II.2 : certification forestière : un outil
d'organisation industrielle et de performance
Dans l'approche traditionnelle du comportement des firmes en
général et de celle du secteur forestier en particulier, il a
toujours été difficile de poursuivre simultanément les
objectifs de compétitivité économique et d'efficience
sociale ; le premier ayant toujours dominé le second. Dans la
sous-section précédente, nous avons élaboré les
relations théoriques entre la certification et l'efficacité(ou la
responsabilité) sociale des entreprises forestières
certifiées. Dans cette section, nous élaborerons les liens entre
certification et performances financières des entreprises
engagées dans le processus tout en présentant la certification
comme un instrument qui permet de concilier performance financière et
valeurs sociales. Le paradigme S-C-P (Structure-Comportement-Performance)
(II.2.1) constitue un cadre pertinent pour comprendre cette logique de
compatibilité que suscite la certification. Pour parvenir à ces
relations, il convient de construire un modèle S-C-P augmenté de
la certification ou de la normalisation (II.2.2)
II.2.1 : paradigme S-C-P traditionnel
L'analyse du fonctionnement du marché de bois et des
produits forestiers en général, suivant la triptyque S-C-P
nécessite un certains nombre d'éléments fondamentaux tels
que les conditions de base (soit l'environnement physique, légal et
économique dans lequel le marché fonctionne), les variables de
structure du marché (nombre de vendeurs et d'acheteurs, les
différentes destinations du bois tropical, la différentiation du
produit bois qui marque une distinction entre le bois légal et le bois
illégal, les barrières à l'entrée, la structure des
coûts...), de comportement stratégique des gestionnaires
forestiers, et les variables d'efficience.
Généralement, la structure du marché
influence la nature de la compétition et la formation du prix à
l'intérieur du marché; le comportement du marché se trouve
dans les modèles de comportement utilisés par les entreprises
afin de s'adapter au marché. Le paradigme Structures - Comportement -
Performances a fait l'objet d'une controverse articulée autour de deux
courants de la pensée économique.
· D'une part, le "courant structuraliste",
construit par MASON et J. BAIN. MASON postule, à la fin des
années 30, que les structures de marché déterminent le
comportement des firmes et J. BAIN quand à lui, explique que, dans tous
les secteurs, (y compris le secteur forestier), ce sont les conditions de
concurrence, analysées à partir des barrières à
l'entrée des secteurs qui expliquent le comportement des firmes qui
à leur tour, expliquent les performances. Plus tard, MASON formule
l'hypothèse centrale du modèle. Pour lui, les performances des
firmes sont le résultat d'une chaîne causale univoque partant des
structures pour arriver aux performances par l'intermédiaire des
comportements suivant le chaîne StructuresComportementPerformance. La
performance est ainsi le résultat économique de la structure et
du comportement de l'entreprise (GOOSSENS, 1994; LUTZ, 1994). La performance
réalisée par les gestionnaires forestiers d'après ce
courant structurel, relève de la structure de l'industrie
forestière et de leur comportement.
· D'autre part, le "courant comportementaliste"
ou les behavioristes présenté par F. Scherer, D.
HAY, D. MORRIS, W. ADAMS, J. B. DIRLAM qui, ne mettant pas en cause l'effet des
structures sur les performances, préfèrent insister davantage sur
l'effet des choix stratégiques sur la détermination des niveaux
de performances et sur les possibilités de modification des structures
de l'industrie.
Ce second courant s'est construit sous la base des critiques
faites au premier, Notamment, l'univocité de la relation causale
Structure-Comportement-Performance (relation unidirectionnelle et
déterministe). Selon la Nouvelle Economie Industrielle (TIROLE, 1993),
la Structure n'est plus une donnée, ce sont les stratégies
(Comportement) de firmes rationnelles qui "construisent" les structures de
marché. Suivant cette école, les entreprises du secteur forestier
et celles des autres secteurs, dans leur comportement stratégique,
cherchent à modifier les structures de marché (exclusion des
firmes rivales, dissuasion à l'entrée, etc.) pour acquérir
un pouvoir de marché plus accru. L'école de Chicago (DEMSETZ,
1973) estime pour sa part que la relation entre structure et performance doit
être inversée. Grâce à un comportement plus
efficient, certaines firmes obtiennent des meilleures performances et croissent
au détriment de leurs concurrents ayant fait des choix technologiques,
managériaux, ou encore organisationnels, moins pertinents. Une
sélection naturelle élimine donc les firmes les moins efficaces
et concoure à un mouvement de concentration du secteur. Il convient donc
d'accepter une relation à double sens liant la structure, le
comportement et la performance (SCHERER, 1951) suivant la figure
2.3
Fig. 2.3 :°
« structure-comportement-performance »
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Source : SCHERER F.M., ROSS D. (1990)
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Le secteur forestier constitue un exemple type de
marché imparfait et déséquilibré. Il est difficile
d'établir des liens entre les éléments de la structure, du
comportement et de la performance suivant l'optique traditionnelle pour
plusieurs raisons dont :
- non seulement, l'incertitude et l'imperfection de
l'information n'ont pas été prises en compte, le modèle
étant d'une inspiration néoclassique et donc basé sur
certaines hypothèses de concurrence parfaite ;
- mais aussi, l'incidence de la performance (efficacité
supérieure) sur la structure de marché suivant le second courant
est traduite par la concentration des entreprises. Pourtant, l'attribution des
concessions est faite par les pouvoirs publiques qui, copropriétaires
des forêts (avec les populations locales), restent hostiles aux
politiques et pratiques anticoncurrentielles.
La certification forestière vient lever cette
équivoque. Elle constitue désormais telle que
démontré dans la sous-section précédente un outil
d'information, de perfection de marché, et surtout un instrument
d'organisation industrielle génératrice d'une plus grande
performance pour les entreprises du secteur.
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