2.4.3. Microfinance et genre
La fourniture de comptes d'épargne, des prêts,
des produits d'assurance, des transferts d'argent (de services financiers) pour
les femmes et les hommes pauvres par le biais d'initiatives de
microcrédit a considérablement bénéficié
à ceux qui ne sont pas desservis par les systèmes bancaires
ordinaires (FAO, 1998). La FAO continue dans le même sens en notant que
les barrières culturelles, le manque d'accès à
l'instruction et les problèmes juridiques (par exemple titres de
propriété et droits de transmission limités, faible
reconnaissance des femmes, analphabétisme etc.) empêchent souvent
les personnes pauvres d'obtenir des financements de la part des banques. Le
même auteur pense également que les agriculteurs sans terre et les
femmes sont en particulier exclus des services financiers officiels par manque
de garanties.
En outre, les faits démontrent que pour les pauvres,
une augmentation de revenus leur permet d'investir dans une vaste gamme de
ressources comme une meilleure nutrition, l'amélioration de la
santé, l'accès à l'éducation, un meilleur toit pour
leurs maisons et le développement de leur petite entreprise (Quisumbing
et Maluccio, 1999).
· Pourquoi l'attention à la
problématique de genre dans la microfinance?
Traditionnellement les femmes ont bien moins de choix que les
hommes en ce qui concerne l'accès au crédit et aux autres
services financiers. En effet, Daley-Harris (2004) dans un rapport affirme que
depuis que les services de microcrédit ont débuté, les
femmes ont un meilleur taux de remboursement que les hommes pour les
prêts de microcrédit. Par conséquent, elles ont
été spécifiquement ciblées par les pourvoyeurs de
services de microcrédit. En 2005, 3 133 institutions de
microcrédits ont atteint 113 261 390 clients, dont 81 949 036
étaient parmi les plus pauvres lorsqu'ils ont contracté leur
premier prêt. De ces clients les plus pauvres, 84.2 % ou encore 68 993
027 sont des femmes. En supposant cinq personnes par famille, les 81.9 millions
de clients les plus pauvres atteints à la fin de l'année 2005
cela fait 410 millions de membres de familles (Daley-Harris, 2004).
Le microcrédit a été largement investi,
depuis 20 ans, par les acteurs de la mondialisation, au point d'être
promu comme un "remède miracle"(Hofmann et Kamala, 2003) pour les femmes
pauvres ou "vrais pauvres" comme les appelle Brunel (2000) et leurs familles.
Toutefois, la microfinance n'a pas que des effets en
matière de lutte contre la pauvreté au sens strict. En fait, elle
permettrait également d'impulser un "empowerment" - sorte "d'attribution
de pouvoir".
C'est ainsi que les inégalités liées au
genre doivent être ciblées dans chaque intervention de lutte
contre la pauvreté.
C'est sans doute la raison pour laquelle le Cameroun dans son
Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), en
matière de genre, stipule en ses points 267 et 268 de la
page76 :« Pour la promotion du genre, le Gouvernement va
poursuivre la sensibilisation des parents et de la communauté notamment
dans les zones rurales à fortes pesanteurs des coutumes traditionnelles
pour permettre à la jeune fille de bénéficier des
mêmes conditions d'accès à l'éducation. Dans le
même souci, l'Etat et la communauté veilleront à une
représentativité équitable des filles, tous secteurs
confondus pour ce qui est de la formation professionnelle, de l'enseignement
supérieur ou de l'accès à l'emploi.
Un accent particulier sera mis sur les conditions favorables
à l'épanouissement de la femme et sa meilleure contribution au
développement socio-économique, ainsi que sur l'encadrement des
enfants, des jeunes et des femmes par la création et la
réhabilitation des structures d'encadrement. L'Etat favorisera
l'initiation et la formation des femmes aux techniques culturales
appropriées capables de réduire la pénibilité de
leurs tâches et d'améliorer leur rendement et leur aptitude
à commercialiser leur production. Par ailleurs, un soutien social sera
apporté aux femmes et aux enfants en situation difficile ».
· Accès et contrôle des femmes aux
ressources productives, gages de crédits
La terre est un moyen de production important dans les
activités économiques et une source principale de revenus en
milieu rural. Fon (2011) dans une étude faite dans la région du
Nord-ouest Cameroun, constate que la majorité (75.7%) des femmes de
cette localité ne contrôle pas les terres arables. Le même
auteur relève que les femmes rurales ont accès à des
terres arables à travers leurs familles, mais ne contrôlent pas
ces terres, il n'existe pas de corrélation entre l'accès et le
contrôle des terres arables.
Comme la terre, le capital financier est aussi un moyen de
production et de gage de crédits (épargne préalable). Or,
la représentation des femmes est bien plus importante que celle des
hommes parmi les personnes les plus pauvres dans le monde. Dans son Rapport sur
le Développement Humain de 1995, le PNUD (1999) rapportait que 70% des
1,3 milliards de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour
étaient des femmes. Selon le Rapport sur l'état de la Campagne du
Sommet du Microcrédit en 2001, 14,2 million des femmes les plus pauvres
ont maintenant accès à des services financiers ou encore au
capital à travers des institutions spécialisées de
microfinance (IMF), des banques, des ONG, et autres institutions
financières non bancaires (Reed, 2001).
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