UNIVERSITÉ
Introduction
DE SFAX
FACULTÉ DE DROIT
DE SFAX
Année universitaire 2006 - 2007
Mémoire pour l'obtention du
mastère
en droit social
L'ASSURANCE SOCIALE ET LE DROIT
|
A LA SANTE
|
Élaboré et soutenu par
:
Iheb TRABELSI
Sous la direction de :
M. Abdessatar MOUELHI
Membres du jury
Président : Mongi TARCHOUNA Encadreur : Abdessatar
MOUELHI
Suffragant : Nouri MZID
Je dédie ce Mémoire
À
Mes parents, les plus chers à mon coeur.
À
Mes frères, Achraf et Anis et à la petite
Ikbel,
pour qui j'ai beaucoup d'affection
et d'attachement.
À
Tous ceux que j'aime et qui m'aiment.
Et À
Tous ceux qui m'ont généreusement
soutenu
dans ce travail.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur Abdesstar
MOUELHI qui a eu l'amabilité d'assurer la
direction
de cette recherche et qui m'a guidé par ses
précieux
conseils. J'espère qu'il trouve dans ce
travail
le témoignage de ma profonde
reconnaissance.
Mes remerciements s'adressent également à
tous
mes enseignants, qui m'ont guidé sur le
chemin
du savoir. Qu'ils trouvent ici l'expression de ma
profonde gratitude.
Je remercie enfin les agents de la bibliothèque de
la
Faculté de Droit de Sfax pour leur
collaboration.
La Faculté n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans le cadre de ce
mémoire.
Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur.
Liste des principales abréviations
A.G. : Assemblée Générale
A.T.D.S. : Association Tunisienne de Droit Social
Al. : Alinéa
Art. : Article
Art. préc. : Article précité
B.I.T. : Bureau International du Travail
C.M.U. : Couverture Maladie Universelle
C.N.A.M. : Caisse Nationale d'Assurance Maladie
C.N.A.M.T.S. : Caisse Nationale d'Assurance Maladie des
Travailleurs Salariés
C.N.R.P.S. : Caisse Nationale de Retraite et de
Prévoyance Sociale
C.N.S.S. : Caisse Nationale de Sécurité
Sociale
C.R.E.A. : Centre de Recherches et des Etudes
Administratives
C.T. : Code du travail
Cass. civ. : Cour de cassation, chambre civile
Cass. soc. : Cour de cassation, chambre sociale
Cf. : Consulter
Chron. : Chronique
D. : Recueil Dalloz
D.E.A. : Diplôme des Etudes Approfondies
D.U.D.H. : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
Dr. Ouvr. : Revue « Droit Ouvrier »
Dr. Soc. : Revue « Droit Social »
E.N.A. : Ecole Nationale de l'Administration
éd. : édition / éditeur
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
Ibid. : Dans le même endroit
Infra. : Ci-dessous
J.C.P. : Juris-classeur périodique (La Semaine
Juridique)
J.O.R.T. : Journal Officiel de la République
Tunisienne
L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
mém. : Mémoire
mém. préc. : Mémoire
précité
Ê.Þ.ã :
ÚíÑÔÊáÇ J
ÁÇÖÞáÇ
ÉáÌã
N.U. : Nations Unies
n° : Numéro(s)
O.I.T. : Organisation Internationale du Travail
O.M.S. : Organisation Mondiale de la Santé
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
obs. : Observation(s)
Op. cit. : Opere citato (dans l'ouvrage
précité)
Ouvr. coll. : Ouvrage collectif
Ouvr. préc. : Ouvrage précité
p. : Page
p.p. : Pages
P.U.A.M. : Presses Universitaires d'Aix Marseille
P.U.F. : Presses Universitaires de France
préc. : Précité(e)
R.I.S.S. : Revue Internationale de Sécurité
Sociale
R.I.T. : Revue Internationale de Travail
R.J.L. : Revue de la jurisprudence et de la
législation
R.T.D. : Revue tunisienne de Droit
R.T.D.S. : Revue tunisienne de Droit Social
Rec. : Recueil
Rv. : Revue
s. : Suivant (es)
Supra. : Ci-dessus
T. : Tome
T.P.I. : Tribunal de Première Instance
th. : Thèse
th. préc. : Thèse
précitée
Trib. : Tribunal
U.G.T.T. : Union Générale des Travailleurs
Tunisiens
Vol. : Volume
Ì : ÁÒÌ
Õ : ÉÍÕ
Sommaire
SOMMAIRE
(Un plan détaillé figure à la
fin du mémoire)
Première partie : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé
Chapitre I : La consécration du droit à la
santé dans les sources du Droit Section 1 : En Droit international
Section 2 : En Droit tunisien
Chapitre II : Les bénéficiaires du droit à
la santé
Section 1 : Le caractère familial de l'assurance
sociale
Section 2 : L'assurance sociale moyen de protection du
travailleur face aux
risques professionnels
Deuxième partie : L'assurance sociale et l'inégal
accès à la santé
Chapitre I : La sélectivité de l'assurance
sociale
Section 1 : La conception professionnelle de la
sécurité sociale Section 2 : L'exclusion de certaines
catégories socioprofessionnelles
Chapitre II : L'extension de la protection sociale en
matière de santé par
d'autres techniques
Section 1 : Le rôle complémentaire d'autres formes
d'assurances Section 2 : Le rôle complémentaire de l'assistance
médicale gratuite
Introduction
INTRODUCTION
Introduction - 1 -
« La santé est universellement reconnue comme
l'un des besoins essentiels de la personne humaine, au point de constituer l'un
des indicateurs principaux de développement »1.
D'ailleurs, dans les pays développés ou les pays en voie de
développement les pouvoirs publics se préoccupent de la question
de la santé avec un grand intérêt et beaucoup de soins.
Ainsi, face à la demande sociale d'une meilleure
santé, les Etats, par différents instruments juridiques,
reconnaissent un droit à la santé et adoptent des politiques
sociales et sanitaires en vue d'assurer « un état de complet
bien être physique, mental »2 pour leur
ressortissants.
Cette reconnaissance d'un droit à la santé,
s'inscrit dans un cadre général de reconnaissance des droits de
l'homme à une échelle universelle par la déclaration
universelle des droits de l'homme (D.U.D.H.) de 1948 et par la charte des
nations unies de 1945.
Le droit à la santé figure parmi les droits
sociaux inhérents à l'être humain, et qui lui sont
essentiels pour sa survie. La notion "droits sociaux" unifie, ainsi, une
catégorie de droits généralement qualifiée de
droits économiques, sociaux et culturels.3
Toutefois, le concept de droits sociaux reste encore assez
confus en Droit positif et en doctrine. Mais une définition peut
être retenue pour les droits sociaux, « ils se
définissent comme des droits d'exiger de la société
certaines prestations et supposent des interventions publiques destinées
à les garantir »4.
Les droits sociaux ont pour but de limiter ou de corriger les
inégalités sociales involontaires. Ils se présentent donc
comme des droits créances que l'Etat se trouve dans la
possibilité et l'obligation de promouvoir pour libérer l'homme
des injustices et des contraintes sociales.
1 J. V GRUAT, Introduction aux systèmes
d'assurance maladie, Rapport introductif, communication aux actes du colloque
organisé à Tunis par l'ATDS juin 1988, RTDS 1993, p19.
2 Préambule de la constitution de
l'organisation mondiale de la santé (OMS),
3 Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels adopté par l'A.G. des N.U. le
16 décembre 1966.
4 S. ROBIN-OLIVIER, « La
référence aux droits sociaux fondamentaux dans le traité
d'Amsterdam », Dr. Soc. n° 6, 1999, p. 613.
Introduction - 2 -
Par son action l'Etat doit corriger les
inégalités qui naissent entre les personnes de droit privé
dans leurs rapports, tels que les rapports homme / femme et patrons /
salariés. En effet, il se préoccupe de garantir les droits
sociaux pour les plus faibles.
Toutefois, un recul constaté du socialisme, avec
l'effondrement des régimes communistes en faveur d'une diffusion
mondiale et intense du libéralisme, va causer une régression dans
l'effectivité des droits sociaux.
Ces droits sociaux apparaissent, ainsi, comme des droits de
plus en plus formels. De nombreuses législations nationales les
réduisent puisqu'elles n'ont plus la capacité et les moyens de
les satisfaire, surtout avec la dominance, dans les Etats nouvellement
indépendants et qui sont encore sous développés, de
l'idée que les droits de l'homme ne pouvaient et ne devaient pas
être un obstacle au développement économique.
De surcroît, l'universalisation des droits de l'homme
s'accompagne d'une diffusion mondiale et intense d'une idéologie
libérale qui fait prévaloir l'économique sur le social.
A ce propos, « il faudra veiller à ce que les
droits sociaux fondamentaux, au lieu d'être un atout
supplémentaire entre les mains des salariés, ne se transforment
en un simple cache misère dans une économie mondialisée et
dominée par le droit de la concurrence »1
En Tunisie, face à la régression des droits
sociaux dans le monde, avec la libération de l'économie mondiale,
les pouvoirs publics se trouvent contraints par une obligation juridique et
morale de promouvoir les droits de l'homme d'une part, et par une conjoncture
économique difficile caractérisée par le chômage, la
pauvreté et l'exclusion sociale ... d'autre part.
Toutefois, un développement durable et réussi ne
peut être assuré que par la satisfaction des besoins sociaux
nécessaires, dont notamment le droit au travail, le droit à
l'éducation et à l'enseignement et le droit à la
santé ...
Certes, l'effectivité de ces droits sociaux
dépend de la volonté des Etats, puisque dans les instruments
juridiques internationaux on trouve une reconnaissance
1 J. MOULY, « Les droits sociaux à
l'épreuve des droits de l'homme », Dr. Soc., n° 9-10, 2002, p.
805.
Introduction - 3 -
des droits sociaux d'une part et une obligation à la
charge des Etats afin de les satisfaire, d'autre part.
En Droit tunisien, et en harmonie avec les textes
internationaux en la matière, la Constitution, suite à
l'amendement du 1er juin 2002, prévoit le principe de
l'indivisibilité des droits de l'homme et fait de la république
une garantie des libertés fondamentales et des droits de l'homme dans
leur acception universelle, globale, complémentaire et
interdépendante.
Cette réforme constitutionnelle incarne une
volonté de promouvoir les droits de l'homme d'une façon
générale et surtout les droits sociaux. Une volonté qui va
s'exprimer dans des textes législatifs et réglementaires venant
renforcer tout un arsenal juridique protecteur des droits de l'homme.
Parmi les droits dont la protection s'impose avec force
figurent le droit à la santé et le droit à la
sécurité sociale. La sécurité sociale s'identifie
en tant qu'institution permettant de protéger l'individu contre divers
événements, généralement qualifiés de
"risques sociaux". Ces risques prévus par la convention n° 102 de
l'organisation internationale du travail (O.I.T.) concernant la norme minimale
de la sécurité sociale,1 sont au nombre de neufs,
à savoir ; la maladie, la maternité, les soins médicaux,
les charges familiales, la vieillesse, l'invalidité, le
décès, les accidents du travail et les maladies professionnelles
et le chômage.2
Ainsi, le droit à la sécurité sociale est
le droit de l'individu à une protection suffisante contre les risques
inhérents à sa vie et susceptibles d'affecter les conditions
matérielles et morales de son existence.
Par conséquent, associé au droit à la
santé, le droit à la sécurité sociale s'entend du
droit à la protection de la santé de l'individu par recours aux
mécanismes de la sécurité sociale.
1 La convention n° 102 de l'O.I.T. concernant
la norme minimale de la sécurité sociale adoptée le 28
juin 1952 et n'est pas encore ratifiée par la Tunisie.
2 Le risque chômage n'est pas encore couvert
dans le système tunisien de sécurité sociale.
Introduction - 4 -
« La santé est un état variant du bien
être ou mal être, du fait de l'existence ou non d'une maladie
physique ou psychique, réelle ou imaginaire, d'un handicap ou, plus
largement, d'une atteinte à l'intégrité physique ou
psychique ».1
La santé est aussi définie « comme
désignant la situation physique ou physiologique ou mentale des
individus, la présence ou l'absence chez eux de maladies, affections
chirurgicales, infirmités ou imperfections organiques ou fonctionnelles
».2
De ce qui précède on peut remarquer que pour
garantir un état de complet bien être physique, mental et social
à toute la population, l'Etat doit investir des moyens techniques et
financiers nécessaires. Cet investissement pourrait présenter une
charge lourde pour l'Etat à qui incombe l'effectivité d'un
idéal droit créance à la santé et à la
sécurité sociale.
Ainsi, l'effectivité des droits sociaux,
qualifiés de droits de la seconde génération,
dépend de la politique sociale de chaque Etat, ainsi que de son niveau
de développement économique.
A ce propos, le législateur tunisien a fait du droit
à la sécurité sociale pour l'essentiel, "un droit
contributif"3 basé sur la notion de solidarité
sociale. « De nos jours, la sécurité sociale est
reconnue comme un besoin vital, non seulement pour les travailleurs
salariés considérés pendant longtemps comme
économiquement faibles, incapables d'une prévoyance
sérieuse et efficace, mais aussi pour tous les éléments
qui composent une nation ».4 C'est ainsi que le droit
à la sécurité sociale se généralise au
profit de toute la population.
Toutefois, l'extension de la sécurité sociale
dépend étroitement de la conception de sécurité
sociale pour laquelle a opté le législateur. En effet, selon
qu'il adopte la conception professionnelle ou la conception universelle de
sécurité sociale, le législateur va, soit limiter la
protection sociale aux seuls travailleurs ainsi que leurs ayants droit, soit
étendre la protection en faveur de toute la nation.
1 C. SAUVAT, Réflexions sur le droit
à la santé, Collection du Centre Pierre KAYSER, Presses
Universitaires d'Aix Marseille (P.U.A.M), 2004, p. 29.
2 J-M. AUBY, Le droit de la santé,
P.U.F., Paris, 1981, p. 11 et 12.
3 Cf. A. MOUELHI, Droit de la
Sécurité Sociale, 2ème éd, 2005, p.
18-19.
4 N. LADHARI, Traité de
Sécurité Sociale, Connaissance pour tous, Culture juridique
et sociale, Fondation nationale pour la traduction, l'établissement des
textes et les études Beit AL Hikma, Carthage 1990, p. 21.
Introduction - 5 -
En Droit tunisien, par la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960, le législateur a « institué une
organisation de sécurité sociale, destinée à
protéger les travailleurs et leurs familles contre les risques
inhérents à la nature humaine, susceptibles d'affecter les
conditions matérielles et morales de leur existence
».1 Parmi ces risques figurent des risques qui peuvent
toucher la santé de l'individu dont la maladie, la maternité, les
accidents de travail et les maladies professionnelles. D'où va
naître l'idée d'associer le droit à la santé au
droit à la sécurité sociale pour satisfaire le premier en
assurant le second.
« La mise en oeuvre du droit à la
sécurité sociale suppose une énumération des
risques retenus et des bénéficiaires, un mode de financement et
de gestion approprié, bref un dispositif traduisant tant l'exigence
constitutionnelle que le besoin de protection que seul l'Etat paraît en
mesure de satisfaire ».2
Ce dispositif est mis en place en Tunisie lors de
l'indépendance et n'a cessé d'évoluer et de se
développer jusqu'à nos jours. En effet le droit de la
sécurité sociale, en tant que branche de droit visant la
protection de l'individu contre les risques sociaux et professionnels, est une
branche qui doit évoluer à la même vitesse et avec le
même dynamisme que la réalité sociale, notamment concernant
la demande sociale en matière de soins de santé.
Pour assurer une protection sociale effective, la
sécurité sociale, en tant qu'institution, « implique
techniquement une redistribution financière avec d'une part, un
prélèvement et, d'autre part par la répartition des fonds
prélevés. Elle obéît à une logique
d'assurance, mais un peu particulière ».3 Il s'agit
de l'assurance sociale qui s'identifie en tant que technique d'assurance ayant
subi dés l'origine une profonde mutation pour se convertir en
authentique institution de protection de sociale.1
L'assurance sociale, en tant que technique de protection
sociale, s'est imposée en Allemagne, sous la pression croissante de
l'industrialisation, comme un meilleur
1 Art. 1er de la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960 portant institution d'un régime de
sécurité sociale pour les travailleurs salariés du secteur
privé.
2 J-P. CHAUCHARD, « La sécurité
sociale et les droits de l'homme (à propos du droit à la
sécurité sociale) », Dr. Soc. n° 1,1997, p. 52.
3 A. MOUELHI, Droit approfondi de la
sécurité sociale, Cours polycopié pour les
étudiants de la 1ère année du mastère en
Droit Social, 2003-2004, p 12.
Introduction - 6 -
moyen de protection des travailleurs face aux risques sociaux,
notamment la maladie, les accidents du travail, la vieillesse et
l'invalidité.2
Par la suite, et avec le développement de l'industrie
dans différents Etats du monde, l'assurance sociale s'est
répandue de manière lente et limitée en une
première étape dans le cadre de l'Europe, pour s'étendre
en une deuxième étape, mais à un rythme
accélérée cette fois, après 1919 en Europe et hors
d'Europe, dans la plupart des pays en voix d'industrialisation.3
Le mérite de l'expansion et la diffusion de la
technique d'assurance sociale revient à l'O.I.T., qui par son action
normative a mis ses moyens d'information et de réglementation
internationales au service du développement des régimes
nationaux. Par la suite, une série de conventions internationales
relatives au chômage, à la maternité, à l'assurance
maladie, à l'assurance invalidité, à l'assurance
vieillesse et à l'assurance décès, va servir de
véritable modèle législatif international à la
disposition des Etats membres de l'O.I.T.
Récemment, dans certains régimes de conception
extensive, « la technique de l'assurance sociale s'est assouplie et
adaptée à l'exigence accrue de solidarité qui
caractérise la sécurité sociale, au point de ne plus se
distinguer, en fin de compte, des autres techniques de protection que par la
spécificité de son financement ».4
Il est utile de rappeler que l'assurance sociale se
caractérisait lors de sa naissance par l'assujettissement obligatoire de
tous les ouvriers et employés pour se garantir un droit à la
protection contre les risques sociaux. Cet assujettissement était soumis
à un plafond de revenu annuel.
Le financement des régimes se fait par les cotisations
prélevées sur le salaire et réparties entre l'employeur et
le salarié, avec, toutefois, une gestion du régime confié
à un organisme à but non lucratif placé sous la tutelle de
l'Etat.
1 Cf. G. PERRIN, « Cent ans d'assurance sociale
», Travail et Société vol. 9, n° 2, 1984, p 199.
2 Ainsi trois lois ont été
adoptées :
- La loi du 15 juin 1883 sur l'assurance maladie des travailleurs
; - La loi du 06 juillet 1884 sur l'assurance accidents du travail ;
- La loi du 22 juin 1889 sur l'assurance vieillesse
invalidité.
3 Cf. G. PERRIN, « Cent ans d'assurance
sociale (2ème partie), diffusion et expansion de l'assurance
sociale de 1883 à 1938 », Travail et Société, vol. 9,
n° 3, 1984, p. 319.
4 G. PERRIN, « Cent ans d'assurance sociale
(3ème partie), sécurité sociale et assurance
sociale », Travail et Société, vol. 9, n°4, 1984, p.
429.
Introduction - 7 -
L'assurance sociale, aujourd'hui, a conservé pour
l'essentiel ses caractéristiques d'origine, mais elle dépend de
plus en plus du choix de la conception de sécurité sociale
adoptée par le législateur.
Le législateur tunisien, ayant opté pour une
conception professionnelle de sécurité sociale, soumet le
bénéfice de la protection contre les risques sociaux à
l'exigence d'appartenir à une catégorie professionnelle
déterminée et au paiement des cotisations légales
exigées pour acquérir la qualité d'assuré
social.
Ainsi, vont naître en Droit tunisien des régimes
organisés de sécurité sociale qui reflètent la
diversité des groupes socioprofessionnels couverts par les assurances
sociales. On parle ainsi d'une solidarité catégorielle qui est de
l'essence même de la conception professionnelle de sécurité
sociale.1
La solidarité présente à la fois un
fondement de l'assurance sociale et une finalité du droit de la
sécurité sociale.
D'une part, un fondement de l'assurance sociale,2
parce que la solidarité entre un groupe homogène d'individus,
à savoir les travailleurs soumis au même régime de
sécurité sociale, permet de supporter d'une façon
collective les risques qui peuvent survenir à l'un d'eux. Cette
solidarité s'explique par les cotisations versées par les
assurés sociaux et qui ne sont pas proportionnelles aux besoins de
l'individu en sécurité sociale ou aux prestations
escomptées.
D'autre part, la solidarité se présente comme
une finalité du Droit de la sécurité sociale. En effet,
fondé sur une conception professionnelle de la sécurité
sociale, le système tunisien s'est assigné la finalité de
promouvoir la solidarité dans ses dimensions horizontale et verticale
Dans sa dimension horizontale, la solidarité se fait
entre les assurés sociaux soumis à un régime légal
de sécurité sociale, elle présente l'intérêt
de supporter par le groupe la charge que devrait supporter normalement
l'individu tout seul.3
Dans sa dimension verticale, la solidarité justifie la
prise en charge des personnes exclues ou des personnes prouvant des
difficultés d'accès à une couverture
1 Cf. A. SEFI, « Disparité des
régimes de couverture du risque maladie », communication aux actes
du colloque organisé à Tunis par l'A.T.D.S., juin 1988, R.T.D.S.
1989, p. 75.
2 F. EWALD, « Société assurantielle
et solidarité », Problèmes économiques, 19-26 mars
2003, n° 2-802, p. 1.
3 Cf. J-J. DUPEYROUX, Droit de la
Sécurité Sociale, 12ème éd, 1993,
Précis Dalloz, p 6.
Introduction - 8 -
sociale. Ainsi le groupe des assurés sociaux supporte
solidairement le groupe des non assurés face aux risques
sociaux.1
Par ailleurs, l'assuré social en adhérant
à un régime légal de sécurité sociale entend
faire face aux risques qui touchent essentiellement sa propre santé ou
celle de ses ayants droit. C'est la raison pour laquelle on trouve que
l'importance est beaucoup plus accordée aux assurances sociales
s'intéressant à la santé que les autres. Les risques
maladie, maternité, accidents de travail et maladies professionnelles
sont des risques quotidiens et peuvent affecter les possibilités de gain
de l'assuré social parce qu'ils touchent directement sa santé. De
surcroît, ces risques peuvent faire peser sur l'assuré social une
charge parfois trop lourde et des dépenses de soins qui dépassent
parfois les limites de ses possibilités de gain.
Notons aussi que dans le même contexte des
dépenses de soins même si « la santé n'a pas de
prix »,2 une croissance notable des dépenses de
santé et de la consommation médicale mérite d'être
soulignée3.
Cette croissance ou explosion des dépenses de
santé est un phénomène mondial4 dû
à plusieurs facteurs dont notamment la croissance démographique,
la prise de conscience par les individus de l'importance de la santé, le
développement économique et social, la hausse des prix de
certains produits pharmaceutiques d'une façon excessive et le
développement d'une infrastructure sanitaire moderne ...
La hausse excessive des dépenses de santé est
essentiellement supportée par l'Etat et par les ménages, avec la
remarque que « les dépenses des ménages en
matière de santé sont essentiellement d'ordre curatif
».1
En Tunisie, le problème qui se pose consiste dans le
fait que « ces dépenses augmentent à un taux largement
supérieur par rapport à l'accroissement de notre richesse
nationale. Actuellement, le taux de croissance de ces dépenses de
santé est
1 Cf. A. MOUELHI, Droit de la
Sécurité Sociale, Op. Cit. p. 16.
2 M. CAMU, H. ZAIEM et H. BAHRI, Etat de
santé : besoin médical et enjeux politiques en Tunisie,
éd Centre National de Recherche Scientifique, 1990, p. 11.
3 - Les dépenses de soins et d'hygiène
par habitant sont passées de 7.2 dinars en 1975 à 92 dinars en
2001.
- Les dépenses publiques de santé par rapport au
budget de l'Etat sont passées de 7.5% en 1990 à 8.5% en 2000. -
Le taux de croissance annuel de la consommation médicale totale en
Tunisie est de 10%. (source : Ministère du Développement
Economique, in La Revue de l'Entreprise, n O spécial Hors-Série,
Décembre 2001).
4 Cf. F. MONIER, « Sécurité
Sociale : le retour du déficit », Problèmes
économiques, 19-26 mars 2003, n° 2-801-2-802, p17.
Introduction - 9 -
de 14% par an, alors que notre PIB se situe entre 5 et 6%.
Plus grave encore : l'écart entre nos dépenses de santé et
la croissance de notre pays ne fait qu'augmenter d'une année à
l'autre ; ce qui pose réellement un problème
».2
C'est face à ce problème que les pouvoirs
publics devraient agir dans le sens de « repenser notre système
de santé, afin d'alléger le poids de son coût du
côté des manéges »,3 ainsi que du
côté des dépenses publiques de santé.
Avec le début des années 90 différents
textes en matière de sécurité sociale vont voir le jour en
vue d'une meilleure couverture sociale pour la majorité de la
population, d'une part, et pour une meilleure gestion du risque social, d'autre
part.
C'est dans ce sens que le législateur a adopté
deux lois relatives aux régimes de couverture des risques
professionnels, à savoir, la loi n° 94-28 du 21 février 1994
dans le secteur privé et la loi n° 95-56 du 28 juin 1995 dans le
secteur public. Par cette nouvelle législation relative aux accidents du
travail et aux maladies professionnelles, une meilleure protection du
travailleur sur les lieux du travail lui offre une meilleure protection de son
état de santé au cours ou à l'occasion de l'exercice de
son activité professionnelle.
De ce qui précède, on peut nettement remarquer
que toute reforme juridique en général et spécialement
pour les textes régissant la matière sociale, doit être
précédé par une étude suffisante des
possibilités et des opportunités de l'envisager.
D'autant plus, « l'amélioration
générale et durable de l'état de santé des
populations passe d'abord par un renforcement des moyens financiers disponibles
à cette fin ».4 Or, les moyens financiers
disponibles ne sont pas assez suffisants pour mener une reforme des textes de
sécurité sociale et pour développer encore mieux
l'infrastructure sanitaire publique.
Toutefois, il ne faut pas négliger le
développement important que connaît l'offre des soins
auprès des prestataires de soins privés notamment les
médecins, les policliniques, les analystes, les radiologues, les
médecins dentistes ... « L'évolution
1 L. ZARROUK, « Où va la consommation
médicale totale en Tunisie ? L'explosion des dépenses de
santé : Quelles en sont les origines ? », Regards et explications,
La Revue de l'Entreprise, Spécial Hors Série, Décembre
2001, p 16.
2 Ibid., p16-17.
3 M. ZOUARI, « L'économie de
santé : une affaire de société », La Revue de
l'Entreprise, Spécial Hors Série, décembre 2001, p 4.
4 J. V. GRUAT, Art. préc., p. 19.
Introduction - 10 -
des effectifs médicaux par rapport à celle
de la population constitue la manifestation la plus spectaculaire d'un
élargissement de l'offre de soins »1 en Tunisie.
Cette situation va faire de la réforme du régime
d'assurance maladie une priorité pour les pouvoirs publics depuis
1996,2 l'année au cours de laquelle la Tunisie a signé
avec la communauté européenne un accord de partenariat qui aura
par la suite des effets sur la législation, ainsi que sur
l'économie et la société.3
Quelques années après, une réforme
législative importante sera envisagée pour instituer un nouveau
régime d'assurance maladie par la création d'une nouvelle caisse
nationale d'assurance maladie à laquelle sera confiée la gestion
du régime. Cette réforme a vu le jour avec la loi n° 2004-71
du 02 Août 2004.
En effet, par l'adoption de ladite loi, le législateur
prévoyait l'entrée en vigueur du nouveau régime le
1er juillet 2005 date à laquelle sont «
abrogées les dispositions de la loi n° 86-86 du 1er
septembre 1986 portant réforme des structures de sécurité
sociale ».4 Cependant, rencontrant des difficultés
techniques, l'instauration du nouveau régime a été
reportée à deux ans pour entrer officiellement en vigueur le 1er
juillet 2007 avec l'adoption de ses textes d'application notamment les
décrets n° 2007-1367 du 11 juin 2007 et le décret n°
2007-1406 du 18 juin 2007.
Il y a lieu de noter ici que l'entrée en vigueur de la
loi n° 2004-71 obéit à la logique des étapes. Ainsi,
tout en commençant par la gestion des maladies chromiques et de longue
durée, l'accouchement et les interventions chirurgicales, le nouveau
régime devrait d'ici au 1er juillet 2009 s'appliquer pour
toutes les maladies et pour tous les assurés sociaux et leurs ayants
droits.
Dans la même logique des étapes, la nouvelle
législation prévoit une hausse dans les taux des cotisations dans
le sens d'unifier progressivement ces taux à l'ordre de 6,75% pour tous
les affiliés aux régimes légaux de sécurité
sociale à l'exception
1 M. CAMU, H. ZAIEM et H. BAHRI, op. Cit. p
28.
2 Un conseil ministériel en date du 16
février 1996 sur la reforme du régime de l'assurance maladie en
Tunisie.
3 Cf. A. SEFI, « Le système de
sécurité sociale, portée et limites », in l'accord
entre la Tunisie et la Communauté Européenne : effets
économiques et sociaux », éd. L'U.G.T.T. avec la
collaboration de Freidrich Ebert.
4 Art. 29 de la loi n° 2004-71 du 02 août
2004.
Introduction - 11 -
des bénéficiaires d'une pension dont le taux de
cotisation est fixé à 4%. L'application des nouveaux taux va
faire progressivement et à trois étapes jusqu'au 1er
juillet 2009.1
L'élévation du taux de cotisation au titre de
l'assurance maladie permettra d'assurer un meilleur équilibre financier
des caisses de sécurité sociale, ce qui va par la suite
encourager leur action. Mais comme toute charge supplémentaire,
l'élévation du taux de cotisation pourrait ne pas plaire aux
assurés sociaux. D'autant plus, la phase transitoire par la quelle passe
notre système d'assurance maladie, et l'application par étapes du
nouveau régime pourrait présenter une source d'inquiétude
pour le citoyen à défaut d'information satisfaisante et
suffisante.
Toutefois, le nouveau régime d'assurance maladie a le
mérite de soulever les injustices de l'ancien système, à
ce propos Mme Aicha SEFI, voit que « les sommes
consacrées à la santé ne sont pas répartie
également : ni entre les établissements sanitaire ... ni entre
les assurés sociaux vis à vis desquels on enregistre une
inégalité au point où la conception du système
change complètement ».2
Ainsi, la reconnaissance d'un traitement égalitaire
entre tous les assurés sociaux en matière d'assurance maladie
est, en fait, une reconnaissance d'un droit égal à la
santé pour tous les assurés.3
En effet, une répartition de la charge de la
santé entre les services publics et les privés est, en
réalité, une répartition de la charge de santé
entre un effort collectif et un effort privé.
Dans ce contexte juridique caractérisé par une
reforme du régime d'assurance maladie en Tunisie, une étude
portant sur l'assurance sociale et le droit à la santé à
le mérite de présenter un grand intérêt à la
fois pour le juriste, pour le praticien, mais aussi et surtout pour le
citoyen.
Cette étude se justifie par plusieurs
considérations :
1 Le décret n° 2007-1406 du 18 juin
2007 fixe les taux et l'assiette des cotisations au titre du régime de
base de l'assurance maladie et les étapes de son application. (J.O.R.T.
n° 49- du 19 juin 2007, p 2174 et s).
2 A. SEFI, Art. préc. p.29.
3 Cf. A. LECLERC, « Santé et
société : les inégalités en matière de
santé », Cahier français n° 324, janvier février
2005, La documentation française, p. 9-13.
Cf. P. DOURGNON, M. GRIGONON et F. JUSOT, « L'assurance
maladie - réduit elle les inégalités sociales de
santé ? Questions d'économie de la santé »,
Problèmes économiques, 19-26 mars 2003, n° 2-801-2-802, p.
29-36.
Introduction - 12 -
D'abord, elle se justifie par l'importance des droits
sociaux,1 notamment le droit à la santé, en tant que
droits inhérents à la personne humaine et indispensables à
sa dignité. Ces droits doivent être reconnus pour tous sur le
même pied d'égalité.
Ensuite, elle se justifie par la liaison étroite et
inévitable entre toute politique de santé2 et
l'assurance maladie, du fait que celle ci présente le moyen le plus
approprié pour assurer une meilleure couverture du risque maladie pour
la plupart de la population.3
Enfin, cette étude se justifie certainement par la
reforme du régime d'assurance maladie et l'institution de la C.N.A.M.
cette réforme va faire preuve des défaillances de l'ancien
régime,4 mais va aussi faire preuve de l'insuffisance de
l'assurance sociale en tant que technique de sécurité sociale
pour couvrir les besoins de toute la population en matière de
santé.
Le sujet assurance sociale et droit à la santé
est un sujet d'actualité, qui touche de prés beaucoup
d'intéressés. Son intérêt est à la fois
pratique mais aussi et surtout théorique puisqu'il permettra de
localiser les défaillances du système pour préconiser les
solutions appropriées.
En effet, l'examen des différentes branches d'assurance
sociale, tout en cherchant à établir un lien avec le droit
à la santé va exclure du champ de cette étude certaines
assurances sociales. On observe nettement que l'assurance chômage,
l'assurance vieillesse, l'assurance retraire et l'assurance invalidité
n'établissent pas un lien direct avec le droit à la santé
comme c'est le cas pour l'assurance maladie, l'assurance maternité et
l'assurance accidents de travail et maladies professionnelles.
Ainsi, l'assurance sociale permet de protéger
l'assuré social face aux risques professionnels et permet aussi de le
protéger ainsi que ses ayants droits face aux risques liés
à la santé de la famille.
1 Cf. J.MOULY, « Les droits sociaux à
l'épreuve des droits de l'homme », Dr. Soc. n° 9-10, 2002,
p.799-805.
2 La politique sociale est définie par B.
DUMOUS et G. POLLET comme étant : «le cadre d'action ou l'ensemble
des stratégies mises en oeuvre pour atteindre des objectifs
précis en vue de l'amélioration du bien être des individus
», L'histoire des politiques sociales : domaine de l'inconnu, Vie sociale
n° 5 / 87.
3 Cf. R. RUELLAN, « Vers une
réconciliation de la politique de la santé et de l'assurance
maladie, Dr. Soc. n° 4, 2003, p. 410-419.
4 A propos de l'ancien régime M. Mohamed
BOUKHRIS affirmait que : « Notre système actuel, peut être
considéré comme un système dépassé,
comportant en lui même de multiples contradictions devenant ainsi
anachronique, inopérant et coûteux. », Communication aux
actes du colloque organisé à Tunis par l'A.T.D.S., juin 1988,
R.T.D.S. 1989, p. 64.
Introduction - 13 -
Toutefois, comme l'assurance sociale a le mérite
d'assurer une couverture, a priori, suffisante pour une large couche de la
population, elle a, par ailleurs, l'inconvénient de ne pas couvrir tous
les citoyens. Ceci s'explique par l'option en droit tunisien en faveur de la
conception professionnelle de sécurité sociale qui se contente de
protéger ceux qui exercent une activité professionnelle dans une
logique de solidarité contributive entre un groupe d'assurés
soumis à un régime légal de sécurité
sociale.1
Ainsi, se basant sur une conception, qui par définition
exclut de son champ les non professionnels, le droit tunisien de la
sécurité sociale semble être discriminatoire. Toutefois,
dans ce système composé d'une mosaïque de régimes, le
traitement différentiel n'est pas toujours discriminatoire.
Face à l'insuffisance constatée de l'assurance
sociale en tant que technique de protection du droit de l'individu à la
santé, une couverture suppléante devrait être conçue
pour les non assurés sociaux.
A ce propos, une assistance médicale gratuite est
présumée devoir supporter la charge des plus démunis de la
société quant aux dépenses de santé.
L'assurance sociale contribue-t- elle à la
consécration d'un droit fondamental à la santé pour tous
les citoyens et quelle sont les limites ?
« Il va de soi qu'une réforme de l'assurance
maladie est, quelle qu'en soit le contenu, insusceptible de réaliser
à elle seule les objectifs tracés par les stratégies,
nationales de santé ».2 C'est ainsi que, même
après la réforme du régime d'assurance maladie en Tunisie,
des insuffisances quant à la couverture du droit du citoyen à la
santé surgissent encore, vu les limites de la conception
professionnelle. Par la suite une « santé pour tous
»3 ne serait pas atteinte par la seule technique de
l'assurance sociale.
De ce qui précède on constate qu'une
étude du droit à la santé par l'assurance sociale serait
envisagée par l'analyse, d'une part, de la consécration du droit
à la
1 A. MOUELHI, Modèles et logiques de la
couverture sociale en Droit tunisien, thèse de doctorat en Droit
Social, Université de BORDEAUX I, Faculté de Droit et des
Sciences Economiques, 1989, p. 66.
2 H. KOTRANE, Rapport de synthèse des
travaux du colloque sur l'assurance maladie organisé à Tunis par
l'A.T.D.S., juin 1988, R.T.D.S. 1989, p. 126.
3 Stratégie de l'O.M.S. d'une santé pour
tous au XXIème siècle, V. infra, p.30.
Introduction - 14 -
santé par l'assurance sociale
(première partie) et, d'autre part, par
l'analyse de l'inégal accès au droit à la santé par
l'assurance sociale (deuxième partie).
PREMIÈRE PARTIE
L'ASSURANCE
SOCIALE ET LA CONSECRATION
DU DROIT A LA SANTE
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 15
Le droit à la santé est un droit fondamental de
l'homme, il est défini par le préambule de la constitution de
l'organisation mondiale de santé (O.M.S.) comme étant le droit
à « un état de complet bien-être physique, mental
et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité »1.
Ce droit est érigé en droit fondamental de la
personne humaine dans la déclaration universelle des droits de l'homme,
notamment dans son article 25 qui dispose que « toute personne a droit
à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien
être et ceux de sa famille »2.
Ce "bien être" peut être assuré par
différents moyens et diverses techniques de protection sociale. C'est
ainsi qu'en Droit positif tunisien comme dans différents instruments
internationaux le droit à la santé est consacré par le
biais de l'assurance sociale. Cette consécration du droit à la
santé dans les sources du Droit (Chapitre I)
est étendue, elle se traduit dans son application par une
extension du droit à la santé de l'assuré vers ses ayants
droit (Chapitre II).
Chapitre I : LA CONSECRATION DU DROIT A LA
SANTE DANS LES SOURCES DU DROIT
Le droit à la santé est consacré à
la fois dans sa généralité en tant que droit
inhérent à la personne humaine par différents instruments
internationaux et dans sa spécificité en tant que droit acquis
par le biais de l'assurance sociale et ceci par une panoplie de textes
législatifs et réglementaires visant l'extension de la couverture
sociale à toute la population.
Tout en essayant de concilier assurance sociale et droit
à la santé dans les différentes sources de Droit, on
trouve une reconnaissance du droit à la santé par l'assurance
sociale en droit international (Section I) d'une part
et, d'autre part, une consécration en Droit tunisien
(Section II).
1 Préambule Constitution de l'O.M.S.
adoptée par la conférence internationale de la santé tenue
à New York le 22 juillet 1946
Cf. H. Gribaa, Le droit à la santé en
Tunisie, p. 35.
2 D.U.D.H. adoptée par l'assemblée
générale des Nations Unies le 10 Décembre 1948.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 16
Section I : EN DROIT INTERNATIONAL
On peut d'abord présenter d'abord le droit à la
santé dans sa généralité à travers les
textes à valeur universelle (Paragraphe 1)
pour qu'on puisse ensuite identifier le droit à la santé
par l'assurance sociale dans les Conventions des organisations internationales
et régionales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : LE DROIT A LA SANTE DANS LES TEXTES A VALEUR
UNIVERSELLE
Le droit à la santé se présente comme un
objectif à atteindre dans la Charte (A) de
l'Organisation des Nations Unies (O.N.U.) ainsi que dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme (D.U.D.H.) de 1948 (B).
Cette organisation s'est donnée pour objectif de
développer et d'encourager le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous les êtres humains sans
distinction1.
Ces deux textes, ayant une valeur universelle, sont le
fondement du droit à la santé tel que reconnu par le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de
1966 (C).
A. La Charte des nations unies
Signée à San Francisco le 26 juin 1945, la
Charte des Nations Unies (N.U.) vient pour protéger et promouvoir les
droits de l'homme dont notamment son droit à la santé qui s'est
érigé en droit fondamental de la personne humaine avec son
complément indissociable, le droit à la protection sociale.
La proclamation des droits fondamentaux de l'homme et le
progrès social des nations figure dans le préambule de la Charte
qui dispose à ce propos que « les peuples des nations unies
résolus .... A favoriser le progrès social ... et à ces
fins ... à recourir aux institutions internationales pour favoriser le
progrès économique et social de tous les peuples, avons
décidé d'associer nos effets pour réaliser ces desseins
...»2.
1 Art. 1er de la Charte des N.U.
2 Préambule de la Charte des N.U.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 17
L'importance requise par le droit à la santé
dans la Charte des N.U. trouve son essor non seulement dans le
préambule, mais aussi dans le premier article relatif aux buts des N.U.
et surtout dans les articles de 55 à 72 occupant ainsi le plein coeur de
la Charte, dans le chapitre IX intitulé coopération
économique et sociale internationale.
Une action sanitaire menée par les Etats souverains ou
guidée par l'ONU ou ses organisations spécialisées telles
que l'organisation mondiale de santé (O.M.S.) et l'organisation
internationale du travail (O.I.T.), ou par des organisations non
gouvernementales (médecins sans frontières), ou encore par des
organisations régionales trouve son fondement dans l'article
1er de la Charte qui vise, dans l'alinéa
3ème, la réalisation « de la
coopération internationale en résolvant les problèmes
internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire
».
Les droits sociaux sont protégés et
respectés pour « tous sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion »1, ce qui va faire peser sur les
Etats la charge d'assurer un droit égal à la santé pour
tous les citoyens. Ainsi, tout traitement discriminatoire en matière de
santé ou d'une façon générale dans le domaine
social se contredit avec l'article 1er2 de la Charte.
Le développement du système de protection
sanitaire tunisien lors de l'indépendance devrait être
instauré en parfaite harmonie avec les principes des nations unies tels
que prévus par la Charte.
La Charte des N.U. dans ses articles de 55 à 72 vise
« la solution des problèmes internationaux dans les domaines
économique, social, de la santé publique et autres
problèmes connexes » dans le « respect universel et
effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous
».
Pour atteindre ces buts, la Charte prévoit la
possibilité de créer des institutions spécialisées
par des accords intergouvernementaux dans différents domaines sociaux
dont notamment le domaine de la santé publique.
1 Art. 1er, Al. 3ème de
la Charte des N.U.
2 A ce propos, H. GRIBAA, considère que le
droit à la santé « concerne toutes les catégories
de citoyens y compris
les prisonniers et les détenus sans distinction de
race, de religion ou de sexe ». Op. cit., p. 24.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 18
B. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
La D.U.D.H du 10 décembre 1948 a l'avantage de
consacrer à la fois un droit à la santé et un droit
à la sécurité sociale dans sa dimension
universelle1.
Le droit à la santé et le droit à la
sécurité sociale figurent dans la D.U.D.H. comme droits
fondamentaux de l'être humain qui doivent être respectés
pour « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures
conditions de vie dans une liberté plus grande
»2.
Ces droits sont reconnus comme droits inhérents
à la personne humaine sans aucune distinction et en vue d'assurer une
protection égale, aux lettres de l'article 22, « pour toute
personne en tant que membre de la société
»3.
Cette protection de l'être humain vise la «
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels
indispensables à sa dignité et au libre développement de
sa personnalité, grâce à l'effort national et à la
coopération internationale compte tenu de l'organisation et des
ressources de chaque pays »4.
Dans le même texte et dans son article 25, on trouve une
consécration indirecte de l'assurance sociale puisque « toute
personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa
santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour ... les
soins médicaux... elle a droit à la sécurité en cas
de ... maladie ... »5. C'est une consécration
indirecte de l'assurance sociale puisque cette dernière, comme technique
de la sécurité sociale, vise la couverture de l'assuré
social et ses ayants droit contre les risques de maladie, de maternité,
d'accident de travail... qui sont tous des risques liés à la
santé.
Ainsi, l'assurance sociale peut présenter un moyen
efficace pour satisfaire à l'homme un « droit à un
niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et
ceux de sa famille ». Toutefois, même si ce droit peut
être atteint par d'autres
1 J-J. DUPEYROUX, Le droit de la sécurité sociale,
Dalloz 1993, p. 54.
2 Préambule de la D.U.D.H.
3 Art. 22 D.U.D.H.
.43-52 .Õ 5005
ÑÈãÓíÏ .Ê.Þ.ã
íÚÇãÊÌáÇÇ
äÇãÖáÇ í
ÞÍáÇíæÏÈáÇ
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5 Dans sa version complète Art. 25 de la
D.U.D.H dispose : «1) Toute personne a droit à un niveau de vie
suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa
famille notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires : elle a
droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte
de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de
sa volonté .
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 19
moyens comme l'assistance médicale aux familles
nécessiteuses ou les mutuelles et les assurances commerciales,
l'assurance sociale se présente comme le mécanisme de base
permettant la couverture de la majorité de la population.
Certes, « la maternité et l'enfance ont droit
à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants
qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage jouissent de la
même protection sociale ».
Ce rôle complémentaire des aides et des
assistances spéciales ne fait pas preuve seulement de l'insuffisance des
assurances sociales, mais prouve aussi l'égalité dans les droits
et les libertés que garantit l'article 29 de la déclaration qui
prévoit que « ces droits et libertés ne pourront en
aucun cas s'exercer contrairement aux buts et aux principes des nations
unies »1. Ces buts et ces principes sont prévus par
le chapitre I qui prévoit : « la résolution des
problèmes internationaux d'ordre économique, social intellectuel
ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits
de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion »2.
C. Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels
Adopté par l'assemblée générale
des N.U. le 16 décembre 1966 et entrant en vigueur en 19763,
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels est conclu conformément à la D.U.D.H et la Charte des
nations unies comme le prévoit son préambule.
Le progrès et le développement social est un
objectif sacré puisque l'idéal de l'être humain libre ne
peut être réalisé que par la création « des
conditions permettant à chacun de jouir de ses droits
économiques, sociaux et culturels... »4.
D'ailleurs, la Charte des N.U. impose aux Etats l'obligation de «
promouvoir le respect universel et effectif des droits et libertés
de l'homme »5.
2) La maternité et l'enfance ont droit à une
aide et une assistance spéciales tous les enfants, qu'ils soient
nés dans le mariage ou hors mariage jouissent de la même
protection sociale ».
1 Art. 29 Al 3 D.U.D.H.
2 Chapitre I Charte des N.U.: «Buts et
principes», Art. 1er, Al. 3ème.
3 Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturel conclu à New York, et
entré en vigueur le 3 janvier 1976 suite à 137 ratifications.
A ce propos, la ratification tunisienne du pacte a
été sans réserve, ni déclaration, ni objections.
4 Préambule, Al. 3.
5 Préambule, Al. 4.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 20
Le développement et le progrès social, buts
recherchés dans le Pacte, on le trouve dans divers articles et dans
différentes formulations dont notamment « tous les peuples ...
assurent librement leur développement économique, social et
culturel »1. « Les mesures que chacun des Etats
parties ... prendra ... doivent inclure ... l'élaboration de ...
techniques propres à assurer un développement économique
social et culturel constant »2.
Ainsi, un droit à la santé par les assurances
sociales, qui est en réalité une pierre angulaire dans le
développement et le progrès social, est aussi consacré
dans l'article 9 qui dispose : « les Etats parties au présent
Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la
sécurité sociale y compris les assurances sociales ».
Dans le même sens ces Etats assurent ... la sécurité et
l'hygiène du travail3, ceci peut être un but atteint
par les assurances sociales et notamment par l'assurance accidents de travail
et maladie professionnelles.
Toutefois, si cet objectif peut être atteint par les
assurances sociales la couverture des risques liés à la
santé devrait être non discriminatoire puisque « les
Etats parties au ...Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir
du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit
capable d'atteindre »4 « sans discrimination
aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion,
l'opinion politique on toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation »5.
Le Pacte reconnaît aussi un droit égal entre
l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits sociaux et
reconnaît une protection spéciale « en faveur de tous les
enfants et adolescents »6 qui « doivent
être protégés contre l'exploitation économique et
sociale »7.
Le Pacte de 1966 relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels confère au conseil économique et social la
possibilité de « conclure des arrangements avec
1 Art. 1, §. 1.
2 Art. 6, §. 2.
3 Art. 7 (b).
4 Art. 12 (1).
5 Art. 2 (2).
6 Art. 10 (2).
7 Art. 10 (3).
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 21
les institutions spécialisées en vue de la
présentation par celles-ci de rapports relatifs aux progrès
accomplis quant à l'observation des dispositions du ... Pacte qui
entrent dans le cadre de leurs activités »1. Ce qui
permet à l'O.M.S. de présenter des rapports en matière du
respect du droit à la santé et, de même, à l'O.I.T.
la possibilité de présenter des rapports sur la
consécration du droit à la sécurité sociale.
Les instruments de ces deux institutions
spécialisées en vue d'assurer le meilleur état de
santé dans tous les Etats membres se heurtent aux différences de
moyens entre les Etats développés et les Etats moins
développés. C'est ce qui fait de l'action collective et de la
coopération entre les Etats avec l'aide et l'assistance des
organisations internationales et régionales un meilleur moyen pour
favoriser un droit à la santé.
Paragraphe 2 : LA CONSECRATION DU DROIT A LA SANTE PAR
L'ASSURANCE SOCIALE DANS LES INSTRUMENTS DES INSTITUTIONS SPECIALISEES DE L'ONU
ET DANS LES CONVENTIONS REGIONALES DES DROITS DE L'HOMME
Si dans les textes à valeur universelle on ne peut
trouver qu'une consécration du droit à la santé dans sa
généralité, dans les autres instruments internationaux on
peut trouver des Conventions ou des déclarations ou des
résolutions consacrant soit explicitement soit implicitement un droit
à la santé par l'assurance sociale.2
Parmi ces textes on trouve ceux des organisations
régionales (B), et ceux des organisations
spécialisées de l'O.N.U.3
(A).
A. Les instruments des organisations
spécialisées de l'O.N.U. Il s'agit des instruments de l'O.I.T.
(1) et ceux de l'O.M.S. (2).
1 Art. 18.
2 Cf. R. BONNET, Droit international de
la sécurité sociale, Litec, 1983. Cf. N. VALTICOS,
Droit international du travail, Dalloz, 1970.
3 V. à ce propos : R. Ben Achour,
Institutions Internationales, C.R.E.A. 1995, et pour le même
auteur Institutions de la société internationale, p.
209. C.P.U, 2004.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 22
1. Les Conventions de l'Organisation Internationale de
Travail1
S'intéressant à différentes
catégories de travailleurs, ces Conventions touchent au droit à
la santé à travers l'assurance sociale. Il s'agit, notamment, des
Conventions n° 24 et 25 de 1927 relatives respectivement à
l'assurance maladie en industrie et en agriculture, et la Convention n°
103 de 1952 modifiant la Convention n° 3 de 1919 sur la protection de la
maternité.
Ces Conventions assurent un droit à la santé
à des catégories de citoyens et de travailleurs. Il s'agit des
enfants2, des femmes3, des dockers4, des gens
de mers5, des adolescents6, des
pêcheurs7, des travailleurs agricoles8, des
travailleurs des mines9 et des travailleurs dans
l'industrie10.
A cela s'ajoutent des Conventions de portée
générale notamment la Convention n° 102 de 19542 concernant
la norme minimale de sécurité sociale et la Convention n°
130 de 1969 concernant les soins médicaux et les indemnités de
maladie.1
La Convention n° 102 de 1952 concernant la norme minimale
de la sécurité sociale adoptée le 28 juin 1952 dispose
dans son article 1er que « tout membre... doit garantir
l'attribution de prestations aux personnes protégées lorsque leur
état nécessite des soins médicaux de caractère
préventif ou curatif ... » et par application de l'article 9,
« les personnes protégées doivent comprendre :
a) soit des catégories prescrites de
salariés formant au total 50% au moins de l'ensemble des
salariés, ainsi que les épouses et les enfants des
salariés de ces catégories,
b) soit des catégories prescrites de la population
active, formant au total 20% au moins de l'ensemble des résidents, ainsi
que les épouses et les enfants des membres de ces
catégories,
1 Cf. M. ENNACEUR, Droits de l'homme et
Droit international du travail : l'apport de l'O.I.T. aux développement
des Droits de l'homme, R.T.D.S. n° 7,1995, Semaine internationale sur le
droit social et les droits de l'homme , organisée par l'A.T.D.S., le
27-28 Mai 1993 à Tunis, p. 13 à 51.
2 La Convention n° 90 de 1948.
3 La Convention n° 89 de 1948 et la Convention
n° 4 de 1919.
4 La Convention n° 28 de 1929 et la Convention
n° 32 de 1932.
5 La Convention n° 55 et 56 de 1936 et les
Conventions n° 164 et 165 de 1987.
6 La Convention n° 124 de 1965 et les Conventions
n° 77, 78 et 79 de 1946.
7 La Convention n° 113 de 1959.
8 La Convention n° 12 de 1921 et la Convention
n° 25 de 1927.
9 La Convention n° 176 de 1993.
10 La Convention n° 174 de 1995.
c)
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 23
2 Sur le rôle de l'O.I.T. dans la
législation de sécurité sociale V.
- P. LAROQUE, « L'organisation internationale du travail et
la sécurité sociale », in, RISS n° 4 , 1969,
p. 538 et s.
soit des catégories prescrites de résidents,
formant au total 50% au moins de l'ensemble des résidents,
d) soit lorsqu'une déclaration a été
faite en application de l'article 3 des catégories prescrites de
salariés formant au total 50% au moins de l'ensemble des salariés
travaillant dans des entreprises industrielles qui emploient 20 personnes au
moins, ainsi que les épouses et les enfants des salariés de ces
catégories »2. C'est ce qui permet d'accorder des
prestations différentes à l'affilié à un
régime de sécurité sociale et ses ayants droits dans des
éventualités diverses dont notamment le cas d'un accident de
travail ou d'une maladie professionnelle le cas de grossesse, d'accouchement et
leurs suites.
Ces risques sociaux sont couverts pour l'assuré social
et pour son épouse ainsi que ses enfants, ce qui permet d'étendre
le droit à la santé par l'assurance sociale à une tranche
encore plus importante de la population.
Dans le même sens la Convention concernant les objectifs
et les normes de base de la politique sociale adoptée le 22 juin 1962
considère qu' « en fixant le niveau de vie minimum, il faudra
tenir compte des besoins familiaux essentiels des travailleurs y compris ...
les soins médicaux ».
Ces soins aux termes de l'article 14 (4) de la même
convention peuvent, si « l'autorité compétente jugera
nécessaire ou opportun », favoriser les travailleuses en vue
de sauvegarder la maternité et d'assurer leur santé, leur
sécurité et leur bien être, ce qui renvoie par la suite
à poser la question relative à l'égalité de
traitement en matière de santé entre homme et femme,
résident et non résident.
D'une part, consacrant l'égalité de traitement
entre nationaux et non nationaux, la Convention n° 19 dans son article
1er oblige les Etats membre ratifiant la Convention à «
accorder à tous les victimes des accidents du travail sur son
territoire ou à leurs ayants droit, le même traitement qu'ils
assurent à leurs propres ressortissants en matière de
réparation des accidents du travail ». De même, la
Convention n° 102 prévoit explicitement dans son article 68 (1) que
« les résidents
.áÛÔáá
ÉíáæÏáÇ
ÊÇíÞÇÊáÇ Ç
,Çááå ÏÈÚ äÈ
íÏÇåáÇ ÏãÍã
1
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 24
qui ne sont pas des nationaux doivent avoir les
mêmes droits que les résidents qui sont des nationaux
».
D'autre part, la Convention n° 118 dans son article 3
prévoit que « tout membre pour lequel la présente
Convention est en vigueur doit accorder sur son territoire aux ressortissants
de tout autre membre pour lequel ladite Convention est également en
vigueur l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants
au regard de sa législation ».
La Convention n° 121 dans son article 27 dispose : «
tout membre doit assurer, sur son territoire aux non nationaux
l'égalité de traitement avec ses propres ressortissants en ce qui
concerne les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies
». Dans le même sens, l'article 32 de la Convention n° 130
reprend presque les mêmes mots et fait peser la même obligation de
traitement égalitaire entre nationaux et non nationaux.
D'autre part, consacrant l'égalité de traitement
entre homme et femme et hors la protection de la maternité qui est par
nature une protection spécifique pour les femmes, les autres Conventions
consacrant le droit à la santé ne font aucune distinction entre
homme et femme.
Ainsi, la Convention n° 17 relative aux accidents du
travail1 et la Convention n° 18 relative aux maladies
professionnelles1 s'appliquent aux victimes d'accidents du travail
et aux victimes des maladies professionnelles sans distinction à base de
sexe.
La Convention n° 24 relative à l'assurance maladie
consacre aussi « l'égalité des assurés des deux
sexes dans leur soumission à un régime d'assurance maladie commun
».
La recommandation n° 90 adaptée par la
conférence générale le 6 juin 1951 dans sa
35ème session concernant l'égalité de
rémunération entre la main d'oeuvre masculine et la main d'oeuvre
féminine pour un travail de valeur égale prévoit :
- G. PERRIN, « Le rôle de l'organisation
internationale du travail dans l'harmonisation des conceptions et des
législations de sécurité sociale », Dr. Soc., n°
9,1970.
1 La Convention n° 17 concernant la
réparation des accidents du travail adopté le 6/10/1925 et
révisée en 1964 par la Convention n° 121.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 25
« 6) En vue de faciliter l'application du principe de
l'égalité de rémunération entre la main d'oeuvre
masculine et la main d'oeuvre féminine... des mesures appropriées
devraient être prises...
c- En prévoyant des services sociaux et de bien
être qui répondent aux besoins des travailleurs notamment de
celles qui ont des charges familiales et en finançant des services, soit
par des fonds publics en général, soit par des fonds de
sécurité sociale ... dans l'intérêt des travailleurs
sans considération des sexes ».
D'autant plus, on trouve des Conventions protégeant des
catégories professionnelles bien déterminées on trouve des
Conventions spécifiant des catégories de travailleurs selon
l'activité qu'ils exercent.
Ainsi, la Convention n° 12 concernant la
réparation des accidents de travail dans l'agriculture adoptée le
12/11/1921 et révisée par la Convention n° 121 de 1964
s'étend à tous les salariés agricoles.
En plus, les Conventions n° 24 et 25 relatives
respectivement à l'assurance maladie en industrie et en agricole
instituent chacune une assurance maladie obligatoire, s'appliquant «
aux ouvriers, employés et apprentis des entreprises industrielles et
des entreprises commerciales, aux travailleurs à domicile et aux gens de
maison »2 et « aux ouvriers, employés et
apprentis des entreprises agricoles »3.
Les adolescents sont protégés dans les
Conventions n° 774 et 785 de 1946 qui, exigent un
examen médical d'aptitude à l'emploi et un contrôle
médical poursuivi jusqu'à l'âge de 18 ans pour les enfants
et les adolescents. Cet âge est élevé à 21 ans au
moins pour « les travaux qui présentent des risques
élevés pour la santé »6.
Les gens de mer sont protégés par les
Conventions n° 55 et 56 , la première concerne les obligations de
l'armateur en cas de maladie, d'accident ou de décès des gens de
mer adoptée le 24/10/1936 et qui pèse sur l'armateur l'obligation
de couvrir
1 La Convention n° 18 concernant l'assurance
maladie des travailleurs de l'industrie et du commerce des gens de maison,
adopté le 15/6/1927 et révisé en 1969 par la Convention
n° 130 concernant les soins médicaux et les indemnités de
maladie.
2 Art. 2ème de la Convention n°
24.
3 Art. 2ème de la Convention n°
25.
4 La Convention n° 77 concernant l'examen
médical d'aptitude à l'emploi dans l'industrie des enfants et des
adolescents adoptée le 9/10/1946.
5 La Convention n° 78 concernant l'examen
médical d'aptitude à l'emploi aux travaux non industriels des
enfants et des adolescents adoptée le 9/10/1946.
6 Art. 4 des deux Conventions n° 77 et 78 de
1946.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 26
les risques de maladie ou d'accident1, et la
deuxième concernant l'assurance maladie des gens de mer adoptée
le même jour assujettit « toute personne employée
à bord d'un navire autre qu'un navire de guerre, immatriculé dans
un territoire pour lequel la présente Convention est en vigueur et qui
pratique la navigation maritime ou la pêche »2
à un régime d'assurance maladie obligatoire.
Cette Convention a été révisé par
la Convention n° 165 concernant la sécurité sociale des gens
de mer adoptée le 9/10/1987, elle insiste sur le droit des gens de mer
à une protection de leur droit à la santé ainsi que pour
leurs ayants droit par l'une des branches de sécurité sociale
dont notamment les soins médicaux, les indemnités de maladie
professionnelles, les prestations de maternité ...
Les dockers, vu l'importance de leur rôle dans
l'économie internationale, se trouvent protégés contre les
différents risques possibles par la Convention n° 28 de 1929 sur la
protection des dockers contre les accidents et la Convention n° 32
adoptée le 27/04/1932 sur la protection des dockers contre les
accidents3 révisée par la Convention n° 152 sur
la sécurité et l'hygiène dans les manutentions
portuaires4.
Les travailleurs des mines sont aussi protégés
par la Convention n° 176 sur la sécurité et la santé
dans les mines adoptée le 22/06/1995, elle vise leur protection dans les
lieux de travail par des mesures visant à « encourager la
coopération entre les employeurs et les travailleurs et les
représentants en vue de promouvoir la sécurité et la
santé dans les mines »5. Qu'il s'agisse d'une
protection générale qui s'étend à tous les
travailleurs ou d'une protection spécifique de certaines
catégories socioprofessionnelles, la protection de la santé des
travailleurs s'effectue au niveau des textes par la consécration d'un
droit à la santé par l'assurance sociale.
Ainsi, si un droit à la santé a
été consacré dans les instruments de l'O.I.T. pour les
travailleurs6 qu'en est-il de leur protection dans les travaux de
l'O.M.S. ?
1 Art. 6 Al. 1er.
2 Art. 2 Al. 1er (a).
3 Cette Convention n'est plus en vigueur.
4 V. aussi la recommandation n° 16 concernant la
sécurité et l'hygiène du travail dans les manutentions
portuaires par la conférence générale de l'O.I.T.
adoptée le 6 juin 1979.
5 Art. 15 de la Convention n° 176.
6 Cf. M. ENNACEUR : Art. préc.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 27
2. Les instruments de l'Organisation Mondiale de la
Santé
L'assemblée mondiale de la santé adopte des
résolutions et des recommandations (c) pour
atteindre les buts prévus par la Constitution (a)
ainsi que les buts arrêtés par l'organisation en vue
d'assurer une politique de santé pour tous
(b).
a. La Constitution de l'O.M.S.
La constitution de l'O.M.S. a été adoptée
par la conférence internationale de la santé tenue à New
York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les représentants
de 61 Etats le 22 juillet 1946 et est entrée en vigueur le 7 avril
1948.
Dans son préambule, cette constitution dispose que
« la santé est un état de complet bien être
physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de
maladie ou d'infirmité »1.
Ce meilleur état de santé est « l'un
des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race,
sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale
».
En vue d'amener tous les peuples du monde au niveau de
santé le plus élevé possible, l'O.M.S. exerce des
fonctions diverses, parmi lesquelles:
« c- aider les gouvernements, sur leur demande à
renforcer leurs services de santé. e- faire progresser l'action en
faveur de la santé et du bien être de la mère et de
l'enfant et favoriser leur aptitude à vivre en harmonie avec un milieu
en pleine transformation.
p- étudier et faire connaître en
coopération au besoin avec d'autres institutions
spécialisées, les techniques administratives et sociales
concernant l'hygiène publique et les soins médicaux
préventifs et curatifs, y compris les services hospitaliers et la
sécurité sociale.
1 A ce propos, C. SAUVAT évoque dans son
ouvrage ; Réflexions sur le droit à la santé,
Presses Universitaire d'AIX MARSEIL-P.U.A.M., 2004, p. 26-27, deux points de
vue :
- Ceux qui critiquent la notion de bien être social qui
est bien trop extensive pour pouvoir faire de la santé un concept
juridique.
- Ceux qui approuvent la définition donnée puisque
l'alinéa 11 du préambule vise la protection de la
santé.
Il résume par l'idée que « Quoi qu'il en
soit, il n'est pas réellement nécessaire de définir la
notion de santé pour mener à bien une étude sur le droit
à la santé. En effet, il n'est pas besoin de définir le
terme santé pour en comprendre le sens et pour en faire l'objet d'un
"droit à" ».
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 28
q- fournir toute information, donner tous conseils et
toute assistance dans le domaine de la santé ».
Il est nettement observable que certaines des fonctions de
l'O.M.S. en matière de santé peuvent être assurées
par les assurances sociales.
D'autres fonctions sont confiées à
l'assemblée de la santé dont notamment :
« i- étudier des recommandations ayant trait
à la santé, émanant de l'assemblée
générale, du conseil économique et social, des conseils de
sécurité ou de tutelle des nations unies et faire rapport
à ceux-ci sur les mesures prises par l'organisation en exécution
de telles recommandations ».
L'O.M.S. exerce aussi un contrôle vis-à-vis de
chaque Etat concernant « les mesures prises et les progrès
réalisés pour améliorer la santé de sa population
»1. Ce contrôle est effectué sur les «
lois, règlements, rapports officiels et statistiques importants
concernant la santé et publiés dans cet Etat
»2, que « chaque Etat membre communique
rapidement à l'organisation », et sur « les rapports
statistiques et épidémiologiques selon des modalités
à déterminer par l'assemblé de la santé
»3. Le contrôle s'effectue aussi sur les rapports
annuels et les mesures prises en exécution des recommandations de
l'organisation et en exécution des Conventions, accords et
règlements4, notamment les textes portant sur le droit
à la santé et à la sécurité sociale dans le
cadre d'une politique de santé pour tous.
b. La politique de la santé pour tous et ses
buts
L'O.M.S. s'est orientée depuis le milieu des
années 1970 vers l'adoption d'une stratégie appelée :
« la stratégie mondiale de la santé pour tous d'ici l'an
2000 », pour adopter ensuite une politique de santé pour tous
au XXIème siècle.
? La stratégie mondiale de la santé pour
tous d'ici l'an 2000
En vue d'assurer un état de complet bien être
physique mental et social, l'organisation s'est fixée en 1991 une
stratégie mondiale de la santé pour tous d'ici
1 Art. 61 de la constitution de l'O.M.S.
2 Art. 63 de la constitution de l'O.M.S.
3 Art. 64 de la constitution de l'O.M.S.
4 Art. 62 de la constitution de l'O.M.S.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 29
l'an 2000. Cette stratégie consiste à atteindre
38 buts qui présentent en réalité des obligations que fait
peser sur les Etats membres l'organisation mondiale de la santé.
Les buts de l'O.M.S. ont été révisés
en 1992, en proposant des objectifs chiffrés et des moyens à
mettre en oeuvre pour les atteindre avant l'an 2000. Parmi ces buts : ?
L'obligation « d'élaborer et de mettre en oeuvre des
politiques conformes aux concepts et aux principes de la politique
européenne de santé pour tous ... »1.
? L'obligation « de créer des
structures et des processus de gestion susceptibles d'inspirer, de guider et de
coordonner le développement sanitaire, conforment aux principes de la
santé pour tous »2.
? L'obligation « de garantir
l'adéquation des établissements hospitalier figurant dans la
planification avec les besoins en soins de la population concernée
»3.
L'assurance sociale peut paraître un moyen
approprié et efficace pour assurer et garantir une santé pour
tous, puisqu'elle peut servir de moyen de financement des établissements
hospitaliers4 garantissant ainsi les soins de santé pour une
large couche de la population à savoir les assurés sociaux et
leurs ayants droit. Certes, la santé est intimement liée au
développement économique, ce qui explique le manque dans certains
pays, notamment les pays les moins avancés, de nouvelles
compétences et capacités en matière de santé
publique. Ce constat ne peut que rendre « l'action de l'O.M.S.
éphémère et le droit à la santé incertain
»5.
? La politique de la santé pour tous au
XXIème siècle
Cette politique de santé adoptée par la
communauté internationale en mai 1998 vise à atteindre un but
général inchangé qui est de permettre à chacun de
réaliser pleinement son potentiel de santé.
Ce but a pour fondement trois valeurs fondamentales qui sont :
? La santé est un droit fondamental de la personne
humaine.
? L'équité et la solidarité en
matière de santé entre les pays et entre les groupes de
population dans les pays.
1 But 33.
2 But 34.
3 But 39.
4 On peut citer l'exemple des cliniques de la C.N.S.S.
en Tunisie.
5 N. De Grove VALDEYRON et S. HAMDOUNI, Tout le Droit
(collection dirigée par Philippe Seguin) 2002.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 30
? La participation des personnes, des groupes, des
populations, des institutions, et des organisations au développement
sanitaire.
Dans sa politique, l'O.M.S. vise l'équité en
matière de santé « en améliorant nettement le
niveau de santé des groupes défavorisés
»1, notamment la santé des nouveaux nés,
nourrissons, enfants d'âge préscolaire les jeunes jusqu'à
18 ans et les personnes âgées de plus de 65 ans2.
Ces objectifs ne peuvent être atteints que par
l'amélioration des services de soins en assurant, à tous, un
meilleur accès aux soins de santé et une meilleure qualité
des soins (buts 15 et 16).
Certes, il n'est pas facile d'aboutir à un tel
système de soins sans penser au financement des services de santé
et l'affectation des ressources3. A ce propos, le
17ème but exige aux Etats membres de se doter de «
mécanismes viables de financement des systèmes de
santé et d'affectation des ressources à ces derniers, reposant
sur les principes d'égalité d'accès aux soins,
d'efficacité en regard des coûts, de solidarité et de
qualité optimale »... Ainsi, « les systèmes de
financement des soins de santé devraient garantir une couverture
universelle, la solidarité et la viabilité ».
Pour les Etats membres, la sécurité sociale
présente le moyen le plus efficace pour atteindre lesdits buts puisque
la couverture sociale à toute la population va permettre d'assurer un
droit à la santé pour tous par le biais des assurances
sociales.
En effet, si les Etats membres de l'organisation ont
l'obligation d'agir en tant qu'acteur, l'organisation doit agir par son
rôle normatif.4
c. Les résolutions et recommandations de
l'O.M.S.
En harmonie avec sa constitution et les stratégies de
santé qu'elle élabore, l'O.M.S. adopte des résolutions et
des recommandations consacrant le droit de l'être humain à la
santé.1
1 But 2.
2 Buts 3, 4 et 5.
3 « Le vaste programme pris en charge par l'O.M.S. conduit
à l'éparpillement de ses efforts et à la dilution de ses
moyens financiers qui sont limités » N. De Grove VALDEYRON et S.
HAMDOUNI, Op. cit.
4 Cf. L. AYADI, L'hygiène de
l'environnement et la santé en Tunisie, mém. de D.E.A.,
Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales, 1998-1999, p.
12 et s.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 31
Ces travaux doivent être un moyen pour
concrétiser une utopie quasi universelle de l'O.M.S. qui est «
la santé pour tous », une utopie d'un «
état de complet bien être physique, mental et social
».
« Cette conception totaliste de la santé,
droit de l'individu au bien être, vaut affirmation du potentiel
étatique d'amélioration des conditions de vie, sorte
d'auto-proclamation de l'Etat de bien être (Welfare State)
»2.
En 1976, le directeur général de l'O.M.S.,
conscient du rôle de l'organisation, disait que « Si tout
paraît avoir été dit au sujet de la santé publique,
peut être tout doit être repensé ...
»3. A maintes reprises, l'assemblée mondiale de
santé insiste auprès des Etats membres pour qu'ils
prévoient des ressources et accélèrent l'application des
mesures nationales en vue d'assurer une couverture universelle en
matière de santé notamment la santé maternelle des
nouveaux nés et des enfants par la résolution n° WHA58-31 du
25 mai 2005, la santé des travailleurs par la résolution
n°WHA49-12 de 1996 et la résolution du conseil exécutif
n° CE124R49 du 6 mai 1999.
La protection de la santé des travailleurs fait l'objet
d'un plan d'action mondiale pour la santé des travailleurs adopté
par la résolution n° WHA60.26 du 23 mai 2007 pour la période
2008-2017.
Par cette résolution, l'assemblée mondiale de la
santé « invite instamment les Etats membres :
1) à concevoir des politiques et des plans
nationaux en collaboration avec les travailleurs, les employeurs et les
organisations qui les représentent dans le but d'appliquer le plan
d'action mondiale pour la santé des travailleurs... ;
2) à faire en sorte que tous les travailleurs y
compris ceux du secteur informel, des petites et moyennes entreprises du
secteur agricole, et les travailleurs migrants et travailleurs contractuels
soient couverts par les interventions essentielles et les services de
médecine du travail de base... ».
1 Pour plus de détails sur la structure
organique et les fonctions des organes de l'O.M.S., V. M. DIEAZ DE VELASCO,
Les organisations internationales, Collectif Droit International,
éd. Economica, 2002.
2 M. CAMU, H. ZAIEM et H. BAHRI, Etat de
santé ; Besoin médical et enjeux politiques en Tunisie,
éd. Centre National de Recherches Scientifiques ; Centre Régional
de Publication de Marseille, 1990, p. 14.
3 Enquête de thérapies : « Y
a-t-il des remèdes pour juguler l'explosion vertigineuse des
dépenses de santé ? », La Revue de l'Entreprise, n°
Spécial Hors Série, Décembre 2001, p. 28.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 32
1 V. Page Web du Bureau régional de l'O.M.S.
pour la Méditerranée orientale, consacrée à la
Tunisie ( http : //www.emro.who.int/emrinfo/index.asp ?ctry=tun).
Par la même résolution, l'assemblée
mondiale de la santé « prie le directeur général
:
1) de promouvoir la mise en oeuvre du plan mondial
d'action pour la santé des travailleurs 2008-2017 aux niveaux national
et international... ».
Il y a lieu de noter que l'O.M.S. dans un rapport sur la
stratégie de coopération de l'organisation avec la Tunisie met en
relief la réforme du système d'assurance maladie et vise par
cette stratégie « à renforcer le secteur de la
santé à travers un plaidoyer pour des politiques de promotion de
la santé, un appui technique et le renforcement des capacités de
pilotage du ministère de la santé publique afin qu'en
collaboration avec les autres partenaires, le système de santé
réponde mieux aux besoins de la population »1.
Pour développer mieux encore le potentiel de
santé des Etats membres, par la résolution n° WHA 58-33 sur
le financement durable de la santé, couverture universelle et
sécurité sociale, « l'assemblée mondiale de la
santé invite instamment les Etats membres :
1) à faire en sorte que les systèmes de
financement de la santé prévoient le recours au paiement
anticipé des cotisations financières pour les soins de
santé... ;
2) à veiller à une réparation
adéquate et équitable d'infrastructures de soins et de ressources
humaines pour la santé de qualité de sorte que les assurés
bénéficient de services de santé équitables et de
qualité conformément aux prestations prévues ;
4) à prévoir la transition vers la couverture
universelle de tous les citoyens pour contribuer à répondre aux
besoins de population en matière de soins de santé ... et
à instaurer la santé pour tous ;
5) à reconnaître que lors de la transition
vers la couverture universelle chaque option devra être mise en place
compte tenu du contexte macroéconomique socioculturel et politique
particulier de chaque pays ;
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 33
7) à mettre en commun leurs données
d'expérience sur les différentes méthodes de financement
de la santé, y compris la mise en place de système de
sécurité sociale et de système privés, publics et
mixtes... ».
B. Les Conventions régionales des droits de
l'homme
Les droits de l'homme, dont notamment son droit à la
santé sont doublement protégés à l'échelle
internationale par les Conventions internationales à portée
universelle ainsi que par les Conventions adoptées par les organisations
internationales régionales notamment dans la Charte sociale
européenne et la Convention européenne des droits de l'homme
(1)1 et dans la Charte africaine des
droits de l'homme (2).
1. La Charte sociale européenne et la Convention
européenne des droits de l'homme
Ce sont les deux textes les plus importants dans le
développement européen des droits de l'homme. Ils constituent les
deux principaux piliers du système européen en la
matière.2
Sur le continent européen, la protection des droits
fondamentaux du "citoyen européen", dont son droit à la
santé, était une priorité lors de la rédaction de
la Charte sociale signée le 18 octobre 1961 et entrée en vigueur
le 8 Avril 1974. Cette Charte subordonne sa ratification à l'engagement
de réaliser dix parmi les dix-neuf "droits sociaux" figurants dans le
texte de la Charte. Parmi ces dix droits figure le droit à la
sécurité sociale dans l'article 12, qui dispose : « En
vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la sécurité
sociale, les parties s'engagent :
1) à établir ou à maintenir un
régime de sécurité sociale ;3
2) à maintenir le régime de
sécurité sociale à un niveau satisfaisant au moins
égal à celui nécessaire pour la ratification du code
européen de sécurité sociale ;
1 Il est utile de rappeler qu'une charte des droits
fondamentaux a été adopté le 07 décembre 2000 et
prévoit une riche liste des droits sociaux, Cf. G. BRAIBANT,
« La charte des droits fondamentaux », Dr. Soc. n° 1 janvier
2001, p 69.
2 A propos de la charte sociale Européenne
(signature, ratifications, déclarations et réserves),
Cf. La charte sociale européenne, Recueil des textes,
Editions du conseil de l'Europe, 1999, p. 67 et S.
3 Toutefois la protection sociale affronte des
difficultés économiques et monétaires dans certains pays.
Cf. K. MICHELET, « Protection sociale et contraintes
économiques et monétaires européenne », Dr. Soc.
n° 3 , 2001, p292-303.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 34
3) à s'efforcer de porter progressivement le
régime de sécurité sociale à un niveau plus haut
... »1.
« La Charte sociale européenne
représente, au niveau européen, l'équivalent du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
conclu, en 1966, dans le cadre de l'ONU, cet instrument est, en ce qui concerne
la sécurité sociale (art. 12 de la Charte), plus précis
que le Pacte international »2.
Le droit à la sécurité sociale vient
renforcer le droit du "citoyen européen" à la santé comme
le prévoit l'article 11 de la Charte intitulé droit à la
protection de la santé.3 Ainsi, « en vue de
renforcer l'exercice effectif du droit à la protection de la
santé, les parties s'engagent à prendre, soit directement, soit
en coopération avec les organisations publiques et privées, des
mesures appropriées tendant notamment :
2- à prévoir des services de consultation et
d'éducation en ce qui concerne l'amélioration de la santé
et le développement du sens de la responsabilité individuelle en
matière de santé »4.
La protection du droit à la santé se fait dans
le cadre de l'exercice du droit à la sécurité sociale.
Dans ce sens l'article 12 de la Charte fait peser sur les parties l'obligation
de prendre les mesures pour assurer :
« -a- l'égalité de traitement entre les
nationaux de chacune des parties et les ressortissants des autres parties en ce
qui concerne les droits à la sécurité sociale, y compris
la conservation des avantages accordés par les législations de
sécurité sociale... ;
-b- l'octroi, le maintien et le rétablissement des
droits à la sécurité sociale par les moyens tels que la
totalisation des périodes d'assurance ou d'emplois accomplis
conformément à la législation de chacune des parties
»5.
La protection à la santé de certaines
catégories particulières de citoyens telles que : les
femmes6, la famille7, les enfants et les
adolescents1, les travailleurs migrants
1 Art. 12 Charte sociale européenne.
2 N. CATALA et R. BONNET, Droit social
européen, p. 18, Litec, 1991.
3 Cf. N. KERSCHEN, « Vers une individualisation
des droits sociaux : approche européenne et modèles nationaux
», Dr. Soc. n°2. 2003.
4 Art. 11 de la Charte.
5 Art. 12 de la Charte.
6 Art. 8 de la Charte relatif au droit des
travailleuses à la protection de la maternité.
7 Art. 16 de la Charte relatif au droit de la famille
à une protection sociale, juridique et économique.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 35
et leurs familles2 , les personnes
âgées3... est une protection non
discriminatoire4 puisque l'article E de la partie V de la Charte
prévoit que : « la jouissance des droits reconnus dans la
présente Charte doit être assurée sans distinction aucune
fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'ascendance
nationale ou l'origine sociale, la santé, l'appartenance à une
minorité nationale, la naissance ou toute autre situation
»5.
La protection du droit à santé du citoyen
européen,6 comme la reconnaissance de son droit à la
sécurité sociale fait l'objet d'une jurisprudence
européenne élaborée par le comité des droits
sociaux dont l'objectif est d'inciter les Etats membres à
développer les dispositifs institutionnels mis en place pour garantir
les soins et développer les systèmes nationaux de
sécurité sociale.
A ce sujet, la jurisprudence européenne tient compte
des évolutions des législations nationales et à ce que les
prestations de sécurité sociale soient accessibles à tous
les ressortissants des Etats membres.
La couverture sociale dans la région européenne
et notamment la protection du droit à la santé est garantie pour
les "citoyens européens" sur le même pied
d'égalité.
L'égalité est un principe de base qui a
guidé les rédacteurs de la Charte à s'inspirer de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, adoptée le 4 novembre 1950, cette
Convention tend à assurer la reconnaissance et l'application universelle
des droits de l'homme dont notamment son droit à la santé et
à la sécurité sociale.
A ce propos, alors que la Charte européenne
prévoit dans ses différents articles qu' « en vue
d'assurer l'exercice effectif »... d'un droit... « les
parties s'engagent
1 Art. 17 de la charte relatif au droit des enfants et
des adolescents à une protection sociale, juridique et
économique.
2 Art. 19 de la charte relatif au droit des
travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à
l'assistance.
3 Art. 23 de la Charte relatif au droit des personnes
âgées à une protection sociale.
4 Cf. F. VANDAMME, « Les droits
protéges par la Charte sociale contenu et portée », in
La Charte sociale européenne, Collection rencontres
européennes, Collection dirigée par Stéphane LECLERC,
éd. BRUYLANT-BRUXELLES.
5 Partie V, Art. E de la charte relatif à la
non-discrimination.
6 Cette protection est prévue dans un
panorama des aspects sociaux du traité d'Amsterdam,
évoquée par S.ROBIN-OLMER « La référence aux
droits sociaux fondamentaux dans le traité d'Amsterdam », Dr. Soc.
n° 6, 1999, p 620.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 36
à... », la Convention européenne
prévoit que « toute personne a droit...
»1. Cette remarque s'explique par le fait que la
Convention reconnaît des droits au profit des individus alors que la
Charte fait des Etats les destinataires des obligations2.
En Europe, la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales et la Charte sociale
européenne sont les deux instruments juridiques qui ont servi de base
pour l'adoption d'autres textes en matière de sécurité
sociale dont notamment, la Convention européenne sur le statut juridique
du travailleur migrant3 adoptée en 1977, le code
européen de sécurité sociale4 entré en
vigueur le 17 mars 1968, la Convention pour la protection sociale des
exploitants agricoles5 entrée en vigueur le 17 juin 1977, les
accords intérimaires européens6 conclus le 11
décembre 1953 et la Convention européenne de
sécurité sociale7, entrée en vigueur le
1er mars 1977.
Tout un arsenal juridique, qui favorise le sauvegarde du droit
à la protection de la santé du "citoyen européen" par la
sécurité sociale, fait de la consécration du droit
à la santé par l'assurance sociale une pierre angulaire pour
favoriser le progrès social sur le continent européen.
Si ceci est l'état des textes en une Europe
développée qu'en est-il de l'état des textes en une
Afrique moins développée ?
1 Dans son commentaire sur l'arrêté de
la cours de cassation en date du 19 décembre 2002, X. PRETOT met
l'accent sur l'accès aux prestations sociales de l'étranger en
situation irrégulière en application de la Convention
européenne des droits de l'homme, Dr. Soc. n° 2, 2003, p. 420.
2 J. Manuel LARRALDE, « La charte sociale et
Convention européenne des droits de l'homme », in La Charte
sociale européenne, Collection rencontres européennes,
BRUYLANT BRUXELLES 2001, Editeurs : J-F. AKANDYI -KOMBE et S. LECLERC.
3 Cette Convention est adoptée par le
comité des ministres du conseil de l'Europe en mai 1977.
4 Le code européen de sécurité
sociale et son protocole additionnel constituent une sorte de loi-cadre, en
matière de sécurité sociale, pour les Etats membres du
conseil de l'Europe. Ce code trouve ses origines dans la recommandation 28-1951
de l'assemblée consultative du conseil de l'Europe.
5 Cette Convention est entrée en vigueur le
17 juin 1977 après son ouverture à la signature le 6 mai 1974,
mais elle n'est pas encore ratifiée par la France.
6 Ce sont 2 accords conclus le 11 décembre
1953 dans le cadre du conseil de l'Europe, et concernent les diverses branches
de sécurité sociale autres que la vieillesse, l'invalidité
et les pensions de survivants. La fonction de ces accords est
intérimaire, ils ont été élaborés dans
l'attente d'une Convention européenne de sécurité sociale
assurant la coordination générale des accords
bilatéraux.
7 La Convention européenne de
sécurité sociale détermine les règles
générales de coordination multilatérale des régimes
de sécurité sociale des parties contractantes. Cette Convention,
ouverte à la signature depuis 1972 et entrée en vigueur le
1er mars 1977.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 37
2. La Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples
Les Etats africains membres de l'organisation de
l'unité africaine, antécédent de l'union africaine, ont
adopté le 27 juin 1981 une Charte appelée Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples qui est entrée en vigueur le 21 octobre
1986. Cette Charte, ratifiée jusqu'au le 1er janvier 1996 par
50 Etats, reconnaît les droits fondamentaux de l'être humain dont
notamment son droit à la santé.
Par leur volonté commune, les Etats membres
reconnaissent ces droits pour leurs ressortissants dans « une totale
égalité devant la loi »1. Ces Etats s'engagent
à adopter des mesures législatives ou autres
»2 pour appliquer les droits reconnus dans la Charte et
dont la jouissance est, aux termes de l'article 2ème de la
Charte, garantie « sans distinction aucune, notamment de race,
d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou
de toute opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou
de toute autre situation »3.
Les Etats africains, quelques années après leur
indépendance, et en vue de développer et promouvoir les droits
fondamentaux de l'être humain vont adopter une Charte qui constitue
« un compromis entre les revendications des nouveaux Etats des
années soixante-dix et le droit international des droits de l'homme
élaboré essentiellement par les Etats occidentaux
»4.
Toutefois, à la lettre de Leader africain L.S. Senghor,
« l'humanité est une et indivisible et les besoins fondamentaux
de l'homme sont partout identiques... Il ne s'agira, pour nous africains, ni de
copier, ni de rechercher l'originalité. Il nous faudra faire preuve en
même temps, d'imagination et d'efficacité
»5.
Ainsi, la Charte devrait à la fois suivre
l'évolution universelle des droits de l'homme et s'inspirer des
traditions africaines. La Charte devrait donc concilier universalisme et
régionalisme, tradition et modernité. La question des droits de
l'homme en Afrique est restée durant longtemps une affaire interne pour
les Etats du continent.
1 Art. 3 al. 2ème de la charte.
2 Art. 1er de la Charte.
3 Art. 2ème de la Charte.
4 J. MATRINGE, Tradition et modernité dans
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, éd,
BRUYLANT Bruxelles 1996, p. 15.
5 Adress delivred by H.E. Mr. Leopold Sedar Senghor,
President of the republic of OAU, DOC CAB/LEG/6715.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 38
1 E-R. MBAYA, La charte Africaine :
première étape de la promotion des droits de l'homme en Afrique,
1990, p. 5.
2 Ibid.
Le droit à la santé comme droit social
fondamental est reconnu, d'une part, par « le préambule de la
Charte africaine (qui) souligne avec force une approche
intégrationniste et " développementaliste " des droits de l'homme
»1 et, d'autre part, par les articles de la Charte
notamment les articles 16 et 18.
Ainsi l'article 16 reconnaît à toute personne
« le droit de jouir du meilleur état de santé physique
et mentale qu'elle soit capable d'atteindre » et incite les Etats
parties à la Charte à « prendre les mesures
nécessaires en vue de protéger la santé de leurs
populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie
».
De surcroît la Charte dans son article 18 prétend
protéger la santé de la famille dans l'alinéa
1er, la femme et l'enfant dans l'alinéa
3ème et les personnes âgées ou
handicapées dans l'alinéa 4ème.
A la base de ces dispositions on peut remarquer que «
contrairement à la Charte des nations unies et autres Conventions
régionales, européenne ou américaine, on a
réalisé une économie de textes, même s'il est
envisagé de conclure, en cas de besoin, des protocoles ou accords
particuliers pour compléter les dispositions de la Charte
»2.
Cette économie de textes est critiquable dans le sens
où on ne trouve pas une reconnaissance explicite du droit à la
sécurité sociale dans un instrument juridique visant
essentiellement la protection des droits de l'homme.
Toutefois, l'effectivité des Conventions
internationales reste liée à la volonté des Etats membres
qui vont reconnaître les droits précités par leurs propres
droits nationaux. Ceci dit qu'en est il du droit à la santé par
les assurances sociales en Droit tunisien ?
Section II : EN DROIT TUNISIEN
Il convient de remarquer que la ratification par la Tunisie
des Conventions internationales revêt une importance particulière
dans la mesure où elle marque l'attachement de l'Etat tunisien aux
valeurs universellement reconnues au droit à la sécurité
sociale et au droit à la santé.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 39
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Les Conventions régulièrement ratifiées
par la Tunisie ont une valeur juridique supérieure aux lois internes
conformément à l'article 31 de la constitution.
La constitution tunisienne du 1er juin 1959 fournit
les principes fondamentaux de protection du citoyen tunisien.
La protection des droits de l'homme est en
réalité une lutte contre les inégalités, les
injustices et l'arbitraire, c'est un combat pour la dignité de la
personne humaine.1
Ainsi, l'identification du « droit à la
santé, dans ses deux composantes, le droit à la protection de la
santé et le droit à la sécurité sociale
»2 se fait par référence à des textes
à valeur supra-légale (paragraphe 1),
ainsi que par d'autres sources de Droit (paragraphe
2)3.
Paragraphe 1 : LE DROIT A LA SANTE PAR LES ASSURANCES
SOCIALES DANS LES TEXTES A VALEUR SUPRA-LEGALE
On désigne par les textes à valeur
supra-légale, d'abord la constitution tunisien du 1er juin
1959 (A), ensuite les Conventions internationales
ratifiées par la Tunisie (B) et enfin les
Conventions régionales et les traités bilatéraux conclus
par la Tunisie
(C).
A. La constitution
L'assemblée constituante a consacré dans le
préambule de la Constitution du 1er janvier 1959 un droit à la
santé : « ... que le régime républicain constitue
... le moyen le plus efficace pour assurer la protection de la famille et le
droit des citoyens au travail, à la santé et à
l'instruction ».
La reconnaissance du droit à la santé dans la
Constitution tunisienne est faite uniquement par son préambule, on ne
trouve, par ailleurs, aucune disposition dans le texte de la Constitution qui
reconnaît explicitement un droit à la santé.
1 Sur la protection des droits de l'homme, v. N.
BACCOUCHE, dans une étude sur la Tunisie, in Droit national des droits
de l'homme, p 1119 et s.
2 P. SILVAT, Réflexions sur le droit
à la santé, Collection du centre Pierre KAYSER, Presses
Universitaires d'Aix Marseille, PUAM 2004, p. 156.
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PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 40
Certes, le débat sur la valeur juridique du
préambule n'est épuisé, mais on peut confirmer qu'un droit
à la santé par l'assurance sociale est un droit à valeur
constitutionnelle puisque la Constitution tunisienne1 dans son
article 5 protège les droits de l'homme dans son universalité.
Ainsi, le droit à la santé et le droit à
la sécurité sociale figurent parmi les droits sociaux ayant pour
but de limiter ou de corriger les inégalités sociales
involontaires en assurant au citoyen la sécurité contre les
causes de son affaiblissement : un niveau de vie minimum ou suffisant et des
chances de promotion sociale.
La consécration de ces droits se fait par la
reconnaissance d'un droit à des prestations concrètes pour
assurer un meilleur état de santé pour tous. C'est sur la base de
la solidarité sociale qu'est née la sécurité
sociale ayant pour fondement l'obligation pour l'Etat d'assurer directement ou
indirectement une solidarité sociale dans les limites du niveau de
développement et des ressources de la société.
La démocratie sociale dans ce sens consiste en la
collecte et la redistribution des richesses dans le but de limiter ou de
corriger les inégalités sociales de fait par les
préventions, la réparation ou la compensation des situations de
faiblesses ou d'infériorité dont souffrent les membres de la
société.2
La Constitution tunisienne, tout en reconnaissant un droit
à la santé dans son préambule, renvoie dans son article 34
à la loi qui « détermine les principes fondamentaux ...
du droit du travail et de la sécurité sociale ».
L'Etat doit, donc, s'investir par les mesures
législatives appropriées pour assurer ces droits sociaux garantis
par le préambule de la constitution à tous les citoyens en
respectant deux principes :
D'une part, et depuis la réforme du 1er juin
2002, le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme en affirmant
dans l'article 5 que : « la république tunisienne garantit les
libertés fondamentales et les droits de l'homme dans leur acception
universelle, globale, complémentaire et interdépendante
».
1 Art. 5 de la Constitution depuis l'amendement du
1er juin 2002 fait suite au référendum du 26 mai
2002.
2 Cf. N. DUFOURCQ, « Démocratie
sociale et sécurité sociale », Dr. Soc. n° 10,1994, p.
1008-1015.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 41
D'autre part, le principe d'égalité, qui est
prévue dans le préambule de la constitution et consacrée
par l'article 6 du même texte lequel prévoit
l'égalité entre les citoyens dans leurs droits et leurs
devoirs1.
L'expression de l'article dans sa
généralité laisse sous-entendre l'égalité
entre tous les citoyens dans leurs droits fondamentaux dont notamment le droit
à la sécurité sociale et le droit à la
santé. L'objectif de l'Etat républicain est de libérer
tous ses citoyens vis-à-vis des traitements discriminatoires pour
instaurer une communauté de citoyens égaux en droits et en
devoirs.2
La discrimination, définie comme « la
distinction ou la différence de traitement illégitime :
illégitime parce qu'arbitraire et interdite puisque illégitime
»3, est interdite en droit tunisien notamment par les
Conventions internationales dûment ratifiées par la Tunisie.
B. Les Conventions internationales ratifiées par la
Tunisie
« Le développement du système de
protection sanitaire tunisien s'est accompli en parfaite harmonie avec les
principes posés dans les instruments internationaux de protection et de
promotion des droits de l'homme »4.
La Tunisie a ratifié plusieurs Conventions
internationales visant la promotion et la protection du droit du citoyen
à la santé notamment par l'assurance sociale.
Toutefois, il faut relever que certaines dispositions
contenues dans les Conventions internationales, notamment en matière de
sécurité sociale, posent problème quant aux
capacités nationales du niveau des services sociaux et de
financement.
Ces difficultés n'ont pas empêché le
législateur tunisien de s'inspirer des Conventions auxquelles la Tunisie
n'a pas adhéré pour faire évoluer le système
national de sécurité sociale et des assurances
sociales5.
1 Art. 6 dispose : « tous les citoyens ont
les mêmes droits et les mêmes devoirs ; Ils sont égaux
devant la loi ».
2 Cf. A. EUZEBY, « Protection sociale et
justice sociale : quelques points de repères », Dr. Soc. n°
9/10 2002, p 812.
3 D. LOCHAK, « Réflexions sur la notion de
discrimination », Dr. Soc. n° 11, 1987, p. 778.
4 H. GRIBAA, Le droit à la
santé, Collection La Tunisie et les droits de l'homme, A.T.C.E.
1992, Imprimerie S.N.I.P.E. « La presse ».
5 Une étude comparative permet de situer la
Tunisie à l'égard les Etats Arabes vis-à-vis des
Conventions internationales en la matière. Cf. H. MALLAT,
La sécurité sociale et les assurances sociales dans les pays
Arabes : Afrique du Nord et Moyen Orient, éd. BRUYLANT DELTA,
1999.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 42
En effet, les normes internationales n'ont pas en elles
même d'effet obligatoire, c'est seulement par la ratification d'une
Convention qu'un Etat assume normalement l'obligation de mettre en application
les normes qu'elle contient. Ainsi, la Tunisie, en application de la
constitution de l'O.I.T. dans son article 19, est en mesure de
développer sa législation nationale en la matière à
la lumière des Conventions de l'O.I.T.
Cet article prévoit que « Tout Etat qui aura
communique sa ratification prendra telles mesures qui seront nécessaires
pour rendre effectives les dispositions de ladite Convention ».
Toutefois, il convient de préciser que les normes
internationales de travail ont le caractère de normes minimales, c'est
ainsi qu'aucune Convention internationale de travail ne saurait être
invoquée pour réduire les droits ou des avantages existants en
vertu d'une législation nationale antérieure.
En Droit tunisien, comme dans la plupart des systèmes
juridiques, les Conventions internationales dûment ratifiées sont
classées dans la hiérarchie des normes dans une position
infra-constitutionnelle et supra-légale. C'est ainsi que l'article 32 de
la constitution après l'amendement du 27 octobre 1997 par la loi
constitutionnelle n° 97-65 prévoit que : « les
traités n'ont force de loi qu'après leur ratification. Les
traités dûment ratifiés ont une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve de leur
application par l'autre partie ».
Cette réserve de réciprocité ne concerne
réellement que les traités bilatéraux, elle ne s'applique
pas pour les Conventions internationales de travail qui ne sont pas
fondées sur la réciprocité, mais plutôt
fondées sur l'intérêt de la collectivité
internationale puisque le préambule de la constitution de l'O.I.T.
affirme « qu'une paix universelle et durable ne peut être
fondée que sur la base de la justice sociale ».
En effet, dans le but d'instaurer une justice sociale, la
Tunisie a ratifié plusieurs Conventions adoptées par l'O.I.T., ce
qui confirme que « l'apport des normes internationales au Droit
tunisien de la sécurité sociale est d'une grande importance
»1.
1 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, 2ème édition augmentée et
actualisée, 2005, p. 39.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 43
Ces Conventions ont contribué au perfectionnement du
modèle d'assurance sociale et à la précision de ses
principes, surtout qu'en Tunisie le recours des pouvoirs publics à
l'assistance technique du bureau international de travail est
appréciable puisqu'il permet d'aligner progressivement la
législation nationale aux normes internationales en matière de
sécurité sociale.
A ce propos, on peut noter que la Tunisie a ratifié
plusieurs Conventions de l'O.I.T. pour élargir la couverture sociale
à toute la population, par un minimum de sécurité sociale
surtout face au grand développement économique et social que
connaît le monde contemporain. Ainsi la Tunisie a largement
dépassé le minimum de couverture sociale prévu par la
Convention n° 102 de 1952 relative aux normes minimales de
sécurité sociale1.
Parmi les Conventions ratifiées par la Tunisie on
trouve le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels par la loi du 29/11/1968, la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du
21/12/1965 par la loi du 18/11/1996, la Convention internationale de Copenhague
du 1/3/1980 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes par la loi du 12/07/1985, la Convention
internationale sur les droits de l'enfant en date du 20/11/1989 par la loi du
29/11/1991, la Convention n° 19 de l'O.I.T. sur l'égalité de
traitement en matière d'accidents du travail par le décret
beylical du 25 mars 1930, la Convention n° 118 sur l'égalité
de traitement en matière de sécurité sociale entre les
nationaux et les non nationaux par la loi du 2 juillet 1964.
Mais, il est indispensable de remarquer que des
difficultés importantes peuvent rencontrer les pouvoirs publics et le
législateur en Tunisie pour adopter « les mesures
législatives conformes aux dispositions des instruments qu' (elle)
a ratifiés »2.
C'est dans le but d'assister les Etats dans leur action
législative, que l'O.I.T. exerce un contrôle régulier
fondé sur l'examen des rapports des gouvernements. Ces rapports portent
à la fois sur les Conventions ratifiées et les Conventions non
ratifiées. A ce propos, la commission d'experts pour l'application des
Conventions et
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ÑÇÊÓáÇ ÏÈÚ 1 Cette
Convention prévoit une obligatoire de couvrir socialement un minimum de
50% des travailleurs salariés par l'application de la conception
universelle.
2 H. GRIBAA, Op. cit, p. 43.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 44
recommandations apprécie « la
conformité des législations et pratiques nationaux avec les
dispositions de la constitution ou des Conventions de l'O.I.T.
»1.
En effet, sur le plan des sources internationales il existe
d'autres Conventions internationales ayant une valeur importante en droit
tunisien de la sécurité sociale, il s'agit des traités
bilatéraux et les Conventions régionales.
C. Les Conventions régionales et les traités
bilatéraux conclus par la Tunisie
Avant de développer les plus importants traités
bilatéraux conclus par la Tunisie en matière de
sécurité sociale (2) il y a lieu de
développer en premier lieu, les engagements de la Tunisie à
l'échelle régionale (1).
1. Les Conventions régionales
Sur le plan régional, l'organisation Arabe du travail
(O.A.T.) a visé le regroupement des pays arabes dans le cadre d'une
réflexion sur les questions du monde du travail dont la couverture
sociale pour les travailleurs.
Par les Conventions qu'elle adopte, l'O.A.T. se fixe
l'objectif d'institutionnaliser les systèmes de sécurité
sociale et des assurances sociales dans les pays arabes1, ainsi elle
a adopté la Convention n° 3 de 1971 relative aux normes minimales
des assurances sociales.
Toutefois, le faible nombre de ratifications par les pays
arabes affaiblit l'action de l'organisation et exprime le
désintéressement des Etats membres à l'égard de ces
Conventions. La Tunisie n'a ratifié que la seule Convention n° 7,
d'autres Etats n'ont ratifié aucune Convention, ce qui fait de l'action
de l'organisation en matière de sécurité sociale une
action sans aucune importance puisqu'elle ne fait que reprendre le contenu de
certaines Conventions internationales de travail.
Faisant partie du continent africain, la Tunisie a
ratifié la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981
par la loi du 6 août 1982. Cette Charte reconnaît le droit à
la santé et à la sécurité sociale par ses articles
16 et 18.
1 N. VALTICOS, Droit international du
travail, Tome 8, 2ème édition, Dalloz 1983, p.
587.
V. aussi., Les normes internationales du travail : Une
approche globale (édition réalisée avec l'aide du
ministère français de l'emploi et de la solidarité
à l'occasion du 75ème anniversaire de la commission
d'experts pour l'application des Conventions et recommandations (version
préliminaire)).
- M. HUMBLET et M. ZARKA-MARTRES, « La politique normative
de l'O.I.T. ».
- A. Trebilcock, « Déclaration de l'O.I.T. relative
aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi ».
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 45
1 Cf. H. MALLAT, Op. cit., p.
120-131.
Mais, il faut souligner que les Etats africains n'ont
instauré aucune institution de coopération pour mieux
développer l'état de santé et étendre la couverture
sociale pour leurs peuples, ce qui affaiblit le rôle de l'Union Africaine
quant à l'élaboration d'une stratégie commune dans ce
domaine.
En effet, l'analyse des engagements de la Tunisie à
l'échelle internationale montre qu'en matière de travail et de
protection sociale la Tunisie a signé plusieurs traités
bilatéraux.
2. Les traités bilatéraux
Les traités bilatéraux présentent la
forme la plus ancienne de réglementation internationale en
matière de travail et de sécurité sociale. L'objet de ces
traités est de régler entre deux Etats signataires les conditions
de travail et de protection sociale. Ainsi, par leur caractère
synallagmatique, ces traités ne visent que les ressortissants des Etats
contractants et sont souvent conclus entre un Etat d'immigration et état
de migration.
La Tunisie en tant que pays de migration a conclu plusieurs
traités en la matière avec « des pays ou le nombre de
tunisiens est assez important ou dont la législation sociale est assez
avancée, c'est le cas avec la France et d'autres pays de l'Europe
occidentale et également avec les pays du Maghreb
»1.
Avec les pays du Maghreb une Convention conclue avec
l'Algérie en date du 26 juillet 1963, une autre avec le Maroc relative
à la santé et au travail du 9 décembre 1964, une
troisième avec la Libye signée le 15 février 1971 qui
prévoit la conclusion d'une Convention de sécurité
sociale, celle-ci est signée le 6 juin 1973 et est par la suite
remplacée par une autre conclue le 5 avril 1988.
Avec les pays de l'Europe occidentale, la Tunisie compte un
nombre non négligeable de ses ressortissants qui travaillent en France,
Belgique, Pays-bas, Luxembourg, République fédérale
d'Allemagne, Italie, Autriche.
Ainsi, une Convention générale de
sécurité sociale a été signée entre la
Tunisie et la France en date du 17 décembre 1965 et un accord
complémentaire relatif à la sécurité sociale des
marins signé le 2 mars 1968, « ces deux textes ont posé
les
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 46
principes régissant les droits sociaux des
ressortissants de chacun des deux pays travaillant sur le territoire ou le
navire de l'autre »2.
La Convention de 1965 vient d'être remplacée par
la Convention du 26 juin 2003 ratifiée par la Tunisie par la loi n°
2004-27 du 5 Avril 2004 et si l'ancienne Convention couvre les salariés
actifs et les membres de leurs familles, ainsi que les étudiants, la
nouvelle Convention couvre de nouvelles catégories :
? les travailleurs non-salariés agricoles et non
agricoles,
? Les chômeurs indemnisés,
? Les retraités,
? Les agents publics,
? Les membres de famille.
Pour les soins de santé, ces prestations sont
accordées par la sécurité Sociale française aux
tunisiens résidents habituellement en France et les membres de leurs
familles résidents habituellement en Tunisie à l'occasion de leur
séjour temporaire en France et sont accordées par la
sécurité sociale tunisienne.
D'autres traités ont été conclus avec la
Belgique le 29 janvier 1975, Les Pays Bas le 22 septembre 1978, le Luxembourg
le 23 Avril 1980, l'Allemagne Fédérale le 16 Avril 1984, l'Italie
le 7 décembre 1984, l'Autriche le 4 décembre 1989.
Ces traités bilatéraux conclus par la Tunisie
expriment la volonté de l'Etat tunisien de couvrir le droit à la
santé par les assurances sociales pour tous les citoyens sans exclure
notamment les tunisiens à l'étranger qui
bénéficient de la couverture sociale par un régime complet
d'assurance sociale concernant la maladie, le décès,
l'invalidité, la retraite et les pensions de survivants. Ce
régime est institué par le décret n° 89-107 du 10
Janvier 1989, prouve que la couverture sociale en Tunisie est une couverture
non discriminatoire puisqu'elle n'exclut pas les tunisiens travaillant à
l'étranger ni leurs familles de la protection sanitaire3.
1 N. LADHARI, « Traité de
sécurité sociale », Connaissance pour tous, culture
juridique et sociale, Fondation nationale pour la traduction,
l'établissement des textes et les études Beït Al Hekma,
Carthage 1990, p. 202.
2 Ibid., p. 205-206.
3 Cf. A. MOUELHI, Op. cit., p.
106-107. Cf., Noë LADHRI, Op. cit., p. 201 et s.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 47
1 E. BOUSLAH, « La gestion du système de
sécurité sociale, restructuration et rationalisation »,
R.T.D. 1991, p. 261.
2 Cf. A. MOUELHI, Op. Cit, p. 94-113.
Ainsi, une recherche dans les autres sources du Droit tunisien
de la sécurité sociale permet de toucher l'importance
accordée au droit à la santé par les assurances sociales
en Tunisie.
Paragraphe 2 : LE DROIT A LA SANTE PAR LES ASSURANCES
SOCIALES DANS LES AUTRES SOURCES DE DROIT
Une reconnaissance explicite du droit à la santé
par les assurances sociales est faite dans les autres sources du droit, il
s'agit des lois (A), des règlements,
(B) et de la jurisprudence
(C).
A. Les lois
Depuis quelques années, le paysage juridique en
matière de sécurité sociale vient de subir des
modifications majeures pour un meilleur développement de la couverture
sociale. A cet égard, l'évolution de la sécurité
sociale s'est faite sur la base d'une application professionnelle d'assurances
sociales pour couvrir d'autres catégories socioprofessionnelles.
Une analyse des lois portant sur la consécration du
droit à la santé par les assurances sociales permet de remarquer
qu'il existe une multiplicité de régimes permettant de couvrir
des risques socioprofessionnels divers dont notamment les risques touchant
à la santé de l'assuré social et ses ayants droits, il
s'agit du risque maladie, du risque maternité et du risque accidents de
travail et maladies professionnelles.
« Le système tunisien de
sécurité sociale se caractérise par une structure
juridique et institutionnelle particulièrement
hétérogène et complexe »1. On peut
à ce propos distinguer entre deux secteurs : public et privé
d'une part et entre un régime général et des
régimes particuliers ou spéciaux2 d'autre part.
C'est par la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960
qu'est institué le régime général dans le secteur
privé en faveur des travailleurs salariés non agricoles, et par
la loi
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 48
n° 85-15 du 5 mars 1985 qu'est institué le
régime des pensions des agents du secteur public.
Ces deux régimes généraux permettent
d'assurer la couverture sociale pour la couche la plus importante de la
population et vont présenter la source d'inspiration du
législateur pour adopter des régimes spéciaux parmi
lesquels on évoque :
> Le régime des étudiants organisé par
la loi n° 65-17 du 28 juin 1965 telle que modifiée par la loi
n° 80-40 du 6 mai 1965.
> Le régime des salariés agricoles
organisé par la loi n° 81-6 du 12 février 1981.
> Le régime particulier à certaines
catégories de travailleurs dans les secteurs agricole et non agricole
qui n'étaient pas couvertes par la sécurité sociale
organisée par la loi n° 2002-32 du 12 mars 2002, des
employés de maisons, des employés par l'Etat, les
collectivités locales et les établissements publics à
caractère administratif qui ne sont pas couverts par un régime
légal de sécurité sociale des pêcheurs, des
agriculteurs, et des artisans.
> Le régime des artistes, des créateurs et
des intellectuels créé par la loi n° 2002104 du 30
décembre 2002.
> Le régime des membres de gouvernement
organisé par la loi n° 83-31 du 17 mars 1983.
> Le régime des gouverneurs organisé par la loi
n° 88-16 du 17 mars 1988
> Le régime députés organisé par
la loi n° 85-12 du 8 mars 1985.
Tous ces textes reconnaissent le droit à la
santé pour l'assuré social et ses ayants droits, et visent «
à protéger les travailleurs et leurs familles contre les
risques inhérents à la nature humaine susceptibles d'affecter les
conditions matérielles et morales de leur existence
»1.
La loi n° 60-30 dans son article 5 confère la
mission de promouvoir une action sanitaire et sociale à C.N.S.S. qui
accomplit cette mission par le biais des cotisations payées par les
assurés sociaux et les employeurs.
D'autres lois visent la reconnaissance et la protection du
droit du travailleur à la santé. A ce propos, le
législateur est intervenu d'abord par la loi n° 94-28 de 21
Février 1994 pour instituer un nouveau régime de
réparation des préjudices résultant
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 49
des accidents du travail et des maladies professionnelles,
ensuite par la loi n° 95-56 du 28 juin 1995 portant l'institution d'un
régime particulier de réparation des préjudices
résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles dans
le secteur public. Par la loi n° 2004-71 du 2 août 2004 portant
institution d'un régime d'assurance maladie la C.N.A.M. commence
dés le 1er juillet 2007 à prendre en charge «
les prestations de soins dans les secteurs public et privé et qui
sont nécessaires pour la sauvegarde de la santé
»2 des « assurés sociaux et de leurs
ayants droits, en se basant sur les principes de solidarité et
d'égalité des droits dans le cadre d'un système sanitaire
complémentaire qui englobe les prestations servies dans les secteurs
publics et privé de la santé »3.
Cette multiplicité de lois permet d'étendre la
couverture sociale au profit d'autres catégories sociales non couvertes
auparavant ce qui fait que malgré son option pour la conception
professionnelle de sécurité sociale le législateur
tunisien n'a pas économisé d'effort pour couvrir la
majorité des citoyens d'une part et pour développer la
législation sociale existante4, d'autre part.
Certes, il est nécessaire de relever l'importance des
règlements en tant que textes d'application des lois pour
concrétiser les mécanismes et les moyens nécessaires et
appropriés pour le développement de la sécurité
sociale et des assurances sociales en Tunisie.
B. Les règlements
L'application des lois est souvent précisée par
des décrets, d'autres décrets pourront étendre le champ
d'application de l'organisation de la sécurité sociale à
des catégories nouvelles de bénéficiaires
»5.
Ainsi, on peut à titre indicatif citer quelques
décrets qui ont permis l'application des lois d'une part et quelques
décrets qui ont institué des régimes particuliers de
sécurité sociale d'autre part.
1 Art. 1er de la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960.
2 Art. 4 de la loi n° 2004-71 de 2 Août
2004.
3 Art. 1er de loi n° 2004-71 de 2
août 2004.
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5 Art. 2 de la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 50
En application de la loi n° 60-30 du 14 décembre
1960 relative à l'organisation des régimes de
sécurité sociale, le décret n° 61-354 du 23 octobre
1961 approuve la Convention du 26 juin 1961 conclue entre le secrétariat
d'Etat à la santé publique et aux affaires sociales et la caisse
nationale de sécurité sociale. Cette Convention assure le droit
à la santé aux assurés sociaux en leur offrant un service
de soins auprès des « formations sanitaires et
hospitalières relevant du secrétariat d'Etat à la
santé publique et aux affaires sociales »1,
à condition de se munir « d'un carnet de soins familial
délivré au chef de famille par la caisse nationale
»2.
En application de la loi n° 60-30 telle que
modifiée par la loi n° 97-4 du 3 février 1997, notamment son
article 4, le décret n° 97-1645 du 25 août 1997, relatif
à la détermination des conditions et des modalités de
bénéficier de la réduction du taux de cotisation à
la sécurité sociale pour les entreprises assurant à leurs
salariés une couverture de soins de santé dans le cadre d'un
régime Conventionnel, prévoit une réduction de 2 points du
taux de cotisation au régime de sécurité sociale dont
bénéficient les employeurs assujettis à la loi n°
60-30 « assurant à leurs salariés ainsi qu'à
leurs ayants droit, une couverture en matière d'assurance maladie
ordinaire et d'accouchement, dans le cadre d'un régime Conventionnel.
Cette couverture doit également s'étendre aux enfants
handicapés du travailleur quelque soit leur âge
»3.
Par ce décret le pouvoir exécutif encourage les
employeurs à faire bénéficier leurs employés d'une
protection sanitaire suffisante pour eux et pour leurs ayants droits.
En application de la loi n° 65-17 du 28 juin 1965
étendant les régimes de sécurité sociale aux
étudiants, le décret n° 92-631 du 23 mars 1992 fixant les
conditions de bénéfice du régime de sécurité
sociale des étudiants, fixe une cotisation forfaitaire de deux dinars
pour faire bénéficier les étudiants d'un droit à
l'octroi des soins en cas de consultation ou d'hospitalisation4.
1 Art. 1er de la Convention.
2 Art. 6 de la Convention.
3 Art. 1er du décret n° 97-1645
du 25 août 1997.
4 La cotisation forfaitaire est élevé
à 5 dinars par le décret n° 2003-1544 du 2 juillet 2003
portant modification du décret n° 92-631 du 23 mars 1992.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 51
Toutefois, ce bénéfice d'un droit à la
santé est soumis à un âge limite de 28 ans révolus,
une limite qui, dans la logique de l'extension de la couverture sociale pour
laquelle a opté le législateur tunisien, paraît être
inexplicable.
En application de la loi n° 94-28 du 21 février
1994 portant régime de réparation des préjudices
résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles, le
décret n° 95-938 du 1er avril 1995, tel que
modifié et complété par le décret n° 99-1010
du 10 mai 1999, vient de fixer les taux de cotisation au régime de
réparation des préjudices résultant des accidents du
travail et des maladies professionnelles. Ces taux sont fixés selon les
secteurs d'activité et les cotisations sont calculées sur la base
des salaires.
Dans le secteur public, la loi n° 95-56 du 28 juin 1995
s'applique à tous les agents au service de l'Etat, des
collectivités locales et des établissements publics à
caractère administratif. Ces agents bénéficient de la
protection contre les risques professionnels sans aucune distinction
fondée sur la situation administrative, le sexe, la nationalité,
le mode de rémunération.
En application de cette loi, modifiée
ultérieurement par la loi n° 2000-19 du 7 février 2000, le
décret n° 2000-908 modifiant le décret n° 95-2487 du 18
décembre 1995 fixe la liste des entreprises et des établissements
publics dont leurs agents bénéficient de la protection en vertu
d'un nouveau régime de réparation des accidents de travail et le
décret n° 95-2488 du 18 novembre 1995 fixe la composition,
l'organisation et le mode de fonctionnement de la commission médicale
centrale.
De surcroît, d'autres décrets, en application des
dispositions constitutionnelles en vigueur1, visent l'extension de
la sécurité sociale à d'autres catégories
socioprofessionnelles. Ainsi, le décret n° 77-546 du 15 juin 1977
étend la sécurité sociale, notamment la protection
sanitaire, au profit des pêcheurs, des patrons pêcheurs ainsi
qu'aux armateurs. Cette extension s'est faite par application des dispositions
de la loi 60-30 au profit des trois catégories
précitées.
Le décret n° 95-1166 du 3 juillet 1995 relatif
à la sécurité sociale des travailleurs non salariés
dans le secteur agricole et non agricole prévoit dans son article 16 que
« les travailleurs non salariés des secteurs agricole et non
agricole qui
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 52
ne sont pas affiliés au titre de leur
activité non salariée à un régime légale
couvrant les mêmes risques », «
bénéficient des prestations du régime des assurances
sociales prévu par ... la loi n° 60-30 du 14 décembre 1960
»2 dont notamment l'assurance maladie.
L'extension de la sécurité sociale au profit des
étudiants boursiers poursuivant leurs études à
l'étranger s'est faite par le décret n° 81-840 du 18 juin
1981 qui dispose dans son article 1er qu' « une assurance
groupe maladie peut être contactée au profit des étudiants
tunisiens âgés de plus de 26 ans, bénéficiaires
d'une bourse nationale et poursuivant leurs études à
l'étranger ».
La consécration du droit à la santé faite
par des textes législatifs et réglementaires s'est faite aussi
par la jurisprudence.
C. La jurisprudence
La jurisprudence présente « la règle de
droit vivant, envisagée dans son exacte portée, telle qu'elle
ressort de l'interprétation qu'en donnent les magistrats à mesure
qu'ils tranchent les litiges, c'est-à-dire les conflits de
prétentions qui opposent les sujets de droit »3.
La jurisprudence en matière du droit de la
sécurité sociale se caractérisait par
l'éparpillement des compétences entre le juge administratif et le
juge judiciaire. Ainsi, les litiges opposant les agents du secteur public
à la C.N.R.P.S. étaient tranchés par le juge administratif
sauf en matière des accidents du travail et des maladies
professionnelles, là le juge judiciaire serait compétent.
D'autres litiges sont à la fois de la compétence
du juge judiciaire (cour d'appel) et de la compétence du tribunal
administratif en tant que cour de cassation, il s'agit des litiges qui opposent
les employeurs contre la C.N.S.S. en ce qui concerne les états de
liquidation qu'elle émet pour recouvrer ses créances.
Depuis l'adoption de la loi n° 2003-15 du 15
février 2003, portant création de l'institution du juge de la
sécurité sociale4, le législateur a
réussi à unifier dans une
1 Art. 35 de la constitution.
2 Art 1er du décret n° 95-1166
du 3 juillet 1995.
3 J-L. AUBERT, Introduction au Droit,
6ème éd, ARMAND COLIN, 1995, p. 125.
4 Pour plus de développement à propos de
l'institution du juge de sécurité sociale et notamment sa
compétence et son rôle quant à la protection des droits de
l'homme en matière de sécurité sociale voir à ce
propos :
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 53
large mesure, le contentieux de la sécurité
sociale. Une unification qui, en se basant sur la spécialisation du
contentieux, présente une garantie importante pour la protection des
droits de l'homme1, surtout que « l'institution du juge de
la sécurité sociale incarne l'idée de justice de
proximité qui a nettement marqué la volonté du
législateur »2.
Toutefois, ceci ne doit pas cacher le rôle important que
joue le juge cantonal dans la protection du droit de l'homme à la
santé puisqu'il conserve sa compétence lorsque le litige porte
sur le régime de réparation des accidents du travail et des
maladies professionnelles, qu'il s'agit des agents du secteur public ou des
agents du secteur privé. Par les lois relatives aux régimes de
réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles,
l'objectif de protection du travailleur pour lequel a opté le
législateur tunisien se concrétise par la compétence
accordée au juge cantonal pour l'examen « des contestations
relatives aux prestations de soins...et ce dans un délai de 15 jours
à partir de la date de dépôt de la plainte ».
Cette compétence d'attribution exclusive au profit du
juge cantonal, et ce quelque soit l'objet et le montant de la demande, est en
faveur des victimes des accidents de travail ou des maladies professionnelles
puisque le législateur cherche à faciliter l'accès aux
juridictions compétentes en cas de litige en simplifiant la
procédure judiciaire.
Ainsi, les décisions du juge cantonal et celles du juge
de la sécurité sociale ainsi que les décisions de la cour
de cassation surtout en matière d'accidents de travail semblent
présenter les premières pierres dans la construction d'une
jurisprudence en matière de sécurité sociale. Il semble
plutôt plus approprié de parler de quelques applications
jurisprudentielles reconnaissant le droit à la santé aux citoyens
par les assurances sociales.1
Dans ce sens la cour de cassation conditionne l'application du
régime des accidents de travail et des maladies professionnelles par
l'existence d'une relation de
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PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 54
travail entre l'employeur et le travailleur et par la
qualité d'assuré social auprès de la C.N.S.S.2.
Cette qualité d'assuré social permet la couverture du droit
à la santé pour l'assuré social ainsi que pour ses ayants
droit.
1 En Droit français, « la jurisprudence
en matière de santé et d'assurance maladie se présente
trop souvent sous des apparences complexes voir même ardues ». par
D. TABUTEAU, « Le droit à la santé quelques
éléments d'actualité », Dr. Soc. n° 4, 1991, p.
332.
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PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 55
Chapitre II : LA CONSECRATION DU DROIT A LA
SANTE POUR L'ASSURE SOCIAL ET
SES AYANTS DROIT
L'octroi des prestations de soins par les assurances sociales
s'étend à l'assuré social ainsi qu'à ses ayants
droit.
L'assuré social est protégé dans sa
santé sur le lieu du travail face aux risques professionnels
(Section II) et il est aussi protégé,
ainsi que ses ayants droit, face aux risques qui touchent la santé de la
famille (Section I).
Section I : LE CARACTERE FAMILIAL DE
L'ASSURANCE SOCIALE
Les risques sociaux couverts par l'assurance sociale et qui
peuvent toucher la santé de l'assuré social et la santé de
sa famille sont le risque maladie (Paragraphe 1) et
le risque maternité (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'ASSURANCE MALADIE
L'assuré social se trouve exposé au risque
maladie, c'est la sécurité sociale qui devrait lui procurer des
prestations en nature à savoir les soins de santé pour lui et
pour ses ayants droit. Les prestations (B) de
l'assurance maladie ont pour objet de rétablir et d'améliorer
l'état de santé de l'assuré social et ses ayants droit qui
en sont les bénéficiaires (A).
A. Les bénéficiaires
L'octroi des soins de santé en cas de maladie pour
l'assuré social ou l'un des membres de sa famille est assuré dans
des conditions et des limites prévues par la loi pour l'assuré
social, son conjoint, ses descendants et ses ascendants.
L'extension de la couverture en matière des prestations
de soins est confirmée par le nouveau régime d'assurance maladie
institué par la loi n°2004-71 du 2 août 2004. Cette loi
prévoit dans son article 4 : « Bénéficient du
régime d'assurance maladie prévu par la présente loi les
personnes suivantes :
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 56
? L'assuré social,
? le conjoint non divorcé et ne
bénéficiant pas au titre de son activité d'une couverture
légale obligatoire contre la maladie,
? les descendants de l'assuré social à charge
indiqués ci-dessous :
? Les enfants mineurs à condition de ne pas
bénéficier d'une couverture légale obligatoire contre la
maladie,
? La fille quelque soit son âge tant que son
obligation alimentaire n'incombe pas à son époux ou tant qu'elle
ne dispose pas de source de revenu,
? Les enfants portant un handicap les rendant incapables
d'exercer une activité rémunérée et qui ne
bénéficient pas d'une couverture légale obligatoire contre
la maladie au titre de leur activité.
? Les bénéficiaires d'une pension de
survivants en vertu d'un régime légal de sécurité
sociale et qui n'ont pas de couverture légale obligatoire contre la
maladie au titre de leur activité.
? Les ascendants à charge à condition qu'ils
ne soient pas soumis à titre principal à une couverture
légale obligatoire contre la maladie ».
Désormais, la couverture du droit à la
santé pour l'assuré social et ses ayants droit, qu'il soit
travailleur du secteur privé au travailleur du secteur public est la
même et paraît être fiable puisqu'elle permet aux
bénéficiaires d'octroyer les soins de santé
nécessaires pour leur assurer « un état de complet
bien-être physique mental et social ».
L'assurance sociale permet à ces personnes de
bénéficier des prestations en nature sous forme de soins de
santé fournis par les structures sanitaires publiques, les policliniques
de la caisse nationale de sécurité sociale et les structures
sanitaires privées.
B. Les prestations
Il est nécessaire de constater que les mesures prises
en matière d'assurance maladie depuis la réforme de 2004
permettent de garantir un droit d'accès aux soins de santé dans
un esprit d'équité par une responsabilisation mesurée des
bénéficiaires.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 57
Ainsi, la loi n°2004-71 du 2 août 2004 vise la
couverture par le régime de base de toutes les prestations ayant un
impact sur la santé de l'individu qu'il s'agisse de longues maladies,
d'interventions chirurgicales ou de maladies courantes ...
En application de cette loi l'arrêté du ministre
des affaires sociales, de la solidarité et des tunisiens à
l'étranger en date du 22 février 2006 vient d'approuver la
Convention cadre organisant les relations entre la caisse nationale d'assurance
maladie et les fournisseurs des prestations de soins. Cette Convention
prévoit dans son article 11 que les prestataires de soins s'engagent
à respecter le principe de non discrimination entre les assurés
sociaux et leurs ayant droits dans l'octroi des soins.1
Ces prestations sont servies, selon l'article 12 de ladite
Convention, selon les meilleurs conseils et les exigences de la qualité
et d'efficacité que nécessite l'état de santé du
bénéficiaire.
Les prestataires de soins doivent aussi garantir à
l'assuré social la meilleure qualité de soins que
nécessite son état de santé et ceci pour la
prévention, la guérison et la rééducation physique
de l'intéressé ainsi que de ses ayants droit.
Aussi bien dans le secteur public que dans le secteur
privé, désormais, la couverture du droit du citoyen à la
santé par l'assurance sociale, se fait dans le cadre d'un régime
de base d'assurance maladie. Ce régime est obligatoire et «
applicable aux assurés sociaux mentionnés dans les
différents régimes légaux de sécurité
sociale »2.
Ce régime obligatoire consacre le principe
d'égalité entre les assurés sociaux, mais laisse la
liberté de choisir le prestataire de soins approprié par
l'assuré social. Toutefois, cette liberté de choix est
délimitée par l'article 6 de la loi n°2004-71 qui dispose :
« sont fixées, par arrêté conjoint des ministres
chargés de la sécurité sociale et de la santé
publique, les listes des spécialités et des actes médicaux
et paramédicaux, des médicaments, de l'appareillage et des frais
de transport sanitaire
1 Lors de l'application du nouveau régime,
des problèmes peuvent surgir comme c'est le cas en Droit français
relativement au remboursement des frais, les tarifs, la révision des
Conventions v. à ce propos :
- X. PRETOT, « Le contentieux du changement du secteur
tarifaire des médecins spécialistes », Dr. Soc. n °
9/10, 2004, p. 877.
- S. BOISSARD, « Remboursement des dépenses de soins,
Dr. Soc. n° 3 mars 2001, p. 276.
- J. PEIGNE, les Conventions régissant le prix des
médicaments remboursables, Dr. Soc. n° 2, 2002, p.199.
2 Art. 2ème de la loi n°2004-71
du 2 août 2004.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 58
qui sont pris en charge par le régime de base et le
cas échéant leurs tarifs de référence ».
Ainsi, la liberté de choisir le prestataire est limitée par la
restriction de la liberté de choisir les prestations.1
La restriction à cette liberté est expliquée
doublement :
? Par la possibilité d'opter pour des régimes
complémentaires facultatifs qui couvrent les prestations de soins qui ne
rentrent pas dans le cadre du régime de base de l'assurance maladie,
ainsi que la partie des dépenses non prise en charge par ce
régime.
? Par la volonté du législateur de rationaliser
les dépenses de santé puisque la hausse dans la consommation des
soins de santé était l'une des causes majeures de la
réforme2.
C'est pour remédier aux défaillances du
système existant et en vue d' « assurer à toute la
population, sans aucune discrimination, un accès continu et
équitable à des soins de qualité et au moindre coût
pour l'individu et la collectivité » 3, que les
pouvoirs publics ont assigné l'objectif de réformer tout le
système de santé en Tunisie pour reconnaître le droit
à la santé à toute la population, traduisant ainsi les
valeurs d'équité et d'égalité entre les membres de
la société.
Actuellement et avec l'adoption des textes d'application de la
loi n°2004-71 du 2 août 2004 notamment le décret n°
2007-1367 du 11 juin 2007 fixant les modalités de prise en charge, ses
procédures et ses taux, l'assuré social bénéficie
des prestations services par le régime de base selon l'une des
modalités prévues par l'article 4 dudit décret.
Les prestations en nature qui permettent de conserver la
santé de l'assuré social ainsi que ses ayants droit sont
renforcées par des prestations en espèces sous forme de versement
en argent pour remplacer à l'assuré son salaire perdu durant sa
maladie.
Dans la même logique la femme en couches a droit
à des prestations en nature et à des prestations en
espèces.
1 Cf. D. TABUTEAU, « La liberté
tarifaire ? », Dr. Soc. n° 4, 2003, p. 424-426.
2 Cf. A. MOUELHI, Op. cit.,
p.306-307.
Pour plus de détails sur le coût de la
santé en Tunisie, v. M. CHAABANE, « Le financement de la couverture
maladie : état actuel et perspectives », R.T.D.S.
n°spécial sécurité sociale, n°10-2004, p.48 et
s.
3 M-H. ACHOURI, « Pourquoi réformer les
systèmes de santé » , La Revue de l'Entreprise,
n°spécial Hors série, Décembre 2001, p.5.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 59
Paragraphe 2 : LA MATERNITE
Un autre risque qui présente,
généralement, un heureux événement, peut affecter
la santé de la femme, qui, dans ce cas, a droit à des prestations
en nature et des prestations en espèce.
Pour octroyer ces prestations (B),
il faut remplir certaines conditions (A).
A. Les conditions d'octroi des prestations
La femme salariée a droit, en raison de son état
de grossesse ou de son accouchement, à des prestations ayant pour objet
d'améliorer sa santé.
De la même façon et parce que l'assurance sociale
a un caractère familiale, l'épouse de l'assuré social
bénéficie elle aussi des mêmes prestations, en cas de
grossesse ou d'accouchement que la femme salariée.
Les conditions d'octroi des prestations dans ce cas
ressemblent à celles exigées en cas de maladie. Cette
ressemblance s'explique par la ressemblance entre les problèmes
posés par l'accouchement et ceux posés par la maladie.
Aussi bien pour les prestations en nature que pour les
prestations en espèces, la femme doit avoir la qualité
d'assurée sociale et remplir, ainsi, la condition d'immatriculation,
qu'il s'agit d'une femme salariée du secteur public ou du secteur
privé.
La qualité d'assuré social, pour la femme
salariée ou pour son conjoint salarié, doit être
justifiée par une période de stage.
Cette période de stage est variable selon le
régime légal applicable. « La condition de stage est
généralement considérée comme nécessaire
pour éviter certains abus » 1, elle est ainsi
nécessaire pour prouver l'appartenance de l'assuré social
à un groupe d'assurés sociaux auquel s'applique un régime
légal de sécurité social bien identifié.
La femme assurée sociale du régime des
salariés non agricoles doit justifier d'une période de stage de
80 jours de travail pendant les quatre trimestres précédant celui
de l'accouchement2.
1 A. MOUELHI, Op. cit., p.270.
2 Art. 78 de la loi n°60-30 du 14 décembre
1960 tel que modifiée par la loi n°70-34 du 9 juillet 1970.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 60
La femme assurée sociale du régime agricole
doit, elle aussi, justifier d'une période de stage de deux trimestres de
cotisations au moins pendant les quatre trimestres précédant
celui de l'accouchement1.
La femme assurée sociale du régime des non
salariés doit justifier d'une période de stage de quatre
trimestres de cotisations avant le trimestre de l'accouchement2.
Ainsi, ayant la qualité d'assurée sociale et
répondant à la condition de stage exigée, la femme en
état de grossesse ne peut avoir droit à une indemnité de
couche pour la période prénatale qu'à partir de la date
d'envoi ou de la remise à la C.N.S.S. d'une attestation
délivrée par un médecin ou une sage femme indiquant la
date probable de l'accouchement, et pour la période post-natale
qu'après l'envoi ou la remise, dans le délai d'un mois de
l'accouchement, d'une copie de l'acte de naissance du nouveau-né.
Ainsi, les conditions exigées pour
bénéficier des prestations en cas d'accouchement permettent
d'identifier les bénéficiaires des soins de santé ainsi
que des indemnités de couches dans les différents régimes
de sécurité sociale.
On remarque à ce propos que le Droit tunisien de la
sécurité sociale ne couvre par l'assurance maternité que
la femme salariée qui bénéficie des prestations en nature
ainsi que la femme épouse de l'assuré social. Ceci contrairement
au Droit français qui permet de couvrir la femme assurée sociale,
l'épouse, la fille ou la belle fille d'un assuré social si elles
sont à sa charge, ce qui fait preuve du caractère familial de
l'assurance maternité3. Toutefois, en Droit tunisien ainsi
qu'en Droit français, les prestations en espèces ne sont
reconnues que pour la seule femme salariée pour compenser une perte de
salaire pendant la période de suspension de l'activité en raison
de l'accouchement.
L'assurance maternité permet aux
bénéficiaires précités d'octroyer soit des
prestations en nature ou en espèces soit les deux à la fois.
1 Art. 31 de la loi n°81-6 du 12 février
1981, organisant les régimes de sécurité sociale dans le
secteur agricole.
2 Art. 17 al. 2ème du
décret n°95-1166 du 3 juillet 1995 relatif à la
sécurité sociale des travailleurs non salariés dans les
secteurs agricole et non agricole.
3 J.J. DUPEYROUX - X. PRETOT,
Sécurité sociale, cours élémentaire,
10ème éd. SIREY, 2000, p.67.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 61
B. Les prestations
Il est certain que la conservation de la santé et la
protection de la femme enceinte ou lors de son accouchement sont garanties par
les prestations en nature (a), puisque l'octroi des
soins de santé permet de consacrer le droit de la femme à la
santé lors d'un événement qui ressemble à la
maladie dans ses effets. Mais ceci ne peut pas nier l'importance que
présentent les prestations en espèces (b)
pour la femme lors de l'accouchement puisque la suspension de
l'activité professionnelle sans prévoir des indemnités de
remplacement en espèces peut tarder la guérison de la femme et
compliquer la récupération de son état de santé le
plus favorable.
Les prestations en nature
Les prestations en nature prennent la forme de l'octroi des
soins en cas de consultation ou d'hospitalisation pour la femme assurée
sociale ainsi que pour son nouveau-né. Ces prestations ressemblent
à celles de l'assurance maladie, elles consistent en l'accès aux
consultations externes, aux soins nécessaires pour la femme dans la
phase prénatale et dans la phase post-natale.
Le droit à l'hospitalisation est reconnu par le
décret n° 2007-1367 du 11 juin 2007 pour la femme enceinte à
cause de son état de grossesse ou de son accouchement. Ce droit à
l'hospitalisation et aux soins est l'expression d'un droit à la
santé reconnu par la Convention n°103 de l'O.I.T. sur la protection
de la maternité.
Les prestations en espèces
Ces prestations prennent la forme d'une indemnité
journalière dite « indemnité de couches »
destinée à compenser partiellement la perte temporaire de la
capacité de gain professionnel.
Durant la période de son absence pour cause de
maternité, la femme assurée sociale a droit, si elle satisfait
les conditions requises, à des prestations en espèce se
substituant au revenu professionnel suspendu.
L'indemnité de couche est destinée à
inciter la femme à se reposer avant et après l'accouchement pour
protéger sa santé et conserver la santé du
nouveau-né.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 62
Cette indemnité est versée selon certaines
modalités, elle est mensuelle et n'est pas de la même proportion
de salaire.
Dans le secteur public, le régime de l'assurance
maternité organisé en faveur de la femme exerçant dans le
secteur public, lui maintient, pendant une période de congé
fixée à deux mois, la totalité de son traitement.
Au-delà de ces deux mois, la femme salariée perçoit la
moitié de son salaire pendant quatre mois de congé. Certes, il y
a lieu de soulever la différence de traitement eu égard les
agents temporaires et les agents contractuels puisque ces deux
catégories d'agents du secteur public ne bénéficient pas
de la même durée de congé face au même risque de la
même façon que les agents permanents1. Ceci pourrait
s'expliquer par la durée déterminée du contrat ou le
caractère temporaire du travail, mais l'inégalité de
traitement n'est pas toujours justifiée puisque dans la
quasi-majorité des cas cette situation aléatoire peut durer dans
le temps pendant des années2.
Dans le secteur privé, le régime de l'assurance
maternité reconnaît à la femme en état de grossesse
ou lors de son accouchement un droit à une indemnité de couches.
Cette « indemnité journalière est égale à
50% du salaire journalier forfaitaire » 3 mentionnée dans
l'article 30 de la loi n°81-06 du 12 février 1981 organisant les
régimes de sécurité sociale dans le secteur agricole telle
que modifiée et complétée par les textes
subséquents.
L'indemnité de couche dans la loi n°60-30 du 14
décembre 1960 relative à l'organisation des régimes de
sécurité sociale, est « égale aux 2/3 du salaire
journalier moyen fixé conformément aux dispositions des articles
88 à 90 » 1 de ladite loi.
On peut nettement remarquer qu'il y a une ressemblance entre
le risque maternité et le risque maladie tant au niveau des prestations
en nature qu'au niveau des prestations en espèce. «
L'indemnité de couches est calculée sur les mêmes
bases
1 L'agent temporaire a droit à un
congé de maladie ordinaire de deux mois à plein traitement et 4
mois à demi-traitement, alors que l'agent contractuel n'a droit
qu'à un seul mois de congé à plein traitement comme le
prévoit la loi n°83-112 du 12 décembre 1993 portant statut
général des personnels de l'Etat, des collectivités
locales et des établissements publics à caractère
administratif telle que modifiée par la loi n°97-83 du 20
décembre 1997.
2 La circulaire n°3 du 23 janvier 1998 du
premier ministre vient préciser les procédures d'octroi et de
calcul des périodes de congé de maladie ordinaire pour les
fonctionnaires de l'Etat. V. à ce propos, A. MOUELHI, Op. cit.,
p.276277.
3 Art. 35 de la loi n°81-06 du 12 février
1981 organisant les régimes de sécurité sociale dans le
secteur agricole.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 63
que l'indemnité de maladie, elle est exactement du
même montant » 2, et est payable mensuellement pour
aider la femme assurée sociale à confronter ses besoins vitaux
dont notamment la conservation de sa santé et celle de son
nouveau-né.
En Droit français, l'assurance maternité ouvre
droit, pour la femme assurée sociale, au bénéfice
d'indemnités journalières calculées selon des
modalités plus favorables qu'en matière d'assurance maladie.
Ainsi son montant est égal au montant du gain journalier de base,
diminue du montant de la part salariale des cotisations légales c'est
à dire l'indemnité correspond au salaire net. Alors que pour la
durée du congé3 de maternité elle est de 16
semaines (6 avant l'accouchement et 10 après). Lorsque la naissance est
celle d'un deuxième enfant pour la même famille la durée du
congé est de 26 semaines (8 avant et 16 après). Enfin, en cas de
naissance de jumeaux 34 semaines (12 avant et 22 après) et en cas de
triple 46 semaines (24 avant et 22 après).
L'analyse des durées d'octroi des prestations en
espèces permet ainsi de distinguer entre des catégories de
bénéficiaires selon le nombre des enfants nouveaux-nés et
en fonction du classement du nouveau-né.
En Droit tunisien, la période d'octroi des prestations
en espèces varie selon le secteur d'activité de la femme
salariée, et n'est en aucun cas fixée en fonction du nombre des
nouveaux-nés par famille.
Les critères de distinction établis en Droit
tunisien ou ceux établis en Droit français sont des
critères de choix objectifs qui ne traduisent pas l'exigence
d'égalité mais plutôt une exigence de justice traduite par
l'équité4.
De surcroît, face à ces risques à
caractère familial, le travailleur peut se trouver face à des
risques à caractère professionnel. L'assurance sociale
présente dans ce cas la meilleure garantie pour sauvegarder la
santé et le bien être physique du travailleur assuré
social.
1 Art. 82 de la loi n°60-30 du 14 décembre
1960 telle que modifiée par la loi n°81-05 du 12 février
1981.
2 N.LADHARI, Op. cit., p.103.
3 La durée du congé de maternité
a été allongée à plusieurs reprises en dernier lieu
par la loi du 25 juillet 1994.
4 A. SEFI, Le système de
sécurité sociale portée et limites, éd. U.G.T.T.
avec la collaboration de Freidrich Ebert, p.47, elle distingue entre
l'équité et l'égalité et voit que selon la
pensée d'Aristote « l'équité traduit mieux
l'exigence de justice que l'égalité ».
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 64
Section II : L'ASSURANCE SOCIALE MOYEN DE PROTECTION DU
TRAVAILLEUR FACE AUX RISQUES PROFESSIONNELS
Au cours de l'exercice de son activité professionnelle,
le travailleur assuré social peut se trouver exposé à deux
risques majeurs ; il s'agit des maladies professionnelles et des accidents du
travail.1 A ce propos, deux régimes légaux de
réparation des dommages résultant des risques professionnels dans
les secteurs public et privé sont institués dans la
législation tunisienne et sont gérés par la C.N.A.M. comme
le prévoit l'article 8 de la loi n°2004-71 du 2 août 2004
portant institution d'un régime d'assurance maladie.
Ainsi l'identification des risques professionnels
(Paragraphe 1) permet de soumettre les travailleurs
assurés sociaux et victimes de maladies professionnelles ou d'accidents
du travail à un régime de réparation de ces risques
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'IDENTIFICATION DES RISQUES
PROFESSIONNELS
Le régime de réparation des accidents du travail
et des maladies professionnelles a connu sous l'égide de la loi
n°57-73 du 11 décembre 1957 des imperfections2 qui ont
nécessité une intervention législative par la loi
n°94-28 du 21 février 1994 dans le secteur privé et la loi
n°95-56 du 28 juin 1995 dans le secteur public3.
L'identification des risques professionnels permet de
distinguer entre les lésions à caractère professionnels et
les autres lésions qui n'ont pas eu lieu à l'occasion de
l'exercice de l'activité professionnelle.4 Cette distinction
permet de
1 Cf. M. TARCHOUNA, « La
problématique des droits de l'homme en Droit du travail », R.T.D.S.
n° 7, 1995, p 53-73.
2 M. KAAK, « La sécurité sociale en
Tunisie », Revue Tunisienne du service public (servir), n° 13, 1973,
p 50.
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3 La loi n°95-56 du 28 juin 1995 relative au
régime de réparation des accidents de travail et des maladies
professionnelles dans le secteur public reprend les mêmes
définitions retenues dans le secteur privé et qui sont
prévues par la loi n°94-28 du 21 février 1994. il s'agit des
mêmes définitions prévues par la loi de 1957.
4 Cf. C. JAQUES, « Travail et
santé, le point de vue d'un médecin » et N. MAGGI - GERMAIN,
« Travail et Santé : le point de vue d'une juriste », Dr.
Soc. n° 5 mai 2002, p. 479 et s.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 65
protéger le travailleur en cas d'accident du travail
(A) ou en cas de maladie professionnelle
(B).
A. Identification de l'accident du travail
La présentation d'une définition de l'accident
du travail (1) implique l'analyse des critères
de sa qualification (2).
1. La définition de l'accident du
travail
Dans le secteur public ainsi que dans le secteur privé,
le législateur tunisien prévoit deux régimes
différents mais qui se ressemblent.
Cette ressemblance fait que la définition prévue
par l'article 3 de la loi n°94-28 est presque la même que
prévoit l'article 3 de la loi n°95-56. Ainsi aux termes de la loi
de 1994 alinéa 1er, « est considéré
comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause ou le lieu de survenance
l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à tout
travailleur quand il est au service d'un ou de plusieurs employeurs
», et aux termes de la loi de 1995 « est
considéré accident de travail, l'accident qui survient à
l'agent par le fait ou à l'occasion du travail quels qu'en soient la
cause et le lieu » 1.
Par ces définitions, le législateur tunisien
adopte une conception large de l'accident du travail, visant tout accident
lié, d'une manière ou d'une autre au travail. C'est la même
conception adoptée par le législateur français dans
l'article 411-1 du code de la sécurité sociale2.
La jurisprudence, devant cette couverture étendue, a
été amenée à préciser encore plus cette
notion d'accident du travail.
Cette définition jurisprudentielle suscite l'analyse
des critères de qualification de l'accident du travail.
Les critères de qualification de l'accident du
travail
La définition retenue par la Cour de cassation
française met en relief des critères d'identification de
l'accident du travail qui présentent les éléments de sa
1 M. ZIADI, « Sur la preuve des accidents de
travail », mémoire de D.E.A. à la Faculté de Droit de
Sfax, 2000.
2 J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT, Op. cit.,
p.81.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 66
définition. Il s'agit du critère de la
soudaineté, le critère de la violence, le critère
d'extériorité et le critère de l'existence d'une
lésion corporelle.
L'évolution de la jurisprudence ainsi que la doctrine a
permis de réduire ces éléments de définition
essentiellement à deux critères : la soudaineté et la
lésion corporelle1.
> Le critère de la
soudaineté
La notion d'accident suppose la soudaineté de
l'événement, ce qui permet de localiser l'accident dans le temps
et dans l'espace et par la suite identifier l'accident avec précision
par sa date et par le lieu dans lequel il s'est produit.
La soudaineté permet de distinguer l'accident de la
maladie professionnelle qui présente un événement
progressif dont l'origine ne peut pas être localisée dans le temps
et dans l'espace avec autant de précision.
Il est à noter, aussi, que la soudaineté
caractérise la survenance du fait et non pas la lésion puisque la
lésion corporelle peut être constatée progressivement et
ultérieurement à l'accident2.
> Le critère de la lésion
corporelle
La lésion corporelle est la raison d'être du
régime de réparation des accidents du travail. C'est une
condition nécessaire pour qualifier l'accident d'accident du travail.
« En effet, pour qu'il y ait accident du travail il doit y avoir une
lésion corporelle » 3.
1 A ce propos J.J. DUPEYROUX analyse
l'évolution jurisprudentielle relative aux critères
d'identification des accidents du travail et le rejet des critères
classiques pour retenir le critère de la soudaineté et la date
certaine et le critère de la lésion corporelle, V. J.J.DUPEYROUX,
Op.cit., p.414-424.
- La notion d'accident a été diversement
appréciée par la Cour de cassation française, dans un
premier temps, une action violente et soudaine causée par un
événement extérieur et provoquant une lésion de
l'organisme était exigée (Cass.soc. 20 mars 1952). Les
critères de violence et d'extériorité sont aujourd'hui
délaissés, deux exigences demeurent posées : une action
soudaine et une lésion corporelle (Cass. Soc. 24 avril 1969,
n°68-11090).
2
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- J.J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale,
Op. cit., p.424 : « La jurisprudence de la cour suprême
fait jouer une autre présomption : les lésions apparues dans un
"temps voisin"de la période de travail au cours de laquelle est survenu
un accident dont la " matérialité" est établie par la
victime ou ses ayants droit...sont présumées en être la
conséquence, sous réserve de la preuve du contraire
».
3 S. BLEL, Le nouveau dans le régime de
réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles, éd. les imprimeries de la presse, 1995, p.20.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 67
Cette lésion « s'entend de toutes atteintes
à l'intégrité physique de la victime »
1, il s'agit alors de toutes injures, blessures, brûlures,
intoxications, fractures, surdité, troubles physiologiques ou nerveux
... et en général toute atteinte à l'organisme humain du
travailleur lors de l'exercice de son travail.
La constatation de la lésion corporelle est facile
à prouver par un simple examen médical et/ou par des
témoignages directs2.
La législation de sécurité sociale dans
un souci protectionniste du travailleur lui a offert une protection aussi bien
sur les lieux du travail que dans le trajet liant le domicile et le travail.
L'accident de trajet intervient par définition en
dehors de l'entreprise sur un parcours protégé par la loi du 21
février 1994 qui définit sommairement l'accident de trajet en
prévoyant que : « est également considéré
comme accident du travail, l'accident survenu au travailleur alors qu'il se
déplaçait entre le lieu de son travail et le lieu de sa
résidence pourvu que le parcours n'ait pas été interrompu
ou détourné par un motif dicté par son
intérêt personnel sans rapport avec son activité
professionnelle » 3.
Le trajet protégé est généralement
le chemin parcouru habituellement par le salarié et qui devrait
être le plus court possible dans le temps et dans l'espace entre le lieu
de travail et le lieu de résidence du travailleur.
Ainsi, la protection contre les accidents du travail et les
accidents du trajet peut présenter une meilleure garantie pour le
travailleur face aux risques inhérents à son activité
professionnelle, et même si le législateur a opté pour une
conception restrictive de l'accident du trajet, l'option pour une conception
large de l'accident du travail paraît présenter un certain
degré de satisfaction pour les travailleurs face à ces
risques.
Notons, enfin, que l'intégration des risques
professionnels dans le cadre des assurances sociales obéit à
l'idée d'un traitement privilégié de la victime, ceci est
vrai aussi pour les maladies professionnelles.
1 Yves SAINT- JOURS, « L'influence de
l'évolution technologique sur la législative des accidents du
travail », Droit ouvrier, janvier 1992.
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3 Art. 3 de la loi n°94-28 du 21 février 1994.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 68
B. Identification des maladies professionnelles
Telle que définie par la loi n°94-28 et la loi
n°95-56, la maladie professionnelle est « toute manifestation
morbide, infection microbienne on affection dont l'origine est imputable par
présomption à l'activité professionnelle de la victime
» 1.
La maladie professionnelle, ainsi définie
(1), doit être due au travail et se
développer dans les conditions habituelles de ce dernier. Elle doit
aussi figurer dans la liste des maladies professionnelles
(2).
1. Définition de la maladie professionnelle
Le législateur tunisien a défini les maladies
professionnelles dans la loi n°9428 du 21 février 1994 dans son
article 3 alinéa 3, une définition qui est la même que
celle adoptée par le législateur marocain dans le Dahir du 29
septembre 1952.
Le législateur français, quant à lui, n'a
pas donné une définition générale de la maladie
professionnelle mais a fixé des critères d'identification des
maladies professionnelles2.
La maladie doit :
Faire partie des maladies professionnelles limitativement
énumérées par les règlements.
Présenter toutes les manifestations
énumérées par le tableau correspondant.
Etre évoquée par certains travaux, lesquels
sont indiqués dans les tableaux relatifs à chaque maladie.
Apparaître dans un délai donné : le
délai de prise en charge3.
La législation tunisienne, en harmonie avec les textes
internationaux, notamment les Conventions de l'O.I.T. et la Convention n°7
de l'organisation arabe du travail relative à la sécurité
et la santé au travail4, paraît être protectrice
du travailleur puisqu'elle se caractérise par la souplesse dans la
charge de la preuve. A ce propos, il existe une présomption qui dispense
la victime de la charge de preuve et
1 Art. 3 al. 3 de la loi n°94-28 du 21
février 1994 et la loi n°95-56 du 28 juin 1995.
2 V. à ce propos, pour plus de
détails sur la définition et les différents courants
d'identification des maladies professionnelles :
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3 Encyclopédie Dalloz : Travail
(Hygiène), p.11.
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PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 69
qualifié de professionnelle toute maladie ayant un lien
de causalité avec le travail et figure parmi les maladies
indiquées dans la liste des maladies professionnelles1.
La maladie pour qu'elle soit qualifiée de
professionnelle doit aussi apparaître dans « le délai de
prise en charge pendant lequel le travailleur ou assimilé demeure en
droit d'obtenir la réparation des maladies professionnelles dont il
serait atteint quand il ne serait plus exposé aux causes de la maladie
» 2.
Ainsi présentée, la liste des maladies
professionnelles présente un élément de
référence pour identifier le caractère professionnel de la
maladie. Cette liste est limitative et peut, par la suite, priver des victimes
de certaines maladies ne figurant pas dans cette liste de leur droit à
la réparation des préjudices causés par ces
maladies3.
2. La liste des maladies professionnelles :
La loi n°94-28 du 21 février 1994 dans son article
3 alinéa 4 prévoit que : « La liste des maladies
présumées avoir une origine professionnelle ainsi que celle des
principaux travaux susceptibles d'en être à l'origine, est
fixée par arrêté conjoint des ministres de la santé
publique et des affaires sociales.
Cette liste fixe également le délai de prise
en charge pendant lequel le travailleur ou assimilé demeure en droit
d'obtenir la réparation des maladies professionnelles dont il serait
atteint quand il ne serait plus exposé aux causes de la maladie.
Cette liste est révisée
périodiquement et au moins une fois tous les trois ans ».
La liste des maladies est donnée sous forme de tableaux
qui portent indication des affections considérées comme
professionnelles, des travaux susceptibles de les provoquer et de la
durée d'incubation.
En application de la loi n°94-28, un arrêté
conjoint des ministres de la santé publique et des affaires sociales du
10 janvier 1995 complété ensuite par l'arrêté du 15
avril 1999 vient de fixer la liste des maladies professionnelles. Il s'agit de
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2 Art. 3 al. 5 de la loi n°94-28.
3 R. BEL HADJ AMOR, « Maladies professionnelles
», R.J.L. Février 2004, p.15.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 70
tableaux au lieu de 49 tableaux dans la loi de
19571, ce qui traduit l'évolution que connaît la
médecine d'une part dans la conquête de nouvelles maladies et
d'autre part la conscience du législateur tunisien de cette
évolution.
La présentation des maladies sous forme de
tableaux2 permet d'identifier le lien de causalité entre les
maladies d'une part et les travaux susceptibles de les provoquer d'autre
part3. Ces maladies sont énumérées à
titre limitatif, c'est pour cela qu'une révision périodique
à cette liste est prévue par l'article 3 alinéa dernier au
moins une fois tous les trois ans. Ainsi donc, la liste serait évolutive
et conforme aux évolutions de la médecine et à la
diversité des risques professionnels. Certes, les tableaux des maladies
professionnelles comportent aussi une liste des travaux susceptibles de
provoquer ces maladies, cette liste est à titre indicatif et n'est pas
limitative, ce qui permet de considérer maladie professionnelle
l'affection figurant dans la liste énumérée par
l'arrêté du 10 janvier 1995 sans que l'activité de la
victime n'y figure explicitement.
Dans ce cas, il serait nécessaire d'établir la
preuve d'une relation de cause à effet entre l'affection et le travail
de la victime4 pour pouvoir qualifier la maladie de
professionnelle.
Toutefois, la périodicité de révision de
la liste des maladies professionnelles permet de cerner davantage les nouvelles
maladies d'origine professionnelle. La loi oblige les médecins qui
découvrent une maladie professionnelle figurant ou non sur la liste d'en
informer l'inspection médicale du travail5. Cette obligation
à la charge des médecins permet de protéger les droits des
victimes afin qu'ils soient protégés par le régime de
réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
On peut ainsi noter que la loi de 1994 a introduit deux
innovations de taille, d'une part l'élargissement de la liste des
maladies professionnelles et d'autre part la
1 La loi n°57-73 du 11 Décembre 1957
relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
2 De la même manière le
législateur français évoque la liste des maladies
professionnelles sous forme de nombreux tableaux, v. à ce propos. J.J.
DUPEYROUX, Op. cit.
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5 R. BEL HADJ AMOR, « Maladies professionnelles
», R.J.L., Février 2004, p.16.
- V. aussi. S. BLEL, Le nouveau dans le régime de
réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles
dans les secteurs public et privé, 1ère
éd., 1995, p.22-23.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 71
périodicité de révision de cette
liste1. Mais elle laisse soumises au régime d'assurance
maladie des affections qui pourront être considérées
d'origine professionnelle dans l'avenir puisqu'elles ne figurent pas dans la
liste au moment de la constatation de la maladie.
Si le législateur est innovateur dans l'identification
de la maladie professionnelle et précis dans l'identification de
l'accident du travail, quel régime de réparation
prévoit-il face à ces deux risques ?
Paragraphe 2 : LA REPARATION DES RISQUES PROFESSIONNELS
Avec la loi de 1994, qui a intégré les risques
professionnels dans le cadre des assurances sociales, le législateur a
accordé beaucoup plus d'intérêt à la question de la
prévention. Cette prévention s'est traduite par l'organisation
d'un dispositif incitant à la prévention qui se complète
avec les mécanismes de répression d'une part, et le partage des
responsabilités entre les parties concernées par la question de
prévention d'autre part2.
Toutefois, la prévention3 ne peut pas
empêcher, toujours, la survenance de l'accident ou de la maladie
professionnelle. C'est pour cela que la nouvelle législation relative
aux accidents du travail et aux maladies professionnelles a reconnu aux
victimes de ces risques un droit à la réparation
(A) et à des prestations qui diffèrent
selon l'état de santé de la victime
(B).
A. Un droit à la réparation
La marginalisation des modes de règlement du droit de
la victime à la réparation du préjudice qu'il a subit,
sous l'égide de l'ancienne législation4, a
nécessité une intervention législative instituant trois
modes de règlement du droit à la
1 R. BEL HADJ AMOR, Art. Préc., p.16.
2 A. MOUELHI, La réforme du régime de
réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles en
Droit tunisien, R.J.L, Mars 1996, p.66.
- V. aussi à ce propos : S. BLEL, Op. cit.,
p.60-66 (dans le secteur privé ) et p.107-108 (dans le secteur
public).
3 Cf. Y. SAINT-JOURS, La
sécurité sociale et la prévention des risques sociaux, Dr.
Soc. n° 6, 1994, p.594 et s.
4 « La nouvelle loi vient remédier aux
insuffisances constatées par l'ancienne réglementation où
la procédure de règlement a constitué un handicap majeur
pour les victimes et leurs ayants-droit », S. BLEL, Op.
cit., p.67.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 72
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réparation à savoir le règlement
automatique (1), le règlement à
l'amiable (3) et le règlement judiciaire
(2) qui prévalait, seul, sous l'égide
de la loi de 1957.
1. Le règlement automatique
A ce stade, on peut observer nettement deux régimes
différents. Le premier est applicable dans le secteur privé par
la loi de 1994 (a) et le deuxième est
applicable dans le secteur public par la loi de 1995 (b)
1.
a. Le règlement automatique dans le secteur
privé
L'article 67 de la loi du 21 février 1994 oblige la
caisse nationale de prendre en charge les frais de transport, de soins et les
prothèses nécessités par l'état de santé de
la victime, d'une part, et de servir les indemnités journalière
sur la base des salaires déclarés d'autre part, et ce à
partir de la date de réception de la déclaration de l'accident ou
de la maladie professionnelle.
Le même article prévoit que : « en
l'absence de déclaration des salaires, les indemnités sont
fixées sur la base des salaires légaux perçus par un
travailleur de même catégorie professionnelle et de la même
branche d'activité que la victime ».
A la consolidation des blessures ou guérison apparente
de la maladie, le dossier médical de la victime est transmis à la
commission médicale prévue par l'article 38 de la loi de 1994 et
organisée par le décret n°95-242 du 13 février
1995.
Dans le délai d'un mois à partir de la date de
la décision de cette commission, la caisse doit informer la victime ou
ses ayants-droit de la nature de la réparation, son montant et la date
du paiement1, sinon les motifs de non réparation.
b. Le règlement automatique dans le secteur
public
Aux termes de l'article 4 de la loi n°95-56 du 28 juin
1995, « il est institué au premier ministre une commission
médicale centrale chargée de donner son avis sur la nature de
l'accident ou de la maladie professionnelle, sur leur imputabilité
à l'activité professionnelle et sur leurs conséquences.
Elle donne également son avis sur le taux de l'incapacité
survenue à la victime ».
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 73
Le législateur dans ladite loi a cherché
à assurer aux victimes des risques professionnels la protection la plus
large puisque la victime doit informer de l'accident ; « quelle que
soit sa gravité » 2, son employeur, lequel doit
déclarer l'accident auprès de la commission médicale
centrale « même s'il n'a entraîné ni arrêt de
travail, ni prestation de secours et de soins » 3.
La commission médicale centrale, suite à la
déclaration de l'accident, et dans le délai d'un mois, doit
étudier le dossier et donner son avis sur la nature professionnelle de
l'accident.
Le caractère professionnel de l'accident ou de la
maladie est fixé par arrêté du premier ministre dans un
délai de vingt jours ouvrables à compter de la date de
l'émission de l'avis de la commission médicale.
Toutefois, la pratique montre nettement que la centralisation
des risques professionnels auprès d'une seule commission centrale, et le
nombre important des accidents du travail et des maladies professionnelles dans
le secteur public semblent être les causes du retard que l'on peut
constater quant au règlement des droits des victimes4.
Certes, l'article 4 de la loi de 1995 prévoit la
possibilité de créer « par décret des commissions
médicales régionales ou sectorielles dotées des
mêmes attributions que la commission médicale centrale dans la
limite d'une région ou d'un secteur déterminé ».
Cette possibilité peut présenter une solution pour
remédier aux insuffisances du système actuel.
2. Le règlement judiciaire
Des litiges peuvent surgir entre la victime d'une part et la
caisse de sécurité sociale ou l'employeur d'autre part
relativement à la réparation des préjudices
résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles.
1 En application de la loi n°94-28 un
arrêté du ministre des affaires sociales du 30 Décembre
1994 vient de fixer le modèle du titre de règlement des droits
à réparation des préjudices des accidents du travail et
des maladies professionnelles.
2 Art. 33 Al. 1er de la loi de 1995.
3 Art. 33. Al dernier de la loi de 1995.
4 Dans certains cas l'arrêté du
premier ministre relatif à la détermination de la nature
professionnelle du risque est pris quelques mois parfois même quelques
années après la survenance du risque et la déclaration de
l'employeur.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 74
L'examen de ces litiges est de la compétence exclusive
du juge cantonal qui, aux termes de l'alinéa 2ème de
l'article 76 de la loi de 1994, « examine en dernier ressort et
quelque soit le montant de la demande, les contestations relatives aux
prestations de soins, aux frais funéraires, aux indemnités
journalières et à la détermination du salaire, et ce dans
un délai de 15 jours à partir de la date de dépôt de
la plainte ».
Le procédé du règlement judiciaire se
caractérise par sa simplicité (une juridiction de voisinage et
des délais relativement courts) et par le caractère
exécutoire des décisions du juge cantonal en raison du
caractère alimentaire des prestations du régime de
réparation des préjudices professionnels, ceci est
indépendamment de tout recours en appel.
La même procédure de règlement est
prévue par la loi n°95-56 du 28 juin 1995 relative aux risques
professionnels dans le secteur public dans ses articles 43 à
47.1
3. Le règlement à l'amiable
Un autre procédé de règlement dit
à l'amiable est prévu par la législation des accidents du
travail et des maladies professionnelles. Ce procédé est propre
aux travailleurs du secteur privé et n'est pas applicable à ceux
du secteur public2.
La loi n°28 de 1994 prévoit, dans ses articles 72
et suivants, la possibilité pour « les
bénéficiaires d'indemnités permanentes, individuellement,
ou ensemble, l'employeur ou la caisse nationale, après la survenance de
l'accident ou l'apparition de la maladie, après achèvement des
soins nécessaires et détermination définitive du taux
d'incapacité permanente et à l'expiration du délai de
révision prévu à l'article 24 (de la même
loi)... de convenir à l'amiable de servir l'indemnisation sous forme
de capital à la victime ou à ses ayants-droit, si le taux de
l'incapacité permanente est inférieur ou égal à
35%. Le capital dû est fixé conformément au tableau de
conversion des rentes prévu à l'article 81 de la présente
loi »1.
Le règlement à l'amiable se présente
ainsi comme un mode avantageux aussi bien pour la victime que pour
l'administration ; pour la victime, ce mode lui permet
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2 V. aussi le même Art., p.83.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 75
de fructifier ce capital dans la mesure où le taux
d'incapacité permanente n'est pas très élevé et la
victime peut poursuivre son activité et pour l'administration, ce mode
lui permet de classer définitivement le dossier et alléger par la
suite la gestion des dossiers des victimes ayant un taux d'incapacité
inférieur à 35%2.
Toutefois, il faut signaler qu' « en dépit de
l'importance qui lui a été accordée dans les discussions
ayant précédé la promulgation de la loi de 1994, de
règlement à l'amiable demeure d'une portée limitée
» puisqu'il n'est possible que pour les cas dont le taux
d'incapacité est inférieur à 35%3.
Un droit à la réparation du préjudice
subi par la victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle,
paraît être sans grande importance si la victime ne parvient pas
à octroyer les prestations nécessaires au moment qu'il faut.
B. Les prestations servies
Les prestations servies en cas d'un accident de travail ou
d'une maladie professionnelle sont de deux types : des prestations en nature
(1) qui prennent la forme des soins médicaux
et des appareils nécessaires par l'état de santé de la
victime et des prestations en espèces (2) sous
forme d'indemnité ou de rente destinées à compenser la
perte du gain professionnel.
1. Les prestations en nature
Il est nécessaire de noter que la socialisation du
régime de réparation des accidents de travail et des maladies
professionnelles, par son intégration dans le cadre des assurances
sociales, a permis de développer et d'améliorer le contenu des
prestations en nature surtout avec le développement de l'infrastructure
sanitaire publique et privée en Tunisie.
Les prestations en nature « sont dues, à
raison de l'état de la victime du fait de l'accident ou de la maladie
professionnelle, qu'elle soit ou non mise dans l'obligation d'interrompre son
travail » 4. Cette victime dispose d'une liberté de
choix du médecin, du pharmacien et le cas échéant des
auxiliaires médicaux dont
1 Le tableau est prévu par
l'arrêté du ministre des affaires sociales du 13/01/1995.
2 S. BLEL, Op. cit., p.70-71.
3 A. MOUELHI, « La réforme du
régime de réparation des accidents du travail », R.J.L, Mars
1996, p.54.
4 Cette disposition de Art. 31 de la loi de 1994
trouve son corollaire dans la loi de 1995 dans son Art. 16.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 76
l'intervention est prescrite par le médecin. La
même liberté que reconnaît l'article 32 de la loi
n°94-28 aux travailleurs du secteur privé est reconnue par
l'article 17 de la loi n°95-56 aux travailleurs du secteur public. Dans
ces conditions, « le remboursement des frais engagés se fait
dans la limite du tarif officiel » 1.
Dans le secteur privé, pour les premiers soins,
l'employeur est tenu d'accorder une avance à la victime avec la
possibilité de se faire rembourser par la caisse nationale de
sécurité sociale, ce qui présente une garantie importante
pour les droits des victimes permettant de leur assurer la
célérité des premiers soins2.
La prise en charge des frais de soins est une innovation de la
loi de 1994, elle consiste pour la C.N.S.S. à établir des
Conventions avec les structures sanitaires publiques ou privées en vue
d'assurer la prise en charge des frais de soins engendrés par les
accidents du travail ou les maladies professionnelles.
Par ces Conventions, la victime se trouve
exonérée du paiement des frais d'hospitalisation, des soins et
des produits pharmaceutiques, et les soins qui lui sont octroyés feront
l'objet d'un règlement entre la caisse et les structures signataires de
ces Conventions3.
Cette modalité de prise en charge par l'employeur des
frais de soins dans le secteur privé est exclue dans le secteur public,
ce qui ne permet pas à l'agent du secteur public victime d'un accident
du travail ou d'une maladie professionnelle de choisir vraiment librement son
médecin. Ceci peut s'expliquer par la crainte du législateur
d'alourdir le budget de l'Etat et des entreprises publiques par des charges
financières importantes.
En Droit français, la sécurité sociale
assure une véritable gratuité des soins : c'est le principe du
"tiers payant" en vertu duquel et selon les dispositions de l'article L431-1 et
suivants du code de la sécurité sociale, la victime munie de sa
feuille
1 V. Art 32 Al 1er de la loi n°94-28
et Art. 17 de la loi n°95-56.
V. aussi l'arrêté des ministres du plan et des
finances, de l'économie nationale, et de la santé publique du
07/04/1982, tel que modifié par les arrêtés du 04/04/1995
et 25/06/1998.
2 S. BLEL, Op. cit., p.104.
3 La C.N.S.S a conclu le 31/12/1994, une Convention
avec le ministère de la santé publique en vue de prendre en
charge les frais de soins des victimes d'accidents du travail ou des maladies
professionnelles. En vertu de cette Convention la prise en charge est
subordonnée à l'accord préalable de la caisse, sauf en cas
d'urgence où la prise en charge peut être demandée à
posteriori, et couvre toutes les prestations nécessaires pour le bon
rétablissement de la santé de la victime. - Pour plus de
détails, S. BLEL, Op.cit., p.39-41.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 77
d'accident, choisit librement son praticien, et les
auxiliaires médicaux dont l'intervention serait prescrite par le
praticien. Les honoraires sont directement réglés aux praticiens
par la caisse.
Le pharmacien doit remettre à la victime tous les
médicaments prescrits, également réglés directement
par la caisse.
La victime a le choix de l'établissement hospitalier si
son hospitalisation s'avère nécessaire.
La victime a droit à la fourniture, à la
réparation et au renouvellement des appareils de prothèse ou
d'orthopédie nécessaires1.
En effet, même si la protection des victimes des risques
professionnels en Droit tunisien n'est pas identique dans le secteur public et
dans le secteur privé, le souci de préservation de la
santé du travailleur s'avère le même dans la loi de 1994
que dans la loi de 1995.
En plus des soins de santé octroyés par la
victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle pendant la
durée de l'incapacité temporaire consécutive à
l'accident, cette victime, en cas d'incapacité permanente de travail, a
droit, aux termes de l'article 39 de la loi de 1994, et quel qu'en soit le
taux, à « la fourniture, à la réparation et au
renouvellement des appareils orthopédiques et de prothèse qui
peuvent lui être nécessaires en raison de son état de
santé, ainsi qu'à la réparation et au remplacement des
appareils utilisés avant l'accident et que celui-ci a rendu
inutilisables » 2.
La victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle
peut, si son état de santé le prouve, bénéficier du
remboursement des frais de transport aller et retour. Ces frais sont
supportés par l'employeur dans le secteur public et sont
remboursés par la C.N.S.S. dans le secteur privé selon le tarif
de transport le plus économique. Si le transport est assuré par
ambulance, le remboursement est effectué par référence
à l'arrêté des ministres de l'économie nationale, du
transport et de la santé publique du 12 juillet 1993 fixant les tarifs
du transport sanitaire.
1 J.J. DUPEYROUX, Op. cit., p.443.
2 Le droit à l'appareillage reconnu par l'Art.
39 de la loi de 1994 est détaillée dans l'Art. 41 de la
même loi.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 78
Ainsi, si la protection de la santé de la victime d'un
accident de travail se présente comme une priorité pour le
législateur tunisien, comment a-t-il procédé face à
la perte de salaire causée pour la victime qui interrompt son travail
pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ?
2. Les prestations en espèces
Les prestations en espèces ou revenus de
remplacement1 prennent la forme d'indemnité
journalière en cas d'incapacité temporaire (a)
ou de rentes en cas d'incapacité permanente
(b).
a. En cas d'incapacité temporaire de
travail
L'article 20 de la loi n°95-56 prévoit que la
victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle, qui se
trouve dans une incapacité temporaire de travail, conserve
l'intégralité de sa rémunération.
Le but recherché ici est d'assurer à la victime
un revenu dit de "remplacement" durant toute la période
précédant la guérison complète ou la consolidation
de la blessure.2
Dans le secteur privé, l'incapacité temporaire
de travail ouvre droit au versement d'une indemnité journalière
compensatrice, en remplacement de la perte du salaire. Cette indemnité
en vertu de l'article 35 de la loi n°94-28 est « égale aux
deux-tiers de la rémunération quotidienne habituelle de la
victime qu'elle que soit la durée de l'incapacité. La
journée de travail au cours de laquelle l'accident s'est produit, est
intégralement à la charge de l'employeur » 3.
La caisse nationale n'intervient pour servir
l'indemnité journalière qu'à partir du cinquième
jour de l'accident, sauf, pour les accidents qui nécessitent une
hospitalisation ou jugés médicalement graves4.
1 J.J. DUPEYROUX, Op. cit., p.443.
2 Le médecin qui délivre un
certificat médical qui n'est pas sincère à la
réalité et à l'état de santé de
l'assuré risque d'être poursuivi pénalement. V à ce
propos,
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3 Sous l'égide de la loi de 1957 cette
indemnité était égale à 50% du salaire pendant les
45 premiers jours et aux 2/3 du même salaire à partir du
46ème jour.
- V. sur ce point S. BLEL, Op. cit., p.42.
4 Le délai de carence, comme le note S.
BLEL, a été institué dans le but de responsabiliser
davantage les victimes d'une part et d'éviter les abus en
décourageant les accidents minimes d'autre part, Op. cit.,
p.43.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 79
De ce qui précède, on peut observer qu'il existe
un traitement beaucoup plus favorable des agents du secteur public par rapport
à ceux du secteur privé, concernant la compensation de la perte
de revenu en cas d'incapacité temporaire de travail. Qu'en est-il donc
pour l'indemnisation de l'incapacité permanente de travail pour les
agents des deux secteurs ?
b. En cas d'incapacité permanente de
travail
L'incapacité permanente de travail est
l'incapacité de travail qui subsiste après consolidation des
blessures ou guérison apparente de la maladie. Telle que définie
par la loi de 19941 et la loi de 19952, ainsi que la
doctrine, aussi bien tunisienne3 que française4,
l'incapacité permanente de travail présente l'un des risques
majeurs du travail puisqu'il s'agit « d'une réduction
définitive ou présumée telle, de la capacité de
travail de la victime dont l'état s'est stabilisé »
5.
Dans ce cas, la victime atteinte d'une incapacité
permanente, due à un accident de travail, a droit à une
compensation de la réduction de sa capacité de travailler. Cette
compensation prend la forme d'une rente dont le montant est calculé en
fonction du taux d'incapacité et du salaire de
référence.
Dans le secteur public, et contrairement à la
législation du secteur privé, le taux d'incapacité et
fixé par arrêté du premier ministre sur proposition de la
commission médicale. Toutefois, l'article 21 de la loi de 1995 reprend
les mêmes éléments cités par l'article 38 de la loi
de 1994 pour déterminer le taux d'incapacité.
A ce propos, il y a lieu de noter que le taux
d'incapacité est déterminé sur la base des mêmes
critères et par référence au même barème dans
le secteur public que dans le secteur privé.
1 Art. 38 Al. 1er de la loi n°94-28
du 21 février 1994 dispose : « L'incapacité permanente
de travail est celle qui subsiste après consolidation de la blessure
survenue suite à l'accident de travail ou de la guérison
apparente de la maladie professionnelle ».
2 Art. 21 alinéa 1er de la loi
n°95-56 du 28 juin 1995 dispose : « L'incapacité
permanente de travail est celle qui subsiste après consolidation de la
blessure survenue suite à l'accident de travail ou de la guérison
apparente de la maladie professionnelle ».
3 Cf. A. MOUELHI, Op. cit.,
p.228-231.
V. aussi, S. BLEL, Op. cit., p.45-47 (dans le secteur
privé) et p.96 (dans le secteur public).
4 Cf. J-J. DUPEYROUX - X. PRETOT,
Sécurité sociale, Op. cit., p.88-90.
V. aussi J-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.447-450.
5 J.J. DUPEYROUX, Op. cit., p.447.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 80
Toutefois, contrairement au secteur privé où
l'incapacité permanente est indemnisée soit sous forme de capital
de rente1 ou de rente réversible2, dans le secteur
public seule l'incapacité permanente et totale donne lieu à la
réparation. Ainsi, la victime qui n'est pas dans l'impossibilité
totale et absolue de travailler et qui a repris son activité «
continue à percevoir l'intégralité de son salaire sans
aucune autre indemnisation même si l'incapacité peut lui
constituer un handicap sur le plan physique et même moral puisque les
chances de promotion dans le travail pourraient être compromises
» 3, ce qui semble présenter une
inégalité dans le traitement des travailleurs des deux secteurs,
public et privé, qui se trouvent exposés aux mêmes risques
professionnels.
L'indemnité aux termes des articles 23 de la loi de
1995 et 42 de la loi de 1994 n'est due que si le taux d'incapacité est
supérieur à 5%4.
Ainsi, avec l'intégration des risques professionnels
dans le cadre des assurances sociales par la loi de 1994 et la loi de 1995, le
législateur tunisien a cherché à protéger la
santé de la totalité de la main d'oeuvre dans le secteur public
et dans le secteur privé par une panoplie de textes juridiques
(législatifs et réglementaires) dans le but d'élargir la
couverture, par l'extension du régime à des catégories non
couvertes, d'améliorer les prestations et de les harmoniser avec celles
prévues par les régimes de sécurité sociale.
1 Dite aussi indemnité unique, elle est servie
à la victime ayant un taux d'incapacité supérieur à
5% est inférieur à 15%.
2 Dite aussi rente annuelle ; elle est servie aux
victimes dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur
à 15%.
3 S. BILEL, Op. cit., p.96.
4 En Droit comparé, certains pays ne
procèdent à l'indemnisation qu'à partir d'un certain taux
(en France à partir de 6%), d'autres pays, par contre, procèdent
à l'indemnisation quelqu'en soit le taux (Belgique).
Conclusion de la premiére partie 81
Conclusion de la première partie
Consacré aussi bien en Droit international qu'en Droit
positif tunisien, le droit à la santé, dans sa
généralité, est un droit inhérent à la
personne humaine. C'est l'un des droits sociaux fondamentaux1 que
les pouvoirs publics doivent assurer à toute la population.
De ce fait, s'est émergée l'idée de
concilier assurance sociale et droit à la santé afin d'assurer
par la sécurité sociale un accès aux soins en faveur des
assurés sociaux.
La qualité d'assuré social permet au
travailleur, ainsi que ses ayants droit de bénéficier des
prestations de soins par le biais des assurances sociales (assurance
maternité et assurance maladie).
Elle lui permet aussi d'avoir une protection suffisante face
aux risques inhérents à l'activité professionnelle qu'il
exerce par le biais de l'assurance accidents de travail de travail et maladies
professionnelles.
En effet, la protection de la santé du travailleur
ainsi que les membres de sa famille reste indissociable au droit à la
protection et à la sécurité sociale qui se
présentent comme des droits à valeur constitutionnelle.
Depuis l'indépendance le paysage juridique tunisien en
matière de sécurité sociale n'a cessé de subir des
modifications importantes pour une meilleure couverture sociale pour toute la
population.2
Ainsi, l'extension de la couverture sociale au profit de
nouvelles catégories socioprofessionnelles a permis de corriger les
insuffisances de la conception professionnelle de la sécurité
sociale adoptée par le législateur tunisien pour assurer un
meilleur état de santé pour tous.
Toutefois, des inégalités dans l'accès
aux prestations de soins nécessaires par l'assurance sociale peuvent
être corrigées par d'autres moyens de protection sociale.
1 Cf. J-M BELORGEY, « Des droits
sociaux, comment et pour quoi faire ? » Dr. Soc. n° 7/8, 2000, p681
et s.
2 Cf. M. BEN MALEH, « Les soins
médicaux dans le cadre de la sécurité sociale,
l'expérience nationale de la Tunisie », Série Africaine,
n° 21, 2000, p 337-341.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé
L'ASSURANCE SOCIALE
ET L'INEGAL ACCES AU DROIT
A LA SANTE
DEUXIEME PARTIE
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 82
Comme de nombreux systèmes juridiques de
sécurité sociale, le Droit de la sécurité sociale
en Tunisie se fonde sur une conception professionnelle dite aussi indemnitaire
ou commutative. Cette conception se fonde sur la solidarité. Ainsi
chaque travailleur assuré social paie, selon ses revenus, et
reçoit, selon ses besoins, les prestations de santé qui lui sont
nécessaires. En revanche cette qualité de travailleur
assuré social n'est plus exigée avec l'adoption dans certains
pays de la conception universelle ou alimentaire puisqu'elle cherche à
garantir à tout citoyen un minimum de sécurité social
indépendamment de sa qualité de travailleur et de ses
capacités contributives.
Il s'agit ici d'une protection de base garantie pour toute la
population. L'option en Tunisie pour la conception professionnelle ne va pas
être sans effet sur la consécration du droit à la
santé pour toute la population par le biais de l'assurance sociale.
En effet, la sélectivité de l'assurance sociale
(chapitre I) va nécessiter l'extension de la
protection sociale en matière de santé par d'autres techniques
(chapitre II) pour protéger d'autres
catégories socioprofessionnelles.
Chapitre I : LA SELECTIVITE DE L'ASSURANCE
SOCIALE
La sélectivité de l'assurance sociale a permis
d'exclure certaines catégories socioprofessionnelles
(section 2) de la protection sociale
nécessaire et par la suite les privés de leur droit de la
santé, du fait que la conception professionnelle de la
sécurité sociale (section 1) ne permet
de protéger que les travailleurs assujettis aux régimes
légaux de protection.
Section 1 : LA CONCEPTION PROFESSIONNELLE DE LA
SECURITE SOCIALE
La présentation de la conception professionnelle de la
sécurité sociale (Paragraphe 1) va en
faire preuve de la sélectivité de l'assurance sociale
(Paragraphe 2).
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 83
Paragraphe 1 : PRESENTATION DE LA CONCEPTION
PROFESSIONNELLE
La Tunisie a choisi une conception professionnelle dont le
fondement (A) la fait distinguer des autres
conceptions de sécurité sociale (B)
A. Fondement de la conception professionnelle de la
sécurité sociale
Dans un pays récemment indépendant, les
préoccupations des pouvoirs publics sont très diverses et vont
porter sur le politique, l'économique, mais aussi et surtout sur le
social.
Soucieux d'assurer la protection sociale la plus
étendue et généralisée pour toute la population, le
législateur tunisien se trouve aussi contraint par la faiblesse de
l'économie du pays. Une contrainte qui le mettra dans l'obligation
d'opter pour une conception professionnelle de la sécurité
sociale.1
"La Tunisie a choisi la conception fonctionnelle pour
l'institution de son système de sécurité sociale. Quoique
sélectif ce système présente des avantages, c'est un
système géré en tant que service public fondé sur
la satisfaction de l'intérêt général. Il prodigue
des prestations d'une grande importance dans la vie économique de
l'assuré social en particulier et du pays en
général".2
Cette conception professionnelle se fonde sur l'exercice d'une
activité professionnelle et garantie le droit à la protection au
travailleur, ainsi que ses ayants droits, par le biais de l'assurance sociale,
contre les risques sociaux.
Les assurances sociales sont nées en Allemagne,
Bismarck, inquiet des succès de la gauche et plus
précisément de la "Social-démocratie", déclare que
« l'évolution progressive de l'idée moderne de l'Etat
...veut qu'il accomplisse non seulement une mission défensive tendant
à protéger des droits existants, mais également une
mission tendant à promouvoir positivement, par des institutions
appropriées ... le bien-être de tous ses membres »
3. C'est donc pour promouvoir le droit des citoyens, le lendemain
.76-22 æ 35 - 30 Õ - 5003
äÇæÌ .Ê.Þ.ã
íÚÇãÊÌáÇÇ
äÇãÖáÇ
äíäÇæÞ ÑæØÊ
ãíä äÓÍÑÙä 1
2 A. SEFI, Art. préc.
3 Un célèbre message au Reichstag du 17
novembre 1881 suivi de 1883 à 1889 de l'adoption de différentes
lois sur l'assurance maladie, assurance accident, assurance invalidité -
vieillesse .... y à ce propos, J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT, Op. cit.
p.14. - Bismarck déclare aussi : « ... il faut faire un
peu de socialisme pour éviter d'avoir des socialistes ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 84
de l'indépendance, à la protection, à la
sécurité sociale et à la santé, que les pouvoirs
publics ont opté pour une couverture sociale de plus en plus extensive
et compatible aussi avec les possibilités économiques d'un Etat
nouvellement indépendant.
Les assurances sociales se sont émergées suite
à l'échec de garantir une protection sociale suffisante pour
toute la population par d'autres techniques de protection. Ces techniques
"n'ont pas été spécialement élaborées
pour la solution des problèmes posés par les risques sociaux mais
qui peuvent éventuellement leur être
appliquées"1. Elles ont précédé
l'institution de sécurité sociale, il s'agit de l'épargne,
l'assistance, la responsabilité, l'assurance et la mutualité.
Mais, bien qu'elles aient allégé les maux sociaux de certaines
catégories sociales, elles ont échoué dans la protection
des "pauvres" dont notamment la classe ouvrière2.
La technique des assurances sociales se base essentiellement
sur l'assujettissement obligatoire de tous les travailleurs salariés au
régime de sécurité sociale, mais aussi sur le
prélèvement des cotisations sur le salaire réparties entre
l'employeur et le salarié. Par cette technique, la conception
professionnelle de la sécurité sociale va se présenter,
pour les pouvoirs publics en Tunisie, comme l'ultime solution pour
étendre la couverture sociale au profit de la majorité de la
population3.
Toutefois, après avoir adopté la loi N°
60-30 su 14 décembre 1960 relative à l'organisation des
régimes de sécurité sociale, le législateur
tunisien, conscient des insuffisances de la conception professionnelle, a
essayé d'adapter le dispositif protecteur de cette conception aux
spécificités d'autres catégories socioprofessionnelles. La
protection de ces catégories a toujours obéit à la logique
de l'assujettissement aux assurances sociales à savoir l'exercice d'une
activité professionnelle et le paiement des cotisations à
l'organisme gestionnaire.
Ce souci d'élargissement de la couverture sociale pour
garantir une protection sociale suffisante pour la population présente
un fondement pour deux autres conceptions de sécurité sociale qui
se distinguent de la conception professionnelle.
1 J-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit. p13
2 Cf. A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit. p57
3 Sur la naissance et l'évolution du droit de
la sécurité sociale en Tunisie, Cf. A. MOUELHI, Ibid.,
p. 68-84.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et
l'inégal accès au droit à la santé 85
B. Distinction de la conception professionnelle des autres
conceptions
La conception professionnelle de sécurité
sociale se distingue essentiellement de la conception universelle
(1) et de la conception mixte
(2).
1. La conception universelle
La conception universelle ou alimentaire de
sécurité sociale présente une évolution de taille
dans le droit de la sécurité sociale. Elle repose essentiellement
sur la notion du besoin et vise à mettre tout homme à l'abri du
besoin. Par cette conception la sécurité sociale a pour mission
de garantir un minimum de base visant à réaliser
l'intégration de tous les nombres de la collectivité
nationale.
« Ainsi conformément aux principes
formulés par W. BEVERIDGE1,
l'égalité devant le besoin implique automatiquement une
identité dans la protection de base »2.
La mission de la sécurité sociale serait ainsi
la garantie d'un minimum de base indépendamment du statut
socioprofessionnel de l'individu et indépendamment de ses
capacités contributives. L'Etat doit assurer à chacun la
satisfaction des besoins irréductibles dont notamment le besoin de
protéger sa santé en cas de maladie ou en cas d'un risque
professionnel.
Cette conception universelle reconnaît un droit à
un minimum de prestations indépendamment de l'existence d'un gain
antérieur, elle vise à protéger l'individu qui
réside sur le territoire du pays, sans exiger l'exercice d'une
activité professionnelle3. Ceci est une garantie d'une
protection équitable « considérée comme
critère essentiel de succès de tout régime visant à
traduire dans les faits des normes sociales minima définies dans la
Convention »4 de l'O.I.T. n° 102 de 1952 relative
à la norme minimale de sécurité sociale.
1 V. Lawrence et H. Thompson, « Avantages et
inconvénients des différentes stratégies de protection
sociale », R.I.S.S. n° 39-4.1995, p.108.
2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité sociale
(introduction au droit de la sécurité sociale), cours
polycopié pour les étudiants de la 3ème Année Droit
privé de la Faculté de Droit de Sousse, 2003-2004.
3 La conception universelle est consacrée dans les pays
Anglo-saxon (G.B, Canada, Australie, Nouvelle Zélande ...) par contre la
conception professionnelle née en Allemagne se trouve appliquée
dans les pays de l'Europe et dans plusieurs pays en voie de
développement notamment les pays Arabes.
4 A. OTTINO, « Les normes internationales du travail »,
R.I.T.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 86
En France, la loi du 27 juillet 1999 relative à la
couverture maladie universelle1 vise d'une part à
généraliser de manière effective la couverture sociale de
base et d'autre part à assurer une couverture complémentaire aux
individus à faible revenu2. Cette couverture en vertu de
l'article 1er de ladite loi « est instaurée une
couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge
des soins par un régime d'assurance maladie, et aux personnes dont les
revenues sont les plus faibles le droit à une protection
complémentaire et à la dispense d'avance de frais
»3.
Par cette loi, la généralisation de la
couverture sociale s'est faite par l'admission, à côté des
critères professionnels de certains critères sociaux qui vont
permettre à des personnes, ne remplissant pas la condition d'exercice
d'une activité professionnelle, d'être couvertes socialement.
La couverture maladie universelle permet « d'assurer
une réelle égalité devant les soins grâce à
une harmonisation des droits et d'organiser un accès automatique
à la couverture maladie pour toute personne âgée de plus de
18 ans, résidant sur le territoire français, quelle que soit son
activité ».4
C'est dans la loi du 29 juillet 1998 relative à la
lutte contre les exclusions que la loi de 1999 trouve son fondement par une
volonté de « garantir sur l'ensemble du territoire
l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines ...
de la protection de la santé »5.
Ainsi, « l'accès à la prévention et aux
soins des personnes les plus démunies constitue un objectif prioritaire
de la politique de santé »6.
« C'est à dire qu'en décidant de mettre
un terme au processus de généralisation engagé depuis
plusieurs années, la loi de 1999 marque sans conteste " une
reforme fondamentale " devant se saisir comme " une
avancée sociale majeure" »7
1 Alain JUPPE dénommait le projet de loi "projet
universel d'assurance maladie". y. à ce propos : « Le plan
Juppé I », Dr. Soc. n° spécial, 1996.
- V. aussi, C. ZAIDMAN, "Le régime universel : les
objectifs et les difficultés de sa mise en place", Dr. Soc. 1996,
p333.
2 R. MARIE, « La couverture maladie universelle », Dr.
Soc. n°1,2000, p7 et s.
3 « Mais l'objectif d'universalité de la
protection ne signifie pas universalité du régime. La recherche
d'une protection pour tous s'établit en réalité par
l'établissement d'un régime spécifique pour les exclus de
la couverture de droit commun ». Par R. LAFORE, « La couverture
maladie universelle : un îlot dans l'archipel de l'assurance maladie
», Dr. Soc. n°1,2000, p23.
4 R. LAFORE, Ibid.
5 Art. 1er de la loi du 29 juillet 1998 relative
à la lutte contre les exclusions.
6 Art. 67 de la même loi.
7 M. BORGETTO, « Brèves réflexions sur les
apports et les limites de la loi créant la couverture maladie
universelle », Dr. Soc., n° 1, 2000, p31.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 87
L'universalité tient à ce que tout individu du
seul fait de sa naissance et / ou de sa présence sur le territoire de
l'Etat bénéficie d'une couverture sociale suffisante pour lui
protéger sa santé1.
Le Droit français dans un souci de
généralisation de plus en plus avancée de la couverture
sociale, 2 notamment en matière d'assurance
maladie,3 a adopté la loi n° 2004-810 du 13 Août
2004 venant modifier et compléter le code de la sécurité
sociale4. Dans l'exposé des motifs de cette loi, «
l'égalité d'accès aux soins ... doit être
garantie à tous nos concitoyens, quel que soit leur lieu de
résidence sur le territoire national et quels que soient leurs revenus.
Elle suppose l'existence d'un système d'assurance maladie public et
universel ».5
Ainsi, la divergence des deux conceptions universelle et
professionnelle va faire apparaître une troisième conception dite
mixte tendant à corriger les insuffisances desdites conceptions. «
Les deux courants nés de la même source tendant à se
superposer dans les pays les plus développés
»6.
2. La conception mixte
Le souci de généralisation de la couverture
sociale qui a animé le législateur tunisien pour étendre
la couverture au profit de nouvelles catégories socioprofessionnelles,
et a animé aussi le législateur Français pour adopter la
couverture maladie universelle est en même temps la raison d'être
de la conception mixte.7
1 Sur la naissance et le développement des
assurances sociales en France depuis les lois de 1928-1930 jusqu'à
l'adoption de la loi de 1999 V. J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT,
Sécurité sociale, Op. cit. p14-29.
2 « Dopée par le contexte de croissance
économique et le plein emploi, la protection s'est ainsi élargie
jusqu'à laisser penser à une possible efficacité d'une
logique bismarkienne, aménagée pour être mise au service
d'un objectif béveridgien ». Par R. LAFORE, Art. préc.
p21.
3 Cf. BEAU, « Assurance maladie, un simple plan
ou une vraie réforme ? » Dr. Soc. n° 4, 2004, p. 415 et s.
4 Art. L11-2-1 du code de sécurité
sociale en France tel que modifié et complété par la loi
n° 2004-810 du 13 Août 2004 relative à l'assurance maladie
prévoit que : « La nation affirme son attachement au
caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance
maladie.
Indépendamment de son âge et de son
état de santé, chaque assuré social
bénéficie, contre le risque et les conséquences de la
maladie, d'une protection qu'il finance selon ses ressources.
L'état, qui définit l'objectif de la
politique de santé publique, garantit l'accès effectif des
assurés aux soins sur l'ensemble du territoire.
En partenariat avec les professionnels de santé,
les régimes d'assurance maladie veillent à la continuité,
à la coordination et à la qualité des soins offerts aux
assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale
homogène de cette offre. Ils concourent à la réalisation
des objectifs de la politique de santé publique définis par
l'Etat.
Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources
consacrées par la nation à l'assurance maladie ».
5 Cf. D. LENOIR, « Le système
de santé, la reforme de l'assurance maladie », Cahier
français n° 324 ,2005, La documentation française, p.
46-52.
V- aussi à ce propos, dossier ; « Santé :
quelles réformes ? » Sociétal n° 36-
2ème trimestre 2002, p. 49 et s.
6 J-J. DUPEYROUX, Droit de la
sécurité sociale, Op. cit. p81.
7 Cf. R. MARIE, « La couverture maladie
universelle », Dr. Soc., n° 1, 2000, p. 7 et s.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 88
La conception mixte de la sécurité sociale est
née d'une combinaison des deux conceptions professionnelle et
universelle. Cette combinaison s'est faite de différentes
manières dans plusieurs pays selon le niveau de développement
économique, le développement de la société, et le
contexte politique et social de chaque Etat.
Ainsi, dans les pays de la conception professionnelle, une
tendance vers la garantie d'un minimum de sécurité sociale s'est
affirmée en faveur de certaines catégories de la population dans
le but de leur garantir un minimum vital1. Le droit d'accès
aux soins de santé pour les vieillards, les enfants, les chômeurs
... va se présenter comme un droit créance de ces
catégories contre la société et de ce fait, le droit aux
soins médicaux ne serait pas conditionné par l'exercice d'une
activité professionnelle ou par l'acquisition de la qualité
d'assuré social.
Le renouvellement des systèmes, ayant adopté la
conception professionnelle, va donc se faire, dans plusieurs pays, dans un
souci de généraliser la protection sociale au profit de ceux qui
sont restés longtemps dépourvus d'un droit d'accès aux
soins de santé.2
Pour les systèmes ayant adopté la conception
universelle, la garantie d'un minimum légal pour tous et de la
même façon va se heurter avec le besoin de certaines personnes
protégées d'avoir une protection complémentaire à
la protection de base dont ils ont légalement droit3.
Cette protection complémentaire est prévue par
des Conventions et non par la loi, elle permet d'assurer, à ceux qui
souhaitent, une protection en harmonie avec la protection de base et qui lui
est supplémentaire. Pour en avoir droit, l'assuré social doit
verser des cotisations supplémentaires qui vont lui permettre de «
disposer
1 « Dans les pays ou la tendance commutative
s'était nettement affirmée, on constate néanmoins une
irrésistible tendance à compléter les régimes
professionnels par l'institution de prestations destinées à
garantir un minimum vital : prestations familiales, minima de vieillesse, soins
médicaux ». Par J-J. Dupeyroux, Droit de la
sécurité sociale, Op. cit., p. 81.
2 Cf. B. MAQUART, « L'assurance maladie
: le temps des rapports », Dr. Soc. n° 2, 1995, p. 119 et s.
-Cf. A-M. BROCAS, « Pour une régulation du système
de santé », Dr. Soc. n° 6, p. 608 et s.
3 "En grande Bretagne, les prestations
minimales sont améliorées par des prestations
personnalisées en fonction du besoin de sécurité".
Par A.MOUELHI, Droit de la sécurité sociale, Op.
cit., p. 9.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 89
pendant les périodes d'inactivité, de
revenus compatibles à ceux obtenus pendant les périodes
d'activité »1.
D'autant plus, la protection prévue par ces
régimes Conventionnels complémentaires permet de combler les
insuffisances de la protection légale notamment en matière de
santé et d'acquisition des soins nécessaires par l'état de
santé de l'assuré social.
Toutefois, la tendance de généralisation de la
couverture sociale qui anime encore le législateur Tunisien ne doit pas
nier la sélectivité de l'assurance sociale et surtout la
sélectivité de la conception professionnelle qu'il a
adoptée.
Paragraphe 2 : LA CONCEPTION PROFESSIONNELLE PREUVE DE LA
SELECTIVITE DE L'ASSURANCE SOCIALE
Outre son appartenance à une catégorie
socioprofessionnelle bien déterminée, le travailleur du secteur
public ou du secteur privé, ne peut être couvert par un
régime légal de protection (A) et par
la suite reconnaître un droit à la santé que par sa
contribution financière à ce régime
(B).
A. L'assujettissement à des régimes
légaux de protection
Selon la conception professionnelle, la protection contre le
risque maladie est subordonnée à l'exercice d'une activité
professionnelle.
Ainsi, la sécurité sociale est
réservée à ceux qui exercent une activité
professionnelle et qui, pour avoir la qualité d'assurés sociaux,
doivent contribuer au financement du système.
« L'obligation de contribution financière fait
la nature sélective du système de la sorte que ceux qui n'ont pas
un travail ou ceux qui sont inaptes au travail ne bénéficient pas
des prestations de la sécurité sociale.
Les conditions exigées par ce système, pour
pouvoir bénéficier de ces prestations sont parfois rigides et
difficiles à remplir, ce qui exclut les plus faibles
»2.
1 J-J. DUPEYROUX, Op. cit., p82.
2 A. SEFI, Art. préc., p2.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 90
En effet, qu'il s'agisse du régime légal du
secteur public (1) ou du régime légal
du secteur privé (2), le législateur
tunisien, ambitieux de corriger les insuffisances de la conception
professionnelle, a prévu des régimes spéciaux
nécessités par la spécialité de certaines
professions d'une part et par le souci d'étendre la
sécurité sociale au profit des plus faibles d'autre part.
1. Dans le secteur public
Dans le secteur public, le régime de base est celui des
pensions des agents de l'Etat organisé par la loi n° 85-12 du 05
mars 1985. En vertu de ce texte ainsi que d'autres décrets, le
bénéfice de sécurité sociale est accordé
:
1) Aux personnels, fonctionnaires et ouvrières de
l'Etat, des établissements publics à caractère
administratif et des collectivités publiques locales qu'ils soient
titulaires, temporaires, ou contractuels.
2) Aux personnels des établissements publics à
caractère industriel et commercial et des entreprises nationales, dont
la liste est fixée par décret1. Le régime de
sécurité sociale du secteur public géré par la
caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (C.N.R.P.S.)
couvre, ainsi, la majorité des fonctionnaires de l'Etat2.
Toutefois, une extension nécessaire de la
sécurité sociale au profit de certaines catégorie de
travailleurs dans le secteur public a fait naître des régimes
spéciaux dont notamment :
? Le régime des membres du gouvernement,
institué par la loi n° 83-31 du 17 mars 1983, couvre le premier
ministre, les ministres, les secrétaires d'Etat, les ministres et les
secrétaires d'Etat délégués auprès du
premier ministre, le secrétaire général du gouvernement,
le directeur du cabinet du premier ministre, le gouverneur de la banque
centrale.
? Le régime des gouverneurs, institué par la loi
n° 88-16 du 17 mars 1988.
1 Décret n°85-1025 du 2 août 1985
modifié et complété par des décrets
ultérieurs.
2 Au départ le régime
général de sécurité sociale dans le secteur public
ne couvre que les agents titulaires soumis au statut de la fonction publique,
mais avec la loi n°85-12 du 5 mars 1985, il s'étend pour couvrir
tous les agents du secteur public, quels que soit leur situation
administrative, les modalités de paiement de leur
rémunération, leur sexe et leur nationalité.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 91
Le régime des députés créé
par le décret-loi n°74-22 du 2 novembre 1974 et organisé
actuellement par la loi n°85-16 du 8 mars 1985.
Les régimes de personnels des services publics de
l'électricité du gaz et des
transports dont le régime de prévoyance sociale
est institué par le décret du 13 décembre 1951 et
modifié par un arrêté du 23 avril 1991 et le régime
de retraite organisé par le décret du 26 Août 1948 tel que
modifié par les arrêtés du 20 avril 1950, du 13 mars 1957,
du 14 septembre 1987, du 27 août 1988, du 23 avril 1991, du 08 juillet
1994 et du 27 janvier 1997.1
Ces régimes spéciaux ont été
dictés par la spécificité de ces catégories d'agent
publics, ainsi par ces régimes spéciaux, l'Etat trouve le moyen
« d'assurer et de maintenir pour ses hauts dignitaires, un standing de
vie en rapport avec leur statut d'activité au moment où ils
partent à la retraite »2.
Ainsi, par la loi n° 85-12 du 5 mars 1985 relative au
régime de pension des agents de l'Etat d'une part et par les textes
instituant et organisant des régimes particuliers en faveur de certaines
catégories d'agents publics d'autre part, l'assujettissement à
l'un des régimes légaux de sécurité sociale
s'étend pour couvrir la totalité des agents du secteur public.
Il y a lieu de noter que puisque la législation de
sécurité sociale est d'ordre public et s'impose donc
obligatoirement aux personnes visées d'une part, et puisque l'Etat, en
tant qu'employeur, assure la couverture sociale à ses employés
d'une façon systématique d'autre part, le problème de
l'omission d'affiliation des agents publics ne pose pas de difficultés
majeures comme c'est le cas pour les employés du secteur
privé.3
2. Dans le secteur privé
Dans le secteur privé, les conditions
d'assujettissement au régime général de
sécurité sociale (a) ont
été aménagées ou totalement abandonnées pour
étendre la
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1 Pour plus de détails, Cf. A.
MOUELHI, Droit de la sécurité sociale, Op.
cit., p111-113.
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2 K. ESSOUSSI, La sécurité sociale
dans le secteur public tunisien, ENA, 1994, p.42.
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DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 92
protection à certaines catégories de
travailleurs par la création de régimes particuliers
(b).
a) Le régime général
Le régime général de
sécurité sociale dans le secteur privé est le
régime de base qui est applicable aux catégories
socioprofessionnelles suivantes énumérées par l'article 34
de la loi n°60-30 du 14 décembre 1960 :
« 1) Les personnels
salariés de tous les établissements industriels et commerciaux,
des professions libérales, des coopératives, des
sociétés civiles, des syndicats et des associations ;
? les personnels salariés de l'organisation des
nations unies, de la ligue arabe et leurs institutions
spécialisées, des missions diplomatiques et de toute autre
personne morale relevant du droit international, exerçant en Tunisie ...
;
? les personnels de bureau et les personnels ouvriers
rattachés sous quelque formes que ce soit à toutes les personnes
morales de droit public ou de droit privé ayant leur siège en
Tunisie ... ;
2) les travailleurs occupés dans les entreprises
ou les établissements agricoles ... qu'ils aient ou non la forme
coopérative ... ;
3) les personnels employés dans les entreprises de
transport public de marchandises ou de personnes ;
4) les voyageurs de commerces, représentants ou
placiers ;
5) les personnels salariés occupés à
l'édification, ainsi qu'à la répartition ou à
l'aménagement des immeubles ...
6) les personnels occupés en qualité de
gardiens ou de concierges dans les immeubles réservés à la
location ».
L'assujettissement de ces personnes au régime
général exige aux termes de l'article 35 de la même loi un
lien de subordination qui peut prendre la forme d'un
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 93
5 M. DESPAX, « L'évolution du lien de
subordination en Droit du travail et de la sécurité sociale
», Dr. Soc. n°9-10, 1970, p457.
contrat ou n'importe quelle autre forme1. Ainsi, et
en application de l'article 6 du code du travail2, M.
Abdessatar MOUELHI voit que « l'assujettissement au
régime général résulte de l'appréciation de
la situation de fait dans laquelle les parties au contrat exécutent
leurs obligations contractuelles »3 et il évoque
à ce propos l'attitude de la cour de cassation tunisienne en date du 28
février 1974 considérant ainsi que le contrat de travail se
caractérise par la soumission du salarié aux directives et au
contrôle de l'employeur en contre partie de sa
rémunération4.
D'ailleurs, c'est la même attitude de la jurisprudence
Française5 qui a été amenée à
élargir l'assujettissement au régime général pour
élever le taux de couverture sociale.
La gestion de ce régime général est
confiée par l'article 5 de la loi n° 60-30, du 14 décembre
1960 à la C.N.S.S. qui gère le régime
général des salariés du secteur non agricole prévu
par cette même loi et qui va donner naissance à d'autres
régimes spéciaux ou encore dits particuliers.
b) Les régimes spéciaux
Après l'adoption de la loi n° 60-30 venant
instituer un régime de sécurité sociale au profit des
salariés non agricoles, d'autres régimes vont par la suite
être institués en faveur des salariés agricoles, des
pécheurs, des travailleurs non salariés, des travailleurs
tunisiens à l'étranger, des étudiants, des gens de maison
et artisans et des artistes, créateurs et intellectuels.
La particularité de ces catégories
socioprofessionnelles, vu la nature de l'activité exercée ou les
conditions de son exercice, ainsi que l'absence de revenu ou
1 Art. 35 Al. 1er prévoit
à ce propos : « Les régimes prévus par la
présente loi sont applicables à tous les employeurs et
travailleurs, liés par un contrat de travail ou réputés
liés par un tel contrat, et qui font partie des
établissements,
entreprises ou professions énumérées
à Art. 34 ci dessus »
2 Art. 6 du code du travail dispose : « Le
contrat de travail est une convention par laquelle l'une des parties
appelée travailleur ou salarié s'engage à fournir à
l'autre partie appelée employeur ses services personnels sous la
direction et
le contrôle de celle ci, moyennant une
rémunération la relation de travail est prouvée par tous
les moyens ».
3 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p. 98.
4 Ladite décision de la cour de cassation
tunisien comporte l'attitude suivante :
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DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 94
de revenu stable pour certaines catégories, explique et
justifie l'institution de ces régimes spéciaux.
Il y a lieu de noter que dans tous ces régimes, le
législateur n'a pas omis de reconnaître à l'assuré
social un droit aux prestations de soins nécessitées par son
état de santé ainsi que les membres de sa famille.
1) Le régime des salariés agricoles
Institué et organisé par la loi n° 81-6 du
12 février 1981, le régime des salariés agricole est
institué « au profit des travailleurs salariés et des
coopératives de l'agriculture » et il « assure des
prestations en matière d'assurances sociales : maladie, maternité
... »1
En vertu de l'article 2ème de ladite loi
« bénéficient du régime prévu par la
présente loi, les travailleurs salariés et les
coopérateurs exerçant les activités
considérées comme agricoles au sens de l'article 3 du code du
travail.2
A l'exception de ceux qui seraient employés par des
entreprises affiliées à un régime légal, couvrant
les mêmes risques, l'affiliation à l'un ou à l'autre
régime doit couvrir l'ensemble du personnel ».
Pour bénéficier de l'application de ce
régime, le travailleur dans le secteur agricole doit être en
situation de subordination vis à vis de son exploitant. Cette
subordination, comme c'est le cas dans le régime général,
est justifiée par un contrat de travail en vertu duquel le
salarié agricole exerce son activité.
Toutefois, l'exercice de l'activité agricole en Tunisie
depuis longtemps a été et reste encore essentiellement de
caractère familial, ce qui pose le problème de la couverture
sociale pour ces travailleurs familiaux qui ne remplissent pas les conditions
de qualification de salarié agricole notamment le contrat de travail et
la rémunération. « C'est vraisemblablement le fait
d'appartenir au groupe familial et la
1 Art. 1er de la loi n° 81-6 du 12
février 1981.
2 Art. 3 du code du travail dispose dans son
alinéa 1er que : « Sont considérés
comme agricoles, les entreprises publiques ou privées, les
coopérations et les associations se livrant notamment aux
activités suivantes : céréaliculture, culture du lin, du
coton, du tabac, du riz, des pommes de terre, de la bettera, des plantes
médicales et aromatiques, des léguminérises, horticulture
marichére et florale, agrumiculture, oléiculture, arboriculture
fruitiére, phoeniculture, sylviculture, production ou semences et de
plants, production de fourrages, élevage, production du lait,
cuniculture, aviculture, apiculture ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 95
possibilité de succéder au chef de
l'exploitation qui privent les aides familiaux des qualités de
salarié et d'assuré social ».1
Il y a lieu de noter aussi que l'inconstance des revenus des
travailleurs agricoles et l'absence de leur organisation dans le cadre de la
sécurité sociale avant la loi n° 81-6 du 12 février
1981 expliquent les difficultés d'extension de la sécurité
sociale dans le secteur agricole en Tunisie. Ainsi du fait que le nouveau
régime est institué dans le cadre d'une politique de protection
sociale destinée au secteur agricole et dans le but d'embrasser les
couches les plus vulnérables de ce secteur, il paraît que la
vulnérabilité des personnes occupées dans l'agriculture et
l'absence de cultures et de traditions de couverture pour ces
catégories, dont le niveau culturel n'est pas très
élevé, expliquent qu'il est difficile d'obtenir une
démarche volontaire d'adhésion des personnes exerçant leur
activité dans le secteur agricole2.
D'autant plus, la dispersion des petites exploitations et
d'activité saisonnière pour des périodes de travail de
courte durée, rendent difficile leur localisation.
D'où la difficulté de contrôler le respect
des obligations des exploitants agricoles quant à la déclaration
de leurs salariés et par la suite la sous affiliation dans le
régime des salariés agricoles.
Pour toutes ces raisons, M. Kamel ESSOUSSI,
en invoquant le taux de couverture dans le régime des salariés
agricoles (23.37 %)1, voit que la sous évaluation
apparaît flagrante et ne permet pas d'assurer une protection consistante
et étendue pour cette catégorie de travailleurs.
Devant ces difficultés, le législateur tunisien,
conscient des insuffisances de la loi n° 81-6 vient d'adopter en date du 2
septembre 1989 la loi n° 89-73 pour remédier à
l'ambiguïté qui caractérise la définition du champ
d'application du régime des salariés agricoles en instituant un "
régime agricole amélioré " qui s'applique aux termes de
l'article 86 de ladite loi aux :
« - Coopérateurs salariés
employés par les entreprises agricoles ayant la forme de
société, les sociétés de mise en valeur, les
coopératives agricoles ainsi que
1 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.102.
2 K. ESSOUSSI, « L'extension de la couverture
sociale aux populations économiquement vulnérables vers un
nouveau système », R.T.D.S., n° spécial
sécurité sociale, n° 10,2004, p.143.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 96
1 K.. ESSOUSSI, Ibid., p142.
2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.105.
toutes les personnes morales agricoles non assujetties
à un régime de sécurité sociale couvrant les
même risques ;
- tous les salariés des autres exploitants
agricoles employant 30 salariés permanents au moins ;
- pêcheurs employés sur des bateaux dont la
jauge brute est inférieure à 30 tonneaux, pêcheurs
indépendants et petits armateurs tels que définis par le code du
pêcheur promulgué par la loi n° 75-17 du 31 mars 1975.
»
Par cette nouvelle législation, la
sécurité sociale dans le secteur agricole devient beaucoup plus
diversifiée, « ce qui pourra faciliter les efforts
déployés en vue de sa généralisation
»2. Toutefois, l'exercice de l'activité agricole
par des non salariés qui ne peuvent pas bénéficier de la
protection par le régime des salariés agricoles va
nécessiter l'institution d'un régime pour les travailleurs non
salariés des secteurs agricoles et non agricoles.
2) Le régime des travailleurs non salariés
des secteurs agricole et non agricole
Dans la même logique d'adaptation des systèmes de
sécurité sociale Tunisiens professionnels aux
caractéristiques des populations précaires ou mobiles, le
décret n° 82-1359 du 21 octobre 1982 est venu instituer un
régime de sécurité sociale pour les travailleurs
indépendants exerçant une activité pour leur propre compte
dans le secteur non agricole alors que le décret n° 82-1360 de la
même date est venu instituer un régime en faveur des
indépendants et exploitants agricoles.
Par la suite et en vue d'adapter ces deux régimes aux
besoins des assurés sociaux, le décret n° 95-1166 du 3 juin
19951 est venu pour fusionner les deux régimes en un seul
dénommé, désormais, régime des travailleurs non
salariés dans les secteurs agricole et non agricole.
Par l'article 16 de ce décret, le
bénéfice des prestations du régime des assurances
sociales, prévu par la loi n° 60-30 dont notamment le droit aux
prestations de soins et le droit à l'hospitalisation, est reconnu aussi
aux travailleurs non salariés.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 97
L'extension de la couverture sociale au profit de ces
catégories socioprofessionnelles vient de corriger certaines
insuffisances du régime général dans le secteur
privé pour couvrir « toute personne exerçant à
titre principal une activité professionnelle quelle que soit sa nature,
pour son propre compte ou en qualité de mandataire et également
les travailleurs du secteur de l'artisanat, titulaires d'une carte
professionnelle, ainsi qu'aux métayers »2.
L'évolution du droit de la sécurité
sociale montre bien que, par l'élargissement du champ d'application du
régime des travailleurs non salariés, les pouvoirs publics en
Tunisie cherchent à limiter au maximum le nombre des actifs ne
bénéficiant pas d'une couverture sociale par un autre
régime de sécurité sociale.
A ce propos, M. Ezzeddine BOUSLAH
considère que « tout système de
sécurité sociale dépend des choix des pouvoirs publics qui
décident de l'essentiel à savoir des cotisations et des
prestations, ainsi que de la politique en matière de santé qui
conditionne le rendement des modalités de couverture sociale contre le
risque maladie ».3
3) Le régime des travailleurs tunisiens à
l'étranger
Par le décret n°89-107 du 10 janvier 1989
étendant le régime de sécurité sociale aux
travailleurs tunisiens à l'étranger, cette couche sociale ainsi
que « les membres de famille à charge restés en Tunisie
»4 bénéficient des prestations du
régime des assurances sociales prévues par la loi n° 60-30
relative au régime général de sécurité
sociale.
Toutefois, l'adhésion au régime est facultative
et volontaire. Ce régime ne concerne dans son champ d'application que
les travailleurs salariés et non salariés qui sont occupés
à l'étranger et « qui ne sont pas couverts par une
Convention bilatérale
1 Tel que modifié et complété par
les décrets n° 2002-3018 du 19/11/2002 et n°2004-167 du
20/01/2004.
2 Art. 2 du décret n° 95-1166 du 3 juillet
1995.
3 E. BOUSLEH, « Désengagement de l'Etat
et effet redistributif de la sécurité sociale : le cas Tunisien
», R.T.D. 1992, p. 31.
4 Art. 16 Al. 2ème du décret
n° 89-107 du 10 janvier 1989.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 98
de sécurité sociale ou par une
réglementation spéciale régissant leur affiliation
à la sécurité sociale ».1
Pour encourager davantage les intéressés
à adhérer au régime, la demande d'adhésion peut
être adressée à la C.N.S.S. directement ou indirectement
par l'intermédiaire des consulats de Tunisie à
l'étranger.2 Ensuite, l'affilié a le choix
d'appartenir à l'une des quatre classes prévues par l'article 6
dudit décret, et qui servent de référence pour le calcul
des cotisations dues.
Ainsi, la reconnaissance d'un droit à la
sécurité sociale pour les travailleurs tunisiens à
l'étranger s'est aussi faite à la base de la conception
professionnelle de la sécurité sociale qui assure la protection
à cette catégorie socioprofessionnelle selon le revenu et les
capacités contributives de chaque affilié à ce
régime.
De ce qui précède on peut observer que le
législateur, par l'institution de ces régimes particuliers, a
essayé d'étendre la couverture sociale en faveur de ceux qui
exercent une activité professionnelle sans qu'ils soient assujettis au
régime général ; et ceci par l'aménagement des
conditions d'assujettissement à ce régime dont notamment les
capacités contributives des assurés.
B. Un droit à la santé gagné par la
contribution financière des assurés
Etant donné que les cotisations sociales sont la
principale source de financement des régimes de sécurité
sociale (1) et du fait que les assujettis à ce
régime sont de différentes capacités, l'assiette et les
taux de cotisations au titre des prestations de soins (2)
ne sont pas les mêmes pour tous les régimes.
1. Les cotisations pour financier les régimes de
sécurité sociale
La couverture effective d'un droit à la santé
pour un assuré social n'est possible que par le biais de sa contribution
financière à un régime de sécurité sociale,
cette contribution prend la forme de cotisations que paie l'employeur et le
salarié chacun dans la limite de sa cote part.
1 Art. 1er du décret n°
89-107 du 10 janvier 1989 étendant le régime de
sécurité sociale aux travailleurs tunisiens à
l'étranger.
2 Le taux d'affiliation au titre de ce régime
est de l'ordre de 0.5% de l'ensemble de 100 000 travailleurs
intéressés.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 99
L'octroi des prestations de soins, qui sont des prestations
non sélectives, pour l'assuré social et ses ayants droit n'est
pas proportionnel aux cotisations qu'il verse à la caisse de
sécurité sociale. Ainsi, une participation collective et
effective des assurés sociaux, des employeurs, ainsi que des pouvoirs
publics va permettre de soutenir les assurés sociaux, qui sont dans la
nécessité d'octroyer des prestations de santé.
La cotisation est donc indépendante du risque social
auquel peut être exposé l'assuré social et exprime
l'idée de solidarité entre les assurés sociaux que
présente la finalité du droit de la sécurité
sociale. Ainsi, la promotion du droit à la santé obéit aux
principes de solidarité et d'égalité de tous les
assurés sociaux sans aucune discrimination entre eux tous.
Cependant, la consommation des soins, comme le remarque
M. Abdesstar MOUELHI « ne profite pas à tous
les demandeurs de la même manière (variation selon le statut
socioprofessionnel et le revenu) »1, d'ou la
nécessité d'une réforme, lancée depuis 1996 pour
rationaliser les dépenses de santé et consacrer un droit à
la santé pour tous et sur un même pied d'égalité.
Cette reforme a vu le jour avec la loi du 02 Août 2004 relative au
nouveau régime d'assurance maladie2, et a le mérite
d'unifier les taux des cotisations pour tous les assurés sociaux. Une
loi qui devrait lors de son application offrir l'opportunité de se
soigner et équitablement pour une importante couche de la
population3.
Désormais, le système de sécurité
sociale en Tunisie notamment concernant l'offre des soins va se baser sur la
solidarité entre les actifs assurés sociaux dite
solidarité verticale et une solidarité entre les
générations dite aussi solidarité
horizontale4.
La sécurité sociale est destinée ainsi
à assister facilement ses bénéficiaires qui rencontrent
différents évènements coûteux de la vie notamment la
maladie, la maternité, les accidents du travail et maladies
professionnelles. En effet, le
1 A. MOUELHI, Cours polycopié pour les
étudiants du mastère en Droit social, Faculté de Droit de
Sfax, 2003/2004, p.20.
2 La loi n° 2004-71 portant institution d'une
régime d'assurance maladie en date du 2 Août 2004.
3 V. à ce propos, les discussions de la chambre
des dépotés dans la séance du 28 juillet 2004.
4 Sur l'idée de solidarité en
sécurité sociale, voir à ce propos A. SEFI, Op.
cit., p. 6.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 100
fonctionnement de tout système de
sécurité sociale dépend de son mode de financement, et il
paraît que le système de sécurité sociale en
Tunisie, avec la hausse consommation des soins de santé due à des
facteurs socioculturels différents,1 s'est trouvé sous
financé, d'ou la nécessité de réviser les taux de
cotisations de santé.
Toutefois, le principe traditionnel de financement de la
sécurité sociale par les cotisations professionnelles,
malgré les avantages qu'il représente, semble être la cause
réelle et principale des graves difficultés financières
que connaît notre système de sécurité sociale, d'ou
l'émergence de certaines solutions, soit l'augmentation du taux des
cotisations2, soit le recours à l'impôt comme ressource
de financement de la branche assurances sociales.
De ces deux solutions, alors que le législateur
français, en instituant une couverture maladie universelle, a
adopté la deuxième, le législateur tunisien quant à
lui a opté pour la première avec la nouvelle législation
de l'assurance maladie.
En Droit Français, la contribution publique dans la
structure de protection sociale s'est faite par la fiscalisation des ressources
de la sécurité sociale.3
En effet, le principe de la fiscalisation permettrait
d'éliminer les insuffisances des techniques traditionnelles et traduit
de plus en plus nettement la solidarité de la collectivité.
« On constate d'ailleurs, même dans les pays qui font à
priori confiance au principe des cotisations, une intervention progressive des
pouvoirs publics ».4
Certes, il est utile de signaler que même si la
fiscalisation présente un remède aux insuffisances de la
cotisation, il ne faut pas oublier que la fiscalisation ne peut
présenter un progrès que si elle aboutit réellement
à une répartition plus équitable de la charge et que si
elle assure à tous les citoyens une satisfaction de leurs besoins en
matière de prestations de soins.
1 "Quels que soient les principes techniques
sur lesquels ils reposent, les systèmes de santé de tous les pays
connaissent de graves difficultés financières. Ces
difficultés sont liées à l'accroissement rapide de la
consommation médicale et le coût de la médecine,
l'augmentation de ce coût étant lui-même liée aux
progrès de la médecine". Par J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT,
Sécurité sociale, Op. cit., p37.
2 Cf. C. LE PEN , « Guérir
l'assurance maladie », Sociétal n° 42, 4ème
trimestre 2003, p 10-13.
3 Cf. B. PALLIER, « Etat - providence,
de la crise aux reformes », Problèmes économiques, 19-26
mars 2003, p. 7-16.
4 J-J. DUPEYROUX et X. PRÊTOT,
Sécurité sociale, Op. cit., p. 39.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 101
Le financement de la sécurité sociale en
France1 se fait ainsi par les cotisations des assurés sociaux
d'une part et par les transferts financiers à la caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés C.N.A.M.T.S. (transfert
d'une part du produit des droits sur les alcools et sur les tabacs, des
prélèvements sociaux sur les revenues du patrimoine, etc...)
d'autre part.2
Le recours à ces deux ressources de financement ont
nécessité un amendement constitutionnel par la loi
constitutionnelle n°96-138 du 22 février 1996 en vertu de laquelle
l'article 34 prévoit, désormais, que « les lois de
financement de la sécurité sociale déterminent les
conditions générales de son équilibre financier et, compte
tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de
dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues
par une loi organique ».
Une loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux
lois de financement de la sécurité sociale3 a
inséré dans le code de sécurité sociale les
articles L.111-3 à L.111-7 prévoyant qu'est votée chaque
année, par le parlement une « loi de financement de la
sécurité sociale »4.
En droit tunisien, par contre, le financement de la
sécurité sociale est essentiellement à base « des
cotisations des employeurs et des travailleurs, assises sur l'ensemble des
salaires, rémunérations ou gains perçus par les
travailleurs, assujettis aux régimes définis par la loi
n°60-30 »5.
Cette unique ressource de financement de la
sécurité sociale semble être insuffisante, à ce
propos, Mme Aïcha SAFI remarque que : «
paraissant avoir une valeur constitutionnelle l'assurance maladie ne
bénéficie, qu'à ceux qui payent chère leur
santé. Pour ceux qu'en bénéficient, l'efficacité du
système de prise en charge est fortement contestée et ce quelque
soit le secteur d'activité, les services sont très en
1 Cf. A. EUZEBY, «
Prélèvements obligatoires et protection sociale : les
piéges des comparaisons internationales », Dr. Soc. n° 1,
2003, p. 96-99.
2 Cf. R. PELLET, « l'équilibre
financier de l'assurance maladie après la loi du 13 août 2004
», n° 11, 2004, p. 979-985.
3 Ces lois sont soumises au contrôle de la
constitutionnalité. y. à ce propos, R. PELLET, « Le conseil
constitutionnel et l'équilibre financier de la sécurité
sociale », Dr. Soc., n° 1,1999, p. 21.
4 Cf., J-M. BELORGEY, « A quoi
servent les lois de financement de la sécurité sociale ? »,
Dr. Soc., n°09/10, 1998, p. 807.
5 Art. 40 de la loi n°60-30 du Décembre
1960 relative à l'organisation des régimes de
sécurité sociale.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 102
deçà des attentes, elles ne sont pas dignes
de l'individu, du moins elles ne représentent pas la contre partie des
sommes déboursées ».1
Afin de pallier à ces insuffisances du système
d'assurance maladie, la nouvelle loi n°2004-71 énumère dans
son article 14 les ressources du régime de base d'assurance maladie, il
s'agit ;
«1. des cotisations prévues par la
présente loi ;
2. des pénalités pour le non payement des
cotisations dans les délais légaux ;
3. du revenu des placements et valorisations des fonds du
régime prévu par la présente loi ;
4. des dons et legs et toutes autres ressources
accordées au titre de ce régime en vertu d'un texte
législatif ou réglementaire ».
Cette loi prévoit une hausse des taux des cotisations
par rapport à l'actuelle législation. Une hausse qui s'explique
par l'insuffisance des ressources des caisses de sécurité sociale
d'une part et l'augmentation à un rythme assez
accéléré des dépenses de santé en Tunisie
d'autre part.2
A ce propos, M. Hafedh LAMOURI,3
en évoquant des estimations sur l'évolution des dépenses
de santé qui vont passer de 3320 MD en 2010 à 6600 MD en 2019,
ainsi que sur l'évolution des dépenses des caisses de
sécurité sociale au titre de l'assurance maladie qui passeront de
355, 3MD en 2002 à 1250 MD en 2010 et 2800 MD en 2019,4 voit
qu'il s'agit d'un « phénomène d'ordre structurel en
rapport avec le niveau de développement économique et social de
la Tunisie », d'où la nécessité d'une
réforme de l'assurance maladie qui est devenue vitale.
« La Tunisie a pris du retard par rapport à
d'autres pays à un niveau de développement parfois comparable qui
ont reformé avec succès leur système tant dans sa
régulation que dans son financement »,1 ceci peut
être expliqué par une volonté des pouvoirs publics de
réussir une difficile conciliation entre une restriction
1 A. SEFI, Art. préc., p. 22.
2 M. KADDAR, Les systèmes de santé
au Maghreb : un état des lieux, , centre International de l'enfant
(C.I.E.), 1994.
3 H. LAMOURI, Rapport introductif : « Le
financement de la sécurité sociale : les défis »,
Actes du colloque sur le financement de la sécurité sociale en
Tunisie, Tunis, 16 décembre 2003, R.T.D.S., n° spécial
sécurité sociale, n°10, 2004, p. 17.
4 Cf., M. CHAABANE, « Le financement
de la couverture maladie : état actuel et perspectives », R.T.D.S.,
n° spécial sécurité sociale, n°10, 2004, p.
58.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 103
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4 Art. 3 de la loi n°2004-71, du 2 Août
2004.
5 A la lettre d'Emile LEVY on peut dire que «
les principes d'une réforme de notre assurance maladie sont connus :
il suffit de vouloir les appliquer », Dr. Soc., n° 4, 1991, p.
330.
6 Dans les travaux préparatoires et lors de la
discussion de cet Art. dans la séance du 28 juillet 2004 de la chambre
des députés, l'un d'eux a soulevé le problème de la
hausse du taux pour les retraités, la réponse était que ce
taux n'est pas très élevé et qu'il était de l'ordre
de 6,75% dans le projet de départ et que les pouvoirs publics ont
décidé le taux de 4% qui n'est pas élevé par
rapport à leur demande élevée pour les prestations de
soins.
7 Art. 15 Al. 2ème de la loi du 2
Août 2004.
8 X. PRETOT : « La notion de cotisation de
sécurité sociale », Dr. Soc., n°6 ,1993 p. 622.
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3
du système d'assurance maladie et une hausse
"acceptable" dans les taux des cotisations au titre de l'assurance
maladie.2
2. Assiette et taux des cotisations
La réforme du nouveau régime d'assurance maladie
en Tunisie ne va pas être sans impact sur les taux des cotisations. On
peut nettement observer que la loi n° 2004-71 du 2 Août 2004 portant
institution du nouveau régime d'assurance maladie3 «
applicable aux assurés sociaux mentionnés dans les
différentes régimes légaux de sécurité
sociale »,4 vient d'unifier les taux de cotisations au
titre de l'assurance maladie pour tous les assurés sociaux des deux
secteurs public et privé.
L'unification des taux de cotisations trouve son fondement
dans l'article premier de la dite loi qui institut « un régime
d'assurance maladie, au profit des assurés sociaux et de leurs ayants
droit, fondé sur les principes de la solidarité et
l'égalité des droits ... »5
Certes, il y a lieu de noter que pour le
bénéficiaire d'une pension, le taux de cotisation en vertu de
l'article 15 alinéa 3 est fixé à 4%.6
Pour les autres assurés sociaux, le même taux de
6.75% est applicable à tous les régimes « réparti
entre l'assuré qui a la qualité de salarié sur la base de
4% à la charge de l'employeur et 2.75% à la charge du
salarié »,7 sauf que pour l'assuré social
travaillant pour son propre compte, il va supporter la totalité du taux
de la cotisation 6.75%.
Ainsi, et avec le nouveau régime, tous les
assurés sociaux, au même pied d'égalité,
parviendront à acquérir un droit à la santé au
même prix, dans une logique de solidarité collective
organisée par la sécurité sociale.8
1 H. LAMOURI, art. préc., p. 20.
2 Sur l'apport de la loi n°2004-71 du
02/08/2004, v. M. HELLAL , « La reforme de l'assurance maladie (loi
n°2004-71 du 2 Août 2004) », R.J.L. n°4, 2006
spécial sécurité sociale, p. 32.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 104
L'assiette de cotisation est la même pour tous les
assurés sociaux, il s'agit du salaire ou du revenu. Toutefois, aux
termes de l'article 15 de la loi de 2004, « l'assiette de cotisation
ainsi que les différentes étapes de son application sont
fixées par décret ».
Lors de son adoption, ladite loi devrait entrer en vigueur
dans toutes ses dispositions à partir du 1er juillet
2005,1 mais l'application de la loi a connu certaines
difficultés et il a fallu du temps pour voir apparaître les
premiers textes de son application dont notamment le décret n° 321
du 16 février 2005 relatif à l'organisation de la caisse
nationale d'assurance maladie (C.N.A.M.), le décret n° 3031 du 21
novembre 2005 relatif au contrôle médical prévu par les
articles 17 et 18 de la loi de 2004 et le décret n°3154 du 6
décembre 2005 relatif aux Conventions conclues entre la C.N.A.M. et les
représentants des prestations de soins, mais aussi et surtout, le
décret relatif à la détermination des taux des cotisations
n° 2007-1406 du 18 juin 2007 et qui prévoient
l'élévation des taux à des étapes sur trois ans et
parfois même sur cinq ans pour les bénéficiaires d'une
pension.2
Avant la loi de 2004, différents taux de cotisations
sont appliqués selon le régime auquel appartient l'assuré
social. A ce propos on va distinguer entre les régimes d'assurances
maladie dans les secteurs public et privé.
a) Dans le secteur public
Par la loi n° 72-2 du 15 février 1972,
l'assuré social, par une cotisation de 2% répartie à
raison de 1% à sa charge et 1% à la charge de son employeur, a la
possibilité de choisir entre le système de remboursement pour
longue maladie ou opération chirurgicale sur la base de la tarification
officielle et le système de l'octroi direct des soins pour toutes les
maladies dans les formations sanitaires et hospitalières publiques.
Certes, le choix d'un système est exclusif de l'autre.3
1 Art. 29 de la loi : « Les dispositions
du deuxième chapitre du titre II de la présente loi, sont
applicables dès la date de sa promulgation ; le reste de ses
dispositions entre en vigueur à partir du 1er juillet 2005
».
3484 Õ 5003
ÉíáíæÌ 58
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ÈÇæäáÇ ÓáÌã
ÊáÇæÇÏã 2
3 Cf. A .BEN ALI, « Assurance maladie
(secteur public) savoir évoluer », L'expert, n° 09, du 27
décembre 1996 au 02 janvier 1997, p. 36 et s.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 105
De surcroît, l'affilié a une possibilité
d'avoir une couverture complémentaire lui permettant le remboursement
des frais de soins en cas de maladie courante en contre partie d'une cotisation
supplémentaire de 3%.
Cette situation de deux types d'affiliés à deux
taux de cotisation soit 1% soit 4% avec les insuffisances
constatées1 va nécessiter l'intervention du pouvoir
réglementaire qui, par le décret n° 88-186 du 6
février 1988, a cherché à rendre le régime
d'assurance maladie dans le secteur public beaucoup plus attractif. Cette
réforme a permis, dans le régime facultatif, de couvrir les
prestations prévues par le régime obligatoire et a touché
le barème de remboursement dans le sens de son alignement avec celui des
mutuelles et des assurances groupe.
A ce propos, une contribution supplémentaire de 1.5%
à la charge de l'employeur va permettre de répartir le taux
global des cotisations comme suit :
? 4% à la charge de l'assuré (1% au titre du
régime obligatoire et 3% au titre du régime facultatif).
? 2.5% à la charge de l'employeur (1% au titre du
régime obligatoire et 1.5% au titre du régime facultatif).
? 3% pour les pensionnés (1% au titre du régime
obligatoire et 2% au titre du régime facultatif).
L'unification des taux au titre de l'assurance maladie va
entraîner, avec l'application de la loi de 2004, des cotisations en plus
ou parfois même en moins (pour les assurés adhérents du
régime facultatif), ce qui va donner des taux supplémentaires
différents selon les régimes pour aboutir à un taux unique
pour tous les assurés, c'est d'ailleurs la même situation dans le
secteur privé.
1 Cf. S. BLEL, « L'assurance maladie
en Tunisie, contexte actuel et perspectives d'avenir, La Revue de l'Entreprise,
n° Spécial Hors série, Décembre 2001, p. 50.
- « En effet, et alors que les assurés du secteur
public qui ont choisi la longue maladie et les opérations chirurgicales
ainsi que l'assurance facultative bénéficient , moyennant un taux
de cotisation de 6,5%, du libre choix du médecin traitant, les
salariés du secteur privé non agricole, pour le même taux
de cotisation, ne bénéficient que d'un carnet de soins par lequel
ils ne peuvent qu'accéder aux établissements sanitaires de la
santé publique et aux policliniques de la C.N.S.S ». Par A. SEFI,
Op. cit. p. 30. ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 106
b) Dans le secteur privé
Le régime d'assurance maladie dans le secteur
privé ne permet l'accès pour se soigner qu'aux formations
sanitaires publiques en plus des six polycliniques de la C.N.S.S. par le biais
d'un carnet de soins.
Les cotisations sont réparties entre l'assuré
social et son employeur, mais parfois elles sont supportées par
l'assuré social tout seul ou par l'employeur tout seul.
En effet, par application du nouveau taux de cotisation
prévu par la loi n° 2004-71 dans son article 15, les assurés
sociaux dans tous les régimes du secteur privé ainsi que leurs
employeurs vont supporter ensemble et à des taux différents la
hausse prévue.
Désormais, le taux supporté par l'assuré
social serait de l'ordre de 2.75% contre 4% à la charge de l'employeur.
Auparavant, les taux étaient comme suit : ? Le régime des
salariés non agricoles : 3.43% à la charge de l'employeur et
1.32% à la charge de l'assuré.
? Le régime des salariés agricoles : 0.68% à
la charge de l'employeur et 0.23% à la charge de l'assuré.
? Le régime des salariés agricoles
amélioré : 1.52% à la charge de l'employeur et 0.76%
à la charge de l'assuré.
? Le régime des non salariés agricoles et non
agricoles : 3.04% à la charge de l'employeur.
? Le régime des travailleurs tunisiens à
l'étranger : 4.1% à la charge de l'assuré.1 Par
le nouveau taux de cotisation commun à tous les assurés sociaux
du secteur privé et du secteur public, la réforme
envisagée de l'assurance maladie vise à améliorer la
couverture sociale et les prestations, assurer l'équité sociale
et maîtriser les coûts des soins.
Il est nécessaire de rappeler qu'avec l'adoption du
décret n°2007-1406 du 18 juin 2007 fixant l'assiette de cotisation
dans le nouveau régime d'assurance maladie, l'assiette de cotisation
dans le nouveau régime d'assurance maladie est la même que
prévoit le régime général de sécurité
sociale dans l'article 42 de la loi
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 107
n° 60-30 tel que abrogé et remplacé par la
loi n°95-101 du 27 novembre 1995 et qui dispose que : « Les
cotisations sont assises sur l'ensemble des éléments des
salaires, émoluments, indemnités et tous autres avantages, en
espèces ou en nature liés à la qualité de
salarié, accordés directement ou indirectement, y compris les
avantages accordés par l'intermédiaire de structures issues de
l'entreprise et ce, quelles que soient les modalités de leur octroi.
Sont entièrement ou partiellement exclus de l'assiette de cotisations
les avantages,2 revêtant un caractère de remboursement
de frais, d'indemnisation ou d'action sociale, culturelle et sportive au profit
du salarié ».
Le législateur a ainsi distingué entre des
éléments de base présentant un "noyau dur" et
constitué du prix du travail et des éléments accessoires
du salaire et qui peuvent faire l'objet d'exonération justifiée
par le souci d'allégement du coût du travail pour répondre
aux exigences de la compétitivité et des entreprises et pour
stimuler la création de l'emploi.3
Certes, le montant global des avantages exclus de l'assiette
de cotisation ne peut pas dépasser le taux de 5% des salaires
accordés par l'entreprise.4
De ce qui précède, il s'avère que la
satisfaction d'un droit à la santé pour les assurés
sociaux s'est faite, avec l'option en faveur d'une conception professionnelle
de la sécurité sociale, par les cotisations qu'ils versent dans
un régime d'assurance maladie. Ceci ne risque-t-il pas d'exclure
certaines catégories socioprofessionnelles du bénéficie
des prestations de soins nécessitées par leur état de
santé ?
Section 2 : L'EXCLUSION DE CERTAINES CATEGORIES
SOCIOPROFESSIONNELLES
L'extension de la couverture sociale en faveur des
catégories professionnelles à faible revenu ou en faveur des
catégories sociales sans revenu va leur permettre de
1 V. S. BLEL,Op. cit., p. 52 (tableau
indiquant le taux de cotisation par régime dans le secteur
privé)
2 Le décret n°96-341 du 6 mars 1996 a
fixé la liste des avantages exclus de l'assiette des cotisations, ainsi
que les taux et les plafonds d'excemption. (v. aussi le décret du 10mai
1999 et le décret du 19mai 2003).
3 Cf., A. MOUELHI, Droit de la
Sécurité sociale, Op. cit., p.142.
4 Sur les taux et assiette des cotisations, voir M-S.
KASMI, Droit du Travail Tunisien, Les éditions internationales,
1998, p. 226-248.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 108
jouir, sous conditions, de leur droit à la santé
par les assurances sociales1 (Paragraphe 1)
mais ne va pas permettre de satisfaire aux besoins des
catégories sociales vulnérables dépourvues de leur droit
à la santé (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : UN DROIT A LA SANTE SOUMIS A DES CONDITIONS
POUR CERTAINES CATEGORIES
Pour être couvert socialement et
bénéficier des prestations de soins en cas de besoin, les ayants
droit de l'assuré social (A) doivent
répondre à certaines exigences à savoir la condition
d'âge pour les enfants à charge. D'autres catégories
socioprofessionnelles, elles aussi, et avec l'extension de la couverture
sociale à leur profit doivent remplir les conditions nécessaires
pour jouir d'un droit à la santé du fait de leur appartenance
à un régime particulier de sécurité sociale
(B).
A. Les ayants droit de l'assuré social
Il s'agit du conjoint (1), des
descendants (2) et des ascendants
(3). 1. Le conjoint
Aux termes de l'article 4 de la loi n° 2004-71, portant
institution d'un régime d'assurance maladie, « le conjoint, non
divorcé et ne bénéficiant pas au titre de son
activité d'une couverture légale obligatoire contre la maladie
», bénéficie d'une assurance maladie en tant qu'ayant
droit de l'assuré social.
En vertu de ce régime pour avoir accès aux
prestations de soins nécessitées par son état de
santé, en tant qu'ayant droit d'un assuré social, la femme doit
remplir deux conditions :
? Ne pas avoir la qualité d'assurée sociale au
titre de son activité et par la suite l'absence de couverture contre le
risque maladie par un autre régime.
? Etre en lien conjugal avec l'assuré social par un acte
de mariage légalement conclu au sens des articles 3 et 4 du code du
statut personnel2.
1 Cf., M. CHERIF et K. ESSOUSSI, «
L'extension de la sécurité sociale aux populations non couvertes,
Série Africaine, n° 26, 2004, p. 103-120.
2 Art. 3 Al. 1er prévoit que :
« Le mariage n'est formé que par le consentement des deux
époux ».
- Art. 4ème Al. 1er prévoit
que : « La preuve du mariage ne peut être rapportée que
par un acte authentique dans des conditions fixées par une loi
ultérieure ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 109
Cette deuxième condition va exclure du champ de
protection la concubine de l'assuré social, qui, par contre, en Droit
français est assimilée au conjoint par la loi du 2 janvier 1987
à condition qu'elle vive maritalement avec lui et qu'elle se trouve
à sa charge effective, totale et permanente1.
Le nouveau régime d'assurance maladie en Tunisie eu
égard la femme divorcée a préservé la même
attitude qu'auparavant dans les différents régimes légaux
de sécurité sociale2 ; ces régimes n'admettent
un accès aux prestations de soins que pour le conjoint non
divorcé.
Ainsi, par le fait de son divorce, la femme, n'exerçant
pas une activité professionnelle et ayant perdu la qualité
d'ayant droit, ne peut pas bénéficier de l'octroi des prestations
de soins en cas de maladie.
2. Les descendants
Le nouveau régime d'assurance maladie profite aux
descendants de l'assuré social qui ont la qualité d'ayant
droit.
La protection du droit à la santé ne profite,
aux termes de l'article 4 de la loi n°2004-71, que pour : « les
descendants de l'assuré social à charge indiqués
ci-dessous :
? les enfants mineurs à condition de ne pas
bénéficier d'une couverture légale obligatoire contre la
maladie,
? la fille quelque soit son âge tant que son
obligation alimentaire n'incombe pas à son époux ou tant qu'elle
ne dispose pas de source de revenu,
? les enfants portant un handicap les rendant incapables
d'exercer une activité rémunérée et qui ne
bénéficient pas d'une couverture légale obligatoire contre
la maladie au titre de leur activité ».
Cet article, qui reprend presque la même liste des
ascendants bénéficiant de l'accès gratuit aux
consultations externes en tant qu'ayants droit de l'assuré social soumis
au régime général des salaires non agricoles, suscite les
remarques suivantes :
1 J.J DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p321.
2 - Art. 91 de la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960, pour les salariés non agricoles. - Art. 41 de la
loi n°81-06 du 12 Février 1981, pour les salariés
agricoles.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 110
? La protection des enfants à charge se limite
uniquement aux enfants mineurs, ce qui peut poser la question de la couverture
des descendants majeurs qui ne bénéficient pas d'une couverture
légale obligatoire par un autre régime ; c'est à dire qui
n'exercent pas une activité professionnelle et ne sont pas des
étudiants.
? La protection de la fille quelque soit son âge, permet
de protéger une large couche de la population qui, vu le recul de
l'âge de mariage dans la société tunisienne et la situation
actuelle du marché de l'emploi, ne peut pas être couverte par un
régime légal de protection.
? La question peut se poser eu égard la fille qui lors
de son divorce revient de nouveau chez son père, auquel incombe son
obligation alimentaire sans bénéficier, toutefois, d'une
couverture par le régime d'assurance maladie.
Ainsi, il semble plus opportun d'assurer une protection du
droit à la santé pour les descendants de l'assuré social
en leur assurant une couverture par le régime d'assurance maladie
à condition qu'ils ne soient pas couverts par un régime
légal de protection d'une part, et à condition de cohabiter avec
l'assuré social auquel ils sont à charge d'autre part.
3. Les ascendants
Faisant preuve du caractère familial de la
sécurité sociale, le Droit tunisien de la sécurité
sociale permet de réserver des avantages aux ascendants de
l'assuré social dont notamment le bénéfice des soins de
santé.
Ainsi, l'article 4 de la loi de 2004 relative à
l'assurance maladie permet d'assurer les soins pour les ascendants à
charge de l'assuré social à condition qu'ils ne soient pas soumis
à titre principal à une couverture légale obligatoire
contre la maladie.
A ce propos, il est essentiel de rappeler que le même
alinéa est prévu par d'article 91 de la loi n° 60-30 qui
ajoute : « Est considéré à la charge du
travailleur, l'ascendant âgé de 60 ans au moins à la date
de la demande des prestations, auquel ledit travailleur assure d'une
façon effective et permanente le logement, la nourriture et
l'habillement.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 111
Toutefois, la condition d'âge n'est pas
exigée pour les veuves et les ascendants atteints d'une infirmité
les rendant incapables de subvenir à leurs besoins
»1.
En application du nouveau régime d'assurance maladie,
les prestations de soins sont assurées aux ascendants de l'assuré
social quels que soient leurs âges, la seule condition posée par
la nouvelle législation est l'absence d'une couverture légale
obligatoire contre la maladie pour ces personnes.
Ainsi, la loi de 2004 exprime avec force la volonté des
pouvoirs publics de parvenir à satisfaire convenablement les exigences
du droit à la santé en faisant recours à un principe de
base de la réforme qui est la solidarité entre les
générations.2
Sur un deuxième volet de protection, la
solidarité prend la forme d'une solidarité entre des
assurés appartenant à des régimes différents en
faveur de ceux appartenant à un régime particulier de
sécurité sociale.
B. Les assurés sociaux des régimes
particuliers
Afin d'éliminer toute exclusion sociale, l'Etat, par le
mécanisme des assurances sociales, intervient pour garantir à
certaines catégories socioprofessionnelles un droit à la
santé et à la sécurité sociale. Ces
catégories, ne remplissant pas les conditions d'assujettissement sous un
régime légal de sécurité sociale,
bénéficient d'une protection légale par
l'aménagement des conditions d'assujettissement en appartenant à
des régimes spéciaux.
Toutefois, la précarité de la situation des
bénéficiaires risque de les priver de la protection à tout
moment, il s'agit du régime des étudiants
(1), du régime des artistes créateurs
et intellectuel (2) et du régime particulier
à certaines catégories de travailleurs
(3).
1 Il est utile de rappeler que la loi n°
94-114, du 31 octobre 1994 relative à la protection des personnes
âgées dans son Art. 2, et dans un souci de maintenir les personnes
âgées à domicile et particulièrement dans le milieu
familiale, fait peser sur la famille « la responsabilité de la
protection de ses membres âgées et la satisfaction de leurs
besoins »
2 En proposant de créer une nouvelle branche
« handicap-dépendance » de la sécurité sociale,
Arnaud LECHEVALIER voit qu'à l'image de la réforme allemande, la
France doit « se donner les moyens, en termes d'organisation comme de
financement, pour que le grand âge ne soit plus synonyme de naufrage
». (Alternatives économiques, n° Hors-Serie, La
protection sociale, n° 55, 1er trimestre 2003, p43).
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 112
1. Le régime des étudiants
La jouissance des prestations des assurances sociales pour les
étudiants qui, à un certain âge, perdent la qualité
d'ayant droit d'un assuré social, s'est faite par la loi n° 88-40
du 6 mai 1988 qui vient de modifier la loi n° 65-17 du 28 juin 1965
étendant les régimes de sécurité sociale aux
étudiants1.
Ainsi, sont assujettis obligatoirement aux régimes de
sécurité sociale, aux termes de l'article 2 de cette loi, «
les étudiants tunisiens inscrits régulièrement dans
les établissements d'enseignement supérieur de Tunisie et qui ne
sont ni assurés sociaux eux même, ni ayants droit d'assuré
social »2. C'est donc pour protéger une importante
couche sociale dont le nombre ne cesse d'augmenter que le législateur
tunisien a, en une première étape, assujetti les étudiants
à ce régime pour l'étendre, en une deuxième
étape, en faveur des « stagiaires admis au
bénéfice du système de stage d'initiation à la vie
professionnelle pour les diplômés de l'enseignement
supérieur et du système de stage d'initiation à la vie
professionnelle pour les diplômés de l'enseignement secondaire et
de la formation professionnelle et spécialisée de même
niveau ».3
Ce régime est étendu une deuxième fois au
profit des stagiaires munis de contrats emplois formation par la loi n°
89-67 du 21 juillet 1989.
En vertu de ce régime, l'étudiant ne peut
bénéficier de l'octroi des soins en cas de consultation ou
d'hospitalisation, tel que prévu par l'article 4 de la loi n°
65-17, au delà de l'âge de 28 ans révolus4. Ceci
va exclure normalement du champ de la protection un bon nombre
d'étudiants notamment ceux poursuivant leurs études en
mastère et en doctorat et qui pour être encouragés
davantage doivent être en sécurité
1 Le décret n° 92-631 du 23 mars 1992
fixant les conditions de bénéfice du régime de
sécurité sociale des étudiants et modifié par le
décret n°2003-1544 du 2 juillet 2003.
2 L'étudiant et ses ayants droits (conjoint
et enfant à charge) ont droit aux soins médicaux gratuits c'est
à dire aux prestations en nature des assurances maladie et
maternité et ceci sur présentation du carnet de soins familial "
étudiant "
3 Art. unique, Al 1er de la loi
n°88-6 du 8 février 1988 relative à la couverture des
stagiaires en matière de sécurité sociale.
4 Art. 3 Al. 2ème de la loi
n° 65-17 dispose que : « L'age limite au bénéfice
des régimes des prestations est fixé à 28 ans
révolus. Toutefois, il pourra être reculé d'un temps
égal à celui passé sous les drapeaux, celui passé
dans la fonction publique ou celui pendant lequel l'étudiant a dû
interrompre ses études par suite de longue maladie ou de
maternité »
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 113
notamment face aux risques pouvant toucher leur santé
pour qu'ils puissent participer au progrès des recherches scientifiques
en Tunisie1.
De ce qui précède, on peut admettre qu'il serait
plus équitable d'étendre la couverture par le régime de
sécurité sociale aux étudiants sans aucune limite
d'âge surtout que la demande du savoir n'est pas limitée par
l'âge.
De toutes les façons, sincère à son
caractère évolutif, le droit de la sécurité sociale
apporte les remèdes aux insuffisances constatées. Ainsi, la loi
n° 2006-51 du 24 juillet 2006 vient d'étendre la couverture sociale
au titre des prestations de soins en faveur des diplômés de
l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle.
Toutefois, cette couverture est limitée dans le temps
(pour une seule année) et paraît être même trop courte
pour certains diplômés dont les opportunités d'embauchage
sont trop minimes, elle aurait dû être renouvelable sous
conditions.
Le bénéfice de la protection par ce
régime se fait en contre partie d'une cotisation forfaitaire dont le
montant actuel est de cinq dinars par an2.
2. Le régime des artistes, créateurs et
intellectuels
Toute récente, la protection sociale des artistes,
créateurs et intellectuels créée par la loi n°
2002-104 du 30 décembre 2002, semble, à première vue,
être attractive. Mais l'examen du nombre des affiliés à ce
régime montre qu'il est sous-affilié3, ceci s'explique
par :
? Une certaine rigueur qui caractérise les travaux de
la commission consultative chargée de l'examen des dossiers des
candidats à l'affiliation.
? Le droit d'option entre l'adhésion au régime
de la loi n° 2002-104 et le régime de sécurité
sociale des travailleurs non salariés des secteurs agricole et non
agricole prévu par le décret n° 95-1166 du 3 juillet
1995.
1 « Les étudiants dans tous les pays
constituent un élément digne d'intérêt, car ils
représentent les cadres futurs de la nation », par Noé
LADHARI, Traité de sécurité sociale, Op. cit.,
p195.
2 Par le décret n° 2003-1544 du 2 juillet
2003.
3 Jusqu'à la fin du mois de juin 2004
l'examen par la commission consultative de 976 dossiers de candidature à
l'affiliation a permit d'accepter 210 dossiers contre 191 dossiers
refusés et 557 dossiers en instance (source : une note de la direction
générale de la sécurité sociale).
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 114
? L'exercice occasionnel et saisonnier de l'activité
culturelle par certains artistes folkloristes représentant la
majorité des candidats à l'affiliation et qui sont d'un âge
un peu avancé.
De surcroît, les conditions du bénéfice de
régime telles que énumérées par l'article 2 de la
loi du 30 décembre 2002 semblent être difficiles à remplir,
le candidat à l'affiliation doit :
? Prouver son appartenance au secteur culturel ou l'exercice
d'une activité artistique ou culturelle d'une manière permanente,
sur la base d'une pièce délivrée par les services du
ministère chargé de la culture.
? Ne pas être assujettis à un régime
légal de sécurité sociale.
? Ne pas bénéficier d'une indemnité
permanente attribuée par l'Etat ou d'un revenu lié à une
autre activité.
Quand à la couverture du droit à la
santé, la loi précitée a, à la fois, des
mérites et des insuffisances :
Pour les mérites, un droit au bénéfice
des prestations de soins est reconnu
pour :
? Les personnes visées ayant dépassé
l'âge de 55 ans et bénéficiant d'indemnités
permanentes attribuées par l'Etat.
? Les personnes assujetties qui ont dépassé
l'âge de 55 ans et qui ne sont pas titulaires d'autre indemnité
permanente de l'Etat et ceci sans obligation de payer les cotisations
sociales.
? Les personnes âgées de moins de 55 ans et
bénéficiant d'une indemnité accordée par l'Etat, et
ceci sans condition de paiement des cotisations.1
Pour les insuffisances, le législateur aurait dû
reconnaître un droit à la santé pour ceux qui ne
répondent pas aux conditions exigées, en leur permettant
l'accès aux établissements sanitaires et hospitaliers publics en
cas de consultation ou d'hospitalisation. Cet accès aux prestations de
soins pourrait être ouvert sur
1 Les dispositions de l'Art. 33 sont prévues
à titre transitoire.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 115
présentation d'un carnet de soins familial
délivré en contre partie des cotisations que paye
l'intéressé.
3. Le régime particulier à certaines
catégories de travailleurs
Pour assurer une couverture sociale au profit de certaines
catégories de travailleurs ne répondant pas aux conditions
d'affiliation sous un autre régime de sécurité sociale, le
législateur, par la loi n° 2002-32 du 12 mars 2002 a
institué un régime spécifique à leur profit afin de
leur assurer un droit aux prestations de soins ainsi qu'un droit aux pensions
de vieillesse, d'invalidité et de survivant.
Ce régime, en vertu de l'article 1er de la
loi précitée, s'applique aux personnes suivantes :
? Les employés de maisons attachés au service de
la maison, quels que soient le mode et la périodicité de leur
rétribution et occupés aux travaux domestiques d'une façon
habituelle par un ou plusieurs employeurs, ne poursuivant pas, au moyen de ces
travaux, des fins lucratives.
? Les personnes employées par l'Etat, les
collectivités locales et les établissements publics à
caractère administratif qui ne sont pas couverts par un régime
légal de sécurité sociale.
? Les pêcheurs travaillant sur des bateaux dont la jauge
brute ne dépasse pas 5 tonneaux, ainsi que les pêcheurs
indépendants et les petits armateurs.
? Les agriculteurs travaillant pour leur propre compte et
exploitant des superficies ne dépassant pas 5 hectares en sec ou 1
hectare en irrigué.
? Les artisans travaillant à la pièce dans des
activités et selon des conditions fixées par arrêté
des ministres des affaires sociales et de l'artisanat.
Il y a lieu de noter que le point de rencontre entre tous les
intéressés par ce régime est la précarité de
leurs emplois, et l'instabilité de leurs revenus. C'est pour cela que le
législateur les a spécifiés par un régime
particulier afin de les encourager davantage pour adhérer à la
sécurité sociale.1
En effet, la protection du droit à la santé pour
ces catégories de travailleurs aurait pu être faite sur la base du
régime des travailleurs non salariés des secteurs
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 116
agricole et non agricole par l'aménagement des
conditions d'affiliation selon les spécificités de chaque
catégorie, surtout que la prévision d'un régime
spécifique et autonome à leur faveur a connu une sous affiliation
dont le taux est de 9.63%.2
La faible adhésion des travailleurs couverts par la loi
de 2002 est dûe au changement fréquent d'une activité
à une autre ou d'un employeur à un autre du jour au lendemain,
ainsi qu'à la faiblesse de leur capacité contributive et
l'absence de cultures et de traditions de couverture sociale chez eux.
Ce sont d'ailleurs les mêmes raisons qui vont priver
certaines catégories sociales vulnérables d'un droit à la
santé.
Paragraphe 2 : DES CATEGORIES SOCIALES VULNERABLES
DEPOURVUES D'UN DROIT A LA SANTE
Défaillants d'un revenu professionnel
(A) ou à faible revenu du fait de la
précarité de leur emploi (B) des
catégories sociales considérées vulnérables se
trouvent dépourvues d'un droit à la santé
A. Les défaillants d'un revenu professionnel
L'observation du Droit de la sécurité sociale en
Tunisie montre nettement qu'aucune protection sociale n'est prévue pour
les chômeurs (1). Par contre, une protection
limitée dans le temps est reconnue en faveur des licenciés pour
des raisons économiques ou technologiques
(2).
1. Les chômeurs
« Le chômage constitue à la fois un
risque social et un risque économique. La capacité de travail de
la personne concernée n'est pas affectée, mais elle ne peut
s'exercer en raison des situations particulières du marché du
travail ».3
Le Droit tunisien de la sécurité sociale, se
basant sur une conception professionnelle, n'a pas pris en considération
le chômage en tant que risque social nécessitant une action
collective et solidaire en faveur des chômeurs.
1 L'affiliation à ce régime s'effectue
selon les modalités fixées par le décret n° 2002-916
du 22 avril 2002.
2 Source C.N.S.S dans l'article de K. ESSOUSSI, «
L'extension de la couverture sociale », Art. préc., p 142.
3 A. MOUELHI, Droit de la Sécurité
sociale, Op. cit. , p.13.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 117
Ainsi, le chômage se présente comme un
phénomène insaisissable coûteux et variable dans sa
durée, ce qui peut être une source de difficultés pour
garantir un minimum de protection en faveur des chômeurs.
Le risque chômage est donc d'une gravité
exceptionnelle notamment pour les jeunes diplômés de
l'enseignement supérieur ou de la formation professionnelle qui,
malgré l'apport de la loi n° 2006-51 du 24 juillet 2006, se
trouvent forcément, une année après la fin de leurs
études, dépourvus de nouveau des prestations de soins et de la
couverture sanitaire.
Désireux de travailler, les chômeurs qui sont
plutôt victimes de la mondialisation et de la conjoncture
socioéconomique de la Tunisie,1 ont un droit créance
vis-à-vis de la nation. On parle ainsi, dans une logique de
solidarité nationale
pour reconnaître à ces chômeurs un minimum
de protection sociale se limitant au moins dans l'accès gratuit aux
soins de santé. Ce système de protection peut être
financé par un fond national de solidarité au profit des
chômeurs et peut même être financé par les dons et par
d'autres ressources.
Il est donc temps en Droit tunisien de la
sécurité sociale pour couvrir la 9ème
éventualité, visée par la Convention n° 102 de
l'O.I.T. (1952) relative à la norme minima en matière de
sécurité sociale, qui est le risque chômage et surtout face
au risque maladie des chômeurs.2
2. Les licenciés pour des raisons
économiques ou technologiques
Par la loi n° 96-101 du 18 novembre 1996, le
législateur tunisien cherche à protéger la famille du
travailleur licencié par la garantie des créances salariales.
Cette garantie de créance est soumise à des conditions relatives
essentiellement au motif de licenciement qui doit être pour des raisons
économiques ou technologiques et aussi à la situation
financière de l'entreprise3 :
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2 A. SEFI, Op. cit., p. 09-10. A ce
propos, elle parle d'une étude du centre de recherche de l'UGTT en 2001
portant sur la possibilité de création d'une caisse de
chômage.
3 Art. 2 du décret n° 97-1926 du 29
septembre 1997 a limité l'intervention de la C.N.S.S à ces cas :
La faillite de l'entreprise, sa fermeture définitive et l'inexistence
d'un actif suffisant susceptible de couvrir les dettes et sa liquidation par
voie judiciaire ou en vertu d'une décision administrative.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 118
Toutefois, cette mesure de garantie ne profite qu'aux
travailleurs assujettis au régime général de
sécurité sociale et au profit de certains agents des entreprises
et des établissements publics à caractère non
administratif, affiliés à la C.N.R.P.S., licenciés dans le
cadre de l'assainissement et de la restructuration des entreprises à
participation publique.1
D'autant plus, et parce que « la
sécurité sociale permet un meilleur accès aux soins de
santé »,2 la loi n° 2002-61 du 9 juillet 2002
a permis aux travailleurs licenciés ainsi que leurs ayants droit, de
continuer à bénéficier des prestations familiales dont
notamment les soins de santé et ceci pendant les quatre trimestres
suivant celui au cours duquel le travailleur a cessé son
activité.3
Cette solution bien qu'elle garantit la sécurité
là où il n'y a plus de sécurité, se trouve
limitée dans le temps et pourra par la suite engendrer des
difficultés majeures pour la famille dont le chef se trouve encore en
situation de chômage. Un droit aux prestations de soins pourrait
être reconnu pour une nouvelle durée pour le travailleur ainsi que
ses ayants droit s'il justifie qu'il est dans la recherche d'un nouvel
emploi4.
Avec l'adoption du nouveau régime d'assurance maladie
par la loi n°2004-71 du 2 Août 2004, la commission des affaires
sociales a soulevé le problème de l'absence d'indication dans la
liste des bénéficiaires prévu par l'article 4 des
travailleurs licenciés pour causes économiques ou technologiques.
La réponse du ministère des affaires sociales s'est basée
sur le fait que la protection de ces travailleurs licenciés était
prévue par l'article 7 de la loi n°96-101 du 18 novembre 1996,
telle que modifiée par la loi n°2002-24 du 27 Février 2002,
qui présente un texte spécial dont les dispositions continuent
d'être appliquées même après l'adoption
1 Décret n° 2003-1656 du 4 Août
2003.
V. à ce propos, A. MOUELHI, Droit de la
sécurité sociale, Op. cit., p.410.
2 Y. SAINT-JOURS, « La sécurité
sociale et la prévention des risques sociaux », Dr. Soc. n°
6,1994, p.594.
3 A l'image du Droit français, le
bénéficié pour cause économique ou technologique
devrait avoir une priorité de réembauchage pendant la
durée d'une année. (v. à ce propos, La loi de
modernisation sociale, D. 31 janvier 2002 n° 5/7058, p. 415.
4 Cette justification peut être faite par
l'inscription auprès du bureau d'emploi le plus proche.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 119
1 Travaux préparatoires de la loi
n°2004-71, discussion et adoption par la chambre des députés
dans sa séance du 28 juillet 2004.
de la loi instituant le nouveau régime d'assurance
maladie, qui présente le texte général, auquel peut
déroger la loi de 1996 en tant que texte spécial1.
A côté des chômeurs et des travailleurs
licenciés pour des causes économiques ou technologiques sont
dépourvus du droit à la santé, l'observation des
régimes particuliers à certaines catégories
socioprofessionnelles dévoile, du fait de la sous-affiliation
constatée, un grand nombre de citoyens ne bénéficiant pas
des prestations de soins par les assurances sociales.
B. La sous-affiliation dans les secteurs informels
Il est évident que des remèdes aux insuffisances
de certains régimes particuliers de sécurité sociale,
institués dans le cadre d'une adaptation du système
général aux caractéristiques des populations
précaires ou "mobiles", sont préconisés
(2). Ces remèdes vont permettre de lutter
contre les facteurs de la sous affiliation caractérisant les
activités précaires (1).
1. Les causes de la sous affiliation
Le faible nombre des adhérents dans certains
régimes spéciaux de sécurité sociale, notamment
celui prévu par la loi de 2002 instituant un régime particulier
à certaines catégories de travailleurs, peut être dû
à plusieurs facteurs dont :
? L'exercice par certains travailleurs de plusieurs
activités de différents secteurs chez divers employeurs pour des
durées de temps trop limitées, ce qui rend trop difficile leur
déclaration auprès de la C.N.S.S.
? La discontinuité de l'emploi de ces travailleurs, ce
qui va influencer leurs gains et par la suite leur capacité
contributive.
? La faiblesse des revenus des travailleurs fait de la
satisfaction de leurs besoins alimentaires une préoccupation presque
unique.
? L'absence de cultures et de traditions de couverture pour
ces catégories dont le niveau culturel n'est pas très
élevé.1
? L'éloignement des lieux du travail des structures
régionales de la C.N.S.S.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 120
? La dispersion des petites exploitations agricoles et le travail
saisonnier qui caractérise l'activité agricole.
? L'exercice de l'activité agricole, ainsi que
l'activité artisanale dans un cadre familial (ascendants, descendants,
frères, soeurs, conjoint, beaux frères et belles soeurs de
l'exploitant).2
Le faible taux d'affiliation dû aux facteurs
précités suscite des solutions afin de remédier aux
insuffisances de la couverture par ces régimes particuliers de
sécurité sociale.
2. Les remèdes
préconisés
Dans un système de sécurité sociale
fondé sur une conception professionnelle, si l'universalisation de la
sécurité (a) pourrait présenter
un défi difficile à abattre dans un pays en voie de
développement, une autre solution peut être retenue et consiste en
l'institution d'une couverture sociale adaptée à ces
catégories (b).
a) L'universalisation des régimes
particuliers
L'universalisation de la sécurité sociale
paraît être séduisante puisqu'un droit à la
santé et aux prestations de soins va être reconnu pour toute la
population, du fait que le financement s'opérera par le biais de
l'impôt et sera donc à la charge de toute la communauté.
Ainsi, il serait en faveur des travailleurs précaires,
le fait d'instituer un système universel pour les régimes
précaires et informels. Cette solution semble être opportune pour
une population relativement importante, mais présente, toutefois, une
source d'inégalité sociale puisqu'« il est certain que
confiner les gens à être des récipiendaires des prestations
sans effort contributif de leur part pourrait les encourager dans
l'oisiveté et ils pourraient de ce fait se complaire dans un
système
1 K. ESSOUSSI, « L'extension de la couverture
sociale aux populations économiquement vulnérables vers un
nouveau système », R.T.D.S., n° spécial
sécurité sociale, n°10-2004, p. 143.
2 A. MOUELHI, « Essai sur les
difficultés d'extension de la sécurité sociale dans le
secteur agricole en Tunisie », Revue tunisienne d'administration publique
(SERVIR) n°9, 3ème Trimestre 1993, p.17.
- V. aussi le même Art. R.I.S.S. n° 4,1993, p.
27-42.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 121
d'assistance loin d'encourager l'initiative pour
s'insérer dans le circuit économique 1».
De surcroît, il parait que la conception professionnelle
a réussi dans la couverture des catégories socioprofessionnelles
organisées dans des régimes structurés2 et par
la suite la sous affiliation dans les régimes particuliers n'est pas due
à l'option pour la conception professionnelle.
C'est pour cette raison que la solution pourrait être
recherchée dans le système professionnel par l'aménagement
des conditions d'affiliation vers l'institution d'une couverture sociale
adaptée au travail précaire.
b) L'institution d'une couverture sociale
adaptée au travail précaire
Vu l'importance du travail précaire3 et
l'important nombre des travailleurs précaires qui se trouvent dans
l'immense majorité des cas dépourvus de leurs droits sociaux,
notamment leur droit à la santé, s'est émergée
l'idée d'institution d'un système de sécurité
sociale aménagé qui correspond mieux aux
spécificités du travail précaire. Cette idée repose
sur les éléments suivants :
? L'adoption d'un régime transversal pour ces
catégories précaires consiste à acquérir des droits
des différentes activités exercées par le travailleur, il
s'agit d'une totalisation des droits acquis par un travailleur poly-actif dont
la spécificité est de changer fréquemment d'employeurs.
? Le prélèvement collectif des cotisations
employeurs par secteur d'activité, ce qui va permettre d'éviter
la déclaration des travailleurs occasionnels qui seront tout de
même couvert puisque le prélèvement des cotisations
employeurs se fera de façon collective que ceux-ci emploient ou non les
précaires.
? La mise à la charge du travailleur mobile de se faire
valoir ses droits puisque l'obligation de déclaration n'incombe plus
à l'employeur. Cette charge peut être assurée par des
"chèques tri volets" qui correspondent à des journées de
travail.
1 K. ESSOUSSI, Art. Préc., p. 145.
2 Dans ces régimes structurés
où les prestations sont consistantes, les taux d'affiliation sont assez
significatifs avoisinant les 100%.
3 Cf. M. LAAJILI, Le droit à la
sécurité sociale et la précarité de l'emploi,
mémoire pour l'obtention du mastère en Droit social,
Faculté de droit de Sfax, 2006-2007.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 122
A chaque journée de travail l'employeur muni de ces
chèques peut faire preuve d'un certain nombre de jours de travail et
peut ainsi se prévaloir de ses droits.
? La couverture du droit aux prestations de soins par le
paiement d'une cotisation forfaitaire minime qui est de l'ordre de 10 dinars
par trimestre et que le travailleur doit acquérir (sous forme de timbre)
à l'occasion du versement des chèques tri volets.1
Il y lieu de noter que la couverture du droit aux soins de
santé pour ces catégories de travailleurs précaires aurait
due présenter une préoccupation majeure pour le
législateur lors de l'adoption de la loi de 2004 instituant le nouveau
régime d'assurance maladie, puisque avec une réforme semblable il
n'aurait pas dû rester des exclus.
Avec les insuffisances constatées et les remèdes
préconisés, le système de sécurité sociale
en Tunisie, fondé sur la conception professionnelle, pourrait
étendre la protection sociale par d'autres techniques de
sécurité sociale.
1 K. ESSOUSSI, Art. préc. P. 146-147.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 123
Chapitre II : L'EXTENSION DE LA PROTECTION SOCIALE EN
MATIERE DE SANTE PAR D'AUTRES TECHNIQUES
Garantir une protection sociale en matière de
santé, par le biais des assurances sociales, pour toute la nation est
une utopie difficile à réaliser pour un pays en voie de
développement ayant opté pour la conception professionnelle.
C'est pour cette raison que l'Etat doit venir au secours des catégories
sociales les plus vulnérables par l'organisation de l'assistance
médicale (section 2) et par la
réglementation d'autres formes d'assurances (section 1)
pour ceux qui ont besoin d'une couverture maladie
complémentaire1.
Section 1 : LE ROLE COMPLEMENTAIRE D'AUTRES FORMES
D'ASSURANCES
La réforme du régime d'assurance maladie,
prévue par la loi n°2004-71 du 2 Août 2004, prévoit un
régime de base et des régimes complémentaires d'assurance
maladie (Paragraphe 2). L'organisation de ces
régimes complémentaires va permettre de lutter contre les dangers
de "marchandisation" de la sécurité sociale par les assurances
commerciales et les mutuelles (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : LES ASSURANCES COMMERCIALES ET LES
MUTUELLES
Présentant des techniques collectives de protection
contre les risques sociaux, les assurances commerciales (A)
et les mutuelles (B) ont historiquement
préparé le terrain à la naissance de la
sécurité sociale.
A. Les assurances commerciales
Les assurances commerciales peuvent présenter une
garantie de protection face aux risques inhérents à la vie
quotidienne de l'être humain dont notamment les
1 L'opposition entre l'assurance commerciale
complémentaire qui profite aux " riches " et l'assistance
médicale gratuite au profit des catégories sociales
vulnérables rappelle l'opposition ressortie par Alain SUPIOT entre un "
droit des forts " et un " Droit des faibles ". V. à ce propos, J-M.
BELORGEY, « La protection sociale dans une union de citoyens », Dr.
Soc. n°2, 1998, p.160.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 124
risques sociaux. Ainsi, en tant que technique collective, elle
ressemble dans ses éléments de définition ainsi que dans
ses effets à l'assurance sociale (1).
Cependant, à but lucratif, les assurances commerciales
risquent de conduire à une "marchandisation" de la
sécurité sociale (2).
1. Distinction des assurances commerciales des assurances
sociales
L'assurance commerciale est une technique qui permet de
personnaliser la protection en fonction des moyens de l'intéressé
pour couvrir ses besoins. Elle permet de garantir un droit à la
protection par un assureur pour un assuré en contre partie du versement
d'une prime par ce dernier.
L'assurance se présente ainsi comme un contrat ou
« une Convention par laquelle une entreprise d'assurance ou assureur
s'engage, en cas de réalisation du risque ou au terme fixé au
contrat à fournir à une autre personne appelée "
assuré" une prestation pécuniaire en contrepartie d'une
rémunération appelée prime ou cotisation
».1
Ainsi, un droit à la protection contre les risques
sociaux possibles et touchants à la santé, notamment la maladie,
les accidents de travail et les maladies professionnelles,2 est
garanti pour l'assuré pris individuellement ou pour un groupe
homogène d'assurés, d'où la naissance de l'assurance
groupe.
Des contrats d'assurance groupe peuvent être
conçus en application de l'article 120 de la loi n° 60-30 du 14
décembre 1960 qui prévoit la possibilité de créer
des régimes Conventionnels pouvant assurer, à titre
complémentaire, des avantages dépassant ceux
conférés par le régime légal.
Le contrat d'assurance de groupe, aux termes de l'article 31
du code des assurances, « est le contrat souscrit par une personne
morale ou chef d'entreprise en vue de l'adhésion d'un ensemble de
personnes physiques répondant à des conditions définies au
contrat, pour la couverture des risques de maladie et / ou les risques portant
atteinte à l'intégrité physique de la personne ou
liés à la maternité. Les adhérents doivent avoir un
lien de même nature avec le souscripteur ».
1 Art. 1er du code des assurances.
2 Cf. L. CAUSSAT, «
Sécurité sociale : pour l'assurance », Dr. Soc. n°
11,1994, p. 902 et s.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 125
Ainsi, l'assurance de groupe en tant qu'assurance de personnes
se rencontre avec l'assurance sociale dans les éléments suivants
:
- Elles présentent une garantie face aux risques
inhérents à la vie humaine dont notamment les risques touchant
à la santé.
- La protection est gagnée par les cotisations ou les
primes que verse l'assuré au compte de l'assureur (assurance
privée ou caisse de sécurité sociale).
- Les membres de la famille de l'assuré qui
répondent aux conditions exigées bénéficient de la
couverture du droit à la santé dans les deux cas.
- Les contrats d'assurance de groupe sont conclus par
l'employeur agissant au
nom de tout ou partie de son personnel et traitant avec un
organisme d'assurance, en contre partie des cotisations supportées par
l'employeur et les travailleurs selon une clef de répartition
variable.1
En effet, aux termes de l'alinéa troisième de
l'article 34 du code des assurances
ajouté par l'article 3 de la loi n° 2002-37 du
1er avril 2002, « est considéré comme un
contrat groupe d'assurance, le contrat souscrit par une personne morale ou un
chef d'entreprise en sa qualité, en vue de l'adhésion d'un
ensemble de personnes physiques répondant à des conditions
définies au contrat. Les adhérents doivent avoir un lien de
même nature avec le souscripteur ».
Ainsi, va se développer tout un système
complémentaire de sécurité sociale qui permettra d'adapter
la couverture contre les risques sociaux aux désirs d'un individu ou
d'une collectivité. Ce système va se nourrir des insuffisances
des régimes légaux de sécurité sociale et le
développement progressif et continu du niveau de vie dans la
société tunisienne. Ce développement va, par la suite,
donner naissance à des besoins évolutifs en matière de
santé cherchant surtout à accéder aux prestations de soins
dans les conditions les plus confortables.
Par leurs recours aux assurances de groupe, les travailleurs
auront une possibilité d'avoir une protection sociale qui répond
mieux à leurs besoins, ils seront libres de choisir les médecins,
les praticiens de toute sorte et les établissements de soins, quitte
à payer directement les frais et à se faire rembourser sur la
base de tarifs
1 N. LAADHARI, Op. cit., p.120.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 126
officiels, avec des tickets modérateurs. Cette
technique d'assurance groupe a permis à un certain nombre de grandes
entreprises, d'améliorer la couverture des soins de santé et de
compléter le système de la prestation directe de soins par le
système du remboursement.
Le libre choix des prestataires de soins qu'offre
d'adhésion aux assurances de groupe présente une faveur qui
permet d'éviter les longues durées d'attente et les rendez-vous
lointains auprès des polycliniques de la C.N.S.S. et des
établissements publiques de santé1.
Les assurances de groupe présentent donc une correction
aux insuffisances du système de soins que garantit l'assurance maladie
aux assurés. Ainsi, pour certains, « pour avoir
réellement accès aux soins, il faut bénéficier
d'une couverture complémentaire »2. Cette
couverture complémentaire est directement liée au niveau de
revenu et va présenter une source d'inégalité vu les
écarts parfois considérables entre les revenus des
assurés. Toutefois, il faut signaler que les inégalités
surgissant dans le système tunisien ne lui sont pas
propres.3
Si le secteur des assurances en Tunisie est « de
l'avis de plusieurs professionnels encore sous -développé
»4, il a fallu penser à des corrections suite
à la promulgation du code des assurances par la loi du
9/03/19925, mais ces corrections n'ont touché ni de
prés ni de loin l'assurance maladie. En effet, la promulgation de la loi
n° 94-28 du 21 Février 1994 ne serait pas sans effet sur les
compagnies d'assurance. « La première retombée du
nouveau régime est la perte d'un important portefeuille
géré autrefois par les compagnies, donc une diminution du chiffre
d'affaires des entreprises d'assurance est à enregistrer
»6.
1 « Les assurés sociaux se plaignent de la
médiocre qualité du service dans les hôpitaux en raison,
notamment de l'encombrement, de la surcharge des médecins, de
l'équipement parfois déficient... », par I. LAHRIZI,
« Régime d'assurance sociale et d'assurance- groupe du personnel
d'entreprise », La Revue de l'Entreprise n°10, mars- avril 1994.
2 P. VOLOVITCH, « Santé : qui rembourse
quoi ? » Alternatives économiques, n° Hors série
n° 58, 4ème trimestre 2003, p. 26.
3 Cf. C. DORIVAL, «
Inégalités, exclusion et solidarité en Europe »,
Alternatives économiques, n° Hors Série, n°58,
4ème Trimestre 2003, p. 28.
4 M. TEBASSI, « Le secteur des assurances en
Tunisie : une industrie qui se cherche », L'expert n°8, du 20 au 26
décembre 1996, p. 31-33.
5 Notamment par les lois n° 2001-91 du 7
Août 2001, n°2002-37 du 01 Avril 2002 et n°2005-86 du 15
Août 2005.
6 M. MELLITTI , « L'assurance accident du
travail : les retombées du transfert de la gestion des compagnies
d'assurances à la C.N.S.S », L'expert n°8, du 20 au 26
décembre 1996, p. 39.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 127
Pour dépasser les difficultés financières
qu'elles connaissent les entreprises d'assurance élèvent
généralement le taux des primes que paient les assurés.
Cette solution risque de mener vers une "marchandisation" de la
sécurité sociale.
2. Les risques d'une "marchandisation" de la
sécurité sociale
Le revenu des patients conditionne directement leurs
décisions de consommations de soins... « Si les consommations
de soins sont croissantes avec le revenu, on peut comprendre que le recours aux
soins des plus pauvres soit sensible à leur degré de couverture
maladie »1. Cette relation établie entre le revenu
et le degré de couverture maladie est la même établie entre
le revenu et l'accès à une couverture maladie
complémentaire par les assurances commerciales.
Les assurances commerciales, ayant pour finalité une
individualisation du droit à la sécurité sociale, peuvent
conduire à une commercialisation sans limites des risques sociaux. En
effet, les compagnies d'assurances, par la hausse parfois excessive des primes
d'assurance au titre des risques maladie, maternité et risques
professionnels, vont créer des inégalités.2
Par le recours aux assurances commerciales, l'assuré
social entend "acheter" une couverture complémentaire qui répond
mieux à ses besoins, ainsi que ceux de sa famille, d'où la
naissance des inégalités en matière de santé
puisque celui qui paye le plus conserve mieux sa santé.
Cette finalité lucrative, qui anime les compagnies
d'assurances, risque de ce fait de dévier la protection
complémentaire en matière de sécurité sociale,
confiée à ces organismes, de sa finalité principale
à savoir une individualisation de la protection sociale dans le cadre
d'une solidarité collective entre un groupe d'individus.3
Le risque de "marchandisation" de la sécurité
sociale a un double effet :
D'une part, à l'égard les adhérents qui
risquent de payer trop cher cette couverture complémentaire.
1 P. DOURGNON, M. GRIGNON et F. JUSOT, «
L'assurance maladie réduit-elle les inégalités sociales de
santé ? questions d'économie de la santé »,
Problèmes économiques 19-26 mars 2003, n°2-802, p 31.
2 Cf. N. DUFOURCQ, «
Sécurité sociale : le mythe de l'assurance », Dr. Soc.
n° 3, 1994, p. 291-297.
3 Cf. S AISSA, « Relation assuré
- assureur : la crise », L'expert, n° 8 du 20 au 26 décembre
1996, p. 34.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 128
D'autre part, à l'égard les fluctuations
énormes des dépenses de santé par rapport au
P.I.B.1
D'où la nécessité pour certains de
réguler les dépenses de santé par une régulation
intelligente et transparente des assurances commerciales afin d'éviter
« une concurrence entre les assureurs de soins » qui risque
de peser lourdement sur les assurés.2
Pour d'autres, « la forme la plus radicale de
concurrence dans l'assurance maladie consiste à laisser l'assuré
choisir son niveau de couverture sur un marché privé. La prime
que paye chaque individu doit alors être fonction du risque qu'il
représente et du niveau auquel il souhaite se couvrir
».3
La régulation du secteur des assurances en Tunisie doit
prendre en compte le besoin des individus à une couverture sociale
complémentaire, sans pour autant ignorer l'objectif de
sécurité sociale, ni même le but lucratif des assurances
commerciales.
Ce risque de "marchandisation" de la sécurité
sociale semble être inévitable puisque la finalité
lucrative des assurances commerciales ne peut pas être ignoré.
C'est pour cette raison que les travailleurs préfèrent chercher
la couverture complémentaire auprès des mutuelles.
B. Les mutuelles
Au nombre de 49, les mutuelles présentent, en Tunisie,
une forme de solidarité sociale. C'est un groupement collectif sous
forme d'association fondée sur le mécanisme de solidarité
collective.4
Leur action est, essentiellement, financée par les
contributions des adhérents qui représentent
généralement une catégorie socioprofessionnelle
homogène.
La mutuelle s'est toujours présentée comme une
ultime solution permettant à des groupes de travailleurs d'avoir une
couverture maladie appropriée à leur situation.
1 M. CHAABANE, « Le financement de la
couverture maladie état actuel et perspectives », R.T.D.S. n°
10 Spécial Sécurité Sociale, 2004, p. 53.
2 J. CAHUZAC « Non à la concurrence entre
assureurs de soins », Sociétal n° 36, 2ème
trimestre 2002.
3 A. BOCOGNANO, A. COUFFINHAL, M. GRIGNON, R.
MAHIEUR, D. POLTON, « Faut-il privatiser l'assurance maladie ? »
Problèmes économiques, n° 2-603 du 10 février 1999,
p. 4.
4 A. MOUELHI, Droit de la Sécurité
Sociale, Op. cit., p. 59.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 129
Toutefois la définition de la mutuelle
(1) montre bien la nécessité d'une
réforme de cette technique (2).
1. Définition de la mutuelle
Il est utile de noter que l'adhésion à la
mutuelle est théoriquement individuelle, mais les plus grandes mutuelles
sont liées à une profession, c'est le cas par exemple de la
mutuelle des agents de l'enseignement (M.A.E.) 1
« Les mutuelles sont des organismes à but non
lucratif gères de façon autonome par leurs membres
»,2 et permettent à leurs adhérents une
couverture maladie complémentaire. Leur rôle dans le financement
des dépenses de soins est important.
En France3 elles occupent une troisième
place après la sécurité sociale et les ménages et
devant les assurances commerciales quant à leur part dans la prise en
charge des soins.4
Ainsi, la mutualité se distingue des assurances
commerciales par l'absence du but lucratif derrière la gestion du risque
maladie, et par sa forme, puisqu'il s'agit « d'un groupement collectif
sous forme d'association qui a pour fondement la solidarité et non le
but lucratif ».1
Les statuts de la mutuelle doivent être approuvés
par les pouvoirs publics, ceci s'explique par l'importance du rôle, ainsi
que du portefeuille confié aux mutuelles.
Mais, malgré l'importance de son action sociale, la
mutuelle reste régie par une législation ancienne dont la
réforme s'impose.
2. La nécessité d'une reforme des textes
juridiques régissant les mutuelles
Régies par un décret du 18 février 1954
sur les sociétés mutualistes et par l'arrêt du 26 mai 1961
portant établissement des statuts types des sociétés
mutualistes, les mutuelles risquent de perdre leur importance puisque
régies par des textes relativement anciens dans un contexte
socio-économique dynamique.
1 Actuellement elle prend la forme d'une compagnie
d'assurance.
2 P. VOLOVITCH, « Santé : qui rembourse
quoi ? », Op. cit., p. 27.
3 Cf. C. HELARY - OLIVIER, « La CMU :
impact sur les mutuelles et sur l'organisation de la protection sociale en
France », Dr. Soc., n° 1, 2000, p. 41 et s.
4 V. tableau sur les disparités de la prise en
charge, Art. préc.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 130
Ces textes n'ont pas mis l'employeur dans l'obligation de
participer au financement de la mutuelle. Sa participation ne revêt qu'un
caractère bénévole.
Ces textes n'ont pas fixé des taux uniformes de
cotisations, ces taux varient actuellement entre 1% et 7% du revenu.
Une réforme législative s'avère
nécessaire puisque « la montée en charge de la technique
d'assurance, la finalité sociale des mutuelles et la prise en charge des
populations à haut risque condamne l'action mutualiste au recul sinon
à la disparition ».2
L'intervention du législateur permettra de soulever les
insuffisances constatées au niveau de la gestion des mutuelles, au
niveau des cotisations ainsi qu'au niveau des risques couverts et les taux de
remboursement.
Contrairement aux assurances commerciales, les mutuelles
doivent présenter une solution pour les travailleurs afin de garantir
une couverture maladie complémentaire qui coûte moins chère
et qui répond mieux aux besoins des adhérents.3
La réforme des textes régissant les mutuelles
devrait, donc, porter des solutions aux problèmes de financement de la
mutuelle vers une participation obligatoire de l'employeur et aux
problèmes des taux de cotisation vers une uniformisation des taux ainsi
que des conditions d'octroi des prestations et les taux de remboursement des
frais.
En effet, l'absence d'une organisation moderne et
évolutive des régimes complémentaires en matière de
santé, surtout avec la réforme du régime de l'assurance
maladie en 2004, pourra handicaper cette réforme structurée sur
l'existence d'un régime de base et des régimes
complémentaires.
1 A. SEFI, Art. préc., p. 27.
2 A. MOUELHI, Traité de Droit tunisien de
la sécurité sociale, 1ere auto-édition,
p.179.
3 Cf., B. SERIZAY, « Droit du travail et
protection sociale complémentaire », Dr. Soc. n° 12, 1998, p.
1023.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 131
Paragraphe 2 : LES REGIMES COMPLEMENTAIRES DE L'ASSURANCE
MALADIE
La situation avec la loi n° 2004-71 (B)
ne serait plus la même que celle qui lui est antérieure
(A).
A. Avant la réforme de l'assurance maladie en
2004
Les régimes Conventionnels (2)
d'une part et le régime facultatif du secteur public d'autre
part (1) offrent une couverture maladie
complémentaire au choix des assurés sociaux.
1. Le régime facultatif du secteur
public
Financé par une cotisation globale de 4.5%
répartie à raison de 3% à la charge de l'affilié et
1.5% à la charge de l'employeur,1 le régime facultatif
de l'assurance maladie permet de courir les maladies de courte durée.
Ce régime institué par la loi n° 72-2 du
15 février 1972 et aménagé par le décret n°
88-186 du 6 février 1988, offre la possibilité à
l'assuré social pour se soigner et se faire rembourser les frais des
soins occasionnés par les maladies courantes pour lui-même ainsi
que pour ses ayants droit.
Le remboursement se fait selon des tarifs compte tenu d'un
ticket modérateur et d'un plafond de remboursement qui varie selon le
type de la prestation.2
Pourtant jugé d'un taux assez élevé, le
régime facultatif a le mérite de faciliter aux assurées
l'accès aux soins nécessaires. Toutefois, pour qu'il soit
beaucoup plus attractif, ce régime aurait dû être
révisé dans ses taux de remboursement ainsi que dans le
plafonnement des sommes remboursées,1 et surtout dans les
taux de cotisation.
2. Les régimes Conventionnels
Ces régimes Conventionnels peuvent exister à
titre complémentaire (a) ou à titre
supplétif (b) ou encore à titre de
remplacement (c).
1 Pour les pensionnées et leur ayants droit la
cotisation est fixée à 2% sans participation de l'Etat.
2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p. 297.
a) DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 132
Les régimes Conventionnels
complémentaires
A propos de ces régimes, l'article 120 de la loi
n° 60-30 du 14 décembre 1960 prévoit que : « les
régimes d'assurances sociales, définis dans le titre II, chapitre
II de la présente loi, excluent à due concurrence les
régimes Conventionnels assurant la couverture des mêmes risques.
Toutefois, les régimes Conventionnels doivent continuer à
assurer, à titre complémentaire, la différence entre les
avantages accordés par le régime légal et ceux qu'ils
accordaient ».
C'est dans cet article que les contrats d'assurance de groupe
trouvent leur fondement. L'employeur, agissant au nom de tout ou partie de son
personnel conclut avec un organisme d'assurance privée une Convention
par laquelle les travailleurs auront la liberté de choisir le
prestataire de soins et se faire rembourser par la suite sur la base des tarifs
officiels.
La couverture complémentaire par ce régime se
fait par le versement des cotisations supportées par l'employeur et par
le travailleur,2 et offre à ce dernier une possibilité
de bénéficier d'une couverture complémentaire qui
ressemble à celle prévue par le régime facultatif du
secteur public.
b) Les régimes Conventionnels
supplétifs
A titre supplétif, certaines entreprises publiques
dotées d'un statut de personnel et ne sont pas nécessairement
affiliées à la C.N.S.S., font appel à un régime
plus favorable que celui du droit commun en matière des prestations
familiales et des assurances sociales.
Ce régime plus favorable garantit des avantages encore
meilleurs que ceux du droit commun, il prévoit le remboursement total ou
partiel des frais médicaux, pharmaceutiques ou chirurgicaux, voire
même, dans certains cas, des prestations en espèce avec des taux
et des durées plus importants que ceux du régime
général.
1 Les taux de remboursement sont assez faibles (ex
: 25% pour les montures), parfois le plafond de la somme remboursée est
limité (200 dinars par an et par foyer).
2 J. BARTHELEMY, « Protection sociale
complémentaire : contribution salariale non prélevée et
assiette des cotisations de sécurité sociale après
l'arrêt société Picoty, cass. Soc. 31 octobre 2000, Dr.
Soc. n° 2, 2001, p. 175 et s.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 133
L'institution d'un tel régime supplétif se fait
par référence à une Convention collective ou à un
statut particulier de personnels, c'est le cas pour le personnel de certaines
institutions bancaires en Tunisie.
c) Les régimes Conventionnels de
remplacement
A condition de couvrir tout le personnel de son entreprise,
l'employeur du secteur des industries manufacturières a la
faculté de remplacer la couverture assurée par le régime
général d'octroi des soins de santé du secteur
privé par une couverture assurée par un contrat d'assurance de
groupe.
Cette faculté de remplacement prévue par la loi
des finances n° 88-145 du 31 décembre 1988 est soumise à la
condition de couvrir tout le personnel et lui garantir des prestations au moins
égales à celles du régime légal.
Il y a lieu de noter que le législateur, dans un
processus d'encouragement pour adopter des régimes de couverture par des
contrats d'assurance de groupe, a adopté la loi n° 97-4 du 04 mars
1997 qui autorise aux employeurs à souscrire des contrats d'assurance en
contre partie d'un abattement de 2% du taux des cotisations du régime
obligatoire.
Certes, on ne peut pas nier, même si ces régimes
offrent une meilleure protection face au risque maladie, que le système
actuel d'assurance maladie complémentaire est un système
générateur d'injustice. « Ces assurances facultatives,
ne profitant qu'à une minorité des entreprises,
dégénèrent, sinon accentuent l'inégalité des
assurés devant les soins de santé ».1
C'est afin de pallier à ces insuffisances et limiter
les injustices du système que la loi n° 2004-71 vient, par le
régime de base et les régimes complémentaires qu'elle
organise, d'uniformiser la protection sociale en matière de soins de
santé pour toute la population et de la même manière.
1 A. SEFI, Op. cit., p 25.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 134
B. Avec la réforme de l'assurance maladie en
2004
Instituant un régime de base et des régimes
complémentaires, la nouvelle législation de l'assurance maladie
instituée par la loi n° 2004-71 du 2 août 20041
confie la gestion du régime de base à la C.N.A.M. qui peut
à titre exceptionnel gérer des régimes
complémentaires (2) qui sont à titre
principal gérés par les organismes d'assurances
(1).
1. Une couverture complémentaire confiée
principalement aux organismes privés
Par application de l'article 19 de la loi n° 2004-71, le
législateur entend couvrir par les régimes complémentaires
d'assurance maladie :
D'une part, « les prestations de soins qui ne
rentrent pas dans le cadre du régime de base de l'assurance maladie
».2 C'est le cas par exemple de la chirurgie
d'esthétique et de beauté dont les frais ne sont pas
remboursables sur la base du régime de base.
D'autre part, la partie des dépenses non prise en
charge par le régime de base, puisque certaines prestations de soins
sont remboursées à concurrence d'un pourcentage du coût
réel de la prestation. Ainsi, l'assuré social ayant opté
pour la couverture complémentaire peut réclamer son droit au
remboursement de la différence entre le coût réel et la
somme remboursée auprès de l'organisme d'assurance privé
auquel il a adhéré.
De ce qui précède, on peut remarquer que le
législateur n'a pas fixé des taux pour les cotisations
payées auprès des organismes privés et a laissé le
soin de négocier les contrats d'assurance de groupe aux
représentants du personnel selon les capacités contributives de
chaque catégorie de travailleurs et selon l'étendue de la
protection. Le législateur a ainsi préféré ne pas
fausser le jeu concurrentiel entre les organismes d'assurance qui sont des
sociétés de droit privé.
1 Art. 2ème de la loi n°
2004-71 prévoit le caractère facultatif des régimes
complémentaires prévus par cette loi.
2 Art. 19 de la loi n° 2004-71.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 135
2. Une couverture complémentaire confiée
exceptionnellement à la C.N.A.M.
Si la gestion des régimes complémentaires est
confiée à titre principal aux sociétés d'assurances
et aux sociétés mutualistes en vertu de l'article 19 de la loi de
2004, une gestion complémentaire en vertu du même article peut
être confiée en cas de besoin à la caisse nationale
d'assurance maladie sur la base d'un arrêt conjoint des ministres
chargés de la sécurité sociale et des finances.
Cette situation est qualifiée d'exceptionnelle, et elle
parait être même très exceptionnelle puisque la
réforme du régime de l'assurance maladie se base essentiellement
sur la gestion du régime de base par la C.N.A.M. et les régimes
complémentaires par les assurances privées dans le cadre d'une
concurrence contrôlée vu que « le marché de
santé n'est pas un marché comme les autres
».1
Par la reconnaissance d'une possibilité d'instituer un
régime complémentaire d'assurance maladie, le législateur
paraît vouloir doter les pouvoirs publics des moyens nécessaires
pour corriger les insuffisances constatées dans la pratique et pour
protéger le consommateur contre les risques de "marchandisation" de la
sécurité sociale.1
Toutefois, il est nécessaire de constater que la
réforme du régime d'assurance maladie, fondée sur la
garantie d'un droit effectif d'accès aux soins de santé n'a pas
pris dans sa charge la couverture des catégories sociales
vulnérables qui ne peuvent réclamer qu'un seul droit à
l'assistance médicale gratuite, qui représente ainsi un
complément de protection sociale venant remédier aux
insuffisances des assurances sociales.
Section 2 : LE ROLE COMPLEMENTAIRE DE L'ASSISTANCE
MEDICALE GRATUITE
Conscient des insuffisances des assurances sociales en tant
que technique de garantie du droit à la santé pour toute la
nation, le législateur a prévu l'assistance
1A. RENAUDIN « La CMU : l'engagement des
assureurs », Dr. Soc., n° 1, 2000, p. 46.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 136
médicale gratuite en faveur de la population indigente
et à revenu limité (Paragraphe 1) dont
la situation a fait émergé un véritable droit à
l'assistance (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'ASSISTANCE MEDICALE GRATUITE POUR LES
CATEGORIES SOCIALES VULNERABLES
Afin de corriger les inégalités et les
précarités qui peuvent affecter le corps social, le
législateur tunisien, par la technique de l'assistance médicale
gratuite, (A) assure un droit à la
santé au profit des personnes nécessiteuses2 et sans
revenu qui bénéficient de cette protection sous condition de
répondre aux exigences de la loi (B).
A. La technique de l'assistance médicale
gratuite
C'est dans le cadre de la politique de lutte contre
l'exclusion sociale que les pouvoirs publics, par les programmes d'assistance
sociale qu'ils envisagent, assument leur responsabilité à
l'égard des plus démunis de la société.
La participation des organismes de sécurité
sociale à cette action d'assistance sociale, avec la contribution du
budget de l'Etat présentent les sources de financement de l'assistance
sociale. Toutefois ces ressources ne sont pas d'une grande importance pour
satisfaire aux besoins de la population indigente et à revenu
limité.
L'assistance sociale n'est pas définie juridiquement,
et c'est l'absence d'une définition juridique précise qui a
handicapé la technique pour qu'elle soit beaucoup plus organisée
et permet de protéger ceux qui ont besoin d'une telle protection.
En Droit français, « l'aide sociale est celle
apportée par certaines collectivités publiques aux personnes en
grande difficulté. Exprimant un devoir de solidarité de la
société à l'endroit des plus
déshérités, elle ne fait aucune place aux
mécanismes de l'assurance ».3
1 Cf. J-P. REY, « Etendre la
couverture complémentaire la vocation des caisses d'assurance maladie
», Dr. Soc. n° 1, 1997, p. 60 et s.
2 Cf. H. ZEGGAR, « L'accès aux
droits des populations en difficulté. Une enquête de
l'observatoire national de la pauvreté et l'exclusion sociale, Dr. Soc.,
n° 5, 2001, p. 535 et s.
3 J-J. DUPEYROUX, Droit de la
sécurité sociale, Op. cit., p. 901.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 137
L'aide sociale est venue en 1953 « remplacer la
notion de l'assistance héritière des principes de charité
propres à l'Eglise ».1 L'assistance s'est
développée par l'adoption des lois relatives à l'aide
médicale en 1893, à l'aide à l'enfance en 1904 et à
l'aide aux vieillards en 1905.
L'assistance sociale recouvre l'ensemble des secours
apportés par les collectivités publiques aux personnes sans
ressources ou de faibles ressources pour répondre aux normes de besoin
minimal. Elle repose sur l'idée d'une solidarité nationale et est
généralement financée par l'impôt.2
Toutefois, la notion d'assistance sociale doit être
distincte de la notion d'aide sociale qui étend son
bénéfice à tous ceux qui se trouvent dans l'état du
besoin même ceux qui sont assujettis à un régime de
sécurité sociale dont les prestations ne répondent pas
suffisamment aux besoins. Par contre, l'assistance sociale couvre une
catégorie permanente de personnes dont la liste est
déterminée à l'avance.
De ce fait, l'inscription à la liste ouvre droit
à l'assistance, il s'agit « d'un droit alimentaire dont
l'état de besoin de l'assisté constitue la cause et la mesure
».1
Destinée à lutter contre l'indigence et la
pauvreté par la garantie d'un minimum de substance, l'assistance sociale
peut venir au secours des chômeurs, des handicapés, des
vieillards, des familles pauvres. Ce secours présente un palliatif aux
haines et aux douleurs de ces personnes notamment lorsqu'il s'agit de leur
porter des soins de santé par une assistance médicale
gratuite.
L'assistance médicale gratuite est destinée aux
catégories de la population nécessiteuses ou à faible
revenu et non couvertes par un régime de sécurité sociale.
Elle est financée par le budget de l'Etat, et comporte deux formules de
prise en charge.
? Le système de soins totalement gratuit :
destiné aux familles cibles d'un programme d'aide permanente,
il s'agit du programme d'aide aux familles nécessiteuses, du programme
d'aide aux handicapés, du programme d'aide aux personnes
âgées ainsi qu'aux enfants sans soutien familial.
1 J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT,
Sécurité Sociale, Op. cit., p. 181.
2 L'assistance sociale s'inscrit dans le cadre
d'une politique de protection sociale. V. à ce propos, E. BOUSLAH,
« Politiques de protection sociale et sociétés : quelques
réflexions théorico-méthodologiques », RTD 2000, p.
195-204.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 138
Par cette formule, les bénéficiaires ont un
accès à gratuité totale aux soins dispensés dans
les structures de santé relevant du ministère de la santé
publique.
? Le système de soins à tarifs
réduits : destiné aux personnes non assujetties à
un régime de sécurité sociale et ayant un revenu ne
dépassant pas une valeur entre une fois et deux fois S.M.I.G. en
fonction du nombre des membres de la famille.
Par cette formule, les bénéficiaires ont un
accès aux soins dans les structures de santé relevant du
ministère de la santé publique contre le paiement d'une
participation aux frais de soins.2
Pour bénéficier du système de soins
à gratuité totale ou du système de soins à tarifs
réduits, le postulant aux prestations de l'assistance médicale
doit répondre à certaines conditions.
B. Les bénéficiaires de l'assistance
médicale gratuite
Régie par la loi n° 87-29 du 12 juin 1987,
l'assistance médicale gratuite présente l'intérêt de
garantir les soins de santé par le recours à deux types de carnet
de soins.
Ces deux types de carnets de soins seront prévus par :
? Le décret n° 98-1812 du 21 septembre
1998,3 tel que modifié par le décret n° 2004-2731
du 31 décembre 2004, relatif à la détermination des
conditions d'attribution des carnets de soins gratuits et qui, en application
de l'article 35 de la loi n° 91-63 du 29 juillet 1991 relative à
l'organisation sanitaire,4 prévoit la gratuité des
soins pour tout tunisien pauvre ainsi que son conjoint et ses enfants à
charge par le biais d'un carnet de soins gratuits (1).
? Le décret n° 98-409 du 18 février
1998,5 tel que modifié par le décret n° 20042730
du 31 décembre 2004, relatif à la détermination des
conditions d'attribution des carnets de soins à tarif réduit et
qui, en application de l'article
1 A. MOUELHI, Thèse, Op. cit., p
399.
2 Cf. M. CHAABANE, « Le Financement de
la couverture maladie : Etat actuel et perspectives », Op. cit.,
p. 52.
3 Ce décret a été modifié
par le décret n° 99-1514 du 05 juillet 1999.
4 Cf. M- L. LABED, Tunisie du 7 novembre : une
nouvelle stratégie de développement à l'ère de la
globalisation , C.R.E.A., p. 63.
5 Ce décret à été
modifié par le décret n° 99-1372 du 21 juin 1999.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 139
36 de la loi n° 91-63 du 29 juillet 1991
précitée, prévoit l'attribution des carnets de soins
à tarif réduit pour les familles dont les revenus sont
limités (2).
1. Les bénéficiaires des carnets de soins
gratuits
Sont bénéficiaires des carnets de soins gratuits
leur permettant de bénéficier de la gratuité de l'ensemble
des prestations sanitaires dans les établissements de l'Etat :
a) Les handicapés
Par application des dispositions de la loi n° 2005-83 du
15 Août 2005 relative à la protection des personnes
handicapées,1 notamment l'article 15, les handicapés
bénéficient de la gratuité des soins auprès des
établissements publics de santé à condition de remplir les
conditions relatives à l'octroi des carnets de soins gratuits telles que
prévues par le décret n° 98-1812 précité.
A ce propos, il est nécessaire de signaler que par le
décret n° 2005-3086 du 29 novembre 2005 relatif à la
détermination des critères et des conditions d'attribution de la
carte de handicap, les pouvoirs publics entendent assurer une meilleure
organisation de l'assistance apportée aux personnes handicapées.
Toutefois, cette carte n'ouvre pas droit à son titulaire à une
gratuité des prestations de soins sauf s'il est
bénéficiaire d'un carnet de soins gratuits.
Or, l'octroi d'un carnet de soins gratuit est soumis à
la condition de pauvreté et d'inaptitude d'exercer un travail, et non
pas seulement de handicap.
b) Les familles nécessiteuses
Bénéficient de l'assistance médicale
gratuite par le biais d'un carnet de soins gratuits les familles pauvres, il
s'agit de l'assisté, son conjoint, ses enfants à charge dans les
conditions prévues par l'article 3 du décret n° 98-1812 du
21 septembre 1998 précité.
Les carnets de soins gratuits sont attribués aux
familles nécessiteuses dans le cadre du programme national pour
l'assistance sociale aux familles déshéritées ne disposant
d'aucune source de revenu, des familles démunies dont les membre sont
1 Cette loi vient d'abroger la loi n° 81-46 du 29
mai 1981 relative à la protection des personnes handicapées.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 140
nombreux et ne pouvant pas subvenir aux besoins
nécessaires et des familles nécessiteuses ayant un revenu mensuel
stable mais très faible1.
Toutefois, les critères de sélection des
bénéficiaires doivent tenir compte, face au nombre important des
familles nécessiteuses, d'un traitement prioritaire pour satisfaire les
besoins les plus urgents.
c) Les personnes âgées
Par la loi n° 94-114 du 31 Octobre 1994 relative à
la protection des personnes âgées, une innovation de taille est
apportée à la protection d'une couche de la société
qui devient de plus en plus importante.2 Cette protection
fondée sur le principe de préservation de la santé et du
bien être de la personne âgée par application du principe du
maintien à domicile, vise le renforcement de la solidarité
familiale, puisque la famille présente un meilleur refuge pour les
vieillards.
Or, il est certain que les besoins en prestations de soins
sont croissants pour cette catégorie de la population, d'où la
nécessité de penser à une assistance médicale
gratuite en faveur des plus pauvres de parmi eux, pour qu'ils ne
présentent pas une charge lourde à ceux qui les supportent.
Reste à mentionner que d'autres catégories de
bénéficiaires peuvent reconnaître un droit à
l'assistance médicale gratuite, il s'agit essentiellement des enfants
sans soutien familial.
2. Les bénéficiaires des carnets de soins
à tarif réduit
Bénéficient des carnets de soins à tarif
réduit certaines catégories de personnes ainsi que leurs
conjoints et leurs enfants à charge.1 Ainsi, par application
du décret n° 98-409 du 18 Février 1998 relatif à
l'attribution des carnets de soins à tarif réduit, tel que
modifié par le décret n° 2004-2730 du 31 Décembre
2004, bénéficient des carnets de soins à tarif
réduit les personnes appartenant à des familles dont le revenu
annuel ne dépasse pas :
1 Cf., A.MOUELHI, th. préc., p.
408.
2 Cf. A. BEN BRAHIM, « Transition
démographique, vieillissement et couverture sociale et sanitaire en
Tunisie », R.T.D.S. n° spécial sécurité sociale,
n° 10, 2004, p.26 et s.
Cf. A. LECHEVALIER, « Un risque social en
devenir, Alternatives économiques, n°55 Hors Série,
1er trimestre 2003, p. 43.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 141
1 Art. 36 de la loi n° 91-63 du 29 juillet 1991
préc.
? Une fois le S.M.I.G. si le nombre des membres de la famille
ne dépasse pas deux personnes.
? Une fois et demi le S.M.I.G. si le nombre des membres de la
famille est entre trois et cinq personnes.
? Deux fois le S.M.I.G. si le nombre des membres de la famille
est supérieur à cinq.
Ces catégories de bénéficiaires
déterminées en fonction du revenu et en fonction du nombre des
membres de la famille, semblent paraître insuffisantes pour englober tous
les pauvres dont les conditions de travail et les opportunités de gain
sont loin de leur garantir les moyens de soins qui leurs sont
nécessaires.
Aussi, faut-il rappeler que certains
bénéficiaires des carnets de soins à tarif réduit
peuvent être couverts par un régime de sécurité
sociale prévu par la loi n° 2002-32 du 12 mars 2002 relative
à l'institution d'un régime de sécurité sociale au
profit de certaines catégories de travailleurs dans les secteurs
agricole et non agricole, ce qui permet de dire que l'universalisation des
régimes de sécurité sociale au profit des
catégories sociales vulnérables peut être gagnée sur
le terrain de l'assistance médicale.
Or, le bénéfice d'une protection sociale par un
régime de sécurité sociale va exclure certaines
catégories sociales de la jouissance de l'assistance médicale.
La situation de vulnérabilité de certaines
catégories sociales va se recouper avec les principes de
solidarité et d'entraide familiale pour faire émerger, ainsi, un
véritable droit à l'assistance médicale.
Paragraphe 2 : L'EMERGENCE D'UN VERITABLE DROIT A
L'ASSISTANCE MEDICALE
La concrétisation d'un véritable droit à
l'assistance médicale (A) au profit de la
population indigente et à revenu limité pourrait être
difficile face aux insuffisances de la technique de l'assistance
médicale (B).
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 142
A. La concrétisation du droit à l'assistance
médicale
La couverture contre les risques sociaux, notamment le risque
maladie, pour les "exclus" de la protection par l'assurance sociale, incombe
à la collectivité qui doit fournir à chacun d'eux les
moyens nécessaires pour satisfaire aux besoins qu'elle juge
nécessaire.
L'Etat protége ses citoyens "les plus pauvres" par
l'assistance sociale que l'on peut définir comme un « droit
alimentaire subjectif dont chacun peut se prévaloir si sa situation
correspond aux conditions posées par la loi ». En effet,
« vu sous cet angle, le droit à l'assistance sociale est
défaillant en droit tunisien »,1 il ne peut pas
être perçu comme une créance à l'égard de
l'Etat.
L'assistance sociale se présente ainsi, comme technique
de protection sociale qui se limite à la protection des personnes
inactives, dont la situation se caractérise par la
précarité et l'absence d'un revenu professionnel suffisant pour
répondre à leurs besoins les plus nécessaires, notamment
leurs besoins en matière de protection de soins par le recours à
l'assistance médicale.
Les bénéficiaires de l'assistance
médicale gratuite, qu'ils soient bénéficiaires des carnets
de soins à tarif réduit ou bénéficiaires des
carnets de soins gratuits, peuvent revendiquer un droit à l'assistance
médicale gratuite. Cette revendication est fondée sur la
finalité de protection et d'intégration sociale qui anime la
sécurité sociale2 d'une part et sur la
solidarité nationale à l'égard les personnes
nécessiteuses dans la société d'autre part.
L'assistance médicale gratuite au profit des plus
démunis de la société et qui ne peuvent pas
bénéficier des prestations contributives reste comme même
« une technique accessoire, mais en faisant appel aux
mécanismes de solidarité nationale et en se mêlant à
l'assurance sociale, elle a permis de confondre, dans une certaine
1 A. MOUELHI, Cours de Droit approfondi de la
sécurité sociale, préc. p16.
2 En vertu de l'Art. 5 de la loi n° 60-30 du
14 décembre 1960 relative à l'organisation des régimes de
sécurité sociale, la caisse nationale de sécurité
sociale est habilitée à promouvoir une action sociale et
sanitaire et à subventionner des oeuvres à caractère
social, public ou d'utilité publique.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 143
mesure, la sécurité sociale du travailleur
à celle du citoyen, ce qui est en soi hautement positif
».1
Toutefois, financée par le budget de l'Etat et la
contribution des caisses de sécurité sociale, l'assistance
médicale ne peut pas être accessible à tous ceux qui en ont
besoin. Le droit à l'assistance se trouve limité par le budget
affecté à la mission d'assurer les soins de santé pour les
catégories sociales vulnérables. Ce budget semble être
insuffisant et peut limiter par la suite le nombre des
bénéficiaires et l'apport de la technique de l'assistance
médicale gratuite.
C'est pour servir les plus démunis que des conditions
d'octroi se sont mises en place avec « la réforme de
l'assistance médicale gratuite engagée depuis 1998 qui a
consisté dans la révision des listes des
bénéficiaires de ce programme en vue d'un meilleur ciblage.
Désormais, le bénéfice de la gratuité totale de
soins est automatique pour les familles inscrites dans les fichiers des
programmes d'aide aux familles nécessiteuses, aux handicapés et
aux personnes âgées ».2
Ainsi, pour bénéficier de l'assistance, le
candidat doit satisfaire aux conditions administratives. Il s'agit de
répondre à des critères de sélection
spécifiques à chaque catégorie de
bénéficiaires (les handicapés, les jeunes enfants sans
soutien, les personnes âgées, les familles pauvres ...).
Cette situation va faire de la revendication d'un droit
à l'assistance sociale une revendication réservée à
ceux qui répondent aux conditions administratives requises pour
bénéficier de l'assistance.
Il est utile de rappeler aussi que la gestion de l'assistance
médicale par un organisme public qui est la C.N.S.S. fait
intégrer l'assistance administrativement dans le cadre de l'assurance
sociale. D'où on relève nettement le rôle
complémentaire de l'assistance sociale à l'assurance sociale.
Toutefois, l'assistance médicale gratuite dans son
état actuel reste au dessous des besoins et s'avère insuffisante
pour couvrir toutes les demandes.
1 A. MOUELHI, Cours polycopié de droit de la
sécurité sociale (Introduction au droit de la
sécurité sociale) pour les étudiants de la
3ème année Droit privé de la Faculté de
Droit de Sousse, 2003/2004, p. 28.
2 M. CHAABANE, « Le financement de la couverture
maladie : Etat actuel et perspectives », Art. préc., p. 57.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 144
B. Les insuffisances de l'assistance médicale
gratuite
Limitée par des ressources de financement insuffisantes
(1), l'assistance médicale se trouve
limitée aussi par le détournement de la technique en pratique
(2).
1. Des ressources de financement
insuffisantes
Limité par le budget consacré à
l'institution d'assistance sociale, le nombre des bénéficiaires
n'est pas déterminé en fonction des besoins et des
nécessités de la population indigente. C'est
généralement le budget qui détermine les formes et le
contenu de l'assistance, ce qui risque d'éloigner la technique de son
objectif principal.
Ainsi pour qu'elle soit efficace et efficiente, l'assistance
médicale gratuite doit être garantie à tous ceux qui en ont
besoin et par la suite le nombre des bénéficiaires devrait
être déterminé en fonction des besoins et non en fonction
du budget qui lui est consacré.
La gratuité des prestations de soins pour les pauvres
est une obligation qui incombe à la nation et elle peut être
garantie dans le cadre de l'assistance médicale gratuite en
reconnaissant aux personnes nécessiteuses un droit subjectif à
l'assistance comme c'est le cas dans le système
Français.1
Un droit subjectif à l'assistance permet de
répondre aux besoins des personnes de faibles moyens à partir du
moment où elles répondent aux conditions exigées.
Toutefois, en Droit tunisien, vu l'insuffisance des ressources
de financement de l'assistance médicale gratuite, d'une part, et face
à l'ampleur du phénomène de pauvreté à un
moment donné, d'autre part, « l'état de besoin ne
crée pas automatiquement, dans le système tunisien, un droit
à l'assistance dont la mise en oeuvre peut être
réclamée par le requérant ayant acquis la qualité
d'assisté ».2
On peut ainsi être admis à l'assistance sans
pouvoir pratiquement bénéficier de ses prestations en raison de
l'insuffisance des ressources financières de l'institution.
Il est donc certain que l'insuffisance des ressources de
financement de l'assistance médicale face à l'importance du
nombre de personnes nécessiteuses
1 Cf. J-M DUPUIS, « Les enjeux du financement de
la protection sociale », Dr. Soc. n° 6, 1995, p. 619 et s.
2 A. MOUELHI, th. préc., p. 400.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 145
devrait faire appel à des corrections à
l'institution pour qu'elle puisse atteindre la finalité de lutter contre
l'exclusion sociale notamment en matière des prestations de soins.
Cette situation va être à l'origine de
l'idée de l'extension de la sécurité sociale au profit de
nouvelles catégories socioprofessionnelles dont l'emploi est
caractérisé par la précarité et le revenu par sa
faiblesse. Il s'agit essentiellement de certaines catégories de
travailleurs dont le régime de couverture est institué par la loi
n° 200232 du 12 mars 2002.1
Toutefois, malgré les tentatives d'extension de la
couverture sociale par les assurances sociales au profit des catégories
socioprofessionnelles vulnérables, un certain nombre des
dépourvus d'un accès aux prestations de soins sont des demandeurs
des carnets de soins dans le cadre de l'assistance médicale. Cette
situation une meilleure organisation de la technique de l'assistance
médicale pour réussir une couverture complète en besoins
de santé pour tous ceux qui ne sont pas couverts par la
sécurité sociale.
Face au sous-financement de la technique d'assistance
médicale gratuite des solutions peuvent être
préconisées pour assurer des ressources de financement
supplémentaires. En effet, il serait possible de prévoir des
cotisations sur le tabac et les alcools au titre du financement de l'assistance
médicale du fait qu'ils présentent un « mauvais risque
santé ». C'est ainsi qu'en France, au titre du financement de
l'assurance maladie, est prévue une « minuscule vignette
"sécurité sociale" figurant sur la bouteille de "Whisky" ou de
"Pastis" qui ne signifie pas qu'il s'agit d'un médicament, mais que vous
deviendrez un "mauvais risque santé" si vous en consommez trop
».2
Par ces cotisations un grand système collectif de
solidarité en matière de santé pourrait être
envisagé pour couvrir tous les exclus de la protection par les
assurances sociales.
1 V. Supra, p. 116.
2 J-C. HAZERA, « Quel remboursement ?
Sommes-nous bien assurés par la sécurité sociale ? »,
Problèmes économiques n° 2-646, du 5 janvier 2000, p. 25.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 146
Aussi faut-il ajouter que les associations peuvent participer,
par leurs actions sociales et par les dons qu'elles peuvent assurer, au
financement des programmes d'assistance médicale gratuite pour qu'il n'y
aurait plus d'exclus en matière de prestations de soins de santé
en Tunisie.
Ainsi, limitée par le sous financement d'une part,
l'assistance médicale gratuite connaît, d'autre part, des
détournements en pratique, qui pourraient dévier la technique de
son objectif.
2. Détournement de la technique en
pratique
L'imprécision des conditions d'accès aux
prestations de l'assistance médicale gratuite parait être la cause
de l'inégal accès aux prestations de l'assistance
médicale.
A cela pourrait s'ajouter une inégale
répartition géographique des services de l'institution, c'est
ainsi que M Abdessatar MOUELHI dans sa thèse voit que
« l'assistance s'est développée non pas dans la logique
de réduction des disparités sociales, mais dans la logique de
répartition des conséquences de ces disparités
».1
Pour bénéficier des prestations de l'assistance
médicale, le postulant à ces prestations dépose,
auprès de la direction régionale des affaires sociales, une
demande qui sera examinée par le personnel du bureau local de service
social qui, à son tour doit procéder à des investigations
en vu de déterminer les ressources personnelles et familiales du
requérant qui doivent correspondre au seuil de pauvreté
national.
Le traitement des dossiers s'effectue ensuite au niveau du
ministère des affaires sociales et se termine par l'établissement
d'une liste définitive des bénéficiaires.
Certes, il est nécessaire de rappeler qu'auparavant,
l'appréciation de la situation de pauvreté du requerrant d'un
carnet de soins gratuit se fait par le "OMDA" qui lui délivre
"l'attestation de pauvreté" nécessaire à la constitution
du dossier. Cette situation va faire du "OMDA" un premier niveau de
sélection dont le rôle est peut être le plus important
puisqu'il peut priver celui qui en a vraiment besoin d'un droit à
l'assistance en refusant de lui donner un certificat de pauvreté. C'est
ainsi que M. Hichem GRIBAA affirmait qu' « il est
établi que les carnets de soins gratuits sont
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 147
1 A. MOUELHI, th. préc., p. 410.
2 H. GRIBAA, Le droit à la
santé, Op. cit., p. 93.
octroyés au détriment du bon sens, et
souvent pour des raisons politiques, partisanes et électoralistes
».2
Le détournement de la technique en pratique et la
mauvaise gestion du système ont permis de relever parmi les
bénéficiaires des carnets de soins gratuits ou à tarif
réduit des travailleurs affiliables aux régimes de couverture
sociale existants.
Il est évident que le bon fonctionnement de
l'institution d'assistance médicale gratuite doit passer par une
meilleure sélection et un meilleur ciblage des
bénéficiaires. C'est pour cette raison que les commissions
locales et régionales prévues par le décret n° 98-409
du 18 février 1998 et le décret n° 98-1812 du 21 septembre
1998, tels que modifiés respectivement par le décret n°
2004-2730 et 2004-2731 du 31 décembre 2004, déterminent les
bénéficiaires des carnets de soins par référence au
registre national de la pauvreté. Une nouvelle situation qui fait preuve
d'un certain niveau de démocratie sociale.
En effet, en tant que technique de protection sociale,
l'assistance médicale gratuite se présente comme un palliatif
permettant de couvrir le droit à la santé pour ceux qui n'en
jouissent pas par les assurances sociales. Cette technique
complémentaire de protection sociale profite à ceux qui sont
dépourvus de revenus professionnels, pour qu'il n'y aurait plus d'exclus
en matière de prestations de santé.
Conclusion de la deuxième partie 148
Conclusion de la deuxième partie
Fondée sur une conception professionnelle, la
sécurité sociale en Droit tunisien semble être
sélective surtout pour la couverture des besoins des citoyens en
prestations de soins de santé.
L'option pour une conception sélective va être
à l'origine de l'exclusion des non professionnels notamment les
défaillants d'un revenu professionnels, ceux qui
sont à faible revenu ou encore ceux qui ne sont pas
couverts par un régime légal de protection.
Certes, il est évident que l'extension de la couverture
sociale au profit de nouvelles catégories socioprofessionnelles
permettra une meilleure consécration du droit à la santé
par les assurances sociales pour ceux qui ne bénéficiaient pas
auparavant d'une protection sociale.
Ainsi, conscient des imperfections de la législation en
vigueur, le législateur tunisien par la loi n° 2004-71 du 2
Août 2004, va procéder à une réforme fondée
sur les principes d'égalité et de solidarité entre les
assurés sociaux de tous les régimes légaux de
sécurité sociale du secteur public et du secteur privé qui
pourrait assurer une meilleure couverture du droit à la santé
pour tous.1
Toutefois, malgré l'importance du taux de couverture
sociale en Tunisie qui voisine les 90%, une couche importante de la
société reste dépourvue d'un droit à la
santé par les assurances sociales, d'ou le recours à la technique
d'assistance médicale qui s'avère nécessaire et vital pour
les plus démunis de la population.
Par contre, d'autres personnes, tout en ayant la
qualité d'assurés sociaux, semblent ne pas être satisfaits
de la qualité des prestations de soins dans les formations sanitaires
publiques et font recours à des formes complémentaires
d'assistance pour avoir une meilleure qualité de soins.
1 Cf. Dossier « sur la voie de la
reforme » :
- « Mise en oeuvre de la réforme de l'assurance
maladie » ;
- « Reforme de l'assurance maladie : A la recherche d'un
système cohérent, efficace et viable ». L'expert n°
Spécial Hors Série, décembre 2001, p. 58 et s.
Conclusion de la deuxième partie 149
Qu'il s'agisse de ceux qui ont besoin d'une couverture
minimale du droit à la santé par l'assistance médicale
gratuite ou qu'il s'agisse de ceux qui cherchent à avoir une protection
supplémentaire, l'analyse du Droit tunisien de la sécurité
sociale concernant la consécration du droit à la santé
permet de relever des inégalités dans l'accès aux
prestations de soins. Ces inégalités aboutissent non seulement
à un traitement inégalitaire, mais parfois même à
l'exclusion de certaines catégories socioprofessionnelles du droit
à la santé par les assurances sociales.1
1 Cf. J-M. SPAETH, « Quel avenir pour la
solidarité ? » , Dr. Soc. n° 12, 1994, p. 1016.
Conclusion générale 150
CONCLUSION GENERALE
Dans le cadre de la politique de lutte contre l'exclusion
sociale, la sécurité sociale offre les meilleurs moyens pour
assurer la couverture des besoins vitaux de l'homme notamment son besoin aux
prestations de soins de santé.
Ainsi, le droit à la santé figurant parmi les
droits sociaux reconnus par différentes normes juridiques, est
qualifié d'un droit inhérent à la personne humaine et d'un
droit fondamental des droits de l'homme.
La sécurité sociale par les assurances sociales
présente une garantie de taille pour les assurés sociaux. Elle
leur permet de satisfaire facilement et à un coût raisonnable
à leurs besoins ainsi qu'à ceux des membres de leurs familles en
matière des soins de santé.
Toutefois, et même avec l'extension de la couverture
sociale en faveur de nouvelles catégories socioprofessionnelles,
certaines catégories sociales se trouvent dépourvues d'une
couverture sociale par un régime de sécurité sociale et
par la suite sans aucune reconnaissance d'un droit à la santé.
Il y a lieu de noter aussi que l'extension de la
sécurité sociale va faire émerger des
inégalités entre les assurés sociaux quant aux taux de
cotisations au titre de l'assurance maladie. Ces inégalités vont
disparaître avec la nouvelle réforme de l'assurance maladie qui
vient d'unifier le taux de cotisations à 6.75% à tous
régimes légaux de sécurité sociale.
Or, la lutte contre les inégalités et
l'exclusion sociale n'est pas une lutte d'un jour, mais plutôt une lutte
de tous les jours ; c'est pour cette raison que la sécurité
sociale en Tunisie, tout en conservant l'option pour une conception
professionnelle qui semble plus adoptée à la conjoncture
socioéconomique du pays que la conception universelle, pourrait
emprunter à cette dernière des doses d'universalisme quant
à la couverture du droit du citoyen à la santé.
Ainsi, on peut aboutir à une satisfaction
complète du droit à la santé par les assurances sociales
pour toute la population si on adopte une conception mixte de la
Conclusion générale 151
sécurité sociale pouvant assurer une couverture
maladie universelle dont bénéficie toute la population.
Cette couverture maladie universelle pourrait être
financée par les cotisations des assurés sociaux. Le budget
réservé à l'assistance médicale gratuite qui est
financé par les caisses de sécurité sociale et le budget
de l'Etat et par les dons pourrait être aussi financé par des
cotisations sur les consommations dont le danger à la santé de
l'être humain est certain tel que le tabac et les alcools.
Ainsi, même s'il arrive à lutter contre les
inégalités en matière de santé par l'unification
des taux de cotisations au titre de l'assurance maladie, le législateur
tunisien n'a pas préconisé les solutions appropriées pour
lutter contre l'exclusion de certaines catégories sociales d'un droit
à la santé par les assurances sociales.
Un droit à la santé pour tous est un objectif
pour l'organisation mondiale de santé, un objectif dont la
réalisation dépend de la conjoncture socioéconomique et
l'état de développement de chaque pays.
En Tunisie, on n'est pas loin de réaliser cet objectif,
surtout avec une législation évolutive et un niveau de
développement socioéconomique favorable, il faut tout simplement
penser à financer le nouveau régime d'assurance maladie pour
qu'il puisse s'étendre au profit des catégories sociales
vulnérables.
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Table des matières
Table des matières
Introduction 01
Partie I : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 15
Chapitre I : La consécration du droit
à la santé dans les sources du droit 15
Section 1 : En Droit international 16
Paragraphe 1 : Le droit à la santé
dans les textes à valeur universelle 16
A. La charte des Nations-Unies 16
B. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
18
C. Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels 19 Paragraphe 2 : La
consécration du droit à la santé par l'assurance sociale
dans les instruments des institutions spécialisées de l'ONU et
dans les
conventions régionales des droits de l'homme 21
A. Les instruments des organisations
spécialisées de l'ONU 22
1. Les conventions de l'organisation internationale du travail
27
2. Les conventions de l'organisation mondiale de la santé
27
a) La constitution de l'OMS 28
b) La politique de la santé pour tous et ses buts 29
? La stratégie mondiale de la santé pour tous
d'ici l'an 2000 29
? La politique de la santé pour tous au
XXIème siècle 30
c) Les résolutions et recommandations de l'OMS 30
B. Les conventions régionales des droits
de l'homme 33
1. La charte sociale européenne et la convention
européenne des droits de
l'homme 33
2. La charte africaine des droits de l'homme et des peuples
37
Section 2 : En Droit tunisien 38
Paragraphe 1 : Le droit à la santé
par les assurances sociales dans les textes à
valeur supra-légale 39
A. La constitution 39
B. Les conventions internationales ratifiées par la
Tunisie 41
C. Les conventions régionales et les traités
bilatéraux conclus par la Tunisie 44
1. Les conventions régionales 44
2. Les traités bilatéraux
45 Paragraphe 2 : Le droit à la santé par les
assurances sociales dans les autres
sources de Droit 47
A. Les lois 47
B. Les règlements 49
C. La jurisprudence 52 Chapitre II : La
consécration du droit à la santé pour l'assuré
social et ses
ayants droit 55
Section 1 : Le caractère familial de
l'assurance sociale 55
Paragraphe 1 : l'assurance maladie 55
Table des matières
A. Les bénéficiaires 55
B. Les prestations 56
Paragraphe 2 : La maternité 59
A. Les conditions d'octroi des prestations 59
B. Les prestations 61
a) Les prestations en nature 61
b) Les prestations en espèces 61 Section 2 :
L'assurance sociale moyen de protection du travailleur face aux
risques professionnels 64
Paragraphe 1 : L'identification des risques
professionnels 64
A. Identification de l'accident du travail
65
a) La définition de l'accident du travail 65
b) Les critères de qualification de l'accident du travail
65
? Le critère de la soudaineté 66
? Le critère de la lésion corporelle 66
B. Identification des maladies professionnelles
68
1. Définition de la maladie professionnelle 68
2. La liste des maladies professionnelles 69
Paragraphe 2 : La réparation des risques
professionnels 71
A. Un droit à la réparation
71
1. Le règlement automatique 72
a) Le règlement automatique dans le secteur privé
72
b) Le règlement automatique dans le secteur public
72
2. Le règlement judiciaire 73
3. Le règlement à l'amiable
74
B. Les prestations servies 75
1. Les prestations en nature 75
2. Les prestations en espèces 78
a) En cas d'incapacité temporaire de travail 78
b) En cas d'incapacité temporaire de travail 79
Conclusion de la première partie 81
Partie II : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 82
Chapitre I : La sélectivité de
l'assurance sociale 82
Section 1 : La conception professionnelle de la
sécurité sociale 82
Paragraphe 1 : Présentation de la
conception professionnelle 83
A. Fondement de la conception professionnelle de la
sécurité sociale 83
B. Distinction de la conception professionnelle des autres
conceptions 85
1. La conception universelle 85
2. La conception mixte 87 Paragraphe 2 : La
conception professionnelle preuve de la sélectivité de 89
Table des matières
l'assurance sociale
A. L'assujettissement à des
régimes légaux de protection 89
1. Dans le secteur public 90
2. Dans le secteur privé 91
a) Le régime général 92
b) Les régimes spéciaux 93
? Le régime des salariées agricoles 94
? Le régime des travailleurs non salariés des
secteurs agricole et non agricole ..... 96
? Le régime des travailleurs tunisiens à
l'étranger 97
B. Un droit à la santé
gagné par la contribution financière des assurés 98
1. Les cotisations pour financer les régimes de
sécurité sociale 98
2. Assiette et taux de cotisations 103
a) Dans le secteur public 104
b) Dans le secteur privé 106
Section 2 : L'exclusion de certaines
catégories socioprofessionnelles 107
Paragraphe 1 : Un droit à la santé
soumis à des conditions pour certaines
catégories 108
A. Les ayants droit de l'assuré social
108
1. Le conjoint 108
2. Les descendants 109
3. Les ascendants 110
B. Les assurés sociaux des régimes
particuliers 110
1. Le régime des étudiants 112
2. Le régime des artistes, créateurs et
intellectuels 113
3. Le régime particulier à certaines
catégories de travailleurs 115 Paragraphe 2 : Des
catégories sociales vulnérables dépourvues d'un droit
à la
santé 116
A. Les défaillants d'un revenu
professionnel 116
1. Les chômeurs 116
2. Les licenciés pour des raisons économiques ou
technologiques 117
B. La sous affiliation dans les secteurs
informels 119
1. Les causes de la sous affiliation 119
2. Les remèdes préconisés 120
a) L'universalisation des régimes particuliers 120
b) L'institution d'une couverture sociale adaptée au
travail précaire 121 Chapitre II : L'extension de
la protection sociale en matière de santé par
d'autres techniques 123
Section 1 : Le rôle complémentaire
d'autres formes d'assurances 123
Paragraphe 1 : Les assurances commerciales et
les mutuelles 123
A. Les assurances commerciales 123
1. Distinction des assurances commerciales des
assurances sociales 124
Table des matières
2. Les risques d'une « marchandisation
» de la sécurité sociale 127
B. Les mutuelles 128
1. Définition de la mutuelle 129
2. La nécessité d'une réforme des textes
juridiques régissant les mutuelles 129
Paragraphe 2 : Les régimes
complémentaires de l'assurance maladie 131
A. Avant la réforme de l'assurance
maladie en 2004 131
1. Le régime facultatif du secteur public 131
2. Les régimes conventionnels 132
a) Les régimes conventionnels complémentaires
132
b) Les régimes conventionnels supplétifs 132
c) Les régimes conventionnels de remplacement 133
B. Avec la réforme de l'assurance maladie
en 2004 134
1. Une couverture complémentaire confiée
principalement aux organismes
privés 134
2. Une couverture complémentaire confiée
exceptionnellement à la CNAM 135
Section 2 : Le rôle complémentaire
de l'assistance médicale gratuite 135
Paragraphe 1 : L'assistance médicale
gratuite pour les catégories sociales
vulnérables 136
A. La technique de l'assurance médicale
gratuite 136
1. Le système de soins totalement gratuit 137
2. Le système de soins à tarif réduit
138
B. Les bénéficiaires de
l'assistance médicale gratuite 138
1. Les bénéficiaires des carnets
de soins gratuits 139
a) Les handicapés 139
b) Les familles nécessiteuses 139
c) Les personnes âgées 140
2. Les bénéficiaires des carnets
de soins à tarif réduit 140
Paragraphe 2 : L'émergence d'un
véritable droit à l'assistance médicale 141
A. La concrétisation du droit à l'assistance
médicale 142
B. Les insuffisances de l'assistance médicale gratuite
144
1. Les ressources de financement insuffisantes 144
2. Détournement de la technique en pratique 146
Conclusion de la deuxième partie 148
Conclusion générale 150
Bibliographie
Table des matières
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