§2. Conditions dans lesquelles la torture est
pratiquée en RD Congo
En RD Congo, la torture est pratiquée de deux
façons :
Soit que la personne ou les personnes sont détenues au
secret80 (A) ; soit que les autorités invoquent ou cherchent
à justifier l'état d'urgence (B)81.
A. Détention au secret82
Dans la plupart des cas, il n'y a pas de témoins
oculaires autres que les victimes et les bourreaux. Le secret qui entoure la
pratique de la torture est créé et protégé
très efficacement par la détention au secret. En fait, il ressort
de la plupart des renseignements concernant les allégations de torture
que les victimes étaient détenues, légalement ou
illégalement, au secret.
Dans la plupart des pays tels que la RD Congo, l'arrestation
et la détention83 sont étroitement soumises à
la procédure pénale. Comme le stipule l'article 9 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, "nul ne peut faire
l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires" (par. 1).
Lorsqu'il aura été arrêté, tout individu "sera
informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation
et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation
portée contre lui"
80 Pour plus de précision, lire Rapport
d'enquête du bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'homme,
Op-cit., pp.8-9
81 Idem, pp.9-14
82 Sur cette condition, lire aussi E/CN.4/1936/15 du
19 février 1986, Op-cit, pp.29-30
83 En RD Congo c'est l'article 32 du code de
procédure pénale congolais
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(par. 2). Il "sera traduit dans le plus court délai
devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi
à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé
dans un délai raisonnable ou libéré" (par. 3). Quiconque
se trouve privé de sa liberté... " a le droit d'introduire un
recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération
si la détention est illégale." (par. 4).
La constitution congolaise reconnait le droit pour la personne
arrêtée de contacter sa famille ou son conseil
immédiatement après l'arrestation84. Lorsqu'il est au
secret, le détenu est totalement coupé du monde extérieur.
Il n'a pas le droit de recevoir la visite de ses avocats ou de ses proches.
Aucun renseignement concernant son état n'est communiqué. Il n'a
pas le droit d'écrire des lettres ou d'adresser des demandes à
qui que ce soit à l'extérieur. Il n'a de contact qu'avec ceux qui
le détiennent et, parfois, avec d'autres détenus qui partagent le
même sort. Lorsque les contrôles et les vérifications
officiels des conditions de détention sont suspendus ou rendus
inefficaces, les détenus sont totalement à la merci de ceux qui
les détiennent. Toutes les conditions permettant la pratique de la
torture sont alors réunies.
Dans un certain nombre de cas de torture, il a
été expliqué que certains agents exagérément
zélés qui interrogeaient les détenus et tentaient
d'apporter "une solution rapide" à l'affaire, ne s'étaient plus
maîtrisés, et avaient maltraité les détenus. Dans
d'autres cas, la torture aurait été pratiquée pour
arracher au détenu une confession destinée à être
utilisée contre lui lors du procès85. Dans de nombreux
cas, la torture semble avoir été pratiquée de
manière répétée, systématique et
prolongée et non pas une seule fois, pendant quelques minutes, lors
d'incidents isolés. La détention au secret favorise la pratique
de la torture.
84 Article 18 de la Constitution du 18 février
2006 telle que révisée à ce jour
85 Cas du journaliste congolais Raymond KABALA en
2002. Voir OMCT, Op-cit, pp.92-94
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A part la détention "légale", les
différents rapports d'ONG de défense des droits de l'homme et de
l'ONU86 font état d'allégations de détention
illégale en RDC, notamment dans des centres de détention secrets.
Il est fréquent que des arrestations ou des enlèvements aient
lieu à l'insu des autorités. Les victimes sont détenues
dans des centres de détention secrets, notamment des installations
militaires, des maisons abandonnées dans des lieux isolés ou
simplement dans des immeubles collectifs ordinaires situés dans le
centre des villes. Aucun contact avec l'extérieur n'est autorisé.
Dans de nombreux cas, les détenus ont les yeux bandés et ne
connaissent pas l'identité de leurs ravisseurs.
Ce type de détention reste secret même dans les
milieux officiels et seuls quelques responsables directement concernés
en ont connaissance. L'opération tout entière est menée en
dehors de la légalité. Dans des situations de ce genre, la
pratique de la torture s'exerce sans aucune contrainte légale, physique
ou psychologique et entraîne souvent le décès des
détenus.
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