II.4.2. L'approche communale
Lors de la fusion du PFA dans le FICOD-B, un mode d'approche
très important dans la lutte contre la pauvreté a
été conservé : c'est l'approche par la demande. Dans le
passé, « Les programmes de développement en milieu rural
ont privilégié des appuis institutionnels basés
33
sur le développement de l'offre de services des
structures déconcentrées de l'Etat »77.
Cette offre ne valorisait pas la vision des bénéficiaires et a,
par la même occasion, favorisé l'émergence de projets peu
adaptés aux besoins des porteurs d'initiatives et limité la
portée des appuis à l'autopromotion. L'approche par la demande
reprise par le FICOD-B est un facteur de développement à la base
car elle montre que les acteurs sont capables de définir leurs besoins.
Elle oblige les prestataires à améliorer l'offre des services.
Cette approche montre que le FICOD-B intervient dans la logique de la Lettre
Politique de Développement rural Décentralisé (LPDRD) qui
prône des approches diversifiées dont « l'approche
demande [qui] sous entend une liberté d'adhésion aux
objectifs du projet à condition de présenter une certaine
cohésion sociale».78
Le FICOD-B a maintenu le principe du cofinancement au niveau
des infrastructures qui oblige les futurs bénéficiaires à
contribuer financièrement et/ou physiquement à la
réalisation de chaque projet. Ce principe permet aux populations
à la base de se sentir concernées car ayant contribué
malgré leurs maigres ressources. Cette contribution les pousse
obligatoirement à prendre conscience qu'elles doivent s'approprier les
projets réalisés pour que leurs investissements ne soient pas
inutiles. Cependant, le cofinancement a ses limites. Sont de ceux-là :
la pauvreté des populations de certaines zones ; l'opposition de
certaines personnes qui pensent que le FICOD-B a déjà toute la
somme et que les chargés de projets veulent s'enrichir sur leurs dos ;
les détournements de fonds dans des cotisations antérieures ;
l'analphabétisme et l'insuffisance de formation des
bénéficiaires ; etc.
Du passage du PFA au FICOD-B, il y a une confrontation entre
deux types d'approche dans la maîtrise d'ouvrage et la mobilisation des
fonds. En effet, le PFA pratiquait l'approche communautaire qui consistait
à toucher directement les communautés à la base. Mais avec
le FICOD-B et la communalisation intégrale, les chargés de
projets passe par les responsables des communes (approche communale).
Cette approche communale n'est pas encore bien acceptée
à la base pour plusieurs raisons : - les anciennes associations se
sentent lésées dans ce nouveau dispositif. Elles avaient
cofinancé avec le PFA des ouvrages et doivent les remettre à la
commune car elles ne disposent plus de la maîtrise d'ouvrage. Même
si dans les contrats avec le PFA, il était prévu la cession des
infrastructures à la commune après la communalisation
intégrale, certaines associations villageoises continuent à faire
de la résistance tout en sachant
77 ADELE, 2006, L'approche par la demande, Fada
N'Gourma, 11 pages.
78 MEDEV, 2006, Bilan de la mise en oeuvre de la
Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisée
2002-2005, p. 25.
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qu'elles finiront par céder. Les membres des
associations en milieu rural refusent cette situation car au moment de la
mobilisation des ressources, elles n'ont pas eu l'appui de certains villages de
la commune. Ils ne comprennent pas aujourd'hui que tout le monde puisse jouir
du fruit du travail pour lequel ils ont été les seuls à
participer. C'est le cas du village de Bilanga-Yanga, dans la commune de
Bilanga (province de la Gnagna). La CVGT de ce village a sollicité le
soutien de Bilanga et d'autres villages dans le but de mobiliser la somme de 5
700 000 F CFA pour la réalisation d'un marché. Les autres
populations ont refusé d'apporter leur contribution. Bilanga-Yanga a
alors, tout seul, décidé de faire face aux dépenses.
Aujourd'hui, les populations de Bilanga-Yanga refusent que le marché
soit transféré à l'autorité de la commune surtout
que le chef-lieu est Bilanga.79 Dans la commune de Partiaga
(province de la Tapoa), le même cas s'est posé avec le
marché du village de Natiabonli. Les membres de la CVGT étaient
d'accord pour partager les recettes avec la préfecture (CVGT : 30% et
préfecture : 70%). Mais avec la communalisation intégrale, ils
ont catégoriquement refusé que la commune touche la part qui
était réservée à la préfecture. Le village
de Natiabonli n'a pas eu le soutien de Partiaga lors de la construction du
marché. Il a fallu l'intervention du FICOD-B et de l'Etat pour que la
population accepte le nouveau partage ;
- certaines associations ne veulent pas que leurs projets
passent par une délibération en conseil municipal. Elles estiment
qu'elles ont la possibilité d'apporter leurs parts de contribution dans
la réalisation de leur projet. Elles ne voient pas la
nécessité de passer par la commune. Il va de soi que leurs
demandes ne trouveront pas de suite favorable au FICOD-B. Il y a des
associations qui, pour des questions de manque de confiance, ne veulent pas
associer la commune. Elles pensent qu'elles seront victimes d'abus de confiance
et que les responsables communaux ne transmettront pas leur contribution au
FICOD-B. Il existe des associations qui jugent leurs actes tellement nobles
qu'elles ne voient pas la nécessité d'envoyer leurs projets en
délibération. Un dernier groupe d'association manque
d'information et ne sait pas qu'avec la communalisation intégrale, il
faut recourir à la commune ;
- des projets sont écartés au niveau des
délibérations. En effet, des associations ont vu leurs projets
rejetés en session par le conseil municipal alors que ceux-ci
étaient pertinents et que les moyens de cofinancement étaient
déjà réunis. Les initiateurs des
79 TABOUDOU Kader, membre de la CVGT de Bilanga-Yanga,
le jeudi 04 octobre 2007.
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projets rejetés pensent qu'ils sont victimes de
règlements de comptes politiques entre localités. Ils affirment
que le développement de leurs villages a été stoppé
avec la communalisation intégrale et des conseillers municipaux qui
n'ont aucune légitimité à la base même s'ils ont la
légalité étatique avec eux. Ils accusent les responsables
des nouvelles collectivités de vouloir torpiller leurs initiatives. En
somme, il y a une crise de confiance entre certains élus locaux et les
populations à la base ;
- la décentralisation intégrale a donné
naissance à plusieurs communes démunies dans la zone
d'intervention du FICOD-B. La priorité de ces dernières est de
trouver des ressources nécessaires pour faire fonctionner
l'administration décentralisée. Les maires, dans ces cas,
préfèrent opter pour des infrastructures qui pourront leur
apporter des recettes. Ainsi, ils choisissent les marchés ordinaires,
les marchés à bétail, les abattoirs, les auberges, les
gares routières, les aires de stationnement, etc. Toutes ces demandes de
projets qui peuvent générer des recettes sont faites au
détriment des infrastructures sociales dont a besoin la population. On
ne sent pas l'implication des élus locaux dans la réalisation des
centres de santé ou les infrastructures scolaires. Prenons le cas du
village de Kamséogo dans la commune de Yondé (province du
Koulpélogo) où la commune ne se sent pas concernée dans la
mobilisation des ressources pour la réalisation d'un CSPS. En allant sur
le terrain, nous avons constaté que c'est une zone isolée et le
centre de santé le plus proche est à une vingtaine de
kilomètres avec une piste impraticable en saison pluvieuse. Ce sont les
chargés de projets du FICOD-B qui sont obligés de revenir aux
vieilles méthodes du PFA afin que les populations puissent réunir
leur part de contribution qui est de 1 775 666 F CFA pour un coût global
de 88 783 295 F CFA.80 Normalement, c'est la commune qui devait
trouver des voies et moyens pour mobiliser cette somme. Mais le
désintéressement de cette dernière a obligé le
FICOD-B à intervenir directement ;
- les conseils municipaux se réunissent difficilement
dans les communes rurales pour des sessions car il y a de nombreux
illettrés81 qui ne maîtrisent pas assez bien
l'organisation de ce genre de rencontres. Cette situation n'est pas sans
conséquence sur les activités du FICOD-B/Est dans la mesure
où les demandes de réalisation de projets par les villages
mettent du temps avant d'atteindre l'Antenne régionale. Elles arrivent
à Fada N'Gourma par dizaines pour chaque commune et il devient difficile
de les traiter. Les responsables des communes rurales n'ont pas encore
l'expérience de
80 Justin KAFANDO, chargé de projets au
FICOB-B/Est, le jeudi 22 novembre 2007.
81 Les conseils municipaux de Foutouri et
Bartiébougou dans la Komondjari comptent 100% d'analphabètes.
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ceux des communes urbaines rodées dans la
décentralisation. Ils n'arrivent pas encore à organiser leurs
demandes de financement parce qu'ils n'ont pas encore pu établir un plan
de développement qui leur permettrait de prioriser leurs besoins ;
- comme autre problème de l'approche communale, nous
avons la maîtrise d'ouvrage au niveau des nouvelles communes rurales.
Elles ne disposent pas de services techniques comme les communes aguerries.
Elles n'ont pas de ressources humaines leur permettant de s'impliquer dans
l'exercice de la maîtrise d'ouvrage communale. La gestion au quotidien
des ouvrages est confiée au maire et à quelques personnes
ressources comme le SG, lorsqu'il y en a. Lorsque le maire réussit
à mettre en place des comités de gestion, on constate que «
les mêmes personnes se [retrouvent] dans une multitude de
structures,[il y a aussi] la faiblesse de capacités des membres
(...) [et], le manque de termes de référence clairs
régissant ces structures entre autres ».82 En
somme, les communes rurales ont des difficultés pour s'approprier les
infrastructures qui leur ont été cédé par les
CVGT.83
Malgré ces failles qui ont été
énumérées, il faut tout de même noter que l'approche
communale a aussi ses avantages :
- le respect par le FICOD-B du principe qui veut que ce soit
la commune qui assure la maîtrise d'ouvrage. C'est dans cette logique
qu'avec la communalisation intégrale, toutes les étapes de la
procédure incluent la commune. Le FICOD-B intervient dans le strict
respect de la loi car c'est la commune qui est chargée d'impulser le
développement à la base ;
- l'approche communale permet aux conseils municipaux de
suivre un plan général d'investissements sur leurs territoires.
En effet, par le passé, il y avait des projets tout azimut selon les
capacités financières de chaque localité. Ce qui ne veut
pas dire que les investissements du PFA ne suivaient pas la politique nationale
d'aménagement du territoire. Tous les projets instruits devaient avoir
l'approbation des services techniques déconcentrés. Mais avec les
communes, ces investissements seront mieux organisés spatialement et
temporellement en respectant un plan d'aménagement de la commune
conçu par la base et qui est lui-même issu d'un schéma
d'aménagement régional et national du territoire ;
82 CND/GTZ, 2002, Atelier de réflexion et
de propositions sur l'exercice de la maîtrise d'ouvrage communale par les
municipalités, Ouagadougou, CND/GTZ, p. 10.
83 LANKOANDE Djingri Charles, maire de la commune
rurale de Bilanga, le jeudi 04 octobre 2007.
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- avant que la communalisation n'englobe toute
l'étendue du territoire burkinabé, toutes les localités
n'étaient pas touchées par les projets de développement
surtout qu'il existait le principe de cofinancement. Comme conséquence,
nous avons constaté que ce sont les localités dynamiques qui
bénéficiaient d'infrastructures. Aujourd'hui avec l'approche
communale, plus de localités seront touchées par les
activités du FICOD-B/Est selon le plan communal qui sera conçu.
Le plan prendra en compte les localités selon leurs besoins et non selon
leurs capacités à cofinancer la réalisation des
infrastructures.
La fusion du PFA dans le FICOD-B a créé un
bouleversement important dans la gestion des projets de développement
dans la région de l'Est. Le bouleversement s'est ressenti autant au
niveau de l'organisation de la structure que dans les procédures de
financement de projets. Le Fonds a maintenant la charge d'aider
financièrement les collectivités territoriales.
Dans son appui aux communes, le FICOD-B a également
repris en main toutes les infrastructures qui avaient été
réalisées par le PFA.
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