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L'insécurité des travailleurs humanitaires dans les zones de conflits armés

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par Nabi Youla DOUMBIA
Institut des relation internationales et stratégiques - Master les métiers de l'humanitaire 2009
  

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2. L'humanitaire succédané aux solutions politiques

Aux heures chaudes de la guerre froide, les ONG humanitaires sont interdites dans certains États en butte à des luttes intestines. Le concept de sans frontiérisme a pu être inventé à cette période pour braver les interdictions de cette nature et opposer le droit à l'assistance des victimes à la souveraineté des États. La garantie mutuelle des tortionnaires sous entendue selon Kouchner, la souveraineté, n'est pas pour autant subordonnée au respect des droits de l'Homme. En revanche, une certaine reconnaissance et légitimité à agir, auréole le mouvement humanitaire et a pour effet de multiplier ses effectifs. Les organisations humanitaires sont de plus en plus nombreuses à s'ingérer dans les conflits aux quatre coins du monde.

Les pays développés s'emparent de cette dynamique à l'origine civile et citoyenne comme herzats à une politique étrangère. En France, le mouvement sans frontiérisme né de la volonté des ONG urgentistes de soustraire la protection des droits de l'Homme et particulièrement celui relatif à la vie à toute notion de souveraineté nationale va se développer dans la sphère privée et citoyenne et tirer sa légitimité ainsi que ses ressources de l'adhésion de la société civile aux causes qu'il défend. Ainsi jusqu'en 1990, la part des subventions publiques (États, collectivités, organisations internationales) est marginale voire proche de zéro dans le financement de leurs projets. Après 1990 et à la faveur du conflit yougoslave le mouvement va s'inverser ouvrant une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanitaire.

De cette période naitront des O.N.G. dont le budget est assuré pour l'essentiel par des fonds publics. Aujourd'hui encore le paysage philanthropique Français est représentatif de ces deux orientations; l'une qui tire 60 de son budget de la société civile et n'accepte qu'une part marginale de subventions publiques et l'autre qui agit selon la logique inverse. Les grandes O.N.G. françaises dont M.S.F., M.D.M., appartiennent à la première catégorie, tandis qu'A.C.F. appartient à la seconde.

La prolifération des O.N.G. humanitaires est partie intégrante d'une évolution des sociétés modernes située dans le concept de mondialisation. L'hégémonisme de la culture marchande comme idéologie dominante mais surtout l'instantanéité de l'information grâce à la révolution informatique, permet, dans un monde devenu village planétaire, une circulation de l'information et la constitution d'une citoyenneté mondiale. Désormais ce qui se passe ici est connu là et chaque problématique, fusse-t- elle, localisée soulève une action mondiale. Chaque coup de fusil tiré dans le village le plus reculé d'Afrique ou chaque coup de fouet infligé à une femme adultère quelque part au Yémen sont automatiquement visibles sur la toile. L'indignation est mondiale et au besoin une mobilisation citoyenne pour y mettre un terme, via l'action des O.N.G, se met en place. Les causes nationales grâce à internet et l'action des ONG deviennent des causes mondiales. Les associations font signer des pétitions à l'échelle mondiale pour des causes particulières (Solidarités: accès à l'eau dans les pays du sud; A.C.F.: contre l'impunité des assassins de Muttur). Le poids de la société civile comme soutien de l'action des ONG est déterminant dans le recul de la diplomatie étatique lors des conflits armés.

Les organisations non-gouvernementales ne se privent aucunement d'attaquer «la raison d'État» de leurs pays d'origine. Aussi les hommes politiques du Nord rechignent, de plus en plus, à soutenir des causes impopulaires ou des intérêts bien compris qui pourraient compromettre leurs réélections.

Mais la raison décisive du retrait des États au profit des O.N.G. est liée à la fin de la guerre froide. L'intervention dans de nombreux États en conflit, restent dépourvues d'intérêts stratégiques et l'opinion nationale comprendrait difficilement l'investissement (militaire) dans une cause qui la concerne peu.

Reste la motivation humanitaire. Anna Arendt(1967) se demande s'il existe une politique de la morale à la lumière de l'holocauste en particulier et de toutes les formes de totalitarisme. Sa réponse est éminemment négative. La pitié suscite des réactions vives et indignées de la part des dirigeants les plus influents du monde mais laisse place à peu d'actions concrètes. Les rares fois où l'action est envisagée, les résultats sont décevants (Yougoslavie, Kosovo) et ne peuvent empêcher le pire (génocide Rwanda).

Les O.N.G. grignotent de plus en plus d'espaces à la diplomatie des États et s'arrogent des compétences même dans des domaines considérés jadis comme une chasse gardée (la résolution des conflits). L'O.N.G. confessionnelle Saint Egidio a eu le mérite de mettre fin à la guerre civile au Mozambique en 1992. Aujourd'hui les ONG dont une des vocations est la lutte pour que les droits de l'homme ne restent pas un reste muet de la diplomatie étatique sont en passe de transformer la diplomatie étatique en reste muet des relations internationales. Désormais rien ne se décide sans elles et leur capacité d'influence est énorme. Un nouveau concept traduit cette évolution la diplomatie non- gouvernementale.

Cependant l'embellie suscitée par le mouvement humanitaire soulève également quelques réserves face au tout humanitaire qui échoua de façon retentissante au Rwanda et dans les Balkan. Sadako Agota, ex Haut commissaire aux réfugiés, affirme qu'il n'existe pas de solutions humanitaires aux problèmes humanitaires. En effet les vertus médicinales des aspirines ne peuvent guérir un génocide. Les O.N.G. ne sauraient remplacer les États, à qui incombe en premier chef la protection des populations. Elles n'en ont ni les moyens encore moins la légitimité. En outre l'intervention d'urgence auprès des victimes agit sur les effets des conflits et laisse intactes les causes qui continuent de reproduire incessamment les mêmes effets.

Enfin les O.N.G. même lorsqu'elles veulent intervenir dans la résolution des conflits n'ont ni la légitimité ni les moyens de peser sur les protagonistes pour les contraindre à respecter leurs signatures.

Les relations internationales débordent le cadre étroit dans lequel les avait confinées Raymond Aron lorsqu'il définit les relations internationales comme étant les relations entre États. Les O.N.G. humanitaires sont visibles à l'internationale au même titre que les multinationales dont le prodigieux développement devait sonner le glas des États12(*). Il n'en fut rien, les États, quoique devant cohabiter avec ces nouveaux acteurs, restent les seuls sujets de droit international (en plus des organisations internationales qui procèdent d'eux): « Le loup perd ses poils mais pas sa faim » dit le proverbe.

Les États semblent avoir abdiqué un des attributs de la puissance en l'occurrence la diplomatie étatique contre une forme moins autoritaire: la diplomatie humanitaire qui fait office dans certains cas de politique officielle. L'Union Européenne (U.E) à travers l'ECHO est le premier bailleur de fonds des ONG urgentistes13(*). Son budget s'élève à environ 700 millions d'euros14(*). Partout des fonds d'urgence sont levés pour parer aux urgences complexes. Les pays développés rivalisent de financements: USAID (États-Unis); AUSAID (Australie), ministère des affaires étrangères française (M.A.E.) etc.  L'aide humanitaire est en passe de devenir un attribut de puissance participant du soft power.

Pour Denis Maillard qui rame à contre courant de l'opinion majoritaire, le politique ne feint pas d'être humanitaire, et l'humanitaire d'État n'est pas un nouvel habit qui dissimule sous des allures débonnaires un froid cynisme. Au contraire, c'est la politique elle-même qui se retrouve piégée par cette idéologie. L'homme politique de conviction doit avant tout être un homme de compassion. Autrement dit, la politique s'humanitarise et à la vielle distinction entre alliés et ennemis chère à l'analyse politique classique succède la dichotomie entre victimes et bourreaux.

Pour l'auteur, la politique est en train d'être phagocytée à moins qu'elle n'inverse la tendance et apprivoise cette force envahissante et rebelle qu'est le radicalisme des droits de l'Homme. Le refus de Washington et de Bruxelles de recevoir le ministre des affaires étrangères d'Israël, Avigdor Lieberman après sa nomination en mars 2009 comme cela est de coutume, en fournit une parfaite illustration. Le sulfureux homme politique israélien connu pour ses thèses extrémistes et racistes sur les Palestiniens s'est vu fermer les portes des principales capitales occidentales, pourtant alliées d'Israël. La tendance à l'oeuvre est l'effacement des catégories d'analyses anciennes et la prise en compte prioritaire de considérations morales liées aux droits de l'Homme.

* 12 Selon une prévision qui s'avéra excessive, dans la mondialisation, les pouvoirs réels sont les marchés financiers et la société internationale où dominaient les relations interétatiques est remplacée par une autre où domine le marché. La réunion du G20 consacrée à la résolution de la crise mondiale en juin 2009, montre que les États détiennent encore les reines des relations internationales.

* 13 L'ECHO est crée en 1992 par le traité de Maastricht, c'est un organe de l'union européenne en charge des questions humanitaires et du financement des projets d'urgence (60 jours maximum).

* 14 Elodie Thivard,, Auriane Vigny, les métiers de l'humanitaire et du développement, Studyrama, Paris, 2008.

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