La location-gérance de l'entreprise en difficulté en droit des procédures collectives OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel TSAGMO TAMEKO Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2011 |
2- La sanction du locataire-gérant pour abus de confianceEn application du Code pénal camerounais, le locataire-gérant coupable d'abus de confiance sera puni d'un emprisonnement de 5 à 10 ans et d'une amende de 100 000 à 1 000 000 francs227(*). Au final, l'abus de confiance semble être l'unique infraction existante et susceptible d'être consommée par le locataire-gérant. Or, il ressort des dispositions de l'article 116, alinéa 1er, de l'AUPCAP, que le syndic veille au respect des engagements du locataire-gérant. Il peut se faire communiquer, par celui-ci, tous les documents et informations utiles à sa mission. Le syndic peut apparaître aux yeux du locataire-gérant véreux comme un personnage gênant. Aussi, peut-il tenter d'empêcher le syndic d'exercer normalement sa mission de surveillance de ses engagements ? Qu'adviendrait-il si le locataire-gérant refuse la communication desdits documents ou fait obstacle au contrôle du syndic ? Le législateur OHADA est muet sur la question car contrairement au cas de contrôle exercé par les commissaires aux comptes, aucune sanction pénale n'a été prévue. Il n'est pas exclu qu'un tel comportement traduisant la mauvaise foi du locataire-gérant donne lieu à la mise en oeuvre de l'article 116, alinéa 2, de l'AUPCAP sans préjudice d'une éventuelle réaction pénale du législateur africain. Il échet de noter que dans l'espace OHADA, si les locataires-gérants, personnes physiques, sont pénalement responsables228(*), il n'en est pas le cas pour leurs homologues personnes morales. Pourtant, « les modèles ne font pas défaut »229(*). Il s'agit d'une mise en oeuvre par le législateur OHADA de la maxime « societas delinquere non potest »230(*). Cette option bien que critiquée231(*), se fonde sur trois principaux arguments : d'une part, l'argument fondé sur la fiction juridique232(*) ; d'autre part, l'argument tiré du principe de la spécialité233(*) et enfin, l'argument tiré d'une compatibilité entre les notions de peines et de groupement234(*). Cette option peut certes, constituer une mesure incitative vis-à-vis des personnes désireuses de réaliser des investissements en mettant sur pied des sociétés commerciales de « location-gérance » mais, parce que en contradiction avec le régime réservé aux commerçants personnes physiques, elle risque entraîner le désintéressement de ces derniers à prendre en location l'entreprise en difficulté. En outre, elle peut constituer non seulement un ingrédient sérieux pour le développement d'une délinquance d'un genre particulier, mais aussi et surtout le risque de sacrifier plusieurs intérêts235(*). Pour accroître les chances de redressement des entreprises en difficulté, il est judicieux que le législateur africain revienne sur ses premières oeuvres afin de soumettre les personnes morales commerçantes au même régime de responsabilité que les commerçants personnes physiques. Comme l'on le constate, en cas de défaillance du locataire-gérant, c'est-à-dire lorsque celui-ci ne respecte pas ses engagements ou fait obstacle au contrôle du syndic, sa responsabilité doit nécessairement être engagée. En plus, lorsque l'engagement inexécuté est le paiement de la redevance, la caution peut y être tenue soit en totalité, soit en partie. Mais, il peut arriver que malgré le fait qu'il ait respecté convenablement ses engagements, les créanciers ne soient pas toujours désintéressés à cause de la défaillance ou de la malveillance des organes chargés de les protéger. * 227 Article 318, al. 1(b). * 228 Globalement en vertu des règles de droit commun, par exemple l'article 1er du Code pénal camerounais qui dispose que : « La loi pénale s'impose à tous ». Cette loi consacre le principe selon lequel tout homme sans distinction aucune, est égale devant la loi. * 229 Certains pays membres de l'OHADA avaient déjà reconnu cette responsabilité soit avant, soit concomitamment avec la France. Cf. FOKO (A.), « Analyse critique de quelques aspects du droit pénal OHADA », in Penant, n° 859, 2007, p. 208. * 230 Cette maxime ne signifie nullement que la société commerciale est un être réel qui jouit en matière pénale d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité ; il est au contraire de principe qu'en cas d'infraction à la loi pénale, ce sont les personnes physiques qui, par leurs agissements se sont substituées individuellement à la société commerciale, qui sont à considérer comme auteur de l'infraction. * 231 Sur la critique de l'option choisie par le législateur OHADA, cf. FOKO (A.), op. cit., p. 210 et s. * 232 Le groupement est considéré comme une fiction car dénué de toute volonté personnelle, attribut des seuls individus et condition indispensable de la responsabilité pénale. * 233 D'après le principe de la spécialité, la reconnaissance juridique en droit civil des groupements suppose l'existence d'un objet social. Or, ce dernier ne saurait consister en la commission d'une infraction. * 234 Les auteurs de cet argument font valoir que compte tenu de ses fonctions et de sa nature, les peines ne peuvent correspondre qu'aux individus. * 235 Cf. FOKO (A.), op. cit., p. 214 et s. |
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