2. Les risques d'une "marchandisation" de la
sécurité sociale
Le revenu des patients conditionne directement leurs
décisions de consommations de soins... « Si les consommations
de soins sont croissantes avec le revenu, on peut comprendre que le recours aux
soins des plus pauvres soit sensible à leur degré de couverture
maladie »1. Cette relation établie entre le revenu
et le degré de couverture maladie est la même établie entre
le revenu et l'accès à une couverture maladie
complémentaire par les assurances commerciales.
Les assurances commerciales, ayant pour finalité une
individualisation du droit à la sécurité sociale, peuvent
conduire à une commercialisation sans limites des risques sociaux. En
effet, les compagnies d'assurances, par la hausse parfois excessive des primes
d'assurance au titre des risques maladie, maternité et risques
professionnels, vont créer des inégalités.2
Par le recours aux assurances commerciales, l'assuré
social entend "acheter" une couverture complémentaire qui répond
mieux à ses besoins, ainsi que ceux de sa famille, d'où la
naissance des inégalités en matière de santé
puisque celui qui paye le plus conserve mieux sa santé.
Cette finalité lucrative, qui anime les compagnies
d'assurances, risque de ce fait de dévier la protection
complémentaire en matière de sécurité sociale,
confiée à ces organismes, de sa finalité principale
à savoir une individualisation de la protection sociale dans le cadre
d'une solidarité collective entre un groupe d'individus.3
Le risque de "marchandisation" de la sécurité
sociale a un double effet :
D'une part, à l'égard les adhérents qui
risquent de payer trop cher cette couverture complémentaire.
1 P. DOURGNON, M. GRIGNON et F. JUSOT, «
L'assurance maladie réduit-elle les inégalités sociales de
santé ? questions d'économie de la santé »,
Problèmes économiques 19-26 mars 2003, n°2-802, p 31.
2 Cf. N. DUFOURCQ, «
Sécurité sociale : le mythe de l'assurance », Dr. Soc.
n° 3, 1994, p. 291-297.
3 Cf. S AISSA, « Relation assuré
- assureur : la crise », L'expert, n° 8 du 20 au 26 décembre
1996, p. 34.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 128
D'autre part, à l'égard les fluctuations
énormes des dépenses de santé par rapport au
P.I.B.1
D'où la nécessité pour certains de
réguler les dépenses de santé par une régulation
intelligente et transparente des assurances commerciales afin d'éviter
« une concurrence entre les assureurs de soins » qui risque
de peser lourdement sur les assurés.2
Pour d'autres, « la forme la plus radicale de
concurrence dans l'assurance maladie consiste à laisser l'assuré
choisir son niveau de couverture sur un marché privé. La prime
que paye chaque individu doit alors être fonction du risque qu'il
représente et du niveau auquel il souhaite se couvrir
».3
La régulation du secteur des assurances en Tunisie doit
prendre en compte le besoin des individus à une couverture sociale
complémentaire, sans pour autant ignorer l'objectif de
sécurité sociale, ni même le but lucratif des assurances
commerciales.
Ce risque de "marchandisation" de la sécurité
sociale semble être inévitable puisque la finalité
lucrative des assurances commerciales ne peut pas être ignoré.
C'est pour cette raison que les travailleurs préfèrent chercher
la couverture complémentaire auprès des mutuelles.
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