DEUXIEME PARTIE :
CRITIQUE SOCIALE ET MODALITE DE L'AUTONOMIE POLITIQUE
DANS LE MONDE.
LIMINAIRE
Dans la première partie de notre
travail, l'étude des différents clivages et
présupposés de l'autonomie politique nous a conduit à un
examen, à l'intérieur d'une philosophie, des problèmes
liés à ses options et choix internes. Toutefois, puisque toute
philosophie, fille de son temps, doit entretenir un rapport dialectique avec
l'histoire et partant avec la pratique sociale, la lecture d'une théorie
ou d'une catégorie ne peut être pertinente qu'en s'articulant sur
le réel historique. C'est la raison pour laquelle il nous parait
important de compléter la lecture de la théorie de la
justice comme équité (faite dans la première partie)
par une lecture de l'histoire entrain de se faire avec la théorie de la
justice comme équité. Et comme nos vues portent sur le
problème de l'autonomie, nous lirons avec la théorie de la
justice comme équité, comment l'idée d'autonomie
s'efface dans le droit international en vigueur.
Dans cette partie, il s'agit d'entrer dans le projet
général de la catégorie d'autonomie dans la pensée
de Rawls, à savoir démasquer la formulation continue de
l'hétéronomie dans les normes politiques internationales, et son
corollaire la nécessité. La nécessité de subir une
histoire universelle « irréversible », une praxis
sociale manipulatoire qui se transforme en un horizon conceptuel
privilégiant l'inertie intellectuelle, et dont la caractéristique
fondamentale est la confiance tranquille en une pensée affirmative. En
réduisant le droit international à ses principes fondamentaux
(notamment l'égalité normative entre les Etats,
l'exclusivité étatique, la souveraineté étatique),
la pensée de Rawls se rattache à la dénonciation des
manipulations du droit international.
Une mise au point doit être faite ici. Celle-ci devra
montrer comment et en quoi le registre politique concerne le sujet qui nous
intéresse, à savoir l'exploration du concept d'autonomie dans la
pensée de Rawls, et son extension au droit international. Ensuite, la
mise au point devra situer le lieu à partir duquel devra évoluer
notre analyse du système international actuel. Qu'est-ce qui peut
justifier une analyse du droit international au regard du concept d'autonomie
dans la pensée de Rawls ? Premièrement, la grande tache de
la théorie de la justice comme équité est de
mettre en rapport l'autonomie rationnelle et l'histoire en train de se faire.
Et s'occuper de la rationalité en politique suppose une mise en
perspective des multiples rationalisations par lesquelles la domination trouve
une permanence. La théorie de la justice comme
équité veut penser la consolidation de la communauté
internationale, et dévoile à travers l'immédiateté
des rapports, les médiations par lesquelles s'élabore le droit.
Mais alors une analyse du droit international dans ce sens ne peut être
que fort importante, dans la mesure où penser l'autonomie et poser la
question de la relation des Etats au droit, nous semble conforme à la
ligne tracée par Rawls.
A cet effet, la méthode qui sera utilisée pour
montrer comment la pensée de Rawls, discours de l'autonomie politique,
s'oppose au discours idéologique de l'hétéronomie des
normes internationales, se veut négative. Cette méthode est bien
présente chez Rawls quand il rejette la dissolution de l'Etat dans la
totalité universaliste, à travers le dualisme principiel qu'il
établit entre l'ordre domestique et l'ordre international. Par cette
méthode, Rawls démasque la dépolitisation permanente de la
sphère publique préconisée par l'idéologie du
cosmopolitisme fondée sur la nécessité. Cette
méthode saisie aussi bien la pensée que l'objet dans leurs
dissonances internes, refuse toute esquive liée au théoricisme,
et se propose la libération dans un contexte historique scellé
de la logique de l'identification, de la classification. Sur quoi dès
lors portera l'analyse de l'éradication de l'autonomie et de son
discours dans le système des Etats ?
L'objet du quatrième chapitre sera de saisir la
portée du libéralisme politique de Rawls dans les relations
internationales. Dans ce cas nous étudierons à la lumière
du réalisme politique de la théorie de la justice
comme équité, la question de la désunion de la
référence politique et de l'appartenance culturelle dans chaque
société, prônée par l'idéalisme moral,
individualiste et égalitaire du cosmopolitisme, à travers la
construction d'une identité post nationale. Ceci nous aidera à
formuler une critique du droit international qui, malgré l'essor des
droits de l'homme et des nouvelles catégories comme les
« crimes contre l'humanité » a structurellement peu
changé.
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