Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique: cas de la RDC( Télécharger le fichier original )par Aimé NDAYA N'DAMYA FULBOB Université de Kinshasa RDC - en vue de l'obtention d'une licence en droit public 2011 |
VI. REVUE DE LITTERATURECe volet nous donne l'opportunité de passer en revue quelques auteurs qui ont donné leur point de vue sur les concepts que nous analysons dans le cadre de cette étude, en l'occurrence : la révision constitutionnelle, le constitutionnalisme et la démocratie dans leurs ouvrages respectifs. Il nous reviendra à nous, de donner notre position voire réaction face aux différents points de vue de ces auteurs. Peter HABERLE45 dans son ouvrage "L'Etat constitutionnel", entrevoit l'idée d'une révision de la constitution comme l'expression du processus de croissance et de développements normaux de la constitution d'Etat constitutionnel. Or, dans la plupart de cas, la révision d'une constitution suscite toujours tant de problèmes et entraine parfois l'instabilité des institutions politiques ; elle provoque aussi l'insécurité et l'inquiétude de la population. Dans ce cas, la révision n'a rien à avoir avec le développement ou la croissance de la constitution. Jean-Claude ACQUAVIVA46 dans son ouvrage intitulé "Droit constitutionnel et institutions politiques", pense quant à lui que toutes les précautions prévues dans toutes les constitutions ont le but de rendre difficile leur révision ; et parfois, d'autres dispositions rendent certaines révisions impossibles. Malheureusement, cette interdiction ou précaution reste contournable dans le sens que le pouvoir constituant dérivé n'a le droit de l'enfreindre, mais il lui arrive à la supprimer. Nous remarquons que, en dépit de cette limitation de la révision d'une constitution, le pouvoir constituant dérivé ou le pouvoir exécutif outrepasse ses prérogatives en faisant leur volonté et non seule du peuple souverain. Dans "Constitutions en Afrique : Silence, on révise", Adja DJOUNFOUNE47 montre que l'alternance au pouvoir est devenue presque impossible, les pouvoirs en place modifiant sans cesse les dispositions de la constitution afin de permettre les candidatures à vie de leurs chefs. La révision constitutionnelle en Afrique est perçue d'abord comme « une technique d'établissement de la monopolisation du pouvoir » et ensuite comme « un instrument de pérennisation du système politique » . 45 HABERLE, P ., L'Etat constitutionnel, Economica, Paris, 2004, p .I20 . 46 ACQUAVIVA, J .C ., Droit constitutionnel et institutions politiques, 8ème éd ., Gualino, Paris, 2005, p . 67 . 47DJOUNFOUNE, A ., « Constitutions en Afrique : Silence, on révise », http://www .camerounmonpays .over-blog .com, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) . " Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Examinant également la récurrente question de révision constitutionnelle en Afrique, Thierry PERRET48, tout en admettant qu'une constitution change, se demande par ailleurs comment la révision doit s'effectuer. Il précise, sur base d'une différence qu'il opère entre la révision structurelle et celle conjoncturelle, que la révision ne doit pas être inspirée toujours par des considérations politiques. En clair, la révision ne doit pas être conjoncturelle, elle doit être structurelle. Robert DOSSOU49 regrette quant à lui, que les récurrentes modifications sont loin de prendre en considération les aspirations, les intérêts du peuple, l'asservissent et en font des moutons de panurge. C'est souvent pour la conservation, la dévolution monarchique du pouvoir à un dauphin (un protégé dans les temps anciens, mais maintenant c'est l'ère des fils), que des constitutions sont modifiées avec une désinvolture presque insultante vis-à-vis du peuple. Ensuite, les dirigeants africains les considèrent comme des brouillons qu'on peut changer au gré de leurs humeurs. Or, la constitution n'est pas un jouet, moins encore la révision constitutionnelle n'est pas un mécanisme stratégique pour les élections, qui pour la plupart sont gagnées à l'avance. Ce sont des élections tronquées. Dans "Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain", le professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU50 constate que ces révisions constitutionnelles ont été rendues possibles grâce à la docilité des parlements généralement dominés par l'ancien parti unique devenu largement majoritaire sous le multipartisme. Les majorités dont disposent, généralement, les dirigeants africains au sein des parlements du fait du parti dominant d'aujourd'hui, héritier du parti unique d'hier, leur permettent toujours de modifier la norme fondamentale en toute légalité. Bien plus, l'extrême facilité avec laquelle les révisions aboutissent en Afrique, témoigne d'une certaine instabilité de ces constitutions. C'est précisément cette instabilité de fait qui peut expliquer en partie la crise de la notion de constitution en Afrique. Cette crise ne se manifeste certes plus, dans le nouveau constitutionnalisme africain, par l'idée de bannir la constitution ou par des vides constitutionnels mais la remise en chantier permanente de nouveaux textes fondamentaux en est la traduction matérielle. Ceci se fait à partir du moment où une constitution peut être facilement modifiée, même en toute conformité avec la stricte légalité constitutionnelle, s'installe alors un risque réel de confusion entre la loi ordinaire et la constitution. Certes, la suprématie de la loi fondamentale y perd de sa substance. Cette prolifération de révisions constitutionnelles donne lieu à une 48 PERRET, Th ., cité par PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cif, p . 8 . 48 DOSSOU, R ., « L'inflation révisionniste », http:// www .facebook .com/topic .php, (Consulté le dimanche I3 février 20II) 50 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cif . I7 " Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ récurrence des réformes institutionnelles, accréditant l'idée de la faible institutionnalisation de l'Etat africain. ALIOUNE TINE51 entrevoit dans 'Toucher aux constitutions est un crime de haute trahisons' que les révisions à caractère opportuniste des constitutions africaines, affectent négativement le développement et le renforcement de la démocratie. Elles s'inscrivent dans un contexte global de régression de la démocratie en Afrique, qui se manifeste notamment par des élections frauduleuses, des élections gagnées en avance, tronquées voire contestées. C'est le cas pour la quasi-totalité des élections en Afrique. Cela démontre l'impunité par rapport aux révisions constitutionnelles. Cette impunité serait des coups d'Etat de type constitutionnel, laquelle permet à tout dirigeant africain qui a besoin d'être président à vie de faire sauter le verrou constitutionnel qui est pourtant essentiel pour la démocratie, pour sa vitalité, pour le renouvellement des cadres et même pour les nouvelles générations. Le nouveau constitutionnalisme qui s'est installé dans ce paysage démocratique africain marquait clairement une volonté de rupture, à la fois avec la dictature des partis uniques et l'autoritarisme des régimes militaires. Pour éviter le retour des vieux démons, des procédures rigides de révision constitutionnelle avaient été imaginées pour décourager des velléités le retour au statu quo ante. Malheureusement, toutes ces précautions ne semblent pas avoir pesé bien lourd, face à l'irrésistible attraction du pouvoir chez les rois nègres qui, tels des snipers, ont entrepris de démolir tous les échafaudages juridiques, susceptibles d'entraver leur volonté de règne à vie ou règne éternel.52 Le professeur André MBATA53 dans 'Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006' pense qu'une constitution doit remplir certains critères pour se conformer à l'idéal du constitutionnalisme. Elle doit passer les tests de suprématie, de légitimité, de protection des droits de l'homme et de limitation des pouvoirs. 5IALIOUNE TINE, « Toucher aux constitutions est un crime de haute trahison », http://www .Africatime com/niger/nouvelle.asp, (Consulté le mardi 25 janvier 20II) . 52 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives », http:// www.evenement.bf.net, (Consulté le jeudi 28 janvier 20II) . 53 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 », in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, (Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant --PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2006, pp .I85-224 . I8 " Révisions constitutionnelles et leur
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