INTRODUCTION GENERALE
Dès leur accession à l'indépendance dans
les années 1960, les pays africains se sont retrouvés face
à des difficultés énormes à surmonter. Ils avaient
de faibles ressources pour satisfaire d'énormes besoins. Il leur a donc
fallu, individuellement et collectivement, mettre en place plusieurs
stratégies afin de sortir de leur situation d'extrême
pauvreté.
D'un autre côté, des associations,
créées soit par les Etats, soit par des individus, se sont
constituées en Europe parce qu'elles ont constaté la faible
capacité des dirigeants africains à faire face à la
misère de leurs pays nouvellement indépendants. Ces associations
appelées Organisations Non Gouvernementales (ONG) soutenaient nos Etats
à travers des aides publiques au développement. Les fonds
étaient directement remis aux responsables étatiques qui
étaient chargés de les utiliser efficacement dans la lutte contre
la pauvreté. Mais les ONG constatèrent que ces aides ne
parvenaient pas en totalité à la population à la base.
Dans certaines situations, les fonds disparaissaient soit parce que l'Etat
avait d'autres besoins jugés urgents (les imprévues et le
remboursement de la dette extérieure), soit à cause des
détournements. Ce fut donc un échec total de cette forme d'aide
dans les années 1960-1970.
Les bailleurs de fonds ont donc décidé de
coopérer directement avec les populations à la base sans les
intermédiaires administratifs, évitant de ce fait les lenteurs de
la bureaucratie. Ce fut le début de la coopération
décentralisée qui devrait, théoriquement, favoriser le
développement local.
Le Burkina Faso a vu, dès le départ, dans la
décentralisation une orientation stratégique du
développement. Cette décentralisation, qui est passée par
plusieurs étapes avant d'atteindre le niveau actuel, s'est faite comme
suit.
En 1960, le pays avait déjà hérité
de six communes créées pendant la colonisation. Et la loi n°
24/60/AN du 21 février 1960 institua les communes rurales qui se
grefferont aux six premières communes. Trois ans plus tard, la loi du 29
janvier 1963 consacra la division du territoire en quatre départements
(Ouagadougou, Koudougou, Fada N'Gourma et Bobo-Dioulasso) mais elle ne fut
jamais appliquée pour cause de mésententes sur le
découpage territorial de chaque département.
Toujours dans le sens de la décentralisation, le
régime militaire d'Aboubacar Sangoulé LAMIZANA prit, en 1966, un
décret instituant onze Offices Régionaux de Développement
(ORD). Le 07 mai 1974, le territoire fut structuré en dix puis onze
départements pour qu'ils soient en concordance avec les onze ORD. Le 02
juillet de la même année, une ordonnance créa quatre
circonscriptions administratives : le département, la
sous-préfecture,
1
l'arrondissement et la commune ou village. Et en 1980, les ORD
furent remplacés par des Centres Régionaux de Promotion
Agro-pastorale (CRPA) qui deviendront des directions régionales.
Le processus de décentralisation connut une nouvelle
évolution sous le Conseil National de la Révolution (CNR) avec le
Capitaine Thomas SANKARA. Le régime révolutionnaire1
prit l'ordonnance du 14 novembre 1983 qui mit en place quatre circonscriptions
administratives : la province, le département, le secteur et le village.
La politique de décentralisation du CNR a permis de mettre en place une
déconcentration administrative plus étendue sur l'ensemble du
territoire burkinabé.
C'est à partir de 1991 avec l'adoption la Constitution
du 02 juin que la décentralisation entra dans une nouvelle dynamique car
elle reconnaît le découpage du territoire burkinabé en
collectivités territoriales et prône une administration libre et
démocratique de ces collectivités par les
populations.2 C'est dans cette logique qu'un ensemble de cinq
lois3 adoptées en 1993 à des fins
électoralistes permirent d'organiser les élections municipales de
1995 dans trente communes. Par la suite, la Commission Nationale de la
Décentralisation (CND) présenta les Textes d'Orientation de la
Décentralisation (TOD) qui furent adoptés en 1998.4 En
2001, la relecture des TOD avec la loi n°013-2001/AN du 02 juillet 2001
permit d'élever la Région au rang de collectivité
territoriale et circonscription administrative. Une autre loi modificative des
TOD supprimant la province fut adoptée le 06 août 2003.
Dans le souci de regrouper toutes ces lois, la dernière
révision des textes de lois sur la décentralisation a conduit
à l'adoption de la loi n° 055-2004/AN du 21 décembre 2004
portant Code Général des Collectivités Territoriales
(CGCT) au Burkina Faso. C'est ce code qui a conduit le Burkina Faso à la
communalisation intégrale, après sa promulgation le 14 avril
2005. Le CGCT a fait l'objet de modification en 2005 par la loi n°
040-2005/AN du 29
1 C'était un régime d'exception.
2 Constitution du Burkina Faso, articles 143 et
145.
3 La loi n°003/93/ADP du 7 mai 1993 portant
organisation de l'administration du territoire au Burkina Faso ; la loi
n°004/93/ADP du 12 mai 1993 portant organisation municipale ; la loi
n°005/93/ADP du 12 mai 1993 portant statut particulier de la province du
Kadiogo et de la Commune de Ouagadougou ; la loi n°006/93/ADP du 12 mai
1993 portant statut particulier de la Commune de Bobo-Dioulasso ; la loi
n°007/93/ADP du 12 mai 1993 portant régime électoral des
conseillers de village, de secteur communal, de département et de
province.
4 Ce sont : La loi n°040/98-AN du 03
août 1998 portant orientation de la décentralisation qui fixe les
principes de base de la décentralisation au Burkina Faso ; la loi
n°041/98-AN du 06 août 1998 portant organisation de l'administration
du territoire. Elle distingue les circonscriptions administratives (village-
département- province) d'une part, les collectivités locales
(commune, province) d'autre part ; la loi n°042/98-AN 06 août 1998
portant organisation et fonctionnement des collectivités locales traite
des organes de gestion (exécutif et délibérant) des
collectivités locales, de l'administration locale, des
représentants de l'Etat dans les collectivités locales, des
organes consultatifs et de concertation ; la loi n°043/98-AN du 06
août 1998 relative à la mise en oeuvre de la
décentralisation sert de tableau de bord avec un
échéancier pour la mise en application effective des dispositions
contenues dans les T.O.D.
2 8
novembre 2005 au niveau de l'article 218 relatif au
découpage des chefs-lieux des communes rurales. La modification
interviendra après le premier mandat des conseils municipaux des
communes rurales.
En 2007, dans la même logique du processus de
communalisation intégrale, le décret n°2007-32/PRES/PM/MATD
du 22 janvier 2007 portant organisation, composition et fonctionnement des
Conseils Villageois de Développement (CVD) sera pris. Ces CVD devront
remplacer les Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (CVGT) dans tous
les villages du Burkina Faso.
Pour appuyer cette décentralisation qui donne plus de
pouvoirs aux collectivités locales, l'Etat a fait appel à des
soutiens extérieurs dans plusieurs domaines : investissements en
infrastructures de tout genre, financement de micro-crédits,
renforcement des capacités institutionnelles, etc. C'est en
réponse à cet appel que des ONG, associations et projets de
développement ont décidé d'intervenir au Burkina Faso.
I. La problématique de l'étude
Selon les derniers classements du PNUD (Programme des Nations
Unies pour le Développement), le Burkina Faso est parmi les cinq pays
les plus pauvres de la planète. Ce classement est fait à partir
de l'Indice de Développement Humain (IDH) qui prend entre autres en
compte, la longévité, l'accès aux services sociaux de base
(l'éducation et la santé) et le niveau de vie de chaque pays.
Cette position qu'occupe le Burkina Faso est l'expression du retard
accusé à tous ces niveaux. Cette réalité nationale
est différemment vécue selon les localités. En effet,
l'incidence de la pauvreté est beaucoup plus importante dans certaines
localités que d'autres. Ce qui d'ailleurs a conduit les Nations Unies
à désigner certaines régions du pays « zones de
convergence du système des Nations Unies ». Les Régions de
l'Est et du Centre-Est font partie de ces zones de convergence. La base de ce
retard est le manque d'infrastructures dans le domaine de la santé, de
l'éducation et du cadre de vie (logement décent).
Pour combler le retard de développement, le Burkina
Faso a adopté, en 2000, le Cadre Stratégique de Lutte contre la
Pauvreté (CSLP) qui sera révisé en 2003.5 A
travers ce créneau, l'Etat burkinabé s'est fixé plusieurs
axes stratégiques et des objectifs à atteindre. Cependant l'Etat
burkinabé ne dispose pas des ressources financières
nécessaires pour la mise en oeuvre
5 MEDEV, 2006, Bilan de la mise en oeuvre de la
Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisée
2002-2005, p. 16.
3
des activités de ce cadre. Pour cette raison, il a
encouragé la coopération décentralisée avec des
bailleurs de fonds qui interviennent à travers des ONG, des projets et
associations pour le développement.
Dans ce contexte intervient le Fonds d'Investissement pour les
Collectivités Décentralisées-Burkina (FICOD-B) dans les
régions du Sud-Ouest et de l'Est en plus des provinces du
Koulpélogo et du Boulgou dans la région du Centre-Est.
Le FICOD-B vient en soutien à la
décentralisation grâce à plusieurs actions qu'il
mène sur le terrain. Pour mieux comprendre son rôle dans le
développement de la région de l'Est, nous avons
décidé de travailler sur le thème suivant : «
L'apport des ONG et projets dans le processus de décentralisation au
Burkina Faso: cas du FICOD-B dans la Région de l'Est, étude des
activités du Volet Infrastructures ».
Les infrastructures qui nous intéressent ici sont
celles socio-économiques de base.
Comme nous l'avions indiqué, le FICOD-B intervient dans
les Régions du Sud-Ouest et de l'Est en plus du Koulpélogo. Nous
nous donnerons, comme limite spatiale, toute la zone d'intervention du FICOD-B.
La zone prend en compte toute la région de l'Est, la province du
Koulpélogo et trois communes de la province du Boulgou (Tenkodogo,
Bittou et Garango).
Le FICOD-B est issu de la fusion de trois projets
antérieurement financés par la Coopération
financière Burkina Faso - République Fédérale
d'Allemagne à travers la KfW6. Il s'agit du Projet Fonds
d'Autopromotion (PFA), du Fonds d'Investissement Communal (FICOM) et du projet
de réhabilitation de pistes à Haute Intensité de Main
d'OEuvre (Fonds HIMO).7 La plupart des activités du Volet
Infrastructures auxquelles nous nous intéresserons ont
débuté avec le PFA. Alors comme limite temporelle de notre
thème, nous partirons de la naissance du PFA en 1996 à
décembre 2007 qui marque la fin de notre stage.
Comment fonctionne le Volet Infrastructures au sein du FICOD-B
? Quelles activités mène-t-il sur le terrain dans le cadre de
l'appui à la décentralisation et au développement local ?
Les infrastructures réalisées par cette structure ont-elles eu
des impacts positifs ou négatifs sur les conditions de vie des
populations bénéficiaires ? Quelles ont été les
conséquences de l'entrée du PFA dans le FICOD-B ? Les
activités menées par le Volet Infrastructures concourent-elles
à l'atteinte des objectifs du FICOD-B ?
Afin de répondre à ces questions dans notre
étude, nous avons adopté une démarche.
6 Kreditanstalt für Wiederaufbau.
7 Voir les détails de la fusion au Chapitre
II.
4 1
|