Conclusion
L'objectif de ce chapitre était de faire état
des contours méthodologiques et de présenter une analyse
statistique des données engrangées dans la phase de collecte
portant sur les effets de la certification forestière sur
l'efficacité sociale et les performances économiques des
entreprises. Pour ce qui est de la responsabilité sociale des
entreprises, une lecture approfondie des analyses faites sur la
sécurité sociale montre que chaque société peut
avoir son point d'impulsion vers la certification. En effet, E1 se serait
appuyée sur la sécurité au travail (où il y a plus
de rigueur), alors E2, se serait plutôt appuyée sur l'accès
aux besoins de première nécessité et à la
santé. Les données statistiques exhibent un changement
considérable du statut des populations riveraines et des employés
tant chez E1 que chez E2 comparativement à la période avant la
certification et aux pratiques observées dans l'entreprise non
certifiée. La certification constitue désormais, en plus de sa
fonction de signal une voie pour les populations et les employés dans la
défense de leurs intérêts. Elle incite les entreprises
à une responsabilité sociale. La certification est une
véritable culture d'entreprise qui fait des anciens « coupeurs
d'arbres » de nouveaux « gestionnaires ». Cette
observation corrobore l'hypothèse selon laquelle la certification
forestière améliore l'efficacité sociale des entreprises
au Cameroun.
Pour ce qui est de la performance économique, à
partir de quelques statistiques et d'informations récentes on peut,
dans une certaine mesure, dire que la certification forestière est un
instrument de management stratégique, qui, en différenciant les
produits, offre de nouvelles opportunités de marché et une prime
verte aux entreprises certifiées.
Chapitre VI :
évaluation de l'impact de la certification forestière sur le bien
être des employés du secteur au Cameroun
Introduction
Après avoir opéré un cadre
théorique qui justifie que la certification forestière (FSC) est
un instrument (performant) de bonnes pratiques de gestion forestière qui
garantit d'une part les intérêts socio-économiques des
populations et des employés (modèle d'agence) et d'autres part
ceux des entreprises (modèle S-C-P augmenté de la certification),
une analyse descriptive des données nous a permis de montrer une
amélioration de l'efficacité sociale et économique des
entreprises certifiées. Loin de se limiter à cette analyse
descriptive, une analyse économétrique pourrait certifier cette
amélioration à un degré de confiance très
élevé.
Dans ce chapitre, il sera question de procéder à
un test de significativité de l'impact de la certification
forestière sur l'efficacité socioéconomique des
entreprises du secteur au Cameroun. A partir des données que nous
disposons, nous ne pourrons tester que l'hypothèse 1 qui postule un
effet positif de la certification sur l'efficacité sociale interne des
entreprises. Typiquement, il s'agit d'effectuer une régression qui nous
permet de capter le gain social des employés des sociétés
certifiées et non certifiées, en prenant en compte plusieurs
autres facteurs ou variables. Ce gain social est représenté par
une variable dichotomique « niveau de bien être »,
qui peut être élevé ou faible.
Pour parvenir à cette évaluation, il conviendra
dans un premier temps d'opérer une spécification du modèle
économétrique à utiliser (SECTION I) et dans un second
temps, nous effectuerons une estimation qui débouchera sur l'analyse
proprement dite de l'impact de la certification forestière sur le niveau
de bien être des employés des entreprises du secteur (SECTION
II).
Section I :
Spécification du modèle économétrique
Le but de cette section est de définir de façon
précise les variables nécessaires qui peuvent donner une
explication économétrique du bien être des employés
du secteur forestier. Avant de passer en revue les variables pertinentes prises
en compte dans l'explication du bien être, nous présenterons tout
d'abord une brève revue théorique des modèles de variables
qualitatives.
I.1 : Revue théorique du modèle
Etant donné que dans cette étude, le niveau de
bien être que nous cherchons à expliquer ne peut prendre qu'un
certain nombre de modalités (élevé ou faible),
l'utilisation des méthodes classiques paraît inadéquate du
fait de la violation de certaines hypothèses, telle que la
continuité des observations, la normalité des erreurs,... Ainsi,
l'économétrie des variables qualitatives est plus adéquate
(I.1.1) car elle propose des modèles de régressions
appropriés (I.1.2).
I.1.1 : Point sur l'économétrie des
variables qualitatives
L'objet général de l'économétrie
tel que le définissait la société
d'économétrie de RAGNAR FRICSH était de favoriser les
travaux à caractères quantitatifs en utilisant les approches
quantitatives théoriques et empiriques des problèmes
économiques. Ceci demandait de s'inspirer d'un esprit méthodique
et rigoureux (GREENE, 2005). Dans les années 60 et 70, les bases de
données microéconomiques relatives à des
caractéristiques économiques d'agents individuels (firmes,
employés, consommateurs,...) qui ont pu être constituées
étaient beaucoup plus relatives à des caractères
qualitatifs comme par exemple le dernier diplôme obtenu, d'être
marié ou célibataire, la catégorie socioprofessionnelle,
le type d'études suivies, le fait de travailler ou au contraire
d'être au chômage, l'appartenance ou non à une
région, la détention ou non d'un brevet ou d'un certificat,... La
plupart de ces variables est à caractères dichotomiques (deux
modalités), trichotomiques (Trois modalités) et parfois
polytomiques (plusieurs modalités). Lorsqu'elles sont utilisées
pour expliquer des phénomènes quantitatifs, les méthodes
économétriques traditionnelles d'estimation restent valables. Par
contre, lorsqu' elles constituent les résultats socio-économiques
que l'on cherche à modéliser, le recours aux méthodes de
régression habituellement utilisées pose problèmes au
niveau de la validation des hypothèses. Des méthodes
spécifiques doivent être utilisées tenant compte par
exemple de l'absence de continuité des variables traitées ou de
l'absence d'ordre naturel entre les modalités que peut prendre le
caractère qualitatif (GOURIEROUX, 1989). Historiquement l'étude
des modèles décrivant les modalités prises par une ou
plusieurs variables qualitatives date des années 1940-1950. Les travaux
les plus marquants de cette époque sont sans contestation ceux de
BERKSON (1944, 1951) consacrés notamment aux modèles
dichotomiques simples (modèles LOGIT et PROBIT). Les premières
applications ont alors essentiellement été menées dans le
domaine de la biologie, de la sociologie et de la psychologie. Ainsi, ce n'est
finalement que récemment, que ces modèles ont été
utilisés pour décrire des données économiques avec
notamment les travaux de MacFADDEN (1974) et HECKMAN (1976).
Or, l'application des techniques économétriques
propres aux variables qualitatives à des problématiques
économiques a d'une part largement contribué à
améliorer l'interprétation des modèles simples (comme par
exemple le modèle LOGIT avec les travaux de MacFADDEN), et d'autre part
à identifier des problèmes économiques dont la structure,
si elle n'est pas qualitative au sens propre du terme, est
mathématiquement très proche (c'est par exemple le cas de la
consommation de bien durable avec le modèle de TOBIN, 1958). Ces
développements ont ainsi conduit à introduire un modèle
intermédiaire entre les modèles qualitatifs et le modèle
linéaire habituel (le modèle TOBIT).
La méthode économétrique conventionnelle
n'est possible qu'avec des variables quantitatives. De ce fait, la
faisabilité de l'économétrie des variables quantitatives
suppose une représentation quantitative des « réponses
qualitatives ». Il est question d'associer à un
caractère qualitatif une variable quantitative ou codage.
Considérons une variable qualitative y =
« catégorie socioprofessionnelle » pouvant prendre
six modalités :
« manoeuvre », « ouvrier »,
« ouvrier qualifié », « agent de
maitrise » ; « cadre », « cadre
supérieur ». Plusieurs choix sont possibles pour coder cette
variable qualitative. La première consiste tout simplement à
associer des lettres à une variable quantitative x pouvant prendre six
valeurs réelles distinctes (i, j, k, l, m, n) suivant les
modalités de y. La connaissance de la valeur prise par la variable x
permet alors de connaître la modalité de la variable y et
inversement. Le choix de sextuplé de valeurs (i, j, k, l, m, n) est
alors à priori non contraint : on peut par exemple prendre (0, 1, 2, 3,
4, 5) ou (5, 8, 9, 12, 15, 17) en référence à la
catégorie socioprofessionnelle. Ainsi, on définit par exemple la
variable x de la façon suivante :
Cependant, ces réponses qualitatives auraient pu
être codées autrement à partir des variables dummy ou
muettes. Ce type de codage éclate notre variable catégorie
socioprofessionnelle en composantes binaires. On peut avoir :
L'intérêt principal de cette
représentation quantitative est de pouvoir se ramener à des lois
discrètes dans R ou Rn. Ainsi, si l'on considère
l'exemple précédent la loi de w est une loi multinomiale M (1;
p1, ..., pi, .., pk) où pi désigne la probabilité que la
ième modalité de la variable y se réalise. De
la même façon, la variable w1 suit une loi de Bernoulli B (1, p1).
Il faut toutefois utiliser avec prudence la loi d'une telle
représentation : elle est en effet, par nature, conditionnelle au codage
choisi. Les seules caractéristiques véritablement liées
à la variable qualitative sont celles qui ne dépendent pas de la
représentation choisie, et ne sont autres que les probabilités
p1,..., pK. Ainsi, les moments (moyenne, variance etc..) de la variable
codée ont en général peu de sens. Dans l'exemple
précédent, l'espérance de la variable codée X n'a
pas de signification particulière. En revanche, l'espérance des
variables dummies Wi permet de retrouver les probabilités pi. De plus,
le calcul d'un coefficient de corrélation entre deux variables
codées X et w dépend naturellement des codages retenus, et ne
peut donc être interprété économiquement. En
revanche, la notion d'indépendance entre deux variables codée
reste indépendante du codage retenu.
Dans le prochain paragraphe, nous nous intéresserons au
modèle le plus simple, à savoir le modèle dichotomique,
dans lequel la variable expliquée du modèle ne peut prendre que
deux modalités.
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