I.1.2.2. L'inflation par les coûts
L'idée directrice de l'explication de l'inflation par
les coûts de production est que celle-ci provient d'une croissance de la
rémunération des facteurs de production supérieure
à celle de leur productivité.
Cette expression l'inflation par les coûts
appelée aussi l'inflation de productivité [Bezbakh (1990)]
désigne une forme actuelle et généralisée
d'inflation caractérisée par une hausse lente et
régulière des prix qui ne perturbe pas de manière notable
la confiance du public dans sa monnaie [Kerever (1971)].
Nous remarquons que cette forme d'inflation émane de la
volonté de l'Etat, des entreprises et du reste du monde de
déterminer les prix en fonction de leur « coût social et
économique de production » ; lequel coût tend à
s'accroître irrésistiblement.
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Nous allons analyser, un peu en détail, la part qui
revient à l'Etat, aux entreprises et au reste du monde dans le processus
inflationniste.
I.1.2.2.1. L'influence de l'Etat dans
l'élévation du niveau des prix
Dans une économie, l'Etat peut influencer
principalement le niveau des prix à deux niveaux à savoir :
l'influence sur les prix alimentaires ainsi que l'influence sur le niveau
général des prix.
a) L'influence sur les prix alimentaires
Dans la plupart des pays, l'Etat intervient dans la fixation
des prix des principaux produits agricoles et industriels. L'objectif poursuivi
est l'amélioration du bien-être des agents économiques. Il
est à noter que, dans certains pays, le niveau de vie des agriculteurs
est défendu non par la hausse des prix mais par l'octroi des subventions
de la part des pouvoirs publics pouvant revêtir des formes multiples.
L'avantage de ce mécanisme est de pouvoir permettre la
réduction des coûts de production et du même coup
l'augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs.
b) L'influence sur le niveau général des
prix
L'impôt indirect affectant la production influe de prime
à bord sur le niveau général des prix. Pour collecter les
recettes destinées à couvrir, les dépenses
gouvernementales, l'Etat se voit obligé de taxer le chiffre d'affaire
(taxe sur les transactions).Cette action gouvernementale n'est pas sans
influence sur le prix de vente de l'output.
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De plus, cette influence de l'Etat s'exerce par le truchement
de l'impôt précisément sur le bénéfice des
sociétés. Cet impôt au même titre que la taxe sur le
chiffre d'affaire se taille la part du lion dans les recettes de l'Etat.
Pour pallier à un déficit budgétaire
éventuel, la plupart des gouvernements ont tendance à revoir ces
impôts à la hausse. Ceci conduit à une diminution du revenu
disponible des citoyens. C'est pour cela que l'augmentation de ces taux
d'imposition ne devra pas dépasser les limites en vertu de la loi des
rendements fiscaux décroissants comme le montre la courbe d'Arthur
LAFFER qui conforte l'adage «les gros taux tuent les totaux»
[Nzirorera (1991)].
Toutefois, les ressources provenant de ces impôts (si
elles sont gérées
efficacement) sont indispensables dans l'accomplissement des
missions
régaliennes de l'Etat qui sont, d'après les
classiques :
- Assurer la sécurité ;
- Assurer la justice ;
- Assurer l'équipement en biens publics ;
- Assurer la défense nationale.
I.1.2.2.2. La part des entreprises dans
l'élévation du niveau des prix
Les entreprises agissent sur le niveau des prix en
déterminant le prix des produits industriels qui, hormis les coûts
de fabrication et de distribution, dépendent des rapports de forces
entre les producteurs et les consommateurs.
En cas de monopole, les producteurs ont, à des
degrés variés, une puissance économique supérieure
à celle des consommateurs. Ce qui fait que, pour la plupart des cas les
prix sont, soit « imposés», soit «conseillés»
par les fabricants aux détaillants.
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Les conséquences de cette situation de maîtrise
partielle des prix sont entre autres :
- La tendance de la part des entrepreneurs à freiner et
pourquoi pas à supprimer toute variation des prix dans le sens de la
baisse et n'admettre qu'une évolution des prix se situant entre la
stabilité et la hausse ; cela même en cas de conjoncture
économique favorable (baisse de coût de production, accroissement
de la productivité...).
- La tendance de la part des producteurs à incorporer
dans le prix de vente tous les facteurs de hausse alors que ceux-ci pouvaient
être l'objet d'une minimisation. C'est pour cette raison que, dans une
situation monopolistique, la hausse des salaires ne «dérange »
pas à condition que cette hausse de salaire soit prise en
considération dans la fixation du niveau des prix.
- Le souci de financer les équipements sur les
ressources propres de l'entreprise (autofinancement). C'est ainsi que la
recherche de réaliser des profits maxima sera mise en vigueur.
Généralement, quand bien même les pouvoirs
publics interviennent dans la fixation des prix des principaux biens et
services produits par les entreprises, la part de ces dernières restent
perceptible d'autant plus qu'elles se trouvent en amont du processus.
Toutefois, il est à reconnaître que même en
cas de monopole ou d'oligopole l'augmentation des prix connaît une limite
: à un certain niveau, la demande peut diminuer ou se déplacer
vers d'autres biens substituts ; ce qui fait que tout simplement, les
monopoleurs ou les oligopoleurs ne peuvent pas renchérir leurs biens
indéfiniment.
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I.1.2.2.3. Influence du reste du monde dans
l'évolution du niveau des prix
L'économie nationale n'est pas simplement soumise aux
conséquences des affrontements entre les groupes sociaux (les
entreprises, les salariés, les banques).
Plus l'économie s'ouvre sur l'extérieur, plus
elle est dépendante des relations de ces groupes avec ceux qui se
trouvent à l'extérieur de l'économie nationale.
Les stratégies des Etats développés ou en
voie de développement, celles des firmes multinationales vont influencer
la conjoncture et les affrontements internes d'une économie
nationale.
a) Les échanges commerciaux et
l'inflation
Aucune économie moderne ne peut vivre sans relations
avec l'extérieur. Elle ne peut produire tous les biens qui lui sont
indispensables ; elle doit aussi, pour acheter ce qu'elle ne produit pas,
vendre les biens qu'elle fabrique.
Normalement, ce sont les exportations qui représentent
un risque inflationniste important. Exporter, vendre à l'étranger
c'est satisfaire une demande extérieure au dépens de l'offre des
biens sur le marché national. De plus, lorsque l'exportation se produit
par un excédent commercial, le paiement se fait en monnaie
internationale qui, en se transformant en monnaie nationale augmente les
disponibilités monétaires sur le marché.
D'un certain point de vue, l'exportation a un rôle
multiplicateur identique à celui de l'investissement tant qu'il y a une
capacité de production inutilisée, le multiplicateur
accélère l'expansion ; au moment où la capacité de
production est totalement utilisée, il multiplie les prix.
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Par contre, les importations viennent accroître l'offre
nationale et jouent un effet de stabilisateur utilisé d'ailleurs,
quelquefois, pour enrayer une hausse des prix. C'est le cas des importations de
choc sur les produits agricoles qui visent à palier les mauvais
résultats d'une récolte ou les hausses des prix à la
consommation.
b) Les mouvements des capitaux et l'inflation
Les mouvements des capitaux accompagnent nécessairement
les échanges de biens : il faut payer les marchandises achetées,
recevoir le paiement de marchandises vendues.
D'autre part, des mouvements indépendants de capitaux
peuvent avoir lieu si des firmes investissent dans un pays autre que leur pays
d'origine ou si des capitaux cherchent des placements avantageux à court
ou à long terme.
S'il y avait une monnaie mondiale unique, les échanges
commerciaux et les transferts de capitaux ne poseraient pas de problèmes
différents de ceux qui existent à l'intérieur de
l'économie d'un pays. Seulement les monnaies sont essentiellement
nationales. Ce sont les Etats qui donnent à une monnaie sa valeur
libératoire. L'émission de monnaie dépend des besoins de
chaque économie nationale et le maintien de sa valeur dépend de
la capacité de cette économie à offrir sur le
marché des biens et des services à un prix constant.
Dans ces conditions pour régler les échanges
internationaux et transférer des revenus ou des capitaux d'un pays
à un autre, il suffit de choisir une monnaie reconnue par tous et ce qui
servira de monnaie internationale.
Lorsque la monnaie sert de monnaie internationale, il est
normal et même nécessaire que sa balance des paiements se traduise
par un solde déficitaire entraînant une sortie nette de sa
monnaie. S'il n'en allait pas ainsi, la monnaie de ce pays ne pourrait pas
circuler à l'extérieur de son espace national.
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L'Etat cherchant à financer ce déficit par la
création monétaire risque d'être frappé par
l'inflation au cas où la production n'a pas suivi. De plus, lorsqu' il
existe une masse de monnaie internationale excédant les besoins normaux
des échanges, on entre alors dans une période de suspicion
vis-à-vis de la devise clé et le moindre mouvement de fuite ou
d'engouement va donc être amplifié par le déplacement de la
trésorerie du pays. La spéculation prend ainsi une dimension
nouvelle.
Il importe de signaler que, dans un pays, la présence
d'une masse des capitaux flottants peut paralyser n'importe quelle politique
anti-inflationniste ou provoquer dans n'importe quel pays, l'inflation.
c) Les fluctuations du cours des changes et
l'inflation
Les échanges commerciaux sont accompagnés par
des mouvements des capitaux et l'ensemble nécessite une monnaie
internationale, de fait, la monnaie du pays dominant. Mais l'existence d'une
monnaie internationale suppose que chaque monnaie puisse être clairement
définie par rapport à elle.
La dévaluation ou la réévaluation sont
les décisions par lesquelles un Etat décide d'échanger sa
parité avec les autres monnaies. Naturellement, on peut profiter d'une
dévaluation pour acquérir une meilleure
compétitivité ou protéger son économie. De ce point
de vue, le maniement du taux de change peut être une arme nationale
redoutable.
En dehors des périodes de réévaluation ou
de dévaluation, la parité entre les monnaies demeure fixe. Bien
entendu, la dévaluation et la réévaluation aboutissent
à des réajustements assez brutaux qui comportent des risques
d'inflation.
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Dévaluer sa monnaie c'est accepter d'importer des
produits coûtant plus cher et de solder, en quelque sorte, ses
exportations. Pour qu'une telle mesure réussisse, il est
nécessaire d'imposer l'austérité à
l'intérieur car il faut se priver d'une grande partie des
résultats de son effort productif pour les vendre à
l'extérieur. Il faut éviter d'acheter à
l'extérieur. Si cette austérité ne réussit pas, la
dévaluation entraîne un accroissement des prix internes, par suite
de l'accroissement du prix des produits importés.
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