L'insécurité des travailleurs humanitaires dans les zones de conflits armés( Télécharger le fichier original )par Nabi Youla DOUMBIA Institut des relation internationales et stratégiques - Master les métiers de l'humanitaire 2009 |
2. Le poids croissant dans les négociations internationalesL'évolution du monde contemporain a vu la diversification des acteurs des relations internationales. Le monde clos et étanche des États, dont les relations étaient symbolisées par les figures du soldat et du diplomate (Aron Raymond la paix et la guerre) s'est ouvert à une multitude d`acteurs légaux et illégaux. Pascal boniface en dénombre sept : les États, les organisations internationales, les O.N.G., les firmes internationales, les Medias, les individus (Georges Soros, Bill Gates...), Davos22(*). A cette liste d'acteurs légaux on pourrait ajouter à La symétrie de Davos qui, symbolise le versant néolibéral de la mondialisation, le forum social mondial: creuset des mouvements altermondialistes. Parmi les acteurs illégaux, les terroristes malgré la difficulté sémantique qu'ils soulèvent (terroristes ou résistants ?) supplantent par leurs capacités de nuisance les mafias qui sont de ce fait reléguées au second plan. Il ne faut pas s'y méprendre seuls les États restent dotés de la personnalité juridique internationale c'est-à-dire disposent de la capacité de légiférer, de conclure des traités et de signer des conventions. Les autres acteurs ne peuvent qu'influencer la décision des États et dans ce domaine les O.N.G. sont passées expertes. Par des actions de lobbying, d'harcèlement (exemple les campagnes de Greenpeace) ou encore de prise à témoin de la société civile, elles ont permis des avancées sur des dossiers cruciaux. Joseph zimet affirme « Acteurs de terrain, les O.N.G. sont ainsi également des acteurs politiques influents, qui participent à la définition des règles du jeu international et forment ainsi un véritable ''contre-pouvoir''23(*).» L' «International Coalition to Ban Land Mine»(1992) constituée de 1500 O.N.G. parmi lesquelles la française Handicap International (H.I.), la britannique Mine Advisory, l'allemande Medico Internationale et les américaines (États-Unis) fondation des vétérans du Vietnam, Human Right Watch, Physiciens for Human Right obtiendra avec le soutien du gouvernement canadien l'adoption de la convention sur l'interdiction des mines anti personnelles en 1997. Cette même année leur combat sera récompensé par un prix Nobel. En 2000, pour faire face aux ravages du V.I.H./SIDA, le gouvernement Sud-africain ainsi que celui du Brésil décident, en toute illégalité, de passer outre l'achat préalable de brevet pour fabriquer des médicaments génériques. Les firmes privées européennes détentrices des fameux droits de propriété intellectuelle (A.D.P.I.C.) sur les trithérapies vont, dans leur bon droit, ester en justice ces deux pays. Au nom du droit à la santé contre celui de l'enrichissement, M.S.F. va demander et obtenir le retrait des plaintes et l'arrêt des poursuites. La première organisation sans-frontiériste obtiendra de surcroit, grâce à un tapage médiatique savamment orchestré, une victoire décisive: la modification de la norme. Ainsi des clauses de sauvegarde seront jointes à l'application des droits de propriété sur les médicaments. Il est désormais permis à tout État en proie à une épidémie de fabriquer ses propres médicaments sans aucune forme d'autorisation préalable. Aurait-il existé un droit d'ingérence sans l'engagement du père du sans frontiérisme Bernard Kouchner? Certainement pas. La résolution 688 proposée par la France est la consécration d'une idée à l'origine de ce mouvement: le droit d'accès absolu à toutes les victimes de conflits ou de catastrophes et la mise en veilleuse d'un écueil sur lequel, il a mainte fois buté: la souveraineté des États. Nonobstant la fortune dont ce concept a pu jouir et l'adoption d'une autre résolution qui la complète et innove par la création de couloirs humanitaires dans le prolongement de ce qui était prévu dans les conventions de Genève, force est de reconnaitre que le droit d'ingérence humanitaire est une petite révolution et une version édulcorée de la pensée de son promoteur. Kouchner affirmait que désormais on ne pouvait plus se cacher derrière ses frontières et tuer impunément son peuple. Dans la réalité, les droits de l'Homme et le droit d'ingérence ont repoussé les frontières mais ne les ont pas abolies et aujourd'hui encore la souveraineté sert de bouclier à de nombreux dictateurs. Concept provocateur et impérialiste selon certains critiques notamment le groupe du G77 (réunion qui regroupe les 135 pays les plus pauvres), le droit d'ingérence humanitaire suscite la polémique et l'O.N.U. est à la recherche d'un concept plus consensuel. La responsabilité de protéger a été proposé à cette fin. L'adoption du traité de Rome est également la consécration d'une lutte menée par le mouvement associatif. La coalition internationale pour le C.P.I. (Cour Pénal Internationale) crée le 10 février 1995 à New York regroupe des associations américaines des droits de l'Homme. La coalition française, elle, voit le jour en 1997. Les résultats obtenus par ces deux organisations seront mitigés. Si d'un coté le statut de Rome est adopté en 1998 et entre en vigueur en 2000, de l'autre, l'article 124 dit «opting out» qui permet de décliner la compétence de la cour pendant sept ans à tout État qui le souhaite , a été introduit par la délégation française au grand dam de la coalition française, rappel au besoin que la raison d'État a encore de beaux jours devant elle. L'ingéniosité des O.N.G. à mettre en commun leurs savoirs, expertises et moyens pour servir une cause commune (network issues) par la création de coalitions, de conférences et d'alliances capables de peser sur les circuits décisionnels politiques se multiplient et s'attaquent à des sujets comme la faim, la pauvreté ou le réchauffement climatique. La première plateforme associative de cette nature fut la CONGO (Conférence of N.G.O. in consultative relashionship with UN) créée en 1948 à l'initiative des 48 premières O.N.G. ayant le statut consultatif. L'union fait la force et les regroupements se font autour de pôles géographiques, thématiques, opérationnels ou syndicales afin de faire bouger les grandes lignes de partage. * 22 Pascal BONIFACE, le monde contemporain: grandes lignes de partage, PUF, 2001. * 23 Joseph ZIMET, Les ONG, de nouveaux acteurs pour changer le monde, Autrement, Paris, 2006. |
|