Conclusion de la Partie II
Il apparaît donc dans cette seconde partie que la place
effectivement conférée à la responsabilité civile
de droit commun par les juges, bien que résiduelle, demeure, et ce,
quand bien même l'abus de la liberté d'expression poursuivi se
trouverait être attentatoire à la personne. Bien entendu, ce sont
principalement les textes spéciaux que constituent la loi du 29 juillet
1881 et les articles 9 et 9-1 du Code civil qui auront en pratique à
connaître de ce type d'abus. Mais la responsabilité pour faute,
conformément à la formule employée par Philippe le
Tourneau est là, « prête à l'emploi
»488, toujours disposée à remplir son
rôle de suppléante en cas d'inapplicabilité des textes
spéciaux. Il semble donc que l'on soit désormais bien loin de la
formule controversée de la jurisprudence du 27 septembre
2005489.
En outre, s'il est un domaine où la
responsabilité civile pour faute demeure reine sur son territoire, il
s'agit bien de celui des abus de la liberté d'expression mettant en
cause des intérêts patrimoniaux. On pourra toutefois s'interroger
sur la nature de la raison poussant le législateur à mieux
protéger les biens que les individus. Tout comme sur celle faisant de ce
que nous avons qualifié de « nouveaux droits de la
personnalité », des droits mieux protégés que les
« anciens droits de la personnalité » tombant essentiellement
sous le joug de la loi du 29 juillet 1881.
Toujours est-il que quel que soit le fondement légal
invoqué - qu'il s'agisse de l'article 1382 du Code civil, des articles 9
et 9-1, de la loi du 29 juillet 1881 ou de toute autre infraction prévue
dans le code pénal - il sera toujours possible d'agir en
responsabilité civile contre l'organe de presse auteur de l'abus de la
liberté d'expression. Seulement, les conditions de fond de mise en
oeuvre de la responsabilité civile et les contraintes
procédurales varieront, d'un fondement à l'autre.
On notera enfin que le développement croissant des
faits justificatifs spéciaux en matière de presse reste le
véritable ennemi des actions en responsabilité civile.
Chéris des responsables, ils sont le reflet d'une symptomatique
propension à l'hégémonie de la liberté d'expression
s'opérant au détriment des victimes d'abus de la liberté
d'expression. Face à cet océan d'impunité, la
réponse reste alors un moyen de conserver un semblant de justice.
488 Ph. le Tourneau, « La verdeur de la faute dans la
responsabilité civile », RTDciv., 1987, p 507.
489 En guise de rappel : « les abus de la liberté
d'expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le
fondement de l'article 1382 du Code civil » (Civ. 1e, 27
sept. 2005 préc.).
123
|