Section 2 : Les limites apportées au droit de
réponse
200. Le droit de réponse connait toute une série
de limites plus ou moins objectives destinées à accompagner son
exercice. Elles correspondent à des frontières légales et
jurisprudentielles de contenu, de longueur et de délais, qui ont
d'ailleurs souvent été perçues comme allant dans le sens
du caractère absolu qui lui est conféré461.
459 Loi n°93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme
de la procédure pénale.
460 Crim. 12 juillet 1884 : DP 1986, 1, jurisp. p.
47.
461 Y. Mayaud, « L'abus de droit en matière de
droit de réponse », in Liberté de la presse et
droits de la personne, Dalloz, 1997.
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Tant sur la forme (Paragraphe 1) que sur le fond (Paragraphe
2), des règles ont donc été fixées en vue de faire
de la réponse un droit subjectif à part entière, avec une
portée, et des limites.
Paragraphe 1 : Les règles de forme encadrant la
demande de réponse
201. Ces règles de forme sont essentiellement d'origine
légale. Elles visent non seulement à règlementer
l'exposé de la demande, mais aussi, les délais de sa mise en
oeuvre.
Eu égard aux modalités d'exercice de la demande
de réponse tout d'abord, il convient de préciser que quel que
soit le média concerné, le destinataire de la demande sera par
principe, le directeur de publication462. Pratiquement, il
appartiendra donc au demandeur d'adresser une lettre au siège social de
l'organe de presse en question463. Cette demande s'opère par
voie de lettre simple en matière de presse écrite. En revanche,
une lettre avec accusé de réception est exigée dans
l'audiovisuel et l'internet. Mais encore une fois, cette lettre n'entrainera
aucune obligation d'insertion si elle est adressée à une autre
personne que le directeur de publication464.
Le délai accordé à l'exercice de la
demande a été harmonisé à trois mois pour tous les
supports de presse par la « loi Guigou » du 15 juin
2000465. Ce délai a pour point de départ de principe
la mise à disposition au public du message litigieux mais une
incertitude demeure quant à la question de savoir si celui-ci court
à compter de la date d'envoi ou de la réception de la
réponse. Une jurisprudence serait donc ici la bienvenue.
En ce qui concerne le contenu de la demande, si l'article 13
de la loi du 29 juillet 1881 ne prévoit rien sur ce point, il en est
autrement pour les textes régissant les services de communication au
public par voie électronique. En effet, s'agissant de l'audiovisuel tout
d'abord, l'article 6-I alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1982 dispose que
le demandeur doit « préciser les imputations sur lesquelles il
souhaite répondre et la teneur de la
462 Il existe toutefois des cas dans lesquels le directeur de
publication aura conservé l'anonymat. On pense en effet à la
presse en ligne ou de nombreux internautes éditant à titre
non-professionnel diffusent des messages mettant en cause des personnes sans se
soucier des éventuelles répercussions de leurs publications.
Ë ce titre, l'article 6 du décret du 24 octobre 2007 prévoit
que le destinataire de la demande sera le fournisseur d'hébergement
chargé de transmettre celle-ci au directeur de la publication dans un
délai de vingt-quatre heures.
463 Civ. 1e, 29 avr. 1998 : D. 1998, p.
140.
464 D. De Bellescize, L. Franceschini, op. cit. p.
455.
465 Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 pour la protection de
la présomption d'innocence et les droits des victimes.
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réponse qu'il se propose d'y faire ».
Cette exigence, qui ne comporte pas d'équivalent en matière de
presse écrite, fait l'objet d'une application stricte en
jurisprudence466 et oblige donc le demandeur à redoubler de
vigilance dans la formulation de sa demande. Toutefois, en vue de permettre au
demandeur d'établir la preuve de ces imputations, un décret du 6
avril 2007467 prévoit l'obligation pour le diffuseur
d'enregistrer et de conserver l'émission porteuse du message litigieux
pendant une durée minimum de quinze jours à compter de sa
diffusion468. En cas de manquement à cette obligation, une
peine d'amende de 1 500 euros est prévue à l'encontre du
directeur de publication et une action en responsabilité civile pour
faute sera bien entendu parallèlement ouverte au
demandeur469. S'agissant des services de communication au public en
ligne, l'article 2 du décret du 24 octobre 2007 470
prévoit sensiblement les mêmes conditions qu'en matière
audiovisuelle en omettant pas d'imposer au demandeur, là encore,
d'indiquer les « passages contestés et la teneur de la
réponse sollicitée ».
Enfin, dernier point important ayant trait aux règles
de forme, celui tenant à la longueur de la réponse. Cette
question fait l'objet d'importants détails au sein de l'article 13 de la
loi sur la liberté de la presse. Le principe est ainsi posé : en
matière de presse écrite, la réponse sera «
limitée à la longueur de l'article qui l'aura provoquée
». Or, comme rattrapé par la réalité, ce
principe, inapplicable si le texte fait plusieurs pages, le législateur
poursuit : « toutefois, elle pourra atteindre cinquante lignes, alors
même que cet article serait d'une longueur moindre, et elle ne pourra
dépasser deux cents lignes, alors même que cet article serait
d'une longueur supérieure ». Enfin, la jurisprudence fait
valoir que si le directeur de publication peut légitimement refuser
l'insertion d'une réponse trop longue, il ne peut en revanche - sauf
accord du mis en cause - la couper ou la corriger, celle-ci étant
« indivisible »471. S'agissant de la
presse en ligne, des règles quasi-identiques sont prévues au sein
du décret du 24 octobre 2007. Mais c'est pour les médias
audiovisuels que le législateur a voulu radicalement couper court
à la longueur de la réponse. En effet, l'article 6 du
décret du 6 avril 1987 dispose que « le texte de la
réponse
466 Ainsi d'un demandeur ayant été
débouté en sa demande de réponse pour avoir omis de
préciser les passages qu'il contestait : TGI Nanterre, 6 avr. 1995 :
D. 1997, somm. p. 87.
467 Art. 7 al 1er du décret n°87-246 du
6 avril 1987 relatif à l'exercice du droit de réponse dans
les services de communication audiovisuelle. Son alinéa 2
prévoit d'ailleurs que ce délai sera prolongé
jusqu'à l'intervention d'une décision définitive en cas de
demande d'exercice du droit de réponse.
468 On notera le non-sens que constitue ce délai de
quinze jours qui devrait en réalité logiquement se calquer sur
celui de trois mois accordé pour la demande de réponse. En effet,
nul doute qu'une fois ce délai de 15 jours écoulé, les
perspectives de demande seront maigres.
469 Art. 9, décret n°87-246 ibid.
470 Décret n° 2007-1527 du 24 octobre 2007
préc.
471 Crim. 25 juin 2002, n°02-80075, inédit.
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ne peut être supérieur à 30 lignes
dactylographiées ». Il ajoute que, lu à l'antenne, la
durée du message ne pourra excéder « deux minutes
».
Ces diverses dispositions légales contribuent donc
à fixer des limites objectives au droit de réponse. Comme a pu le
faire remarquer le Doyen Josserand, cet objectivisme est un moyen «
d'écarter les recherches d'intentions » pour permettre au
demandeur, à l'intérieur du cadre légal imparti à
la réponse, de se mouvoir librement472. Mais la jurisprudence
ne comptait pas en rester là. Très tôt, de
véritables exigences de fond destinées à encadrer la
substance de la réponse ont été adoptées par les
juges, contribuant ainsi à alourdir considérablement le
contrôle judiciaire de l'exercice de ce droit.
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