La location-gérance de l'entreprise en difficulté en droit des procédures collectives OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel TSAGMO TAMEKO Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2011 |
Section II : Le recours contre les organes de la procédureIl ressort de l'article 116 de l'AUPCAP que le syndic chargé de veiller au respect des engagements du locataire-gérant, doit rendre compte au Juge-commissaire de l'exécution de ses obligations par le locataire-gérant et qu'à toute époque, la résiliation du contrat de location-gérance doit être demandée soit par le syndic ou le représentant du Ministère Public, soit par un contrôleur, sur rapport du Juge-commissaire lorsque par son fait, le locataire-gérant diminue les garanties qu'il avait données ou compromet la valeur du fonds. Il en sera probablement de même lorsqu'il aura mis obstacle au contrôle du syndic. Cet article dote tant le syndic que le Juge-commissaire, en passant par le contrôleur et le Ministère Public, d'importantes obligations, voire de pouvoirs. Or, qui dit pouvoir dit responsabilité. C'est dire qu'en cas de défaillance de ces organes, leur responsabilité peut être engagée. Ils peuvent être regroupés en organes non judiciaires (Paragraphe 1) et en organes judiciaires (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Le recours contre les organes non judiciairesLes organes non judiciaires sont constitués du syndic et du contrôleur. Ils sont chargés l'un comme l'autre, de représenter les créanciers et de préserver leurs intérêts. Ils peuvent, sur proposition du Juge-commissaire, être révoqués par la juridiction compétente.236(*) Outre cette révocation237(*), ils peuvent être civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun (A), sans préjudice de leur responsabilité pénale (B). A- La responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle des organes non judiciairesLa responsabilité civile quasi-délictuelle s'oppose à la responsabilité civile délictuelle. Un délit civil consiste à causer intentionnellement un dommage à autrui. Le quasi-délit est le fait de causer un dommage dans des conditions entraînant la responsabilité, sans intention de nuire238(*). Il y a responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle lorsque le dommage est indépendant de toute obligation contractuelle liant l'auteur et la victime qui sont des tiers l'un vis-à-vis de l'autre. Contrairement aux contrôleurs qui n'engagent leur responsabilité qu'en cas de faute lourde et personnelle, le syndic est responsable de ses fautes de gestion tant à l'égard du débiteur lui-même239(*) qu'à l'égard de la masse des créanciers240(*). Cette responsabilité trouve son fondement à l'article 1382 du C. civ. français de 1804 qui dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». La mise en oeuvre de cette responsabilité nécessite la réunion de diverses conditions (1) qui, dès lors qu'ils permettent d'établir le fait dommageable, entraîne réparation du dommage (2). 1- Les conditions de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle
La responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle suppose qu'existe un dommage; qu'il soit possible de mettre à la charge d'une personne un fait de nature à entraîner sa responsabilité; qu'entre ce fait et le dommage existe un lien de cause à effet. Le dommage est la condition essentielle de la responsabilité civile. Il peut être matériel ou moral. Le dommage matériel est constitué par une atteinte au patrimoine, au bien. Il pourra s'agir d'une perte ou d'un gain manqué par les créanciers dans la masse. Comme dans la responsabilité contractuelle, ce dommage doit être certain et direct, il doit être personnel et justifié par un intérêt légitime. Le dommage moral consisterait ici en l'angoisse qu'ont eue les créanciers de n'être pas payés. Le fait générateur de la responsabilité consiste en la faute commise par ces organes, chacun en ce qui le concerne. Elle découle de la responsabilité du fait personnel. La faute suppose un comportement blâmable, qui trouble plus ou moins gravement l'ordre social241(*). Elle consiste en l'espèce en l'abstention d'agir en demande de résiliation du contrat de location-gérance par le syndic ou par le contrôleur alors qu'ils savaient que le locataire-gérant, par ses actes, diminue les garanties qu'il avait données ou compromet la valeur du fonds. L'article 1383 du C.civ. ne dispose-t-elle pas que : « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » ? S'agissant du lien de causalité, il faut noter que pour que le syndic ou le contrôleur soient, chacun en ce qui le concerne, tenus de réparer le dommage subi par les créanciers, il faut que leur fait fautif ait été à l'origine du préjudice. Il s'agit ici d'une cause efficiente, un rapport de cause à effet. En effet, si le syndic ou le contrôleur avaient saisi le tribunal en résiliation du contrat de location-gérance lorsqu'ils avaient constatés que par son fait, le locataire-gérant diminue les garanties qu'il avait données ou compromet la valeur du fonds, les créanciers n'auraient jamais subi un quelconque préjudice. La réunion de ces conditions donne nécessairement droit à la réparation du préjudice. * 236 Article 42 et 48, al. 5, de l'AUPCAP. * 237 Qui peut s'avérer nécessaire lorsqu'ils sont peu disponibles, peu compétents, s'ils font montre d'incurie ou commettent des malversations. La révocation du syndic relève de la compétence de la juridiction compétente. Elle nécessite une proposition du Juge-commissaire découlant de sa propre initiative ou des réclamations qui lui sont adressées soit par le débiteur soit par les créanciers ou par les contrôleurs (article 42 de l'AUPCAP). La révocation du contrôleur est faite, sur proposition du Juge-commissaire, par la juridiction compétente. Après révocation, le Juge-commissaire nomme leurs remplaçants (article 48, dernier al., de l'AUPCAP). * 238 Cf. VOIRIN (P.) et GOUBEAUX (G.), op. cit., p. 431. En bref, la responsabilité civile délictuelle oblige l'auteur d'un dommage causé à autrui, par sa faute ou son fait volontaire (délit) ou involontaire (quasi-délit), à le reparer. * 239 Cass. Com. 26 juin 1968, bull. cass. 1968.4. n° 207. * 240 Cass. Com. 6 juillet 1971.4. n° 196. * 241 Cf. VOIRIN (P.) et GOUBEAUX (G.), op. cit., p. 438. |
|