" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
EPIGRAPHE
" Quand le gouvernement viole les drols du peuple, l'insurrection
est, pour le
peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des
drols et le plus
indispensable des devoirs."
(Article 35 de la Constlution française de 1793)
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
DEDICACE
A la mémoire de nos parents Réginald Langi Ndaga
Ngo bonua et Catherine
Moninga Taila que la mort a arrachés à notre
affection au moment de nos études
universitaires, alors que nous avions encore grandement besoin
d'eux afin qu'ils
puissent cueillir les fruits de leur dur labeur ;
Au regretté papa Pierre Ngbongato Saliboko, qui n'avait
cessé de nous
pousser sur ses traces.
iii
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
REMERCIEMENTS
Emu et exulté pour l'accomplissement de cette
oeuvre scientifique, sanctionnant la fin de notre cycle de licence en droit,
nous ne pouvons pas être indifférent pour passer sous silence la
générosité de ceux grâce à qui nos recherches
ont abouti à la rédaction du présent travail.
Aux Professeurs de l'Université de Kinshasa en
général, ceux de la Faculté de Droit en particulier;
à tous les Chefs de travaux et Assistants, pour nous avoir formé
et encadré en père de famille, qu'ils trouvent en cette
évocation notre gratitude pour leurs bienfaits.
Nos remerciements les plus solennels au professeur
André Mbata Betukumesu Mangu qui, nonobstant ses charges et multiples
occupations a donné la preuve d'un bon père au modèle rare
et à qui nous rendrons témoignage. Nous n'oublions pas,
l'Assistant Paulin Punga Kumakinga pour sa rigueur dans la correction de ce
travail. Que le Chef de travaux Célestin Ekoto et l'Assistant Joseph
Cihunda Hengelela soient remerciés pour leur regard et leur apport
scientifique.
Nous tenons à remercier de tout coeur, nos
enseignants tant de l'école primaire que du secondaire pour avoir fait
de nous ce que nous devenons aujourd'hui. Que leur rigueur scientifique et leur
disponibilité soient honorées dans ce travail.
Un grand remerciement à notre grand
frère Médard Ndaya Ngobonua, son épouse Mateya et ses
enfants, pour les sacrifices consentis pour nous et l'investissement
placé dans notre formation scientifique.
A nos grands frères Hubert Ndaya, André
Nadonye, Joseph Gbongele et à nos grandes soeurs Monique Anzanea,
Marienne Nafalanga, Angélique Ngate, Chantal Bagaza, votre soutien tant
moral que matériel a été plus
nécessaire.
A vous notre bien aimée Dolly Masiala Mbaku,
nous disons infiniment merci pour votre soutien, que ce travail soit pour vous
et pour notre futur, l'expression de l'amour et des sacrifices, qui devra
caractériser notre existence.
Nos remerciements vont également à
l'endroit de Ringo Wikobina, Valentin Tanakula et son épouse Vallya
Nzazi, à Anicet MOSI et sa femme Méthé, Levieux Mbembo,
Saidy Saliboko, Christine Yayo, Aristote, Maturin BOSO, Romain
Vonga,
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Virginie Mbali, Robert Demokolo, Félix Mbondo et son
épouse Méthé Alenge, Comptable Evariste ainsi qu'à
l'Honorable Longina Bwana pour le soutien.
Nos gratitudes s'adressent à tous les étudiants
de «LAKA », Etienne Vuda, Aimé Solombe, Christian Diatoko,
Patrick Dedetemo, Patrice Senemodego, Alexis Alenge, Cheick Dote, Pablo Ndaba,
Charles Sebutu, Lavie Sengea, Pablo Lena, Alexandre Bosokpale, Alphonse Talala,
Blaise Sademonu, Bienvenu Datoko, Archimède Alenge, Dieudonné
Nangele, Olivier Mbaya, Freddy Kamodomo, Marius Bamose, Jean-Denis Denangowe,
Espérant Senemona, pour leur soutien moral.
Nous témoignons notre profonde gratitude aux
collègues, camarades et compagnons de lutte, pour avoir
réservé à notre endroit le sens d'amitié, de
solidarité et du travail en équipe et pour les sacrifices de tout
bord endurés ensemble durant ce cursus académique, notamment,
Trésor Amaela, Patricia Kambo, Didier Ndambo, Allain Soumaïli, Jean
Ngose Nganza, Olivier Zuza, Héritier Alembaki, Augustin Elodi, Jean
Kopane Makambo, Freddy Kiamonika, Clovis Elongama, Benjamin Sungu, Steve Nemo,
Masiya, Thierry Bassombelwa, Nathan Lofonge, Sylvie Vuvu, Nyclette Ntumba. Aux
amis (es) et connaissances, nous vous disons merci.
A nos successeurs (es) étudiants (es) qui auront
l'opportunité de lire ce travail pour s'en inspirer, qu'ils en fassent
mieux et plus.
A toute personne qui nous aurait rendu service, de loin ou de
près, et qui ne se voit pas nommément citer dans cette page de
reconnaissance, ne se sent pas oublier, mais qu'elle trouve avec les
précités, l'expression de nos sentiments de gratitude.
iv
Aimé Ndaya N'damya Fulbob
v
" Révisions constitutionnelles et leur impact
sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"
LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES
· ABAKO : Alliance de Bakongo
· AGI : Accord global et inclusif
· AFDL : Alliance des forces démocratiques pour la
libération du Congo-Zaïre
· al. : Alinéa
· Art. : Article
· ATCAR : Association Tshokwe du Congo, l'Angola et de la
Rhodésie
· CEDEAO : Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest
· CGD : Centre pour la gouvernance démocratique du
Burkina-Faso
· CEDI : Centre protestant d'Edition et de Diffusion
· CNS : Conférence nationale souveraine
· CONACO : Convention Nationale Congolaise
· DIC : Dialogue inter congolais
· Dir . : Direction (sous la direction de...)
· EUA : Editions universitaires africaines
· éd . : Edition
· FDD : Front pour la Défense de la
Démocratie (FDD)
· FSSAP : Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques
· HCR : Haut Conseil de la République
· J .O : Journal officiel
· JORDC : Journal officiel de la République
démocratique du Congo
· LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
· MES : Mouvements et enjeux sociaux
· MPR : Mouvement populaire de la révolution
· MNC-L : Mouvement National Congolais-Lumumba
· n° : Numéro d'un article
· ONG : Organisation non gouvernementale
· ONU : Organisation des Nations-Unies
· Op . cit. : Ouvrage ou article déjà
cité
· p : Page
· PALU : Parti lumumbiste unifié
· PDSC : Parti Démocrate et Social
Chrétien
· PSA : Parti solidaire Africain
· PUF : Presses universitaires de France
vi
" Révisions constitutionnelles et leur impact
sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"
· PUK : Presses universitaires de
Kinshasa
· RDC : République démocratique du
Congo
· RFI : Radio France Internationale
· UA : Union Africaine
· UNIKIN : Université de
Kinshasa
· UNIKIS : Université de
Kisangani
· USA : United states of America
· Vol. : Volume
vii
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
AVANT-PROPOS
Cette étude consacrée aux révisions
constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de
la démocratie en Afrique : cas de la République
démocratique du Congo se veut une contribution au délicat
problème des constitutions en Afrique et particulièrement en RDC.
Ces révisions sont aujourd'hui sujet des tensions politiques et
finalement amènent certains Etats dans un chaos général,
c'est-à-dire sur le plan juridique, politique, social et
économique.
Cependant, les facteurs techniques de révision
constitutionnelle devaient prévaloir sur toute entreprise visant la
réforme d'une constitution, mais malheureusement, les facteurs
politiques ont pris le dessus sur le premier volet ces facteurs. Ce
mécanisme constitutionnel constitue pour certains politiques africains
une voie de la redynamisation de leur pouvoir politique et pour d'autres
constitue frein d'épanouissement politique. La RDC (ex Zaïre)
à l'époque a pu exceller dans cette pratique, laquelle l'a
conduit à des dérives dictatoriales, des rébellions, des
transitions interminables. La voici avec la constitution du I8 février
2006 dite de troisième République qui venait d'être
secouée par la révision qui a fait couler beaucoup d'encres et
des salives.
Reconnaissant le mérite de nos devanciers qui ont
exploité les voies non moins porteuses pour tenter d'apporter un
éclairage décisif sur ce problème, nous trouvons utile et
opportun la proposition d'une approche théorique que pratique, en la
matière en élucidant de cas concrets ainsi que leur
retombée sur la politique en général.
Le but de cette étude est donc de jeter un regard
à la fois générique, et comparatif sur l'impact des
révisions constitutionnelles qui ont eu lieu dans certains Etats
africains et leur conséquence sur les régimes politiques du
continent et plus singulièrement en RDC.
Ce mémoire s'inscrit donc dans la perspective d'un
éveil de conscience des élites tant politiques qu'intellectuelles
africaines en général et celles de la RDC en particulier, puis
que ce mécanisme constitutionnel selon la pratique africaine contribue
à ce jour la dévalorisation de la loi des lois et engendre de
fois des rébellions et des coups d'Etat, voire des révolutions
populaires. Dans cette analyse, nous sommes conscients de n'avoir pas tout vu
et encore moins tout dit. Certains points demeurent à
l'appréciation de tout lecteur de cette oeuvre ou cette ébauche
grandiose. Nous laissons ainsi la place à d'autres esprits
éclairés de poursuivre la recherche et la critique en la
matière.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
INTRODUCTION
L'oeuvre juridique de Philadelphie a influencé
les Etats du globe d'être régis par une loi fondamentale. Cette
première constitution écrite aux USAIa fait qu'aujourd'hui le
monde soit constitutionnalisé, c'est-à-dire que les Etats du
monde soient presque dotés des constitutions2 en vue de
régir l'organisation et le fonctionnement de leurs pouvoirs
publics.
Ce vent du constitutionnalisme avait soufflé
sur le globe, c'est-à-dire que presque tous les continents
s'étaient lancés dans ce mouvement. Devenue
indépendante, l'Afrique aussi n'était
pas restée indifférente face à ce vent constitutionnel.
Mais hélas, au lieu de rester dans la logique des
délégués à la Convention de Philadelphie, les Etats
africains ont appréhendé de leur manière ce miracle du
constitutionnalisme, ce legs3 « constitution » par des
pratiques diverses qui mettent en cause certaines valeurs fondamentales du
constitutionnalisme .
Ainsi, cette introduction abordera ces divers points
: la présentation du sujet (I), la problématique (II),
l'hypothèse (III), l'intérêt et l'objet (IV), la
méthodologie (V), la revue de littérature (VI), la
délimitation du sujet (VII) ainsi que le plan sommaire
(VIII).
I BLAUSTEIN, A ., « La constitution des USA
», http ://www .america .gov/st/usg
.../html, (Consulté lundi le 03
janvier 20II)
2 De VILLIERS, M ., Dictionnaire du droit
constitutionnel, 5ème éd ., Armand-Colin,
Dalloz, Paris, 2005, p .53 .
I
3 BLAUSTEIN, A ., « La constitution des USA »,
Op. cit.
2
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
I. PRESENTATION DU SUJET
Depuis belle lurette, l'Afrique apparait comme un
véritable laboratoire en matière constitutionnelle. Elle adopte,
remet en cause, suspend, abroge, puis renouvelle en effet la
constitution4 . Cette dernière risque de perdre sa valeur en
tant que la loi suprême, et serait devenue un concept creux, à
cause de certains tripatouillages des dirigeants africains.
Ainsi, notre inspiration scientifique s'est focalisée
sur les « révisions constitutionnelles et leur impact sur la
promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique. Cas de
la République démocratique du Congo » .
Ceci se justifie en ce sens que les années 90 ont
été marquées par une grande effervescence
constitutionnelle en Afrique, effervescence qui coïncidait avec le
couronnement de certaines revendications démocratiques visant la
promotion du pluralisme politique, une meilleure protection des droits et
libertés et un meilleur équilibre des pouvoirs dans
l'ordonnancement institutionnel des Etats. Globalement, parce qu'elle
était censée refléter les compromis politiques de
l'époque, la constitution semblait être le réceptacle des
espoirs nourris durant les décennies précédentes de lutte
contre les régimes de parti unique, les dictatures, les restrictions
ainsi que les violations des libertés individuelles et collectives. Tout
se passait comme si la suprématie affirmée de la constitution
suffisait à garantir la pérennité des systèmes
démocratiques nouvellement installés dans la plupart des pays et
des valeurs qu'ils véhiculent.5
Mais la constitution à travers son mécanisme de
révision remet en cause toutes les valeurs consacrées. Ces
révisions détruisent complètement les valeurs
fondamentales contenues dans les constitutions africaines et laissent celles-ci
dénaturée. Or, les objectifs d'une révision
constitutionnelle consistent à l'adaptation, à la
créativité et à la
régénération6 de la constitution.
La RDC qui jadis s'est illustrée dans cette pratique,
les constitutions subissaient alors d'incessantes révisions dont
certaines dissimilaient à peine des véritables « fraudes
à la constitution » .7 Cette expérience
congolaise constitue
4 ALFA TOGA, B ., « L'Afrique et l'internationalisation du
constitutionnalisme : Actrice ou Spectatrice ? »,
http ://www .droitconstitutionenafrique .org,
(Consulté le 20 novembre 20I0) .
SASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des
constitutions en Afrique de l'Ouest »,http
://www.base.-afrique
gouvernance .net/fr/corpus, (Consulté le samedi I8
décembre 20I0) .
6 ASSANE MBAYE, Op.cit.
7MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Institutions
politiques et droit constitutionnel, Tome 1 : Théorie
générale des institutions politiques de
l'Etat, E .U .A, Kinshasa, 200I, p .I0I .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
malheureusement la plus éloquente
illustration8 tant au lendemain du cinquantième anniversaire
de son indépendance, cet Etat compte plus de dix constitutions
successives sans compter de multiples révisions dont les dix-sept
recensées rien que pour la constitution du 24 juin I967 et de nombreux
projets de constitutions. Ceci aboutit à l'instabilité
constitutionnelle et à la crise politique qui ne favorisent pas de
manière concrète l'émergence du constitutionnalisme
congolais et la démocratie effective dans cet Etat.
Par ailleurs, le constituant du I8 février 2006 avait
pris des précautions en vue de limiter cette tendance à
l'inflation révisionniste à travers un mécanisme
constitutionnel de verrouillage et de rigidité procédurale, mais
il est malheureux de constater que le « vieux démon » du
révisionnisme continue de hanter les dirigeants congolais. En effet,
cette constitution élaborée et approuvée dans un contexte
difficile est malheureusement déjà poussée sous
l'épreuve d'une révision obtenue presque par un coup de force de
la majorité présidentielle.
Tout ceci a des effets néfastes sur le cadre du
constitutionnalisme et de la démocratie mis en place par la constitution
de 2006 en République Démocratique du Congo.
3
8 WETSH'OKONDA KOSO SENGA, M ., « L'échec de
l'initiative de révision constitutionnelle du 5 novembre 2007 »,
http://www
.constitutionenafrique .org, (Consulté le mardi 2I
décembre 20I0) .
4
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE
L'Afrique après sa colonisation qui s'est
soldée par l'indépendance de ses Etats, a connu beaucoup
d'événements, entre autres les différents mouvements qui
ont abouti à un rapprochement fondamental, voire à une
uniformisation du droit constitutionnel non seulement régional mais
aussi mondial. Ce rapprochement concerne aussi bien les institutions politiques
que la proclamation et la garantie des droits fondamentaux. Ce mouvement
unificateur a abouti à une forme de patrimoine constitutionnel non plus
simplement européen, mais mondial. Toutefois, cette uniformisation
s'accompagne quelquefois d'étranges paradoxes. Il en est ainsi du
paradoxe de la notion de constitution en Afrique.
C'est depuis le début des années 90
qu'émerge en Afrique le constitutionnalisme, à la faveur des
processus démocratiques et de l'adoption de nouvelles constitutions
très généreuses en matière de droits et de
libertés. Les Etats africains autrefois en proie à une cascade de
coups d'Etat ont fini par disqualifier ce procédé comme moyen
légitime d'accès au pouvoir. Même, l'Acte constitutif de
l'Union Africaine (article 4p) a adopté le principe du rejet des
gouvernements anticonstitutionnels, même si le cas des régimes
constitutionnels qui pervertissent les constitutions et les utilisent pour
tyranniser le peuple n'est pas en pratique réglé9 .
Cependant, seules les règles et la pratique de la
révision des constitutions, question certes fondamentale en droit
constitutionnel, mais pas unique, a semblé présenter un
intérêt pour les juristes tant africains
qu'occidentauxI0 . D'après Amougou, qu'en dehors de
l'actuelle hausse des prix des denrées alimentaires, l'Afrique connait
une autre inflation largement plus meurtrière à long terme en ce
sens qu'elle bloque l'émancipation politique et économique de ses
populationsII. Cette inflation de la révision constitutionnelle est
actuellement devenue monnaie courante, une hémorragie et même un
souffle de vie, dont elle constitue aussi l'unique offre politique des
dirigeants d'un continent qui reste pourtant l'incontestable lanterne rouge du
développement.
Les objectifs classiques de la révision
constitutionnelle en Afrique ont cédé la place à des
ambitions politiciennes des dirigeants africains. Cette révision est
sortie de
9 Centre pour la gouvernance démocratique du
Burkina-Faso (CGD), « Constitutionnalisme et révisions
constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et
du Sénégal », http :// www .cgd .org,
(Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .
I0 GONIDEC, P-F ., Les systèmes politiques,
LGDJ, Paris, I974, p . 86 .
II AMOUGOU, T ., « Afrique -- l'inflation de la
révision constitutionnelle : La nouvelle pathologie politique africaine
», http ://
www.camerounmonpays.over-blog.com,
(Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .
5
6
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
son caractère utile et normal, elle est devenue
également un outil personnel de confiscation du pouvoir .I2
Ceci faisant état que lorsque les Etats africains avaient mimé le
constitutionnalisme de leurs colonisateurs, ils croyaient au bonheur politique
ou à un luxe. Pourtant, c'était une épée de
Damoclès suspendue sur la tête des dirigeants qui devaient tenir
bon à son respect. Malheureusement, il s'est avéré que la
culture politique occidentale était tout à fait différente
de celle de l'Afrique. Le constitutionnalisme ne pouvait pas être
respecté puisque certains de ses critères faisaient
défaut.
A l'origine, le recours à des pratiques
traditionnelles de pouvoir africain, lequel pouvoir était «
héréditaire, absolu »I3 . En effet, en Afrique,
le chef traditionnel devait demeurer le plus longtemps au pouvoir sans
restriction aucune. Or, avec ce mimétisme du constitutionnalisme, les
dirigeants africains se voyaient limiter dans leurs prérogatives ; leurs
compétences étaient limitées conformément à
la théorie de la séparation des pouvoirs. Comme il y aurait
l'absence de la culture constitutionnelle et ou du constitutionnalisme, ces
chefs d'Etats devenus chefs coutumiers au sommet de l'Etat se sont
illustrés dans la désacralisation des constitutions
africaines.
Les chefs d'Etats africains ne se demandent pas : « que
devons-nous faire pour nos populations et le développement de nos pays ?
» ; ils se disent plutôt : « nous devons modifier la
constitution pour rester longtemps au pouvoir » .I4
En effet, cette attitude révisionniste des
constitutions a gangréné la situation politique du continent. La
tendance générale est en faveur des modifications
constitutionnelles. Ces révisions portent généralement sur
les dispositions « jugées essentielles », en l'occurrence le
nombre des mandats présidentiels et ou les limitations concernant leur
renouvellement et même les modes de scrutin, l'indépendance de la
magistrature, etc. Cette tendance « révisionniste » des textes
constitutionnels a été qualifiée fort justement de «
délinquance normative »I5, en raison de ce qu'elle
participe à la négation absolue des droits essentiels à la
démocratie.
Ce noble mécanisme d'adaptation, de
créativité et de régénération de la
constitution suscite aujourd'hui un tôlé sur la scène
politique africaine. Ici, la constitution
I2 AMOUGOU, T ., Op. cit.
I3 KABUYA LUMANA, C ., Histoire du Congo. Les quatre
premiers présidents, éd . SECCO-CEDI, Kinshasa, 2002, p .9
.
I4 AMOUGOU, T ., Membres du code, chercheur, coordonateur
de territoire, développement et mondialisation, éd .
Syllepse, Paris, 2008, p . I97 .
I5MAMADOU KONATE, « Les dirigeants africains
et les constitutions : Tous des « violeurs », http ://
www.altervive.com/cameroun/po/rev.htm,
(Consulté mardi le I4 décembre 20I0) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
est au coeur des débats et la révision de la
loi fondamentale est sur toutes les lèvresI6 . Ces
révisions sont porteuses des crises politiques, notamment la crise de la
démocratie, la crise de la justice constitutionnelle, celle de
légitimité de la norme constitutionnelleI7, voire les
révolutions populaires en Afrique, lesquelles révolutions ont
comme cause lointaine des révisions constitutionnelles. Ces
revendications populaires se justifient par le principe du : « droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes », qui évoque une haute
idée de la liberté d'un groupe et de la maitrise de son destin au
regard de la Charte de l'ONU en son article Ier, paragraphe 2 .I8
Force est de constater que la révision
constitutionnelle vise toujours à adapter la constitution à
l'évolution des moeurs et des aspirations politiques et aussi à
permettre aux institutions politiques d'être stables. Elle se fait
toujours dans le cadre de l'intérêt supérieur de la nation
et non pas pour consolider les pouvoirs des dirigeants. Mais malheureusement,
les chefs d'Etats africains se cachent derrière la révision pour
réaliser leur calcul politicien, et atteindre ainsi des objectifs
personnels.
Or, la thèse ou la théorie de la
stabilité constitutionnelle ne veut pas dire que les dispositions
constitutionnelles sont immuables ; ces dispositions seraient immuables si
elles devaient rester identiques. Sur ce, Jean GICQUEL pense que les
constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil. Elles
subissent l'usure du temps, comme toutes les choses humaines. Vivre, n'est-ce
pas s'adapter ! I9
D'où, les modifications ou les révisions
constitutionnelles doivent se faire dans le but d'adapter les dispositions
constitutionnelles à l'évolution de la vie humaine dans la
société et non pour des intérêts
égoïstes ou des calculs politiciens des dirigeants. La
révision ne doit pas consister à la destruction ou à la
désacralisation de la constitution.
Malheureusement, ce mécanisme constitutionnel tel
qu'employé fait inéluctablement que les constitutions africaines
deviennent, comme les qualifie le professeur Jacques DJOLI, des «
constitutions de façade, une coquille vide, un panier à crabe
» .20
I6 CHERIF OUAZANI, « La constitution au coeur des
débats en Afrique », Jeune-Afrique
l'inteligent, 48ème année,
n°2466, du I3 au I9 avril 2008, pp . 62-63 .
I7 ASSANE MBAYE, Op. cit.
I8 Charte des Nations Unies,
http://www .wikipedia
.chartenationsunies .org, (Consulté le mardi I4
décembre 20I0) .
I9 GICQUEL, J ., Droit constitutionnel et institutions
politiques, 20ème éd ., Montchrestien, Paris,
2005, p . I77 .
20 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel
congolais, Notes de cours polycopiées,
2ème Graduat, Faculté de Droit, UNIKIN,
2007-2008, p . 25 .
7
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
La constitution en Afrique n'est qu'une façade
derrière laquelle se cache un régime politique peu soucieux du
constitutionnalisme entant que technique de limitation du pouvoir. Et pourtant,
le constitutionnalisme, hier chanté, loué et même
canonisé par les dirigeants africains comme la voie royale pour leur
développement économique, politique et culturel est en
procès, accusé d'être responsable des difficultés
que rencontrent les Etats, notamment l'instabilité gouvernementale et
l'inefficacité du pouvoir politique. On l'accuse aussi d'être un
héritage artificiel de la métropole complètement
déconnecté des réalités africaines et d'être
le ferment de particularisme qui cristallise les oppositions d'ordre ethnique,
religieux ou culturel.2I
Les Etats ne se ressemblent pas mais les expériences
des uns peuvent servir de modèle ou d'exemple pour les autres. Ainsi, la
RDC a connu plusieurs textes fondamentaux qui ont régi le pays depuis
son indépendance jusqu'à ce jour, avec la constitution du I8
février 2006 telle que révisée.
Pour rappel, la deuxième République a connu une
histoire particulièrement mouvementée des révisions
constitutionnelles, parce que la seule, la constitution du 24 juin I967 a connu
un record de modifications, soit dix-sept fois au total. Ces incessantes
révisions ont eu un impact négatif sur le régime politique
qui a fatalement dégénéré en une dictature de
triste mémoire.
Cependant, la philosophie de la refondation de l'Etat
contenue dans le texte fondamental de 2006 voulait que celui-ci soit
préservé des tripatouillages et des grenouillages22,
comme l'a été la constitution de la deuxième
république. Malheureusement, le vieux démon de cette
dernière république et celui de certains Etats africains semblent
toujours hanter la classe politique congolaise. Voilà qu'il y a de cela
quatre ans que la constitution de 2006 vient d'être
éventrée.
Cette révision à quelques mois des scrutins
constituerait un test crucial sur le fondement moral de la démocratie au
Congo .23 Ne serait-ce pas une manière d'entraver la
démocratie dans ce genre de révision réputée
d'urgence selon les dirigeants actuels du régime, ladite révision
est sujette d'une frustration au sein de la classe politique congolaise.
2I BENGALY, A ., « Droit constitutionnel », http
:// www .efccnigeria .org, (Consulté mardi le I4 décembre
20I0) .
22 DJOLI ESENG'EKELI, J ., cité par PUNGA KUMAKINGA, P
., Constitutions et constitutionnalisme en Afrique. Cas de la RDC,
Mémoire de Licence, Faculté de Droit, Université de
Kinshasa, 2005, p . 8 .
23 DIKEBELAYI, J .M ., « Tentative de révision
constitutionnelle à quelques mois des scrutins : un test crucial sur le
fondement moral de la démocratie », http :// www .congolex,
(Consulté le dimanche, 30 janvier 20II) .
8
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Face à cette situation constitutionnelle que
traverse les Etats africains en général et la RDC en particulier,
il nous parait loisible, pour dégager quelques pistes de solution, de
susciter des questions pouvant élucider ou orienter notre
démarche scientifique.
De ce qui précède, on peut logiquement
se demander quel impact les révisions constitutionnelles ont-elles sur
la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique et
plus particulièrement en RDC ? Ces révisions concourent-elles au
développement et au bien-être des populations du continent ?
Sont-elles un facteur de préservation de la paix ou simplement un
facteur provocateur des tensions dans les Etats ? A qui profitent vraiment les
révisions constitutionnelles en Afrique ?24 Enfin, quelles
sont les motivations qui conduisent aux propositions de révisions
constitutionnelles ?
Telles sont les questions principales auxquelles
cette recherche s'évertuera à répondre.
III. HYPOTHESES
Il est impérieux dans une analyse scientifique
comme celle-ci d'émettre des hypothèses face aux
différentes préoccupations soulevées sous forme des
questions dans la problématique.
En effet, l'hypothèse est donc conçue
comme une série des réponses qui permettent de prédire la
vérité scientifique au regard des questions posées par la
problématique .25 Elle est aussi l'explication provisoire
à la nature des relations entre deux ou plusieurs
phénomènes .26
En clair, l'hypothèse peut être
considérée comme une affirmation vraisemblable mais non
vérifiée, ou des réponses provisoires aux questions
posées auxquelles l'analyse pourrait confirmer ou infirmer.
Cela étant, les révisions
constitutionnelles en Afrique ont un impact lourdement néfaste sur le
constitutionnalisme et la démocratie. On remarque qu'en dépit de
la rigidité procédurale consacrée, s'installe curieusement
une inflation révisionniste.
24 MOUSTAFA, E ., « A qui profitent les
révisions ? », http ://www .amis .monde-diplomatique
.fr, (Consulté le dimanche I3
février 20II) .
25 SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de
la recherche scientifique, éd . M .E .S, Kinshasa, 2006, p
. 52 .
26 MULUMA MUNANGA, Le guide du chercheur en
sciences sociales et humaines, éd . Sogedes, Kinshasa,
2003, p . 34 .
9
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette dernière traduit en effet la permanence d'une
grande instabilité constitutionnelle en Afrique. La révision la
plus fréquente de nos jours est évidemment celle concernant la
clause instituant la limitation des mandats présidentiels.
Cette pratique concerne la presque totalité des pays
africains au point qu'on peut se demander, au vu de sa banalisation, si la
révision constitutionnelle devient un simple processus d'ajustement de
la norme fondamentale. Cette pratique constitutionnelle africaine
révèle une institutionnalisation de la crise constitutionnelle,
une instabilité chronique de la constitution caractérisée
par des révisions beaucoup trop faciles susceptibles de créer une
insécurité juridique .27 Ces révisions
constituent également un danger pour le processus de la consolidation de
la démocratie. Elles sont aujourd'hui un des enjeux de la lutte pour le
pouvoir : chacun veut modifier la constitution pour s'assurer un avantage
décisif dans l'accession ou le maintien à la commande .28
En plus, elles amènent un changement du régime,
le système politique également change ; le chef de l'Etat
institue la plupart du temps un pouvoir à vie qui souvent
débouche sur des rébellions, des putschs ou des coups d'Etats qui
visent à démettre de ses fonctions le 'monarque' ainsi
installé au sommet de l'Etat. Ceci justifie bel et bien l'analyse du
professeur André MBATA qui pense que le constitutionnalisme et la
démocratie sont fortement menacés en Afrique ; et il
renchérit que cela se fait dans des situations où l'élite
intellectuelle est soumise à l'élite politique .29 Or,
le respect de la démocratie, c'est le respect de la paix. Quand on a la
démocratie, la paix et la sécurité suivent mais dans ce
contexte, le non respect de la constitution et de la démocratie engendre
l'insécurité.
Etant donné que les performances de tous ces Etats
africains, à l'exception bien sûr de quelques uns, sont minables
depuis des décennies, l'hypothèse selon laquelle « l'Afrique
reste une fidèle abonnée aux basses marches de l'échelle
du développement socioéconomique à cause, en grande
partie, des malversations politiques et économiques des élites
politiques qui la gouvernent, est plus que jamais plausible. En effet,
contrairement au vin qui se bonifie avec l'âge, les dirigeants africains
entrent en vieillissant, dans une dégénérescence politique
qui les rend si allergiques aux
27ATANGANA AMOUGOU, J .L ., « Les
révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme
africain », http ://www .droitconstitutionnelenafrique .org,
(Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .
28 ALFA TOGA, B ., Op.cit.
29 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Responsabilité
sociale des intellectuels du Congo et de la sous-région :
constitutionnalisme, démocratie en Afrique centrale et renaissance
africaine »,
http://www .afrique .kongotime
.info « RDC », (Consulté le jeudi 02
décembre 20I0) .
I0
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
libertés individuelles et collectives, qu'ils mettent
en place des innovations sociopolitiques régressives en matière
de développement .30
Certains chefs d'Etats s'illustrent dans le
néo-patrimonialisme et font régresser l'économique et
réduire la res publica en leur profit. Selon J.F.Médard, le
néo-patrimonialisme désigne « la confusion de la chose
publique et de la chose privée qui est généralisée
en Afrique qu'on en arrive à mettre en question la notion même de
l'Etat, laquelle repose justement sur cette distinction. Le
néo-patrimonialisme a pour résultat de personnaliser les
relations politiques et de transformer les ressources politiques en ressources
économiques .3I
En outre, le continent s'engouffre dans des crises
interminables de tout bord, lesquelles crises ont souvent été
malheureusement accompagnées de bain de sang et de massacre des
populations. Nombreux sont encore ces pays qui payent et continuent à
payer le prix de la discorde politique, très souvent née des
tripatouillages constitutionnels.
Lorsque les armées nationales, transformées en
milices des pouvoirs en place, torpillent toutes les manifestations populaires
opposées aux dictatures qui font corps avec les intellectuels de
système .32 Audacieuses et tenaces, les populations aussi
à leur tour cherchent à reprendre leur destinée nationale
en main. Ce qui entraine le pays dans une crise totale et
généralisée.
Les révisions constitutionnelles sont devenues une
pandémie de politique africaine qui sévit le continent. Elles ne
sont probablement et la plupart du temps que profitables à leurs
initiateurs. Puisqu'elles se pratiquent en Afrique comme un moyen pour les
gouvernants non seulement de se maintenir au pouvoir, mais aussi de
pérenniser leur système politique. Or, actuellement selon Salmon
Pierre, l'émergence des systèmes politiques sont fondés
sur des nouveaux principes : le pluralisme, l'alternance, l'Etat de droit
.33
30 AMOUGOU, T ., Op. cit
3I MEDARD, J . F ., « L'Etat clientéliste
transcendé », Politique africaine, n°0I, octobre,
I996, pp . I20-I23 .
32 AMOUGOU, T ., Op. cit
33 PIERRE, S ., « Processus démocratique en
Afrique : impact et perspectives » . Actes du colloque national,
Cotonou, II avril, I994, p . I3 .
II
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette hypothèse se vérifie également
dans le discours du président de l'Assemblée nationale
congolaise, le professeur Evariste BOSHAB, lorsqu'il déclare : « la
révision constitutionnelle est un exercice légal et
démocratique, car la constitution n'est pas instituée « ad
vitam aeternam » mais la constitution doit s'adapter à la
réalité d'un peuple » .34
Comme on le voit, les constitutions africaines, en
général et congolaises en particulier se sont toujours
transformées en constitutions-programme, en lieu et place de
constitutions-loi. La révision en janvier dernier de la constitution du
I8 février 2006 n'a pas été dictée par un besoin
d'adaptation ou une nécessité sociale. Les dirigeants en place au
pouvoir étaient motivés par des visées
électoralistes et l'assentiment du peuple n'a été
recherché qu'après coup .35
Ainsi, seules les motivations politiques subjectives et
personnelles sont à la base de la plupart de révisions
constitutionnelles ou des propositions de révision constitutionnelle en
Afrique, y compris en RDC. Ces révisions non seulement mettent en cause
la stabilité des institutions et du régime politique, mais
contribuent également à aménager un environnement propice
au pouvoir.
IV . INTERET ET OBJECTIFS DU TRAVAIL
A . INTERET
Il est nécessaire de justifier le choix et d'en
démontrer son vrai intérêt aussi bien scientifique que
pratique. En effet, comme l'explique bien MBOKO DJ'ANDIMA : « le sujet
doit avoir toujours un intérêt direct à la solution des
interrogations et problèmes qui se posent à la communauté
» .36
Ainsi, le choix de ce sujet présente naturellement
pour nous un double intérêt : théorique et pratique, au
regard de l'impact qu'entrainent les révisions constitutionnelles en
Afrique, plus particulièrement en République démocratique
du Congo.
34 NGAPI, R . et ETINGA, S ., « RDC : Evariste BOSHAB :
la révision constitutionnelle n'est pas un tabou », http ://
www.afrique.kongotime.info/rdc/parlement, (Consulté le dimanche 30
janvier 20II) .
35 La révision qui a eu lieu le I5 janvier 20II . Voir
Loi-constitutionnelle n° II/002 du 20 janvier 20II portant révision
de
certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo du I8 février 2006, JORDC,
n°3, Kinshasa, du Ier février 20II .
36 MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière
de rédaction d'un travail universitaire, éditions CADICEC-
UNIAPAC, Kinshasa, 2004, p . 2I .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
En effet, sur le plan théorique, l'option prise par ce
sujet a été motivée par la sensibilité scientifique
d'une question récurrente, mais virulente et qui serait à ce jour
comme une pandémie qui menace l'Afrique et qui mérite l'attention
de tout intellectuel, tant africain que congolais.
La révision constitutionnelle, en tant que
mécanisme issu de la constitution, s'apprécie dans le cadre du
droit constitutionnel en vue de faire comprendre aussi bien aux
étudiants qu'aux citoyens comment tel mécanisme s'applique dans
un Etat. Ce procédé de la révision n'est pas une question
taboue, puisqu'elle est prévue dans presque toutes les constitutions
à travers le monde, dont celle de la RDC. Ainsi, à travers cette
étude, nous allons contribuer à ce débat combien houleux
en Afrique sur l'opportunité des révisions constitutionnelles. Il
s'agit, on le voit, d'un débat essentiellement juridique, qui mobilise
de plus en plus des juristes publicistes.
Par contre, l'intérêt pratique de cette
étude dans le contexte congolais tient au fait que l'histoire
constitutionnelle de ce pays ne laisse aucunement de bons témoignages.
En effet, les souvenirs d'une deuxième République où les
constitutions pouvaient être promulguées aujourd'hui pour
être suspendues demain sont encore vifs dans le chef des congolais. De
sorte qu'avec un révisionnisme à outrance, un Etat aura du mal
à instaurer une démocratie constitutionnelle, les
révisions étant une occasion pour renforcer et pérenniser
le pouvoir des dirigeants, lequel est forcément hostile aux exigences du
constitutionnalisme. Et avec les tripatouillages de certaines dispositions
révisées dernièrement pour aménager une issue
heureuse aux détenteurs actuels du pouvoir, l'intérêt d'une
telle étude en RDC se précise davantage.
Avec une révision obtenue comme par un coup de force
ou un coup d'Etat constitutionnel, il y a désormais en RDC comme un
paradoxe de la cohabitation entre une rigidité constitutionnelle
formelle selon la théorie et une instabilité constitutionnelle
réelle, au regard de la pratique. Ce paradoxe du nouveau
constitutionnalisme africain mérite que l'on s'interroge sur le droit
constitutionnel africain, car les mouvements démocratiques n'auraient
aucune force si les risques d'instrumentalisation des constitutions demeuraient
réels .37
En tout état de cause, cette jonction théorique
et pratique fait apparaitre qu'il y a inadéquation ou incohérence
entre d'une part ce qui est enseigné, voire ce qui est prévu et
d'autre part ce qui est pratiqué ou ce qui s'applique au
Congo-Zaïre.
I2
37 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit.
I3
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
B . OBJECTIFS
A travers cette étude, nous nous sommes assigné
des objectifs suivants :
· Savoir comment les dirigeants africains en
général et ceux de la RDC en particulier arrivent à
dépouiller la constitution de sa puissance suprême ;
· Analyser l'influence ou l'impact de la révision
constitutionnelle sur le constitutionnalisme et la démocratie en RDC
;
· Faire comprendre à tout chercheur, à
tout étudiant et au peuple souverain les différents enjeux
constitutionnels à travers ce procédé de révision
;
· Envisager des pistes de solution.
In concreto, notre objectif consiste à apporter des
réponses aux différentes préoccupations juridiques qui
sont soulevées par les révisions constitutionnelles, une pratique
qui s'observe dans notre pays et un peu partout dans le continent africain.
V . METHODOLOGIE
Pour mener à bien cette étude, nous avons en
recours à quelques méthodes, lesquelles vont nous faciliter la
tâche dans la démarche.
La méthode est constituée de l'ensemble
d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontre et les vérifie .38 Elle est l'ensemble des
règles visant surtout des processus et des formes de raisonnement et de
conception rendant accessible des réalités à saisir
.39
René DESCARTES la définit comme un chemin
à suivre pour arriver à une vérité que l'on
poursuit.49 En outre, elle est un moyen, pas une fin, elle est un
instrument devant permettre à l'esprit de s'épanouir, à la
réflexion de s'élargir, à l'expression de
s'éclaircir .4I Il va de soi que l'essentiel dans un travail
juridique réside dans la pertinence des idées. L'utilisation
d'une méthode a pour objet de mettre en valeur la qualité de la
réflexion.
Ainsi, nous allons faire recours aussi bien à la
méthode juridique qu'à celles des sciences sociales. Chaque
discipline a ses impératifs. Comme toute discipline
38 GRAWITZ, M ., Méthode en sciences sociales,
Vol.8, éd . Dalloz, Paris, I996, p . 3I7 .
39 DUVERGER, M ., Méthode des sciences sociales,
éd ., PUF, Paris, I964, p . 68 .
49 DESCARTES, R ., Discours dela méthode,
Hachette, Paris, I937, p . 3 .
4I COHENDET, M .A ., Méthode de travail de droit
public, 3ème éd ., Montchrestien, Paris, I998, p
.I2
I4
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
a un objet et une méthode propre42, celle-ci
ne reste pas hors réalité. C'est ainsi que se justifie la
préséance de la méthode juridique dans ce travail par
rapport aux autres méthodes prises d'une manière subsidiaire.
En droit, la méthode revêt plusieurs aspects.
L'objectif du juriste étant de démontrer une solution juridique,
la méthode qu'il utilise doit être entendue comme la
«manière dont les juristes organisent leur raisonnement pour
parvenir à ce résultat » .43
Ainsi, cette méthode juridique dans son approche
exégétique sera d'une grande utilité à travers les
différents textes que nous allons étudier dans le cadre de cette
étude, en musant plus sur les constitutions dont on trouve des
dispositions relatives à leur révisions ; ceci aura le concours
de la « topique-problématisante »44, dans le cas
spécifique de la constitution du I8 février 2006 telle que
modifiée en ce jour.
La méthode juridique sera complétée par
les méthodes de science politique, la méthode historique, celle
comparative et également celle dialectique.
De manière claire, avec la méthode historique
dans son approche diachronique, notre étude aura à relater
quelques faits passés en RDC, mais aussi elle passera en revue
l'histoire des révisions constitutionnelles intervenues sous la
deuxième République.
Grâce à la méthode comparative, certaines
révisions constitutionnelles avec leurs effets sur certaines valeurs
constitutionnelles congolaises seront mieux comprises lorsqu'elles seront
confrontées aux réalités de certains pays du continent.
Donc, une voie qui nous plonge dans le droit constitutionnel comparé qui
aura une très grande importance dans cette réflexion.
Enfin, la méthode dialectique pourra être d'un
apport significatif d'autant que, procédant par l'opposition ou la
contradiction faite entre des dispositions constitutionnelles prévues et
celles pratiquées ou l'application de ces dernières et,
analysant, discutant ce qui est et devrait être, ou aboutisse à
des conclusions sous forme de synthèse, dégagée sur base
de l'opposition thèse-anti-thèse.
42 MBOKO DJ'ANDIMA, Op. cit, p . 2I .
43 Idem.
44 La topique-problématisante est une méthode
d'interprétation constitutionnelle. Elle est de plus en plus
pratiquée en tant que telle dans la jurisprudence constitutionnelle.
Elle est une méthode authentique de l'interprétation de la
constitution. Voir WOLFANG, E ., Le droit, l'Etat et la constitution,
LGDJ, Paris, 2000, p . 229 .
I5
I6
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
VI. REVUE DE LITTERATURE
Ce volet nous donne l'opportunité de passer en revue
quelques auteurs qui ont donné leur point de vue sur les concepts que
nous analysons dans le cadre de cette étude, en l'occurrence : la
révision constitutionnelle, le constitutionnalisme et la
démocratie dans leurs ouvrages respectifs. Il nous reviendra à
nous, de donner notre position voire réaction face aux différents
points de vue de ces auteurs.
Peter HABERLE45 dans son ouvrage "L'Etat
constitutionnel", entrevoit l'idée d'une révision de la
constitution comme l'expression du processus de croissance et de
développements normaux de la constitution d'Etat constitutionnel. Or,
dans la plupart de cas, la révision d'une constitution suscite toujours
tant de problèmes et entraine parfois l'instabilité des
institutions politiques ; elle provoque aussi l'insécurité et
l'inquiétude de la population. Dans ce cas, la révision n'a rien
à avoir avec le développement ou la croissance de la
constitution.
Jean-Claude ACQUAVIVA46 dans son ouvrage
intitulé "Droit constitutionnel et institutions
politiques", pense quant à lui que toutes les
précautions prévues dans toutes les constitutions ont le but de
rendre difficile leur révision ; et parfois, d'autres dispositions
rendent certaines révisions impossibles. Malheureusement, cette
interdiction ou précaution reste contournable dans le sens que le
pouvoir constituant dérivé n'a le droit de l'enfreindre, mais il
lui arrive à la supprimer. Nous remarquons que, en dépit de cette
limitation de la révision d'une constitution, le pouvoir constituant
dérivé ou le pouvoir exécutif outrepasse ses
prérogatives en faisant leur volonté et non seule du peuple
souverain.
Dans "Constitutions en Afrique : Silence, on
révise", Adja DJOUNFOUNE47 montre que l'alternance
au pouvoir est devenue presque impossible, les pouvoirs en place modifiant sans
cesse les dispositions de la constitution afin de permettre les candidatures
à vie de leurs chefs. La révision constitutionnelle en Afrique
est perçue d'abord comme « une technique d'établissement de
la monopolisation du pouvoir » et ensuite comme « un instrument de
pérennisation du système politique » .
45 HABERLE, P ., L'Etat constitutionnel, Economica,
Paris, 2004, p .I20 .
46 ACQUAVIVA, J .C ., Droit constitutionnel et institutions
politiques, 8ème éd ., Gualino, Paris, 2005, p .
67 .
47DJOUNFOUNE, A ., « Constitutions en Afrique
: Silence, on révise »,
http://www
.camerounmonpays .over-blog .com, (Consulté le mardi I4
décembre 20I0) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Examinant également la récurrente
question de révision constitutionnelle en Afrique, Thierry
PERRET48, tout en admettant qu'une constitution change, se demande
par ailleurs comment la révision doit s'effectuer. Il précise,
sur base d'une différence qu'il opère entre la révision
structurelle et celle conjoncturelle, que la révision ne doit pas
être inspirée toujours par des considérations politiques.
En clair, la révision ne doit pas être conjoncturelle, elle doit
être structurelle.
Robert DOSSOU49 regrette quant à
lui, que les récurrentes modifications sont loin de prendre en
considération les aspirations, les intérêts du peuple,
l'asservissent et en font des moutons de panurge. C'est souvent pour la
conservation, la dévolution monarchique du pouvoir à un dauphin
(un protégé dans les temps anciens, mais maintenant c'est
l'ère des fils), que des constitutions sont modifiées avec une
désinvolture presque insultante vis-à-vis du peuple. Ensuite, les
dirigeants africains les considèrent comme des brouillons qu'on peut
changer au gré de leurs humeurs. Or, la constitution n'est pas un jouet,
moins encore la révision constitutionnelle n'est pas un mécanisme
stratégique pour les élections, qui pour la plupart sont
gagnées à l'avance. Ce sont des élections
tronquées.
Dans "Les révisions
constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme
africain", le professeur Jean-Louis ATANGANA
AMOUGOU50 constate que ces révisions constitutionnelles ont
été rendues possibles grâce à la docilité des
parlements généralement dominés par l'ancien parti unique
devenu largement majoritaire sous le multipartisme. Les majorités dont
disposent, généralement, les dirigeants africains au sein des
parlements du fait du parti dominant d'aujourd'hui, héritier du parti
unique d'hier, leur permettent toujours de modifier la norme fondamentale en
toute légalité. Bien plus, l'extrême facilité avec
laquelle les révisions aboutissent en Afrique, témoigne d'une
certaine instabilité de ces constitutions. C'est
précisément cette instabilité de fait qui peut expliquer
en partie la crise de la notion de constitution en Afrique. Cette crise ne se
manifeste certes plus, dans le nouveau constitutionnalisme africain, par
l'idée de bannir la constitution ou par des vides constitutionnels mais
la remise en chantier permanente de nouveaux textes fondamentaux en est la
traduction matérielle. Ceci se fait à partir du moment où
une constitution peut être facilement modifiée, même en
toute conformité avec la stricte légalité
constitutionnelle, s'installe alors un risque réel de confusion entre la
loi ordinaire et la constitution. Certes, la suprématie de la loi
fondamentale y perd de sa substance. Cette prolifération de
révisions constitutionnelles donne lieu à une
48 PERRET, Th ., cité par PUNGA KUMAKINGA, P .,
Op. cif, p . 8 .
48 DOSSOU, R ., « L'inflation révisionniste
»,
http:// www .facebook
.com/topic .php, (Consulté le dimanche
I3 février 20II) 50 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cif
.
I7
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
récurrence des réformes
institutionnelles, accréditant l'idée de la faible
institutionnalisation de l'Etat africain.
ALIOUNE TINE51
entrevoit dans 'Toucher aux constitutions est un
crime de haute trahisons' que les révisions
à caractère opportuniste des constitutions africaines, affectent
négativement le développement et le renforcement de la
démocratie. Elles s'inscrivent dans un contexte global de
régression de la démocratie en Afrique, qui se manifeste
notamment par des élections frauduleuses, des élections
gagnées en avance, tronquées voire contestées. C'est le
cas pour la quasi-totalité des élections en Afrique. Cela
démontre l'impunité par rapport aux révisions
constitutionnelles. Cette impunité serait des coups d'Etat de type
constitutionnel, laquelle permet à tout dirigeant africain qui a besoin
d'être président à vie de faire sauter le verrou
constitutionnel qui est pourtant essentiel pour la démocratie, pour sa
vitalité, pour le renouvellement des cadres et même pour les
nouvelles générations.
Le nouveau constitutionnalisme qui s'est
installé dans ce paysage démocratique africain marquait
clairement une volonté de rupture, à la fois avec la dictature
des partis uniques et l'autoritarisme des régimes militaires. Pour
éviter le retour des vieux démons, des procédures rigides
de révision constitutionnelle avaient été imaginées
pour décourager des velléités le retour au statu quo ante.
Malheureusement, toutes ces précautions ne semblent pas avoir
pesé bien lourd, face à l'irrésistible attraction du
pouvoir chez les rois nègres qui, tels des snipers, ont entrepris de
démolir tous les échafaudages juridiques, susceptibles d'entraver
leur volonté de règne à vie ou règne
éternel.52
Le professeur André
MBATA53 dans
'Perspectives du constitutionnalisme et de la
démocratie en République démocratique du Congo sous
l'empire de la constitution du I8 février 2006' pense qu'une
constitution doit remplir certains critères pour se conformer à
l'idéal du constitutionnalisme. Elle doit passer les tests de
suprématie, de légitimité, de protection des droits de
l'homme et de limitation des pouvoirs.
5IALIOUNE TINE, «
Toucher aux constitutions est un crime de haute trahison »,
http://www
.Africatime com/niger/nouvelle.asp,
(Consulté le mardi 25 janvier 20II) .
52 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions
constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions
régressives », http://
www.evenement.bf.net,
(Consulté le jeudi 28 janvier 20II) .
53 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Perspectives du
constitutionnalisme et de la démocratie en République
démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8
février 2006 », in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour
l'épanouissement de la pensée juridique congolaise,
(Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant --PUK, Bruxelles-Kinshasa,
2006, pp .I85-224 .
I8
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
VII. DELIMITATION DU SUJET
Comme tout travail scientifique qui exige une
limitation, nous sommes amené, nous aussi, à circonscrire notre
travail aussi bien dans le temps que dans l'espace ; cela nous
départirait de toute généralisation abusive qui
affecterait la validité de ce travail.
Ainsi, nous nous sommes focalisé sur les enjeux
de la révision constitutionnelle sous la constitution de 2006 telle que
modifiée en ce jour en République démocratique du Congo, y
compris les précédents constitutionnels qu'a connus le
Congo-Zaïre. Mais, cela n'empêcherait pas également
d'effleurer quelques révisions des constitutions en Afrique, avec leur
impact sur le constitutionnalisme et la démocratie.
VIII. PLAN SOMMAIRE
Cette étude est repartie en deux parties,
précédées d'une introduction et suivies d'une
conclusion.
La première partie est consacrée
à l'approche théorique sur la constitution, la démocratie
et le constitutionnalisme. Elle est scindée en deux chapitres dont le
premier se focalise sur la constitution, la démocratie et le
constitutionnalisme, le deuxième quant à lui traite des
constitutions et révisions constitutionnelles en Afrique.
La seconde partie aborde les révisions
constitutionnelles et le constitutionnalisme dans l'histoire constitutionnelle
et politique de la RDC. Cette partie comporte deux chapitres. Le premier
chapitre se penche sur les révisions constitutionnelles sous la
première et la deuxième République ; le second et dernier
chapitre aborde les révisions constitutionnelles sous la
troisième République.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
PREMIERE PARTIE
APPROCHE THEORIQUE SUR LA C ONSTITUTION' LA DEMOCRATIE
ET LE CONSTITUTIONNALISME
La théorie est aussi une étape importante
que la pratique dans un cadre spécifiquement scientifique, raison pour
laquele cette première partie est entièrement
théorique. Celle-ci s'efforcera d'exposer clairement la notion de la
constitution, la démocratie et le constitutionnalisme.
Cette partie sera étudiée en deux chapitres,
à savoir : constitution, constitutionnalisme et démocratie (Chap.
I) ; constitutions et révisions constitutionnelles en Afrique (Chap.
II).
20
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CHAPITRE PREMIER
CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE
Au cours de ce chapitre, nous passerons en revue toute
l'analyse sur la constitution, le constitutionnalisme et la démocratie
car, la compréhension logique de la suite en dépendra
énormément. C'est pourquoi, il convient d'abord de définir
les différents concepts (section I), et par la suite de faire le rapport
entre constitution, constitutionnalisme et démocratie (section II) .
SECTION I. DEFINITION DES CONCEPTS
§1 . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME
Ces deux concepts concourent au même but et à la
même finalité, c'est-à-dire ils sont des concepts
inséparables ; l'un ne peut se détacher de l'autre.
1*1* CONSTITUTION
La constitution est conçue initialement comme un moyen
pour lutter contre l'absolutisme royal de l'époque.
Cependant, il est impérieux avant tout de distinguer
les conceptions de la constitution pour ne pas escamoter une partie de
l'explication de cette notion. Sur ce, deux conceptions sont à l'origine
des définitions d'une constitution, à savoir, la conception
juridique et celle politique.
1°) Conception juridique
D'après cette conception, tout Etat a
nécessairement une constitution du moment qu'apparait un pouvoir
institutionnalisé permettant de différencier le pouvoir en soi et
ses agents d'exercice .54 Ceci, puisque les gouvernants n'usent pas
de leur prérogatives en vertu d'une qualité qui leur est propre,
mais que celles-ci leur sont déléguées, ils doivent
obligatoirement être désignés et investis d'un statut. Ce
sont les règles relatives à ce mode de désignation,
à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir politique qui forment
la constitution de l'Etat. Elle est le canal par lequel le
54 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Droit constitutionnel
général, éd ., EUA, Kinshasa, 2005, p . II9
2I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
pouvoir passe de son titulaire, l'Etat, à ses agents
d'exercice, c'est-à-dire les gouvernants .55
Or, la conception politique de la constitution serait
largement différente de celle juridique. Elles n'ont pas la même
acception.
2°) Conception politique
Selon le professeur Alphonse-Daniel NTUMBA LUABA, l'approche
juridique de la constitution apparait neutre alors que la conception politique
est plutôt orientée idéologiquement. Dans ce sens, les
révolutionnaires français de I789 perçoivent la
constitution non seulement comme le moyen d'organiser l'Etat, mais aussi de
limiter le pouvoir du monarque et de garantir les libertés individuelles
.56 C'est à cette conception que répond la formule de
Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de I789-I79I en son
article I6 que : « toute société dans laquelle la garantie
des droits n'est pas assurée, n'a pas de constitution » .57
Ces deux conceptions de la constitution nous ont permis
d'entamer la définition proprement dite de la constitution.
En effet, la constitution peut se concevoir de deux
manières ou sens : matériel et formel.
Au sens matériel, la constitution est entendue comme
l'ensemble des normes juridiques régissant le fonctionnement des
pouvoirs publics .58 Elle est la règle relative aux
conditions d'acquisition et d'exercice du pouvoir politique .59
Ici, la réflexion s'attache plus sur l'objet, au
contenu ou à la substance même de l'acte.
Quant au sens formel, la constitution s'entend comme le
document qui réglemente les institutions et qui ne peut être
élaboré ou modifié que selon une procédure
différente des autres formes d'établissement des règles de
droit .60 Elle apparait dans ce sens comme un ensemble de
règles juridiques élaborées et révisées
55 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 75
56 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . II9 .
57 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 75
58 ibid., p . 76 .
59 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . I20 .
60MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p .
76 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
selon une procédure spéciale et
supérieure à celle utilisée pour les autres normes
juridiques .6I
La constitution est dès lors une norme stable,
originaire, unificatrice et rationnalisante des règles de vie en
société. Elle est supérieure à toute norme
juridique, l'Etat est toujours soumis à elle .62
Certes, la forme de la constitution peut varier. Pour nous,
elle est conçue comme écrite, mais la constitution peut tout
à fait être coutumière (par exemple, la constitution
Britannique). Egalement, des coutumes constitutionnelles peuvent
compléter, contredire, voire affirmer le texte constitutionnel
écrit. Existent aussi des conventions de la constitution, qui sont des
accords institutionnels, souvent coutumiers, passés entre
différents pouvoirs publics en marge d'un texte constitutionnel.
Enfin, la constitution peut avoir différentes
qualités. Elle peut être souple ou rigide. Souple dont son
mécanisme de révision est identique à celle d'une loi
ordinaire. Ainsi, la constitution formelle est donc une loi. Sa forme ne
diffère pas d'un texte législatif, et au final, il n'y a qu'une
constitution rigide. A l'inverse, la procédure de révision de la
constitution est différente de la loi ordinaire, elle est tout à
fait spéciale .63
La constitution est créée par le pouvoir
constituant originaire. Ce pouvoir constituant n'est pas
appréhendé par le droit, c'est un fait politique, qui crée
la constitution. Pour identifier la création d'une constitution, d'une
révision constitutionnelle, il faut remarquer que la révision
s'effectue dans le cadre prévu par la constitution. A l'opposé,
le changement de constitution suppose une véritable rupture avec les
procédures établies préalablement.
1*2* CONSTITUTIONNALISME
Comme précédemment pour la constitution, le
constitutionnalisme a deux conceptions : classique et moderne.
1°) Conception classique
D'usage traditionnel, le constitutionnalisme désigne le
mouvement historique d'apparition des constitutions et définit la
signification d'une constitution
6I BIBOMBE MUAMBA, B ., Droit constitutionnel et
institutions politiques, Notes de cours polycopiées, Premier
Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIS, Kisangani, 2005-2006, p . 28
.
62 Droit constitutionnel,
http://fr .wikipedia
.org/wiki/droit^constitutionnel, (Consulté le vendredi 25
février 20II).
22
63 Idem.
23
24
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
comme technique de limitation du pouvoir .64 Il
désigne aussi un courant politique, né de la révolution
française dont le but principal fut la limitation du pouvoir par la
constitution. Toute la littérature de cette époque mettait
l'accent, pour définir cette notion, sur la limitation du pouvoir des
monarques absolus .65
Cette conception rentrait dans l'optique même de la
définition de la constitution qui était alors en vigueur. Il faut
rappeler que la conception de la constitution dominante selon laquelle la
constitution est l'ensemble des règles, des institutions relatives
à l'organisation du pouvoir de l'Etat était une conception, comme
l'avons-nous dit, essentiellement politique. De ce point de vue, même la
limitation du pouvoir monarchique qui était prônée n'avait
qu'une connotation simplement politique ou institutionnelle.
Concrètement, il fallait limiter le pouvoir absolu du monarque au profit
d'un parlement naissant, expression de la volonté populaire.
Eric OLIVA écrit : « le constitutionnalisme
signifiait auparavant sous la révolution française, qu'une
constitution écrite et rigide devait être adoptée, afin de
limiter l'absolutisme monarchique .66
Pour Philippe RAYNEAUD, on parle parfois de
constitutionnalisme « ancien » ou « médiéval
» pour désigner les freins que les régimes de
l'Antiquité mettaient à l'exercice du pouvoir politique afin de
substituer le règne de la justice .67
Le constitutionnalisme est un mouvement qui a pour ambition de
défendre la liberté et de limiter les nuisances du pouvoir
politique au moyen de la « constitution » ou « loi fondamentale
».68
Alphonse-Daniel NTUMBA LUABA pour sa part, parle du «
constitutionnalisme précolonial » qui assumait une double
fonction : légitimer le pouvoir établi (par notamment la
sacralité du pouvoir) et éviter que le pouvoir ne soit
tyrannique. Cela visait la prédominance du sacré et aussi du
groupe social sur l'individu.
Le « constitutionnalisme colonial », par contre,
avait pour finalité, conformément aux intérêts de la
métropole et autant que possible, de substituer un droit et des
institutions d'origine européenne au droit et institutions
traditionnelles africaines.
64 De VILLIERS, M ., Dictionnaire du droit
constitutionnel, 5ème éd ., Armand-colin-Dalloz,
Paris, 2005, p . 59 .
65 REYNAUD, Ph ., et RIALS, S ., (Dir .), Dictionnaire de
philosophie politique, PUF, Paris, I996, p . II8 .
66 OLIVA, E ., Droit constitutionnel,
4ème éd ., Dalloz, Paris, 2004, p . I6 .
67 RAYNAUD, Ph ., "Constitutionnalisme-,
Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p . 266 .
68Centre pour la gouvernance démocratique du
Burkina-Faso, « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles
en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et du
Sénégal », Op. cit.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Le « constitutionnalisme autoritaire » était
dans presque tous les pays. Ceux-ci vont connaitre des régimes de
monocratie constitutionnelle et monopartisanne, fondée sur la
suprématie du parti unique sur l'Etat, culminant dans le règne du
parti-Etat. Et enfin, le « constitutionnalisme démocratique »
.69
Le constitutionnalisme est une doctrine fondée sur le
constat de la suprématie de la constitution sur les autres normes
juridiques nationales. Cependant, cette supériorité de la
constitution qui était proclamée était encore politique
à l'époque car, elle n'était pas encore garantie, comme
plus tard, par le contrôle du juge.
Quant à Pierre PACTET, le constitutionnalisme
désigne le mouvement qui est apparu au siècle des
lumières, et qui s'est efforcé, d'ailleurs avec succès, de
substituer aux coutumes existantes, souvent vagues et imprécises et qui
laissaient de très grandes possibilités d'action
discrétionnaire aux souverains, des constitutions écrites
conçues comme devant limiter l'absolutisme et parfois le despotisme des
pouvoirs monarchiques .70
De ce qui précède, nous disons que le
constitutionnalisme est, dans son sens classique, un courant politique qui a
pour objectif la limitation du pouvoir politique des gouvernants par la
constitution.
Certes, à travers la conception moderne que nous allons
maintenant examiner, nous découvrirons les différents aspects qui
étaient négligés par la précédente
conception du constitutionnalisme.
2°) Conception moderne
Aujourd'hui, écrit Eric OLIVA, l'expression
constitutionnalisme traduit à la fois la supériorité
politique de la constitution qui se traduit par l'adhésion de l'ensemble
de la communauté nationale à la constitution, mais aussi
juridique qui se traduit par l'invalidation des actes contraires à la
constitution .7I
Comme on peut le constater, Eric OLIVA introduit un
élément important que négligeait le constitutionnalisme
classique, l'existence ou l'intervention du juge dans le respect de
l'autorité de la constitution et certes dans la garantie des droits des
citoyens.
69 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, pp . II6-II8 .
70 PACTET,P., Institutions politiques et droit
constitutionnel, 20ème éd ., Armand-colin, Paris,
200I, p . 65 7I OLIVA, E ., Op. cit, p . I6 .
25
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Selon Philippe RAYNAUD, le concept de constitutionnalisme
cette fois-ci, désigne les régimes politiques qui, grâce
à l'établissement d'un contrôle de
constitutionnalité exercé par une instance politico-judiciaire
"indépendante", rendant possible la limitation du pouvoir
législatif lui-même, en veillant à la conformité des
lois à la constitution et à ses principes généraux,
et non pas simplement à la légalité des actions du pouvoir
exécutif et de l'administration .72
L'aspect du contrôle juridictionnel de la constitution
est celui que met aussi en évidence la définition du dictionnaire
du vocabulaire juridique : le constitutionnalisme est une doctrine
fondée sur la défense de la supériorité normative
de la constitution au moyen de la justice constitutionnelle .73
Comme le constitutionnalisme ancien, le constitutionnalisme
moderne a suivi aussi l'évolution intervenue dans la définition
même du concept de constitution. En effet, la conception ancienne
entendait par la constitution une organisation politique des pouvoirs, des
institutions de l'Etat. C'est pourquoi le constitutionnalisme comme courant
politique faisait aussi penser au libéralisme, mieux aux institutions
libérales ou démocratiques. En revanche, la conception moderne de
la constitution est celle qui s'appuie sur la supériorité de la
constitution non en tant qu'organisation du pouvoir politique mais en tant que
norme juridique suprême à laquelle doivent se conformer toutes les
autres normes inférieures, sous peine d'invalidation.
De ce fait, la limitation du pouvoir que poursuit le
constitutionnalisme se fait au moyen d'une constitution, norme juridique
supérieure dont le respect est garanti par un juge qui en est le gardien
vigilant. C'est que la conception moderne du constitutionnalisme met l'accent
principalement sur la constitution écrite, qui limite les pouvoirs des
gouvernants, et sur la valeur hiérarchique de cette norme et sur le
rôle actif du juge appelé à veiller sur son respect .74
En outre, la conception moderne du constitutionnalisme a
dégagé d'autres aspects nouveaux, mais qui étaient latents
dans la définition classique : la promotion et la protection des droits
de l'Homme et la soumission de l'Etat au droit (Etat de droit). Au
)()(ème siècle surtout, ces deux aspects ont fait
clairement partie intégrante avec la limitation du pouvoir
(séparation des pouvoirs) dans la définition complète du
constitutionnalisme moderne.
72 RAYNAUD, Ph ., Op. cit., p . 266 .
73 CABRILLAC, (Dir .), Dictionnaire du vocabulaire
juridique, Litec, Paris, 2004, p . I0I
74 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cit ., p . 20 .
26
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Désormais, le constitutionnalisme est un
courant politique qui, grâce au contrôle de la constitution par le
juge, poursuit la limitation des pouvoirs des gouvernants, la protection des
droits et libertés des citoyens et la promotion de l'Etat de
droit.
Alors quel serait maintenant la conception de la
démocratie dans toutes ses acceptions ? Le suivant paragraphe nous en
dira plus.
§2 . DEMOCRATIE
La démocratie est un vieux concept qui a connu
et continue à connaitre de controverses d'interprétation, parce
que défiguré, déformé voire caricaturé par
rapport à d'autres concepts dans la théorie et la pratique
politique. C'est ainsi que le professeur André MBATA constate que dans
le temps et dans l'espace, la démocratie a acquis des sens
différents voire contradictoires. La démocratie a souffert autant
de ses loyaux partisans que de ses plus farouches ennemis
.75
En effet, la définition la plus connue de la
démocratie est celle généralement attribuée au
Président Abraham LINCOLN, qui sans pourtant la définir, se
référait à la démocratie comme étant «
le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » (dans un
mémorable discours prononcé à Gettysburg le I9 novembre
I863) . La difficulté avec cette définition est qu'elle est loin
d'être une réalité. Le peuple n'a véritablement
jamais gouverné pour lui-même. Ce sont plutôt des personnes
ou des groupes de personnes qui gouvernent ou prétendent gouverner en
son nom et au milieu de ses intérêts mais en vrai pour servir
leurs propres intérêts qu'ils tendent à confondre avec ceux
du peuple .76
Ainsi, au milieu de nombreuses définitions de
la démocratie aussi contradictoires, les unes que les autres,
définir la démocratie est devenue un véritable défi
en sciences sociales. Mais hélas, deux grandes conceptions se disputent
le champ
75 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., " Perspectives du
constitutionnalisme et de la démocratie en République
démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8
février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour
l'épanouissement de la pensée juridique congolaise,
(Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant --PUK, Bruxelles-Kinshasa,
2006, pp . I85-224 .
76 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., " Suprématie de
la constitution, indépendance du pouvoir judiciaire et gouvernance
démocratique en RDC", in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU
MANGU, A . et KIENGE KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et
responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence
démocratique en République Démocratique du
Congo, (Actes des Journées scientifiques de la
Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, pp .
394-406 .
27
28
29
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
définitionnel de la démocratie, à savoir
: les conceptions minimalistes et celles maximalistes.
2*1* Conceptions minimalistes
Elles sont généralement basées sur les
institutions de gouvernement et d'autres qui y sont étroitement
liées, particulièrement les partis politiques et les
élections. La démocratie est définie comme une machinerie
d'institutions, procédures et rôles .77 Les conceptions
minimalistes débouchent sur une définition formelle et
institutionnelle de la démocratie.
Nous pouvons dire que, l'idée de la démocratie
formelle vise dans ce cas trois éléments: la compétition
pour l'exercice du pouvoir politique, la participation politique dans le choix
des dirigeants et des politiques, ainsi que les droits civils et politiques.
Or, suivant les vues des minimalistes, la démocratie
est synonyme de démocratie compétitive et multipartisane. C'est
dans ce sens que Sandbrook conçoit la démocratie comme un
système politique caractérisé par des élections
libres et régulières dans lesquelles les hommes politiques
organisés en partis politiques se disputent la formation du
gouvernement, par le droit de vote actuellement reconnu à chaque
citoyen, et par des garantis de droits civils et politiques .78
2*2* Conceptions maximalistes
Elles se basent sur la substance de la démocratie, sur
les valeurs qu'elle est censée servir, particulièrement
l'égalité sociale et les droits socio-économiques. Cela
veut dire que la démocratie est essentiellement socio-économique
et populaire. Les maximalistes adoptent une définition extensive de la
démocratie qui va au-delà des institutions et des droits civils
et politiques pour inclure les valeurs et les droits
socio-économiques.79
77 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du
constitutionnalisme et de la démocratie en République
démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8
février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p .
I95 .
78 Sandbrook cité par MBATA BETUKUMESU MANGU, A .,
"Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en
République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution
du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p
. I96 .
79 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du
constitutionnalisme et de la démocratie en République
démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8
février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p .
I96 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
La démocratie est cependant à la fois, formelle
et institutionnelle mais également substantive, fondée sur des
valeurs sociales et la promotion des tous les droits humains, qu'il s'agisse
des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux et
culturels, de droits individuels, collectifs ou communautaires. C'est ainsi que
la démocratie ne saurait se concevoir sans respect des droits de
l'homme, sans l'Etat de droit, sans élections ni partis politiques.
La démocratie est le gouvernement de tous. Dans une
démocratie véritable (...), le pouvoir appartient au peuple qui
l'exerce directement. Le peuple est lui-même magistrat et
législateur .80 Le feu professeur Bonaventure BIBOMBE
renchérit que, la démocratie est le pouvoir du peuple, par les
élites issues du peuple et pour le peuple .8I
En définitive, la démocratie est le gouvernement
choisi par le peuple et pour le peuple, étant donné que le
gouvernement est issu du peuple, doit fonctionner avec les règles
reflétant la volonté de ce peuple dans les règles de
droit. Elle est aussi en outre, le gouvernement de la majorité, sous
l'oeil vigilant ou sous le contrôle de la minorité, donc
opposition et avec l'arbitrage du peuple.
SECTION II. RAPPORT ENTRE CONSTITUTION,
CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE
Ces trois concepts entretiennent des rapports très
étroits entre eux. Les uns constituent l'instrument des autres en vue
d'une bonne évolution.
Ainsi, cette section va analyser d'abord le rapport entre la
constitution et le constitutionnalisme (§I), et ensuite le rapport entre
la démocratie et le constitutionnalisme (§2) .
§1 . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME
Le lien de rapprochement entre constitution norme et
constitutionnalisme n'est forcement perceptible qu'à travers l'analyse
de différentes conceptions de la constitution.
80 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . 327 .
8I BIBOMBE MUAMBA, B ., Introduction à la science
politique, Notes de cours polycopiées, Premier Graduat Droit,
Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2007, p .I3I .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
1*1* Conception descriptive de la constitution
Au sens organique ou descriptif, la constitution n'est rien
d'autre que le gouvernement d'un Etat et en ce sens, les termes "constitution"
et "gouvernement" sont interchangeables .82
Cette conception se donne pour tâche de décrire
l'organisation de l'Etat, la structuration des institutions sans trop se
pencher sur le contenu de celle-ci, voire de la philosophie qu'elles
dégagent. C'est la conception développée par Lord
BOLINGBROKE en Angleterre, pour qui la constitution était "cet ensemble
des lois d'institutions et d'usages issus de certains principes
déterminés de la raison qui concourent à l'organisation
générale du système sur lequel s'est accordée une
communauté pour être gouvernée .83
Non seulement cette conception s'appuie sur l'aspect
matériel de la constitution, elle étudie des institutions
politiques, elle privilégie également le rôle de l'Etat au
détriment de celui de l'individu. De cette manière, la
constitution est l'ordre politique ou le principe premier de l'unité
politique .84
La constitution en tant qu'ordre politique ou principe premier
de l'unité politique a été soutenue par le philosophe
allemand Hegel. Ce dernier estimait que la constitution, quelle qu'elle soit,
correspond à la structure réelle de l'organisme politique et non
à sa structure réelle de l'organisation politique et non à
sa structure normative .85
Selon l'analyse de Hegel, la conception de la constitution qui
consiste à mettre des freins à l'action de l'Etat sacrifie ce
dernier sur l'hôtel de la seule liberté individuelle .86
En préconisant la disparition de l'individu au profit
de l'Etat, cette conception ne peut s'adopter que dans les systèmes
autoritaires où au nom de l'Etat, les gouvernants confisquent toutes les
libertés individuelles. C'est une conception dangereuse pour l'homme,
car elle incite à la déshumanisation de la personne, entreprise
radicalement opposée aux idéaux du constitutionnalisme .87
82 ZOLLER, E ., Droit constitutionnel,
2ème éd ., PUF, Paris, I999, p . II
83 Idem.
84 REYNAUD, Ph ., et RIALS, S ., Op. cit, p . II8 .
85 Ibid. p .I22 .
86 Idem.
87 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cit, p . 52 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
La conception descriptive, organique ou institutionnelle a
montré ses limites dans les pays de l'ex-Union Soviétique. C'est
pourquoi, il importe de lui préférer la conception normative,
susceptible de s'adapter aux exigences du constitutionnalisme moderne.
1*2* Conception normative de la constitution
Il faut d'emblée signaler que la conception normative
de la constitution s'est développée aux Etats Unis
d'Amérique avant de gagner actuellement tous les continents. En effet,
pour imposer l'idée d'une constitution normative, les américains
ont commencé, lors de la révolution, à élaborer des
constitutions écrites pour se démarquer fondamentalement de leurs
anciens colons britanniques pour qui, nous l'avons vu, la constitution est un
"ensemble des lois, des usages, des institutions formant un système de
gouvernement .88
Ainsi, au sens normatif, une constitution est la loi
fondamentale et suprême que se donne un peuple libre.
Comme on peut le constater, cette conception américaine
de la constitution met l'accent sur la force juridique de la constitution car,
elle est non pas une organisation institutionnelle mais avant tout une norme,
une règle de droit qui est fondamentale et suprême.
Par ailleurs, cette norme suprême et fondamentale
à laquelle devraient se conformer les actes des pouvoirs
institués avait un contenu précis : garantir les droits et
libertés des citoyens et déterminer l'organisation des pouvoirs
publics. De cette manière, une constitution est, au sens moderne et donc
normatif, un document écrit qui garantit les droits et libertés
et détermine l'organisation des pouvoirs publics et leurs rapports
réciproques .89
Contrairement à la conception descriptive ou organique
qui privilégiait l'Etat au détriment de l'individu, la conception
normative limite les pouvoirs de l'Etat au profit des libertés
individuelles. Du coup, la conception normative de la constitution fait de la
liberté l'objet principal de cette norme fondamentale et suprême.
Et ce n'est pas sans raison que Elisabeth ZOLLER écrit : "une
constitution normative est le droit fondamental et suprême d'un peuple
libre" .90
88 ZOLLER, E ., Op.cit, pp . 35-36
89 Idem.
30
90 Ibid., p . 57
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
En sus, la différence entre la constitution descriptive
et celle normative est bel et bien dégagée à travers les
apports américains à l'idée moderne de constitution en
tant que loi suprême et fondamentale. Une constitution est un document
écrit, élaboré le cas échéant, amendé
par une "convention", Assemblée spéciale, élue par le
peuple et investie du pouvoir constituant, soumis à la ratification
populaire dont le respect est garanti par le contrôle judiciaire de
constitutionnalité des lois .9I
Ainsi donc, ceci nous plonge dans le lien entre la
constitution normative et le constitutionnalisme en vue de mettre en clair leur
rapprochement.
1*3* Lien entre la conception normative de la
constitution et le constitutionnalisme
La lecture de l'article I6 de la Déclaration des Droits
de l'Homme et du citoyen a révélé aussi que les deux
conditions d'une véritable constitution (constitution comme norme
fondamentale et suprême) sont la garantie des droits et la
séparation des pouvoirs. Or, le constitutionnalisme implique justement
la séparation des pouvoirs, la promotion et la protection des droits
fondamentaux et l'instauration de l'Etat de droit.
Il apparait de toute évidence que le
constitutionnalisme se fonde sur la constitution norme pour réaliser son
objectif de limitation du pouvoir, même s'il n'est pas à
réduire à la seule constitution. Il est certain que le
constitutionnalisme procède de la philosophie politique libérale.
Cependant, sa spécificité provient du fait que la limitation du
pouvoir politique qu'il poursuit est réalisée au moyen du droit,
au moyen de la constitution conçue comme norme juridique .92
La constitution normative est un des instruments juridiques
indispensables du constitutionnalisme, ensemble avec le contrôle de
constitutionnalité des lois. Toutefois, c'est ici qu'il faut insister,
le constitutionnalisme peut être une réalité dans un Etat
qui n'a pas de constitution au sens où nous l'entendons. Le cas de la
Grande Bretagne est, à notre avis, plus évocateur.
Certes, une certaine opinion soutient que la Grande Bretagne,
du fait qu'elle ne dispose pas d'un texte constitutionnel et par
conséquent n'organise pas un contrôle de
constitutionnalité, ne développe pas un constitutionnalisme.
Cette opinion, nous ne la partageons pas et ce, pour deux raisons
fondamentales.
9I ZOLLER, E ., Op.cif, p . 40 .
3I
92 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cif, p .
II8
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
D'abord, le constitutionnalisme prône un gouvernement
libéral, un gouvernement limité. Il procède comme nous
venons de le dire, de la "philosophie de la démocratie
libérale-.93 Or, en démocratie,
écrit Jean du Bois de GAUDUSSON, cité par Thierry
PERRET94, il y a une morale du constitutionnalisme, qui fait qu'on
ne peut pas utiliser, même régulièrement, tous les
mécanismes constitutionnels pour atteindre n'importe quel objectif.
C'est le principe du constitutionnalisme démocratique, de poser un
certain nombre des limites, pas forcément d'ailleurs inscrites dans la
constitution. Il appert que le constitutionnalisme peut trouver sa place
même au-delà d'une constitution écrite normative.
Ensuite, les anglais, même s'ils n'ont jamais
adopté une constitution écrite au sens formel, ils ont une
constitution au sens matériel tant leurs lois et leurs coutumes assurent
la garantie des droits et libertés fondamentaux, organisent la
séparation des pouvoirs et nul ne peut prétendre que l'Angleterre
n'est pas un Etat de droit. Aussi, écrit Constant, « une
constitution est la garantie d'un peuple : par conséquent, tout ce qui
tient à la liberté est constitutionnel, et par conséquent
aussi, rien n'est constitutionnel de ce qui n'y tient pas .95
Certes, toutes les lois, les coutumes et les principes anglais relatifs aux
libertés et aux droits de l'Homme ont une valeur constitutionnelle. De
sorte que tous les actes des pouvoirs avec eux seraient d'office
invalidés. Sans doute, un contrôle de constitutionnalité
qui est exercé.
En outre, avec l'adoption en I998 du Human Rights Bill qui
incorpore les principales dispositions de la Convention européenne des
droits de l'Homme dans le droit anglais, un véritable contrôle de
conformité des normes à la loi qui a incorporé cette
convention est organisé, et avec toutes les conséquences
juridiques quant à ce .
En sus, il y a un lien manifeste entre la constitution-norme
et le constitutionnalisme, celle-là étant l'un des instruments
indispensables dont se sert celui-ci, sans être pour autant l'unique.
Mais, si la constitution entretient de rapport ou s'il existe
un lien net entre celle-ci et le constitutionnalisme, il en existe aussi entre
la démocratie et ce dernier.
93 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cit, p .
II8
94 PERRET Th ., Op. cit, p . I .
32
95 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cit, p .
I2I
33
34
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
§2 . DEMOCRATIE ET CONSTITUTIONNALISME
Ces deux concepts sont actuellement liés intimement
l'un à l'autre. Comme nous l'avons dit précédemment, la
démocratie exprime l'idée du gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple. Ce qui justifie en clair que le peuple est le
titulaire de la souveraineté qui est consacrée par l'instrument
du constitutionnalisme qui est la constitution.
Dans son acception courante, le constitutionnalisme
désigne un mouvement qui vise à mettre en oeuvre un idéal
par les moyens propres du droit constitutionnel. Son contenu est donc variable,
puisque le but visé est lui-même changeant. Longtemps, le
constitutionnalisme eut pour objet la mise en oeuvre et la préservation
de la liberté politique. Il mériterait donc parfaitement
l'appellation de constitutionnalisme libéral au sens politique du terme
évidemment. Aujourd'hui, le constitutionnalisme se résume
volontiers par la formule « démocratie par le droit » .
Même si l'on admet que la seconde contient la première, elle ne
s'y réduit évidemment pas. Un nouveau constitutionnalisme se
donne pour tâche une démocratisation des sociétés
démocratiques, autrement dit, un renforcement de l'influence des
citoyens dans la gestion de leurs propres affaires .96
Selon le professeur André MBATA, dans un Etat
démocratique, c'est le peuple qui est souverain dans ce sens qu'il
gouverne et qu'aucun gouvernement n'est habilité à gouverner sans
son consentement97, pour qu'un gouvernement soit en mesure de bien
diriger dans un Etat démocratique, il lui faut préalablement
l'aval ou l'accord du souverain qui est le détenteur originaire du
pouvoir politique d'un Etat.
Les notions de constitution et de démocratie ne sont
mises en relation que dans le cadre épistémologie d'une doctrine
; le constitutionnalisme, qui pense la constitution comme moyen de la
démocratie, la démocratie par le droit, cette fonction politique
attendue de la constitution est présentée comme la
conséquence nécessaire des trois propriétés de la
constitution. Une constitution est d'abord, un texte écrit et cette
écriture des règles d'exercice du pouvoir permet au peuple de
voir si la pratique du
96 DENQUIN, JM ., « Situation du constitutionnalisme.
Quelques réflexions sur l'idée de démocratie par le droit,
http://www.juspoliticum.com/Jean-Marie-Denquin-Situation.html,
(Consulté le mardi I9 avril 20II) .
97 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du
constitutionnalisme et de la démocratie en République
démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8
février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cif . pp .
I99-200 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
pouvoir s'inscrit ou non dans le respect du texte et, le cas
échéant, de sanctionner une violation .98
Cependant, le constitutionnalisme est donc un instrument de
démocratie, alors que l'inverse n'est pas vrai, et bien que les deux
principes soient foncièrement antithétique : puisque le premier
vise la limitation du pouvoir et la séparation entre public et
privé tandis que la démocratie vise à accroitre le pouvoir
du peuple et affirme l'identité entre gouvernants et gouvernés,
cette synthèse improbable se donne autant comme une contrainte du
libéralisme sur la démocratie que comme une sauvegarde de cette
dernière à l'ère des masses .99 Elle se tient
selon David Beetham en cinq principes clés : la garantie des droits
fondamentaux des individus ; l'Etat de droit ; le pluralisme des fins qui
invalide toute idée d'un bien de la société .I00
Comme on le sait, dans sa définition moderne, le
constitutionnalisme suppose également l'existence d'un organe
chargé de veiller au respect de cette supériorité
hiérarchique de la constitution. Cet organe est actuellement dans la
plupart des pays la cour constitutionnelle. Cette notion du constitutionnalisme
a donc connu une notable évolution depuis la seconde moitié du
XXème siècle.
La démocratie, quant elle, est traditionnellement
définie comme un régime politique dans lequel le pouvoir est
détenu et contrôlé par le peuple, qui l'exerce
lui-même ou par l'intermédiaire des représentants qu'il
élit. Et la mise en oeuvre de ce principe est cependant variable en
fonction de la forme de démocratie retenue. Elle s'exprime à
travers l'effectivité du droit de suffrage. Certes, le
constitutionnalisme est une garantie de la démocratie,
c'est-à-dire elle est garantie par une constitution et que la
constitution est par nature démocratique. Cette démocratie, dans
l'esprit athénien et tel que défini par A . Lincoln, est
caractérisée par la suprématie de la volonté
populaire, donc la garantie sans conditions des droits et libertés
individuelles et le contrôle par le peuple de l'exercice du pouvoir
.I0I
La démocratie constitutionnaliste tire ainsi les
enseignements d'une philosophie libérale et d'une pratique
démocratique dont les Etats-Unis ont été le premier
98 ROUSSEAU, D ., « Constitutionnalisme et démocratie
», http ://wwwlavie-decidee:fr/constitut-et-dem .htm,
(Consulté le vendredi, 08 avril 20II) .
99 ARON, R ., Démocratie et totalitarisme (1965),
Gallimard, Paris, 200I, p . I29 .
100 BEETHAM, D ., cité par Muriel Rouyer, «
Constitutionnalisme, comparaison, complexité : les défis de
l'Union Européenne entre transition, élargissement, globalisation
», http ://www.Caim.info/publications-de-Rouyer-Muriel,
(Consulté le vendredi 08 avril 20II) .
I0ICOHEN TANUGI, L ., « Démocratie et
constitutionnalisme »,
http://www
.oboulo .com/constitutionnalisme-democratie, (Consulté le mardi
I9 Avril 20II) .
35
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
laboratoire conceptuel. Et le constitutionnalisme, dans sa
version substantielle ou normative renvoie à un « courant de la
pensée politique qui envisage la constitution comme technique de pouvoir
destinée à garantir la liberté de l'individu » ce qui
; par extension, en fait une technique consistant à établir et
à maintenir des freins effectifs à l'action politique et
étatique .I02
Assimilé, dans l'héritage classique au
gouvernement modéré ou mixte, inspiré de la
politéia aristotélicienne, « la meilleure des constitutions
possibles », le constitutionnalisme fait de la constitution une norme
juridique fondamentale émanant non du gouvernement mais du peuple
constituant un gouvernement. Cela lui confère une
légitimité démocratique contractualiste, dont la
théorie lockéenne de la souveraineté populaire a
donné la formule : tout gouvernement doit respecter la constitution,
norme juridique fondamentale, par ce qu'elle exprime la confiance initialement
placée par le peuple en ses mandants, mais que celui-ci a le droit de
révoquer si ces derniers les trahissent .I03
L'Amérique, terre de fondation durable de la
liberté politique selon Arendt, a donné au constitutionnalisme
ses lettres de noblesse. Les Etats-Unis furent en effet les inventeurs de la
technique juridique du constitutionnalisme, avec le recours en
inconstitutionnalité, opérée par le juge, au nom de la
constitution. Un siècle après la proclamation par le «
peuple » américain de sa constitution, la conjonction entre la
constitution comme norme juridique suprême et le recours en
inconstitutionnalité comme remède aux abus du pouvoir
était opérée par le juge Marshall dans sa décision
Marbury vs Madison de I883 . De cette action posant l'autorité politique
de la constitution et donnant aux juges les moyens de fonder leurs arrêts
sur la constitution plutôt que sur les lois, découle, comme
l'avait remarqué Tocqueville, une « grande influence politique
» du pouvoir judiciaire américain, pourtant réputé le
plus faible des trois pouvoirs .I04
Dans ce contexte typiquement américain propice à
une politique des droits, s'est développée une justification
philosophique de la démocratie constitutionnelle, qui accorde un
rôle prééminent au juge et a inspiré le tournant
jurisprudentiel de la démocratie à travers le monde. Sur ce, la
démocratie a vu, dans le contexte du
I02 BEAUD, O ., (Dir .), « Constitution et
constitutionnalisme », dans Philippe REYNAUD, Stéphane RIALS (Dir
.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, Paris, I996, p . II8
.
I03 LOCKE, J ., Traité du gouvernement civil,
trad. de l'angl. par David Mazel, Garnier-Flammarion, Paris, I992, p . 265 .
I04 De TOCQUEVILLE, A ., De la démocratie en
Amérique, Tome I, Garnier-Flammarion, Paris, I98I, p . 6 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
renforcement de l'Etat de droit en Europe après guerre,
se déplacer le lieu d'exigibilité de la démocratie des
urnes électorales vers les cours de justice .I05
Ainsi donc, le constitutionnalisme est un moyen pour la
démocratie de bien s'épanouir, d'émerger et de bien
s'exprimer dans Etat de droit. Les principes et les valeurs
démocratiques d'un Etat de droit sont contenus dans un pacte social qui
est la constitution, laquelle est un instrument du constitutionnalisme.
Ce premier chapitre s'est attelé sur l'analyse
conceptuelle de la constitution, le constitutionnalisme et de la
démocratie. Nous avons eu à passer en revue toutes les
définitions de ces différents concepts. En plus, nous
étions amené à faire le rapport existant entre eux de
manière générale. Dès lors, dans le second
chapitre, il sera question plus spécialement d'analyser les
constitutions et les révisions constitutionnelles en Afrique.
36
I05 RAYNAUD, Ph . Cité par Muriel Rouyer, «
Constitutionnalisme..., Op. cit.
37
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CHAPITRE DEUXIEME
CONSTITUTIONS ET REVISIONS CONSTITUTIONNELLES EN
AFRIQUE
Si en I990, le vent de la démocratie avait
soufflé sur le continent africain, aujourd'hui, c'est plutôt le
vent de la modification des constitutions qui ravage l'Afrique. Cette
révision revêt une dimension importante dans l'évolution du
constitutionnalisme africain, non seulement par ce qu'elle constitue un
élément moteur, mais surtout par ce qu'elle démontre
certaines conceptions du pouvoir politique dans le continent tout entier
.I06 C'est ainsi que nous allons nous focaliser dans ce chapitre sur
les caractéristiques des révisions constitutionnelles africaines
(Sect. I), les facteurs ainsi que les conséquences des révisions
constitutionnelles sur le constitutionnalisme et la démocratie en
Afrique (Sect. II) .
Cependant, avant d'aborder pleinement cette
épineuse question des révisions constitutionnelles, quelques
lignes méritent d'être réservées aux constitutions
africaines en tant que telles, avant qu'elles soient soumises à
l'épreuve des modifications.
En effet, si sous d'autres cieux, la constitution est
considérée comme « un bréviaire »
chez les chrétiens, c'est-à-dire un instrument de
référence pour l'Etat, en Afrique, il en est tout
autre.
Cet instrument juridique qui est pourtant le fondement
de toutes les normes étatiques est régulièrement
violé par les dirigeants africains. Constitution est galvaudée de
tout bord comme l'affirme Bedel BAOUNA : « si les textes fondamentaux
avaient été des personnes humaines, elles auraient avalé
de l'arsenic pour s'épargner des souffrances interminables
»I07 . Ces constitutions présentent une face
défigurée, caricaturée, dénaturée,
démolie ; elles subissent une chirurgie dramatique perpétuelle,
comme pour mieux les adapter aux souhaits de ceux qu'elles servent. Si les
constitutions ont officiellement tué le monopartisme, elles ont en
revanche institué une technique, celle de la conservation du
pouvoir.
Pratiquement, les constitutions africaines ont un
caractère apparent, tant certains dirigeants ne les appliquent pas
tellement ou les appliquent strictement lorsque
I06 DJOUNFOUNE, A ., cité par THIAMEL NDIADE,
« Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates »,
http://www
.couleursdafrique
.eu/Afrique-les-revisions-constitutionnelles
.html, (Consulté le mardi I8 avril
20II) .
I07 BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de
sens en Afrique »,
http://www .afrik
.com/article, (Consulté le dimanche I3
février 20II) .
38
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
les dispositions sont à leur faveur ; certains vont
jusqu'à les suspendre lorsqu'elles les empêchent dans une
entreprise quelconque.
Préoccupé par l'accroissement d'un pouvoir
personnel toujours plus fort, beaucoup de dirigeants africains en
général et congolais en particulier ont utilisé la
constitution, non comme un frein aux tendances vers l'arbitraire de leurs
gouvernements, mais plutôt pour faciliter et légitimer leurs
pouvoirs de domination sur les populations de leurs pays. Pour y parvenir, ils
ont le plus souvent utilisé la technique d'interprétation des
textes dans le sens de justifier les décisions qu'ils ont
été amenés à prendre pour renforcer leurs pouvoirs
.I08
Si le professeur Ambroise KAMUKUNI a plus musé sur
l'interprétation des textes pouvant conduire ces autorités
politiques dans un renforcement exacerbé de leurs pouvoirs, nous voyons
ce qui détruit plus le texte fondamental et renforce les pouvoirs de
dirigeants africains est bel et bien la révision constitutionnelle,
laquelle constitue un mécanisme destructeur des constitutions en
Afrique.
Aussi, la plupart des africains (populations)
méconnaissent-ils ou ignorent-ils leurs constitutions. Cette
méconnaissance des principes constitutionnels de base et des droits
fondamentaux est également mise en exergue par le professeur Ambroise
KAMUKUNI : « qu'il est vrai que la grande majorité des textes
constitutionnels en vigueur sur le continent ne tiennent compte ni de grands
principes constitutionnels au point que le texte dit constitutionnel n'est ni
légitime, ni suprême, que les pouvoirs étatiques ne sont
pas réellement séparés et que les droits ne sont pas
effectivement protégés. Il suffit de se référer
déjà à l'élaboration des textes constitutionnels
pour se rendre compte que les principes fondamentaux, qui accompagnent
l'idée même de constitution et justifient son existence, ne sont
pas toujours pris en compte par les dirigeants politiques qui s'arrogent le
droit de confectionner, n'importe comment et quand l'envie les en prend, les
textes généralement destinés à légitimer
leurs pouvoirs plus vis-à-vis de l'opinion internationale très
regardante à la forme du pouvoir détenu par les dirigeants
africains, que l'opinion nationale privée du savoir constitutionnel. Ces
textes qui, dans leur grand ensemble, écartent le peuple du champ des
tractations de son élaboration, ne séparent pas suffisamment les
pouvoirs étatiques entre divers organes et ne garantissent pas assez les
droits humains » .I09
I08 KAMUKUNI MUKINAY, A ., Contribution à
l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais, Thèse de
doctorat en Droit public, Université de Kinshasa, 2007, p . 209
.
I09 KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de
l'Afrique contemporaine, Notes du cours polycopiées,
Troisième Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, 2008-2009, p .
I6 .
39
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
C'est le sens même de la maîtrise de
l'ingénierie constitutionnelle qui consiste tout simplement aux
mécanismes et aux procédures destinées à
l'optimisation des règles d'organisation du pouvoir dans l'Etat
relatives à la dévolution et à l'exercice du pouvoir,
à la légitimité et à la légalité ; et
des déclarations des droits de l'Homme et du citoyen. Ces
mécanismes sont liés soit à l'établissement des
constitutions, ici, on voit le pouvoir constituant originaire, assemblée
constituante, référendum ; soit à leur
révision .II0
Indépendamment de son contenu, la constitution, en tant
qu'instrument par excellence de légitimation et de limitation des
pouvoirs des gouvernants, doit bénéficier de certains droits qui
puissent lui permettre de rendre son contenu applicable. Parmi les droits dont
doit jouir la constitution en vue de rendre ses dispositions effectives, deux
méritent une attention particulière : il s'agit d'abord du droit
de la constitution d'être connue de ses destinataires, ensuite du droit
de la constitution d'être respectée .III
Malheureusement ces deux droits ne semblent pratiquement pas être
respectés en Afrique tout comme en RDC.
La langue de l'écriture de la constitution en Afrique
semble inaccessible à la majorité de la population.
L'enseignement du droit constitutionnel lui-même, tel qu'il est
conçu et dispensé en Afrique ne permet pas à ceux qui
l'ont suivi d'exploiter les richesses enfouies dans la constitution et de les
mettre en pratique le moment venuII2 .
Tout cet amalgame décrié, fait que les
constitutions africaines soient instables et parfois mises en veilleuse par les
dirigeants. Ceci pousse les constitutionnalistes africains en
général et ceux de la RDC en particulier à les qualifier
de constitutions de façade, de coquilles vides, de panier à crabe
.II3 Le texte constitutionnel apparait comme un instrument de
stratégie politique qu'un code contraignant et formaliste.
Une des pratiques qui rendent ainsi, les constitutions
africaines est entre autres la révision constitutionnelle, laquelle est
devenue monnaie courante en Afrique.
II0 MWAYILA TSHIYEMBE, « Constitutionnalisme et
démocratie en Afrique centrale et dans les pays des Grands Lacs,
http://www
.oboulo .com/constitutionnalisme-democratie-html, (Consulté, le
mardi I9 avril 20II) .
III KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de
l'Afrique... Op. cit, p . I6 .
II2 Idem.
II3 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Op. cit, p . 25 .
40
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
SECTION I. CARACTERISTIQUES DES REVISIONS
CONSTITUTIONNELLES AFRICAINES
Toute constitution étant une oeuvre humaine, elle est
faite pour être adaptée à l'évolution de la
société. Dès l'instant que la constitution elle-même
prévoit qu'on doit la réviser, la question posée est de
savoir si la révision engagée respecte les normes
constitutionnelles .II4
Cependant, la révision constitutionnelle devait avoir
un caractère structurel en vue de mieux adapter les
réalités sociales au texte constitutionnel, de stabiliser
également les institutions politiques de l'Etat. Mais il est navrant de
constater que la plupart des révisions constitutionnelles en Afrique ont
toujours eu de caractère conjoncturel, elles favorisent pur et
simplement l'accroissement des pouvoirs des dirigeants africains. Comme nous
l'indique Alioune TINEII5, « les révisions des
constitutions africaines ont un caractère opportuniste, lequel affecte
négativement le développement et le renforcement de la
démocratie » .
La révision constitutionnelle devient, en l'occurrence,
synonyme de volonté déloyale de modifier les règles du jeu
politique à des fins de conservation du pouvoir, de toujours renforcer
les pouvoirs des chefs d'Etat en place, qui s'appuient eux-mêmes sur des
majorités promptes à acquiescer leurs projets.
Ce caractère de révisions porte très
souvent ou dans la plupart de cas sur le mandat présidentiel (§I)
et sur la restriction des libertés de l'opposition (§2), voire sur
les modes scrutins.
§1 . REVISIONS PORTANT SUR LE MANDAT PRESIDENTIEL
L'exercice du pouvoir politique est source de convoitises, de
dérapages et de conflits. Il importe qu'on assure son encadrement par la
limitation du mandat politique de ceux qui l'exercent. Le mandat politique
s'exerce à plusieurs niveaux. On peut le retrouver au niveau national,
provincial ou local. Les gouvernants exercent leurs
II4 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les
kleptocrates »,
http://www
.couleursdafrique .eu/Afrique-les-revisions-constitutionnelles
.html, (Consulté le mardi I8 avril 20II) .
II5 ALIOUNE TINE, « Toucher aux constitutions est un crime
de haute trahison », Op. cit.
4I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
mandats au sein des institutions législatives,
exécutives ou juridictionnelles .II6 Mais la révision
constitutionnelle vise plus le mandat présidentiel.
Il ressort de la plupart de cas que les révisions
constitutionnelles recèlent souvent de forts enjeux de pouvoirs. La
constitution aujourd'hui est une sorte d'instrument au service de la
conservation du pouvoir, elle est littéralement instrumentalisée.
Les débats qui ont eu lieu dans un passé récent et qui
pourraient se poursuivre dans l'avenir, sont polarisés sur la question
des mandats et prérogatives du chef de l'Etat africain. En effet, il est
presque toujours question de situations de pouvoirs, de postures de puissance,
de longévité au pouvoir. L'élaboration, et surtout la
révision des constitutions mettent en évidence un personnage
précis : le chef de l'Etat, Président de la République
.II7
Le retour du présidentialisme est associé
à la problématique de l'effectivité de la constitution en
Afrique. De facto, si aujourd'hui on s'interroge sur le respect de la
constitution, c'est par ce que dans la quasi-totalité des pays où
le débat se pose, c'est d'abord le chef de l'Etat, dans son statut ou
ses prérogatives, qui est en cause. L'on peut même être plus
précis ou direct : si depuis à peu-près une
décennie l'effectivité des constitutions est discutée,
c'est souvent à l'occasion des « manipulations constitutionnelles
relatives au mandat du Président de la République, à
celui-ci en termes de nombre.
Or, d'un point de vue psychologique et symbolique, le
présidentialisme n'est pas favorable à l'essor du
constitutionnalisme. Par ce que les systèmes mis en place assurent une
surpuissance du Président de la République ; une concentration du
pouvoir qui est en principe contraire à l'esprit du
constitutionnalisme.
En pure logique, le lien ne va pas de soi, mais en fait, et
dans le contexte particulier de l'Afrique, les manquements à la
constitution, ou la désinvolture manifestée à
l'égard d'elle ont presque toujours eu un rapport avec le statut du
Président de la République. De sorte que la
prépondérance présidentielle est associée à
la faiblesse de l'emprise constitutionnelle .II8 La constitution, il
convient de s'en souvenir, est d'abord un instrument de limitation du pouvoir
politique. Lorsque l'un des rouages de ce pouvoir connait une hypertrophie ou
cause un déséquilibre dans le système, il contribue
à
II6ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution
congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du
constitutionnalisme : Contraintes pratiques et perspectives,
Thèse de doctorat en Droit public, Université de Paris I
(Panthéon-Sorbonne), 2009, p . 204 .
II7 Centre pour la gouvernance démocratique du
Burkina-Faso (CGD), « Constitutionnalisme et révisions
constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et
du Sénégal »,0p. cit
II8 Idem.
42
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
installer l'idée que la constitution « ne sert
à rien » . Et de ce fait, chaque fois qu'un des pouvoirs dans
l'Etat jouit d'une position hégémonique, la constitution est mise
en veilleuse ou en sommeil.
Ces comportements des dirigeants politiques africains ont une
origine traditionnelle. On croyait en finir, mais le type de pouvoir
traditionnel continue à hanter les dirigeants africains. En
mémoire, le chef traditionnel devait conserver son pouvoir
jusqu'à son décès, afin de le transmettre par la
procédure dynastique ou héréditaire à un des
membres de la famille royale. Cette pratique presque déjà bannie
revient sous une autre facette.
Cependant, deux aspects entrent en corrélation dans
cette partie d'une révision interminable dans l'Etat africain, il s'agit
bel et bien du nombre et de la durée du mandat présidentiel.
1*1* Limitation de la durée et le nombre de
mandat présidentiel
Un pouvoir politique qui ne circule pas et ne change pas de
mains a tendance à s'identifier à la personne qui l'exerce. Il
est indispensable de l'encadrer par la sa limitation. Même si le droit
constitutionnel classique ne semble pas encore offrir une théorie
générale sur la limitation du mandat du chef de l'Etat,
I'observation indique que l'idée d'assurer l'inéligibilité
du Président de la République est tout de même ancienne.
Elle a été en vogue en Europe et en Amérique vers la fin
du I8ème siècle .II9
Selon le professeur Jean-Louis ESAMBO, la question qui
mérite d'être posée est de connaître la
manière dont la doctrine s'y est prise. Il semble que la règle
tire sa source de la pratique constitutionnelle américaine. En effet,
rééligible indéfiniment, le Président
américain a vu son mandat limité à quatre ans
renouvelables une fois. C'est une règle coutumière que l'on
rattache à un précédent historique lié à la
personne de Georges Washington. Ce président a, avec le poids de
l'âge, refusé d'exercer un troisième mandat
consécutif.I20
L'idée n'a pas emporté le désir de
Franklin Roosevelt. Elu quatre fois de suite (I932, I936, I940 et I944),
Roosevelt est mort le I2 avril I945 pendant qu'il venait de commencer un
quatrième mandat .I2I La crainte de voir un Président
exercer un
II9 ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18
février 2006 à l'épreuve ..., Op. cit, p . 204 I20
Idem.
I2I CHAMPETIER, R . cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., La
constitution congolaise du I8 février 2006 ..., Op. cit. p .
205
43
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
pouvoir à vie et sans partage a justifié
l'adoption, en I95I, du vingt-deuxième amendement de la Constitution.
Cet amendement consacre la limitation à quatre ans renouvelables une
fois le mandat du président des Etats-Unis d'Amérique. Il a
inspiré plusieurs Constitutions africaines.
Ce principe de la limitation du nombre de mandats
présidentiels a pour corollaire la rotation des postes, autrement dit
l'obligation pour le détenteur d'un poste de le quitter après une
certaine période .I22 Ceci puisque, le prestige qui
découle de l'exercice de ce mandat est tellement grand que le risque
d'en abuser par quelque folie des grandeurs inhérente à la nature
humaine est élevée. En effet, il n'est plus à
démontrer que quiconque détient une parcelle de pouvoir à
quelque niveau que ce soit, est tenté d'en déborder les limites.
Aussi, est-il impératif de diligenter tous les mécanismes
démocratiques contre ce risque. Cet auteur renchérit que ces
mécanismes permettent d'aboutir à l'institutionnalisation des
pratiques républiques de poids et contrepoids généralement
garanties par la séparation nette et claire ainsi que par le partage
équilibré des trois pouvoirs classiques, pratiques assorties des
possibilités de contrôle rigoureux de la part du souverain
primaire. Car, qu'on le veuille ou pas le pouvoir du peuple limite le pouvoir
des mandataires publics. I23
Bien sûr, ce principe a été
théorisé et pratiqué par les démocraties antiques,
et revisité par les pères fondateurs de la démocratie
représentative moderne. La notion de rotation aux postes, dont le
pendant moderne est la limitation du nombre de mandats électifs, est
profondément enracinée dans la pensée politique
républicaine classique. Par exemple, à Athènes la plupart
des fonctions que n'exerçaient pas l'Assemblée du peuple
étaient confiées à des citoyens de plus de trente ans,
candidats, tirés au sort pour un mandat d'un an renouvelable une seule
fois. Cette rotation a été pratiquée à Rome et dans
les citées Etats de Venise et de la renaissance .I24(Sic)
.
Actuellement, le mandat présidentiel se tourne
autour de cinq ans, sept ans, voire quatre ans renouvelable. In specia casu, la
majorité des constitutions ont un mandat de cinq ans renouvelable. Mais
la question est de savoir, pourquoi le limite-t-on à ce nombre ? A cette
préoccupation, Alioune TINEI25 clarifie que ce qu'on ne peut
pas faire en huit ou dix ans de pouvoir, on ne peut non plus le faire en vingt
ou plus.
I22 MANIN, B ., Principe du gouvernement
représentatif, Flammarion, Paris, I996, p . 23
.
I23 BONANE MUSHI, S ., Le réveil du
souverain primaire, CEDI, Kinshasa, I998, pp . 92-93
I24 MANIN, B ., Op. cit, p . 23
.
I25 ALIOUNE TINE, Op. cit
44
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Il semble bien que dans l'esprit des constitutions des
années I990 en Afrique, on entendait se démarquer de la
conception de leurs devancières par une tournure libérale et
démocratique. De façon générale, dans les Etats
africains, des dispositions constitutionnelles initiales organisant le statut
du président de la République prévoyaient par exemple une
limitation du nombre des mandats.
Nous pensons que cette option prise par les constituants des
années I990, qui n'est pas la plus fréquemment observée
ailleurs dans le monde, avait un objectif assez évident : il s'agissait,
face à des chefs d'Etat installés depuis plusieurs
décennies, de provoquer, au besoin en la forçant, une alternance
du pouvoir. L'ordre politique voulu par ces constituants africains devait sans
doute être dominé par l'alternance et le renouvellement
régulier des élites au pouvoir. Assurément, ce choix
effectué par les lesdits constituants résultait des leçons
tirées de l'expérience de plusieurs décennies de
présidentialisme négro-africain .I26
C'est pourquoi les clauses de limitation des mandats
présidentiels constituent dans les régimes présidentiels,
notamment en Afrique, un enjeu majeur pour ceux qui font de l'alternance
démocratique l'essence même de la démocratie. A ce titre,
les clauses de limitation semblent devoir s'imposer non pas simplement comme
les normes, mais aussi et surtout comme des ensembles de contraintes
liées au principe du constitutionnalisme démocratique. Et de ce
fait, elles énoncent un certain nombre de principes, entendus comme des
propositions devant servir de fondement à la société. Par
ailleurs, si l'on considère que toute constitution est aussi une forme
de discours politique, un moyen d'exprimer de façon particulière
solennelle, une philosophie politique, on peut légitimement penser que
l'institution de la limitation du nombre de mandats présidentiels
procède d'une idée du pouvoir voulu par le nouveau
constitutionnalisme africain.
Constitutionnalisée, l'absence de limitation du nombre
de mandats présidentiels est désormais utilisée en Afrique
comme un frein au mécanisme d'alternance au pouvoir. La
réformation de la constitution devient une technique juridique
jugée adéquate pour légitimer la difficulté d'une
alternance politique même s'il est vrai que dans les pays africains
où l'alternance démocratique s'est produite, celle-ci n'a pas
été la conséquence directe de la limitation du nombre de
mandats présidentiels. Ce sont plutôt les conditions de
pluralisme, de transparence, la crédibilité des institutions
I26 GICQUEL, J ., « Essai sur le présidentialisme
négro-africain, l'exemple camerounais », in Mélanges en
l'honneur de Georges BURDEAU, I977, p .I07 .
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5I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
électorales et le fair-play des acteurs qui
semblent avoir été des facteurs décisifs dans cette
alternance.
Dès lors, la solution peut éloigner
l'espoir d'alternance politique autrement que par des changements
anticonstitutionnels ou via le système du dauphin constitutionnel, assez
peu démocratique. Cela s'opère à travers le mode de
dévolution du pouvoir en Afrique qui est le corolaire du retour des
dynasties, "un détournement de la volonté du peuple". Selon le
professeur El hadji Mbodji, c'est un constat qui fait froid au dos des jeunes
démocraties du Continent, qui laisse subodorer le pire pour l'Afrique :
à l'instar des monarchies du Golfe, certains pays africains s'ouvrent
à une subite tendance, celle de transmission du pouvoir de père
en fils. Aujourd'hui, le destin présidentiel des individus en Afrique
semble presque lié à l'Adn et non plus au mode de
dévolution classique du pouvoir consacré par les
différentes Constitutions .I27
Forts de leur «sang présidentiel»,
les futurs ou actuels Présidents du continent, ceux de la
troisième génération de dirigeants africains, sont
installés sur le trône de leur papa ou piaffent de le faire.
Candidats déclarés, pressentis ou héritiers
consacrés, ils se nomment Faure Eyadema (Togo), Joseph Kabila (RD
Congo), Karim Wade (Sénégal), Saïf Al-Islam Kadhafi (Libye),
Gamal Moubarak (Egypte), Ali Ben Bongo (Gabon), Theodorin Obiang Nguema
(Guinée Equatoriale). Particulièrement bien nés, bien
formés et très tôt moulés aux vicissitudes du
pouvoir, ils ambitionnent, avec la bénédiction de leur papa, pour
la plupart de monarques républicains, d'ouvrir une nouvelle ère
politique sur le continent : le temps des «pouvoirs
héréditaires», le retour des dynasties. Au Togo, en RDC, en
Libye, en Egypte, au Gabon et, bien sûr, au Sénégal, la
question suscite beaucoup de controverses .I28
Cependant, on observe que la constitution est par la
suite révisée dans le sens de la suppression de ces dispositions.
La formule retenue est celle d'un Président de la République
à vie, comme au Burkina Faso, en Ouganda, au Cameroun et
récemment au Yémen où ALI Abdallah SALEH au pouvoir depuis
plus de 23 ans...I29 C'est pourquoi les clauses de limitation des
mandats présidentiels constituent dans les régimes
présidentiels ou présidentialistes, notamment en Afrique, un
enjeu majeur pour ceux qui font de l'alternance démocratique l'essence
même de la démocratie. A ce titre, elles semblent devoir s'imposer
non pas simplement comme des normes, mais aussi et
I27 El Hadj MBODJ, « le mode de dévolution
du pouvoir en Afrique : le retour des dynasties, un détournement de la
volonté du peuple »
http://elhadjmbodj,
(Consulté le samedi 08 janvier 20II) .
I28 Idem.
I29 Information donnée sur RFI du Ier
janvier 20II, édition de 06h00'
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
surtout comme un ensemble de contraintes liées au
principe du constitutionnalisme démocratique. Et de facto, elles
énoncent un certain nombre de principes, entendus comme des propositions
devant servir de fondement à la société.
Le principe de la limitation du nombre de mandats
électifs fait cependant l'objet de beaucoup de controverses quant
à son bien fondé. Pour certains auteurs, ce principe trouve sa
justification dans le cadre de régime parlementaire ou
présidentialiste où il trouve une application mécanique
.I30 Cette limitation favorise l'alternance au pouvoir et
également évite ou endigue l'usure du pouvoir.
Mais il est navrant de constater que les dirigeants africains
se sont illustrés et s'illustrent à modifier le nombre et la
durée du mandat tel que prévu dans leurs constitutions. Cette
pratique fait d'eux des « chefs coutumiers au sommet de leurs Etats
», et ceci bloque l'éclosion de la démocratie et met en
difficulté l'alternance au pouvoir.
Par ce mécanisme et par boulimie ou par amour du
pouvoir, les chefs d'Etats africains s'éternisent au pouvoir en assurant
une « gestion patrimoniale de leur trône »I3I en vue
d'accomplir leurs desseins. Cet état de chose porte atteinte à la
démocratie qui est en recul considérable en Afrique.
Il est à noter que la limitation des mandats
présidentiels se heurte toutefois à des objections
théoriques et pratiques. Ceux qui y sont hostiles font valoir que c'est
au peuple lui-même, dans une démocratie, qu'il appartient de
décider s'il veut ou non conserver le chef d'Etat déjà en
fonction et que l'on ne voit pas une disposition constitutionnelle qui pourrait
lui interdire de lui renouveler sa confiance à plusieurs reprises. Mais
l'argument le plus évoqué, notamment par les chefs d'Etats
eux-mêmes en Afrique, est celui de la stabilité .I32
Cette justification au nom de la stabilité n'a aucun fondement, cela
débouche toujours à de crise politique générale. Ce
fantôme stabilité amène le pays à un chaos total.
Certes, la stabilité véritable d'un régime politique n'a
rien à voir avec la conservation sans délais ni limité du
pouvoir par le chef de l'Etat. Cette limitation est en quelque sorte une
solution préventive opportune. Ainsi donc, l'Etat moderne a besoin des
institutions fortes et non faibles au service des animateurs forts.
I30 BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., 'La nouvelle constitution de la
RDC : sources et innovations', Annales de la Faculté de droit,
S . Vol., Décembre 2007, PUK, Kinshasa, 2007, pp .2I5-259 .
I3I BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens en
Afrique », Op. cit.
I32CONNAC, G ., « Quelques réflexions
sur le nouveau constitutionnalisme africain »,
http://www
.la-constitution-en-afrique .org, (Consulté, le mardi I9
avril 20II) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ainsi, cette analyse peut être appuyée de
manière succincte par quelques cas d'illustration de révisions
portant sur le mandat présidentiel en Afrique.
1*2* Quelques cas d'application
Il est impérieux de mettre en lumière
certains cas de pays africains qui ont déjà modifié leurs
constitutions pour répondre à des besoins dont ils sont seuls
à connaitre les motivations ou les mobiles. Que ce soit en Afrique du
Nord, de l'Est, du Centre ou de l'Ouest, ces pays ont tous un seul
dénominateur commun : modifier la constitution pour laisser
s'éterniser au pouvoir le Chef de l'Etat en fonction.
En Guinée-Conakry, par exemple, la constitution
a été modifiée en 2002 dans l'intention d'autoriser le feu
Président Lansana Conté à se présenter à la
fin de son second et dernier mandat présidentiel aux élections
présidentielles. Au Tchad, la constitution a été
modifiée en 2005 et a permis à Idriss DEBY ITNO à se
maintenir au pouvoir depuis son coup d'Etat de I990 . En Mauritanie, la
modification de la Constitution en I99I a permis à Ould TAYA de rester
au pouvoir jusqu'à son renversement par un coup d'Etat en Août
2005 . Au Burkina Faso, par un subtil jeu de levée de limitation de
mandat en I997, puis de restauration de cette limitation en 2000, Blaise
Compaoré est au pouvoir depuis son coup d'Etat de I987 . Actuellement,
il tente de modifier l'article 37 de la constitution pour se faire élire
indéfiniment.
En Tunisie, la constitution a été
modifiée également en 2002 pour permettre au Président
Zine BEN ALI de se présenter à l'élection
présidentielle de 2004 qu'il avait remporté pour un
quatrième mandat. Pourtant, lorsqu'il avait destitué en I987 le
premier Président tunisien malade, Habib BOURGUIBA, 84 ans, il avait
promis de mettre fin à la présidence à vie. En tout
état de cause, il venait de quitter le pouvoir suite à une
révolution populaire au début de l'an 20II
.I33
Au TogoI34, la constitution a
été modifiée en 2003 et a permis à feu NYASSINGBE
EYADEMA de se faire réélire pour un troisième mandat de
cinq ans, au terme de 36 années de pouvoir jusqu'à sa mort en
2005 et remplacé par son dauphin fils Faure EYADEMA .
Mais ce que l'on peut plus retenir est que, dans
l'histoire des révisions constitutionnelles en Afrique, on ne peut
s'empêcher de penser à l'exemple togolais qui
I33 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage
par les kleptocrates », Op. cit.
I34 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions
constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions
régressives », Op. cit.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
constitue l'un des plus grotesques viols de l'esprit de la
constitution dont ce pays s'était doté en I992 .
En effet, à la recherche d'une légitimation du
pouvoir qu'il avait usurpé au lendemain de la mort de son père en
2005, et avec la bénédiction de la plus haute hiérarchie
militaire qui s'était dépêchée de lui faire
allégeance, Faure Gnassingbé n'avait pas hésité
à signer l'une des forfaitures qui demeure mémorable.
Alors que la constitution interdisait formellement toute
révision constitutionnelle en période d'intérim et de
vacance au niveau de l'institution présidentielle, Faure n'hésita
pas le moins du monde à balayer les articles 65 et I44 de la
constitution portant sur la procédure de dévolution du pouvoir.
L'article 65 stipule en effet qu'"en cas de vacance de la présidence de
la République, par décès, démission ou
empêchement définitif, la fonction présidentielle est
provisoirement exercée par le président de l'Assemblée
nationale .I35
La vacance est constatée par la Cour constitutionnelle
saisie par le gouvernement. Le gouvernement saisit le corps électoral
dans les soixante jours de l'ouverture de la vacance pour l'élection
d'un nouveau Président de la République." Le tour de passe a
consisté ici à faire sauter le mot provisoirement pour permettre
au président de l'Assemblée nationale de bénéficier
de l'article 65 nouveau : "le nouveau Président de la République
exerce ses fonctions jusqu'au terme du mandat de son
prédécesseur".
Ce n'était là qu'une étape dans la
chevauchée de Eyadéma fils vers le fauteuil présidentiel.
Le bénéfice de l'intérim ne pouvant profiter qu'au
président de l'Assemblée nationale, Faure fera engager une autre
révision, cette fois au niveau du code électoral. C'est l'article
203 qui sera revu pour lui permettre de reprendre son poste de
député qu'il avait cédé à son
suppléant au profit d'un poste de ministre. Une fois
député, c'est le président de l'Assemblée nationale
qui va être destitué pour les besoins de la cause
.I36
Et voilà comment le jeune Faure a repris le
contrôle de l'institution parlementaire, au moyen d'un artifice
légal, après l'avoir momentanément quitté. Comment
cela aurait pu être possible si la juridiction constitutionnelle avait
joué son rôle ? Ce qui s'est passé au Togo, c'est un coup
d'Etat constitutionnel, opéré avec la
I35 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles
en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives »,
Op. cit.
I36 Idem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
complicité du juge constitutionnel. Il faut
rappeler que ce forfait est intervenu après le coup d'Etat militaire qui
avait précipitamment placé Monsieur Faure à la tête
de l'Etat .
D'autres pays avaient précédé le
Togo dans les révisions constitutionnelles, au point que d'aucuns ont
parlé d'une cascade de révisions. Mais ce qui est en cause, c'est
moins le principe de la révision que l'objet sur lequel celle-ci porte.
On aura remarqué que l'essentiel des révisions constitutionnelles
tourne autour du statut du chef de l'Etat et plus précisément sur
la remise en cause de la limitation du nombre de mandats.
En Ouganda, la modification en 2005 maintient Yoweri
MUSEVENI au pouvoir depuis sa victoire militaire contre le régime
précédent en I986 .
Au Cameroun, la constitution camerounaise du 20 mai
I972 a été révisée en I996 puis en 2008 tout
simplement pour modifier la limitation de mandat présidentiel. En effet,
le Président Paul BIYA au pouvoir depuis I989 avait
procédé à réviser pour la seconde fois la
constitution afin de pouvoir se présenter aux élections
présidentielles de 20II . L'article 6 de la constitution du Cameroun
dispose : « le Président de la République est élu
pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois » . Mais en I996,
le principe de la limitation de mandat a été acquis au terme
d'une bataille et dont ceci a fait que le mandat passe du quinquennat au
septennat. Ainsi, le nouvel article six a consacré le septennat sans
limite .I37
En Angola, les députés angolais ont
rassuré au début du mois de janvier 20I0 à leur
Président Edouardo Dos Santos, qu'il pouvait rester au pouvoir jusqu'en
2022, et désormais, la constitution angolaise le lui permet.
Au Congo-Brazzaville, cette pratique serait de ronger
la constitution pour être révisée et permettre au
Président Dénis Sassou NGUESSO de se présenter en 20I6,
car sept ans seraient trop peu pour mettre en oeuvre son projet de
société « le chemin d'avenir
» .I38
Au Niger, Mamadou TANDJA Président à son
temps avait procédé à la modification de la constitution
de I999 pour briguer le troisième mandat. Tout est commencé,
quand il a dissout le 26 mai 2009, l'Assemblée nationale qui s'opposait
à
I37 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage
par les kleptocrates »,Op. cif.
I38 BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens
en Afrique », Op. cif.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
ladite révision. Et 24 heures seulement après un
avisI39 défavorable de la Cour constitutionnelle qui
s'opposait également à son projet de référendum
visant à prolonger son mandat présidentiel qui devait arriver
à terme à la fin de l'année 2009 .
En revanche, Mamadou TANDJA va dissoudre par la suite la Cour
constitutionnelle. Malgré ce déboire, le « gangster
politique » Mamadou TANDJA ne s'est pas limité à ce niveau,
il a en outre, imposé la révision de la constitution par voie
référendaire à ses concitoyens. Ledit
référendum a eu lieu le 4 août 2009 . Ainsi, la 6ème
République est désormais née au Niger par la nouvelle
constitution de Mamadou TANDJA, promulguée le I8 août 2009 .I40
Mais après avoir gagné son pari, Mamadou TANDJA
sera curieusement évincé du pouvoir par un coup d'Etat militaire
du jeudi I8 février 20I0 sous la conduite du Général SALOU
DJIBO .I4I
§2 . REVISIONS PORTANT SUR LA RESTRICTION DES LIBERTES
DE L'OPPOSITION
En principe, les révisions constitutionnelles
permettent de moderniser le texte constitutionnel, de l'adapter aux
évolutions de la société. Elles permettent ainsi d'assurer
la longévité d'une constitution .I42 A contrario, les
révisions constitutionnelles sont souvent dénoncées par
l'opposition africaine comme un stratagème politique qui vise à
renforcer le pouvoir d'un homme, et d'une majorité.
Cependant, il faudrait savoir que si hier, la classification
des régimes se fondait sur la théorie de séparation des
pouvoirs, ou encore sur les systèmes des partis, aujourd'hui c'est la
relation entre une majorité qui gouverne et une opposition ou
minorité qui critique et propose une alternative ou des alternatives qui
déterminent la typologie des régimes politiques .I43
C'est ainsi que Georges Burdeau estime que l'existence d'une
I39 L'avis n° 02 du 25 Mai 2009 déclarant
anticonstitutionnel le projet de référendum par Cour
Constitutionnelle du Niger.
Voir Anne SIMONE, « Déclaration du Front pour la
Défense de la Démocratie (FDD) »,
http://www .africaintelligence
.fr/c, (Consulté, le lundi 25 juillet 20II) .
I40 INYUKI, « Mamadou Tandja, gangster politique
préféré de la France »,
http://www .aeud
.fr/Mamadou-Tandja-gangsterb politique.html, (Consulté le
lundi 25 juillet 20II) .
I4I BOISBOUVIER, C ., « Niger, TANDJA, la chute,
renversé le I8 février, l'ex-président paie le prix de son
acharnement à demeurer au pouvoir », Jeune-Afrique
l'intelligent, 50ème année, n°2563, du 2I au 27
février 20I0, pp . I4-I7 .
I42 ARDANT, Ph ., Institutions politiques et droit
constitutionnel, I7ème éd ., LGDJ, Paris, 2005, p . 73 .
I43 DJOLI ESENG'EKELI, J ., « Problématique de
l'Opposition politique en Afrique noire post-coloniale. Cas de la
République Démocratique du Congo : Mythe ou Réalité
», in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU MANGU, A . et KIENGE
KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et responsabilité des
acteurs dans un contexte d'émergence
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
opposition libre, agissante est aujourd'hui tenue pour le
critérium d'une démocratie véritable
.I44Maurice Duverger renchérit que le critère
fondamental de la démocratie libérale se trouve dans la
reconnaissance de l'opposition, la proclamation et l'application du droit
à l'hétérodoxie lorsque, dans un pays, ceux qui professent
des idées contraires à celles des hommes au pouvoir peuvent crier
ces idées sur les tribunes des réunions, les imprimer dans les
journaux, créer et distribuer sans entrave, fonder des associations pour
leur défense et leur diffusion, les enseigner à leurs enfants
soit d'eux-mêmes, par l'intermédiaire des maîtres
d'écoles librement choisis, à se présenter aux suffrages
des citoyens concurremment avec les candidats du Gouvernement (et sans que
ceux-ci bénéficient d'avantages de quelque nature que ce soit)
afin de conquérir le pouvoir et d'y appliquer enfin les idées
qu'ils n'ont cessé de défendre, alors que ce pays peut être
qualifié de démocratie libérale .I45
Ainsi, d'une manière particulière et pratique en
Afrique, l'opposition politique africaine fait l'objet d'attaques de tout bord
: arrestations, tortures, stigmatisation de la part du pouvoir en place. Cette
opposition ne peut pas évoluer puisqu'elle est fragilisée ad
nutum par le régime en place. Quand bien même que le statut de
l'opposition serait institutionnalisé dans certains pays africains, tels
que : le Burkina FasoI46, le BeninI47, la
RDCI48, la MauritanieI49, le MaliI50, le
NigerI5I..., celle-ci s'épanouit difficilement sur un terrain
parsemé d'embuches placées par ceux qui sont au pouvoir.
Il est vrai que la reconnaissance juridique de l'opposition
avec l'instauration d'un chef de file ou d'un porte parole de l'opposition
jouissant des droits, est à même de favoriser l'effectivité
démocratique dans nos pays avec la possibilité offerte à
ce dernier d'accéder au pouvoir par le jeu d'alternance et laisser la
position ou la place à un autre leader en cas de défaite
électorale. Ceci explique qu'en Afrique, rares sont les partis
démocratique en République
Démocratique du Congo, (Actes des Journées scientifiques de
la Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, p
. 84 .
I44 BURDEAU, G ., Traité de Science politique,
Tome IV, LGDJ, Paris, I987, p . 6I2 .
I45 DUVERGER, M ., « Démocratie libérale et
démocratie totalitaire », Vie intellectuelle, juillet
I948, p .57-58 .
I46 La loi n°007-97 du 25 avril 2000 portant statut de
l'opposition (J .O n°30-2000), voir
http://blog .multipol.org,
(Consulté le dimanche 8 mai 20II) .
I47 La loi n°200I-3I du I4 octobre 2002 portant statut de
l'opposition.
http://blog.multipol.org,
Idem.
I48 La loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant
statut de l'opposition politique, in JORDC, n° spécial,
48ème année, Kinshasa, I0 décembre 2007 .
I49 L'ordonnance n°2007-024 portant statut de
l'opposition.
http://blog .multipol.org,
consulté le dimanche 8 mai 20II .
I50 La loi n°95-073 du I5 septembre I995 portant statut
des partis de l'opposition.
http://blog.multipol.org,
(Consulté le dimanche 8 mai 20II) .
I5I L'Ordonnance n°99-60 du 20 novembre 2000 portant
statut de l'opposition.
http://blog.multipol.org,
(Consulté le dimanche 8 mai 20II) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
d'opposition qui ont connu une alternance interne. Ainsi, des
opposants restent à la suite d'un échec aux élections,
qu'ils démissionnent .I52
En plus de certaines restrictions observées quant
à l'effectivité de l'opposition au sein de classes politiques
africaines, il y a également le problème de mandat
présidentiel illimité, de grande envergure qui ne laisse pas
l'opportunité à l'opposition ou à un leader de
l'opposition en Afrique d'être aux commandes de l'Etat ; dans le sens que
ce dernier demeure ou taille sa vie politique uniquement dans l'opposition,
puisque celui qui est au pouvoir se tape le luxe de la dérive
monarchique se manifestant par la révision constitutionnelle avec la
suppression pur et simple de la limitation des mandats présidentiels et
une « présidence devenue une affaire de la famille avec le
phénomène de fils remplaçant le père
décédé ou pas de manière dynastique et qui prend de
l'ampleur en Afrique », laissant le leader de l'opposition toujours dans
son carcan.
Certes, les révisions constitutionnelles visant la
suppression de la limitation des mandats présidentiels seraient un
mécanisme destiné à figer les leaders de l'opposition
africaine à demeurer toujours dans l'opposition sans rêver
d'être chefs d'Etat. Ce serait également une restriction ne
pouvant permettre à l'opposition d'être au pouvoir. A moins qu'une
autre voie soit envisagée ou entamée en vue d'arracher le
pouvoir.
52
I52 KOMI TSAKADI, « Quel statut de l'opposition pour
prévenir les conflits en Afrique ? »,
http://blog .multipol.org,
(Consulté le dimanche 8 mai 20II) .
53
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
SECTION II. FACTEURS ET CONSEQUENCES DES REVISIONS
CONSTITUTIONNELLES SUR LE CONSTITUTIONNALISME ET LA
DEMOCRATIE
Généralement, la réflexion juridique se
perd en conjectures dès qu'elle sort de sa sphère pour s'orienter
vers le terrain glissant de l'opportunité. Il ne saurait en être
autrement, car dans ce domaine, les risques de subjectivisme sont nombreux et
se joignent à la difficulté de justifier ou condamner un choix
politique. Celui-ci consistant à modifier de façon
récurrente les constitutions expose le juriste aux mêmes risques.
Si donc, la multiplication des révisions constitutionnelles, quelles
qu'en soient les raisons, est interprétée comme une forme
d'atteinte à la rigidité constitutionnelle, alors les
constitutions africaines sont plutôt souples dans leur pratique et
même très instables. Il en résulte certains facteurs ou
éléments déclencheurs d'une révision
constitutionnelle (§I), lesquels facteurs amènent des
conséquences fâcheuses ou néfaste sur le
constitutionnalisme et la démocratie (§2) .
§1 . FACTEURS DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES
De manière générale, les facteurs qui
débouchent à des révisions constitutionnelles sont de deux
ordres : les facteurs dits techniques ou endogènes et ceux dits
politiques ou exogènes.
1*1* FACTEURS TECHNIQUES OU ENDOGENES
Théoriquement, nous l'avons dit tantôt, toutes
matières prévues dans toutes constitutions peuvent faire l'objet
d'une révision, sauf certaines d'entre elles expressément
énumérées par le constituant lui-même.
A cet effet, lorsque certaines des dispositions
constitutionnelles sont désuètes ou s'il y a incohérence
entre ses dispositions et la pratique politique, cela peut entrainer une
modification constitutionnelle ; en plus, s'il y a des lacunes à
combler, on peut toujours procéder par l'amendement en vue de sa
réadaptation ; à ce moment, la modification peut être
adaptatrice ou créatrice. Ces facteurs techniques sont autrement
appelés cause endogènes .I53
I53NDAYA N'DAMYA FULBOB, A ., La
problématique de la révision constitutionnele
dans la constitution de 18 février 2006 en RDC , Travail de fin
de cycle, Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2009, p . 42 .
54
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ces facteurs dits techniques, s'appliquent également
dans le cadre d'un traité ou accord international contraire à la
constitution. Cela se fait par des mécanismes constitutionnels, une
obligation posée dans certaines constitutions, de réviser afin de
ratifier les actes internationaux inconstitutionnels .I54
Ainsi, l'article 2I6 de la constitution de 2006 telle que
révisée dispose : « si la Cour constitutionnelle
consultée par le Président de la République, par le
premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le
Président du Sénat, par un dixième des
députés ou un dixième des sénateurs, déclare
qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire
à la constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir
qu'après la révision de la constitution » . C'est le
même esprit de l'article I3I de la constitution nigérienne du 9
Août I999 telle que remplacée à ce jour par la nouvelle
constitution nigérienne.
Ce deuxième volet des facteurs techniques pose parfois
de problème comme le souligne J . Chevalier que cette production du
droit semble être désormais, moins régie par une logique
déductive, procédant par voie de concrétisation
croissante, que résulter d'initiatives désordonnées,
prises par des auteurs multiples et dont l'harmonisation est
problématique .I55
Le premier volet de ces facteurs vise tout simplement le
comblement de lacunes ou les correctifs et l'adaptation de texte
constitutionnel aux évolutions sociales et politiques. Alors que le
deuxième s'applique dans le cadre de l'exigence juridique
internationale, c'est-à-dire, le traité contraire à la
constitution, impose son incorporation dans l'arsenal juridique national.
En plus des facteurs techniques ou endogènes qui
peuvent occasionner une révision, il y a également des mobiles
d'origine externe, c'est-à-dire des facteurs dits exogènes qui
entrainent plus les réformes de la constitution. Ce sont des facteurs
purement politiques.
1*2* FACTEURS POLITIQUES OU EXOGENES
Les révisions constitutionnelles répondent
souvent aux aspirations politiques ou à la volonté politique,
dit-on. Mais, cette volonté ne devait pas aller au-delà de
l'objectif même d'une révision constitution .I56 Mais
hélas, les facteurs politiques ont
I54 CHAMPLEIL DESPLATS, V ., Les grandes questions du droit
constitutionnel, L'Etudiant, Paris, 2003, p . 3I
I55 CHEVALIER, J ., L'Etat post-moderne,
2ème éd ., LGDJ, Paris, 2004, p . 9I .
I56 NDAYA N'DAMYA FULBOB, A ., Op. cit , p . 42 .
55
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
pris le dessus sur les facteurs techniques dans la
modification de la plupart des constitutions africaines. Ces facteurs se
glissent très rapidement dans les pratiques de ce que certains
constitutionnalistes les qualifient de fraude à la constitution, voire
le coup d'Etat constitutionnel.
Ces facteurs que nous les qualifions des « politiques
» sont nombreux,
entre autre :
Envie de s'éterniser au pouvoir ;
Envie de renforcer son pouvoir ;
Envie de préparer une succession favorable au
Président ;
Envie de restreindre les possibilités de l'opposition
d'accéder au pouvoir.
En dépit des ces facteurs, nous voyons également
que les constitutions sont toujours marquées par la
concrétisation officielle d'une philosophie politique dans le sens que
la constitution est révélatrice de la volonté des
constituants de définir un ordre social plutôt qu'un autre,
traduisant ainsi les compromis entre les forces politiques en présence.
Une des fonctions de la constitution est précisément de
préserver l'équilibre qui a été obtenu lors de
l'élaboration de la constitution.
Il y a aussi l'organisation du pouvoir africain comme facteur.
Cette organisation est révélatrice des rapports de forces. Les
années de transition démocratique en Afrique étaient
marquées par un rapport de force défavorable aux pouvoirs
exécutifs, lesquels ont donc cédé un certain nombre de
points.
En effet, aux débuts des années I990, le rapport
de forces était plutôt favorable aux coalitions
démocratiques montantes qui, portées par la vague de
démocratisation, ont cherché à pousser à la
retraite des chefs d'Etat inamovibles ou à prévenir
l'émergence d'une nouvelle génération de chefs d'Etat
inamovibles. Les pouvoirs en place se sont alors résignés
à accepter la clause de limitation des mandats en attendant des jours
meilleurs. A ce titre, on peut considérer que les dispositions
constitutionnelles des 90 ont été prises dans un contexte de
crise des régimes et souvent dans l'urgence. Revenus à la
situation normale, ces dispositions apparaissent soudain trop rigides. Ainsi,
une fois que ce rapport leur est devenu favorable, les régimes en place
n'hésitent pas à reconquérir le terrain perdu, à
revenir sur les concessions d'hier. La plupart des réformes
constitutionnelles africaines ont été initiées par les
chefs d'Etats, qui font tout pour aménager leur concession.
Dictées par des considérations
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
politiques, ces révisions sont présentées
comme des corrections nécessaires à apporter à des textes
qui sont apparus à l'usage, imparfaits, incomplets et inadaptés
.I57
Certes, tous ces facteurs occasionnant toute une panoplie ou
myriade des révisions constitutionnelles aboutissant à des
conséquences fâcheuses, voire dangereuses en rapport avec la
promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique.
§2 . CONSEQUENCES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES
Sous d'autres cieux, les révisions constitutionnelles
contribuent à l'émergence du constitutionnalisme et de la
démocratie, c'est-à-dire à l'approfondissement des
mécanismes démocratiques et constitutionnels, voire au
renforcement des droits des citoyens. Mais tel n'est pas le cas en Afrique. Les
révisions constitutionnelles africaines sont sujettes à des
crises de tout bord. D'une part, des conséquences d'ordre juridique et
institutionnel marquées par un affaissement sensible des principes
constitutionnels et des mécanismes qui les garantissent, affaissement
dont il faut identifier les causes véritables. D'autre part, de
conséquences d'ordre politique.
2*1* CONSEQUENCES D'ORDRE JURIDIQUE OU
INSTITUTIONNEL
Elles sont de deux manières : dans le sens qu'elles
provoquent d'une part de crise constitutionnelle et institutionnelle, et
d'autre part celle de la justice constitutionnelle.
1° Crise constitutionnelle et
institutionnelle
La constitution en tant que norme suprême d'un Etat doit
être respectée d'abord par les gouvernants et ensuite par les
gouvernés. Et à défaut d'obtempérer ce principe, la
constitution perd sa valeur d'être une norme au-dessus de toutes les
normes et au-dessus de tout le monde. Ceci amène également des
conflits au sein des institutions, c'est-à-dire certaines
révisions peuvent susciter de tensions au sein des institutions, si
elles ne sont pas toutes d'accord de cette réforme. Le cas du Niger est
très éloquent' lorsque
l'Assemblée nationale Nigérienne ainsi que la cour
constitutionnelle n'étaient pas d'accord avec l'initiative
présidentielle de la réforme constitutionnelle, qui finalement
s'est abouti par la dissolution de l'Assemblée nationale
56
I57 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit
57
58
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
et après par la révocation pure et simple de
membres de la cour constitutionnelle par le Président Mamadou TANDJA
.
Le questionnement sur la crise du constitutionnalisme en
Afrique doit être replacé dans un contexte plus global
d'adéquation de la norme constitutionnelle aux sociétés
qu'elle est censée réguler. La question intéresse le droit
de façon générale. Posée plus directement, elle
interroge la problématique de la légitimité de cette
institution qu'est la constitution. On peut en effet se demander si la remise
en cause des principaux consensus des années 90, l'inefficacité
des oppositions politiques et citoyennes aux révisions
unilatérales, ne sont pas fondamentalement liées à ce
sentiment que la constitution apparaît comme un corps étranger
à la société .I58
On le sait, au moment de leur accession à
l'indépendance, la plupart des Etats africains, encore marqués
par une grande fragilité, ont cherché à unifier leur
système juridique, le droit étant dans une certaine mesure
considéré comme une des pièces maîtresses de
l'édification d'Etats-Nations stables. Deux tendances majeures
caractérisent ces systèmes juridiques. D'une part, ils sont
généralement monistes dans le sens où seul le droit
étatique, dit droit « moderne », est reconnu comme producteur
de normes juridiques. Dans la plupart des pays, on a procédé au
pire des cas, par suppression de toutes les coutumes et au meilleur des cas par
intégration de certaines normes et institutions coutumières au
droit officiel, la source légale unique demeurant en toute
hypothèse l'Etat. D'autre part, l'édification des droits dits
modernes se caractérise par l'importation des systèmes et normes
juridiques des anciens colonisateurs. Cette greffe résultant du
mimétisme s'est traduite aussi en matière constitutionnelle
.I59
Beaucoup d'observateurs s'interrogent pourtant sur
l'efficacité de la greffe et sur ses conséquences sur la
supériorité que le droit positif attribue à la norme
constitutionnelle. L'interrogation est difficile, presque tabou. En effet si la
constitution n'est pas respectée et si le constitutionnalisme moderne ne
rayonne pas, n'est-ce pas en partie en raison des valeurs qu'ils
véhiculent et qui les fondent ? Autrement dit, n'aurait-on pas, sous le
couvert du principe d'universalité, importé dans les
constitutions des valeurs inadaptées aux sociétés
africaines et subséquemment des procédés de
légitimation du pouvoir, qui ne correspondent pas avec leur substrat
historique, social et culturel ? Et parce que les valeurs prônées
par les constitutions seraient la marque d'une greffe qui n'aurait pas pris, on
expliquerait ainsi que non seulement les constitutions
I58 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité
des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.
I59 Idem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
soient trop souvent et sciemment violées par ceux dont
elles limitent le pouvoir mais aussi qu'elles ne soient pas défendues
par la société elle-même et précisément par
les citoyens; s'ils ne défendent pas les constitutions et leurs valeurs,
n'est-ce pas parce qu'ils n'ont pas le sentiment d'en être les gardiens ?
Le devoir d'obéissance, « naturelle » et «
spontanée », à la norme et la reconnaissance de sa
supériorité, « transcendantale », ne
dépendraient pas exclusivement des mécanismes techniques et
procéduraux qui en garantissent le respect. Il y aurait une bonne dose
de mythe, de mystique constitutionnelle, de représentation morale et
éthique qui constituent le soubassement d'un acte qui institue,
constitue un Etat. La recherche de ces « mythes fondateurs » devient
une problématique essentielle voire existentielle pour des Etats dont le
socle commun se perd à la faveur des divisions partisanes, ethniques,
tribales, confrériques ou religieuses .I60
En second lieu, l'interrogation sur la
légitimité des valeurs se double d'un questionnement sur la
légitimité des procédés techniques, formels,
d'adoption et de révision des constitutions. On l'évoquera plus
tard sous l'angle de la démocratie représentative. On peut le
rappeler sous l'angle de la crise de la norme constitutionnelle
elle-même. De la même manière que la légitimation des
dirigeants par l'élection suscite l'interrogation, les
procédés d'élaboration, d'adoption et de révision
des constitutions affectent leur légitimité. La diversité
des techniques d'élaboration est séduisante mais leur
résultat laisse sceptique. Il n'est alors pas exclu de s'interroger
surtout sur de nouvelles modalités d'élaboration des
constitutions. La participation de « tous » à la
définition et à la modification des règles du vivre
ensemble constitue une garantie essentielle de l'adéquation des valeurs
qu'elles véhiculent et de leur défense collective.
2° Crise de la justice
constitutionnelle
Le constitutionnalisme se développe lorsque les
mécanismes qui assurent la supériorité de la norme
constitutionnelle fonctionnent. La situation de la justice constitutionnelle
est un marqueur essentiel du rayonnement d'une constitution. De ce point de
vue, des progrès indéniables ont été accomplis en
Afrique de l'Ouest. Les Etats ont formellement mis en place des organes de
contrôle, défini leurs compétences et un statut qui, sur le
plan des textes, leur assure une certaine indépendance. Bien que
certaines juridictions nationales, à l'instar de la cour
constitutionnelle du Bénin, jouissent d'une réputation
d'indépendance, le pouvoir judiciaire en général, les
juridictions
I60 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité
des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.
59
60
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
constitutionnelles en particulier, constituent l'un des
maillons faibles du constitutionnalisme pour différentes raisons .I6I
La première tient au juge lui-même et à la
manière dont il conçoit et accomplit sa mission. Lorsqu'il a
tendance à s'autolimiter, à interpréter
littéralement et restrictivement ses compétences et à se
prononcer quasi systématiquement sur des questions de
régularité formelle et non de fond, il donne le sentiment qu'il
n'est pas le recours indiqué contre les atteintes à la
constitution et surtout il ne nourrit pas le débat nécessaire
à l'enrichissement de la constitution par voie d'interprétation
.I62
La deuxième raison est liée à la posture
du juge dans le cadre du contentieux constitutionnel, posture il est vrai
complexe dans la mesure où il lui est davantage demandé, en
termes quantitatifs, d'arbitrer des contentieux politiques que de se prononcer
sur les droits subjectifs que la constitution reconnaît aux citoyens. Ses
décisions sont ainsi systématiquement contestées quel que
soit leur sens, parfois pour des raisons de stratégie politique, et
surtout lorsqu'ils sont plus souvent à l'avantage du parti politique
dominant. Aussi la posture du juge est d'autant plus complexe que ses
décisions sont susceptibles d'être analysés sous l'angle de
la légitimité. En effet, appelé à se prononcer sur
des actes pris par des organes issus du suffrage citoyen, il court le risque de
se voir reprocher la tentation du gouvernement des juges et d'aller à
l'encontre de la volonté populaire exprimée par les
décisions des élus .I63
Enfin la crise de la justice constitutionnelle est en partie
liée aux conditions de sa saisine. Généralement le droit
de saisir le juge constitutionnel est restreint et n'est pas reconnu aux
citoyens et même lorsqu'il est ouvert plus largement, le rendement des
juridictions constitutionnelles est faible en raison d'un faible taux de
saisine qui lui-même s'explique à la fois par l'attitude des
citoyens à l'égard du droit, leur préférence pour
des modes de résolution non contentieuse des litiges et, parfois, par
leur perception négative de l'indépendance et de
l'impartialité des juges.
En résumé, la crise de la justice
constitutionnelle est due à la passivité du juge constitutionnel
face à la violation ou à des révisions
opérées d'une manière inconstitutionnelle. Le juge
constitutionnel en tant que gardien de la constitution doit à tout prix
prendre une position quant à une réforme constitutionnelle qui
serait entachée
I6I ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité
des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.
I62 Idem.
I63 Ibidem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
d'inconstitutionnalité, malheureusement ce dernier
n'intervient pas généralement dans le cas, lui s'intéresse
plus des résoudre les problèmes politiques que juridiques.
Ceci amène également, une perte de la
crédibilité du juge constitutionnel, puisqu'il n'intervient pas
dans de matières qu'il est censé surveiller, il devient un faux
protecteur de la constitution. On voit que le peuple n'a plus confiance
à ce juge qui est le véritable protecteur de cette loi
fondamentale qui régit tout un peuple.
La récente réforme constitutionnelle qui a eu
lieu en République Démocratique du Congo était
entachée de beaucoup d'irrégularités, dans le sens que
certaines matières étaient réputées
inconstitutionnelles, mais la Cour suprême de justice qui est en tant que
protectrice de cet instrument du constitutionnalisme n'avait rien donné
son avis malgré les agitations de tout bord.
Certes, tout ceci influe négativement sur le
constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique en
générale et en RDC en particulier. Donc, le dénombrement
de quelques cas des réformes constitutionnelles qui ont eu lieu en
Afrique, ont un impact très néfaste sur la promotion du
constitutionnalisme et de la démocratie du continent.
2*2* CONSEQUENCES D'ORDRE POLITIQUE
Si les révisions constitutionnelles entrainent des
conséquences d'ordre juridique et institutionnel, elles se font
également sentir sur l'étendue du territoire national. Elles
amènent le pays dans un chaos ou dans un recul total sur les
institutions tant politiques que sociales.
Les révisions constitutionnelles africaines seraient
sources des tensions politiques, sociales, économiques et culturelles.
Elles entrainent aussi de fois des révolutions populaires, des
rébellions, voire de coup d'Etat. Ces crises ont souvent
été malheureusement accompagnées de bain de sang et de
massacre des populations. Nombreux sont encore ces pays qui payent et
continuent encore de payer le prix de la discorde politique très souvent
née des « tripatouillages constitutionnels » .I64
1° Crise de la démocratie et violences
politiques
On ne peut échapper à la tentation
d'établir un lien entre le constitutionnalisme et la démocratie.
En Afrique de l'ouest, la contemporanéité entre les
avancées démocratiques et l'essor du constitutionnalisme est
manifeste. Celui-ci se
I64 BEDEL BAOUNA, « Constitution, un mot vide de sens en
Afrique », Op. cif
6I
62
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
nourrit des progrès de celles-là et les traduit
formellement dans son contenu. Inversement, il est évident que les
reculs démocratiques affectent le constitutionnalisme et affaiblissent
la croyance dans la supériorité de la norme constitutionnelle et
dans sa fonction d'organisation durable du système politique et de
limitation du pouvoir.
Or, si ce lien existe, au moins indirectement, il ne faut pas
s'étonner que la crise des modèles constitutionnels soit un
aspect de la crise du modèle démocratique et plus
particulièrement de la démocratie représentative. Celle-ci
est essentiellement formelle et procédurale et vidée en quelque
sorte de sa substance (gouvernement du peuple par le peuple, quoique par
l'intermédiaire des représentants). On peut le constater à
un triple point de vue pour ce qui concerne la constitution .I65
Tout d'abord, la crise de la démocratie touche le
pouvoir constituant originaire dans la mesure où, en dehors de la
parenthèse des conférences nationales, les procédés
qui permettent d'associer le peuple à l'élaboration des
constitutions sont caricaturaux. Très souvent, le contenu de la
constitution n'est mis en débat que dans des cercles restreints et
généralement de façon techniciste. La caution populaire
n'intervient que dans la phase d'adoption par référendum, les
citoyens étant davantage appelés à se prononcer sur un
« prêt-à-porter » qu'à effectuer un choix
éclairé sur des changements voulus et dont ils comprennent les
enjeux. De plus, appelés à voter au moment de l'adoption des
constitutions, la consultation des citoyens est systématiquement exclue
dès lors qu'il s'agit de les réviser et quelle que soit
l'importance de la modification entreprise .I66
Ensuite, la crise affecte le pouvoir constituant
dérivé. Cette crise qui est celle de la représentation
nationale en soi, notamment des parlements, traduit le mieux l'influence que la
démocratie représentative peut avoir sur le constitutionnalisme.
Le fait majoritaire et les pratiques politiques qu'il induit ainsi que
l'hypertrophie présidentielle affaiblissent les principes et garanties
constitutionnels. Il est navrant d'observer la facilité avec laquelle
des révisions constitutionnelles d'une légitimité douteuse
sont adoptées au sein des parlements par la seule volonté du
parti au pouvoir et de celui qui l'incarne .I67
Enfin, la démocratie représentative s'exerce
à travers le choix des dirigeants et ce choix résulte notamment
de l'élection. Or l'élection, ou tout au moins les conditions
dans lesquelles elle se déroule, est pourvoyeuse d'instabilité
politique mais
I65 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité
des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.
I66 Idem.
I67 Ibidem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
aussi constitutionnelle. Elle entraîne parfois des
réformes constitutionnelles conjoncturelles qui ne résolvent que
passagèrement et non durablement des problèmes politiques
profonds.
On constate qu'aucune élection ne se passe dans la
sérénité, le mieux où les « élections
tronquées »I68 et gagnées d'avance et sources de
conflits .I69 Le mieux serait qu'on décrète les
pouvoirs à vie, les Présidents dynastiques ; rien ne sert de
gesticuler c'est que vit l'Afrique. Il n'y a que les sourds-muets et les
idéalistes qui récusent cette réalité, l'image
qu'elle dégage ces temps-ci est pitoyable pour l'Afrique.
C'est dans cette même optique que le professeur Sayeman
BULA BULA explique dans le sens que, lorsqu'il y a atteintes insidieuses
à la norme fondamentale bien antérieurement à
l'organisation des élections générales ou
présidentielles. On pense à cette tendance, soit de proroger le
terme du mandat présidentiel originel, soit de renouveler à
souhait le mandat initialement limité à deux, lorsque même
le chef de l'Etat a été élu au suffrage universel direct.
Les révisions constitutionnelles envisagées dans ce sens divisent
profondément les organisations politiques nationales. Et si, le chef de
l'Etat en poste se présente, après une révision « sur
mesure » de cette dernière aux élections et les remporte, il
y aurait un changement anticonstitutionnel insidieux de gouvernement. A moins
que la révision constitutionnelle soit adoptée de manière
libre et transparente par voie référendaire .I70
Nous savons que la démocratie se mesure par
l'alternance au pouvoir. Or, c'est l'alternance et les conditions (modes de
scrutin) véritables de son émergence qui posent problème
en Afrique. A cette absence, certaines personnes ambitieuses cherchent
d'être aux commandes de l'Etat. Ainsi, celles-ci tenteront de tous les
moyens permettant d'être au pouvoir. Cela amènera soit une
rébellion, soit un coup de l'Etat en vue de mettre un terme au pouvoir
de chef d'Etat coutumier. Ceci fait qu'il ait une crise
généralisée sur l'étendue du territoire
national.
C'est ainsi que dans la majorité de révision
constitutionnelle qui octroie la présidence à vie aux chefs
d'Etat africains ont été le théâtre des crises de
tout bord, des révolutions populaires d'une part et des coups d'Etat
d'autre part. Sur ce, toute une panoplie de cas récents en Afrique dont
en voici quelques illustrations.
I68BULA BULA, S ., « Mise hors -- la --
loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels »,
African yearbook for international law, n°9, 2005, pp . 52-53 .
I69 BEDEL BAOUNA, « Constitution, un mot vide de sens en
Afrique », Op. cit.
I70 BULA BULA, S ., Op. cit, p . 77 .
63
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
En Tunisie, il y a eu de soulèvement populaire
au début de l'an 20II et qui a débouché par
l'éviction forcée du Président Zine BEN ALI qui a mis
longtemps au pouvoir. Le même drame s'est produit en Egypte avec la
défection du Président Hosni MOUBARAK au pouvoir. Pour aller plus
loin dans cette illustration, au Yémen avec le Président ALI
ABDALLAH SALEH au pouvoir depuis 23 ans, et quand il a tenté de modifier
la constitution yéménite pouvant lui permettre de briguer un
autre mandat présidentiel, comme conséquence, il y a une crise
généralisée qui poursuit son cours normal au Yémen
dont il n'arrive pas à la maîtriser jusqu'à ce jour
.I7I
Dans les deux dernières années, on a pu
enregistrer de coups d'Etats à travers l'Afrique en
Général. En Guinée-Conakry, où Lansana Conté
a été renversé par un coup d'Etat par le lieutenant Dadis
CAMARA dont la suite a amené à une élection
présidentielle remportée par l'éternel opposant depuis
quarante ans, Monsieur Alpha KONDE, en Mauritanie avec le Président Ould
TAYA victime également d'un coup d'Etat .I72 Et le cas
récent est lui du Niger, où le jeudi du I8 février 20I0,
MAMADOU TANDJAI73 lors d'un conseil des ministres important qu'il
présidait a été surpris avec ses collaborateurs par les
assaillants et dont l'acte fut consommé par quelques officiers
généraux sous le commandement de SALOU DJIBO. Ce dernier en
prenant le pouvoir, a organisé une élection présidentielle
après son coup d'Etat, laquelle élection fut remportée par
MAMADOU YOUSSOUF, actuel Chef d'Etat nigérien, ancien opposant de
l'ex-président déchu MAMADOU TANDJA .I74
Donc, la crise de la démocratie et les
violences politiques se manifeste lorsqu'on touche de manière inattendue
ou inavouée à la constitution, à ce moment l'ordre
démocratique est touché et cela amène des tensions
institutionnelles, sociales, qui à la fin du compte prend plusieurs
connotations : la rébellion, la révolution, le coup d'Etat...,
puisque l'ordre constitutionnel ou démocratique est entamé par
une réforme constitutionnelle tout à fait
frauduleuse.
2° Perte de confiance aux
institutions
Lorsque les institutions issues des élections
se livrent à des pratiques qui sont vraiment contre la volonté du
peuple, à ce moment ce dernier se sent négliger par
I7I Information donnée sur Radio France
internationale, du I8 mai 20II, édition de 05h00'.
I72 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage
par les kleptocrates »,Op. cif.
I73 BOISBOUVIER, C ., « Niger, TANDJA, la chute,
renversé le I8 février, l'ex-président paie le prix de son
acharnement à demeurer au pouvoir », Op
cif,
I74 Information donnée sur RFI du 28 avril 20II,
édition de 05h30'.
64
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
les représentants des différentes institutions
politiques, et à ce niveau les gouvernés peuvent prendre distance
de ces institutions, quand bien même que ces institutions sont
représentées ou existent par sa volonté.
Cette perte de confiance est due également par le fait
de mettre le peuple à l'écart par les autorités politiques
dans leurs initiatives ou leurs consensus politiques. On remarque que ces
souverains africains ne sont pas vraiment associés dans des grands
enjeux politiques. Tel est le cas de la récente révision
constitutionnelle qui a eu lieu en République Démocratique du
Congo. On voit que la population n'était pas associée à
prendre part à un débat ou à un consensus en vue
d'élaborer une loi qui devait être respectée par l'ensemble
de la communauté nationale.
Le second chapitre de la première partie de cette
étude s'est essentiellement évertué sur les constitutions
et les révisions constitutionnelles en Afrique. Le passage dans ce
chapitre sur le continent africain était riche en spectacle de voir les
considérations du concept « constitution africaine » et «
les révisions constitutionnelles » qui sont devenues un
défi, un fléau pour l'Afrique. Ce mécanisme
constitutionnel pose problème du constitutionnalisme et de la
démocratie. Force est de constater que le pouvoir n'est pas suffisamment
constitutionnalisé, bien sûr que la démocratie n'est pas
liée à l'existence d'une constitution, puisque même les
dictatures ont une constitution. Cette pathologie du révisionnisme
constitutionnel en Afrique par l'absence d'une appropriation populaire de la
charte fondamentale qui doit constituer la clé de voute des institutions
d'un pays, l'idée de constitution n'est pas sociabilisée. Tout
ceci explique la personnalisation à outrance du pouvoir dans les pays
africains où tout est centré sur la seule personne du
Président. Ce mécanisme constitutionnel amène des
conséquences très fâcheuses vis-à-vis des
institutions politiques et vis-à-vis du pays concerné.
Ainsi donc, si les révisions constitutionnelles ont eu
des impacts très dangereux sur le constitutionnalisme et la
démocratie en Afrique de manière générale, la
République Démocratique du Congo de manière
particulière n'est pas spectatrice mais elle est également
actrice en la matière. C'est ainsi que la seconde partie de notre
étude sera focalisée singulièrement sur les
révisions constitutionnelles et du constitutionnalisme dans l'histoire
constitutionnelle et politique de la RDC .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
DEUXIEME PARTIE
REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET CONSTITUTIONNALISME
DANS L'HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE DE LA RDC
Cette partie essentielement pratique,
casuistique et contextualisée à la RDC. Ele
passe en revue l'histoire tant constitutionnele que politique
de la République Démocratique du Congo, laquele
histoire est émailée de nombreuses
réformes des textes fondamentaux qu'a connu le pays. Ces réformes
ont certes eu un impact soit positif soit négatif sur le
constitutionnalisme et de la démocratie. Peut-être la RDC, comme
un des pays africains pourrait faire exception.
C'est pourquoi cette partie aborde successivement les
différentes révisions constitutionnelles intervenues pendant la
première et la deuxième République (Chap. I), avant de
s'atteler sur la récente révision de la constitution dite de
troisième République (Chap. II).
67
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CHAPITRE PREMIER
REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE ET
DEUXIEME
REPUBLIQUE
Pour arriver à comprendre l'impact réel des
révisions constitutionnelles sur le constitutionnalisme et la
démocratie en RDC, il va falloir analyser les révisions qui ont
intervenues sous la Première République (Sect. I), ainsi que
celles qui ont accompagnés la Deuxième République,
période caractérisée par l'instabilité
constitutionnelle (Sect. II).
SECTION I : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA
PREMIERE REPUBLIQUE
Cette première République qui commence au
lendemain de l'accession à la souveraineté nationale et
internationale par la RDC, était d'abord régie par la Loi
Fondamentale du I9 mai I960, ensuite par la constitution du Ier
Août I964 dite de « Luluabourg » .
Pour confirmer également l'hypothèse selon
laquelle la révision constitutionnelle est liée à
l'histoire de la République Démocratique du Congo, il suffit de
constater avec nous qu'à trois mois d'existence de l'Etat congolais,
intervenait la toute première révision, qui consacrait en fait
l'anéantissement de la Loi Fondamentale du I9 mai I960 .
En effet, les modifications subséquentes du texte
originel de la loi fondamentale sont matière à réflexion.
D'abord, il sied de noter que le texte de la loi fondamentale du I9 mai I960 ne
mentionne aucun titre relatif à la révision constitutionnelle.
Cependant, il y a lieu de dissiper cette lacune par un raisonnement par
analogie. Cas de l'article 4 dispose que le chef de l'Etat et les deux chambres
composent le pouvoir constituant. Ils sont les organes habilités
à élaborer la constitution. S'ils sont habilités à
élaborer la constitution, ils ne peuvent qu'être compétents
à modifier aussi le texte par eux élaboré et ce, en vertu
du principe de parallélisme de forme et de compétence et de la
théorie de l'acte contraire. De ce point de vue, la loi fondamentale
devait être modifiée par ces autorités agissant en concours
.I75
66
I75 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op.cit, pp . I06-I07
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
En clair, la loi fondamentale n'avait jamais été
révisée, mais elle n'a été que victime de
regrettables violations ou anéantissements, voire suspension, pendant
toute son existence. Il y a eu deux décret-loi constitutionnels qui ont
été pris dans des circonstances exceptionnelles, mais
curieusement, ces textes n'avaient pas pris le soin de suspendre la loi
fondamentale, ils ont tout simplement guidé une période où
au même moment la loi fondamentale était toujours en vigueur.
Alors cette pratique d'après nous était considérée
comme une forme de révision de la loi fondamentale.
§1 . SOUS LE REGIME DES COMMISSAIRES GENERAUX
Il convient de rappeler que dès l'indépendance
la RDC était régie par la Loi fondamentale du I9 mai I960
relative aux structures du Congo. NKULU KILOMBO signale que cette loi est issue
des Résolutions de la Table Ronde de Bruxelles à laquelle avait
participé les représentants du peuple congolais. Aussi, cette loi
demeurait techniquement un Acte du législateur belge appelé
à donner une base juridique aux structures politiques du Congo en
attendant que celui-ci élabore sa propre constitution .I76 D'où,
son caractère purement provisoire.
1*1* Contexte politique et changement
constitutionnel
Pour mémoire, après les sécessions du
Katanga (II juillet I960) et du Sud-Kasaï (Août I960) puis la
révocation du Premier Ministre Lumumba (05 septembre I960), l'atteinte
est portée à l'encontre de la loi fondamentale par la
création du Collège des Commissaires Généraux. Bien
que la révocation du Premier Ministre soit sujette à plusieurs
contestations sérieuses au regard des traditions propres au
régime parlementaire, aucun élément objectif n'a pu
justifier la création du collège des Commissaires
Généraux pratiquement une semaine après la
démission forcée du Gouvernement Lumumba. Le chef de l'Etat ayant
désigné Monsieur ILEO comme formateur, celui-ci,
conformément aux usages, allait procéder aux consultations des
principaux groupes et personnalités politiques en vue de réunir
une équipe ministérielle apte à obtenir la confiance du
Parlement. Mais comme la majorité parlementaire était favorable
à Lumumba, Monsieur ILEO allait au devant d'un échec certain. Le
défaut d'investiture parlementaire aurait contraint le chef de l'Etat
à la négociation avec les forces politiques qui soutenaient
Lumumba, puisqu'à deux reprises au cours d'une semaine, le Parlement
avait renouvelé sa confiance à Lumumba .I77
I76NKULU KILOMBO, Congo-Zaïre de la charte
coloniale à la constitution de la troisième
République, éd . SECCO, Kinshasa, I99I, p . 46 .
I77 ibid., p . 74 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Dès lors, on constate que cette révision
entreprise par le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU mettait déjà en
mal d'une part le principe de la séparation des pouvoirs et la classe
politique congolaise d'autre part. Partant de celle-ci, tous les pouvoirs
étaient concentrés entre la main d'un seul organe qui est le
Conseil des Commissaires Généraux, celui-ci conduisait la
politique générale de la nation. Tous les trois pouvoirs
classiques étaient unifiés ou exercés par ce dernier.
Cela est même l'esprit de ce décret qui disposait
que jusqu'à l'accomplissement de la mission du Conseil des Commissaires
Généraux, les chambres législatives étaient
ajournées, que le pouvoir législatif dévolu aux chambres
par la loi fondamentale était désormais exercé par le
conseil des commissaires généraux sous forme de décret-loi
contresigné par le Président du conseil et le commissaire
général intéressé et que le pouvoir exécutif
dévolu au Premier Ministre et aux ministres était exercé
respectivement par le Président du Collège et par les
commissaires généraux .I78
Nous disons qu'il y a eu dans ce régime, une confusion
des pouvoirs suite à l'existence du décret-loi constitutionnel du
29 septembre I960 qui consacrait de manière officielle la confusion des
pouvoirs au profit d'une institution. Car, désormais, les pouvoirs
législatif, et exécutif étaient confondus dans le chef de
la même institution, à l'occurrence le collège des
commissaires généraux, organe à la fois exécutif et
législatif.
1*2* Impact sur constitutionnalisme et de la
démocratie
Dans ce cas, quelques éléments du
constitutionnalisme posaient problème sur terrain. Comme le confirme
KABUYA LUMUNA, il est vrai qu'à ce moment-là, KASA VUBU avait
instauré un régime de type dictatorial au profit d'un
comité appelé « Conseil des commissaires
généraux, cela après avoir suspendu la loi fondamentale et
promulgué à la place le fameux Décret-loi constitutionnel
du 29 septembre I960 .I79
En cette période, il y a eu déséquilibre
des pouvoirs institutionnels, y compris confusion des pouvoirs dans le chef de
commissaires généraux qui foulaient au pied le principe de la
séparation des pouvoirs, un des éléments du
constitutionnalisme .
Ainsi, la création du collège des commissaires a
été un frein au jeu démocratique et a constitué un
blocage du fonctionnement normal des institutions politiques .I80
Cette amalgame au sommet de l'Etat ne pouvait favoriser guère la
bonne
I78 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . 7I .
I79 KABUYA LUMUNA, Op. cit, p . 204
68
I80 NKULU KILOMBO, Op cit, p . 75 .
7I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
démocratisation ou les valeurs démocratiques,
telles que la tolérance, l'alternance au pouvoir et l'esprit
d'écoute.
Certes, l'histoire a, par la suite, démontré que
la crise gouvernementale congolaise ne pouvait être réglée
que par le recours au Parlement qui devait investir le Gouvernement de sa
confiance. C'est ce qui a été fait pour le gouvernement Adoula en
Août I96I . C'est l'investiture parlementaire qui a donné au
gouvernement Adoula, issu du conclave de Lovanium une assise, une
légitimité populaire et une crédibilité devant les
instances nationales et internationales, qualités qui faisaient
défaut au collège des Commissaires Généraux et au
gouvernement ILEO. La légitimité du Gouvernement ADOULA
recouvrée à la suite de l'investiture parlementaire lui a permis
de restaurer l'unité nationale d'abord par la dissolution du
"Gouvernement Central " de Kisangani dirigé par Antoine GIZENGA qui se
réclamait de la légitimité constitutionnelle en tant
qu'héritier de LUMUMBA, et ensuite par la liquidation de la
sécession Katangaise .
§2 . SOUS LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE JOSEPH
ILEO
Ce gouvernement est intervenu ou s'est formé à
la suite de la conférence de Léopoldville. En quête de la
légitimité républicaine et à la recherche de
l'unité nationale perturbée par la sécession du Katanga,
le chef de l'Etat convoqua une conférence nationale, dite « Table
Ronde de Léopoldville » en janvier-février I96I en vue de
réformer les structures politiques du Congo.
2*1* Contexte politique et changement
constitutionnel
Comme l'indique NKULU KILOMBO, cette Table Ronde qui s'est
tenue à Léopoldville exactement une année après
celle de Bruxelles, a recommandé la libération des détenus
politiques, la constitution d'un gouvernement provisoire, la réouverture
du Parlement et le maintien de l'unité du Congo dans ses structures
fédérales .I8I C'est ainsi qu'à l'issu de cette
conférence, le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU prit, le 9 février
I96I, un décret-loi constitutionnel qui mit fin à la mission du
collège des Commissaires Généraux et décida la
constitution d'un gouvernement provisoire. Ce décret-loi disposait que
jusqu'à la date, à fixer par le chef de l'Etat, où les
chambres législatives seraient en mesure de se réunir en
comprenant les parlementaires de chaque province, le Gouvernement serait
dénommé Gouvernement Provisoire. Ce Gouvernement exercerait le
pouvoir législatif sous forme de décrets-lois contresignés
par le Premier Ministre et les
69
I8I NKULU KILOMBO, Op cit, p .
77
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
ministres intéressés. C'est dans ces
circonstances que naquit le deuxième gouvernement ILEO en février
I96I, le premier qui a prétendu succéder à Lumumba n'ayant
pas pu fonctionner en raison de la création du collège des
commissaires généraux .I82
Rappelons que ce deuxième décret-loi
constitutionnel confia le pouvoir législatif au gouvernement provisoire
dirigé par J . ILEO. Celui-ci se retrouva être à la fois
Premier Ministre, ministre de la Défense et ministre de la Justice,
responsable donc, de l'Exécutif et du Législatif. Rappelons
également, pour la petite histoire, que c'est le même ILEO qui se
trouva à la tête de la conférence Nationale aux
côtés de Mgr Laurent MONSENGWO (actuellement Cardinal de la RDC) .
Il était alors président de sa formation politique, le PDSC
(Parti Démocrate et Social Chrétien) .I83
Nous avons vite remarqué qu'à cette
période, le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU prenait des décisions
anticonstitutionnelles ou en violation de constitution ; lesquelles
décisions étaient en grande partie contestées. En
septembre I960, puis de nouveau septembre I963 et septembre I965, on a envie de
parler de KASA VUBU comme étant l'homme des « septembres tragiques
», comme le journaliste François MISSER l'a souligné. La
nomination de Monsieur ILEO, sans aucun respect de la majorité
parlementaire et la mise en congé du Parlement pendant un an, jusqu'au
conclave de Lovanium organisé sous la pression internationale, en
juillet-Août I96I .
Le 29 septembre I96I, il prit carrément la
décision de congédier le Parlement, en prenant le risque de
précipiter les Lumumbistes dans les mouvements d'opposition armés
qui ensanglantèrent le pays. Il nomma alors, en novembre I963, une
commission constitutionnelle dirigée par ILEO et LIHAU, qui ne
comportait aucun membre des chambres dissoutes et à laquelle confia la
mission de préparer un projet de constitution à soumettre au
référendum (janvier-avril I964) . Il avait superbement
ignoré les chambres en leur qualité de constituant car, la loi
fondamentale avait prévu que la constitution définitive de la
République du Congo devait émaner des chambres élues.
Mais, il est vrai que le Parlement en crise depuis l'affaiblissement de la
majorité lumumbiste s'était illustré par des dissensions
et des lenteurs, qui ne lui avaient pas permis de présenter valablement
un projet de constitution définitive conformément au voeu de la
loi fondamentale.
I82 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .
78 .
70
I83 KABUYA LUMUNA, Op. cit, p .
220
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
2*2* Impact sur le constitutionnalisme et de la
démocratie
Tout ceci explique comment le chef de l'Etat
s'était illustré à la violation grave de la loi
fondamentale : par son anéantissement, sa suspension et sa mauvaise
interprétation dont ces comportements ont abouti à des crises qui
avaient tant perduré sur l'étendue du territoire congolais. En
conséquence, le constitutionnalisme et la démocratie
étaient entièrement pris en otage par une seule institution
politique, c'est-à-dire le gouvernement provisoire de Joseph Iléo
qui faisait la volonté du chef de l'Etat. Il n'y avait pas un terrain
propice pour l'émergence du constitutionnalisme et de la
démocratie en RDC. Ces derniers étaient coincés par la
seule volonté du grand dictateur où ce régime suivait son
cours normal dans une confusion totale des pouvoirs.
Si la première République a
été entachée de confusion de pouvoirs, de monopolisation
des pouvoirs entre la main d'un seul organe par tous les déboires
constitutionnels enregistrés, lesquels n'ont pas facilité une
éclosion du constitutionnalisme et de la démocratie,
c'est-à-dire que ceci a eu des impacts très néfastes sur
la promotion du constitutionnalisme ainsi que la démocratie en RDC. Mais
qu'en est-il de la deuxième République sous le règne du
Maréchal MOBUTU ?
SECTION II. REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA
DEUXIEME REPUBLIQUE
La deuxième République fut régie
par la constitution du 24 juin I967 . Mais son initiateur Joseph
Désiré MOBUTU fut à la tête de l'Etat congolais le
24 novembre I965 suite à un coup d'Etat. Sous cette République,
le Zaïre a connu deux périodes : du règne du régime
monolithique et celle des instabilités politiques qui ont abouti
à des transitions de ce pays.
§1 . PRINCIPALES REVISIONS SOUS LE REGIME DU
MONOPARTISME
La constitution du 24 juin I967 qui régissait
la deuxième République avait fait l'objet des révisions de
tout bord, qui ont amené le pays à un certain moment dans un
gouffre total.
Mais, comment cette constitution fut-elle
élaborée ? Pour rappel, la constitution du 24 juin I967 a
été l'oeuvre d'une commission constitutionnelle composée
des juristes congolais du premier gouvernement issu du coup d'Etat. Il faut
néanmoins préciser que cette commission n'était pas assez
représentative comme celle de I964,
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
car elle n'était qu'une commission gouvernementale. Les
experts commis à cet effet, étaient issus du milieu du pouvoir,
la société civile n'ayant pas été associée.
Il y a donc lieu d'affirmer qu'au stade de la rédaction du texte
constitutionnel, le peuple était mis en l'écart étant
entendu que la commission politique du gouvernement qui l'élabora
était fermée aux forces vives de la nation .I84
Cette constitution a été proposée au
peuple qui l'adopta à l'issue du référendum
organisé du 4 au 24 juin I967 . Cependant, l'adoption du texte
constitutionnel par le peuple ne garantit pas sa stabilité. Si tel
était le cas, cette constitution n'aurait pas été victime
des dix-sept révisions unilatéralement initiées par les
pouvoirs publics qui n'associèrent en aucune fois le souverain primaire.
C'est autant dire que cette constitution aura été l'une des plus
instables qu'ait connu la RDC.
La révision constitutionnelle, pour être
régulière, doit tout d'abord rentrer dans l'intérêt
général du peuple et de la République, la
préservation de la démocratie ; ensuite elle doit respecter la
procédure prévue par le constituant quant à ce . Mais les
révisions constitutionnelles en RDC ont pour un but de renforcer le
pouvoir purement personnel des dirigeants.
En effet, les révisions intervenues au Zaïre
(RDC), outre qu'elles violaient les dispositions des articles 74, 75 et 28 de
la constitution du 24 juin I967, ont eu pour effet de renforcer certaines
institutions au détriment des autres, provoquant d'une part une
concentration des pouvoirs entre les mains d'une institution « la
présidence » et d'autre part un déséquilibre
institutionnel qui a amené les observateurs à dire que le
Zaïre était une République monarchique.
Les révisions de la constitution du 24 juin n'ont pas
respecté le principe selon lequel la constitution est une loi
suprême et fondamentale qui s'impose à tous : gouvernants et
gouvernés. Le constitutionnalisme et la démocratie
n'émergent guère dans une telle instabilité
constitutionnelle dûment entretenue.
Cette constitution qualifiée de révolutionnaire
par le nouveau régime a été marquée par de
multiples changements aux fins, disait-on chaque fois, de changement aux
réalités du moment. Elle a connu de nombreuses révisions
dont certaines ont même donné à penser qu'il s'agissait
finalement des nouvelles constitutions, tellement les
72
I84 NKULU KILOMBO, Op. cif, p .I35
73
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
philosophies qui sous-tendaient ces révisions ainsi que
l'agencement des structures et des organes appelés à exercer le
pouvoir étaient différentes, parfois contradictoires
.I85
1*1* Loi constitutionnelle n°70-001 du 23
décembre 1970
A* Circonstance politique et changement
constitutionnel
En juin I967, la constitution avait limité les partis
politiques à deux. L'article 4 alinéa 2 de cette constitution
disposait : "il ne peut-être créé plus de deux partis
politiques dans la République. Ces partis s'organisent et exercent leurs
activités librement. Ils doivent respecter les principes de la
souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la
République- .I86
En mai I967, Mobutu avait officiellement
présenté au public son parti politique, le Mouvement Populaire de
la Révolution, avec la publication du Manifeste de la N'sele, le 20 mai
I967 . Pendant ce moment, il y a eu une tentative d'Antoine KIWEWA qui
consistait à créer un second parti d'obédience lumumbiste
lui valurent de sérieux ennuis avec le pouvoir en place.
Ainsi, depuis sa création en I967, le MPR a
été conçu non pas comme un parti politique classique
devant lutter pour conquérir le pouvoir mais plutôt comme une
courroie de transmission entre le pouvoir et les masses populaires
.I87
Pour que ce parti atteigne cet objectif, son créateur
l'érigea en institution suprême de l'Etat. C'est pourquoi, aux
termes de l'article 2 de la Loi n°70-00I du 23 décembre I970, les
principales institutions de la République sont :
I . Le Mouvement Populaire de la Révolution ;
2 . Le Président de la République, Président
du parti et chef du gouvernement ;
3 . L'Assemblée nationale ;
4 . Le Gouvernement ;
5 . La Cour Constitutionnelle ;
6 . Les cours et tribunaux .I88
I85 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .I3I .
I86 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil des Textes
constitutionnels de la République du Zaïre. Du 19 mai 1960 au 28
mai 1991, éd . Ise consult, Kinshasa, I99I, p . 85 .
I87 VUNDUAWE te PEMAKO, F ., A l'ombre du Léopard.
Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko, TomeI,
éd . Zaïre Libre, Bruxelles, 2000, pp . I64-I65 .
I88 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil...Op. cit , p .
94 .
74
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Comme on le voit, cette Loi consacra le Mouvement
Populaire de la Révolution comme institution suprême de la
République, toutes les autres institutions lui étant
subordonnées et fonctionnant sous son contrôle
.I89
B* Effet sur le constitutionnalisme et de la
démocratie
Lorsqu'un parti politique est crée, c'est dans
un cadre d'abord privé et qui par la suite évolue dans la vie
politique. Cela est le même avec le Mouvement Populaire de la
Révolution qui était au départ une organisation
privée mais après cette réforme constitutionnelle, il
devient une institution politique.
Ceci amène l'étatisation du parti MPR et
par conséquent, on assiste à un déséquilibre total
des institutions de l'Etat. En effet, les pouvoirs étaient presque
concentré au niveau du parti et toutes institutions classiques
devenaient désormais ses organes dont le constitutionnalisme
était battu en brèche sous cette loi-constitutionnelle. Il
n'existait pas une séparation des pouvoirs comme l'esprit de
Montesquieu.
En ce qui concerne la théorie de la
séparation des pouvoirs, il faut savoir qu'un pouvoir politique non
étatique ne peut assujettir le pouvoir politique. C'est ainsi qu'en
érigeant le Mouvement Populaire de la Révolution en institution
première de la République, cela dénote d'une confusion du
pouvoir qui est là consacré au sommet de l'Etat
Zaïrois.
De ce fait, la séparation et
conséquemment la limitation des pouvoirs n'était plus concevable
au Zaïre, le Président ayant confisqué tous les pouvoirs en
sa qualité de Président de l'institution suprême de l'Etat.
Pire, l'article 9 de cette loi avait même pris soin de préciser
que ..lorsqu'un député se rend coupable de manquement
grave à la discipline du parti, il perd son mandat à
l'Assemblée et y est remplacé par un suppléant..
.I90 Par cela, le pouvoir législatif était assujetti par le
pouvoir exécutif incarné par le Chef de l'Etat, chef du
gouvernement et chef du parti.
En effet, le Président du MPR fut
lui-même Président de la République, chef du parti et chef
du gouvernement. De ce point de vue, il allait de soi qu'il devait confondre
ses prérogatives de chef du parti d'avec ses fonctions de chef de l'Etat
et de chef du gouvernement. Donc, par l'institutionnalisation du MPR, c'est la
suprématie présidentielle qui était indirectement
consacrée.
I89 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .
I44 .
I90 Art. 9 de la Loi n°70-00I du 23 décembre
I970 portant révision de la constitution,
Recueil..., p . 95
75
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Quant aux droits et libertés fondamentaux, sous
la constitution originelle ainsi que sous constitutions subséquentes
dites de révisions de la constitution du 24 juin I967, les droits et
libertés fondamentaux ont connu une période des vaches maigres
bien qu'ils aient été souvent mentionnés dans les
différents textes constitutionnels. Ceci étant, les pratiques
violentes marquent la plupart des régimes où l'arbitraire, le non
respect du droit, la violation des droits de l'homme sont quotidiens. Elles
dénotent également la confusion entretenue
délibérément entre la res publica et la chose
privée.
Cette réforme constitutionnelle n'envisageait
aucunement l'esprit démocratique. La plupart des gouvernants
étaient nommés par le seul chef, le chairman du MPR qui
était inamovible. Il n'avait pas de la tolérance,
c'est-à-dires les valeurs démocratiques dans
l'au-delà.
1*2* Loi constitutionnelle n°74-020 du 15
Août 1974
Cette loi a institué le Mobutisme en consacrant
la plénitude de l'exercice du pouvoir par le Président de la
République.
A* Circonstance politique et changement
constitutionnel
L'objet de la constitution révisée du I5
Août I974 était de sanctionner par un acte juridique global toutes
les conséquences pratiques qui avaient été tirées
de l'institutionnalisation et de la suprématisation du Mouvement
Populaire de la Révolution.
Cette loi consacra le monisme intégral au Congo
devenu Zaïre. Le MPR qui était la première des institutions
en I970 est désormais devenu l'unique institution de l'Etat, voire
l'Etat lui-même. Car, entre l'Etat et le MPR il n'y avait plus de
séparation à envisager. D'ailleurs, l'article 29 de cette
constitution définit le MPR en ces termes : "le Mouvement Populaire de
la Révolution est la Nation zaïroise organisée
politiquement".
Puisque le Mouvement Populaire de la Révolution
avait absorbé toutes les institutions, s'étant confondu à
l'Etat, son Président était de droit chef de l'Etat. Aux termes
de l'article 9 alinéa Ier, le pouvoir émanait du
peuple qui l'exerce par le Président du Mouvement Populaire de la
Révolution qui est de droit Président de la République
avec le concours des organes du Mouvement Populaire de la Révolution
.I9I
Le Président Mobutu incarnait le Mouvement
Populaire de la Révolution et détenait la plénitude de
l'exercice du pouvoir politique au Zaïre. Ceci illustre bien la confusion
du MPR et les organes de l'Etat étaient par voie de conséquence
confondus.
I9I Art. 9 al. Ier de la Loi n°74-20 du
I5 Août I974 portant révision de la constitution,
Recueil, p . I0I
76
77
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Les organes du Mouvement Populaire de la Révolution
sont désormais : le Bureau politique, le Congrès, le Conseil
législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire
.I92
S'étant d'office placé au dessus de ces organes,
le Président Mobutu les présidait tous. Autrement dit, il
présidait le Bureau politique, le Congrès, le Conseil
législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire. C'est
lui qui exerce la totalité des fonctions classiques de l'Etat, avec le
concours des organes du MPR qui agissaient par délégation .I93
Même l'article 3I qui limitait le mandat
présidentiel à cinq ans renouvelables une seule fois n'avait pas
un contenu réel, car ces restrictions ne concernaient pas le Fondateur
du MPR à qui il était demandé d'assurer la
continuité de l'oeuvre salvatrice qu'il avait entreprise
.I94
B* Effet sur le constitutionnalisme et de la
démocratie
Sous l'empire de la constitution du I5 Août I974, il
n'existait pas de séparation des pouvoirs, pas de limitation des
pouvoirs du Président du MPR, Président de la République,
pas d'alternance au pouvoir, la démocratie n'était pas au
rendez-vous. La confusion des pouvoirs était constitutionnellement
consacrée, toutes les barrières juridiques ayant
été consciemment écartées au profit du
Président Fondateur.
De ce qui précède, nous pensons à notre
humble avis que cette révision avait donc renforcé le rôle
dirigeant du parti. Les bavures politiques s'amplifiaient. Pour cette
constitution, rien au Zaïre ne pouvait être en dehors du Mouvement
Populaire de la Révolution : la primauté des pouvoirs
appartenaient désormais au parti Etat au Chef de l'Etat sur l'Etat.
Autrement dit, les organes du Mouvement Populaire de la Révolution
étaient supérieurs aux organes de l'Etat .I95
1*3* Loi constitutionnelle n°78-010 du 15
février 1978
La révision de I978 voulait tout simplement
libéraliser le régime ou libéraliser l'exercice du pouvoir
au sein du MPR. Ceci était dû suite à la guerre de 77 de
Shaba.
I92 Art. 43 de la Loi n°74-20 du I5 Août I974 portant
révision de la constitution, Recueil, p . I04 .
I93 VUNDUAWE te PEMAKO, F ., Op. cit, p . I82 .
I94 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I47 .
I95 MOUNGALA ASSINDIE cité par DJOLI ESENG'EKELI, J .,
Droit constitutionnel congolais, Notes du cours
polycopiées, 2ème Graduat, Faculté de Droit, UNIKIN,
2007-2008, p . I25 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
A* Contexte politique et changement
constitutionnel
La révision constitutionnelle du I5 août I974
avait conduit à une concentration à outrance des pouvoirs du
Président du Mouvement Populaire de la Révolution,
Président de la République. On remarque ici que même dans
l'élaboration de la constitution, on parle du Président de la
République tout court quand on veut parler du Président de la
République. La loi constitutionnelle du I5 février I978 fait
suite au discours du Président fondateur du MPR, Président de la
République en date du Ier juillet I977 . Dans ce discours, le Chef de
l'Etat dénonce le malaise crée par cette concentration des
pouvoirs entre les mains d'une seule personne .I96
Il a souvent été dit en doctrine que la
réforme intervenue en cette date du I5 février I978 était
inspirée par le souci de libéraliser le régime,
c'est-à-dire démocratiser le Zaïre et de rendre responsables
tous les organes de l'Etat en procédant à un partage effectif du
pouvoir entre le Président et ces organes .I97 Mais, ce
n'était qu'une réforme apparente ou plutôt
éphémère. Car, nonobstant le partage du pouvoir avec les
autres organes de l'Etat, le Président du Parti conservait l'initiative
des lois et de la révision constitutionnelle concurremment avec le
Conseil législatif. En outre, il légiférait par voie
d'ordonnance-loi en dehors des sessions du Conseil législatif et cela
sans aucune quelconque habilitation . I98
B* Impact sur constitutionnalisme et de la
démocratie
La confusion dans le fonctionnement et l'exercice du pouvoir
était toujours une réalité permanente. L'exécutif
dont le Président était jusqu'ici le chef avait sans cesse
confisqué le pouvoir du Conseil législatif. Fondamentalement,
rien n'avait changé. D'ailleurs, avec cette constitution, " le mandat du
Président fut fixé à sept ans et la limitation du droit au
renouvellement du mandat présidentiel fut
abandonné- .I99
Deux années plus tard, en février d'abord puis
en novembre I980 ensuite, le régime fut de nouveau endurci avec la
création du Comité central, nouvel organe de conception,
d'inspiration, d'orientation et de décision du MPR. A ce titre, le
Comité central allait prendre une place considérable dans la vie
nationale enjoignant par
I96 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit, pp . I25-I26
I97 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I50 .
I98 Ibid., p .I50 .
I99 Idem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
décisions d'Etat au Conseil législatif et au
Conseil exécutif de prendre les mesures qui lui semblaient utiles
.200
Après le Président Fondateur, le Comité
central devenait la cheville ouvrière ou la plaque tournante du
régime zaïrois de cette époque. C'est ainsi que la
révision constitutionnelle redéfinit la hiérarchie et le
fonctionnement des organes du Mouvement Populaire de la Révolution.
Il y a lieu de noter que l'expression "Parti-Etat" ne fut
jamais inscrite dans la constitution. Elle fut introduite dans le langage
politique par la Décision d'Etat n°32/CC/83 du Comité
central prise le Ier avril I983 qui disposa que le Mouvement
Populaire de la Révolution était un Parti-Etat et que, en tant
que tel, il était l'unique source de pouvoir et de
légitimité au Zaïre .20I La conséquence de
ce modèle de gouvernance est l'institutionnalisation d'un pouvoir
à la fois personnel, personnalisé et individualisé. Il y a
disparition de l'Etat en tant qu'institution politique étant
donné que le pouvoir est totalement intégré dans la
personne du chef de l'Etat .
Ce système politique dans son ensemble posait le
problème de légitimité à travers ses organes. On a
remarqué quand même un grand effort de démocratisation de
la part des pouvoirs mais dans celui de séparation des pouvoirs au sein
des organes du Mouvement Populaire de la Révolution.
Si le Comité central pouvait enjoindre le Conseil
législatif (Parlement) et le Conseil exécutif (Gouvernement)
à prendre les décisions dans le sens qu'il souhaitait, il est
évident que leurs pouvoirs étaient en réalité
exercés par lui, leur rôle n'était que
cérémonial, il faisait que l'acte de présence. De cette
manière, le constitutionnalisme ne pouvait être envisageable dans
un tel contexte.
Les élections doivent conduire au rajeunissement de la
classe politique ; elles doivent favoriser l'alternance au pouvoir, la
limitation des mandats des gouvernants. Cela est même leur rôle
primordial dans une démocratie constitutionnelle. Pourtant, les
élections organisées au Zaïre depuis I970 jusqu'aux
dernières en I987, ne postulaient que la réélection
à l'infini du candidat Joseph Désiré MOBUTU, étant
entendu que ce dernier avait, semble-t-il, reçu mission de parachever
l'oeuvre salvatrice qu'il avait commencée. Certes, pendant ce moment la
démocratie avait du mal pour prendre effet au Zaïre, malgré
les voies se levaient de partout, les différentes modifications
constitutionnelles ne prenaient pas soin d'instaurer la démocratie dans
ce pays.
78
200 NKULU KILOMBO, Op. cif, pp . I55-I56 20I
Ibid., p .I57 .
79
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
1*4* La loi constitutionnelle n°80-007 du 19
février 1980
Depuis I978, le Président MOBUTU entre en conflit
ouvert avec le parlement issu de sa tentative de libération du
régime. Vite, il a renoué avec son système monolithique.
Pour y arriver, la constitution était révisée en I980 afin
d'affirmer simplement le rôle primordial du parti et son chef.
A* Contexte politique et changement
constitutionnel
A la suite des interpellations qui ont jeté une limite
négative sur le Conseil législatif, le Président de la
République, par cette révision, revient sur la libération
enclavée par la révision de I978 . Ainsi, il réaffirme son
pouvoir de dissolution du Conseil législatif, de même il s'octroi
les pouvoirs de nomination des membres du bureau politique qui ne seraient pas
élus.
Par ailleurs, le Mouvement Populaire de la Révolution
prend la définition qu'on donne classiquement à l'Etat, c'est
l'esprit de l'article 29 de ladite loi. Le Président de la
République est avant tout le Président du Mouvement Populaire de
la Révolution.
De ce qui précède, il s'agissait d'un
régime politique déséquilibré accordant une
réelle préséance au Chef de l'Etat, Chef de
l'Exécutif et ce, au mépris de la limitation des pouvoirs
poursuivie par le constitutionnalisme. Toutes ces révisions visaient
tout simplement à accroitre les pouvoirs de gouvernants, il y avait
l'inexistence de l'Etat de droit, l'alternance continuait à poser
problème, les droits et libertés fondamentales garantis
n'étaient applicables, donc la liberté d'expression
n'était effective. Comme conséquences de tous ces déboires
politiques, on a assisté à des périodes tumultueuses,
c'est-à-dire de moment d'instabilités politiques, lesquelles
instabilités ont amené une autre donne politique à travers
le Zaïre (RDC) . Cette période était également
émaillée des multiples lois constitutionnelles.
§2 . REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET INSTABILITE
POLITIQUE
Pendant la période de 90, le monde avait connu des
bouleversements de grande envergure. On a vite remarqué qu'à la
fin des années I980, l'humanité avait connu des bouleversements,
lesquels étaient appelés « sismique » . A la suite de
l'éclatement de l'URSS et de la chute du mur de Berlin, les pays de
l'Est ont été contraints sous la pression sociale à
transformer leur régime. On a alors parlé de la
80
8I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Perestroïka : une réorganisation du système
socio-économique et mondialisation des mentalités dans le sens de
l'efficacité et d'une meilleure circulation de l'information
.202
Ce vent de l'Est va traverser la méditerranée et
souffler sur le continent Africain. Les modèles de gouvernance
adoptés les Etats africains à savoir la dictature composite ou
chauve-souris n'ont pas permis aux Etats africains de décoller. C'est
ainsi que l'Afrique avait saisi l'opportunité pour aménager son
environnement politique. Comme nous l'avons dit dans la partie introductive de
cette étude, le continent noir va connaitre une nouvelle donne
politique, entre autre la démocratisation des Etats africains, comme
conséquences : la transition, les conférences nationales, les
gouvernements d'union nationale.
Sur ce, le Zaïre n'était resté en dehors de
la réalité du moment, par le biais de son Président,
Mobutu va initier une série des consultations populaires dès le
mois de janvier I990 . Lesquelles vont aboutir à la
démocratisation ouvrant la voie au multipartisme bâti sur un Etat
de droit et de la réhabilitation du constitutionnalisme occidental.
Selon le professeur Jacques DJOLI203, cette
période dite de transition est répartie en phases, à
savoir : la transition emphatique ou euphorique, celle instinctive ou
autoritaire, celle partagée.
Mais qu'est-ce que nous pouvons retenir de la transition, sur
ce, le professeur Félix VUNDUAWE préfère le concept «
d'interrègne constitutionnel » .204 Mais, le concept de
transition est défini comme « le processus de transformation qui
fait passer d'une phase vers une autre avec comme but de changer la condition
des hommes » .205
Ce concept comme l'a analysé le professeur Jean-Louis
ESAMBO206, parle d'une part de transition démocratique et
d'autre part celle politique, dont d'après lui, ces deux concepts ont
été donnés pour synonymes.
La transition démocratique selon Patrick Quintin est
une période allant du lancement du processus de dissolution d'un
régime autoritaire jusqu'à l'élection des nouvelles
autorités selon une procédure d'élections multipartites
.207 L'auteur considère la
202 Cette idée est paraphrasée, DJOLI ESENG'EKELI,
J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I29 .
203 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit, p . I34 .
204 VUNDUAWE te PEMAKO, Op. cit, p . I24 .
205 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit,, p . I32 .
206 ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18
février 2006 à l'épreuve...Op. cit, p . I2
207 QUINTIN Patrick cité par ESAMBO KANGASHE, J .L .,
Op. cit ., p . I2 .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
transition démocratique comme une période allant
du déclenchement du processus de libéralisation politique
à la mise en place des institutions transitoires vers un régime
démocratique. Les élections libres et transparentes constituent
d'après Gérard CONAC, le seul moyen d'expression de la
volonté populaire et la source de la légitimité du pouvoir
.208
Alors que la transition politique est constituée de la
transformation de la société politique africaine par le passage
d'un régime à parti unique vers le multipartisme,209
la transition démocratique est considérée comme
l'aboutissement d'une transition politique, celle-ci étant
constituée par un mouvement de transformation institutionnelle entre
deux périodes, transformation dictée par le dysfonctionnement
d'un système politique et la nécessité de son remplacement
par un autre plus adapté .2I0
2*1* Loi constitutionnelle n°90-022 du 05 juillet
1990
La loi constitutionnelle du 05 juillet est en
réalité la seizième révision de la constitution du
24 juin I967 . Elle est l'application, mieux la conséquence logique de
l'exécution des décisions prises par le Président de la
République dans son discours du 24 avril I990, consécutivement
aux consultations populaire qu'il avait initiées sur le fonctionnement
des institutions .2II
A* Contexte politique et changement
constitutionnel
Le 24 avril I990, à l'issue d'une longue consultation
populaire sur le fonctionnement des institutions politiques, le
Président Mobutu annonça au peuple zaïrois ses graves
décisions qu'il avait seul arrêtées :l'introduction au
Zaïre du multipartisme à trois et du pluralisme syndical ;
l'abolition de l'institutionnalisation du impliquant de ce fait la
réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels que sont le Mouvement
Populaire de la Révolution législatif, l'exécutif et le
judiciaire comme les seules institutions.
A dater du 5 juillet I990, date de la promulgation de la
nouvelle constitution, les institutions de la République sont le
Président de la République, l'Assemblée Nationale, le
Gouvernement et les Cours et Tribunaux .2I2 Cette réforme
institutionnelle était certes fondamentale et historique mais dans la
pratique le chef de
208 CONAC Gérard cité également par ESAMBO
KANGASHE, J .L ., Idem.
209 BRETON J .M cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., Op.
cit ., p . I3 . 2I0 Idem.
2II DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit,, p . I35 . 2I2 Art. 34 de la Loi n°90-022 du 5 juillet I990,
Recueil, p . I35 .
82
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
l'Etat a conservé sa mainmise sur toutes les
institutions. Dans les rapports de l'Exécutif avec le Législatif,
il a gardé le droit de dissoudre le Parlement et de prendre des
ordonnance-lois sans délégation du Parlement .2I3
Tirant toutes les conséquences de ce discours, la
révision constitutionnelle du 05 juillet I990, outre qu'elle change
intrinsèquement la philosophie des pouvoirs publics, annule
expressément l'article I9 bis de la constitution du 24 juin I967 telle
que révisée en I970 : « le Mouvement Populaire de la
Révolution est l'institution suprême de la République. Il
est représenté par son Président. Toutes les autres
institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son
contrôle » ; ainsi que l'article 32 de la même constitution
telle que révisée par la loi constitutionnelle du I5 août
I974 : « le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation
Zaïroise organisée politiquement. Sa doctrine est le Mobutisme.
Tout Zaïrois est membre du Mouvement Populaire de la Révolution
» .2I4
Selon feu le professeur SAMBA KAPUTO, la suppression du
monopartisme par un simple discours était une démarche
anticonstitutionnelle dangereuse aussi bien pour celui-là même qui
l'avait initié et pour le peuple Zaïrois qui allait en subir les
fâcheuses conséquences. En effet, en décidant de s'aborder
d'auteur le Mouvement Populaire de la Révolution, parti Etat, le
Président MOBUTU semblait oublier que, d'après la constitution en
vigueur jusqu'au 24 avril I990, la qualité du Chef de l'Etat
était indissociable avec celle du Président du MPR que le Chef
devenait automatiquement Président de la République. En d'autres
termes, en perdant sa qualité du Président du MPR, il cessait
d'être Chef de l'Etat et perdait par la même occasion la
légitimité qui aurait pu lui permettre de conduire avec quelque
chance de succès le délicat processus de démocratisation
.2I5
B* Contexte politique et changement
constitutionnel
Les mesures partielles de libéralisation du
régime n'avaient pas suffit à rendre démocratique l'Etat.
Il a fallu, pour annoncer une transition vers la démocratie, repenser
l'ensemble du système. Dans plusieurs pays d'Afrique francophone, la
démocratisation a été introduite par les
conférences nationales regroupant toutes les forces vives de la nation.
Mais fort malheureusement, le régime zaïrois a tenté
cette
2I3 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I76 .
2I4 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op.
cit, p . I36 .
2I5 SAMBA KAPUTO cité par DJOLI ESENG'EKELI, J .,
Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I37
83
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
expérience en organisant la conférence
nationale débutée en août I99I dont les acquis ne seront
pas mis en oeuvre à cause de l'absence du processus
d'apprentissage.
Dans un régime semi-parlementaire comme celui
adopté par cette réforme constitutionnelle, l'équilibre
entre les institutions politiques était envisageable si au pouvoir du
chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale, il y avait un
contre-pouvoir réel détenu par l'Assemblée nationale
à l'encontre du Gouvernement. Or, nous savons que la
responsabilité politique du Gouvernement dont fait mention l'article 97
de la Loi constitutionnelle du 5 juillet I990, était une
responsabilité politique sans véritable conséquence. En
effet, comme nous l'avons dit ci-haut, le Gouvernement était encore
nommé et révoqué par le Président de la
République ; il ne devait pas obtenir un vote confiance de
l'assemblée nationale avant son entrée en fonction et il
n'était pas soumis tout au long de son existence à une
procédure de défiance ou de censure que l'Assemblée
ouvrirait contre lui.2I6
2*2* Acte constitutionnel harmonisé du 02 Avril
1993
A* Circonstance politique et changement
constitutionnel
Le processus de transition entamé le 24 avril
I990 a connu une crise quasi congénitale. Les congolais semblaient
n'être pas préparés pour accepter ou cautionner ce
revirement qui, selon toute logique leur était favorable. En plus, la
malice de la classe dirigeante consistant à donner par la main droite,
et retirer par la main gauche fut à la base d'un effondrement sans
précédent .2I7 Face à la gravité de la
situation économique, sociale, de nouvelles négociations sont
engagées à N'Sele entre l'opposition radicale et le pouvoir pour
dégager un compromis politique global, lequel sera conclu le 3I juillet
I992 . Les deux parties ont consenti à l'équilibre des pouvoirs
pendant la transition entre le chef de l'Etat en fonction et le premier
ministre devant être issu de l'opposition sur base d'une élection
à la Conférence Nationale Souveraine.
Cependant, le Président Mobutu va s'employer
à empêcher l'aboutissement d'un acte constitutionnel issu de la
Conférence Nationale Souveraine. Après multiples pressions
exercées par le pouvoir sur le bureau de la CNS, celle-ci va
clôturer ses travaux le I4 septembre I992 dans une ambiance très
tumultueuse, sans avoir finalisé l'Acte constitutionnel.
2I6 NKULU KILOMBO, Op. cit ., p
. I85 .
2I7 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit
constitutionnel ...Op. cit, p . I4I
84
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Le nouveau Premier Ministre est privé d'un
instrument juridique important pour partager le pouvoir avec le
Président Mobutu. Celui-ci va démettre celui-là de ses
fonctions le Ier décembre I992, et cette décision sera
maintenue malgré le refus de la Conférence Nationale Souveraine
de cautionner la destruction de
TSHISEKEDI.2I8
Pour se trouver un cadre institutionnel plus
légal, la Conférence Nationale Souveraine mettra
précipitamment en place le I6 décembre I992, un Haut Conseil de
la République, en sigle HCR, avec près de 453
délégués désignés par ses différentes
composantes. On assiste au dédoublement institutionnel qui s'installe au
somme de l'Etat. D'un côté, le gouvernement TSHISEKEDI et le Haut
Conseil de la République avec la majorité des membres de
l'opposition, et de l'autre côté, le Chef de l'Exécutif
Mobutu et l'Assemblée nationale avec la majorité des membres
issus des partis politiques de la mouvance présidentielle. Avec le
dédoublement institutionnel, la Conférence Nationale Souveraine
aura ainsi raté tous les objectifs majeurs qui ont été
assignés.
En effet, à la place de la
réconciliation nationale comme premier objectif de la Conférence
Nationale Souveraine se plante le dédoublement institutionnel marquant
la division non seulement de deux camps politiques, mais aussi de deux ordres
institutionnel, gouvernementaux, parlementaires distincts. Au lieu d'un seul
acte constitutionnel issu de la Conférence Nationale Souveraine, le pays
se retrouve avec deux constitutions, chose grave et confuse au sommet de
l'Etat, dont l'une est reconnue par la famille politique de Mobutu, et l'autre
issue de la CNS est soutenue par des formations politiques de l'opposition
radicale .2I9
L'exposé des motifs précise qu'il
fallait trouver une solution à la situation confuse née notamment
de l'existence concomitante dans notre pays, au lendemain de la clôture
de la Conférence Nationale Souveraine de trois textes dont
l'harmonisation s'est avérée opportune. Il s'agit des textes
ci-après :
v La constitution du 24 juin I967 telle que
modifiée à ces jours ;
v L'Acte portant dispositions constitutionnelles
relatives à la période de transition élaboré par la
Conférence Nationale Souveraine et non promulgué par le
Président de la République ;
v Du compromis politique global du 3I juillet I992
.
2I8ILUNGA NGOY,
Dans le sens de l'histoire et de l'analyse sociopolitique :
Etienne TSHISEKEDI, un homme symbole, un destin, éd . Steve
BUKA, Kinshasa, I999, p . 32 .
2I9 MATANGILA MUSANGILA, L . cité par DJOLI
ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p
. I42 .
85
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ce régime ne parviendra pas à faire
fonctionner les institutions. Le Président Mobutu va
préférer Monsieur Faustin BIRINDWA comme Premier ministre en lieu
et place de TSHISEKEDI Etienne, à l'issue du conclave de Kinshasa. Ce
gouvernement ne saura évoluer car, fort combattu aussi bien au plan
interne par l'opposition radicale qu'au plan externe par la troïka qui va
refuser toute coopération. Des nouvelles négociations vont
s'engager et vont aboutir au troisième moment de cette première
transition, l'Acte constitutionnel de la Transition du 04 Avril I994
.
2*3* Acte constitutionnel de la Transition du 09 Avril
1994
Le I4 janvier I994, le Chef de l'Etat déclare
démissionnaire le gouvernement BIRINDWA, totalement
dépassé par les pressions internes et internationales, il
convoque le Haut Conseil en session extraordinaire et le I9 Janvier I994, le
nouveau Parlement se réunit en session extraordinaire et des
négociations sont entamées pour dégager un nouveau cadre
constitutionnel. Ces négociations ont tourné autour de l'article
76 relatif au mode de désignation du Premier ministre et l'article 90 se
rapportant à l'inviolabilité du Président de la
République.
L'acte constitutionnel de transition du 09 Avril I994
qui avait mis en place un régime parlementaire est la réponse de
la classe politique à la suite des concertations politiques du Palais du
Peuple en vue de mettre fin au dédoublement des institutions de la
transition et des textes constitutionnels au lendemain de la clôture des
travaux de la Conférence Nationale Souveraine.
L'exposé des motifs de cet acte constitutionnel
précise que depuis le déclenchement du processus de
démocratisation le 24 Avril I990, notre pays traverse une crise
aiguë et multiforme ayant pour origine essentielle les divergences de vues
de la classe politique sur l'ordre institutionnel de la transition vers la
troisième république.
Se fondant sur le compromis politique global du 3I
juillet I992, la Conférence Nationale Souveraine regroupant les forces
vives de la nation, a établi un ordre institutionnel de la transition
reposant sur l'acte portant dispositions constitutionnelles relatives à
la période de transition, afin de mettre fin à la crise politique
et institutionnelle. Les divergences de vue de la classe politique au sujet de
cet ordre institutionnel ont aggravé la crise et conduit à la
tenue de conclave politique de Kinshasa. Celui-ci, par la loi n°93-00I
Avril I993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la
période de transition, a établi un autre cadre institutionnel de
la transition.
86
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette situation a occasionné le dédoublement
institutionnel et la multiplicité des textes constitutionnels pour la
période de transition et provoqué la confusion et le blocage du
fonctionnement de l'Etat, avec des conséquences regrettables sur le plan
social et économique pour notre peuple. Ainsi, en vue de redonner de
l'espoir au peuple Zaïrois et de trouver des solutions durables et
définitives à cette situation, les concertations politiques du
Palais du Peuple, initiées par Monsieur le Président du Haut
Conseil de la République, avec l'accord du Chef de l'Etat, ont
été sanctionnées par un protocole d'accord qui donne des
orientations précises pour la fin du dédoublement des
institutions de transition et des textes constitutionnels de la transition
.220
Au regard des différentes analyses abordées dans
le cadre de ce chapitre, nous avons vite remarqué la souffrance qu'a
connue le constitutionnalisme et la démocratie sous la Première
et la Deuxième République du Congo-Zaïre à
l'époque. Cela n'a pas permis ou favorisé un environnement
propice pour l'émergence du constitutionnalisme et de
démocratie.
Cette situation politique chaotique n'a pas permis aux partis
politiques de jouer pleinement leur rôle d'encadrer le pouvoir afin de le
limiter dans ses tentatives d'excès et de déviation.
L'environnement conflictuel était très favorable aux abus et aux
excès dans l'exercice du pouvoir politique. C'est ce qui permit la
confusion dans le fonctionnement des institutions, situation hostile à
l'émergence du constitutionnalisme et de démocratie.
En tout état de cause, le diagnostic de la situation
constitutionnelle et politique que nous venons de passer en revue,
relève que le constitutionnalisme et la démocratie n'ont pas
trouvé un environnement favorable à leur avènement.
L'analyse de l'ordre constitutionnel et institutionnel a
indiqué que les institutions relativement équilibrées dans
les textes constitutionnels fonctionnaient néanmoins dans un
déséquilibre prononcé tant l'exécutif s'emparait
chaque fois des pouvoirs étatiques à son profit.
Dans le cas du Congo, l'exécutif a toujours eu tendance
à s'approprier aussi cette importante prérogative
législative. On l'a vu deux fois sous le règne du
Président KASA VUBU. Une fois, dans le cas du Conseil des Commissaires
Généraux qui avait cumulé le pouvoir exécutif et
législatif (29 septembre I960) . Une deuxième fois dans le cas du
Gouvernement Provisoire, dirigé par Joseph ILEO et qui fut formé
en
220 Extrait tiré de l'exposé des motifs de
l'Acte Constitutionnel de la Transition du 09 Avril I994 (cfr . DJOLI
ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, pp . I44-I45) .
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
attendant la convocation des chambres (9
février I96I) . On a vu aussi sous le règne du Président
MOBUTU qui était devenu Chef de l'exécutif et du
législatif sans pourtant avoir jamais fusionné l'exécutif
et le législatif en une seule institution, mais en usant et en abusant
seulement de droit qu'il avait de promulguer des ordonnances-lois pendant les
vacances parlementaires.
Cette confusion des pouvoirs entrainait logiquement
l'arbitraire dans l'action du pouvoir de l'Etat avec de fâcheuses
conséquences sur les droits et libertés fondamentaux de la
personne, sur l'émergence d'un Etat de droit, sur la stabilité de
la loi fondamentale et suprême et bien sûr, sur
l'indépendance du juge en général et du juge
constitutionnel en particulier. D'ailleurs, l'absence sur terrain de ce dernier
non seulement a rendu impossible le contrôle de constitutionnalité
mais surtout a constitué un véritable frein à
l'émergence du constitutionnalisme congolais sous la première
République. La situation de celle-ci ne sera pas très
différente de celle de la deuxième République.
L'analyse a démontré quatre
régimes de dictature, lesquels ont marqué des ruptures avec les
constitutions en vigueur. Une première fois, de septembre I960 à
février I96I, au profit d'un comité baptisé « Conseil
des Commissaires généraux », installé par le Colonel
Mobutu, puis par le Président Kasa Vubu. Ce Conseil a centré sur
lui les pouvoirs exécutif et législatif en agissant sous l'empire
d'un Décret-loi constitutionnel promulgué par le Chef de l'Etat.
Une deuxième fois, quand ce Conseil a cédé la place et les
mêmes pouvoirs au Gouvernement Provisoire présidé par
Joseph ILEO de février en août I96I . Une troisième fois
encore, au profit du Haut commandement militaire, qui a fini par céder
la place au seul Général Mobutu. Une quatrième fois
encore, au profit de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo-Zaïre), qui a fini par céder la place au
seul Président LD KABILA .22I Mais comme dans les autres
régimes connus, la personnalisation a toujours été plus
forte que l'institutionnalisation des organes de l'Etat. C'est donc davantage
un phénomène de personnalisation poussée qui se
dégage des pratiques observées au Congo-Zaïre. Chaque
dirigeant gère la durée de son pouvoir sans se soucier
d'organiser l'Etat et les conditions de sa continuité.
De tout ce qui précède, l'analyse du
premier chapitre a démontré qu'il y avait absence de la promotion
du constitutionnalisme et même de la démocratie. Les pratiques
constitutionnelles de ces périodes ont finalement débouché
par des instabilités
87
22I KABUYA LUMUNA, Op. cit, p .
225
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
politiques, y compris les diverses réformes
constitutionnelles, lesquelles ont eu des impacts très négatifs
sur le constitutionnalisme et regardés loin ce concept
démocratie. L'instrument qui sous-tend l'idée du
constitutionnalisme était ad nutum secoué par la seule
volonté chef de l'Etat. Mais quand est-il de la constitution dite de
troisième République à l'épreuve du
constitutionnalisme et de la démocratie en RDC sous la
loi-constitutionnelle n°II/002 du 20 janvier 20II222 ? Le
deuxième chapitre de cette dernière partie nous fixera
bientôt.
88
222 Loi n° II/002 du 20 janvier 20II portant
révision de certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo du I8 février 2006,
JORDC, n°3 , Kinshasa, du Ier février
20II .
89
90
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CHAPITRE DEUXIEME
REVISION CONSTITUTIONNELLE SOUS LA TROISIEME
REPUBLIQUE
Il est à retenir que la période post-transitoire
est régie par la constitution du I8 février 2006 dite de la
Troisième République. Celle-ci était vue une
réponse aux précédentes crises tant constitutionnelles que
politiques. En effet, par consensus, des délégués de la
classe politique et de la société civile, réunis au
Dialogue Inter Congolais (DIC) ont convenu dans l'Accord Global et Inclusif (A
.G .I) signé à Pretoria en Afrique du Sud, le I7 décembre
2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une
nouvelle constitution démocratique sur base de laquelle le peuple
congolais devait choisir souverainement ses dirigeants par la voie des
urnes.
Dans ce second chapitre de la dernière partie, nous
analyserons d'abord essentiellement le cadre de la révision de cette
constitution (Sect. I), ensuite, interviendra le point crucial consacré
à l'épreuve de la révision du 20 janvier 20II (Sect. II)
.
SECTION I. LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006 ET LE
CADRE DE SA REVISION
Adoptée par référendum de I8 et I9
décembre 2005 et promulguée le I8 février 2006, cette
constitution n'est pas hostile à sa propre modification. Le constituant
a tracé le cadre de sa révision en vue d'éviter le recours
aux moyens extra constitutionnels, il a prévu la procédure de
révision à l'article 2I8 .
Ceci nous fait affirmer qu'il n'y a pas un délai
endéans lequel la constitution peut-être ou non
révisée. Autrement dit, il n'y a pas de délai imparti aux
organes détenteurs de l'initiative de révision de la constitution
pour soumettre leurs projets ou propositions. Seulement, tout doit se faire
suivant l'opportunité, mais tout en veillant à la
procédure prévue par la constitution elle-même.
Ce qui voudrait dire que, le constituant congolais de 2006 a
laissé une fenêtre ouverte pour la révision de la
constitution (§I), tout en prenant soins d'énumérer des
matières, voire certaines dispositions qui ne peuvent faire l'objet de
la révision (§2) .
§1 . DISPOSITIONS REVISABLES
Etant donné que les constitutions sont des
matières vivantes, elles naissent, vivent, subissent des
déformations de la vie politique, elles sont l'objet de
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
révisions plus ou moins importantes et peuvent
disparaitre. La production constitutionnelle congolaise traduit de
manière la plus éloquente cette réalité
.223
Comme l'avons dit tantôt, en principe toutes
matières ou dispositions d'une constitution peuvent faire l'objet d'une
modification, sauf certaines d'entre elles expressément
énumérées par le constituant dans le but de
protéger son oeuvre. C'est-à-dire que les constituants
eux-mêmes ont eu la sagesse de le prévoir et insérer dans
leur oeuvre les procédures qui permettront de réparer des
imperfections liées à l'usure du temps. Paradoxalement, c'est la
possibilité de révision qui assure la longévité
d'une constitution .224
En commençant du Ier article jusqu'au
229ème article, toutes les dispositions sont
révisables, excepté certaines matières qui sont
énumérées expresis verbis dans l'article 220 de ladite
constitution. Mais, la révision des articles précités est
acceptable dans le cadre de l'intérêt général de la
nation, c'est-à-dire en respectant la ligne du constitutionnalisme et de
la démocratie.
La révision constitutionnelle dans le cas
d'espèce implique une modification des dispositions dites
révisables sans changement de la nature de l'ordre
constitutionnel.225
Les causes intrinsèques ou endogènes de
révision interviennent dans le sens que ces dispositions sont d'une part
désuètes et d'autre part lacunaires et ne facilitent pas le bon
fonctionnement des institutions, suscitant ainsi l'opportunité d'une
révisitation en vue de la réactualisation ou de la
réadaptation de la constitution aux aspirations politiques de l'Etat. En
revanche, les causes extrinsèques ou exogènes viennent de l'ordre
juridique international, c'est-à-dire les traités et les accords
internationaux qui sont contraires à la constitution exigeant que
celle-ci soit révisée en vue de régulariser sa
conformité. C'est l'esprit de l'article 2I6 de la constitution qui
dispose : « si la Cour constitutionnelle consultée par le
Président de la République, par le Premier ministre, le
Président de l'Assemblée nationale ou par le Président du
Sénat, par un dixième des députés ou un
dixième des sénateurs, déclare qu'un traité ou
accord international comporte une clause contraire à la constitution, la
ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la
révision de la constitution » .226
223TOENGAHO LOKUNDO, F ., Les constitution de
la République Démocratique du Congo. De Joseph KASA VUBU à
Joseph KABILA, PUK, Kinshasa, 2008, p . 8 .
224 ARDANT, Ph ., Droit constitutionnel et institutions
politiques, I5ème éd ., LGDJ, Paris, 2004, p . 75
.
225 MATTHIEU, B . et VERPEAUX, M ., Droit
constitutionnel, PUF, Paris, 2004, p . 22I .
226 Art. 2I6 de la Constitution du I8 février 2006,
JORDC, 47ème année, n° spécial, Kinshasa, I8
février 2006 .
9I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Donc, la plupart des dispositions peuvent faire l'objet d'une
révision constitutionnelle, excepté celles dont les
matières sont limitativement énumérées par le
constituant de 2006 .
La révision de dispositions qui protègent ces
matières peut entrainer une crise du constitutionnalisme et de la
démocratie. C'est ce que le professeur Edouard MPONGO veut expliquer,
lorsqu'il écrit que pour la stabilité des institutions, il ne
conviendrait pas de modifier à tout moment et trop fréquemment
.227 En plus, le risque en cas des révisions trop
fréquentes, est de « désacraliser la norme suprême
» et donc, en définitive, de lui faire perdre une part de son
efficacité .228
Mais pour que, ces dispositions soient révisées,
elles doivent être prévues par la constitution elle-même. A
ce niveau, l'initiateur de cette réforme va s'appuyer ou se
référer à la dite disposition constitutionnelle, laquelle
constitue le fondement même de sa démarche ; et c'est en vertu de
cette disposition consacrée à la révision logée
dans la constitution que sa démarche pourra prendre effet.
Ainsi donc, les 229 articles que compte la constitution de
2006, peuvent voir leur révision d'être entamée sur base de
l'article 2I8 du titre VI, consacrée à la révision
constitution. A défaut de cette disposition constitutionnelle, la loi
fondamentale ne pouvait faire l'objet d'une modification. A contrario,
malgré les dispositions donnant lieu à la modification
constitutionnelle, certaines dispositions parmi les 229 articles ne peuvent
faire l'objet d'aucune révision.
§2 . DISPOSITIONS NON REVISABLES
La constitution peut exclure certaines de ses dispositions ou
certains de ses principes fondamentaux de la possibilité de
révision. On parle alors de l'immutabilité ou de
l'intangibilité de la constitution. La limitation de la révision
quant à l'objet se conçoit dans les dispositions non
révisables, laquelle limitation a, entre autres, pour but
d'éviter l'altération de l'esprit de la constitution ou mieux de
prévenir la fraude à la constitution. Ce but apparaît plus
évident pour les constitutions qui s'adoptent dans les pays
post-conflit. C'est exactement le cas de la Constitution de la
République Démocratique du Congo, adoptée après une
longue période de guerre.
Et si le pouvoir constituant de 2006 a pensé
verrouiller certaines matières dans la constitution dite de la
troisième République, c'est pour lutter contre l'esprit
227 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 99 .
228 ROUVILLOIS, Fr ., Droit constitutionnel,
2ème éd ., Flammarion, Paris, 2005, p . I33
92
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
révisionniste. Cela est même l'esprit du point
quatre de l'exposé des motifs, consacré à la
révision constitutionnelle, qui dit : « pour préserver les
principes contenus dans la présente constitution contre les aléas
de la vie politique et les révisions intempestives, les dispositions
relatives à la forme républicaine de l'Etat, au principe du
suffrage universel, à la forme représentative du Gouvernement, au
nombre et à la durée des mandats du Président de la
République, à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au
pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l'objet d'aucune
révision constitutionnelle » .229
Aux termes de l'article 220 de la constitution, « la
forme républicaine de l'Etat, le principe du suffrage universel, la
forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des
mandats du Président de la République, l'indépendance du
pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire
l'objet d'aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite
toute révision constitutionnelle ayant pour l'objet ou pour effet de
réduire les droits et libertés de la personne ou de
réduire les prérogatives des pouvoirs des provinces et des
entités territoriales décentralisées » .
Cette disposition constitutionnelle constitue le socle de la
protection de la constitution de la RDC. Elle résume en son sein
l'esprit du constitutionnalisme démocratique qui postule la
stabilité de la constitution, parce que norme suprême de l'Etat.
Dans le sens que la modification de cette disposition restrictive, comme
l'indique Peter HABERLE230, conduit à ce que la constitution
perd son identité réelle, sa quintessence et devient alors une
constitution dénaturée, défigurée,
désacralisée.
SECTION II. CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006 A L'EPREUVE
DE LA LOI
CONSTITUTIONNELLE n°11/002 DU 20 JANVIER
2011231
Après plus de quatre décennies de dictature, une
nouvelle constitution voulue démocratique et censée mettre en
place un nouvel ordre politique au Congo fut promulguée le I8
février 2006 . Pendant la transition, la question de
légitimité des institutions et de leurs animateurs devint
centrale, donnant lieu à un processus irréversible. Le consensus
issu du Dialogue Inter Congolais générateur de l'Accord Global et
Inclusif fait constitutionnel fait que ce document obtint un nombre maximal de
supports au sein de la population congolaise lors du référendum
organisé à cet effet. D'aucun succombent, aujourd'hui, au vertige
du mouvement révisionniste alors que
229 Extrait de l'exposé des motifs de la Constitution du
I8 février 2006, Op. cit. p . 8 .
230 HABERLE, P ., Op. cit, p . I2I .
231 Loi-constitutionnelle n° II/002 du 20 janvier 20II
portant révision de certains articles. ...Op. cit.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
celui-ci contribue à faire installer l'idée que
la norme constitutionnelle serait devenue ineffective ou inefficace.
En réalité, la soumission du
révisionnisme aux contingences politiques et électorales fait
apparaitre sur le fond toute la difficulté d'un enracinement de
l'exercice démocratique et équilibré du pouvoir et
accentue le soupçon de fraude ou d'instrumentalisation de la
constitution.
Les amendements constitutionnels qui ont eu lieu n'avaient pas
tous recueilli l'assentiment d'un bon nombre de citoyens, du moins, les motifs
officiellement avancés. La plus controversée de ces
réformes étant, sans doute, celle relative au mode de scrutin
présidentiel. Pour beaucoup, du fait que cet amendement met en
évidence un personnage précis, le Président de la
République, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une manipulation
constitutionnelle dont le but est d'assurer la conservation du pouvoir par
Monsieur KABILA .232 Ceci confirme également notre
hypothèse selon laquelle cette pratique est devenue un souffle de vie
pour les dirigeants politiques africains. Ce mécanisme constitutionnel
serait pour la plupart des Etats africains un moyen pour la conservation
éternelle du pouvoir.
Cet instrument juridique par le biais son pouvoir constituant
qui a tenté de mettre en place un mécanisme très
spécial en vue de contrer toute tendance révisionniste de la
constitution par le pouvoir qui autrefois, a amené le pays dans des
régimes autoritaires et a finalement cédé à des
crises généralisées dont les séquelles demeurent
jusqu'à ce jour. Fort malheureusement cette leçon historique n'a
rien intéressé le régime actuel. Ce dernier a jugé
selon lui l'opportunité de réviser certaines dispositions de la
loi fondamentale. Malgré la pertinence de cette réforme,
certaines matières intangibles y sont touchées d'une
manière indirecte voire astucieuse.
Grande fut la déception de nombre d'observateurs
lorsque dès 2007, cette constitution devait subir le premier choc du
mouvement révisionniste avec la tentative avortée, avant que la
majorité au pouvoir ne franchisse le Rubicon en janvier 20II et ce, de
la manière la plus cavalière qui soit.
En effet, jusqu'en 20I0, avant le retour au pays de l'opposant
historique Etienne Tshisekedi, on parlait allègrement de la victoire au
premier tour de Joseph Kabila. L'engouement et la liesse suscités par le
retour de ce leader qui venait ainsi brouiller les calculs de la
majorité ont déterminé les éminences grises
à réfléchir
93
232 DIKEBELAYI, J .M ., Op. cit,
94
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
autrement, notamment à entreprendre les tractations visant
à modifier la constitution. Mais courir leur forfaiture, il eut fallu
réviser plusieurs dispositions outre celle relative au mode de scrutin
qu'ils tenaient mordicus à changer.
Pour apprécier objectivement l'oeuvre révisionniste
ainsi accomplie, il convient de passe en revue les enjeux de cette
réforme (§I), ensuite les implications y afférentes seront
effleurées (§2) .
§1 . ENJEUX DE LA DERNIERE REVISION
CONSTITUTIONNELLE
Les enjeux de la récente réforme constitutionnelle
qu'a eu lieu en République Démocratique du Congo s'analysent de
deux en volets, d'une part les mobiles de cette révision et d'autre part
les matières faisant l'objet de la révision.
1*1* MOBILES DE CETTE REVISION
L'analyse se penche sur les mobiles qui ont poussé
à ce que certaines dispositions de la constitution du I8 février
2006 soient révisées. Ces mobiles sont de deux ordres, à
savoir le mobile technique et le mobile politique ou électoraliste.
1*1*1* Mobile technique
Celui-ci est envisagé lorsque certaines dispositions de
la constitution sont en contradiction avec les institutions ou avec la
prévision constitutionnelle, et par conséquent, elles demeurent
de manière inconstitutionnelle au sein même de la constitution au
cas où sa modification n'intervient pas au moment opportun.
C'est ainsi que le besoin technique s'est fait sentir que
l'article 226 de la constitution était pleinement entré dans
l'inconstitutionnalité s'est vu réviser en vue de sa
réadaptation au niveau des institutions de l'Etat congolais.
1*1*2* Mobile politique ou
électoraliste
Si le mobile technique facilite la réadaptation de
certains articles au sein de la constitution, il n'en est pas le cas pour le
mobile politique ou électoraliste. Ceci se montre à travers la
révision du 20 janvier 20II, qui autour cette réforme
constitutionnelle a caché sa vraie raison. Mais nous estimons que
c'était l'ambition politique ou électoraliste qui a poussé
la majorité présidentielle à revoir la constitution afin
que leur autorité morale ait la chance de briguer le second mandat.
Certes, l'enjeu électoral a réellement provoqué ladite
révision.
95
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
1*2* MATIERES REVISEES
En dépit des mobiles qui ont poussé à la
modification constitutionnelle, ceux-ci ont provoqué certaines
matières d'être revues. Ces enjeux étaient essentiellement
fondés sur le mode du scrutin présidentiel prévu à
l'article 7I al. Ier, soumission des magistrats du parquet sous
l'autorité du ministère de la justice avec comme
conséquence l'atteinte à « l'indépendance » du
pouvoir judiciaire dans la constitution, la récupération du
siège par un parlementaire après avoir assumé une fonction
politique. En outre, la révocation d'un gouverneur provincial ainsi que
la dissolution de l'Assemblée provinciale par le Chef de l'Etat en cas
d'une crise persistante. Tous ces enjeux ont un but ou une finalité
d'abord, de donner la chance à l'actuel Chef de l'Etat aux prochaines
élections présidentielles, ensuite au renforcement du pouvoir
personnel du Président de la République sur les provinces qui
d'ores et déjà jouissaient d'une personnalité juridique et
d'une autonomie de gestion.
Ainsi, quelques enjeux majeurs de cette première
réforme constitutionnelle seront analysés d'une manière
singulière dans cette étude.
1*2*1* Mode de scrutin
présidentiel
Selon l'ancienne disposition de l'article 7I al. Ier, «
Le président de la République est élu à la
majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas
obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, dans un
délai de quinze jours, à un second tour » .233
Au regard de cette disposition, nous remarquons que le
constituant de 2006 n'a pas prévu de manière expresse les
élections présidentielles à deux tours. Il a au moins
prévu une possibilité au cas où l'un des candidats aux
élections n'atteint pas une majorité absolue des suffrages
exprimés, c'est-à-dire 5I% des voix, c'est à ce moment que
le deuxième tour s'impose. En plus, si le constituant de I8
février 2006 a voulu une majorité absolue, c'est pour
répondre au problème de la légitimité totale du
pouvoir du Président de la République par la grande partie de la
population.
Mais, le régime Kabila justifie la modification de cet
article sur base d'un mobile financier. Or, en réalité, tout le
monde sait que la vraie raison est le fait de passer leur candidat à
l'issue de cet unique tour, en prévoyant tout simplement que : « le
Président de la République est élu à la
majorité simple des suffrages exprimés » .
233 Article 7I al. Ier de la Constitution de la RDC du
I8 février 2006, Op. cif. p . 27
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cette réforme entraine l'éventualité
d'avoir un Chef de l'Etat peu légitime, c'est-à-dire moins
populaire, comme le pense le professeur Auguste MAMPUYA qu'écrit que
cette majorité est paradoxalement tout heureuse de nous offrir, sans
états d'âme, un président de la République minimal,
dévalué .234
Sur le plan politique, nous pouvons néanmoins constater
la rupture d'un certain équilibre qui prévalait parmi les acteurs
politiques autour de la Constitution et cette situation pourrait constituer une
fuite en avant pour les contestations éventuelles des résultats
électoraux à venir de la part de la classe politique
marginalisée dans cette procédure au cas où les verdicts
des urnes ne seraient pas favorables à cette dernière. La
principale clé de lecture de cette révision demeure
l'élection du Président de la République au scrutin
à un seul tour et c'est cette modification du scrutin qui attire toute
l'attention sur la révision constitutionnelle du 20 janvier 20II .
Ceci entraine un risque énorme que le Chef de l'Etat
peut être à tout moment contesté par la grande partie de la
population. Si dans la plupart d'Etats à travers le monde, le mode de
scrutin est envisagé de manière expresse en deux, c'est pour
donner plus de légitimité au Chef de l'Etat qui est appelé
à diriger son Etat ou son peuple. Mêmes les Etats qui ont
d'énormes problèmes financiers le maintiennent. Cela ne veut pas
dire que la démocratie est un luxe pour les Africains, ni encore qu'il
faille détricoter une constitution pour gagner les élections.
Comme dise le Romain : « alea jacta est !» le sort de la RDC
est de nouveau jeté à travers cette réforme, c'est
à l'avenir de juger.
1*2*2* Indépendance du pouvoir judiciaire
égratignée
L'article I49 de la constitution du I8 février 2006
était rédigé dans une logique implacable dans
l'alinéa Ier où il affirmait l'indépendance du
pouvoir judiciaire; dans l'alinéa 2, sans doute pour la première
fois dans l'histoire constitutionnelle, il définissait avec bonheur ce
pouvoir judiciaire comme comprenant « les cours et tribunaux : la Cour
constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour
militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets
rattachés à ces juridictions » .235
D'abord, la révision supprime le pouvoir judiciaire
comme corps, notamment dans la disposition de l'alinéa 2 de l'article
I49 d'où disparaît l'heureuse
234 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution
littéralement violée », http//www .lepost .com,
(Consulté, le mardi I5 février 20II) .
96
235 Idem
97
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
définition du pouvoir judiciaire. De même,
disparaît l'alinéa Ier qui dit que : « le pouvoir
judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif», donc l'énoncé essentiel même du
principe de l'indépendance judiciaire .236
L'alinéa 2 de cet article était ainsi une forte
avancée de l'Etat de droit, en incluant les parquets dans le pouvoir
judiciaire et en les faisant bénéficier de l'indépendance
de leur corps. On pouvait alors chez nous résoudre une question que
même les vieilles démocraties débattent aujourd'hui : celui
d'un ministère public indépendant ; nous étions en
avance.
Poursuivant ses analyses, le professeur Mampuya écrit :
« quand les auteurs de la proposition disent qu'il convient de
réaffirmer, à cet effet la règle classique selon laquelle
le parquet exerce son ministère sous l'autorité du ministre de la
Justice » « dont il est le bras séculier », ils oublient
que l'option prise par le constituant de 2006 n'était pas une erreur ou
un oubli mais le choix délibéré d'abandonner cette
soi-disant «règle classique » en faveur de la conception
moderne, que l'on trouve dans les pays anglo-saxons et que la France que nous
aimons bien copier quand il s'agit de mauvais choix, est en train de mettre en
place, sous le coup de condamnations répétées des
instances internationales refusant de considérer ses procureurs comme
«autorités judiciaires » et les considérant comme des
organes non indépendants .237
Le constituant de 2006 avait fait un pas de géant en
avant. C'est vrai que ce choix rendait en quelque sorte inutile un
ministère de la Justice, devenu seulement gestionnaire du personnel de
son administration et du personnel pénitentiaire; tout le drame est
là . Depuis, des ministres de la Justice ont manifesté leur
désarroi et leur hostilité à cet alinéa 2 de
l'article I49 et c'est la raison pour laquelle cette proposition est, en
réalité, l'oeuvre du ministère de la Justice; on fait deux
pas en arrière.
En sortant une partie de la composition du pouvoir judiciaire
comme pouvoir indépendant, la proposition méconnaît et
viole incontestablement l'indépendance de ce troisième pouvoir et
en fait un appendice de l'exécutif. A moins d'avoir du droit une lecture
purement formaliste et primaire. De fait, l'action judiciaire commence par la
mise en accusation, celle-ci ne peut être séparée de la
fonction judiciaire. En quoi, dès lors, le pouvoir judiciaire sera-t-il
indépendant si les poursuites sont ordonnées ou ne peuvent
être actionnées que par l'exécutif si la plénitude
de l'action publique n'est plus au parquet général mais au
ministère de la Justice, si l'exécutif peut dire qui on poursuit
et qui on ne
236 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution
littéralement...Op. cit.
237 Idem.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
poursuit pas ? Nous ne parlons pas de cas fréquents
où des jugements sont dictés ou rendus inopérants par des
ingérences inadmissibles de l'exécutif, comme c'est le cas
lorsque l'exécution de nombre de jugements dépend souvent de la
décision du ministre, illégalement ? Dans la conception moderne,
l'indépendance du pouvoir judiciaire concerne également le
ministère public ; en tout état de cause, ce fut l'option,
innovante et révolutionnaire, du constituant congolais au regard de ce
que les auteurs appellent « règle classique » et qui ne l'est
plus dans bien des pays ; réviser cette disposition, va bien à
l'encontre de la lettre et de l'esprit de la Constitution en son article I49
sur l'indépendance de la justice, contrairement à l'interdiction
de l'article 220 .238
1*2*3* Provinces qui ne sont plus
autonomes
De notre point de vue, la révision du 20 janvier 20II
viole l'interdiction de l'article 220 en modifiant les articles I97 et I98 de
la constitution. En effet, l'article 220 dit clairement que « Est
formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet
ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou
de réduire les prérogatives des provinces et des entités
décentralisées » . Il s'agit ici de la substance même
de l'autonomie des provinces.
En effet, cette autonomie se manifeste, en particulier, par le
statut des institutions provinciales : elles sont élues localement et
leur sort ne dépend pas du pouvoir central. Autrement dit, celui-ci n'a
pas le droit de nommer les autorités provinciales ni de les
révoquer, ce serait, bien évidemment attenter à leur
autonomie et à leurs prérogatives. Les auteurs de la proposition
la justifient avec une légèreté déconcertante et
avec un raisonnement spécieux qui n'a rien de juridique.
D'abord, ils constatent un « fonctionnement laborieux
» des institutions provinciales. Par « fonctionnement
laborieux», ils entendent certainement le fait qu'il y ait eu des motions
de défiance çà et là . Le professeur Auguste
MAMPUYA239 rappelle que, les motions de défiance expriment la
fonction constitutionnelle de contrôle attribuée à
l'assemblée provinciale, leur usage même
répété ne saurait logiquement être traité de
disfonctionnement. La difficulté est apparue dès le moment
où, ignorant le droit, la Cour suprême de justice s'est crue
juridiquement fondée à mettre à bas une motion
votée par une assemblée et à anéantir ainsi une
prérogative constitutionnelle de l'assemblée parlementaire, ce
qui est une ingérence inadmissible non seulement dans le fonctionnement
mais aussi dans les attributions constitutionnelles d'une autre institution
;
238 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution
littéralement...Op. cit.
98
239 Idem.
99
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
cela pourrait inspirer un Premier ministre frappé par
une motion de censure pour refuser sa sanction et saisir la Cour ou un
président de l'assemblée provinciale de solliciter le secours
d'un organe judiciaire, dénaturant complètement l'esprit du
régime du contrôle parlementaire.
Les auteurs disent également, pour modifier l'article
I97, que, comme le président de la République « assure, par
son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics »,
il doit pouvoir « dissoudre une assemblée provinciale » «
par une ordonnance délibérée en Conseil des ministres et
après avis des bureaux de l'Assemblée nationale et du
Sénat», «lorsque des circonstances politiques graves menacent
d'interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales
» . De même, dans les mêmes « circonstances politiques
graves », le président de la République peut relever de ses
fonctions le gouverneur d'une province, modifiant ainsi l'article I98 .240
Nous constatons d'abord que le président a un pouvoir
discrétionnaire aussi bien d'apprécier les « circonstances
politiques graves » que le moment où le « fonctionnement
régulier des institutions provinciales est « menacé »,
alors que si la consultation des bureaux des deux Chambres est prévue,
l'avis qui en émane n'est pas obligatoire, donc la décision du
président est totalement discrétionnaire au risque d'être
arbitraire et contestable. L'expérience nous enseigne qu'avec un
président politiquement teinté et inséré dans une
famille politique, la neutralité et l'objectivité de
l'institution deviennent problématiques.
Mais, surtout, que devient l'autonomie des provinces si le
statut et mandat de leurs institutions élues peuvent dorénavant
dépendre du bon vouloir du président de la République ?
Dans la forme de l'Etat qui est la nôtre, un Etat quasi
fédéral, l'autonomie et la dépendance des institutions
provinciales uniquement de leur élection par les populations locales est
la caractéristique essentielle, avec la répartition par la
constitution des affaires et des compétences entre l'Etat et les
provinces. Sauf tricherie ou formalisme fétichiste, dire que faire
révoquer par le pouvoir central les autorités des provinces
autonomes ne porte pas atteinte à l'autonomie des provinces est un
mensonge. Le professeur Mampuya a eu à rédiger cet article 220
selon, il en connaît et la lettre et l'esprit. C'est ainsi qu'en
révisant ces dispositions des articles I97 et I98, la proposition viole
l'article 220 qui l'interdit. L'article 220 ne dit nulle part qu'une exception
peut être faite pour impliquer une extension des attributions d'arbitre
du président de la
240 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution
littéralement...Op. cit.
I00
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
République. Cela serait vrai même s'il s'agissait
d'établir un parallèle avec la situation de l'Assemblée
nationale alors même que dans ce dernier cas, le président de la
République n'a pas le droit de révoquer les membres du
gouvernement.
§2 . IMPLICATIONS DE CETTE REVISION
Quand la constitution est changée selon le bon vouloir
d'un camp politique, celui au pouvoir et qui s'appuie sur des majorités
mécaniques dans des chambres d'enregistrement, il s'agit de
l'instrumentalisation pure et simple du pouvoir législatif. Plus le
contexte parlementaire est favorable, plus on aura tendance à
réviser la constitution. Cela est inquiétant car, la constitution
n'est pas seulement politique ou juridique, elle est aussi sociale. On ne
saurait la réduire à un agencement plus ou moins ingénieux
des relations entre pouvoirs, à une simple technique, elle est aussi le
reflet d'un consensus communautaire.
Ces dimensions sociale et consensuelle de la constitution
veulent que la réforme constitutionnelle tienne compte de certains
paramètres entre autres la culture constitutionnelle, la culture
démocratique et aussi la morale politique. Ceci doit guider d'abord les
législateurs ou les dirigeants africains en général et
ceux de la RDC en particulier. Ensuite, cet esprit doit également
habiter les peuples africains en vue d'asseoir un Etat vraiment constitutionnel
et démocratique.
En effet, si la constitution s'analyse en un contrat social,
et sa révision en serait une sorte de renouvellement du pacte
social,24Il'importance de la proclamation des clauses dans une forme
particulièrement solennelle n'en est que plus probante afin que chaque
partie du contrat connaisse ses droits et obligations un peu comme dans le
droit des contrats. Dans le domaine du droit des contrats
précisément, même si le principe du consensualisme demeure,
la quasi-totalité des rapports contractuels suppose
l'établissement d'un écrit. Ce caractère est souvent
exigé pour les nombreux avantages qu'il présente sur le plan de
la sécurité, de la rapidité des négociations et de
la publicité .242
A contrario, à défaut d'observance requise,
cette réforme constitutionnelle peut avoir des implications sociales sur
le régime politique, c'est-à-dire que des réactions
sociales ou l'opinion peuvent bouleverser le calcul politicien des
dirigeants.
24I BURDEAU, G ., Droit constitutionnel et institutions
politiques, I4ème éd ., LGDJ, Paris, I969, p . 57
242 STARCK, B ., ROLAND, H et BOYER, L ., Obligations,
4ème éd . Litec, Paris, I993, p . II .
I0I
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ainsi, la récente réforme a connu des
implications qui sont liées au constitutionnalisme d'une part, et celles
liées à la démocratie.
2*1* IMPLICATIONS LIEES AU CONSTITUTIONNALISME
La violation de certaines dispositions constitutionnelles,
l'atteinte à la morale du constitutionnalisme ainsi que la rupture du
consensus autour du pacte social qu'est la constitution sont autant des
conséquences de la révision du 20 février 20II sur le
constitutionnalisme congolais.
2*1*1* Violation de certaines dispositions
constitutionnelles
Lorsque le constituant de 2006 a interdit formellement la
révision de l'article 220, puisque certaines matières y
contiennent de certaines valeurs ou principes républicains, entre autres
: forme républicaine de l'Etat, l'indépendance du pouvoir
judiciaire, le principe du suffrage universel...Mais curieusement, cet article
s'est vu touché d'une manière indirecte ou astucieuse par la
récente réforme.
Cette révision a violé exceptionnellement le
principe de l'indépendance du pouvoir, y compris la suppression
intentionnelle de l'autonomie des provinces. Quand la révision du 20
janvier 20II octroie au Chef de l'Etat le droit de révoquer un
gouverneur de province élu, et aussi dissoudre une assemblée
provinciale qui est l'une des institutions provinciales constitue une fatale
violation portant atteinte à un instrument du constitutionnalisme .
2*1*2* Atteinte à la morale du
constitutionnalisme
La révision constitutionnelle doit toujours viser
l'intérêt général et non le contraire, même
n'importe comment le législateur est tenu d'avoir en esprit la morale du
constitutionnalisme. Qui veut même s'il y a opportunité d'une
quelconque modification constitutionnelle, les valeurs de l'Etat ou la morale
doit avant tout guider les pouvoirs habilités à réviser la
constitution.
Mais il n'en était pas le cas avec les parlementaires
congolais qui ont bu leur honte, et dont certains seraient d'après cette
analyse des conspirateurs qui nuisent l'Etat ou le peuple congolais.
Malheureusement, le constituant dérivé (les deux
chambres réunies en congrès) n'a pas tenu compte de l'orientation
du Jean de Bois de GAUDUSSON, qui estime qu'en démocratie, il y a morale
du constitutionnalisme qui fait qu'on ne peut pas
I02
I03
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
utiliser, même régulièrement, tous les
mécanismes constitutionnels pour atteindre n'importe quel objectif.
C'est le principe du constitutionnalisme démocratique de poser un
certain nombre de limites, pas forcément d'ailleurs inscrites dans la
constitution .243
Or, la majorité des parlementaires, n'ont rien pris en
compte dans leur entreprise révisionniste. Ils sont passés en
force, pour avaliser ce que leur hiérarchie politique avait
conçu, avant de commencer à moraliser après coup la
population congolaise en vue de se l'approprier, c'est-à-dire accepter
la nouvelle réforme constitutionnelle intervenue.
Donc, on ne les croyait pas capables d'aller jusque là,
de franchir la ligne rouge. Eh bien, ils sont capables de tout et la ligne
rouge a été franchie. 350 conspirateurs contre les valeurs de la
République et contre l'esprit républicain ont bu toute leur honte
et franchi le Rubicon, une révision fourre-tout.244
2*1*3* Rupture du consensus
Toute constitution est élaborée en tenant compte
de contextes politiques et sociaux bien déterminés. Ces
éléments peuvent constituer le fondement d'une constitution. Or,
si le législateur passe outre, sans tenir compte des aspects ci-haut,
alors sachez que cette réforme risquerait d'embraser le pays.
Dans ce cas précis, la procédure de
révision intervenue le I5 janvier 20II, en dépit de sa
célérité, se conforme aux prescrits de la Constitution de
référence, mais pèche, du point de vue politique, par la
rupture de l'équilibre et du consensus diffus autour de la Constitution,
car la rigidité de cette Constitution procède de l'essence de la
sauvegarde de ce consensus diffus prohibant qu'une majorité
présidentielle ou parlementaire forte puisse, selon les aléas de
la vie politique, disposer de la Constitution au grand dam de la
minorité. De ce point de vue la révision s'est
avérée inopportune.
L'on doit dépasser l'approche simplement formaliste ou
positiviste des révisions constitutionnelles, celle qui s'attache
uniquement à considérer leur conformité à des
principes généraux ou à des procédures
spécifiées. La vocation même d'une constitution, sa
vocation sociale invite à élargir la perspective et à
s'interroger sur l'enracinement sociologique de celle-ci tant il est vrai que
la qualité d'une constitution (et d'une révision
constitutionnelle) s'apprécie aussi à l'aune du consensus
réalisé autour
243 PERRET Th ., Op. cit, p . I .
244 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution
littéralement...Op. cit.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
d'elle. C'est pourquoi la quête du consensus devrait
davantage préoccuper les initiateurs des réformes.
Le secret de longévité et stabilité d'une
constitution se fait par son caractère plus ou moins inclusif et plus ou
moins consensuel de toute entreprise des réformes: tel est le cas de la
constitution Béninoise.
Une révision constitutionnelle ne doit pas ignorer les
divergences auxquelles les réformes donneront lieu, elle doit rechercher
un consensus national. Le consensus introduit dans le jeu une ambiance de
sérénité, de pondération et de stabilité,
caractéristique de l'ère de maturité. Plus une
constitution suscite une adhésion, plus elle devient difficile à
modifier ou à instrumentaliser .
Le Congo doit éviter de sombrer dans des errements que
beaucoup de pays n'ont ou su éviter à cause d'expérience
constitutionnelle très peu consensuelle. Le caractère plus ou
moins consensuel et inclusif du processus ayant conduit à
l'élaboration de la constitution de 2006 a été
favorablement accueilli par la majorité de la population congolaise
parce que le dialogue inter congolais était équitable, et
personne ne pouvait favoriser sa condition particulière. La commission
technique chargée de l'élaboration du texte constitutionnel n'a
fait que récolter les avis des participants à ce dialogue.
Ceux-ci avaient préparé le terrain et
prévu des dispositions considérées comme fondamentales et
qui devaient obligatoirement se retrouver dans la constitution.
Les propositions de la Commission constitutionnelle
elles-mêmes avaient fait l'objet des débats dans la population, du
moins au niveau des élites urbaines.
Le désir de recueillir le maximum de consensus, de
faire de la constitution l'affaire de tous a été claire. Et ce
consensus s'était notamment dégagé autour du refus de tout
accaparement du pouvoir par des personnes ou groupes des personnes,
l'érigeant même en principe à valeur constitutionnelle. Si
on se penche sur l'histoire récente en Afrique, au moins un
exemple-modèle ne manque pas.
Dans le cas du Bénin, par exemple, où la
constitution n'a jamais été révisée depuis la
démocratisation des institutions du pays en I990, l'effort accompli pour
réaliser le consensus autour de la loi fondamentale est remarquable.
Dans les faits comme dans la jurisprudence, dans son élaboration comme
dans sa pratique, la constitution du Bénin est marquée du sceau
du consensus. Ainsi, dans sa décision rendue en 2006, faisant
échec à la révision souhaitée par les
députés, la Cour
I04
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
constitutionnelle béninoise s'était
fondée sur le consensus dégagé par la conférence
nationale autour du refus de tout accaparement du pouvoir par des personnes ou
groupes des personnes.
Un autre fait qui doit relever, c'est la mobilisation à
laquelle a donné lieu la volonté réelle ou supposée
du pouvoir politique de susciter une révision supprimant la limitation
du mandat présidentiel. Au cours de l'année 2006, la
société civile béninoise s'est mobilisée et
levée comme un seul homme pour s'opposer à une telle
révision, prêtée à tort ou à raison, aux
autorités en place. Trente trois associations et réseaux
d'associations de défense des droits humains, de lutte contre la
corruption, des prévention des conflits, de promotion de la paix et
d'éducation civique, ainsi que des personnalités civiles et
universitaires s'étaient joints à l'ONG « ELAN » pour
créer en janvier 2005 le Front des organisations de la
société civile pour les élections transparentes et
démocratiques.
Il a fallu, devant cette levée de boucliers, que le
Président en exercice indique, en fin juillet 2005 qu'il ne souhaitait
nullement se présenter à nouveau en 2006 . Cette mobilisation
remarquable des béninois prouve qu'un large consensus
réalisé autour de la Loi Fondamentale rend difficile toute
révision particulariste de celle-ci, révision particulariste
qu'il faut bien se garder de confondre avec ce qu'il convient d'appeler en
démocratie une révision consolidante, visant à renforcer
celle-ci, élargir les libertés des citoyens, et promouvoir le
bien commun. Une telle révision est une matière classique du
droit constitutionnel et obéît a' certains principes pour
mériter ses lettres de noblesse.
L'implication du consensus dans certaines réformes
constitutionnelles d'épargner le régime en place et faciliter une
bonne cohésion nationale ; puisque le dialogue entre les couches
sociales sur les grandes décisions qui engagent le pays devaient aplanir
ou assainir l'environnement politique.
2*2* IMPLICATIONS LIEES A LA DEMOCRATIE
L'entreprise de cette révision était
émaillée de beaucoup de pratiques, il y a eu dictas de la
majorité présidentielle sur la minorité, mais on n'est pas
resté à niveau, il y a eu également la corruption qui a
remblayé ou aplani le terrain de cette réforme au sein du
parlement congolais.
I05
I06
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
2*2*1* Révision par coup de
force
Cette révision à proprement parler ne pouvait
pas intervenir à ce moment là, mais vu l'approche des
échéances électorales de 20II, la majorité
parlementaire s'est mobilisée très rapidement pour entreprendre
cette réforme. C'est un coup de force, parce que la majorité n'a
pas pu écouter les suggestions de la minorité parlementaire,
moins encore du mécontentement de la population pour surseoir cette
démarche.
C'était plutôt une dictature de la
majorité parlementaire qui a entrainé la révision
précipitée de la constitution du I8 février 2006,
c'est-à-dire la majorité présidentielle était en
amont de l'initiative et aussi en aval de l'adoption de cette loi
constitutionnelle. La minorité parlementaire (opposition) n'a pas
activement pris part.
Nous pouvons dire que dans toutes les circonstances
démocratiques, la consultation populaire est impérieuse parce que
le peuple incarne le pouvoir et toutes les institutions politiques existent par
sa volonté. Le manque de cette consultation peut donner lieu parfois
à de désintéressement vis-à-vis des gouvernants.
Puis que, "plus un peuple est éclairé, plus ses
suffrages sont difficiles à surprendre [ ...] même sous la
constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave."245,
donc, ce dernier a le droit d'être associé au processus visant les
réformes constitutionnelles de son Etat.
Une révision constitutionnelle peut parfaitement
s'effectuer dans la droite ligne de la légalité la plus normale
et se révéler illégitime. Cette légitimité
doit être prise ici dans le sens de la conscience du moment. Il semble
bien que les dernières révisions constitutionnelles en Afrique
soient perçues comme telles, c'est-à-dire purement
conjoncturelles, destinées à porter atteinte à
l'alternance et surtout de nature à modifier l'équilibre
politique. De tels procédés sont constitutifs de ce que la
doctrine désigne par « la fraude à la constitution » .
Sur ce point, un risque supposé ou réel de retour à
l'autoritarisme existe et ces révisions apparaissent désormais
comme illégitimes .246
Il en est ainsi de la révision du 20 janvier 20II, pour
laquelle le peuple congolais n'était pas associé d'une
manière directe par les gouvernants pour donner son point de vue. Mais,
selon une certaine opinion, cette révision n'était pas opportune,
elle était favorable tout simplement au pouvoir en exercice en vue de
préparer sa victoire
245 CONDORCET « - I743-I794 - Cinq Mémoires sur
l'instruction publique - I79I-I792 »,
http://www .
toupie.org/Citations/Constitution.htm, (Consulté, le vendredi 08
avril 20II) .
246 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
électorale. Et si cette réforme
constitutionnelle dépendait du peuple congolais, elle serait
censurée.
Le tollé que la révision avait
créé dans l'opinion nationale et timidement à
l'extérieure du pays, prouve qu'elle a été mal
envisagée et qu'on n'en tirerait pas nécessairement profit. Au
contraire, elle nous mènerait tout droit à une nouvelle
instabilité alors que le moment était propice pour la
consolidation de la jeune démocratie congolaise, conquise au prix du
plus grand sacrifice, soit près de cinq millions de morts, un pillage
éhonté des ressources naturelles, une spoliation sans pareille du
patrimoine national, une hypothèque irréversible de l'avenir de
nos enfants pour au moins deux générations...247
Certaines ONG congolaises étaient montées au
créneau pour dénoncer le caractère anticonstitutionnel du
projet de révision. Elles avaient tenté d'initier une
pétition pour empêcher cette réforme constitutionnelle,
mais fort malheureusement, elle n'avait pas abouti à cause des
intimidations de la part du pouvoir. Il y aurait même eu de cas
d'arrestations pour ce sujet qui faisait couler d'encres et salives au sein de
la classe politique congolaise.
Finalement avec la fréquence des révisions, on
assiste à une dévalorisation de la constitution et par voie de
conséquence à une banalisation des institutions. Celles-ci
restent aussi marquées par une forte instabilité. Il en
résulte des risques d'instabilité comme en témoigne
l'agitation de l'opinion publique lors de l'annonce d'une révision.
2*2*2* Révision corruptrice de la
démocratie
La réussite effective de cette réforme
constitutionnelle a eu lieu grâce à la circulation des monnaies.
Il y a eu achat des voix des certains parlementaires congolais. L'argent a
vraiment circulé au sein du palais du peuple pour que cette
révision passe.
Les observateurs ont constaté que cette révision
était obtenue au prix de l'argent, et cela démontre la mauvaise
gouvernance, y compris l'atteinte aux valeurs démocratiques. Le vote ne
peut pas faire l'objet d'une vente au sein de la politique en RDC .
247TSHIBUABUA-KAPY'A KALUBI, B-J ., « La
révision constitutionnelle votée le I5 janvier 20II : Une
manipulation malhonnête, contre productive et dangereuse de la Loi
fondamentale » .
http://www
.afriqueredaction
.com/article-revision-constitutionnelle-une-manipulation-malhonnete-de-la-loi-fondamental,
(Consulté le mardi 3I mai 20II) .
I07
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Objectivement, sans argent ladite réforme ne
devait pas se passer dans une ambiance telle qu'on a vu au niveau parlement
congolais lors du vote. Cette réforme est passée avec toute
légèreté.
Certes, la procédure n'était pas
vraiment démocratique, car il n'y avait pas eu large débat public
autour de certains points qui avaient fait l'objet de la révision. Or,
selon l'esprit du constitutionnalisme, il a fallu privilégier
l'intérêt du peuple qui est l'auteur de la constitution. Mais,
force est de constater que ce dernier n'était pas associé, c'est
seulement le coup de force des parlementaires de la majorité qui se sont
permis de passer outre l'esprit du constitutionnalisme tel que avancé
par Jean du Bois de GAUDUSSON, c'est-à-dire que le constitutionnalisme
oblige de vous réserver de faire quelque chose pourvu que
l'intérêt supérieur de la nation soit
préservé.
I08
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CONCLUSION
La révision constitutionnelle est un mécanisme
envisagé par toute constitution d'un Etat en vue de l'adapter aux
aspirations sociales et politiques de l'Etat . Elle peut intervenir pour
corriger certaines dispositions désuètes et lacunaires dans la
constitution.
Ce mécanisme constitutionnel doit en principe tenir
compte de l'esprit du constitutionnalisme et de la démocratie qui veut
que dans la démarche de la réadaptation de la constitution, la
séparation des pouvoirs, les droits et libertés de l'homme ainsi
que l'alternance au pouvoir de l'Etat soient préservés.
Mais, les réformes constitutionnelles en Afrique et
plus singulièrement en RDC sont vraiment perçues comme une
technique d'établissement de la monopolisation du pouvoir qui est un
frein pour l'émergence du constitutionnalisme. Elles sont devenues comme
un instrument de pérennisation du système politique qui paralyse
l'accroissement de la démocratie et fragilise la constitution
elle-même. Dans ce sens qu'au lieu de réviser certaines
dispositions désuètes et difficilement applicables, les pouvoirs
institués peuvent dépasser les limites en vue de réaliser
leurs ambitions politiciennes.
Bien qu'il s'est avéré que la révision
constitutionnelle répond souvent à une volonté politique,
laquelle volonté ne doit pas être détournée ou
visée l'intérêt partisan ni politicien, mais qu'elle vise
plutôt l'intérêt supérieur de la nation qui dans
plupart de cas fait avancer le pays.
Les facteurs politiques de la révision
constitutionnelle ont pris le dessus sur les facteurs techniques dans la
modification de la plupart des constitutions africaines. Ces facteurs se
glissent très rapidement dans les pratiques de ce que certains
constitutionnalistes les qualifient de fraude à la constitution, voire
le coup d'Etat constitutionnel.
Cet esprit du constitutionnalisme et de la démocratie
fait à ce que la constitution reste avant tout un instrument
sacré, un guide phare de la société auquel on doit se
soumettre ou se plier sans cesse.
I09
II0
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Cependant, la révision constitutionnelle n'est pas une
voie à travers laquelle le pouvoir constituant dérivé ou
originaire peut faire n'importe quoi ou tripatouiller le texte fondamental ;
qui serait une atteinte à la constitution d'un Etat.
Bien sûr que l'existentiel de la constitution ne date
pas d'aujourd'hui, y compris le mécanisme de la révision
constitutionnel. Ce sont des notions très anciennes pouvant faciliter le
bon fonctionnement des pouvoirs public. Cette révision constitutionnelle
était mise en place en vue de faciliter également le
réaménagement du texte constitutionnel pour ne pas être
assujetti aux générations futures. Et si chaque Etat à
travers le monde avait jugé bon d'insérer cette disposition dans
sa constitution. Les Etats africains, en l'occurrence la République
Démocratique du Congo l'avait inséré dans ses lois
fondamentales qu'elle a connues depuis son accession à
l'indépendance.
Aujourd'hui, la révision constitutionnelle est
prévue dans toutes les constitutions à travers les Etats du
globe. Mais, ce mécanisme constitutionnel est envisagé ad nutum
par les gouvernants. Il est devenu une porte pouvant faciliter la destruction
ou la désacralisation de la loi fondamentale.
En Afrique, les dirigeants politiques l'ont fait un
mécanisme de la conquête, de conservation, voire de confiscation
du pouvoir politique. Comme on peut le constater, un certain nombre
d'incertitudes pèsent sur le climat juridique actuel de la constitution
en Afrique. Ce d'autant plus que si la rigidité constitutionnelle
apparait comme une notion essentiellement juridique, elle ne saurait cependant
être prise en considération en dehors de toute
référence à la notion voisine de stabilité
constitutionnelle qui relève de la science politique. La souplesse dont
font montre les constitutions africaines serait donc due, non pas à
l'absence de procédures particulières de révision, mais
à l'excessive fréquence des révisions.
Les révisions constitutionnelles en Afrique ne sont pas
favorables au constitutionnalisme, moins encore à l'éclosion de
la démocratie. Elles sont mêmes contraires au principe du
constitutionnalisme. Elles essayent de dissiper d'une manière indirecte
l'alternance démocratique constitutionnelle, à travers la
pratique de la suppression du nombre et de la durée des mandats
présidentiels dans la constitution. Par conséquent, les
constitutions africaines pour la grande majorité sont en
elles-mêmes désacralisées et banalisées ; la
démocratie prise en piège par le pouvoir en place ; et qui
finalement se débouchent par des coups d'Etat, par des
révolutions, des tensions politiques.
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Certes, les réformes constitutionnelles en Afrique ont
un impact lourdement néfaste sur le constitutionnalisme et la
démocratie. On remarque qu'en dépit de la rigidité
procédurale consacrée, s'installe curieusement une inflation
révisionniste. Cette dernière traduit en effet la permanence
d'une grande instabilité constitutionnelle en Afrique. Elles contribuent
à l'instabilité politique et à la régression
économique.
En République Démocratique du Congo, les
réformes qui ont intervenues sous les deux dernières
républiques n'ont pas permis au constitutionnalisme d'émerger, ni
à la démocratie de s'épanouir sur la scène
politique. Elles ont poussé la RDC dans un recul énorme sur tous
plans.
Des révisions peuvent donc survenir dans la vie d'un
texte. Le caractère d'une constitution c'est, certes, sa capacité
à suivre le temps, à s'adapter afin d'éviter le
sclérose et la stagnation. En effet, ceux qui ossifient les structures
et procédures peinent à les réviser quand bien-même
la nécessité s'en fait sentir. Une révision qui offre la
garantie que les amendements proposés renforcent la démocratie,
élargissent les droits et libertés des citoyens et contribuent
à promouvoir l'intérêt général est même
utile. Cet objectif peut être opérationnalisé à
travers un certain nombre de principes. Un processus de révision
constitutionnelle de qualité doit être transparent,
s'étendre sur une période raisonnable, offrir la garantie que les
amendements constitutionnels proposés reflètent réellement
l'intérêt général et la volonté du peuple,
être nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement
politique et social du moment, éviter que les animateurs des
institutions qui interviennent dans ledit processus ou qui exercent leurs
fonctions pendant ce processus bénéficient des amendements
effectués.
Pour éviter que naissent des suspicions sur le
processus, celui-ci doit être transparent. Un autre avantage que
présente la transparence du processus de révision
constitutionnelle est qu'elle ouvre la possibilité à des acteurs
non représentés dans le cadre institutionnel formel, dans le cas
où un tel cadre aurait été mis en place pour conduire une
partie du processus, d'apporter leur contribution s'ils le désirent, de
façon à pouvoir améliorer le projet. La transparence du
processus permet de rassurer tout le monde.
L'obligation de prévoir un délai minimal
incompressible pour la durée du processus de révision
constitutionnelle. La prévision d'un délai minimal incompressible
permet d'accorder à la révision de la constitution le
degré de gravité, voire de solennité qui sied à
toute modification d'un document aussi fondamental. Elle permet aussi d'ouvrir
à un plus grand nombre d'acteurs la possibilité d'exprimer leurs
sentiments sur l'initiative,
III
II2
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
d'éviter les décisions
précipitées, inspirées par les circonstances ou les
majorités passagères et de circonstance qui ne
représentent pas la volonté réelle du peuple ou
l'expression des problèmes réels. Le délai minimum
incompressible permet aussi à des groupes des citoyens qui ont des
préoccupations spécifiques de s'organiser pour apporter leurs
contributions au processus de révision constitutionnelle.
La mise en oeuvre des révisions constitutionnelles qui
ne reflètent pas la volonté du peuple ou qui vont
carrément à l'encontre de ses intérêts ne peut que
saper bases de la démocratie elle-même. Il convient de faire la
différence entre a volonté du peuple et celle de ses
représentants, en général élus. Dans le pays comme
le Congo, il arrive souvent que ces deux volontés ne se rencontrent pas
ou que les révisions constitutionnelles reflètent les
intérêts d'une partie des élus. Il est aussi
nécessaire de s'assurer que la révision constitutionnelle ne
donnera lieu à aucun recul sur le plan de la protection des droits
fondamentaux et des libertés publiques déjà acquis par les
citoyens. Bien au contraire la promotion, l'approfondissement des droits
individuels et collectifs devrait être un souci permanent lors de
l'initiative de toute révision constitutionnelle.
Toute révision constitutionnelle doit être
nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement politique et
social du moment Administrer la preuve de la nécessité d'une
révision constitutionnelle constitue un minimum indispensable. En effet,
l'on doit décrire la gravité de la situation qui justifie la
révision et montrer pourquoi c'est le statu quo constitutionnel qui en
est, ne serai-ce que partiellement la cause. Ceci contribue également
à éviter d'entreprendre un processus de révision de la
constitution qui serait finalement inutile. Une révision
constitutionnelle est pertinente si et seulement si ses propositions
constituent des solutions effectives aux problèmes ou faiblesses
identifiés qui ont justifié l'initiative du processus de
révision.
Quant à la nécessité de faire attention
à l'environnement politique et social du moment, il est principalement
question de faire attention à l'opportunité de toute initiative
en matière de révision constitutionnelle. A défaut de
pouvoir prévoir le moment exact où une initiative de
révision constitutionnelle pourrait déboucher sur des
contestations, voire des contestations violentes, il est cependant possible de
savoir si l'environnement y est favorable ou non. Toute période de
tensions politiques et de divergences relativement profondes entre les
acteurs-clés du moment, quelles qu'en soient les raisons, peut
être considérée comme un indice d'inopportunité pour
entreprendre un processus de révision constitutionnelle. En effet, dans
un contexte donné il serait hasardeux de réaliser la
légitimité nécessaire et d'espérer que chaque
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
institution-clé du cadre institutionnel national joue
sa partition de manière objective et pertinente. De la même
manière, selon le moment, certains sujets peuvent être
délicats à aborder.
Toute révision constitutionnelle doit absolument
éviter que les animateurs des institutions de l'Etat qui interviennent
dans ledit processus ou qui exercent leurs fonctions pendant ce processus
bénéfices des amendements effectués. La
préoccupation primordiale ici est non seulement d'éviter que le
peuple ait le sentiment que ses élus peuvent amender la loi fondamentale
à leur guise pour leurs intérêts personnels, mais encore
d'éviter que ces acteurs puissent se le permettre en étant juge
et partie profitant d'une conjoncture politique favorable, par exemple une
très large majorité au parlement.
L'étude a démontré que la plupart des
révisions constitutionnelles qui ont intervenues en Afrique et
particulièrement en République Démocratique du Congo n'ont
pas facilitées une bonne promotion du constitutionnalisme et de la
démocratie. Ce mécanisme constitutionnel pratiqué en
Afrique a toujours cherché à dénaturer ou à
dévaloriser l'instrument du constitutionnalisme. Il lutte de
manière cavalière contre les principes du constitutionnalisme et
de la démocratie : la séparation des pouvoirs, la garantie des
droits et libertés publiques du peuple ainsi que l'alternance
démocratique de pouvoir public.
La révision du 20 janvier 20II avait essentiellement
des enjeux politiques ou électoralistes qui ont été
à la base de cette réforme. Et par conséquent, il y a eu
d'une part, des implications liées au constitutionnalisme, par la
violation de certaines dispositions constitutionnelle (article 220), l'atteinte
à la morale du constitutionnalisme, y compris la rupture du consensus
autour du pacte social qu'est la constitution. D'autre part, des implications
liées à la démocratie, cette révision a
était obtenue par coup de force ou par une dictature de la
majorité parlementaire et par une corruption de la démocratie,
dans le sens que cette réforme s'est réalisée grâce
à l'argent. Certaines voix étaient achetées en vue de
faire passer cette révision.
Certes, les tensions politiques, sociales, les
révolutions, voire les coups d'Etat et les rébellions
enregistrées les deux dernières décennies sont dues
à une cause lointaine qui est le tripatouillage constitutionnel,
c'est-à-dire les révisions constitutionnelles qui figent
l'alternance au pouvoir politique des dirigeants africains et détruisent
la constitution qui est un outil indispensable pour chaque Etat.
II3
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Ainsi donc, pour remédier à la récurrence
des révisions constitutionnelles, une solution pourrait consister
à rendre beaucoup plus rigide la procédure de révision.
Autrement dit, il faudrait que toute révision passe obligatoirement par
la voie référendaire pour qu'elle soit approuvée. Cela
permettrait à l'institution issue de la révision d'avoir la
légitimité nécessaire qui puisse assurer sa
pérennité. Cela permettrait également au peuple de
sanctionner les initiatives manifestement inopportunes des politiques. Mettre
en place un code de bonne conduite comme le cas de la CEDAO avec une
juridiction panafricaine spécialement pour les matières de la
révision constitutionnelle. Ensuite, chercher à créer une
association qui peut regrouper toutes les cours constitutionnelles des Etats
membres de l'Union Africaine « UA » en vue de la moralisation et de
l'encadrement juridique des juges constitutionnels quant à ce . Enfin,
que les dirigeants politiques, les élites intellectuelles, pouvoir
constituant lui-même, devraient prendre conscience et s'abstenir de tout
excès dans la voie de la révision, développer ainsi une
bonne culture constitutionnelle qui pourra favoriser l'émergence de
grande échelle du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique et particulièrement en République démocratique du
Congo.
II4
" Révisions constitutionnelles et leur impact
sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"
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G . NOTES DE COURS POLYCOPIEES
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institutions politiques, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit,
UNIKIS, Kisangani, 2005-2006 .
2 . BIBOMBE MUAMBA, B ., Introduction à la science
politique, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN,
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3 . DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel
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UNIKIN, 2007-2008 .
4 . KABUYA LUMUNA, Sociologie politique,
Première Licence, Relations Internationales, FSSAP, UNIKIN, 20II .
5 . KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de
l'Afrique contemporaine, Troisième Graduat Droit, Faculté de
Droit, UNIKIN, 2008-2009 .
I22
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE....................................................................................................................................i
DEDICACE.................................................................................
.................................................... .ii
REMERCIEMENTS........................................................................................................................
..iii LISTE DES ABREVIATIONS ET DES
SIGLES.......................................................................................v
AVANT-PROPOS........................................................................
....................................................vii
INTRODUCTION.....................................................................
......................... ...................................I
I. PRESENTATION DU
SUJET......................................................................................................
..2
II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE
RECHERCHE..................................................................
..4
III.
HYPOTHESES..............................................................................
...........................................8 IV . INTERET ET OBJECTIFS DU
TRAVAIL....................................................................................
..II
V.
METHODOLOGIE.................................................................................
..................................I3
VI. REVUE DE
LITTERATURE...................................................................................................
...I5
VII. DELIMITATION DU
SUJET...................................................................................................
...I8
VIII. PLAN
SOMMAIRE.................................................................................
............................... .I8
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE SUR LA CONSTITUTION, LA
DEMOCRATIE ET LE
CONSTITUTIONNALISME.....................................................................
...........................................I9
CHAPITRE PREMIER : CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET
DEMOCRATIE............ .....................20 SECTION I. DEFINITION DES
CONCEPTS.........................................................
......................... ....20 §I . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME
....................................................................................20
I.I . CONSTITUTION
................................................................................................................................20
I .2 . CONSTITUTIONNALISME
................................................................................................................
22 §2 . DEMOCRATIE
........................................................................................................................................26
2 .I . Conceptions minimalistes
..................................................................................................................27
2 .2 . Conceptions maximalistes
.................................................................................................................27
SECTION II. RAPPORT ENTRE CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET
DEMOCRATIE............ ...28 §I . CONSTITUTION ET
CONSTITUTIONNALISME.....................................................................28
I .I . Conception descriptive de la constitution
...........................................................................................29
I .2 . Conception normative de la constitution
............................................................................................30
I .3 . Lien entre la conception normative de la constitution et
le constitutionnalisme........................ ....3I §2 . DEMOCRATIE ET
CONSTITUTIONNALISME
.....................................................................................33
CHAPITRE DEUXIEME : CONSTITUTIONS ET REVISIONS CONSTITUTIONNELLES EN
AFRIQUE............ .37 SECTION I. CARACTERISTIQUES DES REVISIONS
CONSTITUTIONNELLES AFRICAINES ..................40 §I . REVISIONS PORTANT
SUR LE MANDAT PRESIDENTIEL
..................................................................40 I .I .
Limitation de la durée et le nombre de mandat présidentiel
..............................................................42 I .2 .
Quelques cas d'application
................................................................................................................47
§2 . REVISIONS PORTANT SUR LA RESTRICTION DES LIBERTES DE L'OPPOSITION
........................50
I23
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
SECTION II. FACTEURS ET CONSEQUENCES DES REVISIONS
CONSTITUTIONNELLES SUR LE CONSTITUTIONNALISME ET LA
DEMOCRATIE........................................................................53
§I . FACTEURS DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES
......................................................................53 I .I .
FACTEURS TECHNIQUES OU ENDOGENES
.................................................................................53
I .2 . FACTEURS POLITIQUES OU EXOGENES
......................................................................................54
§2 . CONSEQUENCES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES
........................................................... 56 2 .I .
CONSEQUENCES D'ORDRE JURIDIQUE OU INSTITUTIONNEL
..................................................56 2 .2 . CONSEQUENCES
D'ORDRE POLITIQUE
.......................................................................................60
DEUXIEME PARTIE : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET
CONSTITUTIONNALISME DANS L'HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE DE LA RDC
...........................................................................................65
CHAPITRE PREMIER : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA
PREMIERE ET DEUXIEME
REPUBLIQUE..............................................................................................................................
..66
SECTION I : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE
REPUBLIQUE..................... ..66 §I . SOUS LE REGIME DES COMMISSAIRES
GENERAUX
.....................................................................67 I .I .
Contexte politique et changement constitutionnel
.............................................................................
67 I .2 . Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie
........................................................................... 68
§2 . SOUS LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE JOSEPH ILEO
...........................................................69 2 .I . Contexte
politique et changement constitutionnel
.............................................................................
69 2 .2 . Impact sur le constitutionnalisme et de la démocratie
....................................................................... 7I
SECTION II. REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE...
................ ......7I §I . PRINCIPALES REVISIONS SOUS LE REGIME DU
MONOPARTISME ................................................7I I .I . Loi
constitutionnelle n°70-00I du 23 décembre I970
........................................................................73
A . Circonstance politique et changement constitutionnel
.........................................................................73
B . Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie
.............................................................................
74
I .2 . Loi constitutionnelle n°74-020 du I5 Août I974
................................................................................75
A . Circonstance politique et changement constitutionnel
.........................................................................75
B . Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie
.............................................................................
76
I .3 . Loi constitutionnelle n°78-0I0 du I5 février
I978
..............................................................................76
A . Contexte politique et changement constitutionnel
................................................................................
77
B . Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie
..............................................................................
77
I .4 . Loi constitutionnelle n°80-007 du I9 février
I980
..............................................................................79
A . Contexte politique et changement constitutionnel
................................................................................
79 §2 . REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET INSTABILITE POLITIQUE
...................................................79 2 .I . Loi
constitutionnelle n°90-022 du 05 juillet I990
...............................................................................8I
A . Contexte politique et changement constitutionnel
................................................................................
8I
B . Contexte politique et changement constitutionnel
................................................................................
82 2 .2 . Acte constitutionnel harmonisé du 02 Avril I993
...............................................................................83
A . Circonstance politique et changement constitutionnel
......................................................................... 83 2
.3 . Acte constitutionnel de la Transition du 09 Avril I994
.......................................................................85
I24
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
CHAPITRE DEUXIEME : REVISION CONSTITUTIONNELLE SOUS LA
TROISIEME REPUBLIQUE............89 SECTION I. CONSTITUTION DU I8 FEVRIER 2006
ET LE CADRE DE SA REVISION........................ .....89
§I . DISPOSITIONS REVISABLES
...............................................................................................................
89
§2 . DISPOSITIONS NON REVISABLES
......................................................................................................9I
SECTION II. CONSTITUTION DU I8 FEVRIER 2006 A L'EPREUVE DE LA LOI
CONSTITUTIONNELLE
n°II/002 DU 20 JANVIER
20II.................................................................................
............ ...92
§I . ENJEUX DE LA DERNIERE REVISION CONSTITUTIONNELLE
..........................................................94 I .I . MOBILES DE
CETTE REVISION
......................................................................................................94
I.I .I . Mobile technique
.............................................................................................................................94
I .I .2 . Mobile politique ou électoraliste
......................................................................................................94
I.2 . MATIERES REVISEES
......................................................................................................................95
I .2 .I . Mode de scrutin présidentiel
...........................................................................................................95
I .2 .2 . Indépendance du pouvoir judiciaire égratignée
..............................................................................96
I .2 .3 . Provinces qui ne sont plus autonomes
...........................................................................................
98
§2 . IMPLICATIONS DE CETTE REVISION
................................................................................................I00
2 .I . IMPLICATIONS LIEES AU CONSTITUTIONNALISME
...................................................................I0I 2 .I .I
. Violation de certaines dispositions constitutionnelles
...................................................................I0I 2 .I .2
. Atteinte à la morale du constitutionnalisme
..................................................................................I0I
2 .I .3 . Rupture du consensus
..................................................................................................................I02
2 .2 . IMPLICATIONS LIEES A LA DEMOCRATIE
...................................................................................I04
2 .2 .I . Révision par coup de force
...........................................................................................................I05
2 .2 .2 . Révision corruptrice de la démocratie
...........................................................................................I06
CONCLUSION.....................................................................................................................................................I08
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................II4
TABLEDES MATIERES
......................................................................................................................................I22
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