CONCLUSION
D
ans le contexte de mondialisation actuelle où la
compétitivité règne en maître mot dans le domaine
portuaire, la fluidité des informations et des marchandises dans les
chaînes de transport peuvent faire varier le choix logistique des
opérateurs de transport, ce qui a nécessairement des incidences
notables sur la fréquentation du port concerné. A cet effet, les
ports commerciaux modernes doivent répondre à quatre
impératifs principaux :
1. Le gigantisme naval ;
2. L'aménagement des ports ;
3. La célérité dans le déroulement
des différentes phases des opérations de manutention ;
4. La gestion des flux par le biais de la maîtrise de
l'information.
Le port Toamasina est le premier port et l'un des plus grands
ports commerciaux de Madagascar. Il rencontre des difficultés pour
satisfaire les conditions exigées par les impératifs cités
ci-dessus. C'est la problématique qui a été posée
tout au long de cette étude. En d'autres termes, il s'agit de
répondre à la question de savoir : «Comment organiser la
logistique du port de Toamasina?».
La présente étude s'est fixée deux
objectifs spécifiques afin d'optimiser la rotation des navires et du
transit des marchandises, en synergie avec une garantie de fluidité des
informations y afférentes.
La démarche adoptée à cet effet passait
par une analyse et une mise en exergue des atouts et des faiblesses du port de
Toamasina, et de proposer une solution rationnelle et adéquate afin de
lui permettre d'une part, de satisfaire aux conditions citées ci-dessus
et d'autre part, de répondre aux exigences actuelles des transporteurs
maritimes.
Les analyses menées ont apportés des
éclaircissements sur les divers aspects et ont permis de conclure sur
les hypothèses fixées pour l'étude.
La première hypothèse, qui a posé
l'inquisition : « Le port de Toamasina possède-t-il suffisamment de
postes à quais spécialisés pour accueillir les
différents types de navires, ainsi que des matériels de
manutention qui pourraient répondre à la vitesse
d'opération en vigueur dans une exploitation moderne? » a
été élucidée.
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En effet, il est apparu à travers l'étude que le
port de Toamasina ne possède pratiquement qu'un seul poste à quai
avec un faible tirant d'eau, inférieur à onze mètres pour
les navires au long cours, porte-conteneurs.
En réalité, la situation est paradoxale dans la
mesure où deux postes à quais spécialisés existent
physiquement au port de Toamasina : le quai d'une longueur de 204
mètres linéaires et 10 mètres de tirant d'eau d'une part,
et le quai C3 d'une longueur de 180 mètres linéaires et 10,50
mètres de tirant d'eau, d'autre part. Mais face à
l'évolution de la taille des navires, notamment porte-conteneurs, la
longueur du quai C3 qui leur est dédié est insuffisante, ce qui
fait qu'à l'accostage, la position de ces navires empiète sur la
partie délimitée pour le quai . Du coup, le quai devient
impraticable et est sous utilisé. Dans la pratique donc, malgré
l'existence de ces deux quais aménagés, il est impossible
d'accoster simultanément deux navires sur ces postes.
L'étude réalisée a ainsi permis de
creuser le fond du problème : il s'agit davantage d'inadéquation
des caractéristiques techniques des quais existants par rapport à
l'évolution technique et technologique des navires qui font escale au
port de Toamasina.
En revanche, le port de Toamasina possède des quais
spécialisés pour les navires vraquiers. Ces quais sont
équipés d'installations fixes semi ou entièrement
automatisées pour le chargement/déchargement de marchandises qui
ne nécessitent pas d'importantes manipulations humaines. Tels sont les
cas du poste à quai pétrolier à l'extrémité
nord du môle B, du poste à quai minéralier du projet
Ambatovy dans l'extension du môle B, du quai C1, poste
céréalier mixte avec le poste à quai à ciment ainsi
que les postes à quai pour les cargos mixtes de l'ancienne structure du
môle B qui sont sous exploités à cause de l'insuffisance de
tirant d'eau.
De même, le site portuaire de Toamasina dispose de
matériels de manutention performants et de personnel hautement
expérimenté pour les opérations d'accueil des navires
ainsi que pour la manipulation des marchandises au débarquement et
à l'embarquement.
Par ailleurs, bien que le port soit un lieu de transit pour
les marchandises importées et à exporter, la réception de
ces marchandises nécessite des espaces de stockage dans un délai
bien déterminée au sein du port. Au moyen du focus-groupe, de la
capitalisation et des observations directes sur le terrain, il a
été constaté également que le port a des lacunes en
matière de terre plein de stockage pour les conteneurs vides ainsi que
pour les véhicules.
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La deuxième hypothèse, quant à elle,
avait posé l'interrogation : « Le port de Toamasina dispose-t-il
d'un système de traitement d'information et de réseau de
communication adéquats reliant les différents acteurs du port
à savoir les armateurs, les manutentionnaires, l'autorité
portuaire, la Douane, la Police aux frontières et la Gendarmerie?
». Une fois de plus, la réponse est négative.
En effet, il est apparu à travers l'étude que le
port de Toamasina traite tous ses documents de travail sur support papier, que
ce soit avec les clients qu'avec tous les exploitants de la communauté
portuaire à savoir les armateurs et/ou les consignataires qui
interviennent dans les opérations aux navires, les
chargeurs/importateurs et les concessionnaires qui interviennent sur les
marchandises. Outre la communication par internet via le courrier
électronique, il n'existe ni de réseau de communication ni
d'échange de données informatisées reliant les
différents acteurs de ce port. Il est pourtant de
notoriété publique que la capacité du courrier
électronique est très limitée en matière de
transfert de données, donc n'est pas exploitable pour les besoins de la
gestion du port.
Il faut admettre par ailleurs que le concessionnaire du
terminal à conteneurs, la société M.I.C.T.S.L, est la
seule qui dispose d'un système d'information performant pour assurer le
contrôle des flux des marchandises conteneurisées dans le port. Ce
réseau assure l'échange des données entre l'entreprise et
les compagnies de navigation pour la gestion des opérations de
débarquement/embarquement avant, durant et après l'escale des
navires. Il utilise le système COARRI/CODECO pour les échanges
avec les compagnies de navigation concernant la situation des conteneurs
embarqués et débarqués sur les navires ainsi que pour les
conteneurs qui entrent ou sortent du terminal. Parallèlement,
grâce à son système NAVIS SPARKS, M.I.C.T.S.L. peut se
connecter sur le Réseau Tradenet de GasyNet, pour les formalités
douanières.
Sur la base des études des différents aspects
des activités portuaires réalisées dans les pages
précédentes, il est possible, au stade actuel de statuer sur les
problèmes réels du port de Toamasina. Il souffre de
problèmes de retards technologiques qui peuvent être
abordés suivant deux axes :
V' primo, un problème d'infrastructures d'accueil dont les
caractéristiques techniques sont dépassés et
inadéquats,
V' secundo, un problème d'absence de logistique de
communication portuaire et/ou de compétence pour la maîtrise de la
technologie moderne de gestion des flux physiques et des flux d'information
portuaires.
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La réforme institutionnelle des ports malagasy, mise en
oeuvre suivant les dispositions de la Loi n°2003-025 du 5 septembre 2003,
ainsi que ses textes et décrets d'application permettent et attribuent
à la S.P.A.T la mission, entre autres de «réalisation
des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de
reconstruction des installations situées dans les limites du domaine
portuaire ou nécessaires à son fonctionnement ».
Ayant ainsi pris en considération les multiples
handicaps face à la nouvelle génération de navires (les
gros porteurs), aux nouveaux modes de conditionnement (tendance accrue à
la conteneurisation), à l'évolution des types et des volumes de
trafic (tendance confirmée pour les conteneurs, le RORO et le vrac aux
dépens du conditionnement en conventionnel comme les sacheries, les
fardeaux, etc.), la S.P.A.T. a mené avec l'équipe japonaise de
JICA, l'étude de faisabilité de son projet de
développement, ce de février 2009 à octobre 2009.
L'étude a arrêté un scénario de
solutions en deux phases portant sur une phase n°1 relative à un
Plan urgent à horizon 2017 et une phase n°2 relative à un
Plan à moyen terme à horizon 2020.
La configuration du port de Toamasina en 2017 telle que
prévue par le Plan de développement urgent comprend :
a) la construction du quai C4 au bout du quai C3, à
-14 m de profondeur, d'une longueur de 320 m pour accueillir les navires porte
conteneurs de 40.000 TPL et 3.200 EVP et une nouvelle zone du terminal à
conteneurs TAC-C4 qui sera de 5,1 ha,
b) l'extension du brise-lames d'une longueur de 345 m afin de
fournir la protection nécessaire aux nouveaux terre-pleins et quais,
c) l'approfondissement des quais C1, et C3 existants
jusqu'à -13 m pour recevoir des navires de type Panamax pour le vrac et
les cargaisons générales. Le quai C3 sera approfondi à -14
m,
d) l'aménagement d'une nouvelle zone de terminal
à conteneurs de 10 ha sur le Récif Hastie,
e) la construction d'une route sur pont au dessus de la voie
de chemin de fer au niveau de la porte 5, réservée aux camions.
L'objectif est d'éviter le conflit entre rail et route et aussi de
fluidifier la circulation dans le port.
f) l'installation de nouvelles grues de quai sur le quai C4
afin de renforcer et d'améliorer la capacité de traitement des
bateaux porte-conteneurs.
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Photo n°11: Phase n°1 - Plan urgent
(horizon 2017)
La configuration du port de Toamasina, telle que prévue
dans le plan de développement à moyen terme (horizon 2020)
comprend :
i. Une extension du quai C4 de 150 m pour une longueur totale
de quai de 470 m et du terminal à conteneurs de 2,4 ha pour une
superficie totale de 7,5 ha,
ii. Une extension du terminal à conteneurs sur une
zone supplémentaire de 16 ha sur le Récif Hastie, pour une
superficie totale de 26 ha en 2020.
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Au point de vue gestion d'information, il apparaît
incontournable pour la S.P.A.T de mettre en place un système
d'information automatisé qui se chargera d'exploiter
simultanément un système de gestion de base de données
à l'interne de l'entreprise et un système de gestion de base de
données intégré pour la communauté portuaire pour
assurer : - la circulation rapide des documents relatifs à ses
prestations sur le navire, améliorer la vitesse de rotation des navires,
gagner du temps et diminuer les charges de personnel, - garantir des
échanges fiables, rapides, efficaces, sécurisés et en
toute confidentialité avec ses interfaces.
L'existence actuelle du système « Tradenet »
au port de Toamasina, qui essaie de relier les différents acteurs au
port, semble ne pas répondre aux besoins de l'autorité portuaire
pour sa propre gestion des flux d'informations relatifs aux navires et aux
marchandises qui entrent ou sortent de ce port. Les fonctionnalités de
Tradenet seraient plutôt orientées vers les marchandises
conteneurisées et sur les procédures de dédouanement,
ainsi que sur le contrôle au scanner à l'import et à
l'export.
La solution pour l'autorité portuaire devrait de ce
fait comporter deux phases d'étude et de développement :
une première phase portant sur ses besoins internes de
collecte, de suivi et de traitement d'informations pour satisfaire d'un
côté, la célérité de rotation des navires et
de l'autre côté la traçabilité des marchandises
à l'import comme à l'export. Le même système devra
bien entendu répondre aux impératifs de gestion interne telles
que la facturation, les finances, la comptabilité, etc.
une deuxième phase portant sur les échanges
d'informations avec l'ensemble de la communauté portuaire. Le souci dans
ce volet n'est pas uniquement de disposer d'un système autonome et
performant mais de garantir l'interfaçage et l'interconnexion avec les
systèmes existants.
En ce sens, les efforts de l'autorité portuaire
devraient visiblement s'orienter vers un système spécifique mais
en même temps adapté au contexte local et national, qui pourra
s'élargir vers un véritable système informatique au
service de l'ensemble de la communauté portuaire comme le système
AP+ utilisé par le Port du Havre. La solution étant, soit de
développer un nouveau système informatique sur mesure, soit de
rechercher un logiciel performant suffisamment paramétrable pour
répondre aux attentes de chacun.
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Il va sans dire que là encore, les paramètres de
coûts seront déterminants dans le choix qui sera
définitivement retenu.
Au-delà de sa volonté d'aller de l'avant, de
faire face à la concurrence, la S.P.A.T. reste bloquée par les
problèmes de financement de ses projets. Par exemple, les travaux
relatifs au projet d'extension des infrastructures avec l'équipe
japonaise de JICA sont censés débuter en 2013. Mais faute de
financement, le respect du programme établi est difficilement
réalisable. Parallèlement, la mise en place d'un système
de gestion de base de données intégré pour la
communauté portuaire devrait passer par la mobilisation de
compétences suffisantes pour définir les fonctionnalités
exigées, comparer les besoins ainsi définis par rapport aux
pratiques existant dans d'autres ports, rechercher ou développer le
système susceptible de répondre au plus près aux attentes,
etc. Mais, à ce jour, est-ce que la S.P.A.T. dispose de moyens
suffisants à cet effet ?
En tant qu'actionnaire majoritaire et unique de la S.P.A.T.,
l'État malagasy devrait sûrement prêter main forte dans la
réalisation de ses projets de développement. Les prospections et
les négociations engagées à cet effet auprès des
organismes de financement internationaux ont dû être suspendues
à cause de la situation socio politique de Madagascar depuis
l'année 2009.
Dans l'attente d'une évolution contextuelle plus
favorable, la S.P.A.T. devrait s'activer dans la préparation des
structures et organisations, à même de recevoir les innovations
technologiques envisagées. En effet, il apparaît important de
rappeler que la mise en oeuvre de ce projet d'aménagement des
infrastructures et d'implantation du système communautaire portuaire ou
guichet unique sont tributaires d'une innovation organisationnelle. Et si le
port de Toamasina voudrait maintenir son objectif de devenir un port
d'éclatement dans l'Océan Indien et en Afrique Australe, elle
devra d'ores et déjà utiliser tous ses moyens et ses atouts en
tant qu'autorité représentant l'Etat, et en tant que port de type
propriétaire pour conserver les acquis et conquérir de nouveaux
marchés.
Au moyen des financements sur fonds propres, certains autres
projets pourront être engagés tels que le projet
d'aménagement de la porte n°5, dédiée à
l'entrée/sortie des camions transportant des marchandises à
l'export et à l'import en vue d'améliorer la fluidité de
la circulation dans le port. Il semble possible également de
réaliser le projet de normalisation de la tour de contrôle de la
Capitainerie aux exigences internationales. A ceux-là pourront s'ajouter
le projet d'aménagement de quai mixte croisières/RoRo au
môle A, ainsi que l'aménagement de diverses zones de stockage de
marchandises.
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Dans tous les cas, force est d'admettre que la S.P.A.T est en
mesure d'assumer sa fonction régalienne de représentant de l'Etat
dans son rôle d'autorité portuaire et concédante. Bien que
confrontée à des problèmes de délais dans la
réalisation de ses projets, la S.P.A.T. assure pleinement sa mission de
port commercial de développement et ses attributions de valorisation des
ressources mises à sa disposition par l'État.
Au-delà des objectifs fixés, il faut
néanmoins reconnaître que cette étude n'a pas permis
d'appréhender tous les aspects de l'optimisation de l'exploitation de la
logistique portuaire dont il est question.
Certains sujets n'ont pas pu être abordés. Ils
soulèveront probablement des questions clés qui pourront conduire
vers des perspectives de recherche, portant sur des thèmes qui pourront
être reliés directement ou indirectement à celui
développé dans le présent document dont entre autres :
Quel pourrait être l'impact environnemental de la
réalisation du projet d'extension et d'aménagement portuaires
?
Quel système sera utilisé au port de Toamasina
afin de pouvoir interconnecter tous les acteurs portuaires dans la gestion des
navires, des trafics et de suivre la traçabilité des
marchandises, tout en répondant aux besoins de fluidité, de
sécurité et de confidentialité requis en la matière
?
Quels seront les impacts économiques de la mise en
place du guichet unique portuaire au niveau du coût de transit de la
marchandise, au niveau de la sécurisation des recettes
douanières, au niveau des tarifs d'escale et des prestations portuaires,
etc. ?
Les sujets sont larges, intéressants et
édifiants. Ils procurent un intérêt particulier de
recherche et de développement, surtout pour les universités. La
seule condition de réussite demeure toutefois la mobilisation effective
de tous les pouvoirs de décision, privés et publics, à
promouvoir par des actions concrètes, les initiatives des
opérateurs économiques et des organismes de financement.
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