2 .4.4. Débat entre welpharistes et
institutionnalistes en microfinance
La microfinance et plus particulièrement le
microcrédit, tel que pratiqué depuis les années 1970, a
révolutionné notre façon de voir les pauvres, les causes
de leur état et les remèdes à appliquer afin de les
extraire (Dugas-Iregui, 2007). Malgré les innombrables
difficultés méthodologiques qu'implique toute étude
d'impact (Morduch, 1999), il existe aujourd'hui un consensus plus ou moins
établi sur le potentiel ou l'efficacité général du
microcrédit en terme de réduction de la pauvreté et de la
vulnérabilité des populations participantes (Otero,1999) mais
aussi de profonds désaccords sur la façon de faire évoluer
le mouvement.
Le débat entourant la meilleure façon
d'alléger la pauvreté à travers les institutions de
microcrédit semble particulièrement important aux vues de ce
contexte à l'intérieur duquel il s'inscrivent. Deux camps et deux
visions : la vision welphariste et la vision
institutionnaliste s'affrontent sur ce terrain, chacune
défendant leur vision de ce que devrait être les priorités
et le rôle des institutions de microfinance bien qu'elles partagent le
même objectif de base : celui de réduire la pauvreté.
Par ailleurs, les tenants de ces deux approches s'entendent
sur l'objectif suscité mais s'opposent néanmoins sur un nombre
important d'enjeux s'y rattachant. Cette opposition est si vive qu'elle a
été désignée comme le « schisme de la
Microfinance » (Morduch, 2000).
L'approche institutionnaliste vise en fait à la
création d'institutions financières vouées à servir
des clients qui ne sont pas servis ou qui le sont insuffisamment par le
système financier formel (Woller et al, 1999). Elle prône
la création d'un système parallèle d'intermédiaires
financiers viable qui servirait les pauvres. La thèse des
institutionnalistes repose donc sur l'idée que le microcrédit,
aussi efficace soit-il, ne fera jamais de véritable différence
sur le niveau général de pauvreté dans le monde si ses
opérations dépendent du financement des donneurs (Dugas-Iregui,
2007). Dans la même logique, les institutionnalistes pensent qu'une
Institution de Microfinance viable « motivée par la
rentabilité » (Woller et al, 1999) et opérant
à grande échelle servira plus de clients très pauvres
qu'une IMF dont l'objectif est le ciblage et la provision de service à
cette même clientèle. Pour cette approche, toute forme de
subvention n'est justifiée que pour couvrir les coûts de
départ d'une IMF et doit être clairement circonscrite dans le
temps. Les mêmes auteurs indiquent que les frais d'intérêts
liés aux prêts consentis aux pauvres doivent refléter les
coûts d'opérations pour l'institution. En somme, l'approche
institutionnaliste considère que la pérennité
institutionnelle des Institutions de Microfinance nécessite
l'autosuffisance financière, qui est la mesure du succès d'une
IMF (Woller et al, 1999).
C'est vers 1998 que la réplique de ceux qui
s'appelleront dorénavant les welpharistes s'organise. Leur
position s'articule en fait autour des écrits de Jonathan Morduch (2000)
et de Woller et al(1999), tous disent que la viabilité d'une
IMF serait plutôt la conséquence de la « capacité
d'un programme à produire un résultat suffisamment
valorisé par ses bénéficiaires et ses commanditaires de
telle façon qu'il reçoive assez de ressources et d'intrants pour
continuer leur production ». Ces auteurs soutiennent que, dans la
mesure où la survie de l'institution dépend de sa capacité
à dégager des profits afin d'attirer le capital privé, la
mission social risque d'être reléguée au second plan. Ils
dénoncent également la logique selon laquelle l'autosuffisance
financière équivaut à l'amélioration du
bien-être des populations.
L'approche welphariste est mise en pratique par les IMF de
type « familial » (celle faisant du poverty
lending). Elle ne vise pas à proprement parler
d'éfficacité économique, mais opère plutôt
d'un point de vue d'équité sociale et tente de
« soulager immédiatement le fardeau quotidien de la
pauvreté, comme premier pas aidant les gens à échapper
à la pauvreté à long terme » (Dunford, 1998).
Les IMF répondant à ces impératifs visent une
clientèle composée des plus pauvres, des pauvres
économiquement actifs et le but visé est l'auto-emploi
(Dugas-Iregui, 2007).
Dugas-Iregui (2007) continue en disant que les prêts
sont souvent réservés aux femmes car, non seulement elles
démontrent de meilleurs taux de remboursements mais aussi le
contrôle des revenus et de l'épargne du ménage par ces
dernières aurait un effet d' « empowerment »
leur permettant d'améliorer leur condition ainsi que celle de leurs
enfants.
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