept a été
théorisé à la fin des années 1980, notamment par le
professeur de droit Mario BETTATI et l'homme politique Bernard KOUCHNER. Ces
derniers ont alors parlé d'un droit d'ingérence humanitaire.
Ce concept encourageait et justifiait le recours à la
force internationale prévu dans le cadre des Nations Unies pour
protéger les populations menacées à l'intérieur de
leurs propres frontières. Les Etats ont depuis lors tenté de
justifier leurs interventions armées dans les affaires
intérieures des autres Etats par des motifs nobles tels que la
défense des droits de l'homme, la défense des minorités,
celle de leurs ressortissants expatriés ou d'autres motifs
d'humanité6.
Mais le constat malheureux qui a été fait est
qu'il y avait une utilisation abusive de ladite théorie. Plusieurs abus
d'intervention ont alors été enregistrés au point qu'on
assista même aux interventions non coordonnées.
Ainsi, pour arriver à favoriser une meilleure
compréhension de la difficulté de concilier l'intervention
à des fins de protection humaine et la souveraineté7,
il a été créé en septembre 2000 par le Gouvernement
canadien, répondant à l'exhortation du Secrétaire
Général de l'ONU, la Commission internationale de l'intervention
et de la souveraineté des Etats (CIISE). Cette dernière, pour
satisfaire au mandat qui lui a été attribué, va
élaborer un rapport intitulé la « Responsabilité de
protéger ».
Par ailleurs, il y a lieu de mentionner que ce rapport a
été élaboré à la suite de certains travaux
des Nations Unies tels que le rapport mondial sur le développement
humain, le rapport Brahimi, etc. Le terme responsabilité de
protéger deviendra depuis lors un principe parmi tant d'autres en droit
international.
6 BOUCHET-SAULINER Françoise,
Dictionnaire pratique du droit humanitaire, Paris, Edition La
Découverte, 2006, p.310
7 CIISE, « La responsabilité de
protéger », Ottawa, Centre de recherche pour le
développement international, décembre 2001, p.2
8 CIISE, Op-cit, p.VIII
4
La question s'était posée en ces termes : «
lorsqu'il s'agit de protéger les personnes physiques par
celui-là même qui en a la charge (l'Etat) et que ces personnes
sont exposées à des graves violations de leurs droits, si l'Etat
est défaillant, faut-il croiser les bras ? Tel est le
problème de la responsabilité de protéger. Ce principe
pose le problème d'intervention humanitaire.
En réponse à cet appel, l'ONU a admis que les
Etats souverains ont la responsabilité de protéger leurs propres
citoyens contre les catastrophes qu'il est possible de prévenir
(meurtres à grande échelle, viols systématiques, famine).
S'ils ne sont pas disposés à le faire ou n'en sont pas capables,
cette responsabilité doit être assumée par l'ensemble de la
communauté des Etats8.
Ce principe a connu son application dans la crise libyenne.
Tout a commencé le 15 février 2011 lorsque les premières
manifestations ont eu lieu en Libye. Ces manifestations ont connu une forte
répression de la part du gouvernement du colonel Mu'ammar Kadhafi. Elles
ont eu lieu à l'occasion du procès de prisonniers morts en
détention. Leurs mères se sont rassemblées devant le
tribunal. Dans la soirée, elles sont rejointes par les avocats
protestant contre l'arrestation de leur collègue, Fathi Tirbil qui
défendait les prisonniers morts lors du massacre d'Abou Salim.
Le 21 février 2011, Human Rights Watch publie un bilan
provisoire faisant état de 233 morts, auxquels il ajoute deux jours plus
tard 62 tués à Tripoli, ce qui porte le bilan à un minimum
de 295 morts. Selon la Coalition internationale contre les criminels de guerre
(ICAWC, International Coalition Against War Criminals), le bilan est au matin
du 22 février 2011 de 519 morts, 3 980 blessés et au moins 1 500
disparus. Alors que le ministre italien des Affaires étrangères
Franco Frattini estime que le bilan de plus de 1 000 civils tués est
crédible, le régime de Kadhafi publie le soir du 23
février 2011 un bilan de 300 morts, dont 58 militaires, chiffre qui
concorde avec le bilan de la Fédération internationale des droits
de l'homme (FIDH) publié le matin, qui estimait le nombre de victimes
entre 300 et 400.
5
Selon la Ligue libyenne des droits de l'Homme, fondée
par le propre fils de Kadhafi, Saif al islam, il y aurait eu depuis le
soulèvement 6 000 morts, dont 3 000 dans la seule ville de Tripoli, 2
000 à Benghazi, et 1 000 dans d'autres villes.
Face à cette situation tragique de la population
libyenne que le Conseil de Sécurité des Nations Unies va prendre
deux résolutions (une première le 26 février 2011 :
résolution 1970 et une seconde le 17 mars 2011 : résolution 1973)
dans lesquelles il rappelle que les autorités libyennes ont la
responsabilité de protéger le peuple libyen. La résolution
1973 est d'ailleurs allée plus loin jusqu'à autoriser une
intervention militaire en Libye.
L'autorisation par le Conseil de Sécurité de
l'usage de la force dans le contexte de la crise libyenne pose un certain
nombre de question : qu'est-ce que la responsabilité de protéger
?; comment ce principe a-t-il vu le jour en droit international?; quel est son
contenu exact ?; dans quelles conditions peut-il être invoqué
contre un pouvoir établi ?; l'intervention de l'OTAN en Libye est-elle
restée dans les limites de la responsabilité de protéger
?
C'est à ces questions que nous tenterons de
répondre dans cette
étude.
02. HYPOTHESE DE L'ETUDE
Le point de départ de cette étude est de
considérer qu'au stade actuel du développement du droit
international et de l'émergence de la responsabilité de
protéger, l'Etat moderne se voit imposer certaines obligations qui
mettent l'individu au centre de tout.
Ainsi donc, si telle est la nouvelle façon de concevoir
le droit international, les Nations Unies étaient en droit d'autoriser
l'usage de la force en Libye pour protéger le peuple libyen dont la vie
était en danger parce que le régime Kadhafi avait failli à
la mission de protéger ce peuple.
9 DESCARTES René cité par RUSS
Jacqueline, Dictionnaire de philosophie : les concepts, les philosophes,
1850 citation, Paris, Bordas, 1991, p.178
6
3. INTERET DU SUJET
L'intérêt de cette étude est
évident. En effet, au cours de cette décennie, plusieurs
interventions militaires ou non militaires ont été
perpétrées par certains Etats sur les territoires d'autres Etats
sans pour autant que leur bien fondé soit clairement établi.
Toutes ont été entreprises sous la casquette de porter secours
aux populations victimes de la défaillance de protection de la part de
leur Etat. C'est ainsi que cette étude pourrait contribuer, sur le plan
théorique, à une meilleure compréhension du contenu et des
contours du principe de la « responsabilité de protéger
».
Sur le plan pratique, l'application de ce principe au cas
choisi dans le cadre de cette étude permettra de comprendre comment ce
principe émerge du fait de son utilisation par l'ONU et ses Etats
membres pour arriver à protéger les populations victimes des
exactions de leur gouvernement notamment en Libye. Ainsi, l'étude
consacrée audit principe permettra à ses acteurs ou à ceux
qui sont habilités à le mettre en oeuvre d'y recourir à
bon escient afin d'éviter de le détourner de son objectif
principal qu'est la protection des individus.
4. METHODES DE RECHERCHE
Par méthode, René DESCARTES entend les
règles certaines et faciles, grâce auxquelles tous ceux qui les
observent exactement ne supposeront jamais vrai ce qui est faux, et
parviendront, sans se fatiguer en efforts inutiles mais en accroissant
progressivement leur science, à la connaissance vraie de tout ce qu'ils
peuvent atteindre9.
En droit international, il existe une diversité des
méthodes scientifiques qui s'explique essentiellement par la
diversité des approches possibles du
7
droit international10. Ainsi, dans le cadre de ce
travail, le choix sera porté sur la dogmatique juridique et sur la
sociologie du droit.
La dogmatique juridique vise à exposer l'état du
droit tel qu'il existe et à en déterminer le contenu. Il s'agit
donc d'établir et d'interpréter une règle juridique, non
de l'évaluer ou de la critiquer11. Elle a été
choisie parce qu'elle sera utilisée pour arriver à
déterminer le contenu du principe de la responsabilité de
protéger à partir de la prise en compte des sources formelles du
droit international positif et d'en préciser les contours.
Le droit étant décrit « soit par un de ses
traits formels, soit par un fait social qui l'explique, soit encore par une
vision idéale de sa finalité »12, la sociologie
du droit, quant à elle, a été choisie parce qu'elle
permettra de confronter ce principe à la réalité sociale
existante. Elle permettra, en effet, d'examiner le contexte politique qui
explique l'émergence de la responsabilité de protéger.
Cette approche va conduire à expliquer pourquoi ce principe est
d'application au détriment de ses prédécesseurs.
Ainsi, dans le cadre de ce travail, il sera question
d'étudier les rapports entre le droit et la société, dans
le seul but d'interpréter le principe susévoqué en droit
positif. De ce point de vue, la dogmatique juridique est la discipline
maîtresse, la sociologie du droit n'étant utilisée que de
manière accessoire.
Il convient, en outre, de préciser qu'une
méthode est aussi définie par rapport au courant théorique
qui inspire la pensée de l'auteur concerné13.
Autrement dit, toute étude repose non seulement sur le choix d'une
science de référence, mais aussi sur certains postulats
théoriques qui, sans être nécessairement
10CORTEN Olivier, Méthodologie du droit
international public, Bruxelles, Edition de l'université de
Bruxelles, 2009, p. 19
11 CORTEN Olivier, Op-cit, p.23
12 BERGEL Jean-Louis, Méthodologie
juridique, Paris, PUF, 2001, p.29
13 CORTEN Olivier, Op-cit, p.20
8
explicités, sont pourtant sous-jacents à
l'ensemble du raisonnement scientifique14. Concernant ce travail,
seul le clivage théorique opposant le volontarisme à
l'objectivisme sera déterminant pour le choix du courant devant le
guider.
Face à ce clivage, le choix sera porté sur une
approche volontariste laquelle viendra expliquer pourquoi le principe de la
responsabilité de protéger a été accepté par
les Etats. Il s'agira d'établir et d'interpréter ce principe en
se fondant sur la volonté des Etats tout en prenant en compte des
sources formelles du droit international au sens strict.
05. PLAN SOMMAIRE
La présente étude comprend deux parties. La
première partie sera consacrée à l'examen de
l'émergence et de l'affirmation du principe de la responsabilité
de protéger. Elle comprendra trois chapitres : le premier chapitre sera
consacré à l'évolution du principe de non-ingérence
à celui de la responsabilité de protéger, le
deuxième à l'examen du contenu dudit principe et le
troisième à l'examen de sa mise en oeuvre.
Et la seconde sera un examen de la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger pendant la crise libyenne. Elle
comprend deux chapitres : le premier sera consacré à l'examen du
conflit libyen et le second à l'analyse de la résolution 1973 du
Conseil de Sécurité dans le contexte de la crise libyenne.
14 Idem, p.45
9
Ière PARTIE : EMERGENCE ET AFFIRMATION
DU PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
Le droit international se trouve être fondé sur
certains principes qui invitent ses sujets à s'y conformer dans leur
conduite. Ces principes ont évolué au cours des années.
C'est la raison pour laquelle le droit international contemporain
reconnaît actuellement certains principes qui n'ont pas existé
dans le droit international classique notamment la responsabilité de
protéger.
Ainsi, il sera question de montrer comment on a
évolué du principe de non-ingérence à celui de la
responsabilité de protéger (chapitre I). Ensuite, il sera
question d'analyser le contenu du principe de la responsabilité de
protéger (Chapitre II) et de la manière dont on peut arriver
à le mettre en oeuvre (Chapitre III).
En tant que fondement du droit public classique, le principe
de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat est
l'expression de la souveraineté
10
CHAPITRE I. DU PRINCIPE DE NON-INGERENCE A
LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
Dans ce chapitre, nous nous attelons à l'analyse
circonscrite du principe de non-ingérence dans les affaires
intérieures d'un Etat. La non-ingérence est un principe
généralement admis en droit international contemporain. Mais les
limites qu'il a démontré en certaines matières telles que
celle relative aux droits de l'homme ont poussé les Etats à
atténuer son application quand il faut mettre en oeuvre le principe de
la responsabilité de protéger.
Ainsi dans ce chapitre, il sera question d'analyser
l'affirmation du principe de non-ingérence dans le cadre onusien
(Section 1), d'examiner les exceptions ou les atténuations audit
principe (Section 2) et de montrer comment on est arrivé à la
nouvelle approche qu'est la responsabilité de protéger (Section
3).
SECTION 1. AFFIRMATION DU PRINCIPE DE
NON-INGÉRENCE
La non-ingérence est un principe sacro-saint
consacré et reconnu par les Nations Unies, et faisant ainsi l'objet
d'une consécration dans plusieurs instruments juridiques internationaux.
Elle est affirmée dans la Charte des Nations Unies et dans la
résolution 2625 (XXV) du 24 Octobre 1970 sur les relations amicales
entre les Etats (§1). Puisqu'en lui-même, ce principe renferme un
conflit que d'aucuns qualifient d'intrinsèque, il semble important de
l'analyser pour enrichir cette étude afin d'en savoir plus (§2).
§1. Les prescrits de la Charte des Nations Unies et le
troisième principe de la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre
1970
A. Les prescrits de la Charte des Nations Unies
11
étatique. Pourrions-nous dire qu'il est au centre de la
théorie du « domaine réservé » de l'Etat car le
respect de l'intégrité territoriale en est une application
notable15.
Le texte principal parmi tant des textes internationaux
actuels qui continuent à l'énoncer est l'article 2 §7 de la
Charte de l'ONU qui dispose : « Aucune disposition de la
présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans
les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre des affaires de
ce genre à une procédure de règlement au terme de la
présente Charte ; toutefois ce principe ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII
».
Ce principe constitue la base des relations internationales.
Il cherche à préserver l'indépendance des Etats les plus
faibles contre les interventions et les pressions des plus
puissants16. Il impose aux tiers une stricte obligation d'abstention
car celle-ci constitue la protection légale de l'Etat de l'immixtion de
ces derniers17. Il constitue la conséquence nécessaire
et directe des deux piliers du droit des relations internationales, le
principe de souveraineté et celui de l'égalité
des Etats qui en est l'indissociable conséquence18.
A ce sujet, Eric DAVID affirme que la souveraineté a
pour corollaire le principe de non-intervention dans les affaires
intérieures et le respect de l'intégrité territoriale par
les autres Etats. Elle a aussi pour corollaire l'obligation de veiller à
ce que son propre territoire ne cause pas de dommage au territoire des autres
Etats19.
Quant à lui, Joe VERHOEVEN souligne que la règle
qui condamne l'intervention d'un Etat dans les affaires intérieures
d'autrui compte sans
15 Voir BELANGER Michel, Op-cit, p.85
16 BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit,
p.309
17 COMBACAU Jean et SUR Serge, Droit
international public, Paris, Montchrestien, 1993, p.254 ;lire dans le
même sens RUZIE David, Droit international public,
16ème édition, Paris, Dalloz, 2002, p.92 ; RUZIE
David, Droit international public, 18ème
édition, Paris, Dalloz, 2006, p.77
18 NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU
Mathias et PELLET Allain, Droit international public,
8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, p.486
19 DAVID Eric, Droit des gens,
16ème édition, Tome II, Bruxelles, PUB, 2000, p.
245
12
doute parmi celles qui sont le plus souvent
évoquées. L'auteur renchérit en affirmant que si
fréquent que soit son rappel, il demeure difficile de s'entendre sur le
contenu précis de la règle de non-intervention. Il se comprend,
d'après le même auteur, que celle-ci soit parfaitement superflue
si elle se contente d'interdire des actes ou comportements qui font l'objet de
prohibition spécifiques en droit international20.
Le principe de non-ingérence renforce l'obligation
faite aux Etats de s'abstenir de toute atteinte aux frontières et au
territoire étatique en excluant toute intervention ou ingérence
dans les affaires intérieures d'un Etat. C'est un principe
incontesté qui fait partie du droit international
coutumier21.
En effet, la valeur coutumière de ce principe a
été reconnue par la C.I.J dans l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci où la Cour
a dit : « Le principe de non-intervention met en jeu le droit de tout
Etat souverain de conduire ses affaires sans ingérence extérieure
; bien que les exemples d'atteinte au principe ne soient pas rares, la Cour
estime qu'il fait partie intégrante du droit international coutumier
»22.
A ce titre, la Cour internationale de Justice a
condamné l'intervention en des termes énergiques lorsqu'elle
indique qu'elle l'envisage « comme une manifestation d'une politique
de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les
plus graves et qui ne saurait trouver aucune place dans le droit international
»23.
Elle va réitérer sa position en des termes
identiques lorsqu'elle précise que « le principe interdit
à tout Etat ou groupe d'Etats d'intervenir directement ou indirectement
dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat.
L'intervention est interdite dès lors qu'elle porte sur des
matières à propos
20 VERHOEVEN Joe, Droit international public,
Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2000, p.144
21 TABRIZI SALAH Ben, Institutions
internationales, Paris, Armand Colin, 2005, p.32
22 C.I.J, Affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, (Etats-Unis
c. Nicaragua), Arrêt du 27 juin 1986, Rec.1986, 14, §202
23 C.IJ., Affaire du détroit de
Corfou, Albanie contre Royaume-Uni, Arrêt du 9 avril 1949, Rec.
1949, p.35
13
desquelles le principe de souveraineté des Etats
permet à chacun d'entre eux de se décider librement. Il en est
ainsi du choix du système politique, social et culturel et de la
formulation des relations extérieures »24.
De l'analyse de ce qui vient d'être dit, il ressort que
l'interdiction faite par la Charte des Nations Unies de s'immiscer dans les
affaires intérieures d'un Etat concerne les Organisations
internationales. Mais quel serait alors le fondement d'une telle obligation
pour les Etats?
B. La résolution 2625 (XXV) du 24 octobre
1970
Outre la Charte des Nations Unies, le troisième
principe de la déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre Etats
(résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 sur les relations amicales
entre les Etats) retient le devoir de ne pas intervenir dans les affaires
relevant de la compétence nationale d'un Etat25.
En effet, la résolution 2625 (XXV) énonce dans
ses principes que : "Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à
la menace ou à l'emploi de la force pour violer les frontières
existantes d'un autre Etat ...ou pour violer les lignes internationales de
démarcation". Ainsi, la résolution écarte l'argumentation
de la tendance doctrinale, selon laquelle une intervention armée
humanitaire est permise à partir du moment où elle
n'entraîne pas une appropriation territoriale. De cette manière,
la résolution interdit non seulement toute violation de
l'intégrité territoriale, mais aussi toute violation de la
souveraineté territoriale26.
D'autre part, le texte de la résolution interdit tout
recours à la force armée ou non armée pour quelque raison
que ce soit. Par conséquent, même le recours à la force
pour des raisons humanitaires est prohibé. Enfin, le même texte
24C.I.J, Affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, (Etats-Unis
c. Nicaragua), Arrêt du 7 juin 1986, Rec.1986.
25 Lire NGUYEN QUOC Dinh, Op-cit, p.486 ;
COMBACAU Jean et SUR Serge, Op-cit, p.253 ; BELANGER Michel,
Op-cit, p.85 ; TABRIZI SALAH Ben, Op-cit, p.33
26 Lire dans ce même sens TABRIZI SALAH Ben,
Op-cit, p.32
14
prévoit que les Etats doivent régler leurs
différends en utilisant des moyens pacifiques en excluant tout recours
à la force. Il y a lieu d'affirmer que même la violation massive
des droits de la personne constitue un différend qui doit être
régler par des moyens pacifiques et en aucun cas par une intervention
militaire27.
Cette résolution condamne l'intervention dans les
affaires intérieures ou extérieures d'un Etat en précisant
qu'il ne s'agit pas « seulement de l'intervention armée,
mais aussi de toute autre forme d'ingérence ou de menace,
dirigée contre la personnalité d'un Etat ou contre ses
éléments politiques, économiques et culturels
»28.
Puissions-nous relever ici que l'organe le plus
représentatif de l'ONU a eu à condamner, plus d'une fois, dans
des résolutions29 l'intervention dans les affaires
intérieures des Etats et a affirmé la protection de leurs
indépendances et de leurs souverainetés.
Ainsi, conclut-on qu'à la charge des Etats, le principe
de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat trouve
son fondement dans la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 sur les
relations amicales entre les Etats et à celle des organisations
internationales, il trouve son fondement dans la Charte des Nations Unies, plus
précisément dans son article 2 §7.
Il convient, enfin, de préciser que, comme l'ont si
bien souligné Patrick DAILLER, Mathias FORTEAU et Alain PELLET, ce
principe n'a pas une portée absolue30. Car elle trouve des
limites lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies fait
application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Autrement dit, le
droit international ne reconnaît qu'un seul droit d'ingérence dans
les affaires
27 Idem
28 Ibid., p.33
29 Résolution 2131(xx) de l'Assemblée
générale de l'ONU du 21 décembre 1965 sur
l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures
des Etats et la protection de leurs indépendances et de leurs
souverainetés ainsi que la résolution n°36/103 du 9
décembre 1981 de l'Assemblée générale relative
à l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence
dans les affaires intérieures des Etats.
30 NGUYEN QUOC Dinh, Op-cit, p.487
15
intérieures des Etats. Il est prévu et
limité par la Charte des Nations à son Chapitre VII. Ce droit est
confié au Conseil de Sécurité quand le comportement d'un
Etat constitue une menace à la paix et à la
sécurité internationales. Le Conseil de Sécurité
peut alors prendre toute une série de mesures y compris des sanctions
diplomatiques, économiques. Il peut aussi employer la force et
décider d'une intervention armée internationale pour faire cesser
le comportement du pays en question31.
En somme, le principe de non ingérence étant un
principe bien établi, son respect est une obligation aussi bien pour les
Etats que pour les organisations internationales32.
§2. Conflit inhérent au principe
Il a été précédemment dit que le
principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat
constitue la conséquence nécessaire et directe des deux piliers
du droit des relations internationales, le principe de souveraineté et
celui de l'égalité des Etats qui en est l'indissociable
conséquence. Mais, il faudrait aussi avoir à l'esprit que
l'application de ce principe ne doit pas favoriser la violation d'autres
principes, parfois même jugés supérieurs notamment les
principes de la sauvegarde des droits fondamentaux de la personne.
Visant des matières dont la réglementation
dépend exclusivement du droit national de l'Etat en cause, la
règle de non-intervention a perdu aujourd'hui une bonne part de son
intérêt, car il en est peu qui ne soient plus, d'une
manière ou d'une autre, « internationalisées », comme
en témoigne par exemple le formidable développement contemporain
des droits de la personne33.
Cette conception se justifie par le fait que les peuples sont
titulaires originels de la souveraineté, et que de ce fait, il y a lieu
de redéfinir le
31 BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit,
p.309
32 SALMON Jean (dir.), Dictionnaire du droit
international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p.579 ; TABRIZI SALAH
Ben, Op-cit, p.32
33 VERHOEVEN Joe, Op-cit, p.145
16
concept de souveraineté qui découle de la
théorie selon laquelle l'Etat n'est plus qu'une simple fiction juridique
qui ne peut être réifié, surtout dans un monde où
l'on assiste à la fin de son « tout politique
»34.
Pendant plusieurs années, les Etats et les forces
politiques focalisent leurs discours vers les libertés et sont critiques
à l'égard de la dictature et du totalitarisme35.
Ainsi, le principe de non-ingérence a représenté une sorte
de mur entre les agissements d'un Etat, contraires au respect des droits de
l'Homme, et le droit de regard des autres Etats. Pendant la
décolonisation, la non-ingérence a souvent été
invoquée par les métropoles pour s'opposer à toute
intervention des Nations Unies ou d'un Etat tiers dans les efforts
d'autodétermination de leurs colonies36.
La certitude est que les droits fondamentaux de la personne
méritent qu'on les fasse respecter, dans son propre Etat et même
dans un autre. C'est ainsi que pour trouver une issue à ce conflit,
certains doctrinaires tels que Mario BETTATI ou Bernard KOUCHNER ont
pensé à atténuer le principe de non-ingérence en y
opposant des exceptions.
SECTION 2. EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON-INGERENCE
Puisqu'il est clair que la règle de
non-ingérence a perdu une très grande part de son
intérêt, pour en respecter l'esprit, il semble qu'il faille
aujourd'hui la comprendre différemment37.
Ainsi, les exceptions trouvées par les
auteurs38 pour atténuer ce principe sont l'intervention
d'humanité, l'intervention humanitaire et le droit
34SKOLNIKOFF (E), BREZINSKI (Z) et BASIUK,
cités par TSHILUMBAYI MUSAWU Jean-Claude, De l'obligation de
non-ingérence à l'ingérence droit/devoir et/ou morale
d'extrême urgence d'assistance humanitaire, Mémoire de
diplôme d'études approfondies en droit public international,
Faculté des sciences sociales, administratives et politiques,
Département des relations internationales, UNIKIN, 2006-2008, p.3
35 CHARVIN Robert et SUEUR Jean-Jacques, Droits
de l'homme et libertés de la personne, 2ème
édition, Paris, Litec, 1997, p.4
36 BETTATI Mario et BASTID Suzanne cités par
DOR Virgine, De l'ingérence humanitaire à l'intervention
préventive. Vers une remise en cause des principes du droit
international, Mémoire, Institut européen des hautes
études internationales. Diplôme européen des hautes
études internationales, 2002-2003, p.13
37 VERHOEVEN Joe, Op-cit, p.145
17
d'ingérence humanitaire (§1). En d'autres termes,
ces auteurs ont voulu insérer la notion d'ingérence en droit
international. Ce qui fait qu'il faudra aussi analyser le régime
juridique de la notion d'ingérence, s'il en existe (§2).
§1. Intervention d'humanité, intervention
humanitaire et droit d'ingérence
La doctrine a depuis toujours, si pas développé,
mais classifié les exceptions au principe de non-ingérence. Les
uns ont parlé de l'intervention d'humanité ; d'autres de
l'intervention humanitaire ; et d'autres encore du droit d'ingérence
humanitaire.
A. Intervention d'humanité
L'expression d' « intervention d'humanité »
a, semble-t-il, été inventée par Léon Bourgeois. On
parle parfois également de « protection d'humanité » ou
« d'autoprotection ». Une véritable théorie de
l'«intervention d'humanité » a été
formulée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe
siècle, notamment grâce au belge Gustave
Rolin-Jaequemyns39 et au Français Antoine Rougier (avec une
étude publiée en 1910 dans la Revue générale de
droit international public)40.
L' « intervention (armée) d'humanité »
s'analyse aujourd'hui comme une action unilatérale étatique (un
Etat ou un groupe d'Etats) pour la protection des nationaux de l'Etat ou des
Etats intervenant à l'extérieur de leurs frontières. C'est
une « ingérence soustractive »41.
38 Joe VERHOEVEN, par exemple, retient que dans sa formulation
habituelle, la règle de non-ingérence est
néanmoins assortie de deux tempéraments. Le
premier légitime l'intervention sollicitée. Celle-ci constitue en
réalité une assistance dont la licéité paraît
élémentaire au sein de la « communauté » des
Etats, à la condition au moins que la demande d'aide ne soit pas
entachée de nullité et qu'elle n'ait point pour objet de violer
une règle de jus cogens. Le second concerne l'intervention dite
d'humanité. La licéité de celle-ci demeure très
controversée, en dépit de la manière d'enthousiasme que
suscite aujourd'hui « l'ingérence humanitaire ». Elle ne
semble cependant pas pouvoir être catégoriquement exclue. Lire
VERHOEVEN Joe, Op-cit, p.146
39 Le fondateur de l'institut de droit
international a publié en 1876 dans la Revue de droit international et
de législation comparée une étude sur « le droit
international et la phase actuelle de la question d'Orient », qui
amorçait cette théorie
40 BELANGER Michel, Op-cit, p.87
41 BETTATI Mario, Op-cit, p.204
18
La pratique de l' « intervention d'humanité »
a en fait évolué. Au départ, elle peut être
rapprochée de la pratique actuelle de l'ingérence humanitaire.
Mais elle repose fondamentalement sur l'idée de la défense des
intérêts des Etats intervenant, et s'est orientée
d'ailleurs vers la protection des nationaux de ces Etats, qui résidaient
dans des Etats tiers42. Ce sont d'ailleurs ça les principales
critiques qui avaient été adressées à
l'intervention d'humanité43.
B. Intervention humanitaire
L' « intervention humanitaire » peut être
définie en droit international public moderne comme une action
humanitaire entreprise, conduite ou acceptée par la communauté
internationale en faveur d'une population dont les droits fondamentaux sont
violés. Il s'agit d'une construction juridique, même si la
dimension morale est sous-jacente44.
Certains auteurs pensent même que le principe
d'intervention humanitaire est une extension de l'obligation d'assistance
à une personne en danger. Ils soutiennent que si une personne se trouve
dans une situation très difficile où sa survie est nettement
menacée, il est de notre devoir moral de lui venir en aide. Pour eux, il
s'agit d'un devoir impérieux. Cela n'est pas seulement louable, mais
moralement requis, de manière obligatoire, de venir à son
secours45.
Un obstacle majeur surgit lorsque le territoire de
l'État demeure inaccessible à l'assistance humanitaire parce que
des forces régulières ou irrégulières s'opposent au
transit des secours. Peut-on alors faire usage de la force ? À partir de
1991, le Conseil de sécurité consacre une nouvelle lecture du
chapitre VI puis du chapitre VII de la Charte. Ainsi, en 1992, une
opération de maintien de la paix
42 BELANGER Michel, Op-cit, p.87
43 Lire dans ce même sens BOUSTANY Katia,
« Intervention humanitaire et intervention d'humanité
évolution ou mutation du droit international ? », in Revue
québécoise de droit international, Vol 8 n° 1, 1993-94,
p.111
44 BELANGER Michel, Op-cit, p.90
45 Sur cette thèse morale, voir NADEAU
Christian, « Ingérence humanitaire et jus post bellum », in
Revue Aspects, n°2, 2008, p.54 ; NADEAU Christian, «
Conséquentialisme et Responsabilité collective »,
in Archives de philosophie du droit, n°48, 2004, pp.239-252
19
classique, sous casque bleu, l'Onusom I (Opération des
Nations unies en Somalie)46 a été mise en place par le
Conseil de sécurité avec pour tâche « d'assurer aux
convois de secours des Nations Unies une escorte militaire suffisamment forte
pour décourager les attaques » (résolution 751 du 24 avril).
Mais cette opération demeure insuffisante et le Conseil de
sécurité décide, en 1993, dans sa résolution 794,
d'autoriser l'action de forces nationales. Sous le nom de Restore
hope, la nouvelle opération se déploie parallèlement
à l'élargissement du mandat de la force des Nations Unies,
décidé par la résolution 814 le 26 mars 1993. Onusom II
est la première opération autorisée à recourir
à la force en vertu du chapitre VII de la Charte. Elle mobilise des
forces nationales de plusieurs pays.
Il y a différents types d'interventions humanitaires :
la protection des nationaux de l'Etat intervenant, la protection des nationaux
de l'Etat où se situent l'intervention et la protection « mixte
» (la protection des minorités entre dans ce cadre). La
théorie de l' « intervention humanitaire » repose sur
l'idée d'un droit de regard humanitaire. Elle envisage ce que l'on peut
appeler une régulation humanitaire (comme on parle de régulation
économique). La construction juridique de
l' « intervention humanitaire » établit une
distinction entre : un droit général d'intervention humanitaire,
dont les mécanismes principaux sont la saisine du Conseil de
Sécurité (ou de l'Assemblée Générale) de
l'ONU (avec l'article 35 §1 de la Charte de l'ONU), la saisine du
Comité des Droits de l'Homme (dans le cadre de l'application du pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966), ou encore la procédure de l'enquête sanitaire
internationale selon le règlement sanitaire de l'OMS ; et un droit
d'intervention humanitaire ad hoc, fondé sur l'article 51 de la Charte
de l'ONU47.
Rappelons, à ce stade, que l'intervention humanitaire
armée a toujours constitué un problème controversé
en relations internationales. Elle est comprise comme l'action d'un Etat ou
d'un groupe d'Etats cherchant à prévenir ou à
46 CORTEN Olivier et KLEIN Pierre, «
L'autorisation de recourir à la force à des fins humanitaires :
droit d'ingérence ou retour aux sources? », in 4 EJIL, 1993,
p. 506
47 BELANGER Michel, Op-cit, p.90
20
mettre un terme à des violations graves des droits de
la personne et usant, pour ce faire, de mesures coercitives sans obtenir au
préalable la permission de l'Etat sur le territoire duquel ces mesures
sont employées. Est exclue, dans cette définition, une
intervention qui serait engagée par un Etat en vue d'apporter un secours
à des individus qui sont des co-auteurs48.
Ayant été généralement
considérée comme contrevenant aux normes établies du droit
international, la pratique de l'intervention humanitaire a été
condamnée par la plupart d'Etats. Il a fallu attendre les bombardements
de l'OTAN en République Fédérale de Yougoslavie pour que
le débat sur la légitimité de l'intervention humanitaire
s'enflamme49. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les
rédacteurs de la Charte des Nations Unies en ont écarté
explicitement la possibilité.
C. Existence d'un éventuel droit
d'ingérence humanitaire
L'article 2 §4 de la Charte de l'ONU interdit le recours
à l'emploi de la force « soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
Certains auteurs ont alors conclu que la règle de l'interdiction du
recours à la force ne pourrait pas concerner les interventions
humanitaires.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Mario BETTATI a
soutenu que d'après cette interprétation de l'article 2 §4
de la Charte, certains recours à la force sont permis50. Si
on raisonne de cette façon, les recours, qui ne sont pas dirigés
« contre l'intégrité territoriale ou indépendance
politique de tout Etat » ou qui ne s'opèrent pas « de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies », sont
autorisés51. Il concevait le droit d'ingérence
humanitaire comme «
48 THIBAULT Jean-François, «
L'intervention humanitaire armée, du Kosovo à la
responsabilité de protéger : le défi des critères
»,in Annuaire français des relations internationales, Volume
X, 2009, p.1
49 Lire L'intervention humanitaire : Un
problème éthique, Document du Conseil OEcuménique des
Eglises du 17 avril 2000, Suisse, p.1
50 BETTATI Mario, « Un droit d'ingérence ?
», in R.G.D.I.P, tome 95, 1991/3, p.649
51 Lire dans ce même ordre d'idée
LABRECQUE Georges, La force et le droit. Jurisprudence de la cij,
Bruxelles, édition Yvon Blais, Bruylant, 2008, pp.4-22
21
l'aménagement d'un nouvel espace juridique
où se trouveraient indissolublement liés la légitimation
de l'intervention humanitaire et le principe fondamental de
l'indépendance et de la non soumission de l'Etat à l'égard
de l'extérieur »52.
Outre cela, l'exclusion indiscutable des droits de l'homme du
domaine réservé des Etats53 a conduit certains auteurs
et certains Etats à proposer la consécration d'un devoir ou droit
d'ingérence (ou d'intervention) humanitaire, en vertu duquel les Etats
ou les ONG seraient fondés à apporter une aide d'urgence aux
populations se trouvant en état de détresse54. Le mot
a ici une fonction justificative de l'intervention dans les affaires d'un autre
Etat55.
Le texte fondateur de ce droit est la résolution 688 du
Conseil de Sécurité de l'ONU du 5 avril 1991 à propos des
populations civiles irakiennes56. Ce droit trouve aussi ses origines
dans l'allocution du Président François MITTERAND du 14 juillet
1991. Ce qui revient à dire que c'est la France qui a pris l'initiative
de ce nouveau « droit » assez extraordinaire dans l'histoire du
monde, qui est une sorte de droit d'ingérence à
l'intérieur d'un pays, tel que signalé ci-haut, lorsqu'une partie
de sa population est victime d'une persécution57.
Partant de cela, les Etats ont depuis des siècles
tenté de justifier leurs interventions armées dans les affaires
intérieures des autres Etats par des motifs nobles tels que la
défense des droits de l'homme, la défense des minorités,
celle de leurs ressortissants expatriés ou d'autres motifs
d'humanité58.
52 BETTATI Mario, Le droit d'ingérence :
mutation de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, p.9. En
outre, promoteur de cette notion de droit d'ingérence, Mario BETTATI
affirmait que celle-ci est née de l'universalité des droits de
l'homme qui autorise la communauté internationale à demander aux
gouvernements des comptes sur leur manière de traiter leurs sujets.
53 L'arrêt Barcelona Traction de la C.I.J de
1970 déclarait déjà que les droits de l'homme
n'étaient plus de la compétence exclusive des Etats, mais
relevaient désormais de la compétence internationale ; lire aussi
MENNA Yohan, Op-cit, p.3
54NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias
et PELLET Allain, Op-cit, 2009, p.493
55 SALMON Jean (dir.), Op-cit, p.579
56 BELANGER Michel, Op-cit, p.93
57 Lire SALMON Jean (dir.), Op-cit, p.580
58 BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit,
p.310
22
En effet, Bernard KOUCHNER, l'un des pères fondateurs
de cette notion, affirme, d'une part, que de manière
générale, l'ingérence ne peut se mener au nom d'un Etat,
mais doit être collective et, d'autre part, il qualifie de
licites59 des opérations militaires menées de
manière unilatérale sans le consentement du Conseil de
sécurité telles l'opération Provide Confort qui
s'est déroulé en avril 1991 dans le Kurdistan
iraquien60.
Mais les ambigüités61 qui entouraient
cette notion n'ont pas permis aux Nations Unies de la consacrer. Car l'ONU ne
voulait pas consacrer une notion inverse au principe sacro-saint sur base
duquel elle a été créée, le principe de non
ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat.
Qu'à cela ne tienne, l'humanité a
assisté, dans les années 90, à des opérations
menées sous la bannière de l'ingérence telles que: les
opérations «Provide Confort » au Kurdistan iraquien
1991(première opération militaire occidentale s'appuyant sur le
droit d'ingérence), les opérations « Restore Hope
» en Somalie 1992 (opération menée par 2800 hommes des
troupes italiennes en Somalie pour mettre un terme à l'anarchie qui
régnait en Somalie de manière à restaurer un standard de
vie et des conditions minimales d'existence dans ce pays), l'opération
« Turquoise » au Rwanda 1994 (opération menée
par la France au Rwanda en 1994 pour protéger les populations de la
guerre génocidaire qui déchirait le pays).
L'on ne doit donc pas être tenté de croire, comme
il en a été le cas avec ses partisans, que la doctrine
d'ingérence humanitaire se justifiait par la
59 KOUCHENR Bernard, Le malheur des autres,
Paris, Editions Odile Jacob, 1991, p.291
60TSAGARIS Konstantinos, Le droit
d'ingérence humanitaire, Mémoire de DEA, Université
de Lille II - Faculté de Sciences Juridiques, Politiques, et Sociales,
Année Universitaire 2000-2001, p.26
61 Pour les ambigüités de la notion du
droit d'ingérence lire BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit,
2006, p.310 ; NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET
Allain, Op-cit, 2009, p.493 ; BULA-BULA Sayeman, « L'idée
d'ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial »,
in RADIC, Vol.6 n°1, 1994, p.15 ; BULA-BULA Sayeman,
L'ambigüité de l'Humanité en droit international,
Leçon inaugurale à l'occasion de la rentrée
académique 1998-1999 des Universités officielles du Congo,
Académie des Beaux-Arts, Kinshasa, le 29 novembre 1998, Kinshasa, PUK,
1999, p.4 ; DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, « Le droit d'ingérence
humanitaire : Un droit aux fondements incertains, au contenu imprécis et
à géométrie variable », in Revue
africaine de droit international et comparé (RADIC), vol.4, n°
3. Londres, La société africaine de droit international et
comparé, 1999 ; KDHIR Moncef, Op-cit, p.901 ; BELANGER Michel,
Op-cit, p.89
23
pratique des interventions armées qui ont abouti
à une coutume. Cette pratique ne suffit pas en elle-même pour
établir une coutume. Car dans l'affaire des Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la C.I.J
admît que pour déduire l'existence de règles
coutumières, il est suffisant que les Etats y conforment leur conduite
de manière générale. Pour la Cour, les Etats doivent
traiter eux-mêmes les comportements non conformes à la
règle en question comme des violations à celle-ci et non pas
comme des manifestations d'une règle nouvelle. La Cour ajoute, en outre,
que la pratique ne peut être prise en compte que si elle illustre un
accord entre les Etats, qui constituerait une opinion juris
démontrant l'existence d'une règle coutumière.
Mais la question qui se pose est celle de savoir s'il existe
un régime juridique de la notion d'ingérence. Si oui, c'est
lequel ?
§2. Eventuel régime juridique de
l'ingérence
Michel BELANGER souligne que l'ingérence en droit
international public se définit par rapport aux compétences des
Etats sur leurs « affaires intérieures ». Le droit
international public se trouve aujourd'hui confronté à la
tentative d'élaboration d'une théorie de l' «
ingérence humanitaire », qui est, pour partie du moins, en voie de
systématisation, d'après le même auteur62. Mais
à ce jour, il convient d'admettre que le débat sur
l'éventuelle codification de l'ingérence humanitaire est
dépassé.
Les comportements constitutifs d'ingérence sont
difficilement justiciables d'un principe général : outre que
certains sont de toute façon prohibés par des règles
particulières du droit international (la menace d'emploi de la force),
ils sont enclos entre deux réalités contradictoires. D'un
côté, ils ont ouvertement pour but d'orienter des décisions
qui ressortissent au pouvoir discrétionnaire de l'Etat et affectent sa
liberté résiduelle dans des conditions qui devraient conduire
à les condamner en toute hypothèse. Mais de l'autre, ils prennent
généralement une forme
62 BELANGER Michel, Op-cit, p.89
24
exclusivement verbale, quelquefois normative (un jugement de
valeur approuvant ou condamnant une conduite, l'annonce d'un comportement
à venir de l'auteur de l'ingérence etc.) et, lorsqu'ils
comportent une pression de l'auteur sur le destinataire, elle consiste le plus
souvent dans le fait pour le premier d'agir dans tel sens ou dans tel autre,
également conformes au droit international, suivant que le second se
conformera ou non à son voeu ;ainsi de l'Etat et de l'organisation
internationale qui subordonnent l'octroi d'une assistance, financière ou
autre, qu'ils ne sont nullement obligés d'accorder en tout cas, à
une certaine orientation politique ou économique de son
bénéficiaire potentiel63.
L'ingérence relève d'une nouvelle conception du
rôle de l'Etat en tant qu'acteur des relations internationales. On
assiste à un affaiblissement de la souveraineté étatique
et de l'aptitude de l'Etat de gérer seul ses affaires
intérieures. Il s'agit, pour les défenseurs de l'ingérence
humanitaire, de ne plus permettre à l'Etat de se prévaloir de sa
souveraineté pour tolérer, voire même perpétrer en
toute impunité, des violations massives des droits de l'homme, droits
supérieurs permettant de dépasser les principes de
souveraineté étatique et de non ingérence que s'appuient
également les formes d'ingérence judiciaires mises en place avec
les tribunaux pénaux internationaux pour les crimes commis en ex
Yougoslavie et au Rwanda et la Cour Pénale
Internationale64.
L'ingérence constitue donc « l'immixtion sans
titre d'un Etat ou d'une organisation intergouvernementale dans les affaires
qui relèvent de la compétence exclusive d'un Etat tiers
»65. Erigée en interdiction formelle par les Etats, elle
reflète toute l'importance que ceux-ci accordent à la
prééminence du principe de la souveraineté en droit
international66.
63 COMBACAU Jean et SUR Serge, Op-cit,
p.255
64 DOR Virgine, Op-cit, p. 32
65BETTATI Mario, Le droit d'ingérence :
mutation de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, p.12
;L'auteur précise que cette définition exclut les personnes
privées et les ONG
66 MENNA Yohan, Le « droit
d'ingérence humanitaire » : Réflexions sur un paradoxe,
Texte réalisé dans le cadre du cours de Politique
étrangère et aide humanitaire, Diplôme d'études
spécialisées en Sciences politiques et Relations internationales,
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques,
Département des Sciences politiques et sociales, Unité de Science
politique et de Relations internationales, Université Catholique de
Louvain, 2002-2003, p.2
25
Il existe deux types d'ingérence humanitaire à
savoir : l'ingérence humanitaire non armée et l'ingérence
humanitaire armée. Ce dernier donne lieu à un débat. Il
soulève en particulier le problème de l'interprétation de
l'article 2 §4 de la Charte de l'ONU, portant interdiction du recours
à la force. Il existe, à côté, trois formes
principales de l'ingérence que l'on peut appliquer à l' «
ingérence humanitaire » : l'ingérence avec l'accord de
l'Etat où se situe l'ingérence, l'ingérence en dehors de
tout accord de l'Etat concerné et l'ingérence en situation
d'inexistence des structures étatiques (exemple de la Somalie en
1992)67.
En effet, l'engouement pour l'humanitaire68 auquel
on assiste depuis 1980 lequel ne laisse pas indifférentes des
associations privées dites ONG (MSF, MDM, RSF, Pharmacie sans
frontières, Ingénieurs sans frontières...) ne doit pas
être catégorisé dans la conception d'ingérence. Car,
depuis toujours, le droit international ne considère pas les actions de
ces ONG comme une ingérence.
Il convient de signaler qu'il a existé quatre
périodes successives dans la mise en oeuvre de l' «
ingérence humanitaire » : la période de l' «
ingérence immatérielle » (1948-1968) avec la défense
internationale des droits de la personne humaine, la période de l'«
ingérence caritative » (1968-1988) avec une ingérence
matérielle de la part notamment d'ONG (comme Médecins sans
frontières à partir de la guerre du Biafra), la période de
l' « ingérence forcée » (depuis 1988) avec une
ingérence également matérielle de la part de la
communauté internationale, en particulier avec l'établissement
d'un droit d'ingérence humanitaire financier (résolution 706 et
986 du Conseil de Sécurité de l'ONU) et le temps de l'«
ingérence dissuasive » avec une ingérence aussi bien
matérielle qu'immatérielle axée sur la prévention
des crises69.
La notion d'ingérence n'étant pas compatible
avec les principes de non-ingérence et d'interdiction du recours
à la force consacrés par la Charte de
67 BELANGER Michel, Op-cit, p.91
68 BULA-BULA Sayeman, Droit international
humanitaire, Bruxelles, Academia Bruylant, 2010, p.63
69 BELANGER Michel, Op-cit, p.91 ; KDHIR
Moncef, « Pour le respect des droits de l'homme sans droit
d'ingérence », in Rev. trim. dr. h., 2002, p.901
70 MONOFORTAIN Domond, L'ingérence au
nom du respect des droits de l'homme, Mémoire de Maîtrise en
droit, LL.M.de l'Université de Québec à Montréal,
Département des Sciences juridiques, 1999, p.2
26
l'ONU, il fallait, dans ce cas, penser à la mise en
place d'une nouvelle notion qui sera compatible avec le droit international.
D'où l'avènement de la responsabilité de
protéger.
SECTION 3. UNE NOUVELLE APPROCHE : « LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER »
L'une des responsabilités pesant sur le pouvoir de
l'Etat est de promouvoir la sécurité, le bien-être des
citoyens. A défaut pour un Etat de remplir cette obligation, la
communauté internationale devrait pouvoir venir en aide aux
populations70. Telle est la nouvelle approche par le droit
international de la notion de la souveraineté de l'Etat.
Il sera question, dans un premier temps, de donner l'origine
du principe de la responsabilité de protéger et de montrer
comment on est arrivé à le consacrer (§1) ; dans un
deuxième temps, seront analysés la nature, le fondement juridique
et les principes de l'obligation de protéger (§2) et enfin, cette
obligation sera analysée par rapport au cadre juridique de son lancement
(§3).
§1. Origine et consécration
A. Origine
Le droit d'intervention humanitaire a connu des
difficultés pour son acceptation par les Etats tel qu'il a
été souligné précédemment. Toutes les
puissances capables d'intervenir militairement ont été
critiquées aussi bien lorsqu'elles ont agit pour protéger des
populations en danger comme en Somalie, en Bosnie et au Kosovo.
27
Il a fallu attendre le défi lancé par le
Secrétaire Général de l'ONU à l'Assemblée
Générale des Nations Unies en 1999 puis en 2000 pour parvenir une
fois pour toutes à un consensus sur ce problème (d'intervention
humanitaire).
Ce défi se résume en ces termes : «
...si l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte
inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir
face à des situations comme celles dont nous avons été
témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations
flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont
à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre
condition d'êtres humains ? »71.
C'est faisant suite à cette grande préoccupation
que le gouvernement du Canada et un groupe de grandes fondations vont annoncer
à l'Assemblée Générale le 14 septembre 2000
l'inauguration de la CIISE qui devait élaborer, après un an, le
rapport intitulé « La responsabilité de protéger
».
Il convient de signaler que ce rapport a été
élaboré en s'inspirant de certains travaux des Nations Unies tels
que le rapport mondial sur le développement humain de 1994, le rapport
Brahimi du 21 août 2000 sur les opérations de paix etc. En
d'autres termes, le rapport sur la responsabilité de protéger
n'est qu'une ramification des travaux des Nations Unies tel qu'il sera vu plus
loin.
Ainsi, après avoir donné l'origine de la
responsabilité de protéger, la question cruciale qui reste c'est
celle relative à sa consécration.
B. Consécration
Quand bien même que la CIISE se soit penchée sur
l'élaboration du rapport sur la responsabilité de
protéger, cette dernière reste toujours une doctrine onusienne
puisque consacrée dans le cadre onusien.
71 CIISE, Op-cit, pp.VII-VIII, p.89
28
En effet, c'est au sommet de l'Assemblée
Générale des Nations Unies qui s'est tenu du 14 au 16 septembre
2005 à New York que les chefs d'Etat et de gouvernement réunis
vont consacrer le principe de la responsabilité de protéger dans
le document final dudit sommet. Dans les §138 et 139 de ce document, ils
vont reconnaitre la responsabilité qui incombe, d'abord, à chaque
Etat de protéger sa population contre le génocide, les crimes de
guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité
(§138) ; ensuite à la communauté internationale de prendre
des moyens pacifiques lorsque l'Etat en question ne parvient pas à
protéger la population. Dans le cas extrême, recours sera fait
à la force (§139)72. L'Assemblée
Générale va réitérer ces mêmes propos dans sa
résolution 63/308 sur la responsabilité de protéger du 07
octobre 200973.
Il a ensuite fallu attendre une année plus tard pour
que le Conseil de Sécurité des Nations Unies évoque pour
la première fois la responsabilité des Etats de protéger
les populations dans ses résolutions 1674 du 28 avril 2006 et 1706 du 31
août 200674. Dans la première résolution, le
Conseil de Sécurité ne fait que réaffirmer dans le §4
de ladite résolution les §138 et 139 du Document final du sommet de
2005. Par contre, dans la seconde, le Conseil mettra en application la
responsabilité de protéger pour la première fois au
Darfour au Soudan.
C'est cette consécration qui justifie le fait que la
responsabilité de protéger est une doctrine onusienne. Dans les
pages qui suivent, nous reviendrons en détail sur certains aspects de
ladite consécration.
Analysons à présent la nature, le fondement
juridique et le principe de l'obligation de protéger.
72 A/60/L.1 du 20 septembre 2005, Application
et suivi intégrés et coordonnés des textes issus des
grandes conférences et réunions au sommet organisées par
les Nations Unies dans les domaines économique et social et dans les
domaines connexes, Document final du sommet mondial de 2005,
§§138-139
73Résolution 63/308 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies sur la responsabilité de
protéger du 07 octobre 2009 (A/RES/63/308).
74 Résolution 1674 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1674 (2006) et
Résolution 1706 du Conseil de sécurité des Nations Unies,
S/RES/1706 (2006).
29
§2. Nature, fondement juridique et principes de
l'obligation
Etant une nouvelle approche, la responsabilité de
protéger nécessite dans son analyse, d'une part, que l'on se fixe
sur sa nature pour mieux la cerner ; d'autre part, qu'il soit connu ses assises
juridiques et enfin qu'il soit relevé les principes qu'il renferme en
son sein.
A. Nature
De prime abord, il y a lieu de rappeler que le concept de
responsabilité de protéger est apparu en 2002, dans le sillage du
rapport Brahimi75 sur les opérations de paix. La Commission
internationale de l'intervention et de la souveraineté des États
délivre alors un rapport sur le principe et les modalités de la
Responsabilité de protéger. Les conclusions de cette
réflexion seront reprises, en 2005, par le rapport du Groupe de Haut
Niveau sur les menaces, les défis et le changement. Un État qui
faillirait à son devoir de protection envers sa population civile «
activerait » une responsabilité « subsidiaire » de la
communauté internationale (cas de crime de guerre,
génocide)76. Telle est la clé de voûte de cette
notion.
L'obligation de protéger appartient premièrement
au sujet primaire du droit international qu'est l'Etat. A travers la
responsabilité de protéger, l'Etat est appelé à
s'acquitter d'une obligation liée intrinsèquement à sa
souveraineté. Cette obligation devient un droit pour ses nationaux.
Autrement dit, en droit international, il s'agit d'une obligation purement
moderne car les raisons d'être d'un Etat moderne aujourd'hui se
résument en l'aptitude pour celui-ci de permettre à chaque
citoyen de réaliser ses aspirations, en la protection des personnes et
des biens77.
75 Les difficultés rencontrées par
les troupes de l'ONU pendant la décennie 1990 ont toutefois
démontré que des réformes plus profondes que celles
contenues dans l'Agenda pour la paix étaient
nécessaires. D'où la publication du Rapport Brahimi en août
2000 ; Lire aussi HATTO Ronald, « Les propositions de réforme du
maintien de la paix des Nations Unies. De Boutros-Ghali au rapport Brahimi
», in Collection Logiques Politiques, 2006, p.11
76 Les opérations internationales de
maintien de la paix et le droit humanitaire, Document du
3ème forum mondial des droits de l'homme à Nantes du
30 juin au 03 juillet 2008, p.6
77 A ce sujet, la CIISE pense que
l'évolution du droit international a imposé de nombreuses limites
à la liberté d'action des Etats, et ce pas seulement dans le
domaine des droits de l'homme. La notion émergente de
sécurité humaine a suscité de nouvelles exigences et de
nouvelles attentes concernant la manière dont les Etats traitent leur
propre peuple. CIISE, Op-cit, p.8
30
Puisque la responsabilité de protéger pose le
problème d'intervention humanitaire, c'est de l'analyse de cette
dernière que l'on peut mieux appréhender la nature de la
responsabilité de protéger et ce qui la différencie des
notions examinées précédemment.
Le crime de génocide, les crimes contre
l'humanité, les crimes de guerre, et le crime d'agression sont
qualifiés de « crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la
Communauté internationale » par le Statut de la Cour Pénale
Internationale78. Il en va de soi qu'il pèse sur la
Communauté internationale un devoir d'agir par leur prévention et
leur sanction79. Le rapport sur la responsabilité de
protéger rédigé par la CIISE se situe dans cette
manière de voir les choses. Il repose sur le postulat suivant : «
Quand une population souffre gravement d'une guerre civile, d'une
insurrection, de la répression exercée par l'Etat ou de
l'échec de ses politiques, et lorsque l'Etat n'est pas disposé ou
apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les
éviter, la responsabilité internationale de protéger prend
le pas sur le principe de non ingérence »80.
L'aboutissement remarquable de cette
évolution81 est à observer dans l'Acte constitutif de
l'Union Africaine lorsqu'il énonce, parmi les principes de
l'Organisation, le « droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur
décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves,
à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre
l'humanité82 ».
Cette expression « responsabilité de
protéger » a été préférée
dans le rapport élaboré par la CIISE aux notions plus
controversée de « droit d'ingérence » ou « devoir
d'ingérence »83 parce que c'était une occasion
pour l'ONU
78 Article 5 du Statut de la Cour Pénale
Internationale du 1er juillet 2002
79 Lire à ce propos ABDELWAHAB Biad,
Droit International Humanitaire, 2ième
édition, Paris, Ellipses, collection « Mise au point », 2006,
p.92
80 CIISE, « La responsabilité de
protéger », Ottawa, Centre de recherche pour le
développement international, décembre 2001,
co-présidé par Mohammed Sahnoun et Gareth Evans. Voir aussi
A/59/2005 du 24 mars 2005, Le développement, sécurité
et respect des droits de l'homme pour tous, Rapport du Secrétaire
Général
81 NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias
et PELLET Allain, Op-cit, p.494
82 Article 4h de l'Acte constitutif de l'Union
Africaine du 11 juillet 2000
83 BETTATI Mario, Op-cit, p.15
31
de définir les règles d'un nouveau comportement
de la Communauté internationale face aux violations des droits de
l'homme et du DIH, règles qui soient compatibles avec la
souveraineté des Etats84.
La responsabilité de protéger, comme dit
ci-haut, incombe d'abord à l'Etat. La communauté internationale
n'étant qu'un simple garant. C'est ici que trouve place la grande
sagesse de M.Boutros-Ghali telle que reprise dans le Rapport sur
l'activité de l'Organisation pour 1991 lorsqu'elle souligne dans ses
conclusions qu' «il n'y a pas lieu de s'enfermer dans le dilemme
respect de la souveraineté-protection des droits de l'homme. L'ONU n'a
nul besoin d'une nouvelle controverse idéologique. Ce qui est en jeu, ce
n'est pas le droit d'intervention, mais bien l'obligation collective qu'ont les
Etats de porter secours et réparation dans les situations d'urgence
où les droits de l'homme sont en péril ».
Il en résulte que la responsabilité de
protéger est l'expression même de cette obligation collective
qu'ont les Etats vis-à-vis de leurs nationaux. C'est ainsi que les
organes principaux des Nations Unies ont fait de l'assistance humanitaire
l'objet premier de l'intervention collective et la justification de
l'interposition armée dans certaines zones ainsi que
l'embargo85.
B. Fondement juridique
Le monde a régulièrement été
incapable de prévenir et d'interrompre les atrocités de masse
(génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité et
nettoyage ethnique) comme en ont témoigné l'Holocauste, les
génocides en Arménie, en Bosnie, au Cambodge, et au Rwanda ainsi
que les crimes contre l'humanité au Kosovo, au Timor oriental et au
Darfour. Ces échecs ainsi que les souffrances incommensurables et la
perte de millions de vies qui en ont découlé ont
déclenché le mouvement du « Plus jamais ça ! ».
Les situations vécues au Darfour, en République
Démocratique du Congo et en Birmanie rendent plus important que
jamais
84 Consulter ABDELWAHAB Biad, Op-cit, p.92
85 NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias
et PELLET Allain, Op-cit, p.494
32
le nouvel engagement des gouvernements du monde entier dans la
lutte contre les atrocités de masse86.
Ainsi dit, les fondements de la responsabilité de
protéger en tant que principe directeur pour la communauté
internationale des États reposent87 sur : - les obligations
inhérentes à la notion de souveraineté;
- l'Article 24 de la Charte de l'ONU, qui confère au
Conseil de Sécurité la responsabilité du maintien de la
paix et de la sécurité internationales;
- les impératifs juridiques particuliers
énoncés dans les déclarations, pactes et traités
relatifs aux droits de l'homme et à la protection des populations, le
droit international humanitaire et la législation nationale;
- la pratique croissante des États et des organisations
régionales, ainsi que du Conseil de Sécurité
lui-même.
C. Principes de l'obligation
Lors du Sommet mondial de 2005 de l'ONU, après avoir
reconnu qu'ils n'avaient pas su répondre de manière
adaptée aux crimes les plus haineux, les dirigeants du monde entier se
sont engagés à protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité. Cet engagement, connu sous le nom de
Responsabilité de Protéger, prévoit que88 :
1. C'est à chaque État qu'il incombe de
protéger les populations des atrocités de masse ;
2. La communauté internationale a la
responsabilité d'aider les États à assumer leurs
responsabilités ;
3. La communauté internationale doit mettre en oeuvre
les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques
appropriés pour protéger les populations de ces crimes. Si un
État ne parvient pas à protéger sa population ou s'il est
lui-même
86 La responsabilité de protéger
: une nouvelle norme pour prévenir et interrompre les atrocités
de masse, Document de la coalition internationale sur la
responsabilité de protéger, p.1
87 CIISE, Op-cit, p. XI
88 La responsabilité de protéger
: une nouvelle norme pour prévenir et interrompre les atrocités
de masse, Document de la coalition internationale sur la
responsabilité de protéger, p.1
33
l'auteur des crimes, la communauté internationale doit
être prête à prendre des mesures plus contraignantes,
notamment le recours collectif à la force à travers le Conseil de
sécurité de l'ONU.
Ces principes qui forment le socle même de la
responsabilité de protéger peuvent être
résumés comme suit :
- la souveraineté des États implique une
responsabilité, et c'est à l'État lui-même
qu'incombe, au premier chef, la responsabilité de protéger son
peuple.
- quand une population souffre gravement des
conséquences d'une guerre civile, d'une insurrection, de la
répression exercée par l'État ou de l'échec de ses
politiques, et lorsque l'État en question n'est pas disposé ou
apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les
éviter, la responsabilité internationale de protéger prend
le pas sur le principe de non-intervention89.
En effet, la doctrine onusienne, la responsabilité de
protéger, élaborée par la CIISE va bien au-delà de
la théorie du «droit d'ingérence humanitaire»
formulée à la fin des années 1980 par Mario BETTATI et
Bernard KOUCHNER. Elle se veut à la fois plus précise (son champ
d'application est limité aux crimes de génocide, crimes contre
l'humanité, crimes de guerre et nettoyages ethniques) et plus ambitieuse
: alors que le droit d'ingérence ne préconisait que le recours
à la force pour «protéger les convois humanitaires... et les
victimes face à leurs bourreaux», la responsabilité de
protéger vise également la «prévention des
conflits» et la «reconstruction des
sociétés»90.
§3. Analyse par rapport au cadre juridique du
lancement du principe
Bien qu'étant lancé dans le cadre du chapitre
VII de la Charte de l'ONU, le principe de la responsabilité de
protéger ne s'inscrit pas toujours dans le contexte traditionnel de la
sécurité collective tel qu'il sera vu dans le deuxième
chapitre de cette partie. Donc, il y a lieu de le signaler dès le
départ pour ne pas tomber
89 CIISE, Op-cit, p. XI
90 WEISSMAN Fabrice, « La
responsabilité de protéger : le retour à la tradition
impériale de l'humanitaire », in Les analyses du Crash-MSF,
2010, p.2
34
dans la confusion obligation de protéger égale
mécanisme traditionnel de sécurité collective. Cela se
justifie dans la mesure où la sécurité collective concerne
avant tout les relations entre Etats. Ainsi, le chapitre VII comme cadre
juridique du lancement de ce principe, le rôle du Conseil de
Sécurité et de l'Assemblée Générale comme
autorité de substitution ne seront traités dans le cadre de la
responsabilité de protéger que parce que le concept de la
sécurité collective a été élargi aux
violations des droits de l'homme qui s'observent dans un Etat quelconque et qui
peuvent même menacer la paix et la sécurité
internationales91.
A. Le lancement du principe dans le cadre du recours au
chapitre VII de la Charte de l'ONU
Depuis le génocide au Rwanda, la communauté
internationale a pris un plus grand rôle de responsabilité dans
certaines situations où les gouvernements souverains manquent à
leur devoir d'assurer la sécurité et le bien-être de leurs
populations. Pendant des dizaines d'années, en respect de l'Article 2
§7 de la Charte des Nations-Unies qui souligne le principe de
non-intervention dans les questions relevant de la juridiction domestique des
pays, la communauté internationale n'a pas fait de commentaires sur les
situations dans lesquelles les personnes souffraient de terribles violations
des droits de l'homme dans un climat d'impunité pour leurs auteurs.
Toutefois, ces dernières années, il s'est produit une
évolution depuis le concept de souveraineté absolue vers la
souveraineté responsable de la protection des civils et de la
prévention des violations sérieuses et des atrocités en
masse92.
91 La Charte prévoit que le Conseil de
Sécurité est responsable en matière de paix
internationale. Il n'a pas pour mission le maintien de la paix à
l'intérieur des Etats ou encore la vérification du respect des
droits de l'homme ou des principes de droit humanitaire. Force est de constater
que la notion de la sécurité collective a évolué et
s'applique même en cas de violation des droits de l'homme, de violation
grave du droit humanitaire ou de violation de la démocratie. Car,
relativement aux droits de l'homme, ces derniers font l'objet d'une
internationalisation progressive. Le Conseil de Sécurité a
reconnu qu'une violation massive des droits de l'homme pouvait désormais
fonder sa compétence, sur la base du chapitre VII. Dans la
résolution 688 ( 1991), il a admis que « la répression des
populations civiles irakiennes dans de nombreuses parties de l'Irak, (...) a
conduit à un flux massif de réfugiés vers de
frontières, qui menacent la paix et la sécurité
internationales dans la région ». Le caractère massif de la
violation des droits de l'homme la transforme en un crime contre
l'humanité et elle devient de la sorte d'intérêt
international. Le comportement d'un Etat envers une partie de sa population
n'est plus une affaire intérieure, bien que la résolution 688 se
réfère tout de même à l'article 2 §7 de la
Charte. Lire PETIT Yves, Droit international du maintien de la paix,
Paris, L.G.D.J, 2000, pp.50-54
92 Lire CIISE, Op-cit, pp.8-9
35
Dans cette optique, la responsabilité de
protéger est venue renforcer le chapitre VII de la Charte de l'ONU. Ce
qui fait que, dans le cadre de ce principe, il faut par moment passer par les
articles 39 et 49 de la Charte de l'ONU pour toute intervention.
En effet, aux termes de ces articles, « le Conseil de
Sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une
rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou
décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41
et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité
internationales93 ». Afin d'y parvenir, « les
membres des Nations Unies s'associent pour se prêter mutuellement
assistance dans l'exécution des mesures arrêtées par le
Conseil de Sécurité94 ».
C'est donc dans le Chapitre VII qu'est énoncé
l'élément crucial de la responsabilité de protéger.
Le Chapitre VII décrit les mesures que le Conseil de
Sécurité peut prendre lorsqu'il « constate l'existence d'une
menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte
d'agression95. Aux termes du rapport de la CIISE, les dispositions
générales du Chapitre VII, l'autorisation expresse de la
légitime défense prévue par l'Article 51, et les
dispositions du Chapitre VIII, constituent à elles trois une source
d'autorité importante pour faire face à tout type de menace
à la sécurité96.
B. Rôle du Conseil de Sécurité de
l'ONU
Il a été dit, ci-haut, que la
responsabilité de protéger pose le problème d'intervention
humanitaire. Mais puisqu'il est difficile, dans ce contexte, de concevoir une
action unilatérale d'un Etat, il convient donc d'associer le Conseil de
Sécurité pour toute intervention qu'elle soit non militaire ou
militaire. Car le fait d'agir
93 Article 39 de la Charte des Nations Unies du 26
juin 1945. Cette disposition confère au Conseil de
sécurité un pouvoir de qualification de la situation. Avant
d'engager contre un Etat des mesures conservatoires ou de contrainte, il doit
au préalable déterminer la nature exacte des faits.
94 Article 49 de la Charte des Nations Unies du 26
juin 1945
95 CIISE, Op-cit, p.51
96 Idem, p.52
36
seul pourrait devenir un prétexte évoqué
par les puissants pour leurs actions sur le territoire d'un autre Etat.
D'où il faut des garde-fous. Ainsi, c'est dans cette optique que se
justifie le lancement du principe par le Conseil de Sécurité en
cas d'intervention de la communauté internationale. Il convient aussi de
préciser que, hors mis sa nouvelle terminologie, la
responsabilité de protéger n'est pas une nouveauté en soi
parce que, comme il a été précédemment dit et comme
il le sera plus loin, ce principe ne fait que renforcer ce qui était
déjà prévu dans le cadre du Chapitre VII de la Charte de
l'ONU.
C'est ici qu'il importe de souligner la reconnaissance de ce
principe par le Conseil de Sécurité. C'est dans la
résolution 1674 du 28 avril 2006 reprenant les dispositions
développées dans le document final du sommet final de l'ONU en
2005 tel que dit ci-haut que le Conseil de Sécurité
entérine la responsabilité des États de protéger
les populations « du génocide, des crimes de guerre, de la
purification ethnique et des crimes contre l'humanité97
». Mais dans cette responsabilité, quel serait alors le rôle
du Conseil de sécurité pour aboutir aux objectifs de ladite
résolution ?
En effet, le Conseil de Sécurité est le meilleur
organe pour s'occuper des questions d'intervention militaire à des fins
humanitaires. Ce voeu a été réitéré par la
CIISE lorsqu'elle a affirmé qu' « elle était absolument
persuadée qu'il n'y a pas de meilleur organe, ni de mieux placé,
que le Conseil de Sécurité pour s'occuper des questions
d'intervention militaire à des fins humanitaires98 »
et ensuite par l'ONU lors du Sommet mondial de 200599.
Cette vision du rôle du Conseil de
Sécurité a nécessairement comme, dans la pratique, le fait
de veiller systématiquement à ce que toutes les
97 Résolution 1674 du Conseil de
sécurité de l'ONU du 28 avril 2006 ; consulter aussi A/60/L.1 du
20 septembre 2005, Op-cit; lire enfin GAGNIER Sabine, « La
responsabilité de protéger au regard de la santé et de la
culture », in Revue Aspects, n°2, 2008, p.115
98 CIISE, Op-cit, p.80
99 Lire Document final du sommet mondial de 2005,
§139.
37
propositions d'intervention militaire soient officiellement
présentées au Conseil. La Commission a donc convenu de ce qui
suit :
- L'autorisation du Conseil de Sécurité doit
être dans tous les cas sollicitée avant d'entreprendre toute
action d'intervention militaire. Ceux qui préconisent une intervention
doivent demander officiellement cette autorisation, obtenir du Conseil qu'il
soulève cette question de son propre chef, ou obtenir du
Secrétaire Général qu'il la soulève en vertu de
l'Article 99 de la Charte des Nations Unies;
- Et Le Conseil de Sécurité doit statuer
promptement sur toute demande d'autorisation d'intervenir s'il y a
allégations de pertes en vies humaines ou de nettoyage ethnique à
grande échelle; le Conseil devrait dans ce cadre procéder
à une vérification suffisante des faits ou de la situation sur le
terrain qui pourraient justifier une intervention militaire100.
Mais, l'on pourrait se poser la question de savoir si le
Conseil de Sécurité peut outrepasser son propre pouvoir en
violant les limitations inscrites dans la Charte, en particulier l'interdiction
consacrée dans le §7 de l'Article 2. Par rapport à cette
inquiétude, la C.I.J a, dans le passé, pris position lorsqu'elle
affirmait dans l'Affaire relative aux questions d'interprétation et
d'application de la Convention de Montréal de 1991 résultant de
l'incident aérien au-dessus de Lockerbie que le Conseil de
Sécurité est tenu par la Charte de l'ONU101.
A ce sujet, la CIISE pense que la question risque de demeurer
théorique, dans la mesure où il n'existe aucune disposition
prévoyant le réexamen judiciaire des décisions du Conseil
de Sécurité, de sorte qu'il n'y a aucun moyen de trancher un
différend quant à l'interprétation de la Charte. Il semble
donc que le
100CIISE, Op-cit, p.54
101 C.I.J., Affaire relative aux questions
d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de
1991 résultant de l'incident aérien au-dessus de Lockerbie,
(Libye c. Royaume-Uni et Libye c.Etats-Unis), ordonnance en indication de
mesures conservatoires, Opinion dissidente du juge Bedjaoui, Rec.,
1992, §§ 29-46. Dans son opinion dissidente, le juge Bedjaoui
rappelle l'une des dispositions de la Charte prévoyant que « dans
l'accomplissement de ses devoirs, le Conseil de Sécurité agit
conformément aux buts et principes de la Charte » et, par renvoi
à une autre disposition, doit adopter une démarche qui s'ordonne
« conformément aux principes de la justice et du droit
international ; Lire aussi les articles 24 §2 et 1 §1 de la Charte
des Nations Unies ; LABRECQUE Géorges, Op-cit, pp.235-236
38
Conseil continuera de disposer d'une très grande marge
de manoeuvre pour définir la portée de ce qui constitue une
menace contre la paix et la sécurité
internationales102.
En effet, la responsabilité de protéger est
à ranger dans les compétences du Conseil de
Sécurité. Ce qui revient à dire que le Conseil de
Sécurité peut, dans le cadre de la responsabilité de
protéger, enquêter sur terrain à travers la commission
d'enquête s'il estime qu'il y a une menace contre la paix, une rupture de
la paix ou un acte d'agression tel qu'il l'a fait au Darfour103. Il
peut ensuite inviter les parties à se conformer au préalable qui
leur est mis en présence104. Toute fois, cette invitation
n'est pas dépourvue du caractère obligatoire105.
Relativement à la question du droit de veto qui
paralyse le mécanisme des Nations Unies, il a été
proposé la réforme du Conseil de Sécurité, qui
consisterait, en particulier, à élargir sa composition et
à la rendre de manière générale plus
représentative, et contribuerait incontestablement à renforcer sa
crédibilité et son autorité, sans toutefois
nécessairement faciliter son processus décisionnel.
Alors que restera-t-il à faire si des questions
humanitaires importantes exigent une intervention humanitaire et n'arrivent pas
à obtenir l'unanimité des voix au sein du Conseil de
Sécurité? Faudrait-il outrepasser le vote au sein du Conseil de
Sécurité par un autre mécanisme ? Ou faudrait-il croiser
carrément
102Voir LABRECQUE Géorges, Op-cit,
p.55 ; C.I.J., Affaire relative aux questions d'interprétation
et d'application de la convention de Montréal de 1991 résultant
de l'incident aérien au-dessus de Lockerbie, (Libye c.
Royaume-Uni), arrêt, Rec.1998, § 47
103A/HRC/4/80 du 09 mars 2007, La situation des
droits de l'homme au Darfour, Rapport de la Mission de haut niveau
présenté en application de la résolution S-4/101du Conseil
des droits de l'homme, §58. Le Conseil avait adopté le 18 septembre
2004 la résolution 1564 (2004) par laquelle il a demandé la
création d'une commission internationale d'enquête sur le Darfour
pour enquêter immédiatement sur les violations du droit
international humanitaire et des instruments internationaux relatifs aux droits
de l'homme
104 Article 40 de la Charte de l'ONU
105BALANDA MIKUIN Gérard, Le droit des
organisations internationales. Théories générales,
Kinshasa, CEDI, 2006, p.177. L'auteur précise que de même que
nul ne conteste actuellement le caractère obligatoire des
résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU prises en
vertu des dispositions du chapitre VII quoique leur application effective reste
hypothétique et subordonnée au bon vouloir du Conseil de
sécurité, l'invitation que le Conseil de sécurité
lance aux parties n'est pas non plus dépourvue d'obligation. Elle a donc
un « caractère obligatoire ». Abordant les choses
dans le même sens, Yves PETIT affirme que bien que le Conseil de
sécurité ne puisse qu'inviter les Etats membres à se
conformer à ces mesures, la lecture combinée de l'article
précité avec l'article 25 de la Charte des Nations Unies,
d'après lequel les membres de l'ONU conviennent d'accepter et
d'appliquer les décisions du Conseil de Sécurité
conformément à la Charte, donne une portée obligatoire
à cette disposition. Lire PETIT Yves, Op-cit, p.26
106 CIISE, Op-cit, p.57
39
les bras en attendant une décision d'intervention
venant du Conseil de Sécurité? Ceci nous pousse à analyser
les limites du principe de la responsabilité de protéger par
rapport à l'Assemblée Générale comme
autorité de substitution.
C. Limites par rapport à l'Assemblée
Générale comme autorité de substitution
Il a été dit que le Conseil de
Sécurité était le premier interlocuteur pour tout ce qui
avait trait à l'intervention militaire à des fins de protection
humaine106. Mais il reste à savoir s'il devrait être
aussi le dernier.
La possibilité admise par les Nations Unies pour
permettre à l'Assemblée Générale de se substituer
au Conseil de Sécurité face à une situation où ce
dernier, faute d'unanimité, n'a pas pu exercer sa responsabilité
principale dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales est celle de la procédure officielle de «
l'union pour le maintien de la paix ».
Lors de l'affaire de la Corée, l'Assemblée a
finalement pris acte de la défaillance du Conseil par sa
résolution 377 (V) du 3 novembre 1950. Elle constatait que : «
dans tous les cas où paraît exister une menace contre la paix, une
rupture de la paix ou un acte d'agression et où, du fait que
l'unanimité n'a pas pu se réaliser parmi ses membres, le Conseil
de Sécurité manque à s'acquitter de sa
responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, l'Assemblée
Générale examine immédiatement la question afin de faire
aux membres les recommandations appropriées sur les mesures à
prendre. (...) y compris l'emploi de la force armée ».
C'était l'opposition de l'ex-URSS à l'action du Conseil de
Sécurité qui avait conduit le Secrétaire d'Etat
américain à initier le vote de cette résolution qui a pris
son nom « Dean Acheson ». Mais l'occasion était belle pour
l'Assemblée de s'octroyer une compétence directe en
matière de sécurité collective.
40
Ce qui n'est pas inscrit dans la Charte et ouvre, en
conséquence, la voie à la concurrence avec le Conseil de
sécurité107.
Dans ce cas, il est prévu non seulement qu'une session
extraordinaire d'urgence soit convoquée dans les 24 heures qui suivent
une demande en ce sens, mais aussi que l'Assemblée
Générale se réunisse en séance
plénière seulement et procède directement à
l'examen de la question proposée dans la demande de convocation de la
session, sans renvoi préalable au Bureau ni à aucune autre
commission; les chefs des délégations auxquelles appartenaient le
Président et les vice-présidents de la session
précédente sont respectivement Président et
vice-présidents de la session extraordinaire d'urgence108.
A cet effet, la Commission estime néanmoins que la
simple possibilité que cette démarche puisse être
entreprise constituerait une importante forme supplémentaire de pression
sur le Conseil de Sécurité pour l'amener à agir de
manière décisive et appropriée109.
Ainsi, après avoir parcouru l'évolution du
principe de la responsabilité de protéger, analysons à
présent son contenu.
107 TABRIZI SALAH Ben, Op-cit, p.222
108 Article 63 du règlement intérieur de
l'Assemblée générale avec les amendements et additifs
adoptés par l'Assemblée générale jusqu'en septembre
2007
109 Voir CIISE, Op-cit, p.58
41
CHAPITRE II. LE CONTENU DU PRINCIPE DE
LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
En guise de rappel, la doctrine de la responsabilité de
protéger concerne la responsabilité des États et de la
communauté internationale de protéger les populations contre
quatre types spécifiques de crimes et de violations des droits de
l'Homme que sont le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage
ethnique et les crimes contre l'humanité. L'idée au coeur de
la doctrine est que l'État n'est plus seul responsable du
bien-être de sa population. S'il échoue ou n'assume manifestement
pas sa responsabilité, la communauté internationale doit le
faire, dans le plein respect des principes du droit international et de la
Charte des Nations Unies. La responsabilité de protéger suppose
trois dimensions : la responsabilité de prévenir, de
réagir (par des moyens diplomatiques, légaux et d'autres mesures
pacifiques, par des mesures coercitives comme des sanctions, et par la force
militaire comme dernier recours) et de reconstruire. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous avions précédemment souligné que la
responsabilité de protéger ne s'inscrit pas toujours dans le
contexte traditionnel de la sécurité collective.
Ainsi, le présent chapitre analysera les trois
obligations qui composent la responsabilité de protéger. Il
s'agira, dans un premier temps, de décortiquer la première
obligation qu'est celle de prévenir les conflits meurtriers et d'autres
catastrophes produites par l'homme (section 1) ; dans un deuxième temps,
il sera question d'aborder le problème que pose l'échec des
mesures de prévention qui, nécessairement, implique la prise des
mesures interventionnistes de la part d'autres membres de la communauté
des Etats dans son ensemble (section 2) et enfin, il sera montré comment
est-ce que l'on peut contribuer à ramener une paix durable et promouvoir
la bonne gouvernance et un développement durable après une
intervention (section 3).
42
Ces trois éléments de la
responsabilité de protéger constituent une prescription pour
remédier aux violations des droits de l'homme à l'échelle
internationale. Elles en constituent ses principales
obligations110.
SECTION 1. LA RESPONSABILITE DE PREVENIR
Eliminer à la fois les causes profondes et les causes
directes des conflits internes et des autres crises produites par l'homme qui
mettent en danger les populations semble être primordial pour cette
obligation111. Ce qui revient à dire que la prévention
des conflits nécessite le traitement des causes qui lui sont profondes
et l'option de stratégies efficaces sur le long terme d'une part
(§1) et, d'autre part, le traitement des causes directes auxdits conflits
(§2). C'est le double degré de la première dimension de la
responsabilité de protéger (dimension préventive ou
responsabilité ante facto) tel que retenu par le rapport de la CIISE.
§1. La prévention au niveau des causes
profondes des conflits
La pauvreté, la répression politique et la
répartition inégale des ressources sont de différentes
causes profondes retenues par la CIISE112. C'est ainsi qu'il
faudrait de la part des gouvernants une ferme volonté pour les
prévenir et une alerte rapide des conflits.
A. La ferme volonté de prévenir et
l'alerte rapide des conflits
Avant toute chose, il est important de signaler que la CIISE a
rappelé que la prévention des conflits meurtriers113
et d'autres formes de catastrophes
110 Voir Considérations normatives sur La
responsabilité de protéger - Perspectives et implications dans le
contexte d'un système international en morcellement, à consulter
dans
www.journal.forces.gc.ca/vo9/no2/04-white-fra.asp[13/06/2010
18:22:11]
111Idem
112 CIISE, Op-cit, p.25
113 Depuis les années 1950, l'humanité toute
entière était en alerte devant les injustices et les massacres,
sur les cinq continents, à l'intérieur des frontières
d'Etats reconnus. Les Etats, à cette époque, possédaient
la souveraineté absolue avec droit de vie et de mort sur leurs sujets.
Protéger un peuple ou une communauté sur son propre soi, de
l'autre côté d'une frontière, c'était interdit,
impossible. Le salut est venu des médecins. En 1968, au Biafra,
commençait l'épopée des « French doctors » qui
bravaient l'interdit au nom de la morale médicale
43
produites par l'homme incombe, comme toutes les autres
composantes de la responsabilité de protéger, d'abord et avant
tout aux États souverains et aux communautés et institutions qui
s'y trouvent. Une volonté résolue des autorités nationales
d'assurer un traitement équitable et l'égalité des chances
pour tous les citoyens constitue un fondement solide pour la prévention
des conflits. Quant aux moyens nécessaires pour y parvenir, ils
relèvent essentiellement de la responsabilisation et de la bonne
gouvernance, de la protection des droits de l'homme, de la promotion du
développement socioéconomique et de la répartition
équitable des ressources114. Elle a ajouté, aussi, que
fondamentalement, les efforts de prévention visent bien
évidemment à réduire, sinon éliminer
complètement, la nécessité d'une
intervention115.
En outre, faudrait-il ajouter que dans la prévention
des conflits, outre la ferme volonté des gouvernements de les
prévenir, il est nécessaire d'avoir de systèmes d'alerte
rapide. A ce stade, la Commission insiste sur le fait que ces systèmes
doivent faire intervenir un large éventail d'entités, notamment
les ambassades et les services de renseignement, les forces de maintien de
la paix des Nations Unies, les ONG qui s'occupent de secours et d'aide au
développement, les groupes nationaux et internationaux de défense
des droits de l'homme, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR),
des groupes religieux, des universitaires et des médias. La
qualité des renseignements est variable et la coordination entre ces
groupes est rudimentaire, sinon inexistante. C'est ainsi que d'autres
organisations telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme,
qui consacraient auparavant l'essentiel de leurs énergies à
diffuser des renseignements sur les violations des droits de l'homme subies par
des particuliers ou des groupes, se sont consciemment employées à
élargir leur champ d'intervention à l'alerte rapide sur les
conflits susceptibles de provoquer des violations massives des droits de
l'homme, voire des génocides116.
(lire KOUCHNER Bernard, « La responsabilité de
protéger », in Le Monde, Paris, 2002, à consulter
dans
www.aidh.org).
114 CIISE, Op-cit, p.21
115 Idem., p.21 116Ibid.,
pp.23-24
117 COLAVITTI Romélien, « La responsabilité
de protéger : Une architecture nouvelle pour le droit international des
minorités », in Revue Aspects, n°2, 2008, p.36
44
Après avoir insisté sur les deux
préalables indispensables de l'obligation de prévenir (la ferme
volonté de prévenir et l'alerte rapide des conflits), revenons-en
à la prévention au niveau des causes profondes des conflits
proprement dite.
B. La prévention proprement dite
Les causes sous-jacentes ou profondes des conflits que sont,
par exemple, la pauvreté, la répression politique et la
répartition inégale des sources, permettent de comprendre les
conflits armés. A ce sujet, comme l'avait noté l'ancien
Secrétaire général des Nations Unies, M. Koffi ANNAN dans
un rapport, « chaque étape franchie sur la voie de la
réduction de la pauvreté et de la croissance économique
marque un progrès dans le sens de la prévention des conflits
».
Par définition, la prévention au niveau des
causes profondes des conflits impliquant des minorités se place dans un
contexte non belligène et a pour objectif essentiel de forger les
instruments juridiques et institutionnels nécessaires à la mise
en place de conditions propices à l'intégration des populations
concernées, en vue de pallier toute éventualité de
stigmatisation, de marginalisation sociale ou, à l'inverse, de toute
volonté étatique d'assimilation forcée117.
En effet, la prévention au niveau des causes profondes
comporte plusieurs aspects. Elle peut désigner le traitement des besoins
et des carences politiques, ce qui peut impliquer la création
de capacités et d'institutions démocratiques; la
répartition constitutionnelle des pouvoirs, l'alternance et les
arrangements en matière de redistribution; l'établissement de
mesures renforçant la confiance entre les différents groupes ou
communautés; le soutien à la liberté de la presse et
à l'état de droit; la promotion de la société
civile; et d'autres types
45
d'initiatives du même ordre qui s'insèrent plus
ou moins dans le cadre de la sécurité humaine118.
Outre le traitement des besoins et des carences politiques, la
CIISE souligne que la prévention au niveau des causes profondes peut
aussi désigner le traitement des privations et de
l'inégalité des chances économiques, le renforcement des
protections et institutions juridiques et enfin le lancement des
réformes qui s'imposent dans le secteur militaire et les autres
services de sécurité de l'Etat119.
Une lettre de l'ancien Secrétaire général
de l'ONU adressée à l'Assemblée générale de
l'ONU souligne l'importance de la prévention des conflits en ces termes
: « Les opérations de paix des Nations Unies n'ont
concerné qu'un tiers des situations de conflit apparues dans les
années 90. Étant acquis que même des mécanismes
beaucoup plus perfectionnés en vue de la mise sur pied et du soutien des
opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne permettront pas
au système des Nations Unies de déployer de telles
opérations dans toutes les situations de conflit en tout point du globe,
il est urgent que l'ONU et les États Membres mettent en place un
système plus efficace de prévention durable des conflits. De
toute évidence, la prévention est de loin
préférable pour ceux qui autrement devraient endurer les
conséquences de la guerre, et pour la communauté internationale,
c'est une option
118 CIISE, Op-cit, p.26. On pourra lire GAGNIER
Sabine, « La responsabilité de protéger au regard de la
santé et de la culture », in Revue Aspects, n°2, 2008,
p.111. L'auteur précise que le concept de la responsabilité de
protéger a ouvert une voie considérable dans le cadre du droit
international vers une considération plus directe de la
sécurité des gens, au-delà du principe de
souveraineté. La « sécurité humaine » en tant
que concept de droit international a été une innovation
fondamentale depuis 1945 dans la mesure où elle a
développé l'idée que les États ne devaient pas
assurer seulement leur propre sécurité mais aussi et surtout
celle de leurs citoyens. Par cette notion, le droit international a
commencé à dépasser le cadre de la souveraineté
pour se préoccuper des gens. Ernest-Marie MBONDA ajoute que la
responsabilité de protéger est donc un concept qui cherche
à garantir la sécurité humaine. Car elle centre les
questions sécuritaires non plus sur les Etats, mais sur les individus ou
sur les personnes. C'est dans le rapport de la CIISE qu'on trouvera cette
philosophie définie. La responsabilité de protéger annonce
alors un ordre international plus humain, c'est-à-dire plus juste et
plus respectueux du principe plus ancien de l'universalité des droits de
l'homme (MBONDA Ernest-Marie, « La sécurité humaine et la
responsabilité de protéger : vers un ordre international plus
humain », in Université Catholique d'Afrique centrale,
Yaoundé, Cameroun, pp.1-2). Toutefois, force est de constater que le
concept de la sécurité humaine gagne du terrain au niveau
international. La preuve aussi éloquente est la reconnaissance à
l'unanimité par l'Assemblée Générale des Nations
Unies de la responsabilité de protéger en septembre 2005 lors du
60ème sommet des Nations Unies. En effet, le concept de
sécurité humaine nous permet de déplacer notre regard du
niveau uniquement national vers le niveau des hommes et des femmes victimes des
violences (Lire GABRIELSEN Marie, « La sécurité humaine et
l'internationalisation des conflits intra-étatiques : Le cas du conflit
au sud-soudan », in Revue de la sécurité humaine/Issue
3, 2007, p.29).
119 Idem
46
moins coûteuse qu'une intervention militaire, les
secours humanitaires d'urgence ou les travaux de reconstruction à
l'issue d'une guerre 120».
De même qu'un projet de l'Institut montréalais
d'études sur le génocide et les droits de la personne avance que
la prévention des atrocités des masses devrait constituer une
priorité pour les gouvernements121. Car toutes les fois que
la communauté des Etats n'a su prévenir le génocide et les
atrocités de masses, c'est l'humanité toute entière qui en
a en pâti. Tels furent les cas du Rwanda, du Burundi, de la
République Démocratique du Congo, du Soudan, etc qui
démontrent à suffisance que le bilan de la communauté des
Etats en matière de la prévention du génocide et des
atrocités des masses est négatif.
Le projet122 sus-cité mentionne que le
rapport sur la responsabilité de protéger de la CIISE met de
l'avant la notion de « souveraineté considérée comme
responsabilité », qui a été introduite pour la
première fois par Francis Deng et d'autres en 1996 à la Brookings
Institution123. Cette notion est venue remettre en question un
consensus de longue date selon lequel le principe de la souveraineté des
États possède un caractère absolu, que l'État ait
ou non commis de graves violations des droits humains à l'encontre de
ses propres citoyens.
Le rapport sur la responsabilité de protéger
affirme au contraire que la souveraineté de l'État est un
privilège et non pas un droit, et qu'elle procède d'une relation
de respect réciproque entre l'État et ses citoyens. Lors du
Sommet mondial de 2005, les membres de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, dont le
120 A/55/305-S/2000/808 du 21 août 2000,
L'étude d'ensemble de toute la question des opérations de
maintien de la paix sous tous leurs aspects, Lettres identiques
datées du 21 août 2000 adressées au Président de
l'Assemblée générale et au Président du Conseil de
sécurité par le Secrétaire général,
§§29-32
121 DALLAIER Roméo et CHALK Frank, Projet La
volonté d'intervenir, Québec, Institut montréalais
d'études sur le génocide et les droits de la personne, 2009,
p.3
122 DALLAIER Roméo et CHALK Frank, Op-cit, p.3
123 La Brookings Institution est souvent
présentée comme le principal think tank des démocrates
(groupe de reflexion américain). Il s'agit plutôt d'un organisme
représentatif des élites modérées, favorables
à une régulation économique limitée, par opposition
au patronat libertarien de l'American Enterprise Institute. Désormais
active en politique étrangère, elle préconise, comme les
néo-conservateurs et dans les mêmes circonstances, l'usage de la
force, mais pour motifs humanitaires et non par évangélisme
démocratique, par devoir et non par enthousiasme conquérant. La
moitié de ses chercheurs a travaillé dans le passé pour le
Conseil de sécurité national ou la Maison-Blanche. A consulter
dans
www.voltairenet.org
47
Canada et les États-Unis, se sont entendus pour dire
que si un État n'est pas disposé ou en mesure de protéger
ses citoyens contre de graves violations de droits humains reconnus
internationalement, la communauté internationale doit alors prendre la
responsabilité de protéger cette population. Dans ces
circonstances, la communauté internationale a le devoir de prendre des
mesures de prévention, de réaction et de reconstruction afin de
protéger les civils sans défense qui sont victimes d'abus aux
mains de leur propre gouvernement. Il est significatif que le document final du
Sommet mondial de l'Assemblée générale de l'ONU mentionne
la prévention124 en tant qu'élément le
plus important de la responsabilité de protéger.
Les principes contenus dans le rapport sur la
responsabilité de protéger sont devenus une doctrine d'une grande
portée en matière de sécurité internationale et de
droits humains. Ils reflètent l'aspiration grandissante à
considérer la souveraineté comme un principe qui évolue et
qui est intrinsèquement lié à la sécurité et
à la protection des civils125.
§2. La prévention au niveau des causes
directes
Puisque la responsabilité de protéger vise
également la «prévention des conflits» et la
«reconstruction des sociétés»126 (ce dernier
aspect sera vu plus tard), aux termes du rapport sur la responsabilité
de protéger de la CIISE, la prévention directe comporte
essentiellement les mêmes compartiments politico-diplomatique,
économique, juridique et militaire que celle de la prévention au
niveau des causes profondes, mais les outils qui s'y trouvent sont
différents, en raison du délai plus court dont on dispose pour
obtenir des résultats. Ces outils peuvent prendre la forme d'une aide
directe, d'incitations positives ou, dans les cas plus difficiles, d'une menace
de « châtiment ». Mais la caractéristique essentielle et
commune à toutes ces actions et mesures est qu'elles visent (même
lorsque l'État concerné est réticent à
124 Lire aussi S/PRST/2009/1 du 14 janvier 2009, La
protection des civils en période de conflit, Déclaration du
Président du Conseil de sécurité à la 6066è
session du conseil de sécurité des Nations Unies, p.6, 16-17 ;
A/60/L.1 du 20 septembre 2005, Op-cit, §§106-113
125 DALLAIER Roméo et CHALK Frank, Op-cit, p.3
126 WEISSMAN Fabrice, « La responsabilité de
protéger : le retour à la tradition impériale de
l'humanitaire », in Les analyses du Crash-MSF, 2010, p.1
48
coopérer) à écarter absolument toute
nécessité de recourir à des mesures directement
coercitives à l'encontre dudit État127.
Il apparaît utile de relever qu'une différence
essentielle entre prévention des causes profondes et prévention
des causes directes tient au rôle des acteurs en présence. Si dans
la première de ces hypothèses, primat sera donné à
l'État, en vue de mettre en place un édifice juridique et
institutionnel apte à assurer une juste intégration de ces
populations au tissu social, dans la seconde d'entre elles, le rôle des
acteurs tiers sera bien plus prépondérant. Si dans le premier cas
l'État, en tant que destinataire principal de l'obligation de
protection, est encore en position de « renverser la vapeur » et de
jouer son rôle de « protecteur », il apparaît que dans la
deuxième hypothèse, l'imminence de la menace pourra lui
être imputable dans une large mesure, qu'il ait pris des mesures
préventives s'étant avérées insuffisantes ou qu'il
se soit illustré par une inaction périlleuse, voire même
parfois, coupable128.
Mais au-delà de cette multitude d'acteurs et
intervenants, le rapport de la CIISE postule qu'une prévention efficace
des conflits suppose une collaboration stratégique entre des
intervenants très divers. Les États, l'ONU et ses institutions
spécialisées, les institutions financières
internationales, les organisations régionales, les ONG, les groupes
religieux, les milieux d'affaires, les médias et les milieux
scientifiques, professionnels et éducatifs, ont tous un rôle
à jouer. L'aptitude à mener à bien une diplomatie
préventive dépend finalement de la capacité internationale
à coordonner des initiatives multilatérales et à
définir une répartition logique des
tâches129.
En tout état de cause, il apparaît que la
dimension préventive au niveau des causes directes des conflits
s'avère bien plus circonstancielle qu'au niveau de leurs causes
profondes. Les mesures à prendre doivent ici être
envisagées in casus et il semble bien malaisé de
chercher à dépeindre un mécanisme d'ensemble des
127 CIISE, Op-cit, p.26
128 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.38
129 Voir CIISE, Op-cit, p.29
49
mesures à prendre dans l'imminence d'un conflit, et
c'est justement sur ce point que « le bât blesse »,
d'après Romélien COLAVITTI. Mais face à la relative
difficulté de mise en oeuvre de procédures opérationnelles
de prévention immédiate (recours au Conseil de
sécurité, déploiement de forces armées de
prévention), les institutions et organes subsidiaires onusiens
(Comités de suivi de l'ONU, Conseil et ancienne Commission des Droits de
l'homme, Haut-commissariat aux Droits de l'homme) peuvent jouer un rôle
catalyseur et dissuasif indéniable. Reste que dans certaines
hypothèses, les mécanismes de prévention immédiate
sont déclenchés bien trop tard et dans ce cas, l'action d'urgence
doit être envisagée130.
Au regard de ce qui vient d'être exposé, le voeu
intrinsèque de la CIISE est de voir un changement fondamental
d'état d'esprit au sein de la communauté internationale lequel
consiste en « un passage d'une culture de la réaction à
une culture de la prévention ».
SECTION 2. LA RESPONSABILITE DE REAGIR
« Lorsque survient un génocide, lorsque le
nettoyage ethnique est perpétré quelque part dans le monde et que
nous restons sans rien faire, cela nous diminue. Et je crois que nous devons
considérer qu'il en va de nos intérêts, de notre
intérêt national, d'intervenir là où c'est possible
131». Telle est l'idée clé qui doit motiver
la réaction de la communauté internationale lorsque la
prévention des conflits est mise en mal.
Il s'agit de réagir devant des situations où la
protection des êtres humains est une impérieuse
nécessité, en utilisant des mesures appropriées pouvant
prendre la forme de mesures coercitives telles que des sanctions et des
poursuites internationales et, dans les cas extrêmes, en ayant recours
à l'intervention militaire.
130 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.40
131 OBAMA Barack, dans un discours prononcé en tant que
candidat à l'élection présidentielle, en 2008
50
Point central de la responsabilité de protéger,
la dimension réactive impliquerait la reconnaissance d'un droit
d'intervention armée dans l'hypothèse où un État ne
se conformerait pas à son obligation de protection132.
Mais, s'il faut réagir, dans des cas extrêmes et
exceptionnels, de qui doit émaner la décision d'intervenir
impliquant une action militaire et quels sont les critères à
satisfaire ? (§1) De tous ces critères, quels sont les
critères décisifs pouvant permettre de déclencher une
action militaire ? (§2)
§1. La décision d'intervenir
De la lecture du rapport sur la responsabilité de
protéger de la CIISE, il ressort que quand les mesures de
prévention ne parviennent pas à résoudre le
problème ou à empêcher que la situation se
détériore, et quand un État ne peut pas, ou ne veut pas,
redresser la situation, des mesures interventionnistes de la part d'autres
membres de la communauté des États dans son ensemble peuvent
s'avérer nécessaires. Ces mesures coercitives peuvent être
d'ordre politique, économique ou judiciaire et, dans les cas
extrêmes (mais seulement dans les cas extrêmes), elles peuvent
également comprendre une action militaire. L'un des principes premiers,
en matière de réaction comme en matière de
prévention, est qu'il faut toujours envisager les mesures les moins
intrusives et coercitives avant celles qui le sont plus133.
Il est retenu dans ce rapport que quoiqu'il en soit,
même dans les cas extrêmes, le principe de non intervention est la
règle par rapport à laquelle toute exception doit être
justifiée. Elle souffre, néanmoins, des exceptions
limitées pour certains types de situation d'urgence. Du point de vue de
la CIISE, le point de vue général était que ces
circonstances exceptionnelles devaient être des cas où la violence
est si manifestement « attentatoire à la conscience de
l'humanité » ou bien qui représentent un danger si
évident et immédiat pour la sécurité internationale
qu'ils exigent une intervention coercitive d'ordre militaire.
132 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.40
133 CIISE, Op-cit, p.33
51
Ainsi, la décision d'intervenir doit répondre
à six critères que sont : l'autorité
appropriée, la juste cause, la bonne intention,
le dernier recours, la proportionnalité des moyens et
les perspectives raisonnables. Le rapport de la commission fait un
sort à part à la question de l'autorité appropriée
et à celle de la juste cause, à côté de ce qu'il
qualifie de « critères de précaution », à savoir
la bonne intention, le dernier recours, la proportionnalité des moyens
et l'existence des perspectives raisonnables, qui ajoutent chacun un
élément différent de prudence ou de précaution
à l'équation décisionnelle134.
A ce stade, le message fort que lance la commission est que
les critères doivent être rigoureux parce que l'action
proposée est elle-même extrême : l'intervention militaire
n'est pas qu'une simple intrusion dans le territoire d'un État
souverain, c'est une intrusion qui donne lieu à l'emploi de la force
meurtrière, éventuellement à grande échelle.
De tout temps, la question majeure qui se pose est celle de
savoir à qui appartiendrait la prérogative d'intervenir lorsque
l'Etat serait défaillant? Deux hypothèses sont à
envisager.
Première hypothèse, face à un État
défaillant, la responsabilité de protéger les populations
civiles de tout risque majeur incomberait à un autre État, qu'il
soit frontalier ou non. Dans le cas de la protection des droits des
minorités, cette éventualité pourrait être
illustrée par une intervention de l'État-parent, en vue d'assurer
la protection de ses minorités sur le sol de l'État voisin
défaillant. À l'évidence, cette hypothèse ne
saurait être aucunement acceptable au regard du droit international
positif. En dehors de l'existence de conventions bilatérales
préexistantes, l'État-parent ne détient aucune
prérogative extraterritoriale fondant sa capacité d'action, en
vue d'assurer la protection de ses minorités
expatriées135. A fortiori, il apparaît
qu'aucun autre État ne saurait s'arroger le droit d'intervenir
unilatéralement au nom de la
134 Idem, p.36 ; voir DECAUX Emmanuel, «
Légalité et légitimité du recours à la force
: De la guerre juste à la responsabilité de protéger
», in Droits fondamentaux, n°5, janvier-décembre 2005,
p.11
135 KOACS P. cité par COLAVITTI Romélien,
Op-cit, p.41
52
responsabilité de protéger. Dans le cas
contraire, un tel recours contreviendrait alors radicalement au principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures de l'État,
contenu dans l'article 2 §7 de la Charte des Nations unies. Hormis
l'hypothèse (d'école?) de l'actio popularis,
engagée en raison d'un manquement à une règle
impérative du droit international général (commission d'un
génocide notamment)136, cette première
hypothèse doit être écartée, faute d'existence d'un
fondement juridique suffisant.
Seconde hypothèse, le rapport Evans-Sahnoun
relève qu'il appartiendrait au Conseil de Sécurité de
s'acquitter de cette obligation, et ce, sur le fondement de l'article 24 de la
Charte qui précise que les Membres de l'ONU lui confèrent «
la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des
devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil agit en leur nom
». Dans ce cas, il semblerait douteux, dans l'état du droit
positif, d'envisager une autre procédure que celles prévues par
les chapitres VII et VIII de la Charte. Il faudrait alors que le Conseil
procède expressis verbis à la qualification de la
situation comme constituant une menace à la paix, une rupture de la paix
ou un acte d'agression et recoure ensuite à l'adoption de mesures
conservatoires (article 40), de sanctions (articles 41 et 42) ou à
l'habilitation d'un organisme régional de maintien de la paix et de la
sécurité afin que celui-ci prenne les mesures adéquates
(article 53).
Ainsi, pour déterminer s'il doit autoriser ou approuver
l'usage de la force militaire, le Conseil de Sécurité devrait
toujours examiner quelles que soient les autres considérations dont il
puisse tenir compte, au moins les cinq critères fondamentaux de
légitimité suivants :
- Gravité de la menace : la nature, la
réalité et la gravité de la menace d'atteinte à la
sécurité de l'Etat ou des personnes justifient-elle de prime
abord l'usage de la force militaire ? En cas de menaces intérieures, y
a-t-il un risque de génocide et
136 Voir sur ce point : Cour internationale de justice
(CIJ), Barcelona Traction Light and Power Company, 5 février
1970, Rec. 1970, p. 32. Et une thèse récente : VOEFFRAY,
F., L'actio popularis ou la défense de l'intérêt
collectif devant les juridictions internationales, Paris, PUF, 2004, 403
p. citée par COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.41
53
autres massacres, de nettoyage ethnique ou de violations
graves du droit international humanitaire, effectif ou imminent ?
- Légitimité du motif : Est-il
évident que l'opération militaire envisagée a pour objet
principal de stopper ou d'éviter la menace en question, quelles que
soient les autres considérations ou motivations en présence ?
- Dernier ressort : toutes les options non militaires
pour faire face à la menace ont-elles été examinées
et peut-on penser raisonnablement que les autres mesures sont vouées
à l'échec ?
- Proportionnalité des moyens : l'ampleur, la
durée et l'intensité de l'opération militaire
envisagée sont-elles le minimum requis pour faire face à la
menace en question ?
- Mise en balance des conséquences : Y a-t-il
des chances raisonnables que l'intervention militaire réussisse à
faire pièce à la menace en question, les conséquences de
l'action ne devant vraisemblablement pas être pires que les
conséquences de l'inaction ?137
Quant aux mesures à prendre, le rapport Evans-SAHNOUN
s'inspire très largement de l'état actuel du droit, en
prescrivant un recours à des sanctions graduelles, impliquant d'abord
des mesures non armées (embargo sur les armes, sanctions
financières, rupture des relations de coopération militaire,
économique ou diplomatiques, etc.)138, puis, «
uniquement dans les cas extrêmes »139,
l'intervention militaire. Pour ce faire, l'ONU est la seule organisation
représentative de la communauté internationale habilitée
à déclencher l'intervention humanitaire à l'exclusion de
toute autre compétence140.
§2. Les critères décisifs : une juste
cause
Etant considérée comme une mesure exceptionnelle
et extraordinaire, l'intervention militaire ne peut être justifiée
que lorsqu'il y a un
137 DECAUX Emmanuel, Op-cit, p.14
138 CIISE, Op-cit,pp.33-35
139 Idem, p.35
140 Lire à ce sujet ABDELWAHAB Biad, Op-cit,
p.95
141 CIISE, Op-cit, p.37
54
préjudice grave et irréparable touchant des
êtres humains soit en train ou risque à tout moment de se
produire.
Partant de cela, la CIISE retient que l'intervention militaire
à des fins de protection humaine se justifie dans deux grandes
catégories de circonstance qui, si l'une ou l'autre de ces deux
conditions, ou les deux à la fois, sont réalisées,
l'élément « juste cause » de la décision
d'intervenir est à son avis amplement satisfait.
Il s'agit alors d'arrêter ou d'éviter :
- des pertes considérables en vies humaines, effectives
ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention génocidaire,
qui résultent soit de l'action délibérée de
l'État, soit de sa négligence ou de son incapacité
à agir, soit encore d'une défaillance dont il est responsable;
ou
- un « nettoyage ethnique » à grande
échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit
perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur
ou le viol141.
C'est ici que se justifie l'idée selon laquelle le
premier principe du système international, l'égalité
souveraine, pourrait se trouver enfreint par la poursuite du deuxième
principe, la protection des droits de l'homme grâce à
l'intervention militaire. Ce qui vient encore renchérir le retrait des
droits de l'homme du domaine réservé de l'Etat et la passation de
la conception de la souveraineté comme absolue à la
souveraineté responsable.
La juste cause fait appelle à la notion de la
sécurité humaine car il n'y a pas de véritable
sécurité sans respect des droits de l'homme, tandis que le
respect des droits de l'homme est un gage de la stabilité et du
développement. Koffi ANNAN a donc le mérite de placer en exergue
la liberté et de lier la sécurité, les droits de l'homme
et le développement (le refus de la misère et de la terreur)
comme le souligne le sous-titre « Développement,
sécurité et respect des droits de l'homme pour tous »
du rapport intitulé « Dans une liberté plus grande
».
55
C'est toujours dans ce contexte qu'en 1994 l'ONU a
donné la quintessence de son Rapport mondial sur le
développement humain, qui présentait une nouvelle
conceptualisation de la sécurité insistant sur l'importance des
droits de l'homme et du rôle de la société internationale
dans la promotion de ces droits grâce au concept de «
sécurité humaine ». Le rapport définit explicitement
la sécurité humaine comme étant composée de deux
éléments : « d'une part, la protection contre les menaces
chroniques, telles que la famine, la maladie et la répression et,
d'autre part, la protection contre tout événement brutal
susceptible de perturber la vie quotidienne »142.
Le groupe de personnalités de haut niveau sur les
menaces, les défis et le changement avait, à cet effet, remis un
rapport intitulé « Un monde plus sûre :notre affaire
à tous » le 1er décembre 2004 au
Secrétaire Général des Nations Unies dans lequel il
revendiquait une nouvelle conception de la sécurité collective,
plus large puisqu'englobant les menaces de toutes natures et de toutes
origines, anciennes et nouvelles, et impliquant tant les États (acteurs
traditionnels) que les groupes et entités non étatiques, les
organisations de solidarité internationale, et les individus. Cette
approche globale qui fonde le concept de « sécurité humaine
» a pour ambition de rendre le système de sécurité
collective plus efficace et équitable143.
Une intervention des Nations Unies, aux termes du rapport de
la CIISE, en ce sens, serait juste et n'enfreindrait en rien la
souveraineté étatique. Car bien que la Charte affirme cependant
la souveraineté des Etats à l'intérieur de leurs
frontières et précise qu'aucune disposition « n'autorise les
Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat », le Chapitre
VII, en cas « de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte
d'agression » peut-il alors s'appliquer en cas de conflits internes ? La
réponse a été longtemps négative. Plus
récemment, le Conseil a cependant décidé par exemple que
le génocide au Rwanda, ou le conflit du Kosovo en 1999, interne à
la Serbie,
142 Organisation des Nations Unies, Rapport mondial sur le
développement humain, « Chapitre 2, Les nouvelles dimensions
de la sécurité humaine », 1994, p. 24.
143 CROUZATIER Jean-Marie, « Le principe de la
responsabilité de protéger : avancée de la
solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme ?
», in Revue ASPECTS, n° 2, 2008, p.18
56
menaçaient la paix et la sécurité
internationales et justifiaient la création de tribunaux spéciaux
et la guerre menée en 1999 par l'OTAN contre la Serbie144.
Alors c'est ici que trouve sa justification l'idée
selon laquelle la R2P prétend respecter la souveraineté des Etats
en leur reconnaissant la responsabilité première de veiller
à la protection de leurs populations. C'est uniquement en cas de
défaillance de leur part que la «communauté
internationale» aurait «la responsabilité» de se
substituer aux autorités nationales quitte, le cas
échéant, à déclarer la guerre aux auteurs de
violences de masse145.
Puissions-nous signaler que la responsabilité de
protéger ne préconise pas l'intervention humanitaire. La
responsabilité de protéger demande aux Etats de reconnaître
que la souveraineté implique une responsabilité de
protéger leurs populations, et encourage la communauté
internationale à assumer sa responsabilité de réagir quand
un Etat est incapable ou manque la volonté de protéger ses
populations. Ce sujet ne doit pas être apprécié comme une
atteinte au droit d'intervention de l'Etat mais plutôt comme une
nécessité d'assurer la protection des populations
vulnérables146.
Il importe de préciser qu'en soi, le droit
d'ingérence humanitaire est un concept idéologique, introduit par
l'Occident, sans aucune base légale. Ce concept a été
rejeté par tous les pays du sud. La responsabilité de
protéger est formulée de façon à respecter les
principes de l'ONU, c'est-à-dire la nécessité d'une
autorisation préalable du Conseil de Sécurité avant toute
intervention militaire. Mais, formulé ainsi, ce n'est pas
réellement neuf, parce qu'avant l'introduction de la
responsabilité de
144 IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la
guerre. Evolution et problèmes actuel, Paris, L'Harmattan, 2007,
p.10
145 Lire dans ce sens WEISSMAN Fabrice, Op-cit, p.1
146 Projet du Mouvement fédéraliste
international, La responsabilité de protéger : Foire aux
questions. A consulter dans
www.responsabilitytoprotect.org
57
protéger, le Conseil de Sécurité pouvait
déjà autoriser une intervention en cas de génocide, par
exemple147.
Enfin, La responsabilité de protéger n'est pas
destinée à constituer une charte d'interventionniste.
Plutôt, la responsabilité de protéger vise à
codifier un ensemble de mesures à la disposition de la communauté
internationale et des organisations régionales, quand des menaces de
crises atteignent un seuil dangereux. L'intervention militaire à des
fins de protection des civiles doit seulement être employée en
dernier recours après que toutes les mesures pacifiques aient
été vainement utilisées. La responsabilité de
protéger essaye de créer plus, et non moins, de règles sur
quand et comment l'intervention militaire est adéquate148.
Mais très souvent une intervention armée a pour
conséquence la destruction des biens et la déstabilisation des
institutions politiques d'un Etat. C'est ainsi que la reconstruction
après toute intervention semble être un moyen adéquat pour
permettre de revenir au calme.
SECTION 3. LA RESPONSABILITE DE RECONSTRUIRE
Fournir, surtout après une intervention militaire, une
assistance à tous les niveaux afin de faciliter la reprise des
activités, la reconstruction et la réconciliation, en agissant
sur les causes des exactions auxquelles l'intervention devait mettre un terme
ou avait pour objet d'éviter a été une question parmi tant
d'autres qui a préoccupé la CIISE dans l'élaboration de
son rapport. Car rien ne saurait remplacer une stratégie claire et
efficace post-intervention, d'après la commission.
Troisième et dernière dimension de la
responsabilité de protéger, la reconstruction constitue un
élément fondamental de la pérennisation de l'ordre en zone
post conflictuelle. Comme le prouvent les cas récents de
l'ex-Yougoslavie, de
147 DELCOURT Barbara, « La responsabilité de
protéger et l'interdiction du recours à la force : Entre
normativité et opportunité », in Actes du Colloque de la
société française pour le droit international, (juin
2007-Paris X Nanterre), Paris, Pedone, 2008, pp.305-312.
148 Projet du Mouvement fédéraliste
international, La responsabilité de protéger : Foire aux
questions. A consulter dans
www.responsabilitytoprotect.org
58
l'Afghanistan ou de l'Irak, la restauration de l'État
de droit passe par une reconstruction impliquant l'intervention
nécessaire d'acteurs internationaux, publics ou privés. C'est une
responsabilité post-facto149.
Alors se posent, à ce stade, les questions relatives
aux obligations après une intervention (§1) et à
l'autorité sous l'administration de laquelle devrait se faire la
reconstruction (§2).
§1. Obligations après une intervention
Les obligations après une intervention retenue par la
CIISE sont : la consolidation de la paix, la sécurité, la
justice, la réconciliation et le développement.
A. Restauration immédiate de l'ordre
Ayant été négligée par le
système international de sécurité collective pendant
plusieurs années, la dimension de reconstruction s'opère, en
premier lieu, par la restauration immédiate de l'ordre ainsi que par la
lutte contre toute éventualité de renaissance ou de mutation du
conflit. Comme le prouve le cas du Kosovo, la violation systématique des
droits de la minorité albanophone (minoritaire dans l'État, mais
majoritaire dans la province), pouvait à tout moment de la gestion
post-crise, générer une sorte de « reflux » des
rivalités, cette fois, au détriment de la population serbe
(majoritaire dans l'État, mais minoritaire dans la
province)150.
Dans une autre perspective, en Afghanistan et en Irak, la fin
des principales opérations armées menées à
l'instigation des autorités américaines ne signifiait pas pour
autant la fin de tout risque de mutation du conflit. Ainsi,
l'insécurité notoire au sein de ces deux États pouvait
à tout instant constituer le lit d'antagonismes nouveaux ayant,
notamment, un fondement interreligieux.
149 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.44
150 Idem
59
Pour ce faire, il y a lieu d'assurer, en premier lieu, la
sécurisation des zones de conflits, notamment par le déploiement
de troupes militaires sous commandement unifié. Outre la pacification
des anciennes zones de combat, la démobilisation, la
démilitarisation et, in fine, la réinsertion des anciens
combattants (et, au premier chef, des « enfants soldats »),
constituent des mesures d'urgence largement motivées par la
volonté de lutte contre la reprise des combats151.
Le rôle des organisations régionales et
internationales est ici majeur. En second lieu, l'intervention des
organisations humanitaires et des ONG est également primordiale, afin
d'assurer l'assistance aux victimes, aux réfugiés ainsi
qu'à l'ensemble des populations déplacées lors du conflit.
Enfin, la participation des autorités locales apparaît comme
fondamentale et permet de prévenir tout risque de développement,
au sein de la population, d'un sentiment d'occupation ou de tutelle
extérieure152.
Le cas du Kosovo est, là encore, riche d'enseignements.
La fin des hostilités n'a aucunement généré un
désengagement immédiat des forces internationales. L'ONU, l'OSCE,
l'Union Européenne et, dans une certaine mesure le Conseil de l'Europe,
ont été associés à la sécurisation de la
province et à la restauration de l'ordre, à la suite de
l'adoption des accords de Rambouillet du 27 mai 1999153.
Dans ce cas, les forces de la Mission intérimaire des
Nations unies au Kosovo (MINUK), assistées par les agents de la KFOR,
ont procédé à une opération de
rétablissement de l'ordre par rassemblement et désarmement des
factions militaires154.
Dans le cas des conflits impliquant des minorités,
cette dimension de la responsabilité de protéger apparaît
comme primordiale, dans la
151 CIISE, Op-cit, p.45
152 Idem, p.47
153 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.45. L'accord
Rambouillet est un accord intérimaire pour la paix et
l'autonomie au Kosovo signé pour trouver une solution
pacifique et politique au Kosovo qui constituait une condition préalable
pour la stabilité et la démocratie
154 Idem
60
mesure où les risques de reprise immédiate des
hostilités semblent patents et les tensions interethniques, bien plus
difficiles à juguler. De surcroît, l'inversement des rôles
de « persécutés » et de « persécuteurs
» a d'autant plus de possibilités à s'opérer,
lorsqu'il n'existe pas d'appareillage institutionnel et policier, apte à
apaiser les tensions émergentes155.
B. La consolidation future de la paix et de la
sécurité
Rappelons que le Conseil de Sécurité et le
Comité spécial des opérations de maintien de la paix de
l'Assemblée Générale ont tous deux constaté et
reconnu que la consolidation de la paix était un élément
important des opérations de maintien de la paix et contribuait pour
beaucoup à leur succès. Ainsi, dans une déclaration de son
Président adoptée le 29 décembre 1998, le Conseil de
Sécurité a encouragé le Secrétaire
Général à « envisager la possibilité de mettre
en place des structures de consolidation de la paix après les conflits
dans le cadre des efforts accomplis par le système des Nations Unies
pour parvenir à un règlement pacifique durable des
différends... »156.
Pour sa part, le Comité spécial des
opérations de maintien de la paix, dans le rapport qu'il a
présenté plus tôt en 2000, a souligné qu'il
importait de définir explicitement et d'identifier clairement les
diverses composantes d'un programme de consolidation de la paix avant de les
intégrer dans le mandat d'opérations de paix complexes, afin de
permettre ensuite à l'Assemblée Générale d'examiner
s'il est opportun de continuer à appuyer des éléments
clefs du programme de consolidation de la paix lorsqu'une opération
complexe arrive à son terme157.
En effet, une fois que les zones post-conflictuelles ont
été sécurisées, le processus de reconstruction
s'inscrit dans une démarche de consolidation pérenne de l'ordre.
À ce titre, trois secteurs sont alors privilégiés : la
justice, les
155 Ibid
156 A/55/305-S/2000/809 du 21 août 2000, Etude
d'ensemble de toute la question des opérations de maintien de
la paix sous tous leurs aspects, Lettres identiques
datées du 21 août 2000, adressées au Président de
l'Assemblée générale et au Président du Conseil de
sécurité par le Secrétaire général (rapport
Brahimi), §35
157 Idem
61
institutions et le développement. Concernant le domaine
de la justice, la responsabilité de protéger exige la poursuite
pénale des individus responsables ainsi que l'indemnisation des victimes
des conflits158.
À ce titre, la création de juridictions
pénales internationalisées, comme les Tribunaux spéciaux
pour l'ex-Yougoslavie159 et le Rwanda160 ainsi que la
récente Cour Pénale Internationale161, permet
d'envisager un processus de reconstruction ne laissant pas s'exercer,
post-facto, une « justice de vainqueurs » qui risquerait de
méconnaître les droits de la défense et les garanties d'un
procès équitable162.
Le développement de nouvelles conceptions comme la
« justice transitionnelle » (dont les différentes commissions
« Vérité et réconciliation » constituent des
exemples topiques) illustre, dans une large mesure, la volonté d'une
reconstruction qui fasse, à la fois, oeuvre de justice et «
d'expiation »163.
Concernant le domaine des institutions, la dimension
reconstructrice de la responsabilité de protéger exige une
assistance internationale, en vue d'assurer une transition constitutionnelle et
démocratique ainsi que la restauration pérenne de l'appareil
d'État. La surveillance des élections, l'aide à
l'organisation d'un référendum d'autodétermination (comme
ce fut le cas au Timor oriental) ou l'assistance constitutionnelle (comme dans
le cas de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine) ne sont que
quelques-uns des exemples d'une palette de mesures
158 Conformément à l'article 79 du Statut de la
Cour pénale internationale du 1er juillet 2002, la première
session de l'Assemblée des États Parties de septembre 2002 a
instauré le Fond d'affection spéciale au profit des victimes de
crimes justiciables devant cette juridiction, voir : ICC-ASP /1/3-
Rés.6.
159 Conseil de sécurité, résolution 827 du
25 mai 1993.
160 Conseil de sécurité, résolution 955 du 8
novembre 1994.
161 Voir le Statut de la Cour pénale internationale,
adopté à Rome et entré en vigueur le 1er juillet 2002.
162 Pour une analyse d'ensemble des perspectives soulevées
par le développement du droit international pénal, voir :
Ascensio, H., Decaux, E. et Pellet, A., (dir.) Droit international
pénal, Paris, Pedone, 2000, 1053 pp.cité par COLAVITTI
Romélien, Op-cit, p.46
163 Voir sur ce point : Philippe, X., « Les Nations unies
et la justice transitionnelle : bilan et perspectives », in
L'Observateur des Nations unies, 2006, pp. 169-191cité par
COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.46
62
envisageables, en vue de doter l'État en situation
post-conflictuelle d'institutions démocratiques
viables164.
Dans ce cadre, l'exemple de la Commission pour la
démocratie par le droit du Conseil de l'Europe (appelée
généralement commission de Venise, du nom du lieu où se
tiennent ses assemblées plénières), peut être
révélateur de cette exigence d'accompagnement des États en
transition, notamment dans le domaine de la protection des minorités
nationales, de leur participation à la vie publique et de leur
représentativité dans l'appareil d'État165.
Concernant, en dernier lieu, le domaine du
développement, la réinsertion sociale et économique
apparaît comme une priorité afin d'éviter la
marginalisation de personnes appartenant à des minorités
déplacées ou, plus généralement,
discriminées au cours de la période conflictuelle.
L'élaboration d'institutions autonomes dans les zones concernées
peut constituer un vecteur de catalyse de l'activité productive, ainsi
que de la participation effective au processus décisionnel des personnes
appartenant à des minorités166.
En tout état de cause, la dimension reconstructrice de
la responsabilité de protéger appelle une planification
rationnelle et un désengagement progressif des organismes
internationaux. Ceux-ci ne sauraient négliger cette étape
essentielle, sous peine de voir renaître le conflit, mais ne sauraient
également faire l'économie d'une participation suffisante des
acteurs locaux. La reconstruction de l'appareil d'État exige que la
démocratie ne soit pas octroyée et la pérennisation de
l'ordre ne saurait se faire sans une prise de responsabilité progressive
des acteurs locaux, régionaux et nationaux167.
164 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.46
165 Idem
166 Ibid.
167 Ibid.
63
§2. Administration sous l'autorité de l'ONU
La question d'autorité permet de canaliser toute action
sur le plan du droit. C'est une question qui vise à s'éloigner de
l'anarchie. Ainsi dit, toute action entreprise ne peut réussir que si
elle est rattachée à une autorité bien
déterminée168. C'est ce qui justifie que la dimension
reconstructive de la R2P ne peut se réaliser sans l'administration de
l'ONU qui en est l'autorité légitime.
En effet, toute action post-facto doit viser, comme le
souligne la CIISE, à favoriser le progrès politique,
économique et social des populations du territoire
considéré ;d'encourager le respect des droits de l'homme ;
d'assurer l'égalité de traitement dans le domaine social,
économique et commercial à tous les peuples, et d'assurer
également l'égalité de traitement dans l'administration de
la justice, tel qu'il ressort de l'article 76 de la Charte des Nations Unies.
Il est donc aisé ici de faire application du chapitre XII de ladite
Charte.
L'ONU rappelle que, fondamentalement, la
responsabilité de protéger est un principe conçu pour
réagir à des menaces à la vie humaine, et non un
instrument servant à réaliser des objectifs politiques tels que
l'autonomie politique accrue, l'autodétermination ou
l'indépendance de groupes particuliers dans le pays (encore que ces
problèmes sous-jacents puissent parfaitement être liés aux
préoccupations humanitaires qui sont à l'origine de
l'intervention militaire). L'intervention elle-même ne doit pas servir de
base à de nouvelles revendications
séparatistes169.
C'est ici que trouve place le débat qui oppose le
détracteur de la responsabilité de protéger à ses
partisans. Ces détracteurs fustigent l'instrumentalisation politique de
ladite notion en ce sens que c'est une responsabilité
168 Voir CIISE, Op-cit, p.48 ; DECAUX Emmanuel,
Op-cit, p.4
169 CIISE, Op-cit, p.48
64
assumée par les grandes puissances et
l'instrumentalisation militaire de la protection en ce sens que le militaire
n'est plus employé dans des cas extrêmes et
rarissimes170.
La grande question qui se pose ici est celle de la «
tutelle » qui subit une résistance
généralisée, au motif qu'elle ne représente qu'un
autre type d'ingérence dans les affaires intérieures d'autrui.
Elle renvoie aussi aux problèmes de souveraineté dans la mesure
où l'on peut se trouver en face d'une puissance extérieure qui
maintient sa présence dans un pays en crise après y être
intervenue.
En effet, le rapport sur la doctrine onusienne précise
qu'une intervention suspend les revendications de souveraineté dans la
mesure où la bonne gouvernance (ainsi que la paix et la
stabilité) ne saurait être favorisée ni rétablie
sans que l'intervenant exerce son autorité sur le territoire. Mais il ne
s'agit que d'une suspension de facto, pour la durée de
l'intervention et la période qui suit, et non d'une suspension de
jure171.
En somme, la responsabilité de protéger affirme
qu'une intervention entreprise pour protéger des êtres humains ne
doit être entachée d'aucun soupçon d'impérialisme
néocolonial. Bien au contraire, la responsabilité de
reconstruire, qui découle de l'obligation de réagir, doit avoir
pour dessein de rendre la société à ceux qui y vivent et
qui, en dernière analyse, doivent assumer la responsabilité de
son destin futur172.
C'est là l'essentiel du contenu de la
responsabilité de protéger tel que conçu dans le cadre
onusien. Puissions-nous alors analyser sa mise en oeuvre avant de voir comment
est-ce qu'elle a été appliquée en Libye.
170 A ce sujet lire CROUZATIER Jean-Marie, Op-cit,
pp.20-25
171 CIISE, Op-cit, p.48
172 Idem, pp.49-50
173 A/63/677 du 12 janvier 2009, La mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire
Général des Nations Unies
65
CHAPITRE III. MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger fait partie des problèmes cruciaux de notre
époque. Ce problème se trouve être posé aux
paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005. Ainsi,
c'est dans le rapport du Secrétaire Général Ban
Ki-Moon173 que ce problème est traité. Ce rapport
souligne que la responsabilité de protéger un peuple du
génocide, des crimes contre l'humanité, du nettoyage ethnique et
des crimes de guerre passe avant tout par l'action nationale qui en constitue
le premier pilier (section 1). Si l'Etat en question ne réagit pas ou ne
trouve pas des moyens pour réagir, il sera mis en place, par la
communauté internationale, le deuxième pilier qui consistera en
des mesures de persuasion et d'incitation lesquelles se traduisent par
l'assistance internationale et le renforcement des capacités (section
2). Enfin, si l'Etat manque manifestement à son obligation de
protection, le troisième pilier veut que la priorité soit de
sauver les vies par les autres Etats membres en menant en temps voulu une
action collective et résolue (section 3).
SECTION 1. PREMIER PILIER : LES RESPONSABILITES DE
L'ETAT EN MATIERE DE PROTECTION
Ce pilier met en exergue les trois premières phrases du
paragraphe 138 du Document final du Sommet de 2005 dans lesquelles chaque Etat
s'est engagé à protéger ses populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité notamment dans la prévention de ces crimes
(§1). Toutes ces actions ne peuvent donc se mettre en place que
grâce à l'appui des organisations internationales, organisations
régionales et ONG (§2).
66
§1. La prévention des crimes internationaux
Nous avions signalé précédemment que la
dimension préventive constituait une priorité de la
responsabilité de protéger. Ce principe ne trouve son sens que
dans un cadre préventif lui permettant d'éviter la commission de
tout acte qui compromettrait les principes sur lesquels se base toute notre
humanité174.
Comme on peut le remarquer, le rapport du Secrétaire
Général Ban Ki-Moon insiste sur le fait que la
responsabilité de protéger relève avant tout de la
responsabilité de l'Etat, car la prévention commence sur le
territoire national et la protection des populations est un attribut
constitutif de la souveraineté et du statut de l'Etat au XXIè
siècle175.
C'est ici que l'on cerne le rôle supplétif de la
communauté internationale tel que voulu par les chefs d'Etat et de
gouvernement réunis au Sommet de 2005. C'est le libellé du
paragraphe 138 du Document final dudit sommet qui confirme cette
vérité fondamentale. Le rapport sur la responsabilité de
protéger l'a, d'ailleurs, souligné en affirmant que la
responsabilité de protéger un peuple contre les massacres et
d'autres graves exactions est la plus élémentaire et la plus
fondamentale de toutes les responsabilités imposées par la
souveraineté, et que si un État n'est pas disposé à
protéger ses citoyens ou n'est pas en mesure de le faire, une
intervention coercitive déclenchée par d'autres membres de la
communauté internationale pour assurer la protection humaine, y compris
par des moyens militaires, peut être justifiée dans des cas
extrêmes176.
174 Il a fallu attendre la remarquable mutation avec Mohamed
SAHNOUN, Gareth EVANS et les autres pour que la dimension de la
prévention des massacres de masse ait toute son ampleur dans un rapport
axé sur la protection humaine et la prévention des massacres de
masse intitulé « la responsabilité de protéger
». C'est ainsi que Bernard KOUCHNER va affirmer que « la
responsabilité de protéger » est désormais le nom
pudique accordé à un instrument de prévention des
massacres de masse. Cette assertion se trouve être vérifiée
lorsqu'on se rend compte de la place que la prévention occupe dans le
rapport précité. Les massacres de masse vont à l'encontre
des principes sur base desquels se trouve être fondée toute notre
humanité. Ceci est une raison de plus pour que la responsabilité
de protéger constitue le leitmotiv qui a pour finalité la
prévention des massacres de masse. Ainsi, cette prévention ne
saurait être atteinte que lorsque l'Etat et la communauté
internationale parviendront à éliminer à la fois les
causes profondes et les causes directes des conflits internes et des autres
crises produites par l'homme qui mettent en danger les populations.
175 A/63/677 du 12 janvier 2009, Op-cit, Rapport du
Secrétaire Général des Nations Unies, §14
176 CIISE, Op-cit, p.75
67
Aux termes de ces paragraphes, on peut lire que «
c'est à chaque Etat qu'il incombe de protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité. Ce devoir comporte la prévention de ces
crimes, y compris l'incitation à les commettre, par les moyens
nécessaires et appropriés. Nous acceptons cette
responsabilité et agirons de manière à nous y conformer.
La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager
et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité
et aider l'Organisation des Nations Unies à mettre en place un
dispositif d'alerte rapide »177.
Par cet engagement, les Etats devront se rassurer aussi que
les quatre crimes couverts par la responsabilité de protéger sont
effectivement intégrés dans leurs législations locales en
les accompagnant des sanctions pénales. En outre, un accès plus
égalitaire à la justice doit être mis en place, surtout
face aux violations des droits humains, ainsi que la promotion de
l'égalité des sexes et le renforcement de la
société civile en introduisant les principes de la
responsabilité de protéger afin que ces valeurs soient
progressivement intégrées du moins par les jeunes
générations178.
Ce qui reste alors c'est la volonté politique des
dirigeants pour arriver à ces fins. Car c'est d'elle que dépendra
la mise en oeuvre, sur le plan préventif, de la responsabilité de
protéger. C'est à ce niveau que les dirigeants politiques jouent
un rôle vital. Mais, ils ne sont pas les seuls acteurs.
§2. Le rôle des organisations internationales,
des organisations régionales et des ONG
Le rapport sur la responsabilité de protéger
insiste sur le fait que ces organisations jouent un rôle essentiel et
sans cesse croissant puisqu'elles constituent une source d'information,
d'arguments et de pressions qui infléchissent le processus
décisionnel, en s'adressant directement aux décideurs et
indirectement à ceux qui les influencent.
177 A/60/L.1 du 20 septembre 2005, Op-cit, §138
178 Lire à ce sujet MANRIQUE Marie France, « La
responsabilité de protéger : Un concept en mal d'application
», in Institut de Recherche sur la résolution non-violente des
conflits, p.8
68
C'est donc grâce à leur soutien que toutes les
actions précitées se mettent en place en insistant sur la
formation et l'apprentissage afin d'instaurer la responsabilité
individuelle.
L'apport du rapport du Secrétaire Général
Ban Ki-Moon, à ce sujet, est remarquable dans la mesure où il y
ressort que l'un des meilleurs moyens d'empêcher que de petits
délits ne dégénèrent en crimes graves, et de mettre
entièrement fin à de telles atteintes à la dignité
humaine, est de favoriser la responsabilité
individuelle179.
Ledit rapport ajoute que les Etats qui ont subi de tels
traumatismes, tout comme la société civile et les organisations
internationales, peuvent faciliter la mise en place de réseaux nationaux
et transnationaux de survivants afin d'assurer une plus large diffusion
à leurs récits et aux enseignements à en tirer,
contribuant ainsi à prévenir le retour de tels
événements ou leur répétition ailleurs.
Les ONG depuis toujours se sont montrées
impliquées dans cet exercice en préconisant l'action
transfrontalière de protection humaine. Elles ont exercé une
influence positive importante, surtout en Occident, en poussant les pouvoirs
publics à agir180.
Toutefois, il peut arriver que l'Etat concerné ne
réagisse pas ou ne trouve pas des moyens pour réagir. D'où
les mesures de persuasion et d'incitation doivent être prises sous forme
d'assistance internationale et de renforcement des capacités.
179 A/63/677 du 12 janvier 2009, Op-cit, §27
180 CIISE, Op-cit, p.80
69
SECTION 2. DEUXIEME PILIER : ASSISTANCE INTERNATIONALE
ET RENFORCEMENT DES CAPACITES
Il ressort des prescrits du Document final du sommet de 2005
que la communauté internationale devrait, si nécessaire,
encourager et aider les Etats à s'acquitter de la responsabilité
de protéger d'une part, ce qui constitue une assistance de sa part
(§1) et, d'autre part, elle s'est engagée à renforcer les
capacités propres à réduire les risques pouvant
découler des crimes couverts par la responsabilité de
protéger (§2).
§1. Assistance internationale
De l'analyse des paragraphes 138 et 139 du document
précité, il ressort que l'assistance internationale peut prendre
l'une des formes ci-après :
a) Encourager les Etats à s'acquitter de leurs
responsabilités au titre du premier pilier181 ;
b) les aider à exercer cette
responsabilité182 ;
c) les aider à se doter des moyens de protéger
leurs populations183 ;et
d) apporter une assistance aux pays « dans lesquels
existent des tensions avant qu'une crise ou qu'un conflit n'éclate
»184.
En effet, aux termes du rapport du Secrétaire
Général Ban Ki-Moon, il est précisé que si la
première forme d'assistance consiste à persuader les Etats de
faire ce qui leur incombe, les trois autres formes supposent, par contre, un
engagement réciproque et un partenariat actif entre la communauté
internationale et l'Etat185.
Cette assistance nous semble être une expression
éloquente de la protection des droits de l'homme par le droit
international. Car la protection de
181 A/60/L.1 du 20 septembre 2005, Op-cit, §138
182 Idem
183 Ibid., §139
184 Ibid.
185 A/63/677 du 12 janvier 2009, Op-cit, §28
70
l'individu se trouve être connue depuis longtemps du
droit international telle que cela est prouvé par l'institution de la
protection diplomatique aussi bien que les traités de protection des
minorités, notamment religieuses, dont certains furent conclus il y a
plusieurs siècles. Cette conception est consolidée par le droit
international contemporain qui fait de la promotion et de la protection
individuelle des droits de l'homme une fin en soi186.
Puisque l'assistance internationale à elle seule ne
suffit pas, le renforcement des capacités des Etats parait être un
autre champ de batail auquel la communauté internationale s'est
livrée vis-à-vis des Etats menacés ou frappés par
l'un des crimes précités.
§2. Renforcement des capacités
N'ayant pas suffisamment investi dans des capacités de
prévention, qui n'absorbent qu'une partie des dépenses de l'ONU
au titre des opérations vitales de consolidation de la paix après
le conflit187, le monde se voit être contraint à
s'engager efficacement dans le renforcement des capacités des pays dans
lesquels le besoin se fait sentir de manière imminente.
A cet effet, le Secrétaire Général Ban
Ki-Moon admet, dans son rapport, que contribuer au renforcement des
capacités civiles des organisations régionales et
sous-régionales pour prévenir les crimes et violations relevant
de la responsabilité de protéger pourrait donc être un
investissement avisé. Plusieurs initiatives utiles en ce sens sont
envisagées dans le cadre du Programme décennal de renforcement
des capacités pour l'Union Africaine de l'ONU188.
L'exemple de renforcement le plus palpable sur terrain
pourrait être l'instauration d'une diplomatie parallèle
cohérente en vue de renforcer les
186Pour plus de détail sur la promotion et
la protection individuelle des droits de l'homme comme une fin en soi lire
ALEDO Louis-Antoine, Le droit international public, Paris, Dalloz,
2005, pp.130-131
187 A/63/677du 12 janvier 2009, Op-cit, §38
188 Idem
71
pressions morales publiques et/ou confidentielle, l'envoi des
conseillers spéciaux, une pression de la part des organisations de
développement et des institutions de Bretton Woods lesquels constituent
les mesures de persuasion et d'incitation de ce deuxième pilier. Il
s'avère aussi important de renforcer la bonne gouvernance qui est
compatible avec les objectifs de la responsabilité de
protéger189.
Le rapport du Secrétaire Général Ban
Ki-Moon retient cinq capacités190 déduites de la
pratique de l'aide au développement et fondées sur les demandes
des Etats Membres eux-mêmes à savoir :
a) Analyse du développement tenant compte des
conflits. Cela implique le renforcement de la capacité des institutions
nationales, dans le cadre de la planification du développement,
d'analyser ensemble les questions et les tensions qui se font jour, afin que
l'exécution des programmes de développement contribue à
atténuer les tensions existantes au lieu de les exacerber ;
b) Capacité locale de médiation. Il s'agit de
créer ou de renforcer des institutions et des mécanismes
crédibles, aussi bien traditionnels que modernes, et dans le cadre tant
des pouvoirs publics que de la société civile, qui peuvent aider
à apporter des solutions internes aux différends, encourager la
réconciliation et jouer un rôle de médiation sur des
questions précises ;
c) Consensus et dialogue. Cela requiert des capacités
de dialogue participatif sans exclusive, et la création d'espaces et
d'instances neutres pour traiter les dissensions par ce dialogue. En
Amérique latine en particulier, les États Membres ont
institué des espaces de « dialogue démocratique » en
tant que composante de la gouvernance;
d) Capacité locale de règlement des
différends. Il s'agit de créer des infrastructures de paix, aux
plans national et local, pour régler les litiges locaux à propos
de la terre, des ressources, de la religion, de l'appartenance ethnique, ou de
la transmission du pouvoir d'une manière durable avant qu'ils ne
dégénèrent en conflit ;
189 Voir MANRIQUE Marie France, Op-cit, p.9
190 A/63/677du 12 janvier 2009, Op-cit, §45
72
e) Capacité de reproduire les capacités. Enfin,
il faut que les capacités ci-dessus définies soient
absorbées et profondément enracinées dans les
sociétés pour que les nouvelles générations de
dirigeants aient les ressources et les compétences pour prévenir
les types de fractures et de frustrations risquant de conduire à des
crimes relevant de la responsabilité de protéger.
Mais, il se peut que, comme dit précédemment,
les autorités nationales n'assument pas la protection de leurs
populations. Dans ce cas, une réaction de la communauté
internationale en vue de sauver les vies humaines serait indispensable.
SECTION 3. TROISIEME PILIER : REACTION RESOLUE EN TEMPS
VOULU
La réaction de la communauté internationale est
envisagée sous des échelons différents lesquels ne se
focalisent pas directement sur la coercition. C'est ainsi qu'il y a d'une part,
comme réaction possible, la mise en oeuvre des moyens diplomatiques,
humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés (§1) et,
d'autre part, si ces moyens pacifiques se révèlent
inadéquats et que les autorités nationales n'assurent
manifestement pas la protection de leurs populations contre les quatre crimes
et violations visés, il y a alors lieu qu'une intervention militaire
rentrant dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l'ONU soit
autorisée par le Conseil de Sécurité (§2).
§1. La mise en oeuvre des moyens pacifiques
Aux termes du rapport du Secrétaire
Général Ban Ki-Moon, ces moyens sont mis en oeuvre
conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte de l'ONU afin d'aider
à protéger les populations du génocide, des crimes de
guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité.
73
En effet, dans les relations étatiques, ces mesures
sont généralement préférables à l'emploi de
la force tel que le démontre la CIISE dans son rapport191. La
CIISE souligne, en outre, que les mesures autres que l'action militaire
comprennent les sanctions militaires, économiques et
politico-diplomatiques.
Dans le domaine militaire, le rapport de la CIISE
précise, d'une part, que les embargos sur les armes constituent un outil
important entre les mains du Conseil de Sécurité et de la
communauté internationale lorsqu'un conflit survient ou menace de
survenir. Ces embargos portent généralement sur la vente de
matériel militaire et de pièces de rechange. D'autre part,
l'interruption de la coopération militaire et des programmes
d'entraînement est une autre mesure fréquente, encore que moins
rigoureuse, que les États utilisent ou menacent d'utiliser pour assurer
le respect des normes internationales, ses résultats étant
toutefois assez variables192.
Dans le domaine économique, ce rapport affirme entre
autre que les sanctions financières peuvent viser les avoirs
étrangers d'un pays, d'un mouvement rebelle ou d'une organisation
terroriste, ou les avoirs étrangers de tel ou tel dirigeant.
Lorsqu'elles visent des individus, ces mesures sont de plus en plus souvent
élargies aux membres de la proche famille de l'intéressé.
De même, on peut aussi concevoir que l'interdiction des liaisons
aériennes a été utilisée dans un certain nombre de
cas et consiste généralement à interdire le trafic
aérien international à destination ou en provenance d'un lieu
donné193.
Enfin, dans le domaine politico-diplomatique, il peut
être conçu la suspension de la participation à des
organisations internationales ou régionales, ou l'expulsion de ces
organisations, et la perte non seulement du prestige national qui s'y attache
mais également de la coopération technique ou de l'aide
financière éventuellement offerte par ces organismes, constituent
un autre outil de plus en plus utilisé. A cet effet, ledit rapport
souligne que le refus d'admettre un pays dans une
191 CIISE, Op-cit p.33
192 Idem, p.34
193 Ibid.
74
organisation est un corollaire de la mesure
précédente qui a été parfois utilisé et a
donné de bons résultats194.
Nonobstant toutes ces mesures, des cas extrêmes peuvent
justifier le recours à une intervention armée lorsque les mesures
sus-évoquées ont échoué et n'ont pu mettre fin aux
graves violations des droits de l'homme.
§2. L'intervention militaire autorisée par le
Conseil de Sécurité
S'inscrivant dans la même suite d'idées que le
professeur BETTATI, nous estimons que, dans certaines situations, la
souveraineté sert d'alibi à une dictature
établie. Elle « condamne parfois des pans entiers d'une des
composantes de l'Etat, sa population, à la non-assistance, lorsque
victime de catastrophes naturelles ou politiques, elle est privée de
secours étranger pourtant disponible195.
C'est là la raison fondamentale qui pourrait justifier
une intervention militaire. Mais cette intervention pour être
légitime devra être autorisée par le Conseil de
Sécurité agissant dans le cadre du Chapitre VII lorsque la
situation est susceptible de mettre en péril la paix et la
sécurité internationales. De même, elle ne peut être
légale que si elle rentre ou trouve son fondement dans la Charte de
l'ONU.
Comme nous l'avons dit, cette intervention vise à faire
cesser la commission des crimes internationaux et violations des droits de
l'homme suscités. C'est ici que la souveraineté n'est plus
conçue comme absolue mais comme responsabilité car elle impose
à l'Etat certaines obligations qu'il doit remplir.
La Charte des Nations Unies s'est déjà
prononcée sur cette question car elle aborde les problèmes
humanitaires et sociaux qu'elle considère comme des menaces potentielles
contre la paix et la sécurité internationales et engage
194 Ibid., pp.34-35
195 Lire à ce sujet BETTATI Mario cité par
DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, Le droit international dans un monde en mutation
: essais écrits au fil des ans, Paris, Harmattan, 2003, p.63
75
tous les Etats membres à coopérer afin de
favoriser le progrès économique et social de tous les
peuples196.
Les limitations à l'indépendance des Etats ne se
présumant pas tel qu'admise par la C.P.J.I dans son arrêt du 7
novembre 1927197, force est de constater que, comme l'a
précisé le président François MITTERAND dans sa
déclaration de l'inauguration de la session de Paris de la
conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe du 30 mai 1989, l'obligation de non-ingérence s'arrête
à l'endroit précis où nait le risque de
non-assistance198.
En plus, puisque personne ne peut soutenir le terrorisme ou
certains régimes corrompus du tiers monde qui massacrent
impunément des minorités, détournent l'aide humanitaire et
violent les droits les plus élémentaires de leurs
citoyens199, une intervention armée en ce sens est admissible
pour faire cesser ces violations.
De ce qui précède, le rapport du
Secrétaire Général Ban Ki-Moon précise que la
deuxième phrase du paragraphe 139 du Document final du Sommet mondial de
2005 souligne que la communauté internationale pourrait invoquer une
gamme plus large d'actions collectives, pacifiques ou non, pour autant que deux
conditions soient réunies :
196 Voir Chapitre X de la Charte de l'ONU
197 C.P.J.I, Affaire du Lotus, Série A,
N°10, 1927, p.18. Eric DAVID souligne qu'on dit souvent que les
limitations à la souveraineté ne se présume pas ; de
là la grande difficulté de toute théorie de l'abus de
droit ; mais ceci ne signifie pas que la souveraineté étatique
n'est pas soumise au droit. La souveraineté n'a pas un caractère
inconditionnel ou absolu. Un sujet de droit ne peut être à la fois
soumis au droit et au-dessus de lui. Si la souveraineté était le
pouvoir de décider d'une manière entièrement
discrétionnaire et sans être soumis à aucune règle,
alors cette souveraineté serait la négation du droit
international. Elle se heurterait en outre à la souveraineté
égale des autres Etats. L'auteur conclut qu'il est donc clair que la
souveraineté est soumise au droit et qu'elle n'a pas un caractère
absolu. La souveraineté est aussi compatible avec des engagements
volontaires, d'après le même auteur. Sur ce point, il convient de
distinguer le point de vue des juristes classiques formalistes de celui
qu'adopte une partie de la doctrine contemporaine. Selon les juristes
classiques formalistes, le concept de souveraineté n'ayant aucun
caractère absolu, la souveraineté d'un Etat est compatible avec
des engagements susceptibles de limiter ses droits pourvu que ces engagements
aient été volontairement acceptés. Lire DAVID Eric,
Droit des gens, 16ème édition, Tome II,
Bruxelles, PUB, 2000, p.246
198 MITTERAND François cité par BETTATI
Mario, Op-cit, p.659 et DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, Op-cit,
p.64
199 Lire à ce sujet DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, Op-cit,
p.65
76
a) « lorsque ces moyens pacifiques se
révèlent inadéquats »200, et
b) « que les autorités nationales n'assurent
manifestement pas la protection de leurs populations » contre les quatre
crimes et violations considérés.
Le rapport précise que dans les deux cas, les chefs
d'État et de gouvernement affirment, au paragraphe 139 « nous
sommes prêts à mener en temps voulu une action collective
résolue, par l'entremise du Conseil de Sécurité,
conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par
cas et en coopération, le cas échéant, avec les
organisations régionales compétentes »201.
Le Secrétaire Général Ban Ki-Moon a alors
relevé dans une allocution prononcée à Berlin le 15
juillet 2008202 que l'énoncé de cette phrase donne
à entendre qu'une réaction rapide et souple s'impose en pareil
cas, adaptée à la situation et tenant pleinement compte des
dispositions de la Charte.
Enfin, le Sommet de 2005 retient que dans une situation
d'urgence qui évolue rapidement, l'ONU, les décideurs
régionaux, sous-régionaux et nationaux doivent avoir toujours
pour principal objectif de sauver des vies humaines en menant « en temps
voulu une action collective résolue »203, et se garder
de suivre pas à pas une série de procédures arbitraires,
qui privilégient la forme au détriment du fond et la
méthode au détriment des résultats.
200 Voir dans le même sens l'Article 42 de la Charte de
l'ONU : « si le Conseil de sécurité estime que les mesures
prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se
sont révélées telles [...] »
201 A/63/677du 12 janvier 2009, Op-cit, §49
202 Voir communiqué de presse SG/SM/11701
203 A/63/677 du 12 janvier 2009, Op-cit, §139
77
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
La responsabilité de protéger est une nouvelle
approche onusienne qui a permis de comprendre la souveraineté autrement
en dépassant la conception traditionnelle de la souveraineté
comme absolue pour aboutir à une conception de la souveraineté
comme responsabilité.
C'est à la suite de quelques concepts doctrinaux du
droit international tels que l'intervention d'humanité, l'intervention
humanitaire et le droit d'ingérence humanitaire que l'humanité
est arrivée à la mise en place de ce principe.
Il sied de rappeler que les concepts précités
qui ont précédé le principe de la responsabilité de
protéger ont constitué un instrument pour la légitimation
des intérêts de grandes puissances et de leur
hégémonie sur les petits Etats tout en allant à
côté des objectifs apparents qu'ils affichaient. Plus
précisément, le fameux droit d'ingérence humanitaire, lui,
a été balayé par les Etats à cause des incertitudes
de ses fondements, de l'imprécision de son contenu et de la
variabilité de sa géométrie.
C'est devant cette intolérance que la
responsabilité de protéger devrait s'installer comme principe
compatible aux exigences de l'Etat moderne qui voit sa mission première
être orientée vers la protection de la population laquelle
protection devient une fin en soi et conditionne le droit international et les
relations internationales.
La responsabilité de protéger n'a donc pas, en
soi, apporté des obligations nouvelles. Mais c'est seulement au niveau
de la terminologie qu'il y a une nouveauté. Car, si dans les
années 90 les Etats étaient allergiques à des termes tels
que le droit d'ingérence humanitaire avec ses incertitudes telles que
soulignées ci-haut, en plein XXIè siècle, le terme du
débat a changé et l'attention est plus tirée vers un ordre
plus humain avec l'avènement de la responsabilité de
protéger.
78
Contrairement aux principes qui l'ont
précédée, la responsabilité de protéger
vient renforcer le système onusien en ce que sa mise en oeuvre ne peut
que rentrer dans le cadre de la Charte de l'ONU et du Conseil de
Sécurité qui en est l'autorité principale et
appropriée. A côté de celui-ci, l'Assemblée
Générale est placée comme autorité de substitution
dans le cadre de la procédure de l'Union pour le maintien de la paix.
C'est aussi grâce à son contenu sans
détour que la mise en oeuvre de ce principe parait bien aisé.
Toutefois, comme l'a souligné Mario BETTATI, il y a toujours et souvent
l'interférence des intérêts stratégiques dans
l'application du droit international, ce qui fait que, la responsabilité
de protéger n'échappant pas à cette réalité,
son application peut parfois s'avérer hypothétique.
Ce qui nous pousse à faire alors un plaidoyer en faveur
d'une impartialité sans aucune autre de la part des acteurs de ce
principe lesquels doivent s'abstenir d'appliquer la politique de deux poids
deux mesures et doivent mettre à l'avant plan l'idée de
solidarité qui doit forger notre humanité en cas de
perpétration des crimes couverts par la responsabilité de
protéger et permettre d'admettre cette fois-là l'existence d'une
« réelle communauté internationale ».
Somme toute, la responsabilité de protéger ne
pourra se placer sur la lignée des principes effectivement admis sur la
scène internationale que lorsque ses acteurs ne l'auront pas
détourné de ses objectifs comme il a été le cas
avec les principes qui l'ont précédée. Ce n'est que dans
cette façon de voir les choses qu'une réelle application de ce
principe aux fins de protection humaine ne pourra être atteinte.
79
IIème PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA
RESPONBALITE DE PROTEGER PENDANT LA CRISE LIBYENNE
Des manifestations ont lieu à Benghazi le soir du 15
février 2011, durement réprimées par la police qui utilise
des armes à feu, en plus des canons à eau et des
lacrymogènes, jusque tard dans la nuit. Les affrontements font au moins
38 blessés, dont dix policiers et 4 morts à Al-Baïda. Le 16
février 2011, Kadhafi libère 110 islamistes, malgré les
manifestations qui ont commencé. Le lendemain, les manifestants de
Benghazi, qui protestent contre la détention d'un avocat et activiste
des droits de l'homme, sont attaqués par la milice défendant le
pouvoir, les gardiens de la Révolution, armés de
bâtons cloutés et de sabres. Les autorités payent des
prisonniers pour réprimer les manifestants. D'autres villes de l'Ouest
du pays se soulèvent, en particulier à Zenten, qui
bénéficie d'une situation peu accessible dans le Djebel Garbi.
Cette situation qui a prévalu en Libye de
février 2011 à mars 2011 n'a pas laissé
indifférente la communauté internationale. C'est la raison pour
laquelle cette dernière a été contrainte de mettre en
oeuvre la responsabilité de protéger en Libye pour arriver
à protéger les populations civiles. Ainsi, cette seconde partie
constitue un exemple plus pertinent de l'application de la
responsabilité de protéger depuis son adoption en septembre 2005
par l'ONU.
Il sera alors question, dans un premier temps, d'analyser le
conflit libyen (Chapitre I). Enfin, dans un second temps, il sera question
d'analyser la résolution 1973 du Conseil de Sécurité dans
le contexte de la crise libyenne (Chapitre II).
80
CHAPITRE I. LE CONFLIT LIBYEN
Plusieurs facteurs ont incité au soulèvement
populaire en Libye. Certains pensent que ce soulèvement a
été occasionné par les aspirations du peuple libyen
à la démocratie; d'autres, par contre, affirment que c'est
l'éclatement des alliances tribales et le massacre de masse vécus
en Libye qui ont occasionné ce soulèvement (Section 2).
Toutefois, avant d'analyser ces causes, il convient de faire une relation des
faits du conflit libyen (Section 1).
SECTION 1. LES FAITS A L'ORIGINE DE LA CRISE
LIBYENNE204
La révolte libyenne est un mouvement de contestation
populaire, assorti de revendications sociales et politiques, qui a
débuté le 15 février 2011 en Libye. Il s'inscrit dans un
contexte de protestations dans les pays arabes. Comme lors des
révolutions tunisienne et égyptienne, les opposants au
régime demandent plus de libertés et de démocratie, un
meilleur respect des droits de l'homme, une meilleure répartition des
richesses ainsi que l'arrêt de la corruption au sein de l'État et
de ses institutions. Le « Guide de la Révolution » libyen,
Mu'ammar Kadhafi, est le plus ancien dirigeant arabe toujours en fonction : il
est à la tête de la Libye depuis 41 ans.
Le 15 février 2011, un groupe de civils est descendu
dans les rues de Benghazi pour demander pacifiquement la libération d'un
avocat nommé Tirbil, qui représente les familles des 2 000
prisonniers tués en 1996 dans la prison d'Abu Salim. Ils ont
été accueillis par des tirs à la tête et à la
poitrine.
Les forces terrestres et aériennes du Colonel Mu'ammar
Kadhafi ont eu à massacrer des centaines (peut-être même
plus d'un millier) de libyens qui manifestaient, d'abord de manière
pacifique, contre les excès du régime205.
204 Voir révolte libyenne de 2011 à consulter dans
www.wikimediaproject.com
205 A ce sujet, Amnesty International a rendu public mardi 13
septembre 2011 un nouveau rapport sur la Libye intitulé The Battle
for Libya: Killings, Disappearances and Torture (La bataille pour la Libye :
Mises à mort,
81
Les principaux mouvements ont d'abord eu lieu dans des villes
de Cyrénaïque (à l'Est) : à El Beïda, Darnah et
surtout Benghazi ainsi que dans diverses autres localités dans une
moindre mesure. Les protestations se sont développées puis
étendues dans pratiquement toutes les grandes villes du pays et à
Tripoli, la capitale. Plusieurs intellectuels qui s'étaient
rangés aux côtés des manifestants ont été
arrêtés et pour la plupart jugés. De hauts dignitaires
religieux ont ensuite appelé à la fin du régime.
La répression des opposants prend un tour sanglant
à partir du 16 février 2011, le pouvoir utilisant des milices,
des mercenaires et les comités révolutionnaires pour
réprimer les manifestants. Les manifestations se muent alors en
disparitions et torture). Le document ne fait pas
l'impasse sur les exactions des kadhafistes : des tirs à l'arme
automatique sur la foule de manifestants, aux représailles aveugles
contre la population civile, en passant par les agissements des redoutés
des officiers de l'Agence de sécurité intérieure (ISA), le
document décrit par le menu l'horreur de la répression qui
sévit en Libye depuis des mois. A considérer cet état de
chose, il semblait difficile d'échapper à un bain de sang plus
important tel qu'il était vécu. La nécessité d'une
action « collective, opportune et décisive »
était devenue impérieuse. En effet, ce massacre est constitutif
des crimes contre l'humanité au regard du Statut de Rome. Car ledit
statut dispose, en son article 7 point 1, qu' « aux fins du
présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un
quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une
attaque généralisée ou systématique lancée
contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en
esclavage ; d) Déportation ou transfert forcé de population ; e)
Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en
violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée,
stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute
collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial,
national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou
en fonction d'autres critères universellement reconnus comme
inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte
visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la
compétence de la Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ; j)
Crime d'apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue
causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves
à l'intégrité physique ou à la santé
physique ou mentale ». Le §6 du préambule de la
résolution 1970 et le §7 du préambule de la
résolution 1973 du Conseil de Sécurité considèrent,
quant à eux, que les attaques systématiques et
généralisées actuellement en Jamahiriya arabe libyenne
contre la population civile pourraient constituer des crimes contre
l'humanité. Par conséquent, le §11 de la résolution
1970 souligne que les auteurs des attaques perpétrées contre des
civils, y compris les attaques menées par des forces placées sous
leur contrôle, doivent être amenés à répondre
de leurs actes. Plus tard, la résolution 1973 du Conseil de
Sécurité adoptée quelques jours après la
résolution 1970 va condamner dans son §5 la violation flagrante et
systématique des droits de l'homme, y compris les détentions
arbitraires, disparitions forcées, tortures et exécutions
sommaires. En plus, l'évolution de la notion de crime contre
l'humanité à travers les instruments de la justice internationale
aboutit à une normativisation de la notion de « crime contre
l'humanité ». Outre les statuts du Tribunal de Tokyo, des deux TPI
et de la CPI, le crime contre l'humanité apparaît dans plusieurs
conventions internationales après Nuremberg et en premier lieu dans la
Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide de janvier 1951. Puis, les Conventions de 1954 relatives au
statut des apatrides et au statut des réfugiés, ainsi que la
Déclaration sur l'asile territorial, de 1967, prévoient de ne pas
s'appliquer aux personnes ayant « commis un crime contre la paix, un crime
de guerre ou un crime contre l'humanité » (GOLDBACH NOLLEZ
Raphaëlle, « Le crime contre l'humanité et la protection de la
vie », in Revue Aspects, n°2, 2008, p.91). Contrairement aux
crimes de guerre, les crimes contre l'humanité peuvent être commis
en temps de paix et en temps de guerre (ABDELWAHAB Biad, Op-cit,
p.110). Le massacre commis en Libye depuis février 2011 fait partie des
crimes couverts par la responsabilité de protéger (Lire CIISE,
Op-cit, p.37).
Plusieurs généraux de police et de
l'armée, dont Salah MATHEK et Abdel Aziz Al-BUSTA, se rangent du
côté de la révolte dans les quinze premiers
82
révolte armée, et le régime de Kadhafi
est peu à peu abandonné par ses cadres : diplomates et ministres
notamment.
Certaines unités de l'armée se rallient aussi
aux insurgés, comme une des sept brigades d'élite de
l'armée, basée à Benghazi. Le 17 mars 2011, le Conseil de
Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 1973,
autorisant des frappes aériennes contre les forces de Kadhafi pour la
protection du peuple libyen. Elle est mise en oeuvre par une coalition
internationale le 19 mars 2011. Le 29 mars 2011, la France et le Qatar sont les
deux premiers États à mandater un « envoyé
spécial » à Benghazi, bastion de l'insurrection libyenne,
auprès du Conseil national de transition (CNT).
Le diplomate français est monsieur Alain SIVAN, «
il n'est pas ambassadeur puisque nous n'avons pas formellement reconnu un
État à travers le CNT » explique Alain JUPPÉ,
ministre français des affaires étrangères, « mais il
est le responsable diplomatique chargé des relations avec le CNT ».
Près de 750 000 travailleurs immigrés et de libyens ont
quitté le pays pour se réfugier dans les pays voisins ou pour
revenir dans leur pays d'origine, selon l'ONU.
Le ministre de la justice Mostafa Mohamad ABDELJALIL,
protestant contre la répression, démissionne dans la
matinée du 21 février 2011, suivi du représentant libyen
auprès de la Ligue arabe, Abdel Mounim Al-KHOUNI et de plusieurs
ambassadeurs : au Bangladesh, en Belgique, en Chine, en Inde, en
Indonésie, au Nigeria et en Pologne. Les ambassadeurs libyens
auprès de Washington et de Paris annoncent aussi se démarquer du
régime, sans toutefois démissionner dans un premier temps,
l'ambassadeur à Paris et celui à l'UNESCO finissent par le faire
le 25 février 2011. La totalité de la délégation
libyenne auprès de l'ONU, démissionne, en deux temps.
Ces cause sont les aspirations démocratiques d'une part
(§1) et, d'autre part, l'éclatement des alliances tribales
(§2).
83
jours. Le ministre de l'Intérieur annonce au
début de la nuit du 22 février 2011 qu'il se range du
côté de la « révolution du 17 février
2011» et se rallie aux insurgés. Ahmed Kadhaf Al-DAM, proche
conseiller du dirigeant libyen, démissionne le 25 février
2011.
Les autorités libyennes, au début de
l'insurrection, ont menacé l'Union Européenne « de cesser de
coopérer dans la lutte contre l'immigration si elle continue à
« encourager » les manifestations dans le pays ». De plus,
exerçant un chantage, Tripoli menace de nationaliser les
sociétés européennes présentes sur son
territoire.
Le 2 mars 2011, le régime réagit officiellement
aux sanctions prises à son encontre, et envoie une lettre au Conseil de
Sécurité de l'ONU, affirmant que la répression a
été modérée et demandant la suspension de
l'interdiction de voyage et du gel des avoirs de Mu'ammar Kadhafi et de son
entourage.
À Paris, un groupe d'opposants libyens s'empare de
l'ambassade de Libye le 25 février 2011, pendant quelques heures,
aboutissant à la démission de l'ambassadeur. À
Besançon, plusieurs manifestations sont organisées devant
l'Hôtel de ville par l'Association de la jeunesse libyenne de
Besançon, et soutenues par de nombreux syndicats et associations : une
le 26 février 2011 ainsi qu'une autre le 28 février 2011. Une
nouvelle manifestation est prévue le samedi 5 mars 2011, place du Huit
septembre.
Quelles pourraient alors être les causes de cette
révolte libyenne
de 2011 ?
SECTION 2. LES CAUSES DU SOULEVEMENT POPULAIRE EN
LIBYE
84
§1. Les aspirations démocratiques comme
facteurs incitateurs au soulèvement populaire
Les facteurs incitateurs au soulèvement populaire en
Libye sont nombreux206. Mais dans le cadre de cette étude, il
ne sera retenu que quelques uns d'entr'eux. On retiendra, d'une part, un
pouvoir usé, caractérisé par une démocratie de
façade et le blocage de l'alternance au pouvoir comme premier groupe des
facteurs (A). D'autre part, on relèvera l'inégalité, la
corruption dans la gestion de l'Etat, le manque des libertés
fondamentales et l'influence des médias comme deuxième groupe des
facteurs (B).
A. Un pouvoir usé, caractérisé par
une démocratie de façade et le blocage de l'alternance au
pouvoir
1. Un pouvoir usé, caractérisé par
une démocratie de façade
L'Afrique subsaharienne a été touchée par
les bouleversements qui ont enclenché les processus démocratiques
en 1990. En effet, grâce au processus démocratique entamé
dans les années 90, les populations africaines ont pu voir des
changements être opérés au niveau des dirigeants. Or, les
dirigeants du Maghreb, plus précisément ceux de la Libye, ont
survécu à ce changement207.
Force est de constater que depuis son installation à la
tête de la Jamahiriya arabe libyenne, le colonel Kadhafi ne respecte pas
les exigences d'un Etat démocratique. A cet effet, nous pensons avec
Jean D'ASPREMONT qu'il semble
raisonnable d'affirmer que le critère principal dont
témoigne la pratique
206 A titre illustratif, le professeur BULA-BULA retient la
corruption, l'inégalité de répartition de revenus,
népotisme, chômage, carence des biens de première
nécessité, absence de vision politique réelle, tyrannie,
arbitraire, incompétence, etc. A consulter chez BULA-BULA Sayeman,
Le droit international public. Introduction, origines, théories,
sources formelles, 1ère édition, Bruxelles,
Académia Bruylant, Mars 2011, p.17 ; le professeur LABANA LASSAY'ABAR,
quant à lui, retient comme facteurs incitateurs : un pouvoir usé,
caractérisé par une démocratie de façade et le
blocage de l'alternance au pouvoir, la jeunesse d'une population sans avenir et
le paradoxe d'une classe moyenne pauvre et au chômage, mais instruite,
l'inégalité et la corruption dans la gestion de l'Etat, le
rôle de l'armée et des services de sécurité et le
manque des libertés fondamentales et enfin l'influence des
médias. Voyez LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, « L'onde de choc
du printemps arabe en Afrique noire », Communication aux premières
journées scientifiques de l'Union Africaine de la Faculté de
droit de l'Université de Kinshasa du 25 au 26 mai 2011, Inédit,
pp.7-10
207 LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, Op-cit, p.11
85
contemporaine dominante et qui permet de juger du
caractère démocratique d'un Etat est l'élection. Mais cela
n'empêche pas que soit également jugé non
démocratique l'Etat qui contrevient systématiquement à
certains droits élémentaires de la personne humaine208
tels que la liberté de manifestation pacifique, la liberté de
réunion pacifique, la liberté d'expression et la liberté
de la presse209.
Quant aux élections, il convient également de
préciser que plusieurs organes d'un Etat peuvent être élus
par le peuple, mais cela ne suffit cependant pas pour que l'on considère
cet Etat comme démocratique. Encore faut-il que cette élection
soit libre, honnête, périodique, au suffrage universel et au
scrutin secret. Il est enfin requis que les élus disposent effectivement
du pouvoir de diriger l'Etat ou de contrôler ceux qui en ont le
mandat210.
Cette exigence semblait ne pas être pratiquée en
Libye durant le règne du colonel Kadhafi. En effet, c'est depuis le
1er septembre 1969 qu'un groupe de jeunes officiers, conduits par le
colonel Mu'ammar al-Kadhafi, profitent du voyage du roi Idris Ier à
Ankara pour prendre le pouvoir et proclamer la République arabe
libyenne. Depuis lors, aucune élection crédible n'a alors
été organisée.
L'absence d'élection libre, honnête,
périodique et au suffrage universel secret en Libye va alors être
l'un des facteurs incitateurs au soulèvement populaire du 15
février 2011 qui va être accueilli avec une violence notoire de la
part du gouvernement libyen211.
208 D'ASPREMONT Jean, L'Etat non démocratique en
droit international. Etude critique du droit international positif et de la
pratique contemporaine, Paris, Editions A.Pédone, 2008, p.15
209 A ce sujet, le §2 de la résolution 1970 du
Conseil de sécurité du 26 février 2011 confirme qu'il y a
eu des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme en
Libye, notamment la répression exercée contre des manifestants
pacifiques. Le §10 invite les autorités libyennes à
respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté
d'expression, y compris la liberté de la presse
210D'ASPREMONT Jean, Op-cit, pp.16-30
211 Quant aux autres droits de la personne violés
durant le régime du colonel Kadhafi tels que la liberté de
manifestation pacifique, la liberté de réunion pacifique, la
liberté d'expression et la liberté de la presse, il y a lieu de
préciser que l'expression authentique de la volonté du peuple
repose en effet sur les libertés de conscience, d'opinion, d'expression,
d'association et de presse. Le Comité des droits de l'homme, dans son
observation générale n°25, n'a d'ailleurs pas manqué
de souligner que le « droit à la liberté d'expression, de
réunion et d'association est une condition essentielle à
l'exercice du droit de vote » (Observation générale
n°25 du Comité des droits de l'homme, CCPR/C/21/Rev.1/Add.7,
§8). La Cour européenne des droits de l'homme l'a également
défendu (CEDH, Affaire du Parti socialiste et autres c.Turquie,
Recueil 1998-III, §45 ; Affaire Parti
86
Il convient de préciser que toutes les exigences
énumérées ci-haut devaient être observées
puisqu'elles revêtent un caractère obligatoire et s'imposent aux
gouvernants212.
Mais tel ne fut pas le cas en Libye où les droits de la
personne humaine sont bafoués par les autorités. Les
événements de février 2011 tels que
présentés ci-haut dans les faits en constituent un exemple
éloquent.
2. Le blocage de l'alternance au pouvoir
Il a été précédemment dit que
l'élection des détenteurs du pouvoir, ou de ceux qui le
contrôlent, a ordinairement été considérée,
dans la pratique
de la liberté et de la démocratie
c.Turquie, 8 décembre 1999, §§41-45 ; CEDH, Affaire
du parti communiste unifié de Turquie et autres c.Turquie, Recueil
1998-1, 30 janvier 1998, §57). Partant de cette conception, le concept de
démocratie engloberait donc certains droits fondamentaux (Lire
D'ASPREMONT Jean, Op-cit, p.32). Précisons aussi que sans la
satisfaction de ces droits universellement consacrés, la dignité
peut difficilement se concevoir (Lire VEZINA Louis-Philippe, La
responsabilité de protéger et l'intervention humanitaire : De la
reconceptualisation de la souveraineté des Etats à
l'individualisme normatif, Mémoire de master, Université de
Montréal, Faculté des Arts et des Sciences, Département
d'Etudes Internationales, 2009-2010, p.65 ).
212 A ce sujet, il convient d'admettre que quelques droits de
l'homme font partie des normes du « jus cogens » en droit
international, c'est-à-dire des normes impératives auxquelles on
ne peut pas déroger sans engager sa responsabilité sur la
scène internationale et devant les juridictions internationales à
l'instar des droits violés en Libye. Aux termes de la Convention de
vienne sur le droit des traités, en son article 53, on peut lire qu'
« aux fins de la présente Convention, une norme
impérative du droit international général est une norme
acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats
dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation
n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle
norme du droit international général ayant le même
caractère ». Outre la convention de vienne, le
caractère obligatoire des droits de l'homme a été
affirmé par la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction. En effet, la CIJ a
admis que les obligations qui naissent pour les Etats en matière des
droits de l'homme sont des obligations erga omnes. Car elles
découlent par exemple, en droit international contemporain, de la mise
hors la loi des actes d'agression et du génocide mais aussi des
principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la
personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l'esclavage et
la discrimination raciale (C.I.J, Affaire Barcelona Traction, Belgique
contre Espagne, Arrêt sur le fond, Rec.1970, §32). Toutefois, il y a
lieu d'affirmer avec le professeur André MAZYAMBO qu'une norme
impérative doit être acceptée et reconnue comme telle par
un très grand nombre d'Etats parmi lesquels doit figurer tous les
groupes d'Etats. Cela dit, aucune procédure spécifique
d'élaboration des normes de jus cogens n'est acceptée (MAZYAMBO
MAKENGO André, Droit international public, Notes de cours,
Inédit, Faculté de droit 3ème graduat, UNIKIN,
2008-2009). En effet, aux normes de « jus cogens » ou d'ordre public
international, règles qui sont obligatoires et impératives en
toutes circonstances, on oppose les règles du « jus
dispositivum » ou les règles « supplétives »
qui ne s'appliquent que pour autant que les Etats n'aient pas convenu du
contraire (DAVID Eric, Droit des gens. Ajouts et corrections,
1ère édition, Bruxelles, PUB, 1998, p.129). Ajoutons
aussi que les droits de la personne doivent être respectés
indépendamment des circonstances et de l'origine ethnique ou autres des
victimes. Il faut enfin relever que ces droits ont été
réaffirmés par l'ensemble des Etats par l'intermédiaire de
l'action des Nations Unies qui ont régulièrement
dénoncé les exactions observées au Kosovo (CORTEN Olivier
et DELCOURT Barbara, « La guerre du Kosovo : le droit international
renforcé? », in L'observateur des Nations Unies, n°8,
2000, pp.135-136). Après tout comme l'a dit le Parlement européen
dans une Résolution du 2 octobre 1997 (A4-0274/97) : « Les
êtres humains sont de plus en plus liés les uns aux autres, ce qui
se traduit... par l'émergence de valeurs communes à toute
Humanité ». Les droits de l'homme traduisent ces valeurs communes,
qui doivent être sauvegardées et défendues. Les pays
occidentaux considèrent généralement qu'en matière
de droits de l'homme un Etat ne peut pas opposer sa compétence nationale
(KDHIR Moncef, Op-cit, p.903).
87
internationale, comme le fondement d'un régime
démocratique. Mais ces élections doivent se dérouler dans
un cadre assurant une concurrence raisonnable entre les différents
courants politiques et doivent conduire à la détermination la
plus authentique possible de la volonté du peuple213.
Il avait enfin été rappelé que les
élections ne seront démocratiques que si elles sont « libres
» et « honnêtes ». Il est également requis que ces
élections soient périodiques, au suffrage universel et au scrutin
secret214. Toutes ces exigences se trouvent être
cristallisées dans les instruments internationaux qui consacrent un
droit à des élections215.
La conséquence logique qui s'en suit est que l'Etat
où les dirigeants, ou ceux qui les contrôlent, ont
été élus au terme d'un scrutin non conforme à l'un
de ces critères a généralement été
jugé non démocratique.
Le constat fort malheureux fait en Libye est l'inobservance de
ces exigences durant le règne du colonel Kadhafi. Une raison de plus qui
justifie le soulèvement populaire du 15 février 2011. Ce qui nous
pousse à affirmer que le pouvoir du colonel Kadhafi était
usé et était caractérisé par une démocratie
de façade car Robert CHARVIN et Jean-Jacques SUEUR ont souligné
qu'il n'est de démocratie que si l'homme, qui ne vit certes pas que de
pain, dispose néanmoins de ses droits suffisamment216.
Analysons à présent les autres facteurs qui ont
été à la base du soulèvement populaire en Libye.
213 Lire à ce sujet D'ASPREMONT Jean, Op-cit,
p.21
214 Idem
215 Voir par exemple l'article 21 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme ; l'article 25 du Pacte international sur les
droits civils et politiques ; l'article 3 du premier protocole additionnel
à la Convention européenne des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ; l'article 20 de la Déclaration
américaine des droits et des devoirs de l'homme ; l'article 23 de la
Convention américaine relative aux droits de l'homme ; l'article 29 de
la Convention de la Communauté des Etats indépendants sur les
droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'homme.
216 CHARVIN Robert et SUEUR Jean-Jacques, Op-cit,
p.11
88
B. L'inégalité, la corruption dans la
gestion de l'Etat, le manque des libertés fondamentales et l'influence
des médias
L'inégalité, la corruption dans la gestion de
l'Etat et le manque des libertés fondamentales, d'une part et, d'autre
part, l'influence des médias sont là les autres facteurs que nous
avons retenus comme incitateurs au soulèvement populaire en Libye.
1. L'inégalité, la corruption dans la
gestion de l'Etat et le manque des libertés fondamentales
La Libye est un Etat caractérisé par l'absence
de la mise en oeuvre des mécanismes de gouvernance politique,
économique et social. Ceci a même été à la
base des mutations observées en Afrique du Nord.
Force est de constater que les
inégalités217, la corruption dans la gestion de l'Etat
et le manque des libertés fondamentales sont des vices ayant élu
domicile en Libye et ayant ainsi favorisé la réaction de la
population libyenne.
De ce fait, nous pensons avec le professeur Jean-Berchmans
LABANA LASSAY'ABAR qu'il faudrait qu'il y ait une prise de conscience des
dirigeants pour une meilleure gouvernance de la Libye. Il est aussi
nécessaire que ces autorités tiennent compte des questions
sociales dans la gestion de l'Etat, accordent réellement une place
à la population dans les programmes de développement, mettent sur
pied une politique sociale plus efficace notamment en matière de
création d'emplois pour les jeunes diplômés et enfin
mettent une meilleure politique de distribution du revenu national pour apaiser
les grognes sociales218.
217 Nous sommes dans une situation paradoxale : un Etat riche
mais une population pauvre avec un déséquilibre spatial. La
répartition spatiale a été très
inégalitaire, (Benghazi a été délaissé ce
qui explique que la révolte a débuté dans cette province),
la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches
sociales se limitant à des indicateurs globaux de portée
opératoire limitée, ce qui explique les révoltes
populaires.
218 Lire aussi LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, Op-cit,
pp.16-17
89
En somme, tous ces facteurs constituent des causes profondes
des conflits qu'il faudrait prendre en considération dans la
responsabilité de protéger d'après l'ONU. D'où il
fallait arriver à les traiter afin de prévenir efficacement sur
le long terme les éventuels conflits qui pourraient naitre au sein de
l'Etat libyen219. Chose qui n'a malheureusement pas
été faite. La conséquence est que les autorités
libyennes ont vu surgir un conflit sanglant qui a rongé la Libye.
On peut admettre, dans ce même ordre d'idées,
avec André CABANIS et all. que les rapports qui ont été
élaborés à partir des années 2000, en s'appuyant
sur le principe bien connu selon lequel « il vaut mieux prévenir
que guérir », tout en s'inscrivant dans le sillage de l'agenda
pour la paix, mettront davantage l'accent sur les situations
socio-économiques et sur la prévention sur le long terme. Comme
l'indique par exemple le Rapport du millénaire
présenté par le Secrétaire Général de
l'ONU en 2000, la plupart des conflits qui ont marqué les deux
dernières décennies sont étroitement liés au
problème de la pauvreté et à l'exclusion des
minorités dans les États concernés. Dans ces conditions,
la question de la prévention ne peut plus concerner seulement des
activités d'ordre diplomatico-militaire, mais aussi des initiatives
visant à agir sur les facteurs sociopolitiques et économiques des
conflits220. Le Secrétaire général de l'ONU a,
quant à lui, précisé que ce sont des nouveaux arrangements
sur tous les continents qui ont promu la prévention221. Ceci
prouve à suffisance le rôle de la prévention des conflits
notamment dans le contexte tel que celui de la Libye.
Mais hors-mis tous ces facteurs, il y a un facteur qui nous
semble être aussi incitatif au soulèvement populaire en Libye. Il
s'agit des médias.
219 Voir CIISE, Op-cit, pp.25-26.
220 CABANIS André, CROUZATIER Jean-Marie, RUXANDRA
Ivan, MBONDA Ernest-Marie et MIHALI Criprian, La responsabilité de
protéger : une perspective francophone, Idea Design & Print
Editurã, Cluj, 2010, p.67. Ces auteurs précisent en outre qu'en
termes d'efficacité, c'est la prévention à long terme qui
est la plus prometteuse. Non seulement il est impossible pour l'ONU de
gérer tous les conflits qui se produisent dans le monde, mais cette
forme d'anticipation permet, à des coûts moins
élevés sur le plan humain et matériel, de
désamorcer la plupart des situations porteuses de conflits ; lire aussi
GHYS Arnauld, « Responsabilité de protéger : Une approche
critique », in Coordination Nationale d'Action pour la paix et la
Démocratie, p.3 ; Document de la réunion
plénière sur la responsabilité de protéger de
l'Assemblée générale des Nations Unies à sa
63è session du 23 juillet 2009. Points 44 et 107, p.3
221 L'ONU publie un nouveau rapport sur la
responsabilité de protéger, juillet 2009, p.2, à consulter
dans
http://www.adequations.org
90
2. L'influence des médias
L'accès effectif aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication (Internet, Facebook, Messenger) a
constitué un vecteur puissant dans la crise maghrébine notamment
la crise libyenne.
En effet, toutes ces nouvelles technologies de l'information
et de la communication ont favorisé le rapprochement des peuples et des
nations. Bien que l'accès aux médias est faible en Libye ( 4, 4%
seulement de la population libyenne a accès à ces
médias222), la communication à travers lesdits
médias a été d'une importance capitale pour le
soulèvement populaire en Libye.
Ce soulèvement, à notre avis, traduit largement
des aspirations légitimes du peuple libyen. D'ailleurs, le professeur
Sayeman BULA-BULA estime que la prudence s'impose dans l'appréciation
des événements violents en Libye en raison de la situation
spécifique de cet Etat. Il ajoute que les causes des mouvements violents
dans les confins de l'Est de ce pays (Tobrouk, Benghazi) ne sont pas identiques
à celles du Maghreb, Machrek, Proche et Moyen-Orient. Ils portent
malheureusement, d'après le même auteur, en germe les risques
d'une accentuation du néocolonialisme si l'Etat
hégémonique et ses satellites les exploitent à leur profit
et que les peuples qui se sont soulevés baissent la
garde223.
Après avoir passé en revue les aspirations
démocratiques comme premier groupe des causes du soulèvement
populaire en Libye, analysons aussi une autre cause de ce soulèvement
à savoir : l'éclatement des alliances tribales.
222 Dans son rapport de 2011 sur la situation des droits
humains dans le monde, Amnesty International souligne que les médias,
largement contrôlés par le gouvernement libyen, étaient
soumis à des restrictions sévères. Lire la page 197 du
rapport.
223 BULA-BULA Sayeman, Op-cit, p.17
91
§2. L'éclatement des alliances tribales
La Libye est un Etat sociologiquement constitué par des
alliances tribales. Ces dernières ont depuis belle lurette
caractérisé la vie du peuple libyen. Mais, puisque dans toute
société, il y a toujours des problèmes qui surgissent, ces
alliances vont plus tard s'effriter.
L'histoire libyenne démontre que le guide libyen s'est
rendu responsable de multiples attentats224, de nombreux crimes et
de la déstabilisation de régions entières de l'Afrique. A
cet effet, certains pensent que la fin de Kadhafi est en effet moins une
aspiration démocratique populaire que la manifestation de
l'éclatement de l'alchimie tribale sur laquelle reposait son
pouvoir225.
A la différence de la Tunisie ou de l'Egypte, la Libye,
dont plus de 90% du territoire est désertique, est un conglomérat
de plus de 150 tribus divisées en sous tribus et en clans. Ces ensembles
ont des alliances traditionnelles et mouvantes au sein des trois régions
composant le pays, à savoir la Tripolitaine avec la ville de Tripoli qui
regarde vers Tunis, la Cyrénaïque dont la capitale est Benghazi et
qui est tournée vers Le Caire et le Fezzan dont la principale ville est
Sebba et qui plonge vers le bassin du Tchad et la boucle du Niger.
De l'indépendance de la Libye, en 1951, jusqu'au coup
d'Etat qui porta le colonel Kadhafi au pouvoir en 1969, la Libye fut une
monarchie dirigée par les tribus de Cyrénaïque. Membre d'une
petite tribu chamelière bédouine, le colonel Kadhafi fut
porté au pouvoir par une junte militaire multi tribale mais dans
laquelle dominaient les deux principales tribus de Libye, celle des Warfallah
de
224 L'implication de la Libye dans deux attentats
perpétrés contre des avions civils en 1988-1989 lui valent des
sanctions internationales sévères à partir de 1992. Mais
la mise au ban internationale de la Libye s'assouplit à partir de 1999
alors que le gouvernement de Tripoli reconnaît sa responsabilité
dans les attentats de 1988-1989. Après avoir accepté d'indemniser
les familles des victimes des attentats, la Libye obtient en septembre 2003 la
levée des sanctions de l'ONU.
225 LUGAN Bernard, « La crise libyenne, aspiration
démocratique ou éclatement des alliances tribales »
à
consulter dans
www.lescrutateur.com/article-l-analyse-originale-de-la-crise-lybienne-par-bernard-lugan- 68391338
comments.html. Cet article a été publié le 27
février 2011. Bernard LUGAN est historien et universitaire,
spécialiste de l'Afrique.
226 Idem
92
Cyrénaïque et celle des Meghara de Tripolitaine.
La plupart des tribus de Cyrénaïque demeurant attachées
à la monarchie, le colonel Kadhafi réussit un grand coup
politique en épousant une fille du clan des Firkeche membre de la tribu
royale des Barasa, ce qui lui assura le ralliement de la Cyrénaïque
rebelle226.
Fort malheureusement, c'est tout son système d'alliance
avec la Cyrénaïque qui avait volé en éclats. La date
clé du délitement tribal du système Kadhafi est 1993 quand
un coup d'Etat des Warfallah fut noyé dans le sang. Les haines furent
ensuite tues tant la terreur imposée par le régime fut forte,
mais les tribus de Cyrénaïque n'attendaient qu'une occasion pour se
révolter et cette occasion se présenta durant le mois de
février 2011. Ces tribus s'emparèrent alors de la région
et arborèrent le drapeau de l'ancienne monarchie. C'est là aussi
l'un des facteurs incitatifs au soulèvement populaire en Libye.
En définitive, de l'analyse de la situation en Libye,
nous pensons que les aspirations démocratiques constituent les facteurs
déterminants qui ont été à la base du
soulèvement populaire en Libye au regard des éléments
avancés précédemment quoique le contexte économique
de ce pays en est aussi un élément dont il faut tenir compte.
Au regard de ce qui précède, le Conseil de
Sécurité était dans l'obligation de mettre en oeuvre le
principe de la responsabilité de protéger en Libye pour arriver
à protéger la population civile de toutes les exactions
auxquelles faisait face le peuple libyen.
Ainsi, pour mieux appliquer le principe de la
responsabilité de protéger, le Conseil de Sécurité
a pris deux résolutions. La première a été prise le
26 février 2011 (résolution 1970) et la deuxième le 17
mars 2011 (résolution 1973). A ces deux résolutions, il convient
d'ajouter celle prise par le Conseil de Sécurité le 27 octobre
2011 mettant fin à la mission de l'OTAN en Libye. Mais seule la
résolution
93
1973 sera analysée car c'est elle qui a autorisé
une intervention armée en Libye. Cela, c'est en fait pour
répondre à la problématique de cette étude.
Toutefois, rien n'empêche que de temps en temps, recours soit fait
à la résolution 1970 et à celle prise le 27 octobre 2011
mettant fin à la mission de l'OTAN en Libye pour élucider
certains aspects de cette étude.
94
CHAPITRE
II. LA RÉSOLUTION 1973 DU CONSEIL DE
SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE
LIBYENNE
La résolution 1973 a été prise par le
Conseil de Sécurité à la suite de la situation qui avait
prévalu en Libye notamment la violation flagrante et systématique
des droits de la population libyenne par les gouvernants. A cet effet, cette
résolution a été considérée comme une issue
appropriée pour la protection de ladite population.
L'analyse de cette résolution débutera, en
premier lieu, par la compréhension de son contenu exact (Section 1). En
second lieu, il sera important d'examiner les mesures préconisées
par le Conseil de Sécurité dans cette résolution au regard
même du contenu de la responsabilité de protéger et leurs
conséquences (Section 2).
SECTION 1. LE CONTENU DE LA RESOLUTION 1973
Initiée par la France, le Liban et le Royaume-Uni, la
présente résolution a été prise par le Conseil de
Sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies, ouvrant ainsi la possibilité d'usage de la force.
Le Conseil de Sécurité invoque d'abord le fait
que la Libye n'a pas respecté sa résolution 1970 (2011) du 26
février 2011, qui avait exigé que soit mis fin aux violences,
notamment contre les civils et les étrangers. Il constate la
détérioration de la situation, l'escalade de la violence et les
lourdes pertes civiles et que les autorités libyennes commettent
constamment « une violation flagrante et systématique des droits de
l'homme, y compris les détentions arbitraires, disparitions
forcées, tortures et exécutions sommaires », et que des
actes de violence et d'intimidation sont perpétrés contre les
journalistes, des attaques généralisées et
systématiques menées contre la population civile, et que
celles-ci « peuvent constituer des crimes contre l'humanité ».
Il souligne que le retour des organismes d'aide
95
humanitaire est nécessaire et que l'acheminement sans
obstacle ni contretemps de l'aide humanitaire et la sécurité du
personnel humanitaire doivent être assurés.
Le Conseil de Sécurité se réfère
aux condamnations des faits en Libye par la Ligue des États arabes,
l'Union Africaine et le Secrétaire général de
l'Organisation de la Conférence islamique et à la demande de la
Ligue des États arabes du 12 mars 2011, « de demander l'imposition
d'une zone d'exclusion aérienne contre l'armée de l'air libyenne
et de créer des zones protégées dans les secteurs
exposés aux bombardements à titre de précaution pour
assurer la protection du peuple libyen et des étrangers résidant
en Jamahiriya arabe libyenne ».
Il reproche à la Libye de ne pas avoir
écouté l'appel à cessez-le-feu immédiat
lancé par le Secrétaire Général le 16 mars 2011. Il
souligne que le Procureur de la Cour Pénale Internationale a
été saisi de la situation en Libye et souligne « que les
auteurs d'attaques, y compris aériennes et navales, dirigées
contre la population civile, ou leurs complices doivent répondre de
leurs actes ».
Le sort qualifié de « tragique » des
réfugiés et des travailleurs étrangers forcés de
fuir la violence en Libye est mis en exergue comme le fait que « les
autorités libyennes continuent d'employer des mercenaires ».
C'est pourquoi "l'interdiction de tous vols dans l'espace
aérien de la Jamahiriya arabe libyenne est importante pour assurer la
protection des civils et la sécurité des opérations
d'assistance humanitaire et décisive pour faire cesser les
hostilités en Jamahiriya arabe libyenne", conclut le Conseil de
Sécurité.
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies, (qui autorise l'usage de la force), le Conseil de Sécurité
demande l'établissement immédiat d'un cessez-le-feu et
l'arrêt complet des violences et de toutes les attaques contre des civils
et que les autorités libyennes se conforment à
96
leurs obligations en vertu du droit international, y compris
le droit international humanitaire227.
Pour assurer la protection des civils, les Etats membres sont
autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour
protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la
menace d'attaques, tout en excluant une force étrangère
d'occupation sous quelque forme que ce soit dans n'importe quelle partie du
territoire libyen.
227 Sur le plan juridique, seul le Conseil de
Sécurité était en droit de prendre ces mesures dans la
résolution 1973 car depuis 1945, le recours individuel à la force
étant interdit dans les relations internationales, plus
précisément dans l'article 2§4 de la Charte des Nations
Unies, hormis l'hypothèse de la légitime défense, seules
les Nations Unies peuvent décider de recourir à l'utilisation de
la force pour tenter de régler, en dernier ressort, une situation qui
serait de nature à compromettre la paix et la sécurité
internationale. Par ailleurs (et c'est plutôt cela qui est ici en jeu)
l'article 2 §7 de la Charte n'autorise en principe pas les Nations Unies
à intervenir dans les affaires intérieures d'un État,
l'avions-nous dit, tout en précisant que « ce principe ne porte en
rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévue au
chapitre VII », c'est-à-dire précisément
lorsqu'existe une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte
d'agression susceptible de compromettre la paix et la sécurité
internationales. Puisque certaines des mesures envisagées dans la
résolution 1973 impliquées le recours à des mesures de
coercition, il convenait donc de disposer d'une résolution basée
sur le chapitre VII en vue de rendre légale une intervention sous
couvert des Nations Unies. C'est ce qui justifie la nécessité
actuelle de la résolution 1973 de l'ONU sous l'angle juridique dans la
mesure où c'est le Conseil de Sécurité qui a la
responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité
internationales et les Etats membres ont l'obligation d'appliquer ses
décisions tel qu'il ressort de l'article 25 de la Charte des Nations
Unies. A cet égard, les dispositions de la Charte, en particulier le
Chapitre VII, lui confère un pouvoir d'intervention (Lire TABRIZI SALAH
Ben, Op-cit, p.178). L'indication ici est claire dans la Charte car
« aucune action coercitive ne sera entreprise f...] sans
l'autorisation du Conseil de Sécurité », d'après
son article 53 §1. Soulignons enfin que la résolution 1973 du 17
mars 2011 a quelques ressorts sur lesquels elle s'appuie :
1. Le premier ressort important de la résolution du 17
mars 2011 réside dans le renvoi à la résolution 1738
(2006) du Conseil qui rappelle les règles du droit international
humanitaire « prohibant les attaques dirigées intentionnellement
contre des civils » et rappelant que pareilles attaques constituent des
crimes de droit international. La même résolution souligne que
« le fait de prendre délibérément pour cible des
civils (...) et de commettre des violations systématiques, flagrantes et
généralisées du droit international humanitaire et du
droit des droits de l'Homme en période de conflit armé peut
constituer une menace contre la paix et la sécurité
internationales ». Elle rappelle enfin que les auteurs de pareils actes ne
peuvent bénéficier de l'impunité.
La référence à la résolution 1738
(2006) est, en tant que telle, intéressante dans la mesure où
elle caractérise le conflit. En renvoyant à cette
résolution et en la rappelant dès le début de la
résolution nouvelle, le Conseil met en évidence une situation de
conflit armé avec toutes les conséquences qui en découlent
(Application du droit des conflits armés ; exclusion, pour les
mercenaires, du bénéfice de certaines protections prévues
par le droit international humanitaire ( article 47 du Ier protocole
additionnel de 1977 aux Conventions de Genève de 1949) ; voir aussi
CICR, Comprendre le droit international humanitaire : Règles
essentielles des conventions de Genève et de leurs protocoles
additionnels, Genève, Septembre 1983-1990, p.23). 2. Au-delà
de l'obligation d'abstention qui vient d'être rappelée, la
résolution insiste sur « la responsabilité qui incombe aux
autorités libyennes de protéger la population libyenne ».
Avant même la communauté internationale, c'est donc bien à
l'État de veiller à la protection de sa population. En rappelant
cela, le Conseil de Sécurité prolonge la position retenue en
différentes occasions et, en particulier, dans la résolution 60/1
adoptée par l'Assemblée Générale en 2005. 3. En
faisant référence au chapitre VIII (et singulièrement de
l'article 53 de la Charte) qui concerne le rôle des organisations
régionales, le Conseil introduit l'idée de la nécessaire
gestion « multiniveaux » d'une crise à la fois nationale,
régionale mais également porteuse d'implications internationales.
Il rappelle d'ailleurs que tant la Ligue des Etats arabes que l'Union Africaine
et le Secrétariat Général de l'Organisation de la
conférence islamique ont, de leur côté aussi,
condamné les violations graves des droits de l'Homme et du DIH en Libye
et ont adopté des décisions en ce sens. Singulièrement, le
12 mars 2011, le Conseil de la Ligue arabe a lui-même demandé
l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne et la création de
zones protégées dans les secteurs particulièrement
exposés aux bombardements.
97
En définitive, rappelons que l'objectif « d'aider
à la protection des civils » répété à
tous les niveaux des interventions possibles démontre que la
résolution 1973 s'inscrit dans la ligne droite de la doctrine
actuellement en vogue et en quête de « positivisation »,
à savoir « la responsabilité de protéger », un
nouveau concept « valise »228, aujourd'hui
présenté par certains auteurs comme une « avancée
significative du principe de la responsabilité internationale de
protéger les civils contre les génocides et les crimes contre
l'humanité »229.
SECTION 2. LES MESURES PRECONISEES PAR LE CONSEIL DE
SECURITE DANS LA RESOLUTION 1973 ET LEURS CONSEQUENCES
§1. Les mesures préconisées
Après avoir constaté que toutes les mesures
pacifiques230 dont notamment l'embargo sur les armes, l'interdiction
de voyager, le gel des avoirs adoptées par lui dans sa résolution
1970 du 26 février 2011 n'ont pas été respectées
par les autorités libyennes, le Conseil de Sécurité a, en
date du 17 mars 2011, adopté par dix voix231 et cinq
abstentions232 la résolution 1973233 dans laquelle
d'autres
228MARCLAY Eric cité par SEGIHOBE BIGIRA
Jean-Paul, « La résolution 1973 : entre légalité
étriquée, légitimité douteuse et effectivité
problématique », Communication aux premières journées
scientifiques de l'Union Africaine de la Faculté de droit de
l'Université de Kinshasa du 25 au 26 mai 2011, Inédit, p.2
229 Communiqué de presse AG/10375 du 12 septembre 2005
de M.PING J., Président de la 59è session de l'Assemblée
générale ; Document final du Sommet mondial de 2005 ; GALIA GLUME
; KERVAREC G. cité par SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, Op-cit.,
p.3
230 Voir Résolution 1970 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1970 (2011)
231 Royaume-Uni, France, États-Unis, Liban,
Bosnie-Herzégovine, Colombie, Portugal, Gabon, Nigéria et Afrique
du Sud.
232 Allemagne, Brésil, Chine, Fédération de
Russie et Inde.
233 Résolution 1973 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011). La teneur de
ladite résolution se présente comme suit :
1. La première exigence imposée par le Conseil
de Sécurité est celle d'un arrêt immédiat de toutes
les violences, attaques et exactions contre la population civile.
2. La seconde exigence est celle de rechercher une solution
à la crise. La formulation du texte retenu par le Conseil de
Sécurité est intéressante : l'exigence n'est pas seulement
celle d'un retour à la paix civile, mais aussi celle de la recherche
d'une solution « qui satisfasse les revendications légitimes du
peuple libyen ». Ce dernier membre de phrase n'est sans doute pas neutre
au regard de la nécessaire recomposition du paysage politique libyen au
lendemain de la crise actuelle (Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La
Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de
terminologie ? » à consulter dans
www.louislehardy.blogspot.com).
3. Pour satisfaire les exigences de base évoquées ci-dessus, la
résolution détermine un cadre juridique précis. De
l'analyse de cette résolution, Louis le Hardy de BEAULIEU pense qu'elle
constitue une concrétisation forte du rôle de l'ONU dans la
"responsabilité de protéger" en ayant, au besoin, recours
à la contrainte armée. L'auteur ajoute que dans ce cadre, le
positionnement des acteurs est intéressant à observer: chacun
estime que le sort de la
98
mesures coercitives allant jusqu'à l'autorisation d'une
action militaire seront envisagées. Il s'agit : de
l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne, de l'application
de l'embargo sur les armes, de l'interdiction des vols et des gels des
avoirs.
A. L'établissement d'une zone d'exclusion
aérienne
L'établissement d'une zone d'exclusion aérienne
signifie l'interdiction de tous les vols dans l'espace aérien de la
Libye de manière à protéger les civils, sauf les vols dont
l'unique objectif est humanitaire. Les Etats membres sont autorisés
à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter
l'interdiction des vols.
En effet, la zone d'exclusion aérienne est une question
d'intervention militaire. Une telle zone servirait à empêcher les
forces du colonel Kadhafi à continuer les bombardements dirigés
contre sa propre population. Mais l'opération pour l'établir
suppose la mobilisation de moyens aériens qui permettent de clouer au
sol l'aviation libyenne et de neutraliser les capacités
anti-aériennes des forces de Kadhafi. Pour le Luxembourg, comme pour
nombreux d'autres pays de l'UE, une telle intervention ne supposait qu'un
mandat exprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies,
une vraie demande de la part des libyens et des grands acteurs
régionaux, dont la Ligue Arabe et l'Union Africaine, desquels une
participation active était attendue. Paris et Londres, membres
permanents du Conseil de Sécurité, s'étaient
penchés en faveur de cette solution. Parmi les autres membres permanents
du Conseil de Sécurité, les USA y étaient
réticents, et si la Chine et la Russie n'ont pas fait
population libyenne est à ce point grave qu'il n'est
pas possible de demeurer les bras croisés. Certaines organisations
régionales ont donc apporté, avant le vote de la
résolution 1973, un soutien de principe à une réaction (la
"no fly zone"), même si, ou peut-être parce que, tous leurs membres
n'étaient pas certains que la résolution qui l'autoriserait
serait bien adoptée en raison de la traditionnelle réserve de la
Russie et de la Chine à l'égard de toute mesure qui conduit
à une intervention dans les affaires intérieures d'un Etat. Or,
voici que ces deux derniers Etats (sans pour autant voter "pour") ont
estimé ne pas pouvoir faire usage de leur droit de veto face à la
gravité de la situation. Cette coupure observable le 20 mars 2011 entre
une position adoptée et ses conséquences induites sont
peut-être bien l'une des clés de lecture du demi-pas en
arrière de certains membres de la Ligue des Etats arabes et de l'Union
Africaine après le début de la mise en oeuvre de la
résolution du 17 mars 2011 (Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La
Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples questions de
terminologie ? » à consulter dans
www.louislehardy.blogspot.com)
99
opposition à l'embargo sur les armes, leur position sur
une zone d'exclusion aérienne n'était pas connue. L'Allemagne et
le Portugal, deux autres Etats membres de l'UE qui siègent
temporairement au Conseil de Sécurité, était très
retenus eux aussi.
L'exigence du mandat du Conseil de Sécurité et
les demandes préalables des libyens et des pays de la région
avait fait objet de plusieurs scission au sein de l'UE telle que nous le
présentent certains hommes d'Etat.
Jean ASSELBORN, par exemple, souligne que quant à
l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne, les approches au
sein de l'UE étaient "plus nuancées". Mais il y avait accord que
l'établissement d'une telle zone, qui équivaut à une
action militaire, dépendait de plusieurs facteurs : un mandat du Conseil
de Sécurité, une demande de la Ligue Arabe et des autres acteurs
de la région, et de la poursuite des bombardements du régime de
Mu'ammar Kadhafi contre sa propre population. Une telle approche de la question
d'une intervention militaire concerne également l'idée de
"frappes aériennes ciblées" que le président
français Nicolas SARKOZY s'apprêtait à proposer à
ses partenaires de l'UE234.
Puissions-nous préciser que les « no-fly zones
», selon le jargon militaire, sont devenues un instrument commun pour
stopper des Etats ou des groupes commettant des crimes contre
l'humanité. Elles sont même l'objet d'exercices pour les
armées de l'air, notamment dans le cadre de l'OTAN. Dans le passé
récent, elles ont été utilisées en Bosnie, au
Kosovo, en Irak. Une zone d'exclusion avait été
suggérée par les Américains au Darfour, proposition
restée sans suite.
Les deux exemples historiques d'exclusion que nous pouvons
citer sont les suivants :
- En avril 1982 lors du conflit qui l'opposa à
l'Argentine, la Grande Bretagne décréta une zone d'exclusion de
200 nautiques autour des îles Falkland (ou
234 ASSELBORN Jean, « La Libye : les 27 confirment
l'adoption des sanctions renforcées contre le régime Kadhafi
» à consulter dans
www.europaforum.public.lu
... Actualités Mars 2011. Jean ASSELBORN est Vice premier Ministre et
Ministre des affaires étrangères du Luxembourg.
100
Malouines) à l'égard de tous les navires
engagés dans l'effort de guerre aux côtés de l'Argentine.
Il s'agit là d'un exemple de mesure adoptée en temps de guerre
par un belligérant à l'encontre d'un autre. Aujourd'hui, le
recours à cette notion n'est pas formellement interdit en temps de
conflit. Toutefois, les paragraphes 105 et 106 du Manuel de San
Remo235 sur le droit des conflits armés en mer insistent pour
que certaines règles soient respectées en pareille circonstance,
comme le caractère exceptionnel de la mesure, le principe de
proportionnalité ou la sauvegarde du droit des Etats neutres aux
utilisations légitimes et pacifiques de la mer.
- En 1991, lors du conflit Irak-Koweït, les USA, le
Royaume-Uni et la France ont décrété au Nord du
36e parallèle une zone d'exclusion pour les aéronefs
irakiens. Cette zone sera ensuite étendue par les deux premiers
États. La base juridique alléguée était alors la
résolution 688(1991) du Conseil de Sécurité.
L'édiction de cette zone d'exclusion n'a cependant pas été
sans poser de sérieuses interrogations juridiques. Certes, le Conseil
lançait alors un appel à tous les Etats membres de l'ONU et aux
organisations humanitaires en vue d'une coopération aux « efforts
d'assistance humanitaire ». Il demeure que cette résolution
n'était pas fondée sur le Chapitre VII de la Charte ; elle
n'offrait donc pas de fondement juridique à pareille intervention
armée.
Enfin, la prudence nous invite à soutenir l'idée
selon laquelle n'étant pas dans un contexte de conflit armé
à caractère international, un État (ou une coalition
d'Etats) ne peut a priori effectuer aucune manoeuvre ou
opération navale dans les eaux territoriales (habituellement 12
nautiques ou 22 kilomètres au large des côtes) d'un tiers dans son
accord236. De même, l'espace aérien sous juridiction
nationale surplombe non seulement le territoire terrestre, mais aussi la mer
territoriale
235 Le Manuel de San Remo sur le droit international
applicable aux conflits armés sur mer a été
élaboré, de 1988 à 1994, par un groupe d'experts du droit
international et d'experts navals qui ont participé, à titre
personnel, à une série de tables rondes organisées par
l'Institut international de droit humanitaire. Le but de cet ouvrage est de
présenter une analyse du contenu du droit international actuel
applicable aux conflits armés sur mer. Si, parmi les dispositions
figurant dans le Manuel, certaines peuvent apparaître comme des
développements du droit, la plupart sont considérées comme
énonçant le droit actuellement en vigueur.
236 Ceci serait contraire au principe du droit de passage
inoffensif tel que défini par l'article 19.2 de la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la mer. Voir aussi le HARDY de BEAULIEU Louis,
« La Libye : Etat de guerre, légitime défense...simples
questions de terminologie ? » à consulter dans
www.louislehardy.blogspot.com
101
d'un État. Les aéronefs militaires d'autres
Etats n'y disposent pas d'un droit de survol sans l'accord des autorités
de l'Etat sous-jacent237. S'ajoute à ceci une
difficulté liée à la revendication libyenne d'un espace
maritime et aérien d'une surface supérieure à ce qui est
reconnu par la communauté internationale238.
Il apparaît dès lors clairement que la
décision de l'établissement d'une zone d'exclusion ne pourrait
être que le résultat d'une résolution du Conseil de
Sécurité basée sur les articles 42 et suivants de la
Charte. Mais ceci requiert un vote favorable de neuf des quinze membres du
Conseil, en ce compris l'accord (ou à tout le moins pas de veto formel)
de ses cinq membres permanents.
B. L'application de l'embargo sur les armes
De l'avis du Conseil de Sécurité, l'embargo sur
les armes doit être respecté et strictement appliqué, avec
ce que cela comporte d'inspections sur le territoire libyen, "y compris les
ports et les aéroports ou en haute mer, les bateaux et les avions se
rendant ou provenant de Libye". Le Conseil de Sécurité demande
à tous les Etats membres d'empêcher la fourniture de mercenaires
armés à la Libye.
C. L'interdiction des vols
Aux termes de cette résolution, les Etats doivent
interdire à tout aéronef enregistré en Jamahiriya arabe
libyenne, lequel appartient à toute personne ou compagnie libyenne ou
exploité par elle, de décoller de leur territoire, de le survoler
ou d'y atterrir, à moins que le vol ait été
approuvé par avance par le Comité ou en cas d'atterrissage
d'urgence. Ils doivent aussi interdire à tout aéronef de
décoller de leur territoire, d'y atterrir ou de le survoler s'ils
disposent d'informations autorisant raisonnablement à penser qu'il y a
à bord des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou
l'exportation sont interdits par les paragraphes 9 ou 10 de la
résolution
237 Voir l'article 3c. de la Convention de Chicago du 7
décembre 1944. Voir aussi C.I.J., Affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua, Arrêt du 27 juin 1986,
point 251.
238 Voir le HARDY de BEAULIEU Louis, « La Libye : Etat de
guerre, légitime défense...simples questions de terminologie ?
» à consulter dans
www.louislehardy.blogspot.com.
102
1970 (2011), telle que modifiée par la présente
résolution, y compris des mercenaires armés, sauf en cas
d'atterrissage d'urgence.
D. Les gels des avoirs
Les avoirs financiers et les ressources économiques qui
sont propriété ou contrôlés directement ou
indirectement par les autorités libyennes sont gelés et devront
être rendus accessibles pour le bénéfice du peuple
libyen.
Finalement, un panel d'experts est créé pour une
période initiale d'un an qui aura pour tâche de suivre la mise en
oeuvre de la résolution 1973 et de signaler en particulier les incidents
de non-respect, d'en faire rapport.
Nous l'avions signalé au départ que cette
résolution se place sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
C'est le premier élément qui explique son caractère
obligatoire. En effet, les modèles de conduites obligatoires et
généraux de ladite résolution apparaissent dans les termes
de ses dispositions. Le deuxième élément qui explique son
caractère obligatoire est l'utilisation de l'indicatif présent et
du verbe « décide »239.
Il convient de reconnaitre et de rappeler que les auteurs
s'accordent sur le fait qu'il n'existe aucun désaccord en ce qui
concerne la compétence du Conseil de Sécurité à
l'effet de prendre des décisions, particulièrement dans les
matières qui rentrent dans le domaine du chapitre VII (et dans certains
cas du chapitre VI) de la Charte240.
239 A ce sujet, on peut lire DENIS Cathérine, Le
pouvoir normatif du Conseil de sécurité des Nations Unies :
Portée et limites, Bruxelles, Bruylant, 2004, p.145
240 JUNG-GUN-KIM, « La validité des
résolutions de l'Assemblée générale des Nations
Unies », in Revue internationale de droit international public,
tome 75, 1971, p.98 ; ROCHE Cathérine, L'essentiel du droit
international public et du droit des relations internationales,
2ème édition, Paris, Gualimo, 2003, p.40 ; BALANDA
MIKUIN Gérard, Op-cit, p.177 ; Dans ce même ordre
d'idées la Cour internationale de justice, dans l'affaire du
détroit de Corfou, a interprété le compromis conclu entre
les deux Parties et « établi à la suite de la
résolution du Conseil de Sécurité du 9 avril 1947 »
« à la lumière » et avec la volonté de donner
« plein effet » à la résolution.
103
C'est ainsi que le professeur JUNG-GUN-KIM estime que d'une
manière générale, les décisions du Conseil de
Sécurité prises en vertu du chapitre VII de la Charte sont de
loin la plus importante application de la compétence exercée par
le Conseil dans le domaine de l'ordonnancement de la communauté
internationale241.
Au regard de ce qui vient d'être dit, si l'on doit
examiner ces mesures au regard du contenu du principe de la
responsabilité de protéger tel que développé au
deuxième chapitre de la première partie, l'on comprend qu'on se
trouve déjà dans l'obligation de réagir puisque la phase
préventive a échoué et n'a su résoudre le conflit
tel qu'analysé au premier chapitre de la seconde partie.
Ainsi, l'établissement d'une zone d'exclusion
aérienne et l'application de l'embargo sur les armes constituent des
sanctions dans le domaine militaire ; par contre, l'interdiction des vols et le
gel des avoirs constituent des sanctions dans le domaine économique.
Toutes sont des mesures autres que l'action militaire242.
Toutefois, la décision prise par le Conseil de
Sécurité dans sa résolution 1973 consistant à la
mise en place d'une zone d'exclusion aérienne avait divisé les
Etats européens et africains sur les conséquences militaires de
l'établissement d'une telle zone. Il convient alors de parcourir les
arguments avancés par les uns et les autres sur lesdites
conséquences.
§2. Les conséquences militaires de la mise en
place d'une zone d'exclusion aérienne
Pour rappel, le 17 mars 2011, le Conseil de
Sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à
la force contre les troupes du colonel Mu'ammar Kadhafi, ouvrant la voie
à des frappes aériennes en Libye. La résolution
adoptée par le Conseil autorise "toutes les mesures nécessaires"
pour protéger les civils et imposer un
241 JUNG-GUN-KIM, Op-cit, p.103 .
242 A ce sujet, lire CIISE, Op-cit,
pp.33-35.
104
cessez-le-feu à l'armée libyenne. Cette
décision recueillera le soutien du Conseil de l'Union Européenne
et va susciter d'autres réactions au sein de l'Union Européenne.
Elle va, en outre, susciter les réactions de l'Union Africaine et de la
Libye.
A. Le soutien du Conseil de l'Union Européenne
et les attitudes au sein de l'Union Européenne
1. Le soutien du Conseil de l'Union
Européenne243
Aussitôt, le président du Conseil
européen, Herman Van ROMPUY, et la Haute représentante pour la
politique étrangère de l'UE, Catherine ASHTON, avaient
salué la résolution dite 1973. Ils avaient soutenu pleinement
l'exigence de l'ONU qu'il soit mis fin aux attaques contre les civils et qu'une
solution soit trouvée à la crise. Ils avaient appelé le
colonel Kadhafi de quitter le pouvoir immédiatement et demandé
à la Libye de "s'engager rapidement vers une transition rapide vers la
démocratie" sur base d'un dialogue impliquant de larges couches de la
société.
Dans la ligne de ce qui avait été
décidé lors du Conseil européen extraordinaire
consacré à la Libye le 11 mars 2011, Herman Van ROMPUY et
Catherine ASHTON exigeaient que la sécurité de la population
civile devait être garantie par tous les moyens et concluaient que la
résolution 1973 "donnait une base légale claire aux membres de la
communauté internationale d'assurer la protection des civils". Les deux
dirigeants européens saluaient le rôle important de la Ligue arabe
et de "leurs partenaires arabes" avec lesquels ils continueront de
coopérer pour savoir comment l'UE pouvait le mieux contribuer à
la mise en oeuvre des décisions du Conseil de Sécurité.
Pour eux, l'UE était "prête à mettre en
oeuvre cette résolution dans le cadre de son mandat et de ses
compétences", notion qu'ils n'avaient pas
243 A consulter dans
www.europaforum.public.lu
... Actualités Mars 2011
244 Idem
105
précisée dans leur communiqué. La Libye
sera finalement à l'ordre du jour d'un sommet Union
Européenne-Union Africaine-Ligue arabe sur la Libye qui s'était
tenu le samedi 19 mars 2011 à Paris en présence du
Secrétaire Général de l'ONU Ban Ki-Moon.
Mais quelles avaient été les attitudes au sein de
l'Union
Européenne ?
2. Les attitudes au sein de l'Union
Européenne244
Au sein de l'Union, la France et l'Angleterre, qui avaient
poussé la résolution, étaient prêtes à
intervenir. Mais la grande préoccupation était celle de savoir
dans quel cadre l'OTAN ou une coalition de pays volontaires pouvait intervenir?
Et quel serait le rôle de l'UE en tant que UE ?
L'Union Européenne en tant que telle devait envisager,
selon des sources diplomatiques qui s'étaient confiées le
vendredi 18 mars 2011 dans l'après-midi à des agences de presse,
d'apporter un soutien essentiellement humanitaire en Libye mais qui pouvait
prendre la forme d'une opération militaire dans le cadre de l'assistance
aux réfugiés. Les 27 Etats membres par contre étaient
divisés sur la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne en
Libye. Le soutien militaire à des opérations dans le cadre de
l'assistance humanitaire pouvait contribuer à gommer une partie de ces
divisions. Catherine ASHTON avait indiqué vouloir, pour ce qui
était de l'UE, se "concentrer sur les actions qui pouvaient
réellement apporter une valeur ajoutée: des sanctions
économiques, de l'aide humanitaire et à un plus long terme la
démocratie profonde et la croissance économique".
Il ne restait que la division au sein de l'UE qui était
nette et franche sur la question d'une intervention militaire aérienne
pour établir une zone d'exclusion aérienne.
Le Luxembourg avait salué à travers son ministre
des Affaires étrangères, Jean ASSELBORN, la résolution
1973. Il avait regretté que les Etats
106
L'Allemagne ne "voulait pas mêler des soldats allemands
à une guerre, à une intervention militaire en Libye", selon la
déclaration de son ministre des Affaires étrangères, Guido
WESTERWELLE. La chancelière Angela MERKEL avait déclaré de
son côté que cette intervention n'était pas pensée
jusqu'au bout et l'avis de son gouvernement quant à un succès de
l'opération était différent. Mais l'Allemagne "comprenait
ceux qui, pour des motifs respectables, s'étaient prononcés pour
une intervention militaire internationale en Libye", avait encore
déclaré Guido WESTERWELLE et elle poussait au sein de l'UE vers
un moratoire de l'achat de pétrole libyen.
Le Danemark se préparait à participer à
l'opération aérienne. La Pologne et la Lituanie avaient offert
leur aide logistique. La Belgique était prête à mettre six
F-16 qui étaient stationnés en Grèce et une frégate
en Méditerranée à disposition. L'Espagne devait mettre
à disposition des bases, des avions et d'autres éléments
logistiques. Pendant ce temps, la Grèce réfléchissait
à la meilleure manière de participer.
L'Italie, elle-même opposée à une
intervention militaire en Libye, avait autorisé le départ
d'opérations aériennes à partir des bases situées
sur son territoire. Une telle autorisation n'avait pas encore été
donnée aux Britanniques par Malte et Chypre, deux pays qui ne sont pas
membres de l'OTAN, mais aussi deux îles où les Britanniques
entretiennent des bases militaires.
La Suède soutenait la résolution de l'ONU et
devait étudier une éventuelle demande de l'OTAN de contribution
militaire en Libye, car pour la Suède, c'est l'OTAN, dont elle n'est pas
membre, qui est le maître d'oeuvre d'une éventuelle
opération.
107
membres de l'UE au Conseil de Sécurité n'aient
pas eu une position unie. Le Luxembourg misait sur la coordination avec les
pays de la Ligue arabe.
La Turquie, pays candidat à l'adhésion à
l'UE et membre important de l'OTAN, avait pris acte de la résolution
1973 mais rappelait dans son communiqué qu'elle était depuis le
début de la crise libyenne opposée à une "intervention
étrangère en Libye, pays ami et frère".
L'agence européenne de contrôle aérien
Eurocontrol, qui regroupe 39 pays, avait annoncé le 18 mars 2011 avoir
interdit les vols civils vers la Libye, à la suite du feu vert de l'ONU
à un recours à la force dans le pays, Tripoli n'ayant pas pris
une telle décision de son propre chef.
L'OTAN avait décidé d'accélérer la
planification militaire en vue d'une éventuelle participation à
l'intervention internationale en Libye, qui n'était cependant pas encore
décidée. Mais la question d'une action concrète
n'était pas encore sur la table.
Enfin, un passage sur ce qu'avaient été les
attitudes de l'UA et de la Libye face à l'établissement de la
« no fly zone » serait édifiant.
B. Les attitudes de l'UA et de la Libye
1. L'attitude de l'UA
Quoique les mesures envisagées dans « la
responsabilité de protéger » ou le « droit
d'intervention de l'Union » poursuivaient un but
désintéressé, en règle générale,
accrochés à leur souveraineté, les Etats africains
étaient réticents face à ces deux concepts. Ils pensaient
que les motifs qui se cachaient derrière la responsabilité de
protéger ne répondaient pas toujours à un objectif
humanitaire. Ils craignaient en effet une intervention « guidée par
des considérations économiques (...)
108
ou, plus ordinairement, un exercice d'exportation des valeurs
et des principes partagés par les grandes puissances à
économie de marché »245.
C'est ce qui justifiait le fait que les Etats africains
estimaient pour la plupart que, sous des prétextes humanitaires,
l'intervention de l'Union Africaine ne serait pas neutre et impartiale qu'il
s'agisse des Etats non africains qui invoquaient la responsabilité de
protéger ou l'Union Africaine qui brandissait son droit d'intervention.
Ainsi, se référant à ce qui se passe ailleurs et aux
ingérences humanitaires effectuées par exemple au Timor Oriental
ou en ex-Yougoslavie qui avaient mis en lumière des politiques
cachées que poursuivaient les Etats intervenants, les Etats africains
avaient été poussés à la réticence. Il en
avait été de même à l'occasion de l'intervention
américaine en Irak en 2003. L'attitude du Soudan au sujet du conflit du
Darfour témoignait que les ambigüités du droit
d'ingérence humanitaire246 qui avaient motivé ces
interventions n'avaient pas échappé aux détracteurs de ce
droit d'intervention en Afrique.
A ce sujet, partageant le même avis que le professeur
Jean-Paul SEGIHOBE BIGIRA nous pensons que cette réserve des Etats
africains s'expliquait aussi par les nombreux abus que cette doctrine risque
d'entrainer dans la pratique. Les interventions de la communauté
internationale en Somalie, en Côte d'Ivoire, au Rwanda, en Sierra Leone,
quoique justifiées à des degrés divers par des raisons
humanitaires, ont cependant laissé un goût amère à
de nombreux Etats africains qui craignaient que l'intervention de l'UA puisse
masquer des intentions d'ordre politique et économique de certaines
puissances régionales (Nigéria, Afrique du sud, Libye, Egypte,
etc.). Par conséquent, l'auteur ajoute que tout retour vers
l'unilatéralisme doit
245 PARIS R., « International peacebuilding and the
mission civilisatrice », cité par SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul,
Op-cit., p.14
246 Sur cette notion, lire CORTEN Olivier cité par
SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, Op-cit., p.14 ; BOUCHET-SAULNIER
Françoise, Op-cit, 2006, p.310 ; NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER
Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Allain, Op-cit, 2009, p.493 ; BULA
BULA Sayeman, « L'idée d'ingérence à la
lumière du nouvel ordre mondial », Op-cit., p.15 ;
BULA-BULA Sayeman, L'ambigüité de l'Humanité en droit
international, Op-cit., p.4 ; DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, « Le droit
d'ingérence humanitaire : Un droit aux fondements incertains, au contenu
imprécis et à géométrie variable
»,Op-cit.; KDHIR Moncef, Op-cit, p.901 ; BELANGER
Michel, Op-cit, p.89
109
être banni et seul le Conseil de Sécurité
doit autoriser une action militaire à vocation humanitaire ou pro
démocratique247.
2. L'attitude de la Libye248
Le ministre des Affaires étrangères libyen
Moussa Koussa avait déclaré le 18 mars 2011 au cours de la
matinée un cessez-le-feu immédiat et déclaré que la
Libye entreprendrait "tout pour protéger la population civile et pour
que l'aide humanitaire dont elle a besoin soit acheminée. Il avait
également expliqué que la Libye était prête au
dialogue. Déclaration qui n'avait pourtant pas été
respectée par les mêmes autorités libyennes.
Catherine ASHTON avait immédiatement réagi
à cette annonce, déclarant que l'UE allait examiner "les
détails de l'annonce de cessez-le-feu par le régime libyen" tout
en soulignant qu'il fallait s'interroger sur sa "signification". Le chef du
gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez ZAPATERO, avait de son
côté déclaré que la communauté internationale
"n'allait pas se laisser tromper" par le régime libyen "et allait
vérifier par tous les moyens le degré de respect" de la
résolution de l'ONU.
Enfin, une dernière question faisant couler beaucoup
d'encre et de salive dans la crise libyenne est l'intervention de l'OTAN en
Libye. Parcourons-la à présent à la dernière
section.
SECTION 3. L'INTERVENTION DE L'OTAN EN LIBYE AU REGARD
DE
LA RESOLUTION 1973
Il a été précédemment dit que les
mesures coercitives à prendre par le Conseil de Sécurité
dans la phase réactive de la responsabilité de protéger
peuvent être d'ordre politique, économique ou judiciaire et, dans
les cas extrêmes,
247 Lire SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, Op-cit., pp.14-15
248 A consulter dans
www.europaforum.public.lu
... Actualités Mars 2011
110
mais seulement dans les cas extrêmes, elles peuvent
également comprendre une action militaire. C'est dans ce cadre que
s'inscrit cette section car après l'échec de la prévention
en Libye, toutes les mesures autres que l'action militaire n'ont pu, elles
aussi, mettre fin à la crise libyenne.
En effet, aborder la question de l'intervention de l'OTAN en
Libye revient à se poser la question de savoir si l'OTAN pouvait se
considérer comme destinataire de la résolution 1973, d'une part
(§1) et, d'autre part, cette question nous amène à examiner
la conformité de l'action de l'OTAN aux prescrits de la
résolution 1973 (§2).
§1. L'OTAN, destinataire de la résolution
1973
De la lecture de la résolution 1973 dans son point 4,
il ressort que les Etats Membres de l'ONU et certains organismes ou accords
régionaux sont désignés comme destinataires de ladite
résolution. A cet effet, il leur est autorisé de prendre les
mesures nécessaires voire d'employer la force pour protéger les
populations et zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe
libyenne. C'est ainsi que l'OTAN en tant qu'accord régional s'y trouve
aussi être impliquée quoique non désignée
nommément249.
En effet, l'emploi de la force dans le cadre des Nations
Unies, l'avions-nous dit, ne se conçoit que dans des contextes bien
limités rentrant dans le cadre de l'application du Chapitre VII de la
Charte des Nations Unies par le Conseil de Sécurité, d'une part
et, d'autre part, la pratique internationale veut que cet emploi tienne compte
de l'opportunité alliant les principes et les circonstances. C'est ce
qui justifie le fait que le système de la Charte des Nations Unies
répond à une double
249 Analysant la conception contemporaine extensive de la
notion d'accords ou organismes régionaux, Yves PETIT souligne que
d'après l'Agenda pour la paix, l'interprétation souple et
extensive qui va prévaloir permet l'extension du concept «
d'accords et organismes régionaux» non plus seulement à des
organisations dont la création repose sur un traité, à des
organisations de sécurité et de défense mutuelles ou
à des organisations destinées à assurer le
développement régional, mais aussi à des groupes d'Etats
ad hoc, susceptibles « d'intervenir pour régler une question qui se
prête à une action de caractère régional » et
de contribuer ainsi au maintien de la paix. Lire PETIT Yves, Op-cit,
p.72
111
problématique, celle de la légalité du
recours à la force (A), mais aussi celle de la légitimité
du recours à la force (B).
A. Légalité de l'intervention de l'OTAN
en Libye en droit international
Il convient de signaler que née en 1949 de la signature
du traité de Washington250, l'OTAN a été
créée pour assurer la défense collective de l'Europe
contre la menace de l'URSS et de ses alliés du Pacte de Varsovie. Sont
parties à ce traité à cette époque, les cinq Etats
de l'UEO (la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, le Pays-Bas et le
Luxembourg), les Etats-Unis, le Canada, le Danemark, l'Islande, la
Norvège, l'Italie et le Portugal251.
Cette réalité se trouve vérifiée
dans l'article 5 du traité252 qui l'institue. Mais plus tard,
l'OTAN va élargir ses fonctions à un ensemble de missions dites
« non article 5 », c'est-à-dire, le maintien et
l'imposition de la paix, la sécurité, la
stabilité253.
En effet, l'intervention de l'OTAN en Libye est légale
puisqu'elle se base sur la résolution 1973 du Conseil de
Sécurité laquelle a été prise dans le cadre des
Chapitres VII et VIII de la Charte des Nations Unies. Dans cette
résolution, le Conseil de Sécurité autorise les Etats
Membres qui ont adressé au
250 Le 04 avril 1949, il fut signé à Washington
le Traité de l'Atlantique Nord par douze Etats occidentaux (Belgique,
Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg,
Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni). Son article 5, pierre
angulaire des objectifs de l'Alliance, stipule que : "les pays membres
conviennent de considérer une attaque armée contre l'un d'eux, en
Europe ou en Amérique du Nord, comme une attaque dirigée contre
tous."
251 Lire NTUMBA KAPITA Patrice, Fonctionnement des
institutions internationales, Notes de cours, Inédit,
Faculté de droit 2ème licence, UNIKIN, 2010-2011,
p.11. Aujourd'hui, l'O.T.A.N comprend 19 membres : depuis 1952, la Grèce
et la Turquie ; depuis 1955, la République fédérale
d'Allemagne ; depuis 1982, l'Espagne ; depuis mars 1999, la Hongrie, la Pologne
et la République tchèque.
252 « Aux termes de cet article, les parties conviennent
qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant
en Europe ou en Amérique du nord sera considéré comme une
attaque contre toutes les parties, et en conséquence [...], chacune
d'elles, [...] assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en
prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties,
telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force
armée... »
253 NTUMBA KAPITA Patrice, Op-cit., p.12.
Après la chute du mur de Berlin, en 1989, l'Alliance a redéfini
son rôle. À Rome, en 1991, puis lors du Conseil de l'Atlantique
Nord à Washington, en 1999, elle a adopté un nouveau concept
stratégique. L'O.T.A.N. doit s'ouvrir à de nouveaux États,
développer des partenariats avec la Russie et l'Ukraine, élargir
le dialogue avec les pays de la Méditerranée. Une conception
élargie de la sécurité peut conduire l'Organisation
à mener des opérations de maintien de paix hors de sa zone de
compétence. La condition en est alors une réforme de ses
structures militaires.
112
Secrétaire Général une notification
à cet effet et agissant à titre national ou dans le cadre
d'organismes ou d'accords régionaux et en coopération avec le
Secrétaire Général, à prendre toutes les mesures
nécessaires [...] pour protéger les populations et zones civiles
menacées d'attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris
Benghazi254. Plus loin, il est prié aux Etats Membres
concernés d'informer immédiatement le Secrétaire
Général des mesures qu'ils auront prises en vertu des pouvoirs
qu'ils tirent du présent paragraphe et qui seront immédiatement
portées à l'attention du Conseil de
Sécurité255.
A ce sujet, Yves PETIT affirme que quand le Conseil de
Sécurité décide de voter une résolution autorisant
un groupe d'Etats Membres ou une organisation régionale à mettre
en oeuvre des actions coercitives, son initiative s'apparente à une
« sous-traitance ». L'auteur ajoute que la résolution 836
(1993) ou la résolution 1031 (1995) donnant mandat aux Etats et aux
organisations régionales pour établir l'IFOR, sans citer
explicitement l'OTAN, illustrent ce cas de figure256.
Mais l'inquiétude reste toujours évidente en ce
qui concerne la légitimité de l'emploi de la force par une
organisation régionale telle que le cas de l'OTAN en Libye.
B. Légitimité de cette intervention en
droit international
La question qui est soulevée ici est celle de savoir si
l'usage de la force contre un autre Etat est légitimé pour la
promotion ou la restauration de la démocratie, la réalisation de
l'autodétermination, l'intervention, qualifiée d'humanitaire ou
autrement, pour le sauvetage de nationaux ou pour d'autres motifs.
254 Abordant la question des évolutions de la
sécurité collective, Yves PETIT souligne que lors du drame du
Kosovo, le Conseil de Sécurité a posé un principe
d'accès aux victimes, dans le respect des principes de neutralité
et d'impartialité. De ce fait, les Nations Unies autorisent les Etats
à intervenir auprès des victimes, en utilisant leur forces
armées si besoin est, pour leur fournir une assistance directe,
protéger les populations civiles ou rétablir un minimum de
sécurité pour qu'elles retrouvent des conditions de vie normales.
Lire PETIT Yves, Op-cit, pp.45-51
255 Voir Résolution 1973 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011), point 4.
256 PETIT Yves, Op-cit., p.77
113
Pour éviter certains débats du passé
concernant la légitimité de l'emploi de la force par un Etat, par
exemple le cas de l'intervention des Etats-Unis en Irak pour l'imposition de la
démocratie au monde dont la légitimité posait
problème à cause de son unilatéralisme militaire,
désormais, de telles interventions dans le cadre des Nations Unies
requièrent d'alliés pour leur légitimation. En effet, le
multilatéralisme garde tout sens, s'il vise le renforcement du cadre des
Nations Unies, dans le respect des buts et principes de la Charte. Ce qui
revient à dire que toute aventure unilatérale quant à
l'emploi de la force en droit international manque de légitimité.
Car il convient de faire que ce qui est « légal » soit
également « légitime ».
La légitimité tient compte de
l'efficacité, en considérant les résultats. Ce faisant,
loin d'affirmer que les fins justifient les moyens, elle rappelle que les
conséquences peuvent hypothéquer les meilleures intentions. Reste
à déterminer, en évitant tout raisonnement circulaire, la
justesse des fins et la justesse des moyens, c'est-à-dire à
« justifier la guerre »257.
Outre ce qui vient d'être dit, toute intervention
militaire tire sa légitimité de l'autorité à
laquelle elle se rattache. C'est ainsi que dans le cadre de la
responsabilité de protéger, l'autorité légitime
pour décider une telle intervention militaire c'est le Conseil de
Sécurité de l'ONU258.
Force est de constater que le rapport du Panel
présenté sous le titre « Un monde plus sûr : notre
affaire à tous » élaboré par un groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement mis en place par le Secrétaire Général Kofi
ANNAN et transmis par lui à l'Assemblée Générale
officiellement en décembre 2004259 aborde la question de
légitimité « en allant tout droit à la question
de savoir, non pas si la force peut légalement être
employée, mais si la morale et le bon sens commande qu'elle le soit
»260.
257 ANDREANI Gilles et HASSNER Pierre cités par DECAUX
Emmanuel, Op-cit., p.10
258 CIISE, Op-cit., p.XII
259 A/59/565 du 2 décembre 2004, Un monde plus
sûr : notre affaire à tous, Rapport du Groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement
260 Idem, §205
114
Ainsi, il sera constaté qu'en Libye, les raisons qui
justifient l'emploi de la force sont :
1. La gravité de la menace car le risque d'un massacre
qualifié par la suite par le Conseil de Sécurité des
crimes contre l'humanité était constaté en
Libye261. En effet, le risque d'un massacre de civils imminent
était aussi réel à Benghazi ;
2. La légitimité du motif car il est
évident que l'opération militaire envisagée par le Conseil
de Sécurité a pour objet principal de stopper la menace en
question, nonobstant les autres considérations ou motivations en
présence262. Si le pétrole (ou le changement de
régime) avait été la motivation première, la Ligue
Arabe et le Conseil de Sécurité n'auraient jamais avalisé
l'intervention militaire;
3. Le dernier ressort car toutes les opérations non
militaires pour faire face à la menace en Libye ont été
examinées et il y a lieu de penser raisonnablement que les autres
mesures étaient vouées à l'échec263. En
effet, la résolution 1970 du 26 février 2011 exerçait des
sanctions ciblées, un embargo sur les armes et la menace de poursuites
par la Cour Pénale Internationale pour concentrer l'attention du Colonel
Mu'ammar Kadhafi sur la protection des civils. Ce n'est que lorsque cela a
échoué que la résolution 1973 a autorisé l'option
militaire ;
4. La proportionnalité des moyens car l'ampleur, la
durée et l'intensité de l'opération militaire
envisagée en Libye semble être le minimum requis pour faire face
à la menace en question dans la mesure où le Conseil
déplorait le fait que les autorités libyennes continuaient
d'employer des mercenaires264;
5. La mise en balance des conséquences car il est
raisonnable au stade actuel d'admettre que l'intervention militaire en Libye a
réussi à faire pièce à la menace en question et
qu'à notre avis, il est difficile de prétendre que l'utilisation
de la force a coûté plus de vies qu'elle n'en aurait sauvé.
Cela se justifie par le fait que l'abstention face à l'urgence est plus
à craindre que la manipulation de la norme265.
261 Voir préambule de la résolution 1973 du Conseil
de sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011)
262 Idem, point 4
263 Ibid., préambule
264 Ibid.
265 Voir WEISS Thomas cité par TARDY Thierry, «
L'ONU et le recours à la force ou le mariage de la carpe et du lapin
», in Etude Raoul-Dandurand, n°12, 2006, p.25
115
Ce n'est donc que puisque ces cinq critères
fondamentaux de légitimité266 dont doit tenir compte
le Conseil de Sécurité pour déterminer s'il doit autoriser
ou approuver l'usage de la force militaire sont réunis, tout en
considérant les autres exigences de légitimité
émises par le rapport du Panel à savoir : la morale et le bons
sens, que l'intervention de l'OTAN en Libye est légitime. Car lorsque
notre humanité commune est menacée, même si nous ne faisons
pas tout ce que nous devrions, ne devrait-on pas au moins faire tout ce que
nous pouvons ?
Quant au document onusien élaboré par la CIISE,
ce document souligne qu'une intervention ne peut être
considérée comme légitime que si « un
dommage grave et irréparable touchant des êtres humains est en
train (ou risque à tout moment) de se produire. »267.
Autre motif justifiant la légitimité de l'intervention de l'OTAN
en Libye car ce motif a été aussi observé en Libye avant
que l'OTAN ne puisse intervenir.
C'est ici qu'il convient d'admettre que bien qu'il n'y a pas
d'innovation véritable avec la responsabilité de protéger
au regard de son contenu, il y a quand même quelques précisions
apportées notamment sur la mise en place de critères de
légitimité concernant l'intervention268.
La dernière question qui se pose est celle de savoir
si, bien qu'étant légale et légitime, l'action de l'OTAN
en Libye était conforme aux prescrits de la résolution 1973.
§2. La conformité de l'action de l'OTAN aux
prescrits de la résolution 1973
A ce stade, l'analyse de l'action de l'OTAN en Libye
commencera par l'examen des prescrits de la résolution 1973 en ce qui
concerne
266 Ces critères n'ont pas encore été
formellement adoptés par l'Assemblée Générale ou le
Conseil de Sécurité, et sont encore noyés dans les
discutions générales du débat international actuel. Mais
leur utilité pratique justifie une bien plus grande
visibilité.
267 CIISE, Op-cit., p.XII
268 Lire DOMEJEAN Christelle, La responsabilité de
protéger, Point de droit, Master II Droit International et
Comparé, Université Toulouse 1-Capitole, 2008-2009, p.1
116
particulièrement la protection des civils,
c'est-à-dire on commencera par voir, en premier lieu, ce que dit le
texte de la résolution 1973 relativement à la protection des
civils puisqu'il a déjà été fait
précédemment l'analyse du contenu de cette résolution (A).
Il sera enfin décelé quelques dérapages dans
l'exécution de ladite résolution par l'OTAN (B).
A. La protection des civils conformément aux
prescrits de la résolution 1973
Le Conseil de Sécurité, dans la
résolution 1973, met la protection des civils au coeur de l'intervention
en Libye. Il y ressort d'une part que le Conseil de Sécurité
autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire
général une notification à cet effet et agissent à
titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'accords régionaux et
en coopération avec le Secrétaire général,
à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant
le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les
populations et zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe
libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d'une
force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et
sur n'importe quelle partie du territoire libyen, et prie les États
Membres concernés d'informer immédiatement le Secrétaire
général des mesures qu'ils auront prises en vertu des pouvoirs
qu'ils tirent du présent paragraphe et qui seront immédiatement
portées à l'attention du Conseil de
Sécurité269.
D'autre part que le Conseil de Sécurité
mesure l'importance du rôle que joue la Ligue des États arabes
dans le maintien de la paix et de la sécurité régionales
et, gardant à l'esprit le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies,
prie les États Membres qui appartiennent à la Ligue de
coopérer avec les autres États Membres à l'application du
paragraphe 4270.
La protection des civils tels que préconisée par
le Conseil de Sécurité dans cette résolution a
été, à notre avis, instrumentalisée au point qu'on
est
269 Résolution 1973 du 17 mars 2011, §4
270Idem, §5
117
arrivé à une subjectivation, au bon vouloir des
intervenants, de l'expression « prendre toutes mesures
nécessaires ».
En effet, certaines pratiques observées pendant
l'intervention de l'OTAN en Libye, tel qu'il sera vu en sus, ne sont pas
toujours justifiables. Rien ne peut donc justifier la protection des civils
dans ce sens.
B. Quelques dérapages de l'action de l'OTAN en
Libye
L'intervention de l'OTAN en Libye a connu quelques
dérapages qu'il faudra examiner. Il s'agit notamment du manque de
réalisme de l'OTAN dans certaines de ses frappes confondant leur cible
et ayant tué plusieurs personnes parmi les forces rebelles et les
civils, du bombardement de la résidence du colonel Mu'ammar Kadhafi, la
mort d'un de ses fils, Mouta Sim Kadhafi, pendant ces frappes. Il y a lieu de
souligner que l'action de l'OTAN en Libye n'avait pas empêché la
commission de graves violations des droits de l'homme en Libye271 ou
que le cessez-le-feu tant exigé par la résolution de 1973
s'observe un peu tardivement.
En outre, il convient de signaler l'exécution «
extra judiciaire » du colonel Mu'ammar Kadhafi le 20 octobre 2011 par les
troupes du CNT sous la direction des opérations militaires par
l'OTAN.
A ce sujet, l'article 11 point 1 de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme dispose que « toute personne
accusée d'un acte délictueux est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où
toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées ». Surabondamment, l'article 6 point 1
du Pacte International relatif aux
271 En ce qui concerne les violations des droits de l'homme en
Libye, on consultera le rapport d'Amnesty international du 13 septembre 2011.
Ce document de plus d'une centaine de pages décrit les graves violations
des droits humains qui ont été commises tout au long du conflit
de ces six derniers mois. Il se fonde principalement sur les informations
collectées lors d'une mission qu'a effectuée Amnesty
International sur le terrain entre le 26 février et le 28 mai 2011, en
particulier dans les villes d'El Beïda, Ajdabiyah, Brega, Benghazi,
Misratah et Ras Lanouf. Des délégués d'Amnesty
International sont retournés en Libye à la fin du mois
d'août, quelques jours avant que les forces d'opposition prennent
d'assaut Tripoli.
118
droits civils et politiques de 1966 renchérit en
disposant que « le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi.
Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ».
Ceci revient à dire que rien ne justifie
l'exécution extrajudiciaire dont ont été l'objet le
Colonel Mu'ammar Kadhafi ainsi qu'un de ses fils. Bref, il y a eu une
exécution « ultra petita »de la résolution 1973 par
l'OTAN.
Enfin, il convient de signaler qu'alors que l'impasse
militaire menaçait la Libye, l'ONU gardait son autorité juridique
et le soutien moral et politique qui l'accompagnait. C'est ainsi que l'OTAN
devait en tenir compte car elle ne devait pas la dépasser si elle
voulait préserver sa propre crédibilité et la
capacité du monde à intervenir dans de tels cas de conscience.
119
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
L'instauration de la démocratie tient à coeur
les populations du continent africain. La preuve la plus marquante est le
soulèvement des peuples du Maghreb et du Machrek au début de
l'année 2011. Ces peuples ont pris la ferme résolution de prendre
congé des régimes totalitaires ayant survécu aux
différents changements qui ont frappé le monde pendant les
années 90. C'est dans ce cadre que peut s'inscrire le soulèvement
populaire en Libye.
La communauté internationale a assisté en
février 2011 aux exactions des autorités libyennes sur sa
population qui s'était soulevée pour réclamer ses droits
pacifiquement. Il fallait alors trouver une solution à cette crise.
C'est ainsi que le Conseil de Sécurité, à l'initiative de
certains Etats, va par sa résolution 1970 prendre des mesures pacifiques
pour arriver à y mettre fin. Cette résolution n'a pu être
respectée par les autorités libyennes. La passation à la
prise des moyens plus efficaces dans la résolution 1973 s'était
révélée importante pour ainsi mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger que nous avons analysée dans la
première partie.
Après avoir répondu aux exigences de
légalité et de légitimité, la résolution
1973 a été appliquée par plusieurs acteurs dont le CNT, la
ligue arabe, la coalition et l'OTAN. La légalité et la
légitimité ont été analysées parce qu'hormis
son aspect conceptuel et son ambition normative, la responsabilité de
protéger est envisagée comme un ensemble d'actions devant trouver
l'application des principes de la Charte des Nations Unies, une
légalité et une légitimité internationales.
Mais le constat malheureux que nous avons fait est que,
malgré la prise de cette résolution, il a fallu du temps pour
arriver à un cessez-le-feu en Libye pendant que les milliers des libyens
mouraient du jour au lendemain. Aussi, le principe de la responsabilité
de protéger qui avait été invoqué pour
protéger les peuples libyens a été instrumentalisé
dans la mesure où il y a eu certains dérapages et violations
du
120
DIH qui étaient fréquents dans l'affrontement
direct entre les forces du colonel Kadhafi et les insurgés
appuyés par la coalition et l'OTAN.
De part et d'autres, on assista à l'ouverture du feu
sur des civils qui, d'après la résolution 1973, devraient
normalement être protégés. Par exemple, l'OTAN,
mandatée par l'ONU, a eu à maintes reprises à confondre de
cible dans ses bombardements en tuant les civils voire certains fils du colonel
Kadhafi. Outre cela, certaines puissances occidentales ont fait
prévaloir leurs intérêts au lieu d'appliquer le principe.
Ce qui revient à dire que le principe de la responsabilité de
protéger a été certes appliqué mais pas comme il se
doit. Cette situation risquerait de faire croire que chaque fois que quelqu'un
invoque l'humanité c'est dans l'intention de tricher.
Mais au delà de tout ce qui vient d'être
affirmé, le principe de la responsabilité de protéger
reste en soi, un instrument important pour la garantie de la
sécurité humaine et la prévention des massacres de masse.
La décision de son application ne doit donc pas tenir compte des
intérêts en présence pour éviter qu'il y ait des
populations qui meurent à cause d'une politique
généralisée et systématique de leurs gouvernements
tels que cela se constate en Syrie où il y a plus de 5 000 morts
d'après l'ONU. Mais hélas ! La mise en oeuvre du principe de la
responsabilité de protéger se trouve être
étouffée par les Etats au sein de l'ONU à cause de la
diversité d'intérêts en présence.
Mettre en oeuvre la responsabilité de protéger
dans l'idée première conçue par ses rédacteurs
serait, à notre avis, une nouvelle approche dans la construction d'un
monde résolument humain et pacifique et échapperait à
l'idée d'une responsabilité assumée par les grandes
puissances. Car le vibrant appel de Paul VI en 1965, lors du
20ème anniversaire de la Charte à la tribune de
l'Assemblée Générale des Nations Unies, « jamais
plus la guerre jamais plus la guerre », n'a pas fini de
résonner dans la conscience humaine.
121
CONCLUSION GENERALE
En plein XXIè siècle, la souveraineté des
Etats ne saurait plus répondre à sa conception traditionnelle
westphalienne qui la concevait comme absolue. Le monde a connu une mutation
considérable dans la conception de la souveraineté en passant de
la souveraineté absolue à la souveraineté responsable.
Toute action de l'Etat sur sa population est désormais
contrôlée par la communauté internationale. Car la
souveraineté est en même temps ce qui bloque et ce qui
protège la sécurité humaine.
La nouvelle conception de la souveraineté comme
responsable nous est apportée par la doctrine onusienne intitulée
« la responsabilité de protéger». La
responsabilité de protéger est un concept lien qui met en
présence l'intervention et la souveraineté, contrairement aux
principes qui l'ont précédée tels que le droit
d'ingérence lesquels rendaient antagonistes ces deux notions. Bien que
n'étant pas une nouveauté, la responsabilité de
protéger rend prioritaire la prévention des conflits tant au
niveau de ses causes profondes que directes. Le principe retient alors la
réaction lorsque la prévention a échoué et dans des
cas extrêmes une intervention militaire peut être concevable.
Mais puisqu'après une intervention militaire, il y a
des dégâts qui s'ensuivent, il faut alors penser à
reconstruire l'Etat pour remettre en place tous ses organes. Ces
différentes actions ne peuvent se concevoir que dans un cadre bien
précis à savoir le cadre onusien, avec le Conseil de
Sécurité comme autorité traditionnelle et
appropriée. L'Assemblée Générale n'intervenant que
dans des circonstances bien limitées.
De la conception de l'ONU, la responsabilité de
protéger n'a pas été portée au rang d'une norme
impérative générale qui aurait eu une valeur
supérieure à celle de la souveraineté. Car le droit
international étant un droit essentiellement consensualiste et les Etats
agissant en calculant les intérêts économiques, politiques
et diplomatiques qu'ils peuvent retirer d'une situation avant
122
de penser à la protection des populations, c'est le
principe de souveraineté lui-même qui empêche le concept de
« responsabilité de protéger » de devenir une norme
impérative générale.
De même que dans certaines situations, la
souveraineté sert d'alibi à une dictature établie, le
danger qui guète la responsabilité de protéger serait
qu'elle serve, elle aussi, d'alibi pour des interventions qui, en
réalité, ont d'autres buts que la protection à cause de la
diversité d'intérêts des Etats. Car nul n'ignore
l'interférence des intérêts stratégiques dans
l'application du droit international.
Tout en reconnaissant ces dangers, la responsabilité de
protéger ne constitue non seulement une avancée normative mais
une approche vers l'humanité. Car, elle met l'individu au centre de
toute intervention et consolide la protection de ses droits. La
sécurité humaine et la survie de l'Etat après
l'intervention se trouvent être prioritaires.
C'est ainsi que rentrant dans l'aspect reconstructeur de la
responsabilité de protéger, en Libye, il faudrait maintenant
instaurer la démocratie comme le veulent les libyens. Car leur
soulèvement n'a pas été une conspiration comme le pensent
certains. Ce qu'il faut faire à présent en Libye c'est rassembler
toutes les armes qui circulent, créer les syndicats et la
société civile et organiser les élections afin de parvenir
à la dimension reconstructrice de la responsabilité de
protéger.
Quant à la communauté internationale, elle devra
cesser d'appliquer la politique de deux poids deux mesures. Car c'est d'elle
que dépend la crédibilité du principe de la
responsabilité de protéger. Au regard de ce qui se passe en Syrie
où il y a effectivement des exactions d'un gouvernement sur sa
population qui s'est soulevée pour manifester pacifiquement, il devrait
normalement être déclenché la responsabilité de
protéger comme il a été le cas en Libye.
123
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3. La déclaration universelle des droits de l'homme du 10
décembre 1948 ;
4. La Convention européenne des droits de l'homme et des
libertés fondamentales du 04 novembre 1950 ;
5. Le pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
6. Le pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966;
7. La Convention américaine relative aux droits de
l'homme de 1968 ;
8. La Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités ;
9. Le Règlement intérieur de la CIJ du 14 avril
1978 ;
10. L'Acte constitutif de l'Union Africaine du 11 juillet
2000
11. Le Statut de la Cour Pénale Internationale du
1er juillet 2002
12. Le règlement intérieur de l'Assemblée
générale avec les amendements et additifs adoptés par
l'Assemblée Générale jusqu'en septembre 2007
VI. THESES ET MEMOIRES
1. DOR Virgine, De l'ingérence humanitaire
à l'intervention préventive. Vers une remise en cause des
principes du droit international, Mémoire, Institut européen
des hautes études internationales. Diplôme européen des
hautes études internationales, 2002-2003.
2. KATUNDA AGANDJI, La responsabilité de
protéger : une issue pour la protection des populations civiles en
Républiques Démocratiques du Congo, Mémoire de
licence en droit, UNIKIN, 2009-2010.
132
3. MENNA Yohan, Le « droit d'ingérence
humanitaire » : Réflexions sur un paradoxe, Texte
réalisé dans le cadre du cours de Politique
étrangère et aide humanitaire, Diplôme d'études
spécialisées en Sciences politiques et Relations internationales,
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques,
Département des Sciences politiques et sociales, Unité de Science
politique et de Relations internationales, Université Catholique de
Louvain, 2002-2003.
4. MONOFORTAIN Domond, L'ingérence au nom du
respect des droits de l'homme, Maîtrise en droit, LL.M.de
l'Université de Québec à Montréal,
Département des Sciences juridiques, 1999.
5. TSAGARIS Konstantinos, Le droit d'ingérence
humanitaire, Mémoire de DEA, Université de Lille II -
Faculté de Sciences Juridiques, Politiques, et Sociales, Année
Universitaire 2000-2001.
6. TSHILUMBAYI MUSAWU Jean-Claude, De l'obligation de
non-ingérence au droit d'ingérence. Dilemme ou paradoxe ? ,
Mémoire de DEA en Relations Internationales, UNIKIN, 2007-2008.
7. VEZINA Louis-Philippe, La responsabilité de
protéger et l'intervention humanitaire : De la reconceptualisation de la
souveraineté des Etats à l'individualisme normatif,
Mémoire de master, Université de Montréal, Faculté
des Arts et des Sciences, Département d'Etudes Internationales,
2009-2010
VII. JURISPRUDENCE INTERNATIONALE
A. CPJI
1. C.P.J.I, Affaire du Lotus, France contre Turquie,
Arrêt du 7 septembre 1927, Série A, N°10, 1927
B. C.I.J
2. C.IJ., Affaire du détroit de Corfou,
Albanie contre Royaume-Uni, Arrêt sur le fond, Rec. 1949.
133
3. C.I.J, Affaire Barcelona Traction, Belgique
contre Espagne, Arrêt sur le fond, Rec.1970
4. C.I.J, Affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, (Etats-Unis c. Nicaragua),
Arrêt sur les exceptions préliminaires, Rec.1984.
5. C.I.J., Affaire relative aux questions
d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de
1991 résultant de l'incident aérien au-dessus de Lockerbie,
(Libye c. Royaume-Uni et Libye c.Etats-Unis), ordonnance en indication de
mesures conservatoires, Rec., 1992.
6. C.I.J, Licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, Avis consultatif, Rec.1996.
7. C.I.J., Affaire relative aux questions
d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de
1991 résultant de l'incident aérien au-dessus de Lockerbie,
(Libye c. Royaume-Uni et Libye c.Etats-Unis), arrêt, exceptions
préliminaires, Rec., 1998.
C. CEDH
1. CEDH, Affaire du parti communiste unifié de
Turquie et autres c.Turquie, Recueil 1998-1, 30 janvier 1998
2. CEDH, Affaire du Parti socialiste et autres
c.Turquie, Recueil 1998-III.
3. CEDH, Affaire Parti de la liberté et de la
démocratie c.Turquie, 8 décembre 1999.
VIII. DOCUMENTS OFFICIELS
1. Résolution 2131 (xx) de l'Assemblée
Générale de l'ONU du 21 décembre 1965 sur
l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures
des Etats et la protection de leurs indépendances et de leurs
souverainetés.
134
2. Résolution n°36/103 du 9 décembre 1981
de l'Assemblée Générale relative à
l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les
affaires intérieures des Etats.
3. Résolution 827 du Conseil de Sécurité
du 25 mai 1993.
4. Résolution 955 du Conseil de Sécurité
du 8 novembre 1994
5. Résolution 1234 du 09 avril 1999 (S/RES/1234).
6. Résolution 1674 du Conseil de
Sécurité de 2001.
7. Note du Secrétaire Général des
Nations Unies du 02 décembre 2004 (A/59/565)
8. A/60/L.1 du 20 septembre 2005, Application et suivi
intégrés et coordonnés des textes issus des grandes
conférences et réunions au sommet organisées par les
Nations Unies dans les domaines économique et social et dans les
domaines connexes, Document final du sommet mondial de 2005
9. Résolution 1674 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1674 (2006).
10. Résolution 1706 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1706 (2006).
11. Résolution 63/311 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies sur la cohérence du
système des Nations Unies du 02 octobre 2009 (A/RES/63/311).
12. Document de la réunion plénière sur
la responsabilité de protéger de l'Assemblée
Générale des Nations Unies à sa 63è session du 23
juillet 2009. Points 44 et 107.
13. Résolution 63/308 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies sur la responsabilité de
protéger du 07 octobre 2009 (A/RES/63/308).
14. Résolution 1970 du Conseil de Sécurité
des Nations Unies, S/RES/1970 (2011).
15. Résolution 1973 du Conseil de Sécurité
des Nations Unies, S/RES/1973 (2011).
IX. AUTRES DOCUMENTS
1. L'intervention humanitaire : Un problème
éthique, Document du Conseil OEcuménique des Eglises du 17
avril 2000, Suisse.
2. Sécurité humaine : clarification du
concept et approches par les organisations internationales. Quelques
repères, Document d'information de l'Organisation Internationale de
la Francophonie, 2006.
135
3. Sécurité et protection : mission
impossible?, Document des 5èmes Universités d'Automne de
l'Humanitaire 27, 28 et 29 septembre 2007 du groupe U.R.D.
4. La responsabilité de protéger : une
nouvelle norme pour prévenir et interrompre les atrocités de
masse, Document de la coalition internationale sur la
responsabilité de protéger.
5. Document du 3ème forum mondial des
droits de l'homme à Nantes du 30 juin au 03 juillet 2008 sur les
opérations internationales de maintien de la paix et le droit
humanitaire.
6. Les opérations internationales de maintien de
la paix et le droit humanitaire, Document du 3ème forum
mondial des droits de l'homme à Nantes du 30 juin au 03 juillet 2008
7. La responsabilité de protéger et l'Union
Européenne, Oxfam international, mars 2008.
8. DOMEJEAN Christelle, La responsabilité de
protéger, Point de droit, Master II Droit International et
Comparé, Université Toulouse 1-Capitole, 2008-2009
9. La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger, Déclaration du 23 juillet 2009 à la
63ème session de l'Assemblée générale de
son Excellence Monsieur Jan GRAULS, Représentant de la Belgique
auprès des Nations Unies.
10. DALLAIER Roméo et CHALK Frank, Projet La
volonté d'intervenir, Québec, Institut montréalais
d'études sur le génocide et les droits de la personne, 2009
11. Projet du Mouvement fédéraliste
international, La responsabilité de protéger : Foire aux
questions. A consulter dans
www.responsabilitytoprotect.org
12. Déclaration du Président du Conseil de
Sécurité sur la protection des civils en période de
conflit du 14 janvier 2009 à la 6066è session du conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/PRST/2009/1
13. L'ONU publie un nouveau rapport sur la
responsabilité de protéger, juillet 2009 à consulter sur
http://www.adequations.org.
14. Observation générale n°25 du
Comité des droits de l'homme, CCPR/C/21/Rev.1/Add.7
136
X. WEBBOGRAPHIE
1.
www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3232,50-1067212,0.html
2.
www.responsibilitytoprotect.org
3.
www.sphereproject.org/french/handbook/pages/navbook.htm
4.
www.journal.forces.gc.ca/vo9/no2/04-white-fra.asp[13/06/2010
18:22:11]
5.
www.idrc.ca/fr/ev-28735-201-1-DO_TOPIC.html
6.
www.grotius.fr/2010/08/31/%c2%abresponsabilite-de-proteger%c2%bb-le-retour-a-la-traditionimperiale-de-l%e2%80%99humanitaire/
7. www.iciss-ciise.gc.ca.report2-fr.asp
8.
www.lescrutateur.com/article-l-analyse-originale-de-la-crise-lybienne-par-bernard-lugan-68391338
comments.html
9.
http://www.adequations.org
10.
www.louislehardy.blogspot.com
11.
www.europaforum.public.lu
... Actualités Mars 2011
12.
www.project-syndicate.org/commentary/evans3/French
-
13.
www.aidh.org
137
ANNEXE :
CARTE GEOGRAPHIQUE DE LA LIBYE
SECTION 1. LA RESPONSABILITE DE PREVENIR 42
138
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS iv
00.
|
INTRODUCTION GENERALE
|
1
|
01.
|
PROBLEMATIQUE
|
1
|
02.
|
HYPOTHESE DE L'ETUDE
|
5
|
03.
|
INTERET DU SUJET
|
6
|
04.
|
METHODES DE RECHERCHE
|
6
|
05.
|
PLAN SOMMAIRE
|
8
|
Ière PARTIE : EMERGENCE ET AFFIRMATION DU PRINCIPE DE
LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER 9
CHAPITRE I. DU PRINCIPE DE NON-INGERENCE A LA RESPONSABILITE
DE
PROTEGER 10
SECTION 1. AFFIRMATION DU PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE 10
§1. Les prescrits de la Charte des Nations Unies et le
troisième principe de la résolution 2625
(XXV) du 24 octobre 1970 10
§2. Conflit inhérent au principe 15
SECTION 2. EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON-INGERENCE 16
§1. Intervention d'humanité, intervention
humanitaire et droit d'ingérence 17
§2. Eventuel régime juridique de l'ingérence
23
SECTION 3. UNE NOUVELLE APPROCHE : « LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER » 26
§1. Origine et consécration 26
§2. Nature, fondement juridique et principes de
l'obligation 29
§3. Analyse par rapport au cadre juridique du lancement du
principe 33
C. Limites par rapport à l'Assemblée
Générale comme autorité de substitution 39
CHAPITRE II. LE CONTENU DU PRINCIPE DE LA
RESPONSABILITE DE
PROTEGER 41
139
§1. La prévention au niveau des causes profondes des
conflits 42
§2. La prévention au niveau des causes directes
47
SECTION 2. LA RESPONSABILITE DE REAGIR 49
§1. La décision d'intervenir 50
§2. Les critères décisifs : une juste cause
53
SECTION 3. LA RESPONSABILITE DE RECONSTRUIRE 57
§1. Obligations après une intervention 58
§2. Administration sous l'autorité de l'ONU 63
CHAPITRE III. MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
65
SECTION 1. PREMIER PILIER : LES RESPONSABILITES DE
L'ETAT EN MATIERE DE
PROTECTION 65
§1. La prévention des crimes internationaux 66
§2. Le rôle des organisations internationales, des
organisations régionales et des ONG 67
SECTION 2. DEUXIEME PILIER : ASSISTANCE INTERNATIONALE
ET RENFORCEMENT
DES CAPACITES 69
§1. Assistance internationale 69
§2. Renforcement des capacités 70
SECTION 3. TROISIEME PILIER : REACTION RESOLUE EN TEMPS VOULU
72
§1. La mise en oeuvre des moyens pacifiques 72
§2. L'intervention militaire autorisée par le
Conseil de Sécurité 74
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 77
IIème PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONBALITE DE
PROTEGER
PENDANT LA CRISE LIBYENNE 79
CHAPITRE I. LE CONFLIT LIBYEN 80
SECTION 1. LES FAITS A L'ORIGINE DE LA CRISE LIBYENNE 80
SECTION 2. LES CAUSES DU SOULEVEMENT POPULAIRE EN LIBYE 83
Ces cause sont les aspirations démocratiques d'une part
(§1) et, d'autre part, l'éclatement des
alliances tribales (§2). 83
§1. Les aspirations démocratiques comme facteurs
incitateurs au soulèvement populaire 84
A. Un pouvoir usé, caractérisé par une
démocratie de façade et le blocage de l'alternance au
pouvoir 84
B. L'inégalité, la corruption dans la gestion de
l'Etat, le manque des libertés fondamentales et
l'influence des médias 88
§2. L'éclatement des alliances tribales 91
140
CHAPITRE
II. LA RÉSOLUTION 1973 DU CONSEIL DE
SÉCURITÉ DES
NATIONS UNIES DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE LIBYENNE 94
SECTION 1. LE CONTENU DE LA RESOLUTION 1973 94
SECTION 2. LES MESURES PRECONISEES PAR LE CONSEIL DE
SECURITE DANS LA
RESOLUTION 1973 ET LEURS CONSEQUENCES 97
§1. L'OTAN, destinataire de la résolution 1973 110
A. Légalité de l'intervention de l'OTAN en Libye
en droit international 111
B. Légitimité de cette intervention en droit
international 112
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 119
CONCLUSION GENERALE 121
2. KATUNDA AGANDJI, La responsabilité de
protéger : une issue pour la protection des populations civiles en
Républiques Démocratiques du Congo, Mémoire de
licence en droit,
UNIKIN, 2009-2010. 131
4. MONOFORTAIN Domond, L'ingérence au nom du respect
des droits de l'homme, Maîtrise
en droit, LL.M.de l'Université de Québec à
Montréal, Département des Sciences juridiques,
1999. 132
ANNEXE 137
TABLE DES MATIERES 138
|