ENJEUX ET PERSPECTIVES D'UN
PROGRAMME DE TRAVAUX A HAUTE
INTENSITE DE MAIN D'OEUVRE DANS LA
LUTTE CONTRE LA PAUVRETE RURALE
AU CAMEROUN
Présenté en vue de l'obtention du diplôme
de
Master spécialisé en Financement de la
Protection Sociale
PAR : EMVONO ALEXIS SYMPHORIEN
Mai 2011
MAURITIUS INTERNATIONAL BUSINESS SCHOOL
II
SOMMAIRE
Dédicace iii
Remerciements .iv
Project Declaration Form .v
Résumé iv
Liste des Tableaux et Graphiques .viii
Chapitre1 : Introduction
Chapitre 2 : Revue de la littérature
2.1 : Définition et objectifs des HIMO
|
.1
.4
.. 4
|
2.2 : HIMO et HIEG
|
5
|
2.3 : Les défis que posent les approches HIMO
|
6
|
2.3.1 : Comment assurer le soutien politique et financier ?
|
..6
|
2.3.2 :L'adéquation de la formation
|
. .7
|
2.3.3 : Le respect des normes internationales du travail
|
.. .8
|
2.3.4 : Les bénéficiaires et les salaires
|
. .9
|
2.3.5 : Autres pré requis pour la réussite d'un
programme
|
.10
|
2.4 : Les programmes HIMO en Afrique : l'exemple de l'Ethiopie
|
. . 11
|
Chapitre 3 : Méthodologie et Sources d'informations
|
13
|
Chapitre 4 : Analyse des HIMO au Cameroun
|
.. 15
|
4. 1 : Pertinence de l'approche HIMO dans le contexte camerounais
|
.. .15
|
4.1.1 : Le défi de la pauvreté rurale
|
..... 16
|
4.1.2 : La situation du chômage et du sous-emploi en milieu
rural
|
..... 16
|
4.1.3 : L'exode vers les villes
|
19
|
4.1.4 : La situation des infrastructures en milieu rural
|
21
|
4.1.5 : La disponibilité des matériaux locaux
|
. 24
|
4.2 : L'expérience et l'impact des HIMO au Cameroun
|
25
|
4.2.1 : Les expériences HIMO
|
. 25
|
III
4.2.2 : L'Impact des HIMO au Cameroun
|
25
|
4.3 : Le financement des programmes HIMO au Cameroun
|
28
|
4.3.1 : Le financement par les ressources externes
|
31
|
4.3.2 : Le financement par les ressources internes
|
32
|
4.3.3 : Le financement par les ressources internes
spéciales
|
32
|
4.3.4 : Le financement par réallocations
|
33
|
4.4 : Le ciblage des bénéficiaires
|
.33
|
4.5 : Les pré requis institutionnels
|
35
|
4.5.1 : Une législation appropriée
|
35
|
4.5.2 : La création d'un organisme de gestion des HIMO
|
..35
|
4.5.3 : La mise en place d'un bon système de suivi et
évaluation
|
35
|
Chapitre 5 : Conclusion et recommandations
|
.37
|
ANNEXE
|
. .I
|
Annexe I
|
..II
|
Annexe II
|
VI
|
Dédicace
iv
A Valérie, mon épouse. Ce travail te doit
beaucoup... Qu'il soit pour toi le
témoignage de mon infinie
reconnaissance pour ces années de compréhension, de
privations
et d'efforts communs.
V
Remerciements
Je suis reconnaissant au Seigneur mon DIEU qui, jour
après jour se manifeste dans ma vie par des miracles, des prodiges et
des signes de toutes sortes. Mon Dieu me dit que toutes choses concourent au
bien de ceux qui l'aime. Que le malheur atteint souvent le juste, mais
l'Eternel Dieu l'en délivre toujours.
Qu'il me soit permis de présenter ici mes remerciements
à tout un petit monde de personnes qui ont rendu possible la
présente étude et qui ont contribué à son
élaboration sous quelque forme que ce soit.
Je tiens tout d'abord à dire ma reconnaissance envers
mon superviseur Anthony Hodges qui, malgré ses occupations, a
accepté sans réserve, de diriger ce mémoire. Il s'y est
grandement impliqué par ses directives, ses remarques et suggestions,
mais aussi par ses encouragements dans les moments clés de son
élaboration. Je tiens à le remercier aussi pour cette
liberté qu'il a permise, sans laquelle le chercheur ne saurait affirmer
sa manière de penser et de procéder. Sa très grande
disponibilité et son expertise en matière de protection sociale
nous ont particulièrement marquées.
Mes remerciements vont également au Docteur Jo Boon qui
a eu l'amabilité de discuter avec moi certains points clés de mon
analyse, ses remarques pertinentes m'ont amené à
reconsidérer ma position et réviser bien des points.
Je souhaiterais exprimer ma profonde gratitude à
l'ensemble du corps enseignant du Master BIT en financement de la protection
sociale de l'Université de Maurice pour son professionnalisme et plus
particulièrement à mesdames Cécile Cherrier, Esther
Schuring et Céline Julia Félix.
Nous voudrions remercier l'ensemble du personnel de la
Mauritius Business School et toute l'équipe du programme Executive
Master en Science du financement de la protection sociale pour l'accueil,
l'encadrement et la qualité des installations mises à notre
disposition au cours de notre formation. Je dis ici merci :
? Au Docteur Sooroojparsad Matadeen, responsable en charge du
programme Executive Master en financement de la protection sociale ;
? Au Docteur Raja Vinesh Sannassee, Directeur du programme
Executive Master en financement de la protection sociale ;
? A Madame Rita Parthyneviko, responsable administrative du
programme Executive Master en financement de la protection sociale ;
? A Madame Lulith Gowree, confidential secretary du programme
Executive Master en financement de la protection sociale.
Je tiens également à remercier le Bureau
International du Travail (BIT) qui m'a octroyé une bourse pour me
permettre de participer à cette formation.
Pour terminer, mes remerciements vont également
à mon ami Raj Talag Oogur et à sa charmante épouse Sheela
qui, durant les dix mois de formation, m'ont apporté leur soutien tant
moral que matériel.
vi
UNIVERSITY OF MAURITIUS
PROJECT/DISSERTATION DECLARATION FORM
Name: EMVONO Alexis Symphorien
|
Student ID: 1070053
|
Programme of Studies: Msc in Social Protection
Financing
|
Module Code/Name: UTM 451/Application d'un Projet de
Protection Sociale
|
Title of Project/Dissertation: Enjeux et Perspectives
d'un Programme de Travaux à Haute Intensité de Main d OEuvre dans
la lutte contre la pauvreté rurale au Cameroun.
|
Name of Supervisor(s): Anthony HODGES
|
Declaration:
In accordance with the appropriate regulations, I hereby
submit the above dissertation for examination and I declare that:
(i) I have read and understood the sections on
Plagiarism and Fabrication and Falsification of Results
found in the University's «General Information to Students»
Handbook (20.... /20....) and certify that the dissertation embodies the
results of my own work.
(ii) I have adhered to the `Harvard system of referencing' or
a system acceptable as per «The University of Mauritius Referencing
Guide» for referencing, quotations and citations in my dissertation. Each
contribution to, and quotation in my dissertation from the work of other people
has been attributed, and has been cited and referenced.
(iii) I have not allowed and will not allow anyone to copy my
work with the intention of passing it off as his or her own work.
(iv) I am aware that I may have to forfeit the
certificate/diploma/degree in the event that plagiarism has been detected
after the award.
(v) Notwithstanding the supervision provided to me by the
University of Mauritius, I warrant that any alleged act(s) of plagiarism
during my stay as registered student of the University of Mauritius is entirely
my own responsibility and the University of Mauritius and/or its employees
shall under no circumstances whatsoever be under any liability of any kind in
respect of the aforesaid act(s) of plagiarism.
|
Signature:
|
Date: 25/05/2010
|
VII
Résumé
Les zones rurales du Cameroun connaissent des taux de
sous-emploi très élevés. Pendant les périodes de
soudure caractérisés par un ralentissement, voire une absence
d'activités agricoles, les populations sont particulièrement
affectées par une absence de revenus. L'absence d'infrastructures dans
ces zones conjuguée au manque d'entretien de celles-ci ont pour
conséquence un exode massif des jeunes vers les métropoles
à la recherche de l'emploi qu'ils sont incapables de trouver sur
place.
Les travaux à haute intensité de main d'oeuvre
(HIMO) constituent un transfert social efficace pour résorber le
problème de sous-emploi dans les campagnes. Selon le Bureau
International du Travail (BIT), les HIMO désignent les méthodes
qui combinent des équipements légers avec de la main d'oeuvre
dans un mélange optimal afin d'assurer la qualité et minimiser
les coûts lors de la création ou de la réhabilitation des
infrastructures.
Il ressort ainsi de cette définition que les HIMO
allient efficience et efficacité dans la mesure où ils permettent
de procurer un maximum d'emplois aux pauvres tout en facilitant la
création et la réhabilitation à moindre coût des
infrastructures dont les premiers utilisateurs ne sont autres que les
travailleurs HIMO.
Le Gouvernement Camerounais a adopté en 2008 une
déclaration pour la promotion des approches intensives en emplois
assortie d'un document explicitant la stratégie de promotion des HIMO.
Depuis lors, plusieurs projets pilotes ont vu le jour. Toutefois, malgré
la volonté politique qui se manifeste relativement à
l'appropriation des approches HIMO, les possibilités de promouvoir
l'emploi par les techniques HIMO restent inutilisées ou
sous-exploitées à cause de la réticence de certains
acteurs.
Les projets pilotes mis sur pied depuis une dizaine
d'années tardent à se déployer véritablement dans
les zones rurales. Leur impact sur la réduction de la pauvreté
reste à démontrer. Par ailleurs ces programmes fonctionnent de
manière disparate sans coordination, toute chose qui rend encore plus
difficile la collecte des données pour un suivi et une évaluation
adéquats.
Le présent mémoire constitue en
réalité un véritable plaidoyer pour la mise en oeuvre
d'une politique plus agressive et audacieuse afin d'explorer au maximum ce
vivier d'emplois que constituent les travaux à haute intensité de
main d'oeuvre.
Le passage de la phase pilote des projets actuels à la
phase exécutoire s'avère désormais nécessaire pour
rattraper le retard qu'accuse le Cameroun dans ce domaine.
La création d'un organisme unique de gestion de tous
les travaux à haute intensité de main d'oeuvre au Cameroun
constitue un pas décisif vers l'intégration des HIMO dans un
socle plus large de protection sociale.
Les HIMO devraient jouer dans le futur un rôle majeur
dans la mise en oeuvre d'une politique cohérente d'emploi en zone
rurale. Ce n'est qu'à ce prix que ce « vivier d'emplois » que
constituent les HIMO pourra être exploité de façon
efficiente et permettre au Cameroun d'atteindre l'objectif numéro 1 du
millénaire à savoir « réduire l'extrême
pauvreté et la faim ».
VIII
Sigles et acronymes
APERP Projet d'Appui à la Promotion et la
Réduction de la Pauvreté
BAD Banque Africaine de Développement
BIP Budget d'Investissement Public
BTP Bâtiments et Travaux Publics
D Contrat de Désendettement et de
Développement
CADEL Comité d'Appui au Développement de
l'Emploi Local
CER Comité d'Entretien Routier
CNE Conseil National de l'Emploi
CRE Conseil Régionaux de l'Emploi
DSCE Document de Stratégie pour la Croissance et
l'Emploi
DSRP Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté
ECAM Enquête Camerounaise Auprès des
Ménages
EESI Enquête Nationale sur l'Emploi et le Secteur
Informel
FMI Fonds Monétaire International
FNE Fonds National de l'Emploi
HIEQ Haute Intensité d'Equipement
HIMO Haute Intensité de Main d'oeuvre
INS Institut National de la Statistique
MINTP Ministère des Travaux Publics
OMD Objectif du Millénaire pour le
Développement
PADY Projet d'Assainissement De Yaoundé
PERR-HIMO Projet d'Entretien des Routes Rurales par les
techniques HIMO
PIB Produit National Brut
PN2R Programme National de Réhabilitation et
Construction des Routes Rurales
Liste des tableaux et graphiques
ix
Tableaux
Tableau 1: 5
Tableau 2 : 15
Tableau 3 : 17
Tableau 4 : 18
Tableau 5 : 18
Tableau 6 : 20
Tableau 7 : 22
Tableau 8 : 23
Tableau 9 : 24
Tableau 10 25
Tableau 11 : 33
Graphiques
Graphique 1 12
Graphique 2 12
Graphique 3 16
Graphique 4 21
Graphique 5 31
X
1
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
Le marché de l'emploi au Cameroun se caractérise
de nos jours par un resserrement de l'offre d'emploi et un accroissement de la
demande provenant surtout des couches les plus jeunes. Cette situation a pour
corollaire la multiplication de petits emplois classés dans le secteur
informel et la prééminence d'un secteur agricole disposant de
fortes potentialités malheureusement inexploitées. Les
populations des zones rurales du Cameroun pratiquent essentiellement
l'agriculture, l'élevage et la chasse pour leur survie. Dans certaines
régions, elles cultivent le cacao, le café et le coton. Le
sous-emploi et le chômage y sont plus accentués pendant « les
saisons mortes ».1Le sous-emploi rural est essentiellement
invisible. Les paysans pauvres consacrent de longues heures aux travaux
champêtres pour une productivité anormalement faible. Il en
résulte un exode massif des jeunes vers les centres urbains. Deux
facteurs principaux rendent ainsi les campagnes moins attractives que les zones
urbaines : l'augmentation de la croissance démographique dans les zones
rurales et la tendance des pouvoirs publics à concentrer les
infrastructures et les services sociaux dans les villes (Stock,1996 :2).L'un
des objectifs de ce mémoire est de démontrer que la
création et l'entretien des infrastructures par des méthodes
à Haute Intensité de Main-d'oeuvre (HIMO) constituent un des
moyens pour l' Etat de procurer des emplois saisonniers aux pauvres et de
corriger le déséquilibre infrastructurel constaté dans les
zones rurales.
Le gouvernement camerounais a adopté en 2003 le
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP)
qui a pour objectif de promouvoir des politiques macroéconomiques et
sectorielles visant à améliorer la croissance, à
réduire la pauvreté et à conduire le pays vers la
réalisation des objectifs du millénaire pour le
développement (OMD). En juin 2008, une déclaration pour la
promotion des approches intensives en emplois assortie d'un document
explicitant la stratégie de promotion de ces approches a
été rendue publique. Selon cette déclaration, la
stratégie de promotion des approches à haute intensité de
main d'oeuvre est un élément essentiel de la politique de
l'emploi mis en oeuvre par le gouvernement. Elle s'applique de
préférence dans le domaine des infrastructures routières,
des activités productives, de la création et de l'entretien des
installations d'assainissement, de la protection de l'environnement, des
bâtiments et des services collectifs, de la collecte et de la gestion des
déchets. Aussi grâce à l'appui du Bureau International du
Travail (BIT), quelques projets pilotes utilisant des approches HIMO ont vu le
jour au Cameroun.
Au Cameroun, près de la moitié du Budget
d'Investissement Public (BIP) est consacré à la création
et à l'entretien des infrastructures. Les possibilités de
promouvoir l'emploi par les approches HIMO
1 Expression qui désigne en
réalité les périodes de soudure. C'est également
les périodes de baisse d'activités agricoles en zone rurale.
2
restent toutefois inutilisées ou
sous-exploitées. Certains projets continuent d'être
exécutés par l'utilisation d'équipements lourds alors que
l'utilisation d'une main d'oeuvre intensive, et à faible
rétribution pourrait produire les mêmes résultats et
à moindre coût.
Le BIT estime que le potentiel d'emplois qui peut être
obtenu des investissements publics consacrés aux infrastructures au
Cameroun est important. Une affectation de 10% du budget alloué à
la réhabilitation et à l'entretien des routes non revêtues,
soit environ 5 milliards de francs CFA, en utilisant des approches intensives
d'emplois permet de créer plus de 7830 emplois nouveaux dont 3860 de
manière directe. A budget égal, les chantiers HIMO
créeraient 2,2 fois plus d'emplois totaux que dans les chantiers
à Haute Intensité d'Equipement (HIEQ) (Yemene et al, 2009
:110).
Le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi
(DSCE) signé par le gouvernement camerounais identifie quatre volets
dans la mise en oeuvre de la stratégie de promotion des approches HIMO
au Cameroun :
? Le développement d'un environnement politique
institutionnel favorable aux approches HIMO ;
? Le renforcement des capacités des acteurs
impliqués ;
? La promotion de l'application des approches HIMO dans les
investissements publics ;
? L'amélioration des connaissances sur les HIMO. En
particulier dans le domaine des travaux publics pour lutter contre le
sous-emploi et le chômage.
Au regard de ces préjugés favorables dont
semblent bénéficier les approches HIMO et du taux
élevé des personnes sous-employées dans les zones rurales
du Cameroun, la question de recherche adressée dans le présent
mémoire est la suivante : est-ce que l'adoption par le Cameroun d'un
programme HIMO constituerait une réponse pertinente, faisable, et
efficiente au problème de sous-emploi en milieu rural ?
La réponse à cette question s'articule autour des
sous-questions suivantes :
1. Un tel programme dans le contexte camerounais est-il
pertinent ?
2. Quelle expérience dispose le Cameroun dans le
domaine des HIMO et quels impacts ont eu les programmes pilotes introduits
depuis quelques années ?
3. Comment un programme HIMO serait -il financé ?
4. Comment assurer le bon ciblage des
bénéficiaires ?
5. Quels sont les prérequis institutionnels pour la
réussite d'un tel programme au Cameroun ?
Structure du mémoire
3
Le présent travail de recherches est subdivisé
en cinq chapitres parmi lesquels l'introduction occupe le premier chapitre. Le
chapitre 2 traitera principalement de la revue de la littérature sur les
HIMO et les HIEQ .La méthodologie adoptée sera exposée au
chapitre 3 et le chapitre 4 sera consacré essentiellement à
l'analyse des HIMO au Cameroun. Il est prévu de conclure cette
étude au chapitre 5 par quelques recommandations.
4
CHAPITRE 2
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LES TRAVAUX A
HAUTE INTENSITE DE MAIN D'OEUVRE
2.1 DEFINITION ET OBJECTIFS DES HIMO
Le terme HIMO est une abréviation de « haute
intensité de main d'oeuvre ». Selon le BIT, il désigne les
méthodes qui combinent des équipements légers avec de la
main d'oeuvre dans un mélange optimal afin d'assurer la qualité
et minimiser les coûts lors de la création ou de la
réhabilitation des infrastructures (Tajgman et al, 2000).
Les travaux HIMO sont des transferts sociaux. A ce titre ils
sont non contributifs, ciblés au profit des foyers pauvres et
vulnérables. La principale caractéristique de ce transfert repose
sur la conditionnalité imposée aux bénéficiaires
qui doivent préalablement à la perception du transfert (salaire),
travailler.
Depuis les années 1970, le BIT utilise les HIMO pour
lutter contre le chômage et le sous-emploi particulièrement en
Afrique.
Selon Grosh et al (2008), ce transfert social est
particulièrement indiqué pour les pays qui sortent d'une crise
économique aiguë. Cette technique est également
conseillée pour accélérer la reconstruction d'un pays
dévasté par une catastrophe naturelle à l'instar du
Tsunami.
Les techniques HIMO s'opposent aux méthodes à
haute intensité d'équipement (HIEQ). Les HIEQ désignent
les méthodes où l'essentiel des travaux sont
réalisés avec un équipement lourd et l'appui d'une main
d'oeuvre majoritairement qualifiée et très limitée.
La Banque Mondiale (BM)2 recommande
particulièrement l'utilisation des techniques HIMO aux pays à
faibles revenus et dont le salaire minimum journalier est de 4 Dollars USA.
2.2 : HIMO ET HIEQ
Franco Olivier (1998) a étudié l'impact
comparé des investissements HIMO et HIEQ sur les revenus des
ménages, la consommation et les emplois en zone rurale de Madagascar. Il
tire les conclusions suivantes :
? Un investissement de 50 Milliards de francs Malgaches pour
l'entretien des routes rurales sous forme HIMO engendre une création de
valeur ajoutée de 58 Milliards, alors qu'elle n'est que de 34Milliards
si ces investissements sont réalisés sous forme HIEQ .L'impact
différentiel des deux formes d'investissement est encore plus
marqué sur le revenu, la consommation des
2Voir le document technique no 347 (1996).
5
ménages ou l'emploi. Il varie du simple au double selon
qu'on adopte l'approche HIEQ ou HIMO.
? Le faible effet multiplicateur des projets HIEQ
résulte essentiellement de l'importance des dépenses en produits
importés (équipements), une grande partie des dépenses
d'investissements vont directement à l'étranger, ce qui limite
les effets d'entrainement sur la production locale.
? Les emplois qui sont crées directement lors de la
réalisation des projets HIMO génèrent des revenus qui sont
dépensés en grande partie localement, ce qui induit un effet
multiplicateur sur la production locale. Ainsi pour chaque emploi crée
directement par l'utilisation des techniques HIMO, 1,88 emplois sont
crées indirectement.
Au Cameroun, Yemene et al(2009) ont mené des
études de comparaison des deux approches. Celles-ci ont
démontré que les techniques HIMO génèrent plus
d'emplois et luttent efficacement contre le sous-emploi. Le tableau ci-dessous
présente les atouts des approches HIMO.
Malgré tous ces avantages reconnus aux HIMO surtout au
niveau de l'entretien des routes rurales non revêtues, ses
méthodes continuent à rencontrer des réticences de la part
des entreprises privées jusque là habituées aux
méthodes HIEQ.
Comme principal argument, Stock (1996 :2) relève que
les entrepreneurs justifient cette réticence par les coûts
d'apprentissage élevés de cette nouvelle technologie. Ils
excipent également les retards habituels de payement des factures par le
gouvernement. Lorsque les payements connaissent des retards, les entreprises
éprouvent des difficultés à payer les salaires, ce qui
conduit à des grèves dans
6
les chantiers et rallonge les délais de livraison. Cet
auteur affirme que peu de gouvernements manifestent de l'intérêt
pour l'introduction des méthodes HIMO dans les programmes routiers de
leur pays. La plupart des décideurs et hauts fonctionnaires partagent
encore l'idée selon laquelle les techniques HIMO correspondent à
une alternative technologique « rétrograde ».Selon ceux-ci,
les méthodes HIEG limitent les problèmes d'encadrement de main
d'oeuvre, car requièrent moins d'ouvriers temporaires.
Sur le plan politique, l'auteur sus évoqué
constate que les méthodes HIEQ permettent la mobilisation rapide des
engins pendant les campagnes électorales pour des travaux ponctuels au
profit des partisans alors qu'une main d'oeuvre importante est plus difficile
à manipuler.
2.3 : LES DEFIS QUE POSENT LES APPROCHES HIMO
Les principaux défis que posent les approches HIMO ont
trait au soutien politique continu à assurer à ce transfert,
à l'adéquation de la formation reçue par les acteurs et au
respect des normes internationales de travail.
2.3.1 : Comment assurer un soutien politique et financier
continus pour la réussite des programmes HIMO ?
La pérennité d'un programme HIMO est essentielle
pour lutter efficacement contre la pauvreté. Certains programmes
financés par l'aide extérieure connaissent des difficultés
lorsque les bailleurs de fonds cessent leurs financements. Un arrêt
brusque du transfert est souvent préjudiciable aux pauvres. Certains
bénéficiaires qui, grâce au transfert, avaient
amélioré leurs conditions de vie voient leur situation se
détériorer rapidement. Les études menées dans les
pays asiatiques ont révélé l'importance du soutien
politique continu pour la réussite des programmes HIMO .Sans soutien
politique à long terme, le transfert fourni par les programmes HIMO
n'offre qu'une assistance à court terme. Lorsque les programmes
s'arrêtent et recommencent fréquemment, la confiance du public
dans la sécurité des bénéfices futurs est affaiblie
et décourage ainsi les électeurs à voter pour des
programmes de transfert existants financés par le budget (Grosh,
1994).Pour cet auteur, maintenir un bon soutien politique pour les programmes
de transfert en liquide est un véritable challenge.
Van de walle et Cratty(2002) estiment que lorsqu'un programme
de réhabilitation de route bénéficie d'un soutien
politique continu, l'entretien des routes profite d'abord aux pauvres.
Deolalikar (2002) a constaté au cours de ses recherches
en Thaïlande que l'entretien régulier et sans interruption des
routes par les méthodes HIMO avait un effet positif sur la
productivité agricole et la croissance de la production industrielle des
provinces les plus pauvres.
7
8
Stock (1996) affirme que les méthodes HIMO se sont
révélées moins chères au kilomètre et plus
compétitives que les méthodes HIEG lorsque les travaux sont
exécutés par des petites entreprises HIMO à la seule
condition que les payements se fassent dans les délais, car ces petites
entreprises sont plus sensibles aux retards de payements parce que les
obligations auxquelles elles font face différent de celles des
entreprises HIEQ .Lorsque les règlements accusent des retards, les
entreprises HIMO sont incapables de payer leurs ouvriers, ce qui provoque des
grèves. Les entreprises HIEQ peuvent payer avec retard les conducteurs
d'engins et les fournisseurs si elles sont elles-mêmes payées avec
retard, ce qui n'est pas le cas avec les entreprises HIMO.
2.3.2 : L'adéquation de la formation
Le succès des travaux HIMO passe par la maitrise des
différentes méthodes utilisées aussi bien par les
entrepreneurs que par les travailleurs.
La formation des entrepreneurs, cadres et agents de
maitrise
La formation des entrepreneurs, cadres et agents de maitrise
est importante car permet de recycler ceux-ci pour conduire avec
efficacité les travaux, la plupart des cadres des travaux publics ayant
été formés dans des écoles privilégiant les
méthodes HIEQ. Cette formation est encore plus importante pour les
agents de maitrise.
Les études de la Banque Mondiale en Inde sur la
construction routière relèvent que les agents de maitrise dans
les activités HIMO sont des employés extrêmement importants
par leur implication à la supervision des travaux car les entrepreneurs
vivent et ont souvent leurs bureaux dans les villes, et parfois loin de leurs
chantiers et de leurs employés .Les compétences de l'agent de
maitrise peuvent avoir des répercussions considérables sur la
productivité d'un chantier HIMO. Selon Tajgman et Jan de Veen, (2000
:123) entre une « bonne »supervision et une supervision «
équitable » la différence de productivité oscille de
33à 125%, et entre une « bonne » et une « médiocre
»supervision, la différence de productivité est de 91%.
La formation des travailleurs
La formation des travailleurs a une double importance.
Elle permet aux travailleurs d'acquérir des
connaissances et de l'expérience pour mieux accomplir leurs tâches
et éviter les accidents au cours de l'exécution des travaux.
Cette formation est essentielle dans le programme HIMO
sud-africain. Selon un rapport du Department of Public Works (2008) en Afrique
du Sud, elle a été un moyen efficace utilisé pour
faciliter l'insertion dans le circuit économique des sud-africains sans
qualification et illettrés des provinces du Kwazulu Natal et du
Limpopo.
Le principal challenge demeure toutefois la qualité de
la formation fournie aux travailleurs. Mc Cord(2010) estime qu'une formation
dispensée au cours des travaux HIMO n'aura d'impact sur le marché
du travail que si cette formation est :
- D'une qualité adéquate ;
- Obéit aux besoins des travailleurs ;
- Et cadre avec les besoins du marché du travail.
Une formation au rabais rend plus difficile l'insertion des
travailleurs dans le monde du travail. Les employeurs de plus en plus exigeants
hésitent à embaucher des anciens employés des programmes
HIMO à cause de leur formation jugée courte et superficielle.
Seule une formation mieux pensée et orientée
vers les besoins des employeurs est gage d'une transition sans heurt entre la
fin d'un emploi HIMO et le début d'une nouvelle carrière. C'est
la condition nécessaire pour éviter aux travailleurs ayant
bénéficié d'une formation de retomber dans la
pauvreté.
2.3.3 : Le respect des normes internationales du
travail
Les Travaux HIMO sont des transferts sociaux particuliers
.Parce qu'ils font appel à une main d'oeuvre spéciale, le BIT
veille spécialement au respect des normes internationales du travail
(Tajgman et al : 28).
Les travailleurs des projets d'infrastructures HIMO sont
généralement des travailleurs ruraux pauvres et employés
à titre temporaire. Leur situation de pauvreté les rend
vulnérables à toute sorte d'abus d'entrepreneurs véreux,
d'où la nécessité d'observer un ensemble de normes
internationales en matière de travail selon le BIT dont en voici
quelques-unes.
? L'égalité
Les hommes et les femmes devraient recevoir une
rémunération égale pour un travail de valeur égale
(Convention no 100 sur l'égalité de rémunération,
1958).
? Le droit d'être à l'abri du travail
forcé
Un travail ou un service ne devrait pas être
imposé à une personne sous la menace d'une sanction quelconque ou
dans les circonstances ou la personne ne s'est pas offerte de plein gré
(convention NO 29 sur le travail forcé, 1930).
? L'âge minimum pour travailler
9
10
Aucune personne de moins de 15 ans ne devrait travailler ou
être employée. Aucune personne de moins de 18 ans ne devrait
être employée ou travailler dans les conditions dangereuses
(convention no 138 sur l'âge minimum, 1973).
? Sécurité et Santé
Toutes les précautions appropriées doivent
être prises pour faire en sorte que tous les lieux de travail soient
sûrs et exempts de risques pour la sécurité et la
santé des travailleurs (convention no 167 sur la sécurité
et la santé dans la construction ,1988).
2.3.4 : Les bénéficiaires et les salaires
Un des défis majeurs auxquels sont confrontés
les gestionnaires des programmes HIMO dans les zones rurales est celui de
cibler correctement les bénéficiaires. Il s'agit de
sélectionner parmi les populations, les individus ou les ménages
considérés comme pauvres. La question du ciblage devient encore
plus délicate lorsqu'il s'agit de sélectionner les
bénéficiaires dans une population majoritairement pauvre. Qui
doit-on exclure et qui inclure? Quel critère retenir pour avoir de
meilleurs résultats et comment l'appliquer dans la pratique ?
L'auto-sélection par les salaires
Dans le cadre des travaux HIMO, le ciblage des
bénéficiaires peut se faire quelques fois sur la base de
l'auto-sélection par le travail. Ce ciblage peut être
géographique lorsqu'il s'agit de lutter contre le sous-emploi en milieu
rural par exemple.
Lavallée et al (2009) définissent
l'auto-sélection par le travail à travers la mise en oeuvre des
programmes de travaux publics comme une méthode de ciblage qui a pour
objectif à la fois d'atteindre les membres les plus pauvres et la
communauté et de contribuer aux projets nationaux de
développement.
Selon ces auteurs, les salaires distribués en
échange du travail devraient avoir une valeur suffisamment faible pour
n'inciter la participation que des personnes ne disposant ou ne pouvant trouver
d'emplois plus rémunérateurs.
Samson et al (2006) affirment que la fixation du salaire
à un juste niveau est l'idéal à atteindre au cours de
l'exécution des travaux HIMO. Ils expliquent que les salaires
fixés ne devraient être ni trop élevés, ni trop bas.
Lorsque les salaires sont trop bas, l'impact du transfert risque ne pas
être perceptible par les foyers pauvres et vulnérables qui peuvent
être amenés à ne plus participer au programme malgré
leur situation de dénuement. Par contre, un programme très
généreux, accroit des risques d'erreurs d'inclusion.
Olivier et al (2009) expliquent le taux élevé
d'erreur d'inclusion des non pauvres dans certains programmes HIMO par des taux
de salaires qui sont fixés à des niveaux très
élevés. Ainsi, le travail offert dans le cadre du programme se
substitue alors au travail qui aurait été offert sur le
marché local, limitant l'additionnalité des transferts
effectués.
Grosh et al (2008) constatent que certains foyers non pauvres
ont tendance à postuler pour effectuer les travaux HIMO malgré le
salaire bas fixé pour les exclure. Ils perçoivent alors ce
transfert comme un supplément qui est additionné aux revenus
initiaux. Ces auteurs préconisent comme solution l'utilisation d'un test
de revenu ou de se baser sur la sélection faite par les
communautés villageoises pour cibler les véritables
bénéficiaires.
Le payement du salaire
La littérature fait la distinction entre les payements en
espèce ou en nature et à la tâche ou mensuels.
Pour Tajgman et al (2000 :79), il est préférable
que la rémunération soit entièrement faite en
espèces. Lorsqu'il est procédé à des payements
partiels en nature, des précautions doivent être prises pour
assurer que leur caractère et leur qualité répondent bien
aux critères acceptés.
Les normes de travail et les taux de
rémunération devraient être fixés de telle
manière que les hommes et les femmes puissent percevoir un salaire
identique pour un travail de même valeur. Lorsque la
rémunération est basée sur la productivité
(c'est-à-dire, une unité de rémunération pour une
unité de production) une discrimination non souhaitable peut apparaitre
si des mesures de prévention ne sont pas prises.
Pour Samson et al (2006) il ne suffit pas de fixer les
salaires, il est encore plus important dans les travaux HIMO que les salaires
soient payés de manière régulière sur la base des
procédures communiquées de façon transparente aux
travailleurs. Tout retard et tout changement dans le payement des salaires
occasionnent la confusion et les tensions sociales.
Selon Grosh et al (2008) quelque soit le mode de payement des
salaires et leur périodicité, les programmes HIMO font souvent
face aux tentatives de détournement des gestionnaires par l'inclusion
des travailleurs fantômes.
2.3.5 : Autres prérequis pour la réussite
d'un programme
Pour réussir des travaux HIMO en zone rurale, Stock
(1996:37) estime que les petites entreprises sont une solution « de bon
sens » parce qu'elles seules ont la motivation pour assurer un encadrement
de qualité sur leurs chantiers. Il convient toutefois de préciser
que l'encadrement de qualité des ouvriers seul n'est pas gage de
succès d'un programme HIMO .En amont, il est important de coordonner
les
11
actions à mener sur le terrain, déterminer les
périodes d'exécution des travaux qui correspondent aux
périodes de soudure tout en mettant sur pied un arsenal juridique
approprié.
Dans les pays en développement, il est fréquent
de constater une prolifération d'actions parfois opposées dans la
lutte contre la pauvreté. Les gouvernements à travers plusieurs
ministères (Education, Travail, Affaires Sociales, Travaux Publics,
Santé etc....) mènent le plus souvent des actions sans
concertation et sans coordination. Les bailleurs de fonds et les organisations
non gouvernementales rivalisent d'ingéniosité dans la mise en
place de différentes stratégies. La conséquence est la
multiplication de mini-projets et programmes HIMO et qui parfois disparaissent
au stade des projets pilotes. La nécessité de coordonner
l'ensemble des actions de lutte contre la pauvreté dans le cadre d'une
stratégie de dialogue sociale prôné par le socle de
protection sociale est nécessaire. Selon Cichon et al ( 2011), sans
investissements coordonnés pour assurer à toute la population un
minimum de sécurité de revenus à travers un socle de
protection sociale, beaucoup de personnes ne pourraient atteindre le niveau de
compétences et de productivité nécessaires pour
intégrer l'économie formelle et resteraient au contraire
prisonniers du secteur informel.
2 .4 : Les programmes HIMO en Afrique : L'exemple de
l'Ethiopie
L'Ethiopie a connu pendant plusieurs années des
périodes de famine incessantes dues à la sécheresse. La
communauté internationale s'est mobilisée pour venir en aide
à ce pays pendant ces années difficiles. En 2005, pour combattre
le problème récurrent de l'insécurité alimentaire,
le Gouvernement éthiopien, avec l'appui des bailleurs de fonds et
certains donateurs internationaux a mis sur pied un programme HIMO
baptisé « Productive Safety Net Programme » (PSNP).Avec un
budget de départ de US$500 millions, c'est l'un des plus grands
programmes HIMO en Afrique.
En effet, pour empêcher les pauvres d'être
dépendants des programmes de transferts sociaux mis sur pied pour lutter
contre l'insécurité alimentaire, les autorités ont mis sur
pied ce programme HIMO dont le but est de fournir des emplois saisonniers aux
pauvres ayant une aptitude au travail et leur permettre d'avoir des revenus en
période de soudure. Pour les ménages pauvres ne disposant pas de
main d'oeuvre qualifiée pour les travaux et pour les personnes souffrant
d'handicaps ou de maladies chroniques (VIH/SIDA),ceux-ci sont dispensés
de travaux mais reçoivent des transferts en espèces ou en argent.
Selon Sharp et al (2008) le choix de la période de soudure pour engager
les travaux HIMO a contribué à stabiliser le niveau de vie des
populations paysannes en leur procurant nourriture et revenus pendant cette
période transitoire étalée surtout entre les mois de mai
et août. Le graphique 1 ci-dessous le démontre.
12
Le graphique 2 ci-dessous révèle les
disparités constatées au niveau des périodes de soudure
dans les zones rurales d'Ethiopie. Le PSNP a réussi à mettre sur
pied un programme des travaux d'entretien des infrastructures régionales
en tenant compte des variations climatiques
Ce programme a eu un impact notable sur la pauvreté
rurale en Ethiopie. Les travaux saisonniers, aussi bien dans la construction,
l'entretien des routes, la protection de l'environnement ont permis de procurer
de l'emploi saisonnier à plus de 8 millions de pauvres.
13
CHAPITRE 3
METHODOLOGIE ET SOURCES
D'INFORMATION
Cette étude a essentiellement un double objectif. D'une
part, elle vise recenser les prérequis nécessaires pour le
succès d'un programme HIMO, d'autre part, elle a pour ambition de
baliser le terrain à une introduction éventuelle d'un programme
HIMO de grande envergure au Cameroun.
Les 5 sous-questions qui forment son ossature sont
abordées de façon distincte et chronologique.
S'agissant de la sous-question 1 qui traite de la pertinence
de l'approche HIMO dans le contexte camerounais, l'étude présente
d'entrée de jeu les principaux indicateurs macro-économiques du
pays ainsi que la structure générale de la population. L'analyse
s'appuie sur les estimations fournies par le Bureau Central des Recensements de
la Population (BUCREP), sur le taux de croissance réelle du PIB, sur la
proportion du secteur informelle dans l'économie, sur le taux de
pauvreté dans les zones urbaines et rurales ainsi que l'incidence de la
pauvreté notamment dans les zones rurales.
Pour justifier l'introduction d'un programme HIMO en zone
rurale, une attention particulière est portée sur la situation du
chômage et du sous-emploi en milieu rural. Le taux d'activité, de
chômage et de sous-emploi dans ces régions sont scrutés.
Une analyse comparative des données recueillies auprès du BUCREP
et de l'Institut National de la Statistique (INS) sur la pauvreté
urbaine et rurale est faite.
Les conséquences de la pauvreté rurale notamment
ses répercutions dans les zones urbaines du Cameroun sont passées
au crible. Le principal indicateur que constitue le taux d'urbanisation des
villes camerounaise est présenté sous forme de graphique,
analysé et interprété.
Sur le plan de l'offre des infrastructures routières,
l'étude s'attèle à présenter la classification des
infrastructures routières du Cameroun sur la base des critères
retenus par le Ministère des Travaux Publics lors du recensement des
infrastructures routières fait en 2008 .Une analyse critique du
déséquilibre infrastructurel entre les zones rurales et urbaines
est également faite.
Après un recensement des matériaux locaux
disponibles qui pourraient faciliter l'exécution des travaux HIMO, ce
travail de recherche met en lumière les potentialités dont
dispose le Cameroun en matière forestière.
Des données liées à l'inventaire
forestier national ainsi que la superficie forestière globale ouverte
à exploitation sont notamment fournies.
14
S'agissant de la sous-question 2, l'étude fait une
analyse descriptive des expériences passées en matière de
travaux HIMO au Cameroun. Cette analyse descriptive s'étend
également aux 4 projets pilotes qui ont été mis sur pied
avec le concours technique du BIT .Un regard critique de l'impact des projets
pilotes dont s'agit est jeté notamment au niveau de l'emploi, de la
formation, de l'exode rural et des infrastructures.
En ce qui concerne la sous-question 3 qui traite du
financement des travaux HIMO au Cameroun, l'analyse se focalise sur les
différentes options possibles dont dispose le gouvernement pour
réaliser les projets en matière d'infrastructures au regard du
caractère limité du budget du Ministère des Travaux
Publics. Pour conclure à l'efficience des travaux HIMO au Cameroun, ces
travaux adoptent la démarche du BIT sur la comparaison des coûts
entre les méthodes HIMO et les méthodes HIEG
Pour déterminer les potentiels
bénéficiaires des travaux HIMO en milieu rural, ainsi que les
salaires à verser à ceux-ci, ce travail de recherche s'inspire du
programme HIMO de l'Inde pour le ciblage des bénéficiaires. Le
SMIG est le principal élément pris en compte pour calculer les
transferts à verser aux travailleurs des chantiers HIMO.
Pour conclure l'analyse à la sous-question 5,
l'étude passe en revue les prérequis liés à la
gouvernance institutionnelle essentiels pour la mise sur pied d'un programme
HIMO viable.
15
CHAPITRE 4
ANALYSE DES HIMO AU CAMEROUN
Ce chapitre présente les résultats de l'analyse
concernant chacune des sous-questions de recherche évoquées dans
le chapitre 1 .La section 4.1 traite de la question de la pertinence de
l'approche HIMO dans le contexte camerounais, la section 4.2 aborde la question
de l'expérience et l'impact des HIMO, la section 4.3 passe en revue les
sources potentielles de financement des HIMO, La section 4.4 évoque le
ciblage des bénéficiaires tandis que les prérequis
institutionnels sont scrutés en dernière analyse à la
section 4.5 .
4.1 PERTINENCE DE L'APPROCHE HIMO DANS LE CONTEXTE
CAMEROUNAIS
Au premier janvier 2010, la population camerounaise
s'élevait à environ 20 millions habitants. C'est une population
essentiellement jeune, les moins de 15 ans représentent environ 43,6% de
la population totale contre 5% pour les populations âgées de plus
de soixante ans (BUCREP, 2010). Les femmes constituent environ 50,5% de cette
population comme le révèle le tableau ci-après.
Le Produit Intérieur Brut (PIB) du Cameroun a
enregistré un taux moyen de croissance réelle de 2% en 2009.En
matière de finances publiques, on relève une réduction du
stock de la dette publique qui est passée de 4890, 3 milliards de francs
CFA en 2005 à 1427, 6 milliards en 2008 .Cette évolution
résulte essentiellement des allégements de dette obtenus
après l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative «
Pays Pauvre Très Endetté »(PPTE). L'économie
informelle y compris le secteur agricole occupe environ 90% de la population
active (INS, 2010).
4.1.1 : Le défi de la pauvreté rurale
16
Selon la troisième Enquête Camerounaise
Auprès des ménages (ECAM 3), en 2007, 39% de camerounais vivaient
sous le seuil de pauvreté à savoir 738 francs CFA par
jour.3Le graphique 3 montre qu'il existe de grandes
disparités de la pauvreté entre les zones urbaines et les zones
rurales du Cameroun.
Selon cette enquête, en 2007, l'incidence la
pauvreté a nettement reculé depuis 2001 en milieu urbain de
l'ordre de 5,7 points de pourcentage et notamment dans les villes de
Yaoundé et de Douala. Par contre l'incidence de la pauvreté s'est
aggravée de près de 3 points, surtout dans les 3 provinces
septentrionales (Adamaoua, Nord et Extrême nord).
La quasi-totalité (94%) de personnes classées
dans le quintile le plus pauvre résident en zone rurale, contre 2%
seulement à Douala et à Yaoundé, 6% dans les autres
villes. Ces disparités sont tributaires des opportunités
d'accès aux revenus qu'ont les populations dans leur milieu de
résidence.
De 2001 à 2007, la population vivant en dessous du
seuil de pauvreté au niveau national est resté quasi stable,
passant de 40, 2% à 39, 9%. Le milieu rural, qui tire principalement ses
ressources de l'activité agricole, se caractérise par des
inégalités fortes. Cette situation d'incidence
élevée de la pauvreté, surtout en milieu rural, où
le problème s'aggrave davantage, souligne la nécessité de
renforcer ou d'améliorer les stratégies mises en place pour
lutter contre la pauvreté. Parmi celles-ci l'approche HIMO pourrait se
justifier par les résultats de l'analyse à suivre sur le
marché de l'emploi et sur les besoins en infrastructures.
4 .1.2 : La situation du chômage et du sous-emploi en
milieu rural
3Somme jugée nécessaire pour un individu
de s'offrir un panier minimal de dépenses alimentaires et non
alimentaires que sont les besoins de santé, de logement et
d'éducation.
17
Selon l'enquête sur l'emploi et le secteur informel du
Cameroun (EESI) de 2005, le Cameroun a un taux d'activité de 71, 5%
évoluant selon les catégories d'âge. Il croit rapidement et
le maximum est atteint entre 30 et 49 ans. Ce taux cache toutefois de fortes
disparités selon le milieu de résidence. C'est ainsi qu'il se
situe à 77, 3 % en milieu rural contre 46, 8% en milieu urbain.
L'ensemble du secteur informel occupe la première place
dans la répartition des emplois par secteur d'activité. En fait,
il emploie plus de 90% des actifs occupés. Le secteur informel agricole
concentre à lui seul 55, 2% des employés globaux et 79% des
emplois ruraux .La prédominance de l'emploi dans le secteur informel est
révélatrice d'une part de l'inefficacité des politiques
publiques menées dans le domaine de l'emploi et d'autre part du
dynamisme des populations surtout rurales et de leur esprit d'entreprise, qui
les pousse à trouver des emplois fussent-ils
précaires4.
L'emploi au Cameroun est caractérise par un faible taux
de chômage. Selon la définition du BIT5, il se situe
à 4,4% et à environ à 6,2% lorsque la définition de
ce taux est prise au sens large6 soit un écart de 1,8
point7. Ce niveau de chômage bas masque toutefois un
sous-emploi dont le taux est très élevé (environ 75,8%).Le
tableau 4 a l'avantage de comparer les taux de chômage dans les zones
urbaines et rurales du Cameroun.
4 On peut donc conclure que le chômage est
essentiellement résiduel au Cameroun. Les autorités devraient
plutôt se mobiliser pour combattre le sous-emploi qui est le
véritable fléau qui mine l'économie du pays.
5 Selon le BIT, est au chômage, toute
personne non employée durant les semaines de l'enquête (sur la
main d'oeuvre) ou qui a travaillé moins d'une heure par semaine, sans
tenir compte des absences temporaires, et qui a recherché un emploi
activement au cours des quatre semaines passées et qui est disponible
pour prendre un travail dans les deux semaines.
6 Le chômage au sens large regroupe les
chômeurs au sens du BIT auxquels sont ajoutés les inactifs qui,
bien que n'ayant pas cherché d'emploi au cours de la période de
référence reste toutefois disponibles.
7 Voir les données de l'Institut National des
Statistiques de 2005
18
Selon la définition BIT du chômage, on constate
que les femmes rurales sont moins touchées par le chômage. Par
contre, lorsqu'il est fait appel à la définition élargie
qui sied mieux au contexte camerounais, la situation change. La tranche
d'âge des 10-29 ans est particulièrement affectée.
Chez les hommes, la plupart des chômeurs se recrutent
parmi les plus jeunes. Selon les enquêtes ECAM2 et EESI, une partie des
jeunes chômeurs en zone rurale ont essuyé un échec scolaire
au niveau du secondaire et ont finalement opté pour les travaux
agricoles, aggravant ainsi le sous-emploi invisible dans les
campagnes8comme le confirme le tableau ci-dessous
Une analyse de la structure du marché du travail au
Cameroun permet de constater que celle -ci présente une
particularité dans les formes de travail.
Le milieu rural se caractérise par un sous-emploi
élevé évalué à 83,6%.Les populations
pratiquent de l'agriculture de subsistance, l'élevage, la chasse et la
cueillette. Ces populations consacrent beaucoup de temps à ces
activités pour un rendement assez médiocre. Elles sont parfois
obligées de brader leurs productions à vil prix pour avoir un
minimum de revenus nécessaires à la satisfaction de leurs besoins
élémentaires.
8 L'exigence d'horaires de travail très
élevées est synonyme de sous-emploi lorsque cette charge horaire
est rendue nécessaire pour une productivité du travail
anormalement faible.
19
A cause du manque d'infrastructures routières, ces
paysans éprouvent d'énormes difficultés pour acheminer
leurs productions vers les centres urbains. Ce manque de routes praticables a
empêché plusieurs agriculteurs de participer au dernier Comice
agro- pastoral organisé du 17 au 22 janvier 2010 à
Ebolowa9.
Les produits de rente que cultivent ces populations ne
connaissent pas meilleur sort. Les prix du cacao, du café, du coton
qu'elles cultivent sont fluctuants. La détérioration des termes
de l'échange entraine une baisse drastique des prix sur le marché
international et par ricochet le niveau de vie des paysans. Certains
abandonnent leurs plantations à cause de la modicité des revenus
obtenus au regard des efforts par eux déployés. Ce qui contribue
à accentuer davantage leur état de pauvreté.
Les périodes de soudure marquées par une baisse
voire une absence totale d'activités agricoles rendent les populations
rurales du Cameroun encore plus vulnérables à la
pauvreté.
Le sous-emploi et le chômage créent
l'oisiveté. Ces populations s'adonnent ainsi à la consommation
excessive du Bill-bill et de l'Arki10 boissons alcoolisées
nocives pour leur santé particulièrement fragile.
Pendant ce temps, les plus jeunes, parfois ambitieux et sans
qualification envahissent les grands centres urbains que sont Douala et
Yaoundé.
Cette analyse démontre que la création d'emplois
en faveur des couches pauvres de la population rurale, surtout en saison de
soudure, constitue un des plus grands défis de développement au
Cameroun. C'est un défi auquel l'approche HIMO est
particulièrement adaptée.
4.1.3 : L'Exode vers les villes
Parmi les causes de l'exode des jeunes vers les villes, on
peut distinguer les facteurs de réputation du milieu rural et les
facteurs d'attraction du milieu urbain (Barbier et al, 1978).
La différence de niveau de vie entre la campagne et la
ville est le facteur qui apparait le plus souvent dans les diverses
déclarations à ce sujet. Le niveau de vie est beaucoup plus
faible en milieu rural qu'en milieu urbain : revenus des populations plus
faibles, investissements publics proportionnellement moins
élevés, services sanitaires et sociaux plus rares et moins
performants.
9 Cérémonie organisée dans les
chefs-lieux de Région du Cameroun en l'honneur du monde agricole. C'est
souvent l'occasion pour les autorités de passer en revue les
réalisations en faveur du monde rural. La dernière fête a
eu lieu à Ebolowa dans le chef-lieu de la Région du Sud Cameroun
en présence du chef de l'Etat Camerounais.
10 Boisson locale faite à base de mil et de
mais particulièrement prisée des pauvres à cause de son
prix bas (environ 100 francs OEA la bouteille (0,15 Euro))
20
La migration vers la ville apparait surtout comme une
quête de meilleures conditions d'existence par la jeunesse, une tentative
pour elle de fuir la pauvreté rurale.
Le travail agricole est en lui-même une cause d'exode
rural par sa dureté (pénibilité, revenus
aléatoires, absence d'horaires de travail et de congés) que par
sa monotonie.
Dans la mise en oeuvre de sa nouvelle politique de
développement du secteur rural adoptée en 2005, le Gouvernement
camerounais dresse le constat d'un monde agricole malade, structurellement
incapable désormais de nourrir la population camerounaise .Plusieurs
contraintes qui bloquent la production ont été identifiées
à savoir : le vieillissement de la population rurale, l'insuffisance des
infrastructures d'appui au développement du secteur rural (pistes,
routes), et les difficultés de commercialisation de la production,
souvent du fait d'une chaine de commercialisation trop longue qui accapare
l'essentiel de la valeur ajoutée agricole et freine le
réinvestissement.
Le sous-emploi dans cette partie du pays est surtout
saisonnier, il est source de désoeuvrement et d'ennuis, toutes choses
qui augmentent la fascination de la ville (Gubry et al, 1991).Les
conséquences de l'exode rural se font sentir aussi bien en milieu urbain
qu'en milieu rural.
En milieu rural, on assiste au dépeuplement des
campagnes. Ce dépeuplement concerne surtout les jeunes. La population
des campagnes devient de plus en plus vieillissante car privée de ses
forces vives et du dynamisme de sa jeunesse. Le dépeuplement des
campagnes et le vieillissement de la population rurale entrainent une
stagnation de la production agricole et la réduction des surfaces
cultivées. En ville, la manifestation visible de l'exode rural est la
croissance urbaine . Cette croissance entraine un développement
anarchique des villes, leur hypertrophie, une urbanisation sauvage dans des
quartiers insalubres et le surpeuplement.
21
Les villes de Douala et de Yaoundé, respectivement
chefs-lieux des régions du littoral et du centre ont des taux
d'urbanisation particulièrement élevés (92,6 pour le
Littoral et 71,9 pour le Centre) (voir graphique 4).L'exode rural,
conjugué au chômage dans ces villes y aggravent la situation
sociale11.
Dans ce contexte, il serait pertinent de donner une place
importante aux travaux publics HIMO comme moyen de créer des emplois
ruraux et ainsi freiner l'exode rural vers les villes.
4.1.4 : La situation des infrastructures en milieu
rural
L'argument en faveur de l'approche HIMO est encore
renforcé par la situation infrastructurelle qui n'est pas reluisante
dans les zones rurales du Cameroun.
En ce qui concerne l'offre en infrastructures
routières, le Cameroun dispose d'un réseau routier
constitué de routes en terre et bitumées comportant un ensemble
d'ouvrages d'art et d'assainissement. Ce réseau est divisé en
réseau urbain et en réseau rural. Le linéaire total de ce
réseau est estimé à environ 49 809 kilomètres
(Ministère des Travaux Publics, 2008).
Le tableau 7 repertorie l'ensemble des infrastructures
routières des 10 régions que compte le Cameroun.
11 Cela a pour corollaire l'augmentation de la
délinquance, de la prostitution et de l'alcoolisme.
22
Ce réseau est subdivisé en quatre principales
catégories : les routes nationales, provinciales, départementales
et rurales.
Les routes nationales, d'un linéaire de 7427km, dont
51% sont en terre, relient la capitale aux chefs-lieux de région et
assurent la communication avec les pays voisins. Elles sont affectées au
trafic international et desservent les grands pôles économiques et
stratégiques.
Les routes provinciales assurent la liaison entre les
chefs-lieux de départements. Elles ont un linéaire de 5746 km de
routes, dont 4827 km sont en terre et 919 km sont revêtues.
Les routes départementales relient les chefs-lieux des
unités administratives des arrondissements entre eux d'une part, et avec
le chef-lieu de département et le réseau des routes nationales ou
provinciales d'autre part. Ce réseau est de 8034 km de routes, dont 7718
km sont en terre et 316 km sont revêtues.
Les routes rurales assurent la liaison à
l'intérieur des arrondissements, des villages, des plantations, des
zones d'activités agricoles, et agro-industrielles. Elles permettent le
désenclavement des campagnes, la collecte des produits et leur
acheminement vers les centres urbains via les réseaux des routes
départementales, provinciales, et nationales. Ce réseau a un
linéaire de 28604 km dont 28473 km de routes sont en terre et 131 km
sont revêtues.
On note que l'offre en infrastructures est assez faible dans
les régions de l'extrême nord, du Littoral, du Nord-Ouest, de
l'Ouest et du Sud-ouest12.
12 Les données ci-dessus proviennent du
Ministère des Travaux Publics et de l'étude du BIT sur le
potentiel d'emploi dans le secteur des infrastructures au Cameroun d'octobre
2009 .Il n'est pas exclu que ces chiffres aient connu une évolution
depuis lors.
23
Il apparait de l'analyse des données contenues dans le
tableau 6 que la demande en entretien et réhabilitation en
infrastructures routières apparait largement insatisfaite, surtout dans
les zones rurales.
Malgré d'importantes ressources allouées au
secteur, le réseau dans son ensemble continue à se
dégrader. L'accent devrait donc être mis sur la
réhabilitation et l'entretien du réseau existant, puis son
extension progressif. Les travaux HIMO sont un des leviers à la
disposition du Gouvernement pour améliorer l'offre de demandes en
infrastructures routières.
En ce qui concerne le domaine des bâtiments publics
construits dans les zones rurales, on peut recenser principalement les
infrastructures qui relèvent du domaine de la santé et de
l'éducation. Il s'agit notamment de la construction des salles de
classe, des bâtiments administratifs, des centres de santé dans
ces zones où le besoin se fait cruellement sentir. Le tableau 12 montre
le volume d'infrastructures construites dans le secteur de l'éducation
de 2003 à 2007 .Tous ces investissements de l'Etat sont pourvoyeurs
d'emplois et peuvent être efficacement réalisés par
l'utilisation des méthodes à haute intensité de main
d'oeuvre.
24
Des grands projets d'irrigation et de lutte contre la
sécheresse dans la partie septentrionale du pays peuvent
également constituer des viviers non négligeables d'emplois
à travers des techniques HIMO.
4.1.5 : La disponibilité des matériaux
locaux
Les travaux HIMO font appel en grande partie aux
matériaux locaux pour leur réalisation13. Cette
politique contribue à la réduction sensible des coûts des
travaux compte tenu de la part relativement faible des dépenses en
produits importés (pièces de rechanges).
Les techniques HIMO améliorent par conséquent la
balance commerciale (Franco et al, 1998).Le tableau 10 présente la
situation de déficit de la balance commerciale du Cameroun depuis
l'année 2009 .L'utilisation des techniques HIMO à travers un
programme coordonné de grande envergure pourrait freiner
considérablement les importations en engins lourds, matériaux et
en pièces détachées, et ainsi générer des
économies en devises et influencer positivement la balance
commerciale.
13 L'utilisation du bois pour la construction des
ponts en zone rurale est particulièrement adaptée aux travaux
HIMO.
25
Le Cameroun dispose d'atouts indéniables en ce qui
concerne la disponibilité en matériaux locaux. La
latérite, le sable, le gravier et autre sédiments couramment
utilisés pour la création et l'entretien des routes rurales sont
disponibles et peuvent être utilisés gratuitement par les
entreprises.
Les résultats de l'inventaire forestier national
réalisé sur près de 14 millions d'hectares montre que le
potentiel sur pied peut être estimé à plus de 1,5 milliards
de m3 dont 450 à 650 millions de m3 directement exploitables. Les
espèces commerciales identifiées s'élèvent à
300 espèces dont une trentaine fait l'objet d'une exploitation
régulière. La superficie forestière globale actuellement
ouverte à l'exploitation s'élève à 3.611.473 ha
(Bigombe Logo, 2009). On y retrouve des essences rares à l'instar de
l'okoumé, le bubinga, le tali, le moabi, le bambou de chine qui peuvent
servir à la construction d'ouvrages d'art comme des ponts, des
canalisations d'eau, des digues, des charpentes pour centres de santé et
établissements scolaires.
La circulaire No 002/CAB /PM du 12 mars 2007 du Premier
Ministre, chef du gouvernement du Cameroun impose désormais aux
entrepreneurs l'utilisation des matériaux locaux dans la construction
des bâtiments publics. Une telle démarche vise sans doute à
encourager l'utilisation des techniques HIMO en matière de construction
de bâtiments publics.
4 .2 : L'EXPERIENCE ET L'IMPACT DES HIMO AU CAMEROUN
4 .2.1 : Les expériences HIMO
L'approche HIMO n'est pas nouvelle au Cameroun .Toutefois,
elle n'a connu jusque là que des applications ponctuelles, en l'absence
de capitalisation à la fois des expériences et de leur impact sur
la
26
27
création d'emplois durables (Tchana et al, 2009). Les
premières applications systématiques de cette approche se
concrétisent par le PSU (Programme Social d'Urgence) et la mise en place
des CER (Comités d'Entretien Routier).
Le programme social d'urgence (PSU)
Le PSU est né suite à la dévaluation du
franc CFA en 1994. Dans le cadre de recherche des solutions pour
atténuer les effets de cette dévaluation au niveau des
populations vulnérables, la stratégie de l'adoption des travaux
HIMO a été arrêtée notamment à travers
l'enlèvement des ordures ménagères, le curage des
caniveaux, le balayage des rues et désherbages dans les villes de Douala
et Yaoundé uniquement.
Dans le cadre du PSU, 3.635 éboueurs permanents ont
été recrutés (soit 2.185 à Yaoundé et 1.450
à Douala). A ceux-ci, il faut ajouter une cinquantaine d'emplois d'appui
(les chauffeurs et les personnels des ONG chargés de l'encadrement). Ce
programme a contribué pendant quatre années à
l'enlèvement de plus de 2 millions de tonnes d'ordures dans ces deux
villes. Son caractère temporaire a constitué un facteur limitatif
pour la promotion de l'emploi et la lutte contre la pauvreté. Il n'a pas
été prévu un dispositif de reconversion des
bénéficiaires dans d'autres activités à la fin du
projet (Tchana et al, 2009).
Les comités d'entretien routier (CER)
Depuis 2001, le Ministère des Travaux Publics inclut
dans les contrats des entreprises chargées des travaux d'entretien des
routes rurales financés sur les crédits du Fonds Routier, des
interventions manuelles réservées aux populations riveraines. Ces
interventions prennent forme à partir des contrats signés avec
l'entreprise et les CER préalablement formés par des agents de
sensibilisation de la mission de contrôle.
Ces CER qui sont l'émanation des populations riveraines
se voient confier dans ce cadre 20% au maximum du contrat de l'entreprise (ce
qui correspond à environ 400 millions de FCFA par campagne) et doivent
prendre eux-mêmes en suite les initiatives nécessaires pour
assurer l'entretien routier.
A ces programmes d'entretien routier avec l'intervention des
CER, il convient d'ajouter les travaux d'embellissement des Centres Urbains
(notamment de Douala et de Yaoundé) engagés avec l'appui
financier du Gouvernement. Ces travaux ont eux aussi recours aux techniques
HIMO et aux ressources locales (technique de pavage dans le revêtement
des trottoirs...).
Les projets d'assistance technique du
BIT
Le BIT a prêté une assistance technique dans le
cadre de 4 projets HIMO au Cameroun.
Le projet d'assainissement de Yaoundé (PADY)
C'est un projet d'assainissement de la capitale camerounaise.
Il est financé à hauteur de 90% (20 milliards de francs CFA) par
la BAD (Banque Africaine de Développement) et 10% par le Cameroun
soit environ 2, 3milliards. La durée des travaux
étaient de 5 années (2006-2010).L'objectif a été la
réduction de la pauvreté en milieu urbain en contribuant à
l'assainissement de la ville de Yaoundé. Il était question de
créer des emplois en appliquant des techniques HIMO pour certains
travaux d'entretien de la voirie, réduire les maladies hydriques en
traitant l'insalubrité des quartiers riverains et embellir le cadre de
vie des populations .Les travaux ont consisté au curage des collecteurs
souterrains du centre urbain de Yaoundé et au recalibrage du canal sur
le fleuve Mfoundi qui arrose la ville en créant un canal de 4,4
kilomètres comprenant des ouvrages de franchissement et des pistes
d'entretien.
Le Projet d'Appui à la Promotion de l'Emploi et
la Réduction de la Pauvreté (APERP) phase 1, 2
Ce projet a pour objectif d'améliorer les conditions de
vie des populations par la mise en oeuvre de projets procurant un travail
décent et vise à court terme à appuyer le processus
d'adoption de la stratégie HIMO et sa mise en oeuvre, à
contribuer à la prise en compte de l'emploi dans la formulation du
Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) et à
introduire dans le code des marchés publics des dispositions favorables
aux HIMO .Il est financé par le Gouvernement Français. La
première phase d'une durée de 3 ans a débuté en
2006 et s'est achevée en 2009. La deuxième phase d'une
durée de 4 années a débuté en 2011 et
s'achèvera en 2014.Au Cameroun, le projet a surtout consisté
à sensibiliser les acteurs, les former à travers des
séminaires et ateliers pour une meilleure appropriation du concept HIMO
.Des chantiers d'expérimentation des approches HIMO ont
été mis sur pied.
Le Programme National de Réhabilitation des
Routes Rurales (PN2R)
Le programme de réhabilitation et de construction des
routes rurales au Cameroun vise à améliorer
l'accessibilité des zones rurales, réduire le coût du
transport et stimuler le développement économique local. Pour
cela, il contribue au renforcement des infrastructures en zone rurale en
créant des emplois et en consolidant la stratégie nationale
d'entretien des routes adoptée en mars 2000 par le gouvernement
camerounais. L'objectif de ce projet vise la réhabilitation ou la
reconstruction de 6000 km de routes rurales, dont 1000 km à être
réalisés par des techniques HIMO. Les travaux ciblent le
désenclavement des zones difficilement accessibles ainsi que les zones
de production dans le but de rendre les routes rurales circulables toute
l'année. A la suite des travaux de réhabilitation, les
Collectivités Territoriales Décentralisées devront assurer
la gestion de l'entretien à travers des contrats de partenariat avec les
Comités de Routes Rurales (CRR) créés le long des
itinéraires. Cette action devra conduire à créer dans les
zones rurales des opportunités d'emplois permanents et lutter ainsi
contre le sous-emploi.
Le Projet Pilote d'Entretien des Routes Rurales par la
technique HIMO-(PERR-HIMO)
Le Gouvernement de la République du Cameroun a
initié pour le courant de l'année 2005 un projet
28
pilote d'entretien des routes rurales par la technique HIMO.
Cette initiative faisait suite à la nouvelle orientation donnée
par le Gouvernement en 2003, par l'acceptation officielle de la mise en oeuvre
de l'approche HIMO pour faire face aux coûts élevés des
programmes d'entretien et au faible impact sur les indicateurs sociaux des
populations rurales des travaux d'entretien et de réhabilitation des
infrastructures rurales. Ainsi, ce projet vise donc à réduire les
coûts d'entretien du réseau routier et à transformer les
programmes d'entretien en des opportunités de promotion et de
créations d'emplois pour les groupes vulnérables par
l'utilisation des approches technologiques favorisant l'emploi de la
main-d'oeuvre locale et des ressources locales. Ce projet pilote s'inscrit dans
un programme plus large visant à appuyer les programmes d'entretien du
réseau des pistes rurales par l'approche HIMO et à
répondre à la problématique de l'emploi.
4.2.2 :L'impact des HIMO au Cameroun
Les techniques HIMO ont ainsi été
utilisées au Cameroun pour procurer de l'emploi aux chômeurs, mais
surtout dans les zones urbaines sauf dans le cas des projets d'entretien des
routes rurales. Malheureusement, la plupart de ces programmes n'ont mis sur
pied aucune stratégie de suivi et évaluation de ces projets. Le
manque de données suffisantes ne permet pas de mesurer leur impact
réel sur la pauvreté au Cameroun.
L'impact sur l'emploi
Plusieurs projets à l'instar du Programme Social
d'Urgence (PSU) et du Programme d'Assainissement de Yaoundé ont
employé des milliers de jeunes chômeurs, parfois de façon
permanente. Le PSU a à titre d'illustration employé en quatre
années environ 3635 éboueurs à Douala et à
Yaoundé (Tchana et al, 2009).Il convient toutefois de relever qu'il
s'agit des programmes mis en place en milieu urbain et qui n'ont eu aucun
impact significatif sur la pauvreté rurale. Les comités
d'entretien routier (CER), le PN2R et le PERR-HIMO n'ont jusque là pas
mis à la disposition du public les données concernant le nombre
de personnes employées et l'impact de ces différents projets
pilotes sur l'emploi rural.
Dans l'ensemble, les programmes HIMO ont jusqu'à
présent eu un impact limité sur l'emploi, ceci étant
surtout dû au peu d'engouement affiché par les entrepreneurs
relativement à l'utilisation des techniques HIMO.
L'impact sur la formation
Il s'agit d'une formation à deux volets :
- Une formation destinée aux encadreurs et entrepreneurs
pour leur permettre de maitriser les techniques HIMO ;
29
- Une formation destinée aux travailleurs pour leur
permettre de s'intégrer dans le monde de l'emploi à l'issue des
travaux HIMO.
Plusieurs séminaires et ateliers à l'intention
des cadres techniques des petites et moyennes entreprises, des bureaux
d'études techniques ont été organisés pendant la
période pilote par l'APERP, le PERR-HIMO et le PN2R pour vulgariser
l'utilisation des techniques HIMO. Ces séminaires et ateliers ont
été ponctués par des phases pratiques au cours des
chantiers écoles. Ces formations ont permis de mettre sur pied à
ce jour des équipes compétentes et aptes à diriger des
chantiers HIMO.
Les travailleurs par contre qui ont été
employés dans le cadre des différents projets HIMO n'ont
reçu aucune formation spécifique.
Il est d'ailleurs surprenant que les projets pilotes mis sur
pied à ce jour n'aient pas privilégié le volet formation
des travailleurs pour empêcher que ceux-ci ne retombent dans la
précarité une fois les travaux terminés.
Dans les zones rurales, cette formation est nécessaire
et essentielle. Elle peut avoir deux objectifs. Elle peut permettre de lutter
contre le sous-emploi à long terme en procurant une formation dans le
domaine de l'entretien des infrastructures routières. Cette solution est
utilisée en Afrique du Sud depuis l'année 2009 et a
facilité la réinsertion des milliers de pauvres dans le
marché de l'emploi (McCord ,2004) .La solution consisterait
également à étendre les Comités d'Entretien Routier
(CER) et leur donner de nouvelles prérogatives dans les zones
particulièrement enclavées en formant ses membres à
l'entretien des pistes et routes rurales. L'avantage de cette méthode
repose sur le fait qu'elle responsabilise les utilisateurs des infrastructures
qui ne pourront plus attendre exclusivement l'intervention de l'Etat par
exemple pour la réfection d'un simple pont. De même, cette
solution procure des revenus saisonniers aux populations rurales pendant les
périodes de soudure.
La formation pourrait également être
dirigée vers le développement d'une agriculture plus productive.
Pendant les travaux HIMO, des formations pourraient être
dispensées aux travailleurs sur les nouvelles techniques culturales, sur
l'utilisation du petit matériel agricole, des semences
sélectionnées, sur l'élevage, sur l'utilisation des
intrants. Cette politique qui consiste à faciliter l'accès des
pauvres aux nouvelles techniques culturales en entretenant en même temps
les infrastructures a eu un impact positif dans la passé avec la
SODECAO14. A cause de la crise économique, cette
société a malheureusement abandonné l'entretien des pistes
et routes rurales.
L'impact sur l'exode rural
Les programmes HIMO mis en place au Cameroun ont surtout
concerné les zones urbaines. Le PADY et le PSU ont déployé
particulièrement leurs activités à Douala et à
Yaoundé. Les nouveaux projets ne
14 Il s'agit de la Société de
développement du cacao.
30
disposent pas de données sur l'impact de leurs actions
sur l'exode rural. Il est toutefois important de relever que les programmes PSU
et PADY implantés dans les grandes métropoles ont au contraire
favorisé davantage l'exode des jeunes vers les villes de Douala et
Yaoundé à la recherche de l'emploi.
La seule solution pour freiner cette hémorragie
consiste à créer également des opportunités
d'emploi dans les zones rurales à travers l'exécution des travaux
HIMO dans ces localités.
L'impact sur les infrastructures
Il parait prématuré de mesurer l'impact des
projets pilotes HIMO sur le plan infrastructurel. Quelques chantiers pilotes
exécutés par l'APERP et le PERR-HIMO dans les régions du
Centre et de l'Ouest ont permis de réhabiliter environ 100
kilomètres de routes non revêtues pendant l'exercice 2006-2007. Le
PN2R, chargé de l'entretien des routes rurales tarde toujours à
diffuser les données concernant le nombre de kilomètres de routes
entretenus et réhabilités dans le cadre de son programme.
4.3 : LE FINANCEMENT D'UN PROGRAMME HIMO AU
CAMEROUN
La mise en oeuvre des transferts sociaux nécessite une
forte capacité administrative et financière. Ces exigences sont
encore plus prononcées en ce qui concerne les travaux HIMO qui
nécessitent des financements importants (Grosh et al, 2008:305).La
pérennité financière des programmes HIMO est essentielle
pour son succès. Le non versement des salaires ou des délais
d'attente trop long occasionnent des tensions sociales qui conduisent souvent
à des grèves d'où la nécessité d'assurer la
soutenabilité financière du programme (Samson et al, 2006 :106
).
Les travaux HIMO tels que perçus par cette étude
visent surtout à procurer aux pauvres des zones rurales des revenus
nécessaires en périodes de soudure. Ces périodes varient
entre deux à quatre mois dans l'année. Elles s'entendent parfois
à cinq mois dans la zone septentrionale du pays. Le transfert dont
s'agit ici est donc essentiellement périodique, puisque pendant les
autres périodes de l'année, les travailleurs HIMO se consacrent
à leurs activités agricoles.
Ainsi donc le coût budgétaire au regard de cette
périodicité du transfert s'en trouve amoindri.
Le financement d'un programme HIMO en l'espèce consiste
ainsi à trouver un espace budgétaire
pour :
- Financer les travaux de création, d'entretien et de
réhabilitation des infrastructures en zone rurale ;
- Financer le payement des salaires (transferts) ;
- Et subsidiairement financer la formation des travailleurs.
31
On peut distinguer essentiellement les financements provenant
des sources externes, des financements provenant des sources internes, les
financements provenant des sources internes spéciales et les
financements provenant spécifiquement des réallocations de
ressources.
4.3.1 : Le Financement par les ressources externes
Pour assurer la soutenabilité financière d'un
programme HIMO en zone rurale, le gouvernement Camerounais peut faire appel
financements provenant des principaux partenaires au développement
à l'instar de l'Union Européenne, l'Agence Française de
développement, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de
développement, le Fonds Koweitien.
Il est d'ailleurs important de relever que les programmes
pilotes mis en place jusque là continuent de bénéficier
des financements extérieurs de la France et de la Banque Africaine de
développement. Le BIT continue par ailleurs à appuyer ces
programmes sur le plan technique.
Il convient toutefois de déplorer le fonctionnement
disparate des projets pilotes mis en oeuvre au Cameroun. Lesdits programmes
semblent fonctionner et de façon isolée et autonome aussi bien
sur le plan administratif que sur le plan financier. Or pour atteindre de
façon efficiente les objectifs à eux assignés, ces
programmes devraient mettre sur pied une plateforme commune en vue
d'uniformiser les actions de ces bailleurs de fonds, en agissant de
façon concertée pour faire des économies
d'échelle.
Il serait urgent dans la mise en oeuvre d'une telle
stratégie d'impliquer un maximum d'acteurs dans le cadre d'un dialogue
constructif (Ministère des Finances, Ministère des Affaires
Sociales, Ministère des
32
Travaux Publics, etc.).Cette conjonction de synergies sur le
plan financier est un moyen efficace pour obtenir l'adhésion des
gouvernants et leur soutien pour la mise en place d'un programme HIMO plus
ambitieux à long terme (Tabor, 2002 :38).
4.3.2 : Le financement par les ressources internes
Il s'agit du financement provenant essentiellement du Budget
d'investissement public du Ministère des Travaux Publics et du Fonds
routier. En 2010, le budget d'investissement de ce ministère
était chiffré à 91 017 millions de francs
CFA15.Ce montant parait insuffisant au regard de la qualité
et de la quantité des infrastructures à créer et à
entretenir.
Les travaux HIMO ne devraient pas exclusivement être
financés par le budget des Ministère des Travaux Publics, de
l'Education Nationale et de la Santé Publique. S'il est vrai que lesdits
travaux visent à créer et à entretenir des
infrastructures, prérogatives qui incombent aux Ministères
sus-évoqués, il ne demeure pas moins vrai que les travaux HIMO
constituent avant tout un transfert social dont le but est de lutter contre la
pauvreté en procurant de l'emploi aux pauvres .Ils favorisent
l'émergence des capacités dans l'industrie locale du
bâtiment et des travaux publics grâce au développement de
petites entreprises (Tajgman et al,2000 :2).La lutte contre le sous-emploi et
le chômage devrait ainsi concerner le gouvernement dans son ensemble
d'où la nécessité de créer au Cameroun un organisme
de gestion des travaux HIMO et doté d'une autonomie financière.
L'avantage d'un tel organisme réside dans le fait qu'il permet de
centraliser et gérer de façon efficiente les ressources
financières internes et externes, évitant ainsi la cacophonie au
niveau des interventions des divers bailleurs de fonds.
4.3.3 : Le financement par les ressources internes
spéciales.
Les ressources internes spéciales représentent
environ 30% des ressources globales destinées aux investissements du
Ministère des Travaux Publics. Le Cameroun ayant
bénéficié d'une importante remise de sa dette
extérieure lors de l'atteinte du point d'achèvement de
l'initiative PPTE, une partie des fonds ainsi épargnés est
destinée à la création et à l'entretien des
infrastructures notamment les routes, les hôpitaux et les écoles.
C'est également le cas du Contrat de désendettement et de
développement(D)16 avec la France qui a permis au Cameroun de
recevoir d'importantes ressources pour des travaux de création et de
réhabilitation de ses infrastructures routières.
15 Source : MINTP
16 Les fonds PPTE et D constituent une importante
source de financement. Ces fonds on déjà favorisé la
création et la réhabilitation de plusieurs infrastructures dans
le domaine de l'éducation, de la santé et des infrastructures
routières.
33
Il ressort de l'analyse du tableau ci-dessus que les
ressources PPTE et D ont en partie financé les travaux de
réhabilitation des routes rurales et en terre.
4.3.4 : Le financement par une réallocation plus
importante des fonds au profit des Techniques HIMO
Afin de créer plus d'emplois et lutter efficacement
contre le sous-emploi et le chômage en milieu rural, il serait de bonne
méthode de procéder à une réallocation plus
importante des ressources au profit des méthodes à HIMO .Une
réallocation de 25% de l'ensemble des ressources destinées
à la création, à l'entretien et à la
réhabilitation des infrastructures en zone rurale permettra de
créer de nombreux emplois saisonniers et lutter ainsi efficacement
contre le sous-emploi.
4.4 LE CIBLAGE DES BENEFICIAIRES
La réussite d'un programme HIMO passe par la mise sur
pied de certains mécanismes pour minimiser les erreurs d'inclusion et
d'exclusion. Dans les zones rurales du Cameroun où la majorité de
la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le problème
devient encore plus délicat. S'il est constant que par la rudesse des
travaux et par leur dureté, certaines couches de la population rurale
à l'instar des enfants, des handicapés et de certaines femmes
sont exclues des travaux, il est cependant important de relever que les HIMO
sont susceptibles de créer de vastes mouvements des populations pauvres
en direction des chantiers à la recherche du travail. L'Inde, à
travers le programme NREGA, privilégie le recrutement
34
des travailleurs résidant aux alentours des chantiers
HIMO17 . Dans le contexte camerounais, il serait également
nécessaire de recruter en priorité les travailleurs des zones qui
hébergent lesdits travaux. Pour minimiser les erreurs d'inclusion et
d'exclusion, les chefs traditionnels pourraient faciliter l'identification des
personnes qualifiées pour les travaux HIMO.18
Comment trouver le juste équilibre dans l'octroi des
salaires ? L'auto sélection repose sur le fait que les salaires
distribués en échange du travail revêtent une valeur
suffisamment faible pour n'inciter la participation que des personnes ne
disposant pas ou ne pouvant trouver d'emplois rémunérateurs
(Lavallée et al, 2009 :25).Le défi consiste à trouver un
niveau de transfert nécessaire pour empêcher les travailleurs de
retomber dans la pauvreté. Un salaire en dessous du SMIG19
serait sans effet significatif sur la pauvreté.
Il ressort du rapport du chantier de démonstration des
techniques HIMO par l'APERP sur la route non revêtue Etoua-Afaneyo que la
masse salariale totale a été évalué à 2 869
000 FCFA soit environ 28400FCFA par mois pour chaque travailleur. Ces salaires
mensuels qui correspondent en réalité au SMIG (28500 FCFA par
mois) sont déjà assez bas pour inciter les non pauvres à
intégrer le programme. A cause des salaires bas et de la rudesse des
travaux, seuls 101 travailleurs ont accepté l'offre pour un effectif
attendu de 115 personnes.
Il parait judicieux et équitable, au regard de la
rudesse des travaux publics et de l'inflation de maintenir les transferts issus
des HIMO au niveau actuel du SMIG. Afin de limiter les cas de corruption et de
fraude qui se caractérisent souvent par l'introduction des travailleurs
fantômes dans les listings et le détournement des salaires des
travailleurs pauvres et souvent analphabètes, il est important de mettre
sur pied des mécanismes de contrôle rigoureux. Le principal
défi s'agissant des salaires est que ceux -ci soient non seulement
payés intégralement mais aussi à la période
convenue entre les parties, car tout retard de paiement ou tout ajournement ne
peut qu'être une source de remous pouvant entrainer l'arrêt des
travaux.
17 Il s'agit des travailleurs résidant sur un
périmètre de 5km du lieu de déroulement du chantier
HIMO.
18 Au Cameroun, outre leurs prérogatives
habituelles, les chefs traditionnels sont également des auxiliaires de
l'administration.
19 A la suite des émeutes de la faim de
février 2008, le salaire minimum a été augmenté au
Cameroun et est passé à 28500 FOEA.
35
4.5 : LES PREREQUIS INSTITUTIONNELS
4.5.1 : Une législation appropriée
Les transferts provenant des travaux HIMO sont des transferts
à caractère spécial car ils font appel à une
conditionnalité (le travail) qui, mal réglementé, abouti
à des abus. La mise en place dans de telles conditions d'une
législation appropriée qui définit le cadre des travaux et
le montant des transferts est impérative.
Au Cameroun, la loi no 92-007 du 14 août 1992 portant
code du travail parait inapplicable en matière de travaux HIMO.
Appliquer la loi sus-évoquée dans le contexte actuel en cas de
litige intervenu au cours des travaux reviendrait à dénuer aux
travaux HIMO leur caractère de transfert social et les ravaler à
la catégorie de simples emplois saisonniers ou temporaires.
Les pauvres des zones rurales particulièrement
vulnérables devraient être protégés par des textes
qui garantissent un payement régulier de leur salaire et qui organise
l'ensemble des activités au cours des travaux.
L'Inde qui a mis sur pied l'un des programmes HIMO les plus
ambitieux au monde a fait voter des lois spéciales protégeant les
pauvres des zones rurales en leur garantissant cent jours de travail pendant
les périodes de soudure20. Ceux-ci perçoivent en
contrepartie un revenu minimum de 3US$ par jour. Ce montant est fixé par
la loi et ne peut varier au gré de l'humeur des entrepreneurs plus
motivés par la recherche du gain.
4.5.2 : La création d'un organisme de gestion des
HIMO
Les programmes pilotes en cours au Cameroun donnent la
mauvaise impression d'une absence de coordination entre eux. L'objectif de ces
projets étant la réduction de la pauvreté à travers
la lutte contre le chômage et le sous-emploi, il serait de bonne
méthode pour le gouvernement de créer un organisme qui aura la
charge d'unifier les actions en matière d'HIMO et éviter ainsi
une dispersion des efforts individuels.
Plusieurs pays africains, conscients des disfonctionnements
sus-évoqués, ont mis sur pied des organismes jouissant d'une
autonomie réelle pour la gestion des HIMO. Il s'agit au
Sénégal de l'Agence d'Exécution des Travaux
d'Intérêts Publics (AGETIP), et en Mauritanie de l'Agence
Mauritanienne d'Exécution des Travaux d'Intérêts Publics
pour l'Emploi.
4.5.3 : La mise en place d'un bon système de suivi
évaluation
20 Il s'agit du National Rural Employment Guarantee
Act(NREGA)
36
La mise sur pied d'un bon système de suivi et
évaluation se révèle capital pour la gestion d'un
programme HIMO. Il s'agira de définir au préalable certains
indicateurs importants qui avec le temps pourront fournir des informations sur
les changements constatés au niveau du bien-être des populations
et l'impact des transferts sur la réduction de la pauvreté.
La réussite du suivi et évaluation passe par la
collecte de données fiables. Or le premier écueil que rencontre
tout chercheur désireux de connaitre l'impact des programmes pilotes sur
la réduction de la pauvreté est l'absence de données. Un
bon suivi et évaluation de ces programmes pilotes peut aussi contribuer
à renforcer la volonté politique pour un passage rapide de la
phase pilote à la phase exécutive desdits programmes. Le «
caractère pilote » des programmes HIMO au Cameroun semble se
prolonger. En l'absence de données fiables et d'évaluation, il
serait difficile de se prononcer sur l'impact de leurs actions sur la
réduction de la pauvreté, notamment en milieu rural.
37
CHAPITRE V
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Dans son Document de stratégie pour la croissance et
l'emploi (DSCE), le Gouvernement camerounais ambitionne de ramener le
sous-emploi global de 75, 8 à 50% en 2020 avec la création de
plusieurs milliers d'emplois formels par an. Pour atteindre cet objectif, il
encourage à « chaque fois que c'est possible » le recours
à des techniques à haute intensité de main d'oeuvre pour
réduire les coûts et promouvoir l'emploi.
Cette volonté politique s'est notamment traduite par
l'adoption en 2008 de la déclaration de stratégie des approches
HIMO privilégiant l'utilisation des ressources et la main d'oeuvre
locales dans divers travaux d'infrastructures.
Les zones rurales du Cameroun accusent un retard
considérable sur le plan des infrastructures. Le réseau routier y
est en majorité en terre et l'entretien est effectué de
façon irrégulière. Cette partie du pays a le taux de
sous-emploi le plus élevé du pays ce qui a pour
conséquence l'oisiveté et l'exode des jeunes vers les grandes
métropoles.
Les infrastructures sanitaires et scolaires, lorsqu'elles sont
disponibles, sont en mauvais état et leur accessibilité par les
populations pauvres reste difficile. Les techniques HIMO apparaissent
dès lors comme un véritable outil à la disposition des
gouvernants pour lutter contre le chômage et le sous-emploi en milieu
rural. Non seulement les HIMO sont créatrices d'emplois, mais aussi
cette technique permet la création, l'entretien et la
réhabilitation des infrastructures qui facilitent l'accès
à l'éducation et à la santé aux populations
rurales. La pertinence des approches HIMO au Cameroun a ainsi été
établie par plusieurs études menées par le BIT.
Le gouvernement camerounais dispose de plusieurs leviers pour
financer les travaux HIMO, il importe toutefois de briser la réticence
qui semble encore habiter certains acteurs de la chaine qui pensent encore
qu'il s'agit des techniques rétrogrades.
Les projets pilotes mis sur pied au Cameroun avec l'appui des
bailleurs de fonds semblent toutefois fonctionner de manière disparate.
La coordination de leurs actions est inexistante, toute chose qui rend à
ce jour difficile toute évaluation d'impact de ces projets sur la
pauvreté. L'impression qui se dégage est qu'il y a un
véritable décalage entre la volonté politique
affichée par les autorités et les réalisations sur le
terrain. La durée d'expérimentation des techniques HIMO à
travers ces projets pilotes devient longue au moment où d'autres pays en
Afrique ont déjà franchi le cap en institutionnalisant lesdites
approches.
Pour un impact visible sur la réduction de la
pauvreté au Cameroun, il serait important d'intégrer l'aspect
« transfert social » des HIMO dans la mise en oeuvre des programmes,
car l'impression que dégage
38
l'orientation du gouvernement est d'utiliser cette technique
comme simple parade pour réduire les coûts et procurer de l'emploi
aux chômeurs sans distinction. Les HIMO devraient jouer dans le futur un
rôle majeur dans la mise en oeuvre d'une politique cohérente
d'emploi en zone rurale en ciblant les couches particulièrement pauvres
notamment en période de soudure. La fixation du niveau de salaire au
taux du SMIG mensuel contribuerait certainement à hausser le niveau de
vie des populations rurales pauvres. Il convient par conséquent de
mettre sur pied une législation spécifique aux HIMO au
Cameroun.
Cette législation aura l'avantage de déterminer
la nature des travaux à effectuer, les droits des travailleurs ainsi que
leurs obligations.
Sur le plan organisationnel, la mise sur pied d'un organisme
unique chargé de la gestion des HIMO s'avère nécessaire
à l'effet de coordonner les différentes stratégies
éparses déployées aussi bien par les différents
départements ministériels que par les bailleurs de fonds. Ce
n'est qu'à ce prix que ce « vivier d'emplois » que constituent
les HIMO pourra être exploité de façon efficiente et
permettre au Cameroun d'atteindre l'objectif numéro 1 du
millénaire à savoir « réduire l'extrême
pauvreté et la faim » notamment dans les zones rurales.
39
BIBLIOGRAPHIE
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41
I
ANNEXES
II
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix - Travail - Patrie
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
DECLARATION DE STRATEGIE DU GOUVERNEMENT POUR
LA
PROMOTION DES APPROCHES A HAUTE INTENSITE DE MAIN
D'OEUVRE (HIMO) AU
CAMEROUN
I. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
En adoptant le document de stratégie de
réduction de la pauvreté (DSRP) en 2003, le Gouvernement
s'engageait à promouvoir des stratégies macroéconomiques
et sectorielles visant à améliorer la croissance, réduire
la pauvreté et conduire le Cameroun vers la réalisation des
objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
A l'issue du Sommet extraordinaire de l'Union Africaine, tenu
en septembre 2004 à Ouagadougou, et consacré à l'emploi et
la lutte contre la pauvreté en Afrique, les Chefs d'Etats africains
s'étaient engagés à faire de la création d'emplois
une dimension essentielle des politiques économiques et sociales de
leurs pays.
Les ministres africains des finances, et de la planification
du développement économique réunis à Ouagadougou en
mai 2006, avaient réaffirmé l'importance cruciale de l'emploi
pour la réduction de la pauvreté et le développement. La
mise en oeuvre du DSRP a permis de mener des actions significatives pour la
stabilisation du cadre macro-économique, tout en poursuivant avec le
processus d'élaboration des stratégies sectorielles.
Des efforts importants restent cependant à
déployer pour améliorer sensiblement les conditions de vie des
populations et réaliser autant que faire se peut les Objectifs du
Millénaire pour le Développement.
Pour ce faire, le Gouvernement entend poursuivre la mise en
oeuvre de sa politique de Croissance accélérée par
l'investissement dans des secteurs et filières porteurs, en s'appuyant
sur des stratégies de création d'emplois privilégiant
l'utilisation des ressources locales. L'approche HIMO et ses multiples domaines
d'application dans notre contexte offrent des opportunités idoines pour
résorber le sous-emploi en développant les PME/PMI locales.
III
La Déclaration de Politique Nationale de l'Emploi
validée en avril 2007 par la Commission Nationale Consultative du
Travail fait de l'approche HIMO l'une des Stratégies novatrices de la
lutte contre le chômage pour la réduction de la pauvreté,
en ce qu'elle combine l'utilisation optimale de l'abondante main-d'oeuvre
disponible avec l'utilisation optimum des ressources locales, dont les
coûts sont comparativement avantageux pour la réalisation des
investissements d'intérêt communautaire.
II. OBJECTIFS ET EFFETS ATTENDUS
II.1 Objectifs
La stratégie de promotion des approches HIMO au
Cameroun a pour objectif principal de Contribuer à la création
massive d'emplois décents, à l'utilisation des ressources
locales, afin de réduire la pauvreté, notamment dans le cadre des
investissements.
Elle vise les objectifs spécifiques ci-après :
1. accroître l'utilisation des approches HIMO en
améliorant les connaissances sur le contenu et l'impact qu'elles peuvent
avoir sur la création d'emplois, l'allègement de la
pauvreté et le Développement de l'économie nationale ;
2. développer un cadre juridique et institutionnel
propice à la planification et la mise en oeuvre de politiques et
programmes d'investissements intégrant les approches HIMO ;
3. développer les ressources humaines
nécessaires à la mise en oeuvre des approches HIMO par toutes les
catégories d'acteurs concernés : décideurs nationaux et
locaux, opérateurs économiques, organisations de la
société civile ;
4. mettre en place des actions concrètes permettant
l'utilisation des approches HIMO pour la promotion d'emplois à travers
un effet de démonstration, en accompagnement des efforts
déployés par les différents acteurs.
II.2 Effets attendus
Les principaux effets attendus de cette stratégie au
plan macro-économique sont :
1. un impact social plus élevé par une
création plus importante d'emplois décents et une
amélioration des revenus des couches défavorisées ;
2. une utilisation accrue des ressources et de la main
d'oeuvre locale ;
3. une meilleure redistribution des revenus ;
4. une économie de devises ;
5. une baisse des coûts des travaux ;
6. un renforcement des capacités des acteurs
appelés à mettre en oeuvre cette approche. Elle permet par
conséquent l'amélioration durable des conditions de vie des
populations, et soutient une croissance forte et équitable.
III. AXES STRATEGIQUES
Les axes stratégiques identifiés sur lesquels le
Gouvernement entend s'appuyer pour la mise en
OEuvre des approches HIMO sont :
1. l'amélioration des connaissances sur les approches
HIMO ;
2. le développement d'un cadre et d'un environnement
institutionnels favorables ;
3. le renforcement des capacités des acteurs
impliqués dans la programmation et la mise en oeuvre des approches HIMO
;
4. la promotion des projets d'investissement publics à
fort coefficient d'emplois.
IV. DOMAINES D'APPLICATION DE LA
STRATEGIE
La Stratégie de promotion des approches HIMO constitue
un levier central de la Politique Nationale de l'Emploi. Elle s'applique de
manière préférentielle aux domaines suivants :
infrastructures routières, activités productives, mise en place
et entretien des ouvrages d'assainissement, protection de l'environnement,
bâtiments et équipements collectifs, collecte et gestion des
déchets.
V. ENGAGEMENTS DU GOUVERNEMENT
Dans le cadre de la présente Déclaration et en
vue d'atteindre les objectifs ci-dessus, le Gouvernement s'engage à :
1. promouvoir les approches intensives en emplois notamment
par l'introduction des techniques HIMO dans l'élaboration et la mise en
oeuvre des programmes et projets d'investissement ;
2. assurer un environnement économique, un cadre
juridique et institutionnel favorables à la mise en oeuvre des
techniques HIMO ;
3. faire de l'approche HIMO un pilier important de sa
politique nationale de l'emploi ;
4. stimuler, encourager et accroître le partenariat
avec le secteur privé et les pour l'appropriation des approches
intensives en emplois ;
5. mettre en place des mécanismes adaptés de
mise en oeuvre et de suivi évaluation de la stratégie HIMO, en
s'appuyant sur un comité interministériel regroupant les
principaux acteurs ;
V
6. assurer un encadrement et un appui aux PME/PMI engagées
à promouvoir l'utilisation des techniques HIMO dans la
réalisation des programmes et projets d'investissement.
Le Gouvernement adopte la présente Déclaration de
Stratégie pour la promotion des approches HIMO afin de soutenir la
Politique Nationale de l'Emploi dans ses actions de résorption du
chômage et de lutte contre la pauvreté.
LE PREMIER MINISTRE,
CHEF DU GOUVERNEMENT
VI
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
DOCUMENT DE STRATEGIE POUR LA CROISSANCE ET
L'EMPLOI
(DSCE)
4. Stratégie de l'emploi
La stratégie de croissance et d'emploi adresse la
question de l'emploi en trois principaux axes à savoir:(i)
l'accroissement de l'offre d'emplois décents ; (ii) la mise en
adéquation de la demande d'emploi ; et (iii) l'amélioration de
l'efficacité du marché.
4.1 Accroissement de l'offre
d'emplois
Emplois salariés Le Gouvernement
compte essentiellement sur le développement des PME pour relever
l'immense défi de l'emploi. Il entend en particulier s'attaquer au
sous-emploi visible dont le taux est estimé à 11% de la
population active occupée. L'objectif à l'horizon 2020 est de
résorber complètement le sous-emploi visible et de maintenir le
taux de chômage élargi à moins de 7%. La mise en place de
programmes spécifiques de création d'emplois en faveur des
couches sociales les plus défavorisées (jeunes, femmes, groupes
vulnérables et personnes handicapées) ainsi dans la fonction
publique viendra compléter l'offre d'emplois décents.
Auto-emplois ciblés : Les
autorités comptent promouvoir l'auto emploi pour accompagner le
développement des secteurs porteurs de croissance notamment dans le
secteur rural, de l'artisanat et des services. Il en attend
spécifiquement une contribution importante à la réduction
à moins de 50% du sous-emploi visible et à la migration du
secteur informel vers le secteur formel de l'économie. Dans le secteur
rural, en cohérence avec la politique de développement de grandes
exploitations agricoles, des mesures incitatives seront prises pour faciliter
l'installation des diplômés des écoles d'agriculture
à travers : (i) la formation au montage de projets agricoles d'envergure
; (ii) la facilitation de l'accès aux crédits ; et (iii) la
facilitation de l'accès aux intrants agricoles modernes.
Par ailleurs, la réalisation de certains grands projets
entraîne souvent le développement des activités connexes
dont les habitants des localités riveraines devront tirer profit. Ainsi,
des formations spécifiques, selon la nature des projets, seront
développées en vue de faciliter l'insertion de ces populations
dans ces activités. Au vu de l'immense potentiel dont dispose
l'artisanat, le Gouvernement entend le revaloriser dans toutes ses
VII
composantes, pour en faire un espace véritablement
attractif générateur d'emplois, de revenus et de croissance. Dans
le secteur des services, des programmes spécifiques, en appui à
la stratégie de développement des filières porteuses
(confection, tourisme etc.), seront mis en oeuvre pour favoriser l'installation
des jeunes issus des établissements de formation professionnelle.
Migration du secteur informel vers le secteur formel :
la stratégie portera principalement sur l'accompagnement des
acteurs du secteur informel pour organiser leurs activités en
très petites entreprises (TPE) à travers : (i) une
réglementation souple sur la fiscalité ; (ii) la facilitation de
l'enregistrement administratif y compris la sécurité sociale ;
(iii) la formation dans le but d'aider ces acteurs à mieux suivre leurs
activités par la tenue d'une comptabilité légère ;
et (iv) l'aide à l'installation et aux financements.
Mise en place d'un cadre général
incitatif : La stratégie qui sera adoptée dans le but de
permettre au secteur privé de jouer son rôle économique en
termes de création d'emplois se déclinera suivant deux volets
:(i) réactiver le cadre de concertation tripartite existant entre les
administrations économiques, les différents acteurs du secteur
privé, et la société civile afin de passer en revue et de
lever les facteurs de blocage à la création d'emplois; (ii)
mettre en oeuvre un ensemble de mesures incitatives permettant de faciliter la
création d'emplois.
Mise en oeuvre de la stratégie de promotion des
approches HIMO. Quatre (04) volets ont été
identifiés : (i) le développement d'un environnement politique
institutionnel favorable aux approches HIMO; (ii) le renforcement des
capacités des acteurs impliqués; (iii) la promotion de
l'application des approches HIMO dans les investissements publics; et (iv)
l'amélioration des connaissances sur les approches HIMO. En particulier,
dans le domaine des BTP, la stratégie consistera à utiliser les
approches HIMO dans les domaines tels que l'entretien des routes rurales et les
constructions civiles.
4.2 Mise en adéquation de la demande
d'emplois
La stratégie sera basé sur l'augmentation et la
diversification de l'offre de formation à travers :
(i)l'amélioration et la standardisation des référentiels
de formation par la création d'environ 30 référentiels de
formation par an ; (ii) la diversification des modes de formation et des
filières de formation en tenant compte des secteurs porteurs ; (iii) la
réduction des disparités dans l'accès (zones
géographiques, genre, groupes spécifiques) par la reforme et la
restructuration en profondeur de la carte des institutions publiques de
formation professionnelle ; et (iv) le développement de la formation
des
VIII
formateurs par la création d'un centre de
développement des compétences. Le deuxième pilier de la
mise en adéquation de la demande consistera en l'optimisation du
rendement interne et externe du système de formation. Le Gouvernement
compte également améliorer la gestion du système de
formation professionnelle, en sollicitant en particulier la participation des
milieux et des entreprises.
4.3 Amélioration de l'efficacité du
marché de l'emploi
L'objectif visé est de rendre transparent le
marché de l'emploi et de réussir l'insertion professionnelle du
plus grand nombre de demandeurs d'emplois. Pour cela, il faudra : (i) amener de
plus en plus les entreprises à exprimer leurs besoins en ressources
humaines de manière mieux articulée et à travers des
circuits formels, afin de se donner le maximum de chances de trouver sur le
marché les profils exigés ;(ii) accompagner les demandeurs
d'emplois à bien définir leurs projets professionnels et
augmenter ainsi leurs chances de trouver rapidement un emploi; et (iii) assurer
une bonne communication sur les tendances et évolutions du marché
de l'emploi et une bonne information des acteurs. Le renforcement des circuits
formels de placement des demandeurs d'emplois passera par l'intensification des
campagnes de prospection des entreprises organisées par le Fonds
National de l'Emploi et d'autres structures et un suivi rigoureux des
placements effectués. Des dispositions incitatives et au besoin
contraignantes seront mises en place pour amener les entreprises à faire
connaître en priorité leurs besoins en main d'oeuvre aux
structures publiques et privées agrées chargées de
l'accueil des demandeurs d'emplois. Pour ce qui concerne l'accueil et
l'accompagnement des demandeurs d'emplois, une première priorité
Consistera à renforcer les capacités d'accueil et d'orientation
professionnelles par le rapprochement du Fonds National de l'Emploi (FNE) avec
d'autres structures publiques, de manière à créer des
agences de l'emploi dans tous les départements du pays et de les doter
en ressources humaines qualifiées. Enfin, un mécanisme de mise en
oeuvre et de suivi/évaluation de la stratégie de l'emploi
s'effectuera à un double niveau stratégique et
opérationnel.
LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT PHILEMON
YANG