Conclusion
Le droit des ententes est un droit qui se construit : il est de
formation récente. Cette jeunesse pourrait faire de lui un droit timide
et balbutiant ; il est au contraire conquérant et sûr de lui. Sa
principale conquête est le contrat, cible désignée par sa
soumission aux exigences de l'ordre public.
Les autorités de la concurrence ont pour seule mission de
réguler le marché. Elles n'interviennent que lorsque le jeu
normal de la concurrence est perturbé ou qu'il est susceptible de
l'être. Cela a pour conséquence qu'un contrat valable au regard de
la théorie générale des contrats peut être
considéré illicite par les autorités régulatrices.
Il existe peu de remèdes à cela. II faut accepter la
spécificité du droit de la concurrence, tout en veillant à
ce que le souci d'efficacité ne conduise à des résultats
trop contestables.
Le droit des ententes manifeste sa filiation au contrat.
L'entente anticoncurrentielle ne se caractérise par seulement par
l'atteinte au jeu normal de la concurrence qu'elle organise ou qu'elle provoque
: elle se caractérise également par son processus de
création. Comme le contrat, l'entente est issue d'un concours de
volontés entre entreprises. La notion se dédouble : les parties
doivent avoir la volonté de s'entendre et la volonté de chacune
doit croiser la volonté des autres, se lier à elles par une
volonté commune.
Sur le plan probatoire tout d'abord, il faut encourager le
recours à des indices positifs de la concertation. Les autorités
de la concurrence ne doivent pas se contenter d'énoncer qu'une
concertation est la seule explication possible à la perturbation du
marché. Cette pratique autorise tous les excès, elle est
condamnable.
Sur un plan substantiel ensuite, il faut inciter les
autorités régulatrices à rechercher si s parties qu'elles
incriminent ont un intérêt quelconque à l'entente.
L'emprunt par le droit des pratiques anticoncurrentielles d'une
sanction contractuelle soulève des problèmes parfois insolubles.
La compétence reconnue au juge, pourtant rompu à son usage, ne
résout rien.
La règle d'opportunité est parfois favorable aux
entreprises : une entente, bien qu'anticoncurrentielle, peut être
jugée opportune parce que ses inconvénients sont compensés
par ses avantages en terme de concurrence ou de progrès
économique. Elle est alors préservée par le jeu d'une
règle de raison ou d'une exemption.
Ces deux propositions ne font que tirer les conséquences
des conditions préalables à la prohibition. Elles permettent
d'expurger le vice des contrats soumis au contrôle. Elles apparaissent
comme des substituts à la nullité pour les autorités de la
concurrence : l'annulation relève de la seule compétence des
juges et, dans une moindre mesure, des arbitres.
Les relations entre le droit des ententes et le contrat sont donc
complexes. Entente et contrat peuvent en certains points vivre en symbiose. Le
droit des ententes anticoncurrentielles permet quelquefois de régler des
conflits que le droit classique s'était montré impuissant
à résoudre.
Le contrat constitue, pour sa part, une référence
de choix pour les autorités de la concurrence lorsqu'il s'agit
d'apprécier l'existence d'un concours de volontés.
L'enrichissement est donc mutuel.
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