CHAPITRE 1:
CONSIDERATIONS THEORIQUES
Ce chapitre permet, d'abord, d'identifier le problème
à l'étude et de tenter d'en cerner les contours
(problématique). Ensuite, ce problème est inscrit dans une
théorie appropriée (cadre théorique). Ce chapitre, enfin,
permet d'explorer les travaux antérieurs (revue des travaux) et de
dégager les hypothèses de recherche.
1.1. PROBLEMATIQUE
La loi ivoirienne N°95-695 du 7 septembre 1995 portant
statut général des militaires et le régime
général des pensions militaires dispose en son article 165
que : « les droits acquis par un militaire en matière de
pension font l'objet d'une réversion à ses ayants cause. Si le
défunt était marié légalement, ses ayants cause
sont la veuve et les enfants mineurs c'est-à-dire en dessous de 21 ans,
ou le cas échéant, les ascendants au premier degré (le
père et la mère). Par contre, s'il vivait en concubinage notoire,
les ayants cause sont alors les enfants du de cujus (le défunt)
conformément aux dispositions de l'article 167 de la loi
susmentionnée.
Quant au droit relatif au capital décès, il est
fondé sur l'arrêté de l'A.O.F N°4428 F du 15 juin
1954, portant réglementation des secours. Cet arrêté
présente le capital décès comme une allocation
pécuniaire accordée aux ayants cause (les mêmes que dans le
cadre de la pension de réversion) d'un fonctionnaire ou agent de l'Etat
décédé en activité. Ces dispositions permettent
à chaque membre de la famille de connaître sa position dans la
perception des droits après la perte d'un proche fonctionnaire et
partant de préserver la cohésion familiale.
Mais, l'application de ces dispositions susmentionnées
n'est pas toujours aisée. En effet, en Côte d'Ivoire, face
à la pauvreté et à l'influence considérable des
traditions, toutes ces dispositions sont foulées aux pieds. La mort d'un
fonctionnaire en général et d'un policier en particulier, autour
duquel était bâti certainement tous les projets de
développement constitue un choc terrible pour les membres de la famille.
Dès lors, tous les conflits autrefois latents ou manifestes se
révèlent dans toutes leurs contradictions et prennent le pas sur
la nécessité de préserver l'unité qui existait.
Grawitz M. (1999) définit le conflit comme une
opposition, une incompatibilité entre les composantes structurées
d'un comportement, des rapports interindividuels et de groupe. La conduite d'un
individu est en interaction constante avec son milieu socioculturel,
interaction qui peut connaître des ruptures dans ses mécanismes
habituels.
Selon Sillamy N. (1985), il faut entendre par conflit, une
lutte de tendance, d'intérêts, une situation dans laquelle se
trouve un individu qui est soumis à des forces de direction
opposées et de puissances à peu près égales.
On retient de ces définitions que le conflit correspond
à l'interaction de personnes indépendantes qui perçoivent
des oppositions de but.
En nous référant aux usagers du service
Assistance Sociale de la Police Nationale, on peut avancer que les conflits
dont il est question sont des oppositions entre les membres de la famille
élargie du défunt, et de sa famille nucléaire dont chacun
s'arroge du statut d'ayant cause.
Un ayant cause est une personne physique à qui les
droits et les obligations d'une autre personne sont transmis.
Dans le cadre de la pension de réversion et du capital
décès en bénéficient dans l'ordre, la veuve, les
enfants mineurs et le cas échéant les ascendants au premier
degré que sont le père et la mère. Quant aux droits des
ayants cause, ils concernent la succession relative aux biens matériels
laissés par le défunt. La pension de réversion qui est la
partie de la pension dont bénéficiait ou aurait
bénéficié le fonctionnaire qui est reversée au
conjoint survivant et aux orphelins. Le capital décès, lui est un
secours de l'Etat à la famille du défunt reparti à hauteur
de deux tiers aux enfants et de un tiers à la conjointe, etc.
De ces définitions, on peut retenir que les conflits
liés aux droits des ayants cause dans les familles des policiers
décédés sont des désaccords, des conflits
d'intérêts. En effet, certains membres de la famille du de cujus
s'engagent dans une lutte de tendance d'intérêts afin de
s'approprier les biens (dans le cadre de notre étude, ses biens et
droits concernent essentiellement le capital décès et la pension
de réversion car se sont les droits traités au service
Pension-Retraite) légalement échus aux enfants et au conjoint
survivant.
Ces pratiques se font généralement au
mépris, d'une part, de la loi N°95-695 du 7 Septembre 1995 portant
statut général des militaires et le régime
général des pensions militaires et d'autre part, de
l'arrêté n°4428 F du 15 juin 1954, portant
réglementation des secours qui désignent les conditions de
perception des droits des ayants cause d'un fonctionnaire de Police.
Ces dissensions sont dues à la méconnaissance ou
à une mauvaise interprétation du code de la famille relatif aux
droits des ayants cause et sont sujets à bon nombre d'ennuis au sein de
la famille du de cujus. Elles se manifestent généralement soit
par la répudiation de la veuve (souvent traitée de
sorcière donc à la base du décès de leur fils) et
des enfants du défunt, soit par la confiscation des pièces
administratives du disparu et/ou par le choix du ou des
bénéficiaires de la pension selon la coutume.
Le dénouement de ces litiges peut prendre plusieurs
années et va entraîner ainsi la forclusion des dossiers relatifs
au capital décès et à la pension de réversion. Ce
qui prive parfois la veuve et les enfants de ressources pour subvenir à
leurs besoins. Il en est de même quand les règles
coutumières arrivent à s'imposer. Femme et enfants sont
dépouillés de leurs droits sans pour autant que les
bénéficiaires de la pension assument les responsabilités
que leur impose la tradition : s'occuper de la veuve et des enfants.
La Sous Direction de l'Assistance Sociale et de la Pension
(S/DASP), de par sa compétence est maintes fois sollicitée pour
le règlement des litiges familiaux. Ainsi, des dix (10) personnes qui
constituent notre groupe de travail, il ressort que le dossier n'est pas encore
traité. La cause c'est que l'une des parties s'approprie des dossiers,
ce qui pourrait dégénérer en conflit, si on y prend garde.
A ce titre, les statistiques qu'elle a établies montrent que durant ces
dix (10) dernières années, pour plus de la moitié des
policiers décédés, soit 53.81%, les ayants cause n'ont pas
encore entamé la procédure de liquidation des droits à
pension et de recouvrement du capital décès, et 40% des conflits
enregistrés, sont relatifs à la perception des droits
après le décès du fonctionnaire de police. Ces
désaccords sont constatés d'une part, entre la famille
nucléaire (femme et enfants) et la famille étendue du
défunt ; et d'autre part, ils sont observés entre les
ex-concubines du défunt du fait des enfants qu'elles ont chacune de
lui.
Dans la tentative de prévenir ce
phénomène, plusieurs auteurs ont proposés des
solutions.
Birama S. (2008) dans ses actions visant à
prévenir les conflits dans la société traditionnelle
malienne, préconise la parenté à plaisanterie entre
groupes interethniques tirée des traditions culturelles.
Offoumou K. (1998) quant à elle, dans
sa quête perpétuelle de protection de la gent féminine,
fait remarquer qu'elles sont non seulement spoliées de ce qui leur
revient de droit, mais très souvent ces dernières sont
livrées à elles-mêmes, à l'indifférence des
parents du défunt. Par conséquent, elle préconise
l'application stricte de la loi 64-379 du 7 Octobre 1964 dans le
règlement des conflits familiaux se rapportant à la succession.
Cette loi dispose que « si le défunt est marié, les
héritiers sont dans l'ordre les enfants, la veuves, les parents et les
collatéraux. S'il vit en concubinage, les héritiers sont les
descendants, les ascendants et les collatéraux ».
La S/DASP, dans sa politique de prévention de ce
phénomène a initié des rencontres de sensibilisation dans
les cités policières sur la question des droits de succession.
Cette action visait à alerter les fonctionnaires de police et leurs
familles sur les conséquences liées aux litiges dans la
perception des droits.
A ce jour, toutes ces stratégies n'ont pu donner les
résultats escomptés, parce que le problème demeure.
Dès lors, certaines solutions comme les activités psycho
éducatives ne pourraient-elles pas être des approches dans la
prévention des conflits ?
A étudier ces situations que vivent les familles dans
le cadre de la perception des droits, la prévention s'avère
indispensable. Elle permettrait d'éviter bon nombre de
désagréments. Ainsi, nous semble-t-il opportun de prévenir
ces conflits qui dégradent la cohésion familiale voire sociale
par des activités psycho éducatives.
Widermann et Coll. cité par Lincoln (2007),
définissent l'activité psycho éducative comme une
intervention didactique et psychothérapeutique conçue pour les
patients et leurs familles à propos d'une maladie, de son traitement, de
son évolution, de ses causes, de ces conséquences et des mesures
pour faire face à la maladie.
Amangoua A. (2007), quant à elle définit
l'activité psycho éducative comme toute action d'intervention, la
mise en oeuvre de moyens sur l'écoute, la communication, les conseils et
l'accompagnement pour secourir les usagers. Il s'agit de leur donner un appui
indispensable en terme d'aide, de capacité à résoudre
leurs conflits personnels et ceux avec leurs prochains.
Nous retenons à la suite de ces définitions que,
l'activité psycho éducative est un ensemble de diligences
à mener pour aider les usagers au moyen d'écoute,
d'échanges, des micro-enseignements afin de les rendre plus responsables
pour un changement de comportement durable.
Dans le cadre de notre projet, l'activité psycho
éducative consiste, dans un premier temps, à donner un
micro-enseignement aux usagers sur les droits des ayants cause du fonctionnaire
de Police décédé, en nous appuyant sur les lois et textes
élaborées par les pouvoirs publics.
Dans un deuxième temps, il est question de
sensibiliser les deux parties en les informant des conséquences des
querelles sur les dossiers et par ricochet sur les enfants laissés par
le défunt. En effet, bon nombre de familles méconnaissant ces
textes, ignorent qu'à cause des litiges le capital décès
alloué par l'Etat peut être perdu si les dossiers exigés ne
sont pas fournis à temps (3 ans). Il en est de même pour la
pension de réversion, pour lequel le délai de forclusion est de
cinq ans. Une action d'éducation des familles des policiers
s'avère nécessaire pour la prévention des conflits
liés aux droits des ayants cause.
Cette étude revêt plusieurs
intérêts
Sur le plan social, ce sont de nombreuses dislocations de
famille qui seraient réduites avec l'avantage de voir s'amoindrir les
`'déchets sociaux'' issus de ces conflits. Les enfants et les veuves,
souvent les grands perdants, réussiraient mieux leur maintien dans le
tissu familial et social.
Au niveau juridique, les lois relatives à la pension
de réversion et au capital décès qui, du fait d'une
mauvaise interprétation de la tradition sont constamment foulées
aux pieds, seraient mieux comprises et respectées.
Au plan institutionnel, ce projet est une contribution aux
initiatives du Service Assistance Sociale de la Police Nationale. En effet, le
personnel pourra s'en inspirer pour mieux faire face aux conflits entre les
familles des policiers décédés.
L'objectif visé par ce projet est de prévenir
le problème récurrent des conflits liés à la
pension de réversion et au capital décès à la
Police Nationale.
Pour y parvenir, il convient de déterminer le cadre
théorique dans lequel s'inscrivent les stratégies.
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